Article 5
I. - Après l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques, il est inséré un article L. 34-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 34-1-1. - Afin de prévenir et de réprimer les actes de terrorisme, les agents individuellement habilités des services de police et de gendarmerie nationales spécialement désignés en charge de ces missions peuvent exiger des opérateurs et personnes mentionnés au I de l'article L. 34-1 la communication des données conservées et traitées par ces derniers en application dudit article.
« Les données pouvant faire l'objet de cette demande sont limitées aux données techniques relatives à l'identification des numéros d'abonnement ou de connexion à des services de communications électroniques, au recensement de l'ensemble des numéros d'abonnement ou de connexion d'une personne désignée, aux données relatives à la localisation des équipements terminaux utilisés ainsi qu'aux données techniques relatives aux communications d'un abonné portant sur la liste des numéros appelés et appelants, la durée et la date des communications.
« Les surcoûts identifiables et spécifiques éventuellement exposés par les opérateurs, prestataires et personnes mentionnés au premier alinéa pour répondre à ces demandes font l'objet d'une compensation financière.
« Les demandes des agents sont motivées et soumises à la décision d'une personnalité qualifiée, placée auprès du ministre de l'intérieur. Cette personnalité est désignée par la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité sur proposition du ministre de l'intérieur, pour une durée de trois ans renouvelable. Des adjoints pouvant la suppléer sont désignés dans les mêmes conditions. La personnalité qualifiée établit un rapport d'activité annuel adressé à la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité. Les demandes, accompagnées de leur motif, font l'objet d'un enregistrement et sont communiquées à la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité.
« Cette instance peut à tout moment procéder à des contrôles relatifs aux opérations de communication des données techniques. Lorsqu'elle constate un manquement aux règles définies par le présent article ou une atteinte aux droits et libertés, elle saisit le ministre de l'intérieur d'une recommandation. Celui-ci lui fait connaître dans un délai de quinze jours les mesures qu'il a prises pour remédier aux manquements constatés.
« Les modalités d'application des dispositions du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés et de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, qui précise notamment la procédure de suivi des demandes et les conditions et durée de conservation des données transmises. »
I bis. - Après le II de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, il est inséré un II bis ainsi rédigé :
« II bis. - Afin de prévenir et de réprimer les actes de terrorisme, les agents individuellement habilités des services de police et de gendarmerie nationales spécialement désignés en charge de ces missions peuvent exiger des prestataires mentionnés aux 1° et 2° du I la communication des données conservées et traitées par ces derniers en application du présent article.
« Les demandes des agents sont motivées et soumises à la décision de la personnalité qualifiée instituée par l'article L. 34-1-1 du code des postes et des communications électroniques selon les modalités prévues par le même article. La Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité exerce son contrôle selon les modalités prévues par ce même article.
« Les modalités d'application des dispositions du présent paragraphe sont fixées par décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés et de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, qui précise notamment la procédure de suivi des demandes et les conditions et durée de conservation des données transmises. »
II. - 1 A. Dans la dernière phrase du premier alinéa de l'article 4 de la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques, les mots : « ou de la personne que chacun d'eux aura spécialement déléguée » sont remplacés par les mots : « ou de l'une des deux personnes que chacun d'eux aura spécialement déléguées ».
1 B. Dans le premier alinéa de l'article 19 de la même loi, les mots : « de l'article 14 et » sont remplacés par les mots : « de l'article 14 de la présente loi et au ministre de l'intérieur en application de l'article L. 34-1-1 du code des postes et des communications électroniques et de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, ainsi que ».
1. Il est inséré, dans la même loi, un titre V intitulé : « Dispositions finales » comprenant l'article 27 qui devient l'article 28.
2. Il est inséré, dans la même loi, un titre IV ainsi rédigé :
« TITRE IV
« COMMUNICATION DES DONNÉES TECHNIQUES RELATIVES À DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES
« Art. 27. - La Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité exerce les attributions définies à l'article L. 34-1-1 du code des postes et des communications électroniques et à l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique en ce qui concerne les demandes de communication de données formulées auprès des opérateurs de communications électroniques et personnes mentionnées à l'article L. 34-1 du code précité ainsi que des prestataires mentionnés aux 1 et 2 du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée. »
M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 69, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon-Poinat. L'article 5 du projet de loi tend à permettre, dans le cadre des pouvoirs de police administrative, l'accès des agents individuellement habilités des services de police et de gendarmerie nationale à certaines données de trafic générées par les communications électroniques.
Alors qu'actuellement ces données sont systématiquement communiquées dans un cadre judiciaire, demain elles le seront dans un cadre administratif adapté et donc en dehors de tout contrôle du juge judiciaire. Nous ne saurions l'accepter.
En effet, comme le relève à juste titre la CNIL dans son avis du 10 octobre dernier : « L'obligation ainsi faite aux opérateurs de communiquer, dans le cadre des pouvoirs de police administrative et hors contrôle des autorités judiciaires, les traces des connexions qui, par recoupement avec d'autres données, peuvent dévoiler l'identité des utilisateurs d'internet, leur navigation sur le Web et, de manière plus générale, l'usage privé que l'on fait du réseau, déroge aux principes fondamentaux de protection des libertés individuelles. » Comprenons le respect de la vie privée.
Quoi qu'en dise notre rapporteur, cette réquisition administrative n'est pas entourée de garanties permettant de préserver les libertés individuelles, dont le droit au respect de la vie privée est l'une des composantes. Le fait que ces mesures soient limitées dans le temps, à savoir jusqu'au 31 décembre 2008, ne nous rassure pas pour autant. L'expérience nous a montré qu'en la matière le provisoire est fait pour durer.
Rappelons, enfin, que des dispositions antiterroristes insérées dans la loi relative à la sécurité quotidienne au lendemain des attentats du 11 septembre, bien qu'initialement limitées dans le temps, ont été cependant prorogées.
M. le président. Les trois amendements suivants sont présentés par M. Courtois, au nom de la commission.
L'amendement n° 12 est ainsi libellé :
I. - Au premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour insérer un article L. 34-1-1 dans le code des postes et des communications électroniques, supprimer les mots :
et de réprimer
II. - En conséquence, procéder à la même suppression au premier alinéa du texte proposé par le I bis de cet article pour insérer un II bis à l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique.
L'amendement n° 13 est ainsi libellé :
I. - Au premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour insérer un article L. 34-1-1 dans le code des postes et des communications électroniques, remplacer les mots :
les agents individuellement habilités des services de police et de gendarmerie nationales spécialement désignés en charge de ces missions
par les mots :
les agents individuellement désignés et dûment habilités des services de police et de gendarmerie nationales spécialement chargés de ces missions
II. - En conséquence, procéder au même remplacement au premier alinéa du texte proposé par le I bis de cet article pour insérer un II bis à l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique.
L'amendement n° 14 est ainsi libellé :
Au troisième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour insérer un article L. 34-1-1 dans le code des postes et des communications électroniques, supprimer les mots :
, prestataires
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter ces trois amendements.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Avec l'amendement n° 12, je vous propose de rétablir la rédaction initiale du projet de loi à propos des finalités pour lesquelles les réquisitions administratives des données techniques des communications peuvent être demandées.
Le projet de loi initial prévoyait une seule finalité, la prévention des actes de terrorisme. L'Assemblée nationale a souhaité élargir ces finalités à la répression des actes de terrorisme.
Je suis conscient que la limite entre répression et prévention est souvent délicate en matière de terrorisme. Les articles 6, 7 et 8 du projet de loi font d'ailleurs référence à cette double finalité.
Toutefois, en l'espèce, il semble préférable de se limiter à la seule prévention du terrorisme. En effet, dans les trois articles précités, il s'agit de permettre la consultation de fichiers constitués à des fins de police administrative. Le dispositif prévu au présent article est de nature différente, puisqu'il s'agit de consulter des données recueillies dans un cadre privé.
En introduisant la finalité de répression du terrorisme, un risque de confusion avec la procédure judiciaire de réquisition de ces données existe. S'agissant en effet des interceptions de sécurité, c'est-à-dire les écoutes administratives, la loi du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques est très claire. Elle ne permet des écoutes administratives que pour prévenir le terrorisme et non pour le réprimer. Dans ce dernier cas de figure, on bascule dans le cadre juridique des écoutes judiciaires.
L'amendement de précision et d'harmonisation rédactionnelle n° 13 répond à une recommandation de la CNIL, qui souhaite que soient parfaitement encadrées les conditions d'accès à ces données.
Enfin, l'amendement n° 14 est un amendement de coordination.
M. le président. L'amendement n° 40, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Supprimer le quatrième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 34-1-1 du code des postes et des communications électroniques.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. En parallèle de la procédure de réquisition judiciaire, il est mis en place une procédure de réquisition administrative qui ne respecte pas le principe de proportionnalité, garantie essentielle à la protection des droits et des libertés.
Ce qui marque la logique de ce projet - je l'ai déjà dit -, c'est la volonté de déjudiciariser la lutte contre le terrorisme.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Les mesures permettant l'accès direct aux données retenues par les opérateurs, en dehors de tout contrôle judiciaire, sont au fond de même nature que celles qui autorisent les interceptions téléphoniques administratives. Prévoir un dispositif d'autorisation et de contrôle distinct constitue donc une source de complexité injustifiée qui affaiblit l'effectivité des garanties offertes, déjà toutes relatives.
Il conviendrait au moins d'aligner ces deux régimes et de prévoir, pour ce qui concerne l'accès aux données de trafic, un contingentement, comme en matière d'écoutes.
Il est d'ailleurs paradoxal, d'un côté, de placer la commission nationale de contrôle de sécurité au coeur du processus de lutte contre le terrorisme, notamment en étendant ses missions et ses compétences, et, de l'autre, de ne pas lui assurer les moyens financiers et d'autonomie juridique indispensables à l'exercice effectif de ses fonctions. Encore une fois, nous sommes beaucoup trop dans l'annonce et dans l'affichage, et pas assez dans les moyens et le bon sens.
Enfin, à cet article, comme dans d'autres articles, l'exercice d'un contrôle effectif par la CNIL n'est pas encore rendu possible. Malheureusement pour l'ensemble de nos citoyens, la CNIL est le parent pauvre de ce projet de loi !
M. le président. L'amendement n° 90, présenté par MM. Peyronnet, Badinter et Boulaud, Mmes Cerisier-ben Guiga et Tasca, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Mermaz, Sueur, Vantomme et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I - Remplacer le quatrième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 34-1-1 du code des postes et des communications électroniques par un alinéa ainsi rédigé :
Les demandes des agents sont motivées et soumises à la décision de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité. Ces demandes, accompagnées de leur motif, font l'objet d'un enregistrement. Cette instance établit un rapport d'activité annuel adressé au ministre de l'intérieur et à la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
II - En conséquence :
1) Au début du cinquième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 34-1-1 du code des postes et des communications électroniques, remplacer les mots :
Cette instance
par les mots :
La Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité
2) Remplacer le deuxième alinéa du texte proposé par le I bis de cet article pour insérer un II bis après le II de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 janvier 2004 par un alinéa ainsi rédigé :
Les demandes des agents sont motivées et soumises à la décision de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité selon les modalités prévues par l'article L. 34-1-1 du code des postes et des communications électroniques. La Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité exerce son contrôle selon les modalités prévues par ce même article.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes très préoccupés par ce dispositif qui vise à intercepter toute une série d'informations relatives aux communications entre les individus. Nous l'avons dit et nous ne cesserons de le répéter, car c'est notre position, cela doit se faire dans un cadre strict et sous l'autorité de la justice.
En raison de l'urgence, de l'imminence, de la gravité évidente de la menace terroriste, nous devons, nous dit-on, faire fi des procédures mises en oeuvre sous l'autorité de la justice. Nous ne le pensons pas. En l'espèce, il est quand même tout à fait étonnant que le Gouvernement nous demande, avec ce projet de loi, de renoncer aux prérogatives de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, la CNCIS.
Chacun se souvient des nombreux débats que nous avons eus sur les écoutes téléphoniques...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oh oui !
M. Jean-Pierre Sueur. ... et qui ont conduit à mettre en oeuvre cette commission. Celle-ci compte en son sein des magistrats dont l'autorité est reconnue. Nous ne comprenons vraiment pas pourquoi vous voulez la disqualifier.
Certes, en matière d'écoutes téléphoniques, la CNIS ne dispose que d'un pouvoir consultatif. Mais l'on constate qu'au fil des différents gouvernements le Premier ministre suit presque toujours ses avis, preuve que ces derniers sont finalement reconnus.
Rien n'interdit - et vous auriez pu nous le proposer - de faire évoluer les compétences de cette autorité sur des sujets qui, en matière de respect des libertés publiques, requièrent une vigilance accrue. Le seul argument qui est donné est celui de l'urgence et de la rapidité. Mais, je tiens à le souligner, cette autorité a prouvé qu'elle pouvait faire preuve d'une réactivité importante.
Ainsi, en avril 2003, sans modification de la loi, et en accord avec M. Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, le régime d'avis préalable aux demandes d'écoute a été étendu aux demandes urgentes. Cette réforme a été motivée par la forte augmentation du nombre de décisions d'interception urgente, notamment en matière de lutte contre le terrorisme, depuis les attentats du 11 septembre 2001.
Selon les indications de la CNCIS, cette évolution a été réalisée sans ralentissement, grâce à la disponibilité accrue de la structure permanente de la commission, qui est par conséquent en mesure de rendre un avis dans le délai maximal d'une heure en cas de saisine urgente, en se fondant sur la jurisprudence de la commission. Ainsi, le délégué général de la commission, ou son adjoint, informe systématiquement le président de l'autorité de toute saisine.
L'article 1er du règlement intérieur de la CNCIS prévoit en effet que celle-ci se réunit sur l'initiative de son président lorsque celui-ci estime que la légalité d'une autorisation d'interception n'est pas certaine.
Par conséquent, le dispositif actuel fonctionne et peut être très réactif.
Dans le cas qui nous occupe, ce qui est vraiment incompréhensible, surtout lorsqu'il s'agit d'un problème d'interception de communications, qui a donc trait aux libertés publiques, c'est que vous nous demandiez de vous affranchir des prérogatives de cette commission pour, si j'ai bien compris, mettre en place une personnalité qualifiée. Vous avez même obtenu à l'Assemblée nationale que celle-ci soit nommée par la commission, mais sur proposition du ministre de l'intérieur. Alors, foin d'hypocrisie ! Autant dire que cette personnalité qualifiée est nommée par le ministre de l'intérieur.
Dans ce cas précis, c'est d'autant plus incompréhensible que le pouvoir régalien de l'État intervient en dehors de toute autorité de justice et même en dehors de la commission mise en place à cet effet ! Pourtant, il a été démontré que cette commission, à laquelle M. Jean-Pierre Raffarin a fait référence, qu'il a lui-même utilisée - et je ne doute pas que M. de Villepin, fera de même - peut se prononcer en moins d'une heure !
M. le président. L'amendement n° 54 rectifié ter, présenté par MM. Portelli, Türk et Nogrix, Mme Malovry, MM. Mouly, Seillier, Cambon, Goujon et Lecerf, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la deuxième phrase du quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 34-1-1 du code des postes et des communications électroniques :
Cette personnalité est désignée pour une durée de trois ans renouvelable, par la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité parmi les personnes figurant sur une liste établie par le ministre de l'intérieur et comportant trois noms.
La parole est à Mme Lucienne Malovry.
Mme Lucienne Malovry. Aux termes du projet de loi, la personnalité qualifiée est désignée par la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité sur proposition du ministre de l'intérieur.
Le présent amendement vise à prévoir que le ministre de l'intérieur établira une liste comportant trois noms. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est démocratique, ça ?
Mme Éliane Assassi. C'est un amendement de circonstance !
Mme Lucienne Malovry. Le choix entre plusieurs candidats apportera une plus grande objectivité à la désignation de la personnalité qualifiée par la CNCIS.
M. le président. L'amendement n° 55 rectifié bis, présenté par MM. Türk, Portelli et Nogrix, Mme Malovry, MM. Mouly, Seillier et Cambon, est ainsi libellé :
Compléter l'avant-dernière phrase du quatrième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 34-1-1 du code des postes et des communications électroniques par les mots :
et à la Commission nationale de l'informatique et des libertés
La parole est à Mme Lucienne Malovry.
Mme Lucienne Malovry. L'article 5 du projet de loi prévoit l'accès des services de police aux données de connexion.
Au regard de la sensibilité particulière des informations auxquelles les agents des services de police et de gendarmerie nationales chargés des missions de prévention des actes de terrorisme peuvent avoir accès, les garanties entourant cet accès doivent être améliorées.
En la matière, l'intervention de la CNIL est justifiée par la nature des données, qui relèvent directement de la loi du 6 janvier 1978 modifiée le 7 août 2004. Dès lors, la CNIL devrait être également destinataire du rapport annuel établi par la personnalité qualifiée. Cette transmission était d'ailleurs prévue dans l'avant-projet de loi.
M. le président. L'amendement n° 15, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa du texte proposé par le I bis de cet article pour insérer un II bis à l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les surcoûts identifiables et spécifiques éventuellement exposés par les prestataires mentionnés au premier alinéa du présent II bis pour répondre à ces demandes font l'objet d'une compensation financière. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. De la même manière que le paragraphe I de l'article 5 prévoit une compensation financière des surcoûts résultant, pour les opérateurs de communications électroniques, des demandes de réquisitions administratives des données techniques, cet amendement prévoit une compensation financière des éventuels surcoûts pour les fournisseurs d'accès ou les fournisseurs d'hébergement visés par la loi pour la confiance dans l'économie numérique de 2004.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les autres amendements ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 69 tendant à supprimer l'article 5 du projet de loi, la commission ne peut qu'y être défavorable puisqu'elle propose elle-même d'amender cet article.
L'amendement n° 40 vise à supprimer la procédure spéciale selon laquelle seront autorisées les demandes de réquisition administrative des données de connexion. Les auteurs de cet amendement souhaitent que cette procédure spéciale soit confondue avec la procédure applicable aux écoutes administratives. Une procédure distincte me semble préférable, car les données de connexion ne sont pas de même nature que les écoutes administratives.
En effet, une donnée de connexion ne porte pas sur le contenu des communications ; au regard du respect des libertés individuelles, leur réquisition est donc beaucoup moins instructive.
J'ajoute que, contrairement aux écoutes administratives, la procédure proposée offre des garanties fortes puisqu'il s'agit non pas d'un contrôle a posteriori, mais d'un contrôle a priori.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Quant à l'amendement n° 90, il tend à attribuer à la Commission nationale des contrôles d'interception de sécurité les pouvoirs de contrôle des réquisitions administratives des données techniques que le projet de loi attribue à une personnalité qualifiée nommée par ses soins.
Le choix de confier à une personnalité qualifiée le contrôle de ces réquisitions a été guidé par le souci de ne pas alourdir les missions de la CNCIS.
M. Jean-Pierre Sueur. Cela ne tient pas !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. En outre, en confiant ce contrôle à une personnalité qualifiée, on conjugue les impératifs opérationnels de rapidité et les garanties nécessaires au regard du respect des libertés individuelles.
M. Jean-Pierre Sueur. Une personnalité qualifiée respecterait mieux les libertés individuelles ! C'est incroyable !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Si la CNCIS était compétente, il serait très difficile, pour des raisons matérielles, qu'elle exerce un contrôle a priori. Je le répète, en matière d'écoutes administratives, la CNCIS exerce un contrôle a posteriori.
Le projet de loi prévoit un contrôle a priori par l'intermédiaire d'une personnalité qualifiée, nommée par la CNCIS.
M. Jean-Pierre Sueur. Sur proposition du ministre !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Le régime est donc très protecteur, sachant que la CNCIS peut exercer un contrôle a posteriori.
Le projet de loi issu de l'Assemblée nationale prévoit que la personnalité qualifiée qui autoriserait chaque demande de réquisition administrative des données de connexion serait désignée par la CNCIS, sur proposition du ministre de l'intérieur. L'amendement n° 54 rectifié ter vise à proposer que la commission devrait choisir parmi trois noms proposés par le ministère de l'intérieur.
Je suis favorable à ce dispositif : de la sorte, la CNCIS ne se verra pas imposer un candidat, elle aura le choix.
L'amendement n° 55 rectifié bis prévoit que le rapport annuel d'activité établi par la personnalité qualifiée et adressé à la CNCIS devrait être également adressé à la CNIL.
Je ne suis pas fondamentalement contre cet amendement, mais je me demande s'il apporte réellement quelque chose de plus. Je crains qu'il n'engendre un enchevêtrement entre les missions de la CNCIS et celles de la CNIL.
Au vu de ces observations, je demande à Mme Malovry de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, la commission s'en remettra à la sagesse du Sénat.
M. le président. Mes chers collègues, la sagesse veut que nous interrompions maintenant l'examen du projet de loi. Nous entendrons l'avis du Gouvernement après les questions d'actualité.
3
DÉClaration de l'urgence d'un projet de loi
M. le président. Par lettre en date du 15 décembre 2005, M. le Premier ministre a fait connaître à M. le président du Sénat qu'en application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi de programme pour la recherche (n° 91, 2005-2006).
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
M. le président. La séance est reprise.
4
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l'auteur de la question de même que le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes trente.
Je veillerai à ce que chacun respecte rigoureusement le temps de parole qui lui est imparti.
Contrat professionnel de transition
M. le président. La parole est à M. Jean-François Humbert. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-François Humbert. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.
M. le Premier Ministre a présidé lundi dernier une réunion qui regroupait l'ensemble des partenaires sociaux et qui faisait suite à une réunion de la Commission nationale de la négociation collective.
À cette occasion, il a été souligné qu'il allait devenir nécessaire de changer plus fréquemment de travail ou d'activité et que les entreprises avaient besoin de davantage de souplesse dans leur recrutement et dans leur organisation. Deux contreparties légitimes ont alors été réclamées : la première, c'est « un parcours professionnel dynamisé et sécurisé », la seconde, « une meilleure récompense de l'effort ».
En effet, face aux licenciements économiques qui remettent sur le marché du travail des personnes dont la qualification n'est pas toujours adaptée aux emplois proposés, il est indispensable de proposer des transitions vers d'autres métiers, pour lesquels l'offre de travail se caractérise par une certaine tension.
M. Roland Muzeau. Ce n'est pas du tout une question téléphonée ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
M. Jean-François Humbert. Les moyens doivent être personnalisés, afin que chacun, en fonction de son histoire propre, puisse retrouver un emploi dans les meilleures conditions.
Dans cette optique, le chef du Gouvernement a annoncé le lancement, d'ici au 1er septembre 2006, d'un « service public de l'orientation », ainsi que la nomination, « dans les prochains jours », d'un délégué interministériel chargé de coordonner ce chantier.
Le Premier ministre a également annoncé la mise en place, à titre expérimental, dans six bassins d'emploi en difficulté, d'un contrat de transition professionnelle, ou CTP, pour les licenciés économiques d'entreprises de moins de 300 salariés.
Un salarié licencié qui signera ce type de contrat touchera donc une rémunération proche de son ancien salaire et bénéficiera d'une formation, tout en mettant son expérience professionnelle au service d'entreprises privées ou d'organismes publics.
M. Roland Muzeau. Cela sonne faux !
M. Jean-François Humbert. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner plus de détails sur les modalités de ce dispositif, qui nous semble efficace et porteur d'espoir pour ceux qui peinent à retrouver un emploi ? Qui financera ce contrat ? Comment et par qui sera-t-il mis en oeuvre dans les six départements concernés ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. C'est une bonne question !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le sénateur, notre économie se caractérise par des mutations et des évolutions. Un certain nombre d'entreprises se transforment, des métiers disparaissent progressivement, d'autres apparaissent.
Nous avons le devoir de relever un certain nombre de défis. Comment faciliter les évolutions professionnelles ? Comment aider les salariés à retrouver un emploi, à se réorienter professionnellement, à se former, à acquérir de la mobilité ?
Car il est bien évident que nous ne pouvons négliger la dimension humaine des mutations économiques. Or, pour faciliter la reconversion des hommes et des femmes, il faut un accompagnement : c'est ce que prévoit la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier dernier.
Par ailleurs, nous avons mis en place la convention de reclassement personnalisé. De quoi s'agit-il ? Les licenciés économiques, notamment ceux des petites et moyennes entreprises - la loi de modernisation sociale avait en fait induit une profonde disparité entre les salariés, ceux des PME se trouvant dans une situation d'inégalité totale par rapport à ceux des grandes entreprises-, bénéficient, pendant une période de huit mois, d'un accompagnement dans leurs recherches d'emploi et de formation, ainsi que d'une allocation spécifique. Aujourd'hui, 20 000 personnes bénéficient de ce dispositif.
Monsieur le président du Sénat, vous le savez, dans le département des Vosges, nous avons pu mettre en place, avec l'aide du président du conseil régional de Lorraine, M. Masseret, à l'échelon de la région comme du département, la convention de reclassement personnalisée pour faire face aux difficultés du secteur textile.
M. Raymond Courrière. Qui a payé ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. S'inspirant de cet exemple, M. le Premier ministre a autorisé des expérimentations dans six bassins d'emploi caractérisés par la mono-industrie et particulièrement touchés par les mutations économiques.
La convention de reclassement personnalisé est en quelque sorte une plateforme de soutien qui évite au licencié économique de passer par la « case chômage », en le préparant à rebondir. L'accompagnement est en effet au coeur du dispositif : accompagnement mensuel des demandeurs d'emploi, parcours sécurisé, et c'est là un élément essentiel des propositions que le Premier ministre a soumis aux partenaires sociaux.
Pour les jeunes, un plan d'action est également prévu, afin qu'ils n'enchaînent pas les « galères », mais obtiennent, de manière suivie, les réponses qu'on doit leur apporter pour favoriser leur insertion professionnelle.
Tel est le projet social du Gouvernement. Il est porté par le Premier ministre ainsi que par l'ensemble du pôle de cohésion sociale et du Gouvernement ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)