Article 4
I. - Le I de l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes qui, au titre d'une activité professionnelle principale ou accessoire, offrent au public une connexion permettant une communication en ligne par l'intermédiaire d'un accès au réseau, y compris à titre gratuit, sont soumises au respect des dispositions applicables aux opérateurs de communications électroniques en vertu du présent article. »
II. - Dans la première phrase du II du même article, les mots : « il peut être différé » sont remplacés par les mots : « il doit être différé ».
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, sur l'article.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, hier matin, un quotidien, s'appuyant sur un rapport du Sénat relatif à la nouvelle génération de documents d'identité et à la fraude documentaire, révélait que 500 000 cartes d'identité et 100 000 passeports étaient volés chaque année. Cela pose à nouveau le problème de la sécurisation des documents d'identité, dont les passeports, et des possibilités de lutte contre leur falsification.
Nous savons tous que l'utilisation de documents d'identité falsifiés fait partie de la panoplie qu'utilisent les malfaiteurs et les terroristes pour accomplir leurs méfaits.
Or, le projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers prétend remédier à ces dérives.
Le site de l'Imprimerie nationale de Douai - une autre unité est implantée à Choisy-le-Roi, dans le Val-de-Marne - doit pouvoir être doté de la capacité d'imprimer les passeports personnalisés. Dans le cas contraire, nous nous heurterions à de très grandes difficultés, non seulement pour la sécurité de l'État, parce qu'il faudrait transporter les passeports d'une imprimerie à l'autre, mais aussi pour la sécurité des citoyens. Il en résulterait également des difficultés financières pour le centre de Douai et des menaces sur l'emploi des personnels.
Monsieur le ministre, une telle évolution serait inconciliable avec le rôle qui est imparti à l'Imprimerie nationale. Si elle ne pouvait pas exécuter ce travail de sécurisation, à quoi servirait-elle ?
Des coups terribles ont déjà été portés à l'Imprimerie nationale. Elle ne conserve plus que trois divisions sur onze et 520 salariés sur 1 350. Il serait inconcevable que son développement soit bloqué du fait de la non-réalisation des travaux qui lui permettrait d'assurer la personnalisation des documents d'identité.
En 2004, Bercy a décidé de recentrer l'activité de l'Imprimerie nationale sur les activités régaliennes et l'État vient tout juste de procéder à la recapitalisation de l'entreprise. La compétence de l'Imprimerie nationale est donc reconnue et elle a les moyens de réaliser très vite des travaux.
J'ai attiré l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les conséquences de cette situation tant sur la sécurité de l'État et des citoyens que sur l'emploi. Une solution rapide doit être trouvée afin d'assurer à l'Imprimerie nationale la centralisation de la production des documents d'identité nationale électronique sécurisée, dit INES.
M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf.
M. Jean-René Lecerf. Je me permets d'intervenir parce que j'ai présidé la mission sénatoriale sur la fraude documentaire et sur la nouvelle génération de documents d'identité et je souhaiterais corriger les chiffres qui ont été énoncés. Chaque année, 500 000 cartes d'identité sont perdues, et non pas volées, même si l'on peut penser qu'elles ne sont pas perdues pour tout le monde. En outre, 85 000 passeports ont été volés en cinq ans, auxquels il faut ajouter les 90 000 passeports vierges qui ont été dérobés sur la même période. Et il ne s'agit là que de la partie émergée de l'iceberg, car la fraude documentaire est considérable.
L'unité de l'Imprimerie nationale de Douai connaît en effet des difficultés. Certaines sont liées à la mise en concurrence et à l'application de la réglementation européenne. Il serait en effet souhaitable que l'Imprimerie nationale soit chargée de la réalisation des cartes d'identité et de leur personnalisation dans le cadre du programme INES. Je sais que le ministère y travaille, dans le respect du cadre légal et de la réglementation européenne.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je souhaite apporter quelques éléments de réponse à Mme Hélène Luc et à M. Jean-René Lecerf, qui sont très préoccupés par l'avenir de l'Imprimerie nationale et du site de Douai.
Les questions que vous évoquez, madame, monsieur le sénateur, n'ont pas de lien direct avec notre débat. Le projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme ne modifie en rien la situation de l'Imprimerie nationale. Je tiens néanmoins à vous apporter quelques éléments d'information sur cette question dont je perçois bien l'importance.
Nous devons mettre à la disposition des Français un nouveau passeport incluant un composant électronique. Il s'agit de répondre à une exigence de sécurité, car les nouveaux passeports seront beaucoup plus difficiles à falsifier. Il s'agit aussi de répondre à une exigence internationale. Nous sommes invités à cette évolution par le règlement européen du 13 décembre 2004 et par les engagements que nous avons pris envers les États-Unis.
Il nous reste aujourd'hui à définir les modalités de production de ce passeport. Un débat juridique a eu lieu devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris, qui a à connaître d'un contentieux portant sur les modalités de passation du marché public relatif à la personnalisation des passeports.
Dans notre esprit, il n'est nullement question de mettre en cause les tâches actuellement assurées par l'Imprimerie nationale, qui est une belle entreprise. Elle conserve la production des livrets vierges des passeports, dont le nombre ne saurait décroître, bien au contraire. Lorsqu'elle met en oeuvre la mission de réalisation des titres et documents qui lui est confiée aux termes de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1993, l'Imprimerie nationale assure l'impression fiduciaire et l'assemblage des documents en ayant recours à des matériaux et des techniques d'impression spécialement conçus pour empêcher la falsification et la contrefaçon.
J'ajoute que la loi du 31 décembre 1993 doit être lue à la lumière de nos engagements européens, tels qu'ils ont été rappelés par la Commission européenne dans une décision du 20 juillet 2005 autorisant, sous certaines conditions, le versement par l'État d'une aide à la restructuration de l'Imprimerie nationale. Cette aide est conséquente : il s'agit d'une augmentation de capital de 197 millions d'euros. C'est la marque de la détermination du Gouvernement et du ministre d'État, ministre de l'intérieur à sauvegarder l'avenir de l'Imprimerie nationale dans l'intérêt général et dans celui de ses salariés.
Mme Hélène Luc. Il faudra prendre des dispositions pour les cartes d'identité.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 68, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. L'article 4 a pour objet d'assimiler à des opérateurs de communication électronique les personnes dont l'activité professionnelle principale ou accessoire est d'offrir au public une connexion à l'Internet par l'intermédiaire d'un accès au réseau.
Compte tenu de l'imprécision de la notion d'activité principale ou accessoire, le champ des personnes proposant un accès Internet au public se trouve dès lors considérablement élargi. Ainsi, au-delà des seuls cybercafés, seront désormais soumis à l'obligation de conservation des données techniques de connexion les universités, les mairies, les bibliothèques, les postes, les hôtels offrant à titre accessoire une connexion au réseau.
L'application d'une telle disposition semble d'ores et déjà difficilement réalisable en pratique. Elle concernerait, en effet, des milliers de communications électroniques et, par voie de conséquence, autant d'utilisateurs du réseau Internet.
Aurez-vous seulement les moyens humains, matériels et financiers de traiter ainsi toutes ces données ? M. Courtois en convient lui-même lors qu'il consigne dans son rapport que « la conservation des données ne garantit pas l'identification de l'utilisateur » que, s'agissant des « connexions par des bornes Wifi, l'identification d'un utilisateur est pratiquement impossible » et que « cet article, comme plusieurs autres articles du projet de loi, n'est pas à lui seul une réponse décisive au terrorisme ».
Nous l'avons dit et redit : la technologie n'est pas la solution miracle dans la lutte contre le terrorisme. Pour toutes ces raisons, l'article 4 nous paraît inutile et sans doute inefficace.
M. le président. L'amendement n° 39, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le I de cet article pour compléter le I de l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques par une phrase ainsi rédigée :
Il sera précisé par décret d'application de la présente loi la liste des personnes concernées.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet article traduit la double tare de ce projet de loi : l'inefficacité et la dangerosité. En cela, il convient de le dire haut et fort aux Français.
Les dispositions de cet article se révèlent, en effet, être inefficaces pour une série de raisons à la simplicité imparable. Il est très simple, pour une personne s'apprêtant à participer à une opération de terrorisme, de passer à travers les fils du maillage électronique. Il lui suffit de se procurer en toute facilité une puce sans abonnement chez un quelconque opérateur et de la placer dans un téléphone mobile. Il ne lui reste plus alors qu'à passer des appels ou à brancher son mobile sur un ordinateur portable ou encore à se connecter à l'Internet.
Il en va de même si quelqu'un décide tout simplement, selon une habitude de plus en plus répandue aujourd'hui chez les jeunes, de se balader dans la rue avec son portable, de trouver un réseau Wifi et de se connecter à une borne. On n'a même plus besoin de cybercafé. Tout cela se fait en laissant derrière soi des traces infimes, très difficiles à remonter.
De plus, les communications par voie électronique, qui laissent inéluctablement des traces, sont d'ores et déjà traitées de façon beaucoup plus sévère que les autres modes de communication, à la différence du courrier par voie postale, par exemple. Le courrier postal, je le rappelle, ne laisse aucune trace facile à appréhender. Il bénéficie d'un régime de protection intégrale, qu'il s'agisse du contenu des lettres ou de l'identification des correspondances.
Enfin, ces dispositions sont dangereuses pour toutes les autres personnes, pour tous ceux qui ne sont pas des terroristes, c'est-à-dire l'étudiant dans son université, l'habitant dans son local municipal ou même l'usager d'Internet, chez lui ou dans un cybercafé. Tous, avec les dispositions de ce projet loi, seraient des victimes potentielles d'une atteinte à leur vie privée. Ils pourront encore plus être contrôlés, surveillés, observés, suivis. Chacune de leur connexion, chaque site où ils seront allés, l'heure à laquelle ils auront commencé ou arrêté de « surfer » sur le Web, la personne à qui ils auront envoyé un courriel, tout cela sera accessible, contrôlé, hors de toute garantie judiciaire.
En se fondant sur l'avis de la CNIL, il convient de reconnaître que la définition contenue dans ce projet s'agissant de la catégorie des données numériques qui devront être conservées est plus que floue, donc propice à l'arbitraire.
De la même manière, la plus grande incertitude plane sur les personnes morales ou physiques concernées. Une fois encore, les garanties que vous apportez sont plus qu'insuffisantes. Le critère consacré qui renvoie aux dispositions de l'article 33-1 du code des postes et des télécommunications électroniques ne me permet pas d'exclure catégoriquement de cette définition des établissements comme les mairies, les universités ou les bibliothèques.
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous demande, mes chers collègues, dans un simple souci de bon sens, d'efficacité et de respect des principes de proportionnalité, mais aussi de respect de la vie privée, de voter cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 89, présenté par MM. Peyronnet, Badinter et Boulaud, Mmes Cerisier-ben Guiga et Tasca, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Mermaz, Sueur, Vantomme et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le I de cet article pour compléter l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques par une phrase ainsi rédigée :
Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés détermine les catégories de personnes et le type d'activités professionnelles concernées, notamment les personnes dont l'activité même est d'offrir un service payant de connexion en ligne, et les personnes qui offrent à leurs clients, dans un cadre public, ou à des visiteurs une connexion en ligne.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Notre position est un peu différente de celle des deux collègues qui viennent de s'exprimer.
Cet amendement vise à compléter l'article 4 en prévoyant qu'un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale d'informatique et des libertés - mais je suis prêt à retirer cette référence à la CNIL si l'essentiel de mon amendement est accepté -, détermine les catégories de personnes et le type d'activités professionnelles concernées, notamment les personnes dont l'activité est d'offrir un service payant de connexion en ligne et les personnes qui offrent à leurs clients, dans un cadre public ou à des visiteurs, une connexion en ligne.
Monsieur le ministre, la cybercriminalité existe. Nous ne sommes donc pas du tout hostiles à la conservation des données pendant un certain temps pour pouvoir les examiner afin de permettre la poursuite des délinquants qui utilisent le web. Cela étant, il faut éviter les dérives. Il convient donc de prévoir un encadrement adapté.
C'est pourquoi nous proposons qu'un décret en Conseil d'État précise le dispositif, après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Les organismes dont l'activité même est d'offrir un service payant de connexion en ligne, les cybercafés, doivent être clairement ciblés. Mais sont également concernés ceux qui offrent, dans un cadre public, une connexion en ligne à leurs clients ou à des visiteurs, comme les hôtels ou les compagnies aériennes. Le décret devra définir dans quelles conditions seront examinées toutes les données recueillies à partir d'une connexion établie dans ces lieux ou par ces prestataires de services.
À l'Assemblée nationale, le ministre de l'intérieur a déclaré que cette disposition ne visait « pour l'essentiel » ou « directement » - ce n'était pas très clair - que les cybercafés. Il a, en particulier, précisé que les mairies, les universités et les bibliothèques publiques n'étaient pas concernées « en principe » par cette mesure. Mais il n'a pas exclu, pour autant, que les données émises à partir d'une connexion dans ces lieux doivent être conservées. Pour quel usage ? Nul ne le sait, vraisemblablement pour être examinées ultérieurement. Pourquoi pas ?
En tout cas, monsieur le ministre, nous attendons vos explications, afin de savoir, notamment pour les bibliothèques d'universités, quelle sera votre politique dans ce domaine. Nous pensons que cette disposition est utile mais mérite d'être précisée.
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer le II de cet article.
La parole est à M. le rapporteur pour présenter l'amendement n° 11 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements nos 68, 39 et 89.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L'amendement n° 11 tend à supprimer le II de l'article 4 puisque l'Assemblée nationale a adopté un amendement prévoyant que les opérateurs de communications électroniques « doivent » différer l'effacement des données aux fins de constatation des infractions pénales. Le texte actuellement en vigueur prévoit seulement qu'il « peut » être différé, à charge pour le décret d'application d'en définir les conditions.
L'Assemblée nationale a motivé son amendement par le souci d'obliger les opérateurs de communications électroniques, notamment les cybercafés, à conserver leurs données sans attendre la publication du décret attendu lui-même depuis quatre ans.
Bien que comprenant cette impatience, je ne suis pas favorable à cet amendement pour deux raisons.
D'une part, le principe général doit être l'effacement des données. L'amendement de l'Assemblée nationale peut faire croire que le principe est renversé. J'ajouterai que la portée du texte de l'Assemblée nationale est limitée car même avec l'expression « doit différer », un décret restera nécessaire pour fixer les modalités de cette conservation des données et les modalités de la compensation financière du surcoût engendré.
D'autre part, en créant une obligation de conservation, la loi empêcherait le décret de prévoir des exceptions ou des modalités différentes dans l'application de cette obligation de conservation. Je pense aux mairies qui mettent à disposition des ordinateurs en accès libre.
À cet égard, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous précisiez l'étendue de cette obligation de conservation des données techniques, notamment quant aux personnes auxquelles elles devraient s'appliquer.
Enfin, pouvez-vous prendre l'engagement que le décret attendu depuis près de quatre ans paraisse très rapidement ?
S'agissant de l'amendement n° 6, qui tend à la suppression de l'article 4, la commission a émis un avis défavorable, dans la mesure où, tout en l'amendant, elle souhaite que l'article soit conservé.
L'amendement n° 39 renvoie à un décret le soin de fixer la liste des catégories de personnes soumises à l'obligation de conservation des données techniques de connexion. Je crains qu'un tel décret ne fige par trop l'étendue de l'obligation de conservation des données et qu'on oublie, dans cette liste, certains services. Une série de décrets complémentaires suivra alors, au risque de compliquer inutilement la réglementation.
Nous préférerions que le ministre précise oralement, comme il l'a fait à l'Assemblée nationale, la liste approximative des catégories de personnes visées par cette obligation de conservation afin de permettre l'application de cette loi.
Il en va de même pour l'amendement n° 89 de nos collègues socialistes, qui renvoie également à un décret en Conseil d'État, mais pris après avis de la CNIL, cette dernière exigence alourdissant encore la procédure. J'ai bien compris que M. Peyronnet était prêt à modifier son texte sur ce point, mais cela nous ramènerait à l'amendement précédent.
En conséquence, j'émets un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. L'amendement n° 68 de Mme Josiane Mathon, qui est un amendement de suppression, démontre une méconnaissance des modes opératoires des terroristes. Plusieurs affaires ont montré l'importance de ces points d'accès, notamment pour organiser des actions criminelles. Est-il besoin de rappeler l'affaire Richard Reid, ce terroriste interpellé aux États-Unis après avoir transité par la France et utilisé les services de cybercafés ainsi qu'un accès Wifi de l'aéroport de Roissy pour recevoir ses propres instructions. C'est exemple me semble suffisamment significatif.
Je pourrais compléter mes explications en informant la Haute Assemblée que, parmi les 25 personnes interpellées lundi dernier, figurent deux gérants de cybercafés de Seine-Saint-Denis.
M. Jean-Claude Peyronnet. Ce sont des suspects, pas des coupables !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Ces éléments sont suffisamment probants pour justifier cet article 4. Le Gouvernement souhaite compléter le dispositif législatif existant afin d'éviter que les terroristes n'utilisent des moyens de cette nature, facilement accessibles en toute confidentialité, pour mettre en place leurs réseaux. Je suis donc défavorable à cet amendement de suppression.
Concernant les amendements n° 39 de Mme Alima Boumediene-Thiery et n° 89 de M. Jean-Claude Peyronnet, qui sont pratiquement identiques, le deuxième n'ajoutant que la consultation de la CNIL, je vais être très clair puisque les orateurs, ainsi que M. le rapporteur m'ont demandé des explications détaillées.
Monsieur Peyronnet, nous visons d'abord les cybercafés, c'est-à-dire les personnes qui, au titre d'une activité professionnelle principale, offrent au public une connexion au réseau Internet. Ce sont eux que nous voulons soumettre au même régime que les opérateurs classiques : obligation de conservation des données techniques de connexion, numéros de terminaux, dates, horaires et durée des communications, indépendamment du contenu des messages électroniques dont la conservation est complètement exclue, je tiens à le dire.
Les mairies, les universités, les bibliothèques ne sont pas concernées, en principe, car leur activité ne consiste pas principalement à proposer au public des connexions au réseau Internet. Mais, comme vous le rappelez vous-même, nous savons, hélas, que les universités sont souvent des lieux d'utilisation des technologies de la communication qui y sont installées. Si l'on nous signalait que telle université ou bibliothèque devenait une sorte de cybercafé déguisé, elles pourraient entrer dans le champ des personnes soumises à cette obligation de conservation de données au titre de leur activité accessoire. De toute façon, il ne serait pas question de mener des investigations et d'utiliser quelque donnée que ce soit concernant la fonctionnalité de l'université et de sa bibliothèque, la recherche porterait exclusivement sur l'activité accessoire, liée à l'utilisation d'Internet dans les mêmes conditions que dans un site public tel qu'un cybercafé.
Il faut se ménager cette possibilité. Nous avons en effet l'exemple de Mohammed Atta, le chef des commandos kamikazes du 11 septembre 2001, qui avait entretenu une partie de son réseau à partir des postes Internet que l'université de Hambourg mettait à disposition de ses étudiants.
La définition proposée par le projet du Gouvernement a été élaborée, je le précise, par le Conseil d'État. Il serait donc inutile de la compléter par un décret en Conseil d'État. Voilà pourquoi je suis défavorable à ces deux amendements.
Vous m'aviez demandé des explications détaillées sur le contenu de cet article 4 et ses objectifs ; après vous les avoir données, je souhaiterais que ces amendements soient retirés.
Enfin, l'amendement n° 11 de la commission recueille l'avis favorable du Gouvernement car je suis en mesure de confirmer que, malgré les vicissitudes du travail interministériel, le décret d'application de l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques va enfin être publié dans les premières semaines de 2006. La consultation du Conseil d'État est en cours et devrait aboutir dans les délais les plus brefs.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 89.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous maintenons cet amendement, d'autant plus que la réponse donnée par M. le ministre semble le justifier.
L'article 4 vise les personnes qui, au titre d'une activité professionnelle principale, offrent au public une connexion permettant une communication en ligne par l'intermédiaire d'un accès au réseau. On peut donc considérer qu'un objet est ainsi défini : l'activité professionnelle. Cependant, lorsqu'on interroge le ministre, on se rend compte que l'objet est élargi. En effet, M. le ministre aurait pu répondre que les universités, les mairies, les bibliothèques ne sont pas visées, que seuls sont visés ceux qui exercent cette activité professionnelle à titre principal. C'eût été clair.
Mais M. le ministre nous dit, et nous pouvons le comprendre, qu'on ne peut pas exclure qu'elles soient visées.
Nous savons ce qui se passe dans une université. Si quelqu'un veut préparer un acte terroriste, le fera-t-il dans la cafétéria, dans la bibliothèque... ? On ne peut exclure que n'importe quel ordinateur soit utilisé : le problème devient donc extrêmement complexe. Au nom de l'efficacité du contrôle, on aboutit à son extension illimitée. Par conséquent, il faut adopter des dispositions précises.
Nous sommes donc bien fondés à conclure, après avoir entendu la réponse du ministre, qu'il faut préciser et clarifier. C'est pourquoi un décret en Conseil d'État ne serait pas inutile. En effet, vient forcément un moment où il faut procéder à une appréciation. La question est de savoir qui apprécie et comment, ce qui renvoie à notre argumentation générale. À partir du moment où celui qui apprécie est clairement désigné, avec toutes les garanties, notamment celles de l'autorité judiciaire, le problème se pose différemment.
Ainsi, notre amendement constitue une précaution, ô combien nécessaire, compte tenu du caractère éminemment vague de la réponse du ministre.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur Sueur, je ne pense pas du tout avoir répondu de manière vague. Au contraire, je vous ai très précisément expliqué que nous visions d'abord les cybercafés, c'est-à-dire les personnes qui, au titre d'une activité professionnelle principale, offrent au public une connexion au réseau Internet.
Nous ne visons pas les universités et les bibliothèques, dont l'activité principale ne consiste pas à proposer des connexions Internet au public, même si M. Peyronnet sait par expérience, et pour être attentif à l'actualité du monde, qu'il arrive ou qu'il est arrivé, malheureusement, que les universités soient aussi concernées, les personnes qui fréquentent ces lieux pouvant, de manière publique, avoir accès à Internet. C'est donc à cette activité seule et non aux autres activités de l'université que les dispositions de l'article pourraient éventuellement s'appliquer
Pour répondre à vos préoccupations et tenter de vous convaincre de toutes mes forces, monsieur Sueur, je compléterai les informations que je vous ai déjà apportées en précisant que, l'année prochaine, comme le prévoit l'article 15 du projet de loi, le Gouvernement soumettra chaque année au Parlement un rapport sur l'application de la loi, et donc sur cet aspect accessoire de l'article 4. A cette occasion, vous aurez l'opportunité de faire le bilan et, ensemble, nous évaluerons ce qu'il y a lieu de modifier dans la définition figurant à l'article 4.