M. le président. L'article 4 a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Mes chers collègues, nous en revenons aux amendements tendant à insérer des articles additionnels, qui avaient été précédemment réservés.
Articles additionnels avant l'article 1er (précédemment réservés)
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement saisit officiellement et sans délai les partenaires sociaux, dans le cadre de la Commission nationale de la négociation collective, des dispositions relatives au droit du travail contenues dans la présente proposition de loi portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise, en vue d'engager un processus de consultation et, le cas échéant, de négociation collective sur ces dispositions.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Lors de la présentation du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, le Gouvernement s'était engagé à renvoyer à la négociation interprofessionnelle préalable des partenaires sociaux tout projet de réforme du droit du travail de nature législative.
Permettez-moi de revenir sur la discussion de cette loi, qui réunit étrangement, sous un même intitulé, deux sujets totalement différents : d'une part, la formation professionnelle tout au long de la vie, laquelle a fait l'objet d'un accord unanime des partenaires sociaux ; d'autre part, le dialogue social, parce qu'il fallait bien que le MEDEF obtienne des compensations pour les sommes, quoique modiques, qu'il allait devoir consacrer à la formation professionnelle.
On a marié la carpe et le lapin : un texte résultant d'un accord unanime et un texte ajouté dans la précipitation par le Gouvernement, sans consultation des partenaires sociaux. Et pour cause : on en connaît la teneur !
Ce texte constitue en effet la première atteinte frontale à la hiérarchie des normes. Il détruit le principe de faveur, qui était l'un des fondements de notre droit du travail et des garanties des salariés ; nous avons évoqué tout cela au cours du débat.
Nous avons le souvenir, encore proche, de la gêne des parlementaires de votre propre majorité, monsieur le ministre. Comment expliquer autrement le dépôt par le rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale d'un amendement tendant à ce que des parlementaires soient désormais membres de la Commission nationale de la négociation collective ? Cela relève d'ailleurs de la plus totale confusion. On ne peut résoudre ainsi le problème de l'articulation entre les prérogatives des partenaires sociaux et les droits du Parlement.
Vous avez alors obtenu le retrait de cet amendement, monsieur le ministre, en déclarant : « Si nous entrons dans un processus d'élaboration des normes sociales un peu différent de celui qui prévaut actuellement, la question de l'association du Parlement se posera en des termes si complexes qu'elle ne peut être résolue au détour d'un amendement ». Vous aviez raison !
Nous savons déjà que les mesures proposées dans le rapport de Michel de Virville sur la simplification du code du travail ont toutes les chances de nous être présentées par ordonnances. Pourquoi perdre son temps en discussions byzantines ? Après tout, cela ne concerne que quelques millions de salariés !
Quant aux objectifs que le MEDEF juge prioritaires, comme le fait de différer le paiement des salaires grâce au compte épargne-temps ou d'obliger les salariés à enfiler les heures supplémentaires sans restriction, il n'est pas nécessaire, là non plus, d'inventer une nouvelle procédure compliquée. Il est toujours possible de les atteindre, d'une manière accélérée, avec la collaboration de parlementaires obligeants.
En effet, quand il n'existe aucune chance de recueillir l'approbation des personnes ou des organisations représentatives, n'est-il pas plus simple de ne pas les consulter ? C'est une façon de s'éviter bien des embarras, des débats difficiles et des pertes de temps. Mieux vaut frapper la cible immédiatement.
Que ce processus ait précisément eu pour objet ce que vous appelez « le dialogue social » ne manquait pas d'ironie en ce mois de mai 2004. C'était une forme d'humour, sans doute involontaire, mais d'un raffinement particulièrement cruel si l'on en juge les conséquences pour les salariés.
Vous avez ainsi franchi la première grande étape de votre entreprise de destruction autoritaire du droit du travail. Nous sommes aujourd'hui devant une nouvelle étape : l'application concrète de la révolution juridique et sociale que vous avez votée. Quoi qu'il advienne, votre responsabilité sera pleine et entière.
Vous avez enclenché un processus soigneusement réfléchi et élaboré dans les bureaux du MEDEF. Vous en assurez la mise en oeuvre, contre tous les principes juridiques établis et contre les fondements de la démocratie sociale.
Pour la deuxième fois, et sur des questions d'importance, vous avez totalement négligé l'avis des partenaires sociaux. Nous aurions souhaité vous voir surseoir à la discussion de cette proposition de loi, afin que soit au moins garanti le respect de la démocratie sociale.
M. Claude Domeizel. Très bien !
Mme Raymonde Le Texier. Même si, dans le cadre d'une proposition de loi, le Conseil d'Etat ne peut être saisi, il serait utile de recueillir l'avis de la Commission nationale de la négociation collective, éventuellement du Conseil économique et social, et de faire réaliser par les services du Sénat, dont la compétence n'est plus à démontrer, une étude d'impact.
Nous vous posons donc cette simple question, monsieur le ministre : pourquoi n'avez-vous pas consulté les partenaires sociaux sur ce texte ?
M. Claude Domeizel. Parce qu'ils en avaient peur !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Cet amendement prévoit une mesure dilatoire destinée à retarder l'adoption du texte : il s'agit de saisir de nouveau les partenaires sociaux alors qu'une importante concertation a déjà eu lieu. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le renvoi à la négociation collective a fait l'objet d'un engagement qui figure dans le préambule de la loi relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, adoptée le 4 mai 2004. J'ai eu l'occasion, précédemment, de rappeler l'importance que le Gouvernement attachait au dialogue social.
Cet engagement a été tenu puisque, le 30 juin dernier, nous avons adressé, avec Jean-Louis Borloo, à l'ensemble des partenaires sociaux, une lettre relative au plan de cohésion sociale. Je tiens d'ailleurs à préciser que ce plan ne se limite pas à la cohésion sociale : il concerne également le dispositif relatif au réaménagement du temps de travail, même si les aspects juridiques en ont été fixés par une proposition de loi.
La négociation interprofessionnelle est actuellement engagée sur des sujets comme la pénibilité, les séniors ou les nouvelles conditions du télétravail.
En ce qui concerne plus spécifiquement l'aménagement du temps de travail, j'ai eu l'occasion de rencontrer longuement et officiellement, à deux reprises, au mois d'août et au début du mois d'octobre 2004, chacun des partenaires sociaux. Ensuite, le Premier ministre a reçu, à la fin du mois d'octobre et au début du mois de novembre, l'ensemble des partenaires sociaux, avant d'arrêter le projet de contrat France 2005. C'est dire qu'un réel dialogue a été engagé avec les partenaires sociaux. En portent d'ailleurs témoignage les réactions que vous retrouverez dans les dépêches de presse ou les échanges que nous avons pu avoir et dont certains ont été rendus publics.
Telles sont les raisons pour lesquelles je ne peux pas être favorable à cet amendement. Je tenais néanmoins à préciser au Sénat que nous avons agi non pas en catimini, mais après deux rapports - un rapport du Gouvernement au Parlement à la fin de l'année 2002 et un rapport de la mission d'information de l'Assemblée nationale - et à la suite de différents échanges avec les partenaires sociaux.
M. le président. L'amendement n° 121, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Dans l'avant-dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 122-14-4 du code du travail, sont supprimés les mots : « sauf si la réintégration est devenue impossible, notamment du fait de la fermeture de l'établissement ou du site ou de l'absence d'emploi disponible de nature à permettre la réintégration du salarié. »
La parole est à Mme Eliane Assassi.
Mme Eliane Assassi. Pour justifier cette réforme de l'organisation du temps de travail, le Gouvernement ne cesse de répéter qu'il prône le dialogue et la négociation entre les partenaires sociaux. Le problème, mes chers collègues de la majorité sénatoriale, c'est qu'avec vous les termes « plus de négociation » sont synonymes de développement contraint de la négociation d'entreprise non pas pour améliorer les règles et les garanties contenues dans le code, les accords interprofessionnels ou les accords de branche, mais bel et bien pour y déroger.
Cette proposition de loi est à l'image de la loi Fillon de janvier 2003, qui a permis que soient négociés, à titre exceptionnel, des accords de méthode dérogeant à notre droit du travail dans un domaine sensible, celui des licenciements économiques et des restructurations
Cet argument du dialogue social est martelé non pas uniquement pour la réforme des 35 heures, mais pour toutes les lois concernant l'emploi ou la solidarité, comme la loi de programmation pour la cohésion sociale. Le rapporteur de la commission des affaires sociales avait justifié la disposition de régression sociale que constituait la suppression de la jurisprudence « Samaritaine » en déclarant qu'elle répondait simplement au besoin « d'ouvrir de nouveaux champs à la négociation collective, afin de prévenir et de mieux gérer les procédures de licenciements ».
Pourtant, sur ce sujet, Hervé Novelli, auteur de la proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui, n'avait pas cru bon de prendre de telles précautions en qualifiant cette jurisprudence d'« absurde » et en la considérant comme une « incohérence de notre droit du travail ».
Le vote, par la majorité, d'un amendement qui vise à supprimer l'obligation faite à l'employeur, en cas de plan social, de reclasser les salariés au sein de l'entreprise ou du groupe - amendement exigé par le MEDEF - a fait la démonstration du peu d'attachement que porte ce gouvernement aux principes fondamentaux de notre législation sociale, en l'occurrence à l'ordre public social et à la hiérarchie des normes.
Associée à la suppression pure et simple de l'amendement « Michelin », qui fait obligation de passer aux 35 heures avant tout plan social et tout licenciement dans l'entreprise, la suppression de la jurisprudence « Samaritaine » nous donne justement l'exemple de votre conception du droit du travail. Votre décision de suspendre ces éléments protecteurs, indispensables pour les salariés, prévus d'ailleurs dans la loi de modernisation sociale en cas de licenciements ou de plans sociaux, ne peut conduire qu'à la perte d'emplois dans notre pays.
Si l'on ajoute à cela que l'allongement du contingent d'heures supplémentaires et la destruction des 35 heures ne feront que supprimer toute possibilité de création d'emplois, l'avenir que vous réservez aux salariés et aux sans-emploi de ce pays s'assombrit de jour en jour.
L'amendement que nous présentons vise précisément à supprimer les exceptions telles que la fermeture de l'établissement ou l'absence d'emploi disponible, posées par la loi de programmation pour la cohésion sociale, au droit de réintégration des salariés en cas de nullité du licenciement prononcé par le juge.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement prévoit de revenir sur une mesure qui a été décidée lors de l'adoption de la loi de programmation pour la cohésion sociale, en décembre dernier. En outre, cette disposition est sans rapport avec la question de la durée du travail. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Il y a non pas abandon de la jurisprudence « Samaritaine », mais prise en compte du principe de réalité : on ne peut imposer une obligation de réintégration lorsque cette dernière est matériellement impossible. Quand les entreprises ont disparu du territoire, les réintégrations fictives sont contre-productives. Ces réalités devraient s'imposer d'elles-mêmes !
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 10, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement organise avant la fin du deuxième trimestre de l'année 2005 une conférence sur les salaires, l'emploi, les conditions de travail, l'organisation du temps de travail réunissant l'ensemble des organisations représentatives syndicales et patronales.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. « Jamais les entreprises françaises n'ont autant choyé leurs actionnaires. »
M. Roland Muzeau. C'est sûr !
Mme Raymonde Le Texier. Ce n'est pas nous qui le disons : c'est le Figaro économie, dans son édition du 18 février.
Mme Catherine Procaccia. Vous lisez Le Figaro ?
Mme Raymonde Le Texier. Mais oui ! Par inadvertance, il m'arrive de lire Le Figaro !
M. Ladislas Poniatowski. C'est un très bon journal !
Mme Raymonde Le Texier. Nous apprenons ainsi que les entreprises du CAC 40 ont reversé à la Bourse, pour les années 2003-2004, 56 milliards d'euros en rachetant leurs propres actions. Au niveau européen, entre les dividendes aux actionnaires et les rachats d'actions, le total atteint 230 milliards d'euros.
Permettez-moi de citer quelques chiffres qui figurent dans cet excellent article du Figaro économie. La firme Total arrive en tête du classement pour 2004, avec 2,6 milliards d'euros distribués. Parallèlement, le groupe a racheté 3,6 % de son capital pour l'annuler, augmentant ainsi le revenu des actions restantes. Il y a non seulement distribution de dividendes, mais également concentration du capital à l'intérieur de la société pour concentrer aussi les dividendes, qui profitent ainsi aux plus gros actionnaires. Ainsi, faut-il rappeler au Sénat que la holding Wendel Investissement, dont le président est M. Seillière, a procédé à un rachat massif de ses actions ?
D'autres sociétés ont agi de même, notamment des banques comme BNP Paribas, la Société générale ou le Crédit Lyonnais. Et, nous explique-t-on benoîtement, la tendance se poursuit en 2005. Par exemple, Schneider Electric a augmenté son dividende de 64 %, et le secteur bancaire entre 30 % et 40 %, selon les cas.
Dans le même temps, le Gouvernement et sa majorité ont l'audace de nous dire que les salaires ont diminué à cause des 35 heures et de la baisse de la valeur du travail. Le seul moyen de corriger cette situation serait donc de permettre aux salariés de travailler plus pour gagner plus, en faisant des heures supplémentaires et en les plaçant sur un compte épargne-temps.
On croit rêver ! Si le pouvoir d'achat a reculé en 2003 de 0,5 %, chiffre officiel de l'INSEE, pour ne regagner que 0,5 % en 2004, et stagner en 2005, c'est la faute des 35 heures ! Si le pouvoir d'achat des cadres est en baisse constante de 10 % entre 1990 et 2004, c'est la faute des 35 heures, qui n'existaient pas à l'époque. Si la pauvreté touche 7 millions de Français, ce n'est pas parce que le chômage frappe 2 millions et demi de nos concitoyens et, la précarité, 20 % des salariés, ce n'est pas parce que les minima salariaux, dans 198 branches sur 242, sont inférieurs au SMIC : c'est la faute des 35 heures !
Cela me fait penser à une petite histoire, que vous connaissez sans doute : celle des trois enveloppes. Il s'agit d'un PD-G qui vient d'être nommé à la tête d'une société très importante : ce n'est pas une maison facile, lui dit-on, mais vous disposez de trois enveloppes à ouvrir en cas de problèmes. Quelques mois plus tard, confronté à des menaces de grève, le PD-G ouvre la première enveloppe, dans laquelle il lit : « Dites que c'est la faute de vos prédécesseurs ! » Les choses se calment. Quelque temps après, la situation se dégradant de nouveau au sein de l'entreprise, il ouvre la deuxième enveloppe : « Dites que c'est la faute de la conjoncture. ». Après un retour au calme, la situation s'envenimant encore, le PD-G se voit contraint d'ouvrir la troisième enveloppe, et il lit : « Préparez trois enveloppes.»
M. Ladislas Poniatowski. Pour votre successeur !
Mme Raymonde Le Texier. Mes chers collègues de la majorité, monsieur le ministre, vous avez tellement abusé des deux premières enveloppes au cours de ces trois jours que je me demande si n'est pas venu le moment de préparer trois enveloppes !
M. Claude Domeizel. C'est une bonne idée !
Mme Raymonde Le Texier. Il est temps de rappeler que les Français travaillent et qu'ils ont l'une des plus fortes productivités au monde. On a envie de dire simplement : sinon, d'où vient l'argent ?
M. Roland Muzeau. Eh oui !
Mme Raymonde Le Texier. D'où viennent ces dizaines de milliards d'euros consacrés à conforter le capitalisme patrimonial par distribution de dividendes et rachat d'actions ?
Nous sommes en face de l'une des plus grandes injustices historiques : l'aboutissement du déséquilibre programmé dans le partage de la valeur ajoutée entre les détenteurs du capital et les travailleurs. Aux uns sont réservés les dividendes et les stock-options, aux autres, les bas salaires, les emplois précaires et le chômage.
Cette situation est non seulement scandaleuse mais aussi dangereuse. C'est pourquoi nous demandons instamment au Gouvernement d'organiser, avec les partenaires sociaux, une conférence sur les salaires, les conditions de travail et l'emploi. II est de la responsabilité des pouvoirs publics de rétablir un minimum d'équité dans le fonctionnement de la société salariale et non pas d'encourager une société de prédation se développant au détriment des plus faibles. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. L'amendement n° 122, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le chapitre 1 du titre III du livre premier du code du travail est ajouté un chapitre ainsi rédigé :
« Conférence nationale sur les salaires ».
La parole est à Mme Eliane Assassi.
Mme Eliane Assassi. Le moins que l'on puisse dire en ce qui concerne cette réforme de l'organisation du temps de travail, c'est qu'il n'est pas tout à fait certain que la priorité des priorités soit de donner des facilités nouvelles aux employeurs pour aménager le temps de travail de leurs salariés, quitte à mettre un terme à l'existence concrète des 35 heures.
Ce qui est de plus en plus évident aujourd'hui, c'est le caractère éminemment scandaleux de la faiblesse des rémunérations versées au regard des richesses créées par le travail. Les plus récentes études, qu'elles portent sur l'emploi, sur le niveau des rémunérations, sur les stratégies d'embauche des entreprises, sont, de ce point de vue, particulièrement éclairantes.
« Gagner plus en travaillant plus » est le slogan des auteurs de cette proposition de loi, qui est en fait le projet de loi que vous n'avez pas osé déposer, monsieur le ministre. Mais, avant de gagner plus, il serait bon de percevoir le minimum de ce qu'il convient de gagner !
Prenons un exemple. Dans l'avenant à la convention collective du commerce de détail des fruits et légumes, de l'épicerie et des produits laitiers du 20 septembre 2004 portant sur les salaires, on peut lire notamment : « Au 1er juillet 2004, le SMIC horaire a été augmenté par voie réglementaire de 5,8 %. Le taux horaire minimum est donc passé de 7,19 euros à 7,61 euros. Cette augmentation de 5,8 % se décompose ainsi : 2,1 % au titre de la hausse de l'indice des prix à la consommation hors tabac des ménages urbains ; 3,7 % pour le retour au SMIC unique au 1er juillet 2005. Dans la grille de salaires de la convention collective nationale des fruits et légumes, épicerie et produits laitiers, cinq niveaux (...) se retrouvent en dessous du SMIC. Les partenaires sociaux se prononcent pour une nouvelle grille de salaires en prenant ainsi compte de l'augmentation du SMIC et de la volonté, partagée par tous, de rendre plus attractifs les différents niveaux de la grille de salaires. »
La situation que connaît cette branche professionnelle est loin d'être unique, puisque de multiples branches sont dans le même cas.
Tous les ans, parce que les minima salariaux conventionnels sont inférieurs au SMIC tel qu'il est aujourd'hui défini, des avenants aux conventions collectives sont nécessaires pour permettre aux salariés de se retrouver au niveau salarial minimal garanti.
Gagner plus en travaillant plus, est ce donc vraiment la question ?
Gagner plus, certainement ! On peut en effet souligner, entre autres phénomènes, la persistance d'un faible niveau de rémunérations dans nombre de secteurs d'activité. Ainsi, dans le domaine des services à la personne - secteur d'activité que le plan Borloo pour la cohésion sociale entend développer de manière sensible ces prochaines années - aujourd'hui, le tiers des salariés ne reçoivent, comme rémunération, que le SMIC ou le minimum garanti par l'application des lois Aubry et Fillon relatives à l'aménagement du temps de travail.
Selon les données de l'Institut national de la statistique et des études économiques, l'INSEE, ce sont 16 % des salariés qui touchent moins de 950 euros mensuels.
Au 1er juillet 2003, toujours selon l'INSEE, la part des salariés rémunérés au SMIC ou bénéficiant de la garantie mensuelle était de 13,4 %, ce pourcentage atteignant plus de 17 % dans l'industrie agroalimentaire, plus de 18 % dans le commerce et la distribution et donc, comme nous l'avons souligné, plus de 33 % dans le secteur des services à la personne.
Le débat sur le « gagner plus en travaillant plus » a donc quelque chose d'indécent.
La conférence annuelle sur les salaires, dont nous proposons, par le biais de cet amendement, la tenue permanente, en tant qu'élément de notre droit du travail, permettrait de reposer la question des salaires dans des termes les plus justes.
M. le président. L'amendement n° 123, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le chapitre 1 du titre III du livre premier du code du travail, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L... . - Une conférence nationale sur les salaires est convoquée lors du premier semestre de chaque année civile.
« Les organisations syndicales représentatives de salariés et d'employeurs, les ministères concernés, sont partie prenante de cette conférence annuelle.
« La conférence fait le point sur les évolutions salariales observées dans les entreprises du secteur marchand, au regard du bilan de la négociation collective de branche et formule toute proposition tendant notamment à favoriser le respect de l'égalité salariale entre hommes et femmes, le maintien et l'augmentation du pouvoir d'achat des salariés, la reconnaissance des qualifications acquises. »
La parole est à Mme Eliane Assassi.
Mme Eliane Assassi. La question essentielle posée par la situation économique et sociale actuelle est non pas celle de l'aggravation de la flexibilité et de la souplesse d'organisation des entreprises, qui va d'ailleurs de pair, de manière inversement proportionnelle, avec la dureté croissante des conditions de travail imposées aux salariés, mais bien plutôt celle du partage de la richesse créée par le travail.
Mes chers collègues, qu'on le veuille ou non, le chef d'entreprise n'est jamais le Messie et le capital ne se reproduit jamais par génération spontanée, puisqu'il faut toujours l'intervention des salariés pour qu'il devienne un bien ou un service commercialisable !
La tendance lourde que nous observons depuis plusieurs années est bien connue. La part des salaires dans la valeur ajoutée est en effet en réduction tendancielle affirmée puisque, de l'aveu même du président du MEDEF, nous en sommes revenus à la situation des années soixante.
Cela signifie donc que les entreprises sont parvenues à une situation originale : réaliser des profits maximaux sans le plein emploi ; de ce fait, le coût social de la situation est supporté par les autres acteurs économiques et sociaux.
En réalité, dans la dernière période, avant l'adoption des lois Aubry, que certains ne manquent pas de brocarder aujourd'hui, la progression de la productivité apparente du travail se traduisait par la lente réduction de la part des salaires dans la valeur ajoutée.
Ainsi, entre 1996 et 1998, les salaires sont passés de 64,5 % à 62,5 % de ladite valeur ajoutée.
Légèrement relancé après le changement de majorité parlementaire, le mouvement de progression des salaires au regard des richesses créées a ramené les rémunérations à la fin de l'année 2002 à la hauteur de celles de 1996. Mais, depuis, la décrue reprend et se poursuit. Et la tendance est de ramener vers les 60 % de valeur ajoutée la part des salaires.
Certaines dispositions du présent texte - je pense notamment à la monétisation du compte épargne-temps et à sa transformation en abondements à des plans d'épargne pour la retraite collectifs, les PERCO - tendent d'ailleurs à perpétuer ce processus tandis que l'autisme dont fait preuve le Gouvernement à l'égard de ses propres agents est le meilleur exemple donné aux entreprises pour pratiquer à l'envi la modération salariale.
La réalité est donc bien connue de tous. La France devient un pays de bas salaires, où l'emploi rémunéré aux minimaux légaux et conventionnels est encouragé, notamment par le biais des dispositifs d'allégement de cotisations sociales et par l'usage de la prime pour l'emploi, où les qualifications réelles des salariés ne sont pas reconnues à leur juste valeur, où la valeur ajoutée créée par le travail est de plus en plus détournée au profit du versement de dividendes juteux pour les actionnaires ou les avisés détenteurs de plans d'option d'achat d'actions.
Il faut remettre les choses en place. Nous ne sommes pas certains que les gens soient volontaires pour travailler plus en vue de gagner plus. A dire vrai, ils souhaitent sans doute d'abord et avant tout gagner mieux et être, de fait, rémunérés comme il convient, eu égard à leurs compétences, à leur productivité, à leur qualification.
Dans ce débat, seule une négociation annuelle, réunissant tous les partenaires sociaux sous l'arbitrage des pouvoirs publics, est à même de donner les orientations et les impulsions nécessaires pour répondre aux attentes.
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 10, 122 et 123 ?
M. Louis Souvet, rapporteur. L'amendement n° 10 tend à organiser une vaste conférence fourre-tout dans laquelle seraient traités des sujets tels que les salaires, l'emploi, les conditions de travail, l'organisation du temps de travail, voire la santé au travail, la pénibilité, l'emploi des séniors, etc.
Je doute fort qu'une telle consultation des partenaires sociaux embrassant tant de sujets distincts puisse déboucher sur des propositions concrètes.
La démarche du Gouvernement, qui consiste à encourager la négociation sur des thématiques bien identifiées, comme la pénibilité au travail ou l'emploi des séniors, paraît bien plus appropriée.
De plus, l'adoption de cet amendement conduirait à donner une injonction au Gouvernement, ce qui, me semble-t-il, est contraire à la Constitution. La commission émet donc un avis défavorable.
Les amendements nos 122 et 123 visent à prévoir l'organisation annuelle d'une conférence sur les salaires à laquelle participeraient le Gouvernement et les partenaires sociaux. Le Gouvernement étant intéressé au premier chef par cette mesure, la commission des affaires sociales souhaite connaître son avis sur l'opportunité d'une telle initiative.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je rappellerai tout d'abord dans quelles conditions le code du travail organise la négociation salariale au sein des articles L.132-12 en ce qui concerne la branche et L.132-27 en ce qui concerne les entreprises.
Seul le SMIC relève d'une décision nationale. Hormis ce cas de figure, la fixation des salaires relève de la négociation soit de branche, soit d'entreprise. C'est d'ailleurs un moment fort de la négociation entre les partenaires sociaux.
L'Etat est naturellement attentif à ces négociations, mais l'expression « Grenelle des salaires » entendue au sens où l'Etat réunirait l'ensemble des acteurs pour faire une police des salaires est fausse et source d'illusions.
M. Ladislas Poniatowski. Bien sûr !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. L'Etat suit, bien évidemment, de très près l'évolution tant des négociations que du partage entre salaires et profits d'entreprise. C'est pour suivre cette évolution de la négociation que, le 18 mars prochain, je réunirai la sous-commission des salaires non seulement pour faire le point, mais aussi pour dresser l'état des minima conventionnels dans les branches.
M. Roland Muzeau. Il vaut mieux, car vous avez vu la situation...
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je voudrais rappeler quelques chiffres en ce qui concerne l'évolution du pouvoir d'achat au sens des comptes nationaux.
Après le retournement de conjoncture et le gel salarial, l'année 2004 a connu pour la première fois une progression. Ainsi, le salaire mensuel de base ouvrier a enregistré une croissance de 1,1 point, selon les données qui viennent de nous être communiquées et qui seront transmises à la prochaine sous-commission des salaires.
Nous aurons l'occasion de présenter des comparaisons avec ce qui existe dans les autres pays européens. Ainsi, plutôt que de véhiculer des affirmations sur « la France, pays à bas salaires », chacun saura quelle a été, au sein de la Communauté européenne, dans la zone euro et hors de cette zone, l'évolution réelle des salaires. Nous verrons que certaines formules un peu rapides mériteraient un examen plus approfondi.
En tout cas, la sous-commission des salaires, qui appartient à la Commission nationale de la négociation collective, sera informée et débattra dans les semaines qui viennent.
Selon certains, les négociations seraient en panne.
Mes chers collègues, au cours de l'année 2003, ont eu lieu trois cent quatre-vingt-quatre négociations salariales de branche. Ce chiffre est supérieur à celui de 2002 et de 2001. Au niveau des entreprises, le nombre de ces négociations s'est situé autour de 5 000, comme je l'ai indiqué lors de la discussion générale.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement n'est pas favorable à ces amendements.
Naturellement, il est attentif à la répartition entre salaires et profits. A l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à l'entreprise, nous aurons à débattre de la participation. Nous pourrons constater que, dans un certain nombre d'entreprises figurant au CAC 40, participation et intéressement représentent un treizième et un quatorzième mois, octroyant aux salariés une part de l'accroissement du profit de ces entreprises. Dans une entreprise pétrolière, ces gains représenteront même deux mois supplémentaires de salaires pour l'année 2004. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Eliane Assassi, pour explication de vote sur l'amendement n° 122.
Mme Eliane Assassi. Le fait est que, si pour les salariés les dernières années ont été des périodes de vaches maigres en termes de progression de la rémunération mensuelle et annuelle, il n'en a pas été de même pour les plus grands patrons du pays, et notamment pour les patrons des entreprises cotées au CAC 40.
Manifestement, la croissance n'est pas perdue pour tout le monde ; elle permet aux conseils d'administration des entreprises de l'« indice vedette » de la bourse de Paris de voter des rémunérations confortables à leurs PDG favoris.
A mon tour, monsieur le ministre, de citer des chiffres : champion toutes catégories, le PDG de TotalFinaElf a pu annoncer 9 milliards d'euros de bénéfice net pour son groupe, tandis que son salaire annuel s'est élevé en 2003 à 2,787 millions d'euros, soit une hausse de 10 % par rapport à l'année précédente.
A quoi devons-nous attribuer cette gratification : à la poursuite de la prospection pétrolière en Birmanie, en bonne intelligence avec le régime qui retient prisonnière Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix, ou à la lenteur calculée mise en oeuvre pour indemniser les communes littorales victimes de la pollution de l'Erika ?
Le PDG de la Société générale a perçu près de 3 millions d'euros de salaire, ce qui doit représenter la rémunération de quelques-uns des employés aux guichets d'accueil du public, pour un résultat comptable de près de 2,5 milliards d'euros !
Mais les entreprises déficitaires en termes comptables n'en ont pas nécessairement tenu rigueur à leurs PDG.
Prenons l'exemple particulièrement intéressant d'Alcatel, dont le résultat comptable en 2003 était déficitaire de 1,94 milliard d'euros, entamant largement les fonds propres du groupe, et qui a pourtant versé 2,306 millions d'euros de rémunération à Serge Tchuruk, soit une hausse de plus de 50 % par rapport à l'année précédente. Or Alcatel, si je ne m'abuse, vient d'annoncer un plan social touchant un certain nombre de ses établissements !
Et la même situation se retrouve en bien d'autres groupes !
Comment ne pas pointer du doigt la morgue avec laquelle TotalFinaElf, bien qu'ayant « explosé » tous les records de profit en 2004, annonce une profonde restructuration de son pôle chimie, notamment par la réduction de moitié des effectifs de son usine historique de Saint-Auban dans les Alpes de Haute Provence, où, sur les 713 emplois que compte actuellement le site Arkema, 380 suppressions de postes sont programmées ?
Nous pourrions ainsi multiplier les exemples du dédain croissant des conseils d'administration des plus grands groupes de ce pays pour le devenir de leurs salariés, tandis que les PDG sont remerciés de leur diligence à faire croître les taux de profit et à concevoir des restructurations meurtrières pour l'emploi.
Décidément, la conférence annuelle sur les salaires est une nécessité. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Eliane Assassi, pour explication de vote sur l'amendement n°123.
Mme Eliane Assassi. Un très grand quotidien du soir a publié cette semaine une analyse intéressante sur l'évolution économique de notre pays.
Nous sommes en effet confrontés à une situation pour le moins paradoxale : la croissance semble avoir connu une relative progression en 2004 - on parle d'un taux de croissance situé entre 2,3 % et 2,5 % - tandis que le taux de chômage vient d'atteindre la barre fatidique des 10 %.
Les faits sont patents : à taux de croissance équivalent, les entreprises françaises ont créé en 2004 six fois moins d'emplois qu'elles ne l'avaient fait six ans plus tôt.
Tout se passe comme si nous étions entrés dans un nouveau cycle où la progression de la productivité apparente du travail pèserait sur l'emploi et les salaires, au moment même où l'on persiste à vouloir développer les solutions individualisées de rémunération directe ou différée ; je pense au développement des produits d'épargne retraite.
Oui, les salariés de ce pays souhaitent gagner plus. Mais veulent-ils pour autant que leurs conditions de rémunération se dégradent au travers d'une série de mesures qui dérèglent un peu plus leur rythme de travail, qui permettent d'accumuler horaires décalés et heures supplémentaires, mesures dont d'aucuns osent prétendre qu'elles mettent « un terme aux rigidités du code du travail » ?
Le sentiment le mieux partagé est celui de l'accroissement de l'intensité du travail, de la complexité croissante des processus de production, voire, bien souvent, de l'accroissement de la pénibilité du travail.
Ce n'est d'ailleurs pas qu'un sentiment diffus, une impression vague. Cela correspond à la réalité que l'on connaît dans nombre de secteurs où l'aménagement du temps de travail a été gagé sur l'allongement de la durée d'utilisation des équipements matériels, la généralisation du travail de nuit et de fin de semaine, la généralisation des horaires décalés et de la rémunération liée aux résultats.
Combien d'accords collectifs ont en effet été signés, puis validés et étendus, qui comportaient des clauses de modération salariale liant de fait toute perspective de progression des rémunérations aux seules performances individuelles !
C'est de cette situation que nous héritons aujourd'hui, et c'est elle qu'il convient de remettre en question aujourd'hui. C'est pourquoi nous ne pouvons, mes chers collègues, que vous engager à voter notre amendement. (Très bien ! sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt-deux heures.)
M. le président. La séance est reprise.
Dans la discussion des articles de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise, nous poursuivons l'examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l'article 1er et qui avaient été précédemment réservés.
L'amendement n° 12, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
L'avant-dernier alinéa de l'article L. 212-4 du code du travail est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Le temps de déplacement professionnel est constitutif d'un temps de travail effectif. Il est constitué par :
« - le temps de trajet effectué par le salarié dans le cadre de sa mission pour le compte de l'entreprise lorsque ce temps coïncide avec l'horaire collectif de travail ;
« - le temps de déplacement du salarié nécessaire pour l'exécution de sa mission pour se rendre, à partir de son domicile, sur le lieu d'exécution du contrat de travail lorsque celui-ci n'est pas le siège de l'établissement. »
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement, relatif au temps de déplacement, vise à revenir sur une définition du temps de travail injustement restrictive, et ce à double titre, parce qu'elle est contraire à la réalité, à la vérité des faits, et parce qu'elle est contraire à l'équilibre entre les intérêts des employeurs et des salariés, et donc à la justice.
Cette définition, comme nombre de mauvais coups, est apparue au détour d'un amendement adopté à l'Assemblée nationale, sans que bien entendu - et pour cause ! - les partenaires sociaux - tout au moins les organisations syndicales - aient été consultés ou même informés. Il est d'ailleurs intéressant - si l'on peut dire - que cet amendement ait été voté dans le cadre de l'examen d'un texte censé promouvoir la cohésion sociale.
Jusqu'à l'adoption de l'article 69 de la loi de programmation pour la cohésion sociale, les déplacements bénéficiaient d'une définition et d'un statut clairs.
Quand le salarié quitte son domicile pour se rendre au travail dans son entreprise, cela s'appelle le trajet, et ce n'est pas du temps de travail. En cas d'accident, il s'agit non pas d'un simple accident de la circulation, par exemple, mais d'un accident de trajet, soumis à une législation particulière. Mais, lorsque le salarié arrive à son entreprise, on entre dans le champ du temps de travail.
Si le salarié quitte son entreprise pour se rendre sur un chantier, ou si son employeur le prend à domicile pour aller directement sur un chantier, on est toujours dans le temps de travail, tel qu'il est défini par le code du travail. Le salarié est, en effet, à la disposition de son employeur sans pouvoir vaquer à ses occupations personnelles.
L'amendement qui a « opportunément » modifié cet état de fait ne concerne que les déplacements professionnels, dont je parlais à l'instant. Ainsi, les salariés itinérants ne se verront plus décompter ces déplacements dans le temps de travail, alors qu'il s'agit bien de déplacements strictement professionnels, et non de simples trajets entre le domicile et le lieu de travail.
Monsieur le ministre, vous avez obtenu la bénédiction du Conseil constitutionnel sur cet amendement. Vous avez déclaré à l'Assemblée nationale, le 3 février dernier, qu'une indemnisation spécifique devait être octroyée aux salariés amenés à se déplacer lors de leur activité professionnelle. Mais une indemnité n'est pas un salaire. Une indemnité n'est accordée que lorsque l'on sort du temps de travail effectif pour entrer dans cette zone des astreintes que vous assimilez à du repos, et des permanences qui connaîtront sans doute bientôt le même sort. Une indemnité n'atteint pas le niveau d'un salaire horaire.
Nous revoici en présence de ce rétrécissement programmé du temps de travail, où l'on s'efforce de sortir de la rémunération des salariés tout ce qui est considéré comme à la frontière du travail effectif.
Permettez-moi de vous citer, monsieur le ministre, le mensuel de l'UIMM, l'Union des industries métallurgiques et minières, de janvier 2005, qui souligne, avec la plus grande clarté, que cet amendement introduit dans la loi dite de cohésion sociale a pour objet de « ne pas faire entrer dans le décompte des heures supplémentaires le temps de trajet entre le domicile et le lieu de travail pour les salariés itinérants en déplacement chez un client ».
Ainsi, les salariés qui se rendent avec leur employeur sur un chantier, ou ceux qui se rendent directement sur une intervention dans un véhicule de l'entreprise, ne seront plus rémunérés pour ce temps que certains trouveront peut-être amusant de qualifier de « temps de loisir » !
Vous êtes en pleine contradiction, non pas avec le texte que vous nous présentez aujourd'hui, mais avec vos déclarations publiques.
Les salariés sont supposés pouvoir faire dorénavant des heures supplémentaires à tout-va pour gagner plus. Pourquoi, alors, commencer par diminuer le temps de travail effectif ? Pourquoi diminuer les heures de travail, éventuellement les heures supplémentaires que constituent les déplacements professionnels ?
Appliquez-vous aux salariés la théorie du handicap, comme dans les courses de chevaux ? Comment expliquez-vous cette contradiction entre vos propos publics et ce bricolage en forme de meccano sur les heures supplémentaires et, par voie de conséquence, sur le salaire versé ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement vise à revenir sur une solution équilibrée, qui a été introduite très récemment dans notre droit, puisqu'elle résulte de la loi de programmation pour la cohésion sociale qui a été adoptée en décembre 2004.
Que cela reste entre nous, monsieur Godefroy, j'aimerais pouvoir vous dire que j'ai envie d'accepter votre amendement, mais, comme j'ai déjà refusé un amendement similaire défendu par le groupe CRC, que penseriez-vous et que penseraient vos amis si je ne m'en tenais pas à la même logique ? (Sourires.)
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Monsieur Godefroy, le Conseil constitutionnel, qui n'est pas le Sacré Collège et n'a donc pas pu donner sa bénédiction, (Nouveaux sourires) a simplement reconnu que cette disposition était conforme à la Constitution.
Je tiens à le confirmer de manière assez solennelle, l'indemnisation qui est prévue dans ce cadre-là doit être fixée par accord collectif ou, le cas échéant, à défaut d'un tel accord, par l'employeur, dès lors que le temps de déplacement dépasse la durée habituelle de trajet entre le domicile du salarié et son lieu de travail.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 12.
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
La seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 212-4 bis du code du travail est supprimée.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. La définition de l'astreinte et ses conséquences en matière de rémunération est une question qui occupe depuis longtemps les spécialistes du droit du travail.
Je rappelle donc brièvement que la loi Fillon du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi, a modifié l'article L. 212-4 bis du code du travail.
Il s'agissait alors de revenir sur la jurisprudence de la Cour de cassation dans son arrêt « Dalkia » du 10 juillet 2002. Celle-ci précisait alors : « Les périodes d'astreinte, si elles ne constituent pas un temps de travail effectif durant les périodes où le salarié n'est pas tenu d'intervenir au service de l'employeur, ne peuvent être considérées comme un temps de repos ».
Cette jurisprudence était conforme à la définition de l'astreinte, qui est la suivante : « période durant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme temps de travail effectif ».
Nous sommes là dans une logique qui, peut-on dire, se tient : durant l'astreinte, il y a des périodes de travail effectif, qui doivent être rémunérées comme telles.
Cependant, l'astreinte, hors périodes de travail, n'est pas du repos, puisque le salarié ne peut vaquer librement à ses occupations.
Telle est la raison pour laquelle les accords collectifs prévoient un forfait indemnitaire pour les salariés qui sont périodiquement sous astreinte, pour les moments où ils ne sont pas en intervention.
La Cour de cassation avait suivi cette logique, qui avait le mérite de la clarté pour ce que l'on a souvent considéré comme une « zone grise » de la durée du travail.
Le Gouvernement a décidé de porter un coup à cet équilibre, en décidant l'insertion dans le code du travail d'une nouvelle disposition. Désormais, l'astreinte, exception faite de la période d'intervention, est décomptée dans les durées minimales du repos quotidien, soit onze heures, et du repos hebdomadaire, soit vingt-quatre heures.
Pour les dizaines de milliers de salariés qui, dans différentes branches, sont soumis à des astreintes, tout cela n'a rien d'un débat de pure sémantique.
De surcroît, la directive de 1993 relative à l'aménagement du temps de travail est actuellement en procédure de révision, et cette définition du repos pourrait s'étendre aux périodes de garde sur le lieu de travail. Je pense notamment aux permanences de soins qui sont assurées dans les hôpitaux locaux. Imaginerait-on de qualifier la présence de personnels soignants à l'hôpital comme du temps de repos ?
M. Roland Muzeau. Non !
M. Jean-Pierre Godefroy. On peut craindre que, progressivement, la définition du temps de travail effectif, du temps qui doit être rémunéré, ne se réduise comme peau de chagrin, par le recours à tous les arguments possibles, à commencer par les plus contraires au bon sens et à l'équité.
Depuis deux ans, nous assistons à un glissement qui s'opère dans le silence des conférences et des cabinets, mais qui n'en est pas moins particulièrement pernicieux pour les salariés.
Un recours est d'ailleurs engagé devant le comité compétent du Conseil de l'Europe sur la base du non-respect de la Charte sociale des droits fondamentaux.
Nous n'avons évidement aucun espoir de voir notre amendement adopté. Néanmoins, nous aimerions connaître l'avis du ministre et la position officielle de la France sur cette affaire. Cette position a-t-elle évolué depuis le 7 décembre 2004, date de la dernière réunion des ministres chargés de l'emploi ?
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Notre commission a approuvé en son temps la modification du régime de l'astreinte introduite par la loi Fillon du 17 janvier 2003.
M. Roland Muzeau. Hélas !
M. Louis Souvet, rapporteur. Pour des raisons qu'il vous est facile d'imaginer, la commission ne souhaite pas revenir sur ce point. Vous vous souvenez sans doute des nombreuses heures qui nous ont été nécessaires pour nous mettre d'accord sur la définition de l'astreinte.
La non-prise en compte des périodes d'astreinte pour le calcul du temps de repos poserait de sérieux problèmes d'organisation aux entreprises qui doivent organiser des permanences la nuit ou le week-end.
M. Roland Muzeau. Elles l'ont pourtant fait auparavant !
M. Louis Souvet, rapporteur. En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Monsieur Godefroy, je me suis déjà exprimé tout à l'heure sur ce sujet.
D'abord, il faut faire une distinction entre un recours devant le Conseil de l'Europe et la discussion d'un projet de directive modifiant la directive de 1993 sur le temps de travail qui a lieu dans le cadre de l'Union européenne, notamment au sein de la Commission européenne et du conseil des ministres de l'emploi.
La suppression proposée à travers cet amendement remettrait en cause l'objectif de la loi du 17 janvier 2003...
M. Roland Muzeau. C'est bien l'objet !
M. Gérard Larcher, ministre délégué.... qui a complété la loi du 19 janvier 2000 en précisant la situation du salarié, la nature des temps où le salarié n'intervient pas, tirant ainsi les conclusions de la jurisprudence de la Cour de cassation.
Puisque vous m'avez interrogé sur la position de la France dans cette affaire, je répète qu'il faut bien distinguer le recours engagé devant le Conseil de l'Europe des débats que nous avons actuellement au sein du conseil des ministres de l'emploi.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 11.
M. le président. L'amendement n° 14, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
La loi n° 2001-7 du 4 janvier 2001 relative au contrôle des fonds publics accordés aux entreprises est rétablie dans sa rédaction antérieure à la loi de finances rectificative pour 2002 (n° 2002-1576 du 30 décembre 2002).
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Depuis la loi Fillon de 2003, il n'y a plus aucune contrepartie aux exonérations de cotisations sociales patronales. Vous avez en effet déconnecté totalement ces exonérations de la création ou même seulement de la préservation d'emplois, monsieur le ministre.
Cette année, lors du débat budgétaire, nous avons pu constater que, en 2005, 17 milliards d'euros sont octroyés aux entreprises sur le seul budget de l'Etat, sans qu'il soit demandé quoi que ce soit à ces dernières par ailleurs.
Pire encore, la limite d'exonération a été abaissée à 1,6 SMIC, ce qui constitue une incitation directe à ne pas augmenter les salaires dans les entreprises. Là aussi, monsieur le ministre, il y a une contradiction entre votre volonté affichée d'augmenter le pouvoir d'achat des salariés et le résultat des mesures que vous prenez. Et vous ne pouvez feindre d'ignorer à quoi ces mesures vont aboutir inexorablement.
Outre ces 17 milliards d'euros, nous devons aussi compter avec l'ensemble des aides qui sont apportées par les collectivités territoriales et par les fonds européens. Tout cela se fait sans aucun contrôle, si ce n'est un contrôle de légalité réalisé par les chambres régionales des comptes pour les aides des collectivités territoriales.
Le Gouvernement de M. Raffarin est particulièrement sensible à la problématique de la pression fiscale. On ne saurait lui donner tort, tout au moins s'il s'agit de vérifier que l'argent des contribuables est utilisé à bon escient pour favoriser le développement économique, la recherche et l'investissement, l'implantation durable d'entreprises et la création d'emplois.
Or cette vérification n'est pas vraiment effectuée, notamment parce que l'instrument de contrôle prévu à cet effet a été un peu rapidement supprimé, sans que rien ait été prévu pour le remplacer.
Nous sommes donc dans l'obligation d'assister au transfert direct de fonds publics, essentiellement recueillis par la voie d'impôts indirects payés par les ménages, vers les employeurs.
Il serait donc judicieux, au-delà de votre politique de transfert de compétences non financées vers les collectivités, politique qui vous permet de prétendre que vous diminuez la pression fiscale d'Etat, de s'assurer de ce que deviennent, sur la durée, les fonds consacrés à l'aide aux entreprises et au soutien de l'emploi. Ne serait-ce pas l'autre volet d'une saine gestion, cette gestion de bon père de famille à laquelle vous aspirez ?
Je ne voudrais pas conclure sans rappeler que la loi de 2001 avait cette portée générale, contrairement à la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, qui ne concernera par définition que les crédits d'Etat.
De plus, elle permettait aux représentants des salariés de siéger, aux côtés des élus et des représentants des administrations, dans les commissions régionales des aides publiques. Il est vrai que cette intrusion des salariés dans le contrôle de l'utilisation des fonds publics octroyés aux employeurs pouvait ne pas plaire à tous. Des salariés auraient pu découvrir malencontreusement qu'une entreprise ayant bénéficié d'importantes aides diverses, et largement bénéficiaire par ailleurs, préparait un plan social. Le scénario est habituel.
Ne voulant pas que tout un chacun puisse prendre la température, on a donc cassé le thermomètre !
Nous avons déposé cet amendement afin de bien marquer notre volonté de voir rétabli le contrôle de toutes les aides octroyées aux entreprises, et ce dans la plus grande clarté, avec la participation de tous les partenaires concernés. (M. Hugues Portelli pose devant lui une petite pancarte portant la mention : « Soyez bref ».)
M. Louis Souvet, rapporteur. Monsieur Portelli, cet adjectif peut-il prendre la marque du féminin ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. C'est sur l'initiative du Sénat, notamment de sa commission des finances, que la loi du 4 janvier 2001 a été abrogée. La Haute Assemblée avait alors constaté le peu d'utilité de la commission nationale et des vingt-deux commissions régionales créées pour contrôler l'utilisation des aides publiques aux entreprises, ainsi que leur coût.
Nous n'avons aucune raison de revenir aujourd'hui sur l'appréciation que nous avions portée à l'époque. Aussi notre commission émet-elle un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je voudrais rappeler à Mme Le Texier que nous nous sommes trouvés en 2002 devant une situation singulière.
Grâce au passage aux 35 heures, grâce à la modération salariale, il existait sept SMIC ! Assumant ses responsabilités, le Gouvernement a pris la décision, normale et naturelle, nous semble-t-il, dans l'esprit même du SMIC, de faire converger ces SMIC.
M. Claude Domeizel. C'était prévu !
Mme Nicole Bricq. Oui, c'était prévu !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Mais laissez-moi poursuivre ! Nous avons mis fin aux effets d'aubaine et avons exonéré les bas salaires de charges, mesure dont on sait qu'elle est de manière pérenne créatrice d'emplois.
Naturellement, comme le disait Jean-Pierre Fourcade, on peut discuter, et c'est un sujet sur lequel le Parlement aura sans aucun doute l'occasion de débattre, de la manière par laquelle 17 milliards d'euros sont apportés à certaines entreprises, notamment aux plus grandes d'entre elles. Mais nous disposons désormais d'un nouvel outil de contrôle, à savoir la LOLF, et le prochain budget sera l'occasion pour le Parlement de se saisir de ce pouvoir de contrôle renforcé.
De même, la Cour des comptes voit ses moyens de contrôle renforcés et, s'il on en juge aux propos tenus par son premier président, il y a quarante-huit heures, on ne peut douter qu'elle saura se saisir de ces nouvelles possibilités.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, je voudrais savoir s'il est bien normal que nous nous parlions par pancarte interposée. Je me réfère à celle que j'ai vu apposée devant l'un de nos collègues, sur laquelle était inscrite la mention « Soyez bref ».
Si l'on peut désormais s'interpeller par banderoles et pancartes interposées dans cet hémicycle, qu'à cela ne tienne, nous savons faire ! Cependant, je ne suis pas certain que ce soit bien convenable ni même conforme au règlement.
M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement et vous propose de reprendre la discussion là où nous l'avions laissée.
M. Roland Muzeau. Nous sommes bien d'accord sur le fait que cet incident perturbe le déroulement de la séance !
Mme Eliane Assassi. On peut aussi aller se coucher...
Mme Bernadette Dupont. C'est cela, allez donc vous coucher !
M. le président. L'amendement n° 15, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Les articles 41, 42 et 43 de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social sont abrogés.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. M. le rapporteur me verra désolée de prendre une nouvelle fois la parole. J'ai bien entendu, lorsque notre collègue du Val-d'Oise a montré sa pancarte « Soyez bref », que M. le rapporteur a demandé fort judicieusement, alors que je terminais mon propos, si cet adjectif prenait la marque du féminin.
Mme Nicole Bricq. C'est élégant !
M. Roland Muzeau. Et en plus, c'était sexiste !
Mme Raymonde Le Texier. Je suis désolée, monsieur Souvet, je vais à nouveau prendre la parole durant un petit moment. Mais, d'ailleurs, vous le savez bien, les femmes sont bavardes... Vous connaissez tous ces clichés !
Il faut rendre cet hommage au Gouvernement et à sa majorité : une novation succède de près à une autre novation.
Vous avez commencé par une ouverture en fanfare avec la disparition des emplois-jeunes, la charge budgétaire contre le secteur de l'insertion et la diminution drastique des contrats aidés dans les secteurs public et associatif.
Mais il n'est pas de stratège qui ne sache se redéployer lorsqu'il s'aperçoit qu'il s'est étourdiment trop avancé et qu'il se retrouve encerclé par une conjoncture adverse.
Le ministre chargé des affaires sociales, M. Borloo, nous en a fait la brillante démonstration, chargé d'allumer les premiers contre-feux pour lutter contre l'épidémie des plans sociaux et contre l'augmentation non dissimulable du chômage et de la précarité.
Nous voici donc au moins riches de promesses, de maisons de l'emploi à réaliser, de contrats d'avenir à mettre en oeuvre, ou de chômeurs à responsabiliser.
Mais tout cela n'est que jargon et il s'agit dans les faits d'indiquer que seront regroupées l'ANPE, l'UNEDIC et l'AFPA, pour faire patienter les plus démunis en réactivant les contrats emploi-solidarité, au motif que les nouveaux types de contrats aidés dans les secteurs public et associatif ne sont pas prêts.
On pourrait aussi évoquer les menaces qui pèsent sur les contingents de chômeurs envoyés par l'ANPE dans des officines privées, où il leur est expliqué que s'ils n'acceptent pas n'importe quel emploi précaire, déqualifié et sous-payé éventuellement, l'allocation de chômage à laquelle ils ont droit leur sera supprimée. Il est vrai que, si les employés de ces nouveaux bureaux de placement, financés par les cotisations des salariés, sont contraints de proférer de telles menaces, c'est pour assurer leur propre emploi, eux-mêmes étant victimes d'un système profondément malsain et coercitif.
Il ne s'agit pourtant là que d'aspects factuels. Pour le long terme, on s'active, dans les arrière-cuisines du MEDEF, à modifier en profondeur le droit du travail et à faire sauter les si gênantes garanties collectives des salariés.
Tel a été l'objet de la loi relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, dispositif que vous avez précipitamment ajouté à la loi relative à la formation professionnelle.
D'un mot, je rappelle que ce texte a permis d'avancer de manière décisive sur la voie de la modernisation de notre droit du travail, c'est-à-dire sur la voie de sa transformation en un droit anglo-saxon fondé sur l'idéologie libérale et sur la fiction de la relation individuelle égalitaire entre l'employeur et le salarié.
Les exigences des mouvements patronaux sont tellement effrayantes dans cette affaire que, par amendement, notre rapporteur a jugé nécessaire de rappeler au moins la limite de dix heures journalières.
Mais cela est évidemment trop peu. Les garanties collectives des salariés ont disparu ou ne seront bientôt plus qu'une illusion.
Nous entendons donc par cet amendement marquer notre opposition totale et résolue au processus en cours. C'est la destruction des fondements du droit du travail qui donnaient son équilibre à nos relations sociales et protégeaient les salariés structurellement en situation d'infériorité.
Nous persistons à nous étonner que, de tous les engagements pris lors de l'adoption de cette loi, ce soit celui qui est relatif précisément à la négociation préalable à toute intervention législative qui ait été si superbement ignoré. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement a pour objet de revenir sur la réforme des règles de la négociation collective adoptée par le Parlement il y a moins d'un an.
Notre commission est opposée à ce que ce débat sur la réforme des 35 heures soit l'occasion d'ouvrir à nouveau le dossier de la négociation collective. Elle a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je voudrais rappeler à Mme Le Texier, qui nous présente depuis trois jours une vision dramatique de la situation,...
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Dramatique !
M. Claude Domeizel. Mme Le Texier est lucide !
M. Gérard Larcher, ministre délégué.... l'effort considérable que fait le Gouvernement dans le soutien aux chantiers d'insertion.
C'est en effet ce gouvernement qui, grâce à la loi de programmation pour la cohésion sociale, a renforcé l'accompagnement des chantiers d'insertion de 15 000 euros. C'est lui qui a permis que les contrats d'accompagnement par l'emploi soient couverts à hauteur de 95 %, et les contrats d'avenir à hauteur de 90 %.
Quant à l'arrière-cuisine, madame Le Texier, c'est en tout cas une grande cuisine partagée,...
M. Roland Muzeau. Non, monsieur le ministre !
M. Gérard Larcher, ministre délégué.... puisque c'est la position commune du 16 juillet 2001 qui a permis, dans le cadre de la loi du 4 mai 2004, de donner davantage d'autonomie aux différents niveaux de négociation. En vertu de l'article 42, la convention de branche, en revanche, conserve un caractère impératif en matière de salaires minima, de classifications, de garanties collectives dans le domaine de la prévoyance et de mutualisation des fonds de la formation professionnelle. C'est la partie « sanctuarisée » par le législateur.
Aussi, nous ne pouvons pas être favorables à cet amendement.