M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli.
M. Hugues Portelli. Ma question s'adresse à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.
Monsieur le ministre, si le droit de grève est un droit constitutionnellement garanti, le principe de continuité du service public l'est tout autant. Or il apparaît évident, lorsque l'on considère les mouvements qui ont pénalisé pendant plus de dix jours les 450 000 usagers de la ligne D du RER et les 250 000 voyageurs de la ligne B, que la continuité du service public n'est pas la priorité de certains syndicats.
Pourtant, comment comprendre la prise en otages des usagers, qui paient des impôts pour financer la retraite de cette catégorie très particulière d'agents publics, qui cessent de travailler à cinquante ou cinquante-cinq ans après vingt-cinq ans de service ? (Protestations sur les travées du groupe CRC. - Applaudissements sur les travées de l'UMP.) C'est à 2,515 milliards d'euros en 2005, soit 54, 6% du montant total des charges du régime et 2,641 milliards d'euros dans le budget pour 2006 que nous venons de voter, que s'élève la contribution financière de l'État, et donc des contribuables.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et la retraite des professeurs de droit devenus sénateurs ?
M. Hugues Portelli. Comment comprendre cet énième mouvement que le directeur du Transilien estimait incompréhensible dans la mesure où, sur la ligne D, onze conducteurs supplémentaires avaient été embauchés pour faire face à la hausse du trafic du fait du passage au service d'hiver ?
Comment accepter que, en dehors des mouvements sociaux déclarés, les usagers se plaignent quotidiennement de trains supprimés, de gares oubliées, d'une vétusté et d'une saleté inacceptables ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et, bien sûr, c'est la faute des cheminots !
M. Hugues Portelli. Doit-on définitivement admettre que l'Île-de-France soit un secteur sinistré sur le plan ferroviaire, du fait de la saturation de lignes construites au début du siècle ?
Ne peut-on craindre qu'après le désengagement de l'État et de la SNCF en matière d'achat du matériel roulant, le syndicat des transports parisiens et de la région d'Île-de-France, le STIF, aujourd'hui compétent, n'ait pas la volonté de commander suffisamment de nouveaux trains, qui, rappelons-le, n'arriveront pas avant trois ans ?
Nous devons saluer la fermeté inhabituelle de la direction, comme la solidarité du service public. Mais la mise à disposition de bus par la RATP n'a pas pu empêcher les usagers d'arriver en retard à leur travail. D'ailleurs, comment seront-ils indemnisés ?
Dans cette affaire, le comportement de certains syndicats a été inadmissible. Le refus de SUD et de Force ouvrière de la moindre avancée après soixante heures de négociation - ce radicalisme syndical sur fond d'élections en mars rappelle la surenchère, les 22 et 23 novembre dernier, précédente de la CFDT... de la CGT veux-je dire... j'aime bien la CFDT - suscite des interrogations sur les méthodes de ces organisations.
Ces mouvements sociaux seraient certainement moins fréquents si la grève était décidée non pas à main levée, mais de manière démocratique, par un vote à bulletin secret ou par correspondance, et si la présence des délégués syndicaux dans les bureaux de vote était interdite. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
M. Roland Muzeau. C'est la république des colonels que vous voulez !
M. Hugues Portelli. Ne doit-on pas, enfin, définir clairement ce que l'on entend par service minimum, notamment aux heures où les usagers se rendent au travail ou en reviennent ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le vote au Sénat par bulletin secret !
M. Charles Pasqua. Laissez l'orateur s'exprimer !
M. Hugues Portelli. Et ne faut-il pas que le législateur tranche une fois pour toutes sur ce sujet, puisque notre Constitution dispose depuis 1946 que « le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent » ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer. Monsieur le sénateur, ô combien je comprends l'agacement, l'énervement, la colère des usagers (Applaudissements sur les mêmes travées. - Exclamations sur les travées du groupe CRC) qui, dans l'Essonne et au nord de la région parisienne, ont eu à souffrir du fait que, dans cette entreprise, certains ont tendance à considérer que la résolution des problèmes, quels qu'ils soient, passe nécessairement par le recours à la grève, de préférence au dialogue social.
C'est la raison pour laquelle, dès le début de cette grève, j'ai dit qu'elle était disproportionnée au regard des enjeux et du motif de la divergence entre certaines organisations syndicales et la direction.
Cela doit nous conduire à réfléchir sur une question tout à fait concrète : comment améliorer le dialogue social dans les grandes entreprises de service public ? Comme j'ai eu l'occasion de le dire avant-hier à l'Assemblée nationale, il n'est pas possible de se satisfaire de la manière dont les choses se passent le plus souvent, et cela pour une raison toute simple : la relation de confiance entre les usagers et ces entreprises risque de se dégrader profondément.
Bien entendu, nous avons pris un certain nombre de décisions qui s'imposaient dans l'immédiat.
Premièrement, j'ai demandé à la SNCF d'assurer un minimum de service, comme vous l'avez rappelé, monsieur Portelli ; mille autobus ont été loués par l'entreprise pour suppléer au service défaillant, en particulier sur la ligne B du RER.
Deuxièmement, j'ai également demandé très clairement à la SNCF, au nom du Premier ministre, de prévoir une indemnisation des usagers qui n'ont pas bénéficié du service pour lequel ils ont payé une carte d'abonnement au titre du mois de janvier. La SNCF a annoncé publiquement ce matin même que cela sera fait.
Mais il nous faut évidemment aller plus loin.
Tout d'abord, comme l'ont dit d'ailleurs plusieurs dirigeants syndicaux, sur une affaire comme celle qui était en jeu, c'est-à-dire l'organisation du travail au fil de la semaine, dans des périodes de pointe où il est nécessaire d'ajouter des trains supplémentaires, nous devons instaurer des dispositifs de négociation qui permettent de discuter et de trouver des solutions sans déclencher une grève qui pénalise 700 000 personnes ! C'est une évidence ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Ensuite, à l'instar des régions d'Ile-de-France et Alsace qui ont su passer des accords avec la SNCF sur le service garanti, je souhaite que l'ensemble du territoire national puisse disposer d'un système identique. J'ai donc demandé à la SNCF de le proposer à tous les conseils régionaux.
J'ai écrit également écrit à l'ensemble des autorités organisatrices de transports urbains pour leur demander de faire de même, si possible de manière contractuelle - car c'est la meilleure démarche à mes yeux -, pour avoir un service garanti partout et en toutes circonstances.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je suis bien d'accord !
M. Dominique Perben, ministre. Cela me paraît indispensable ! Sinon, c'est la notion même de service public qui sera remise en cause dans l'esprit de nos concitoyens, et ce ne sera un bien pour personne ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Zones d'éducation prioritaires (zep)
M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin.
M. Joël Bourdin. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Les événements dramatiques qui se sont produits dans nos banlieues, voilà quelques semaines, illustrent à l'évidence un déchirement de notre tissu social. S'il a des causes multiples, il soulève également la question de l'efficacité du système éducatif.
Il y a quelques années, en 1981, pour réparer les inégalités qui pouvaient être décelées ici et là, des zones d'éducation prioritaires ont été crées. Depuis, ces zones se sont étendues, multipliées, et désormais il en existe un très grand nombre.
Mais l'évolution de leur nombre et de leur répartition est assez étonnante, car elles ne sont pas toujours là où on pouvait l'imaginer. Et puis l'évaluation de leur efficacité ne semble pas avoir été toujours effectuée. Or on s'est aperçu que, dans nos grandes banlieues, des enfants, des adolescents allaient peu au collège, ou carrément n'y allaient pas du tout, et, lorsque l'on se penche sur leur sort, on constate qu'ils parlent mal, écrivent mal, ne maîtrisent pas ce qu'on est censé savoir quand on entre au collège.
Il faut s'interroger sur l'efficacité des zones d'éducation prioritaires.
L'école de la République doit ménager l'égalité des chances à tous les enfants et pratiquer la discrimination positive, en mettant plus de moyens ici, un peu moins là, car, s'il en faut plus ici, c'est que la matière est plus difficile et que les conditions sociales et économiques sont beaucoup plus dures.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est laborieux ! Quelle est la question ?
M. Robert Hue. Il faut l'écrire !
M. Joël Bourdin. Monsieur le ministre, des moyens ont été mis dans les ZEP, des moyens en personnels d'éducation, en personnels d'encadrement, mais est-ce que les méthodes pédagogiques ont été modifiées ?
Mme Nicole Bricq. Bien sûr que oui !
M. Joël Bourdin. Est-ce que les modes d'affectation des enseignants dans ces collèges ont été revus ?
Je me souviens que nous avons eu plusieurs débats dans cette assemblée et que nous disions, à peu près majoritairement, peut-être même à l'unanimité, que les professeurs des collèges, des écoles en zone prioritaire devaient être chevronnés, devaient avoir des barèmes de promotion revus, etc.
M. Robert Hue et Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Une ZEP au Sénat !
M. Joël Bourdin. Tout cela ne semble pas avoir été fait.
Mme Hélène Luc. La question, monsieur Bourdin !
M. Joël Bourdin. Monsieur le ministre, pour remédier à cela, vous avez annoncé cette semaine la création des collèges « ambition réussite ». Pouvez-vous nous donner quelques éléments supplémentaires sur ce projet ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. A refaire ! Cinq sur vingt !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur Bourdin, où en serions-nous sans l'éducation prioritaire !
Mme Nicole Bricq. Quand même !
M. Gilles de Robien, ministre. Pour autant, chacun le sait, la situation d'aujourd'hui ne peut pas durer, probablement parce que l'éducation prioritaire a été peu ou mal pilotée et que les moyens, malgré le grand dévouement des enseignants et des équipes pédagogiques, se sont dilués, ce qui fait que les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Voilà !
M. Gilles de Robien, ministre. Pour ma part, je veux redonner aux jeunes de ces quartiers et de l'ambition et les mêmes chances de réussite qu'aux autres. Ils y ont droit !
M. Jacques Mahéas. Vous avez supprimé les emplois-jeunes !
M. Gilles de Robien, ministre. A cet effet, dans les toutes prochaines semaines, je compte labelliser deux cents à deux cent cinquante collèges, où les difficultés sociales sont particulièrement aiguës et les échecs scolaires, particulièrement nombreux.
Permettez-moi de répondre très simplement à deux interrogations qui sont répétées depuis des mois.
Tout d'abord, comment renforcer les équipes éducatives ?
Mme Nicole Bricq. Avec quel argent ?
M. Gilles de Robien, ministre. Souvent jeunes, tout juste sortis des IUFM, possédant peu d'expérience, mais beaucoup de générosité, ces enseignants ont besoin d'être épaulés ; ils nous le disent.
J'entends affecter dans les ZEP mille enseignants expérimentés qui, grâce à des évolutions de carrière plus rapides, seront vraiment tentés de revenir en éducation prioritaire.
Seconde interrogation : comment aider les jeunes des milieux sociaux défavorisés à apprendre leurs leçons ou à faire leurs devoirs le soir, alors qu'ils ne disposent parfois même pas d'un coin de table et ne peuvent guère compter sur leurs parents, qui, malgré toute leur bonne volonté, ne savent généralement pas leur faire réciter leurs leçons, ne peuvent pas les guider dans leur travail ?
Grâce à 3 000 assistants pédagogiques, il sera désormais possible de rendre obligatoires des études surveillées et accompagnées qui permettront ces répétitions indispensables. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Enfin, lors de la conférence des présidents d'université, ce matin, j'ai demandé, avec François Goulard, que 100 000 étudiants viennent assurer un tutorat auprès de 100 000 jeunes dans ces quartiers, afin de leur donner de l'ambition ou même simplement l'idée qu'ils ont droit à la réussite, comme les autres, et donc à l'accès à l'enseignement supérieur.
Monsieur le sénateur, je piloterai moi-même la mise en place du dispositif. Une évaluation annuelle aura lieu, dont je vous ferai part. En outre, chaque collège « ambition réussite » sera suivi par un inspecteur général. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
Rôle des départements dans la suspension des allocations familiales
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Ma question concerne le contrat de responsabilité parentale et, en particulier, les mesures connexes que vous avez annoncées, monsieur le Premier ministre, lors de votre conférence de presse du jeudi 1er décembre 2005.
Le contrat de responsabilité parentale s'appliquerait dans le cas de situation d'absentéisme à l'école, du fait d'une présence tardive et sans surveillance dans les espaces publics, ou en cas de comportement déviant en milieu scolaire.
Nul ne nie le phénomène en question. Selon une étude de l'éducation nationale datant de 2004, l'absentéisme atteignait 10,7 % chez les lycéens professionnels hors ZEP et 12,1 % en ZEP. La lutte contre l'inassiduité à l'école doit donc être une priorité pour les zones défavorisées.
Toutefois, les mesures que vous avez préconisées en cas d'échec sont inacceptables pour nous, comme pour l'ensemble des acteurs concernés, c'est-à-dire l'éducation nationale, les conseillers généraux, voire les travailleurs sociaux.
Comme vous le savez, depuis la loi du 3 janvier 2004 relative à l'accueil et à la protection de l'enfance, il n'est plus possible de porter atteinte aux allocations familiales, sauf s'il s'agit de familles de mineurs délinquants.
Dès lors, monsieur le Premier ministre, faut-il confondre mineurs délinquants et enfants ou adolescents en situation d'échec scolaire ? Faut-il penser que la délinquance est systématiquement la conséquence de l'échec scolaire ? Une telle assimilation va au-delà de ce qui est admissible au regard de l'éthique, voire sur le plan légal.
Faut-il, par ailleurs, laisser s'aggraver la situation de familles défavorisées en les pénalisant financièrement ? L'abbé Pierre ne nous dit-il pas que la France compte déjà aujourd'hui un million d'enfants pauvres ?
Faut-il penser que vous avez trouvé les moyens de différencier et de sanctionner les comportements à l'école et que vous souhaitez vous substituer au monde enseignant, dont le rôle éducatif est primordial ?
Enfin, voulez-vous transformer en auxiliaires de justice les responsables du monde éducatif et de la protection de l'enfance que sont les chefs d'établissement et les conseils généraux ? Il est peu probable qu'ils y consentent.
Pensez-vous que réagir par des effets d'annonce, comme vous le faites à travers cette mesure - prise sans concertation avec l'ensemble des acteurs du terrain -, constitue la meilleure réponse aux incidents sociaux qui se sont produits sur la scène publique française le mois dernier ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur Cazeau, si vous êtes contre le contrat de responsabilité parentale, il faut le dire !
M. Alain Gournac. Mais oui, c'est cela !
M. Philippe Bas, ministre délégué. J'observe que vous ne le dites pas, car, effectivement, vous n'assumez pas le fait d'être contre cette nouvelle aide aux familles et aux enfants en difficulté. (M. Jacques Mahéas s'exclame.) Alors, vous vous attaquez aux procédures et aux modalités. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Bel et Mme Nicole Bricq. Pas du tout !
M. Yannick Bodin. Ce n'est pas la question !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Permettez-moi de vous rappeler ce qu'est le contrat de responsabilité parentale.
Il y a des enfants de dix ou douze ans qui gâchent leurs chances d'avenir en « séchant » les cours, qui sont laissés dehors la nuit, livrés à eux-mêmes et à toutes les mauvaises influences.
M. Robert Hue. Oh là là !
M. Simon Sutour. On voit même Sarkozy dans les rues !
Mme Adeline Gousseau. Et voilà !
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Eh bien, le Gouvernement, sur l'initiative du Premier ministre, Dominique de Villepin, a prévu de proposer à la représentation nationale un contrat qui est destiné d'abord à aider les parents à reprendre la main et à jouer pleinement leur rôle. (Mme Catherine Tasca s'exclame.)
Et ce rôle, les parents vont pouvoir le jouer grâce à l'aide des services de l'aide sociale à l'enfance.
M. Jacques Mahéas. Et donc des départements !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Monsieur Cazeau, vous qui êtes président de conseil général, vous le savez mieux que quiconque : qui, mieux que les services de l'aide sociale à l'enfance - avec un effectif de 150 000 personnes, des moyens s'élevant à 5 milliards d'euros par an, soit le premier poste budgétaire des départements -, pourrait aider les parents et les enfants pour rétablir l'exercice de la fonction parentale ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. Absolument !
M. Jean-François Picheral. C'est vrai ! Et le conseil général, lui, il va payer !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Mais il est vrai que, dans le cas où les parents feraient preuve de mauvaise volonté et où, après plusieurs semaines d'efforts pour les amener à mieux exercer leur rôle, ils refuseraient de le faire, une disposition, qui s'ajoute à la mise sous tutelle ou à l'amende prononcées par le juge, prévoit la possibilité non pas de la suppression, mais de la suspension temporaire des allocations familiales (Très bien ! sur les travées de l'UMP) avec versement sur un compte bloqué.
M. Jean-Pierre Sueur. Comment les enfants mangeront-ils à la cantine ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. Ce blocage du compte sera levé quand les parents auront enfin accepté de jouer pleinement leur rôle.
Mais, bien entendu, cette disposition ne sera appliquée que sur l'initiative de ceux qui sont les protecteurs naturels des enfants et de leurs parents, c'est-à-dire les intervenants de l'aide sociale à l'enfance, et seulement, je le répète, pour les parents de mauvaise volonté. (Hourvari.)
Tel est, monsieur le sénateur, l'objet de cette disposition et il ne s'agit de rien d'autre. Mais si vous préférez qu'on ne fasse rien, comme vous-même et vos amis voilà quelques années, il faut le dire ! (Applaudissements prolongés sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
COMMUNICATION relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2006 est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
6
CANDIDATURES À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président. J'informe le Sénat que la commission des lois m'a fait connaître qu'elle a d'ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu'elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme actuellement en cours d'examen.
Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.
7
Lutte contre le terrorisme
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers.
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l'examen des amendements portant sur l'article 5 et faisant l'objet d'une discussion commune.
Article 5 (suite)
M. le président. Les amendements déposés sur cet article ont été défendus, et la commission s'est déjà exprimée à leur sujet.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. L'amendement n° 69, présenté par le groupe communiste républicain et citoyen, vise à la suppression de l'article 5. Or mieux vaut prévenir que guérir. Veut-on continuer d'avoir un temps de retard ? Le choix du Gouvernement est clair : il préfère anticiper plutôt que subir. Il émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Les amendements nos 12, 13 et 14 ont été défendus par le rapporteur, M. Courtois. Le premier a pour objet de revenir à la rédaction initiale ; le deuxième tient compte des recommandations de la CNIL pour renforcer les dispositions du projet de loi ; le troisième est rédactionnel. Le Gouvernement est favorable à ces trois amendements.
Je m'attarderai un peu plus longuement sur les amendements nos 40, présenté par Mme Boumediene-Thiery, et 90, défendu par M. Sueur.
Je sais, monsieur Sueur, madame Boumediene-Thiery, que vous êtes, tout comme nous, attachés au rôle de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, la CNCIS. Il est donc nécessaire que vous disposiez de l'ensemble des éléments qui ont été pris en compte dans la rédaction de ce texte.
Le Gouvernement ne peut pas être favorable à un amendement ayant pour objet de supprimer la procédure équilibrée qui permettra d'encadrer avec toutes les garanties utiles les demandes de transmission par les opérateurs des données techniques de connexion.
Je voudrais commencer par rappeler de quoi il est question : il s'agit non pas d'intercepter des contenus, mais d'être informé sur des données techniques : numéros d'abonnement, connexions à des services de communication électronique, localisation des équipements terminaux utilisés. Nous ne sommes donc pas dans le même régime que celui des interceptions de sécurité parce que nous ne sommes pas dans le même champ de données.
La procédure que nous proposons est équilibrée, à la fois réactive et suffisamment encadrée pour garantir qu'il en sera fait un usage respectueux des libertés.
Je rappellerai également que les demandes des agents sont centralisées et soumises à la décision d'une personnalité qualifiée, placée hors hiérarchie et nommée par la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, après avis du ministre de l'intérieur.
M. Jean-Pierre Sueur. Non pas après avis : sur proposition du ministre de l'intérieur ! Pourquoi ne dites-vous pas ce qui est dans votre texte ?
M. le président. Monsieur Sueur, je vous en prie ! Monsieur le ministre, veuillez poursuivre.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur Sueur, vous vous permettez souvent d'interrompre les orateurs, quels qu'ils soient : commission des lois, Gouvernement...
M. Jean-Pierre Sueur. Je dis la vérité !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Non !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. C'est dommage, car cette assemblée mérite que chacun de ses membres fasse preuve d'une grande sérénité et d'une grande sagesse.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et qu'il en soit fait autant à l'égard de chacun de ses membres !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. J'aurai l'occasion, à propos de l'amendement n° 54 rectifié ter, de préciser les conditions de cette nomination. Soyez attentif jusqu'au bout, monsieur Sueur, tranquillement, sereinement !
Les demandes font l'objet d'une parfaite traçabilité puisqu'elles sont toutes motivées, enregistrées et communiquées à la CNCIS, qui est en outre destinataire d'un rapport annuel élaboré par la personnalité qualifiée. La Commission nationale peut à tout moment procéder à des contrôles et demander des explications au ministre de l'intérieur. La procédure de suivi des demandes et les conditions et durées de conservation des données feront en outre l'objet d'un décret en Conseil d'État, pris après avis de la CNCIS et de la CNIL.
Ces nombreuses et fortes garanties rendent votre amendement, madame Boumediene-Thiery, inopportun. Voilà pourquoi nous y sommes défavorables.
Quant à l'amendement que vous avez déposé, monsieur Sueur, j'ai l'impression qu'il procède d'un malentendu, que je vais m'efforcer de lever.
Pour renforcer le rôle de la CNCIS, vous souhaitez supprimer la personnalité qualifiée, qui, pour être placée auprès du ministre de l'intérieur et proposée par lui, n'en est pas moins nommée par la CNCIS et rend compte à celle-ci. En d'autres termes, dans les conditions actuelles de sa nomination et de son contrôle, la personnalité qualifiée travaillera en parfaite articulation avec la Commission, et sa suppression n'apporterait aucune garantie supplémentaire. Au contraire, elle affaiblirait beaucoup l'efficacité du dispositif.
La personnalité qualifiée et ses suppléants pourront en réalité travailler de manière extrêmement réactive, vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, pour centraliser les demandes des agents de police antiterroriste. Nous ne devons pas nous priver de cette souplesse et de cette réactivité au moment où, précisément, nous créons cette procédure pour garder un temps d'avance par rapport aux terroristes.
Nous sommes donc défavorables à ces deux amendements.
Madame Malovry, vous avez présenté l'amendement n° 54 rectifié ter, cosigné par M. Türk. Nous sommes très favorables au renforcement que vous proposez de l'indépendance de la personnalité qualifiée nommée par la CNCIS. Celle-ci pourra faire un choix parmi les trois noms proposés par le ministre de l'intérieur.
M. Jean-Pierre Sueur. Donc, de fait, c'est lui qui choisira !
M. Jean-Pierre Sueur. Non !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. C'est la CNCIS qui choisira parmi trois personnalités, et si l'une d'entre elles ne lui convient pas, elle aura tout loisir de la récuser. C'est donc bien à elle qu'appartient le choix !
Nous ne voyons que des avantages, madame la sénatrice, à consolider les garanties d'indépendance de la personnalité ainsi désignée pour centraliser les demandes des agents et en rendre compte à la CNCIS.
En revanche, madame Malovry, je pense que les co-auteurs de l'amendement n° 55 rectifié bis et vous-même serez d'accord avec le Gouvernement pour considérer qu'il convient de ne pas le maintenir, de manière à conserver l'équilibre propre à l'article 5.
En effet, nous ne sommes pas ici dans le champ de la loi de 1978 : le projet de loi ne prévoit qu'une simple communication des données de connexion, et non la mise en oeuvre d'un traitement automatisé des données. La procédure qui est proposée, faisant intervenir une personnalité qualifiée et la CNCIS se suffit à elle-même. Je ne suis pas sûr, par conséquent, que la CNIL puisse être utilement destinataire du rapport que la personnalité qualifiée remet à la CNCIS.
La CNIL n'est pas, pour autant, totalement absente de ce dispositif puisque nous avons prévu, alors même que la loi de 1978 ne l'imposait pas, que la procédure de suivi des demandes et les conditions et durée de conservation des données feraient l'objet d'un décret en Conseil d'État, pris après avis de la CNCIS et de la CNIL.
Enfin, l'amendement n° 15, présenté par M. Courtois, est un amendement de cohérence auquel le Gouvernement est bien évidemment favorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 90.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, la question dont nous débattons en ce moment est d'une grande gravité puisqu'il s'agit du droit, pour une instance, de procéder à toute interception de données qui concernent la vie personnelle de chacun, c'est-à-dire concrètement : « À qui avez-vous téléphoné ou envoyé un message électronique, d'où, quel jour, à quelle heure... ? » Chacun comprendra que ce type de données revêt un caractère éminemment sensible au regard des libertés.
Nous sommes bien d'accord pour estimer que, dans des circonstances spécifiques et pour le seul objet de la lutte contre le terrorisme, il peut être fondé de procéder à de telles interceptions. Encore faut-il déterminer que nous sommes bien dans cet état de fait !
Je me suis en effet permis tout à l'heure, monsieur le ministre, de vous interrompre. Mais vous pourrez consulter, et chacun pourra le faire également, le compte rendu intégral de vos propos, qui figureront au Journal officiel.
J'ai tout de même été choqué de vous entendre dire que la personnalité qualifiée en question était désignée par la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité sur avis du ministre de l'intérieur.
M. Jean-Pierre Sueur. Vous avez dit « avis » !
J'ai réagi parce que ce que vous avez dit était faux et contraire à la lettre du texte que vous avez la charge de présenter et de défendre.
Je le répète, la personnalité qualifiée n'est pas désignée sur avis du ministre de l'intérieur, mais sur proposition de ce dernier. Or cela est grave, et je vais vous dire pourquoi.
Pour traiter un sujet aussi sensible - les interceptions de communications, les écoutes téléphoniques, etc. -, notre République a estimé devoir mettre en place une Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité dont l'objet est de statuer sur ces questions.
J'ai dit tout à l'heure que cette commission avait garanti qu'elle pouvait statuer dans l'heure qui suit sa saisine par l'autorité ministérielle ou administrative.
Vous nous avez expliqué, monsieur le ministre, qu'il ne fallait pas que cette commission soit compétente. Je vous ai demandé pourquoi, et je vous le redemande puisque vous n'avez pas fourni le début du commencement d'une réponse.
Rappelons, monsieur le ministre, comment la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité est composée. Elle est présidée par une personnalité désignée, pour une durée de six ans, par le Président de la République, sur une liste de quatre noms établie conjointement par le vice-président du Conseil d'Etat et le premier président de la Cour de cassation.
Cette commission comprend par ailleurs un sénateur et un député, et elle est assistée de deux magistrats de l'ordre judiciaire.
M. Paul Girod. C'est bien !
M. Jean-Pierre Sueur. Je partage votre sentiment, monsieur Girod : c'est bien.
Qu'est-ce qui explique que cette commission ne soit soudain plus compétente, mes chers collègues, et qu'il faille lui substituer une personnalité qualifiée ? Bien sûr, on recourt à des artifices !
Vous nous dites, monsieur le rapporteur, que la « personnalité qualifiée » sera de nature à garantir les libertés publiques. Mais enfin, dans quelle République sommes-nous ? Pensez-vous vraiment que de telles affaires doivent être confiées à une personnalité plutôt qu'à une commission composée de magistrats et de parlementaires, et alors même que celle-ci a précisément pour mission de traiter ces affaires ?
Regardons bien comment cette personnalité qualifiée sera nommée : le ministre de l'intérieur proposera trois noms et la CNCIS devra choisir parmi ces trois noms. Autrement dit, c'est le ministre de l'intérieur qui la désignera !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Mais non !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes là en dehors de tout contrôle judiciaire, mais aussi de tout contrôle de la part d'une Commission nationale de contrôle qui a été créée pour cela, pour traiter de ces sujets touchant aux libertés fondamentales.
Mes chers collègues, je ne comprends vraiment pas comment vous pouvez aujourd'hui décider de dessaisir cette commission au profit d'une personnalité qualifiée nommée dans ces conditions.
Mais il y a encore un moyen de l'éviter, c'est de voter notre amendement n° 90.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, nous n'avons pas la même conception de la République !
M. le président. Madame Malovry, l'amendement n° 55 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Lucienne Malovry. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 55 rectifié bis est retiré.
M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
CHAPITRE III
Dispositions relatives aux traitements automatisés de données à caractère personnel