sommaire
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
2. Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président.
projet de directive sur les services - (directive bolkestein)
M. Gérard Le Cam, Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes.
accès aux médicaments génériques pour le traitement du sida
MM. Jacques Pelletier, Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie.
réforme de la politique agricole commune
MM. Claude Bertaud, Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et à la ruralité.
MM. Claude Domeizel, Laurent Hénart, secrétaire d'Etat à l'insertion professionnelle des jeunes.
réforme de l'assurance maladie
MM. Jean-Jacques Jégou, Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie.
Mmes Christiane Kammermann, Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes.
Mme Gisèle Printz, M. le président, Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle.
Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes.
trafic des poids lourds en alsace
MM. Francis Grignon, Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'Etat à l'aménagement du territoire.
conséquences de la canicule de l'été 2003
M. Jean-Pierre Sueur, Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l'intérieur.
M. le président.
Suspension et reprise de la séance
présidence de M. Philippe Richert
3. Dépôt d'un rapport de la Cour des comptes
4. Réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise. - Suite de la discussion et adoption d'une proposition de loi
M. Roland Muzeau, Mme Eliane Assassi, M. Jean-Pierre Godefroy.
Amendements identiques nos 83 de Mme Raymonde Le Texier et 214 de M. Roland Muzeau ; amendements nos 215 à 219 de M. Roland Muzeau ; amendements identiques nos 100 rectifié de M. Michel Mercier et 220 de M. Roland Muzeau ; amendements nos 84 de Mme Raymonde Le Texier, 103 rectifié de M. Michel Mercier, 223, 222 de M. Roland Muzeau ; amendements identiques nos 85 de Mme Raymonde Le Texier et 221 de M. Roland Muzeau ; amendements identiques nos 86 de Mme Raymonde Le Texier et 224 de M. Roland Muzeau ; amendements nos 225 de M. Roland Muzeau, 87 à 89 rectifié bis, 90 à 94 de Mme Raymonde Le Texier, 101 rectifié de M. Michel Mercier, 226 de M. Roland Muzeau, 94 de Mme Raymonde Le Texier, 104 rectifié de M. Michel Mercier, 102 rectifié de M. Michel Mercier ; amendements identiques nos 95 de Mme Raymonde Le Texier et 227 de M. Roland Muzeau ; amendement no 5 (priorité) de Mme Elisabeth Lamure, rapporteur pour avis, et sous-amendements nos 237 et 236 du Gouvernement. - Mme Raymonde Le Texier, M. Roland Muzeau, Mme Eliane Assassi, MM. Guy Fischer, Jean-Jacques Jégou, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, M. Jean-Pierre Godefroy, Mme Patricia Schillinger, MM. Claude Domeizel, Michel Mercier, Mme Elisabeth Lamure, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; MM. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail ; Louis Souvet, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales ; Jean-Pierre Fourcade. - Demande de priorité de l'amendement no 5 ; adoption des sous-amendements nos 237, 236 et de l'amendement no 5 modifié, les amendements nos 83 et 214 devenant sans objet. ; rejet, par scrutins publics, des amendements nos 215 et 218 ; rejet des amendements nos 216, 217, 219, 225, 87, 88, 90, 91, 93, 226, 94, les amendements nos 100 rectifié, 220, 84, 103 rectifié, 223, 222, 85, 221, 86, 224 et 92 devenant sans objet ; retrait des amendements nos 101 rectifié et 102 rectifié ; adoption de l'amendement no 89 rectifié bis et, par scrutin public, de l'amendement no 104 rectifié, les amendements nos 95 et 227 devenant sans objet.
Adoption, par scrutin public, de l'article modifié.
Articles additionnels avant l'article 1er (précédemment réservés)
Amendement no 9 de Mme Raymonde Le Texier. - Mme Raymonde Le Texier, MM. le vice-président de la commission, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement no 121 de M. Roland Muzeau. - Mme Eliane Assassi, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendements nos 10 de Mme Raymonde Le Texier, 122 et 123 de M. Roland Muzeau. - Mmes Raymonde Le Texier, Eliane Assassi, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet des trois amendements.
Suspension et reprise de la séance
Amendement no 12 de Mme Raymonde Le Texier. - MM. Jean-Pierre Godefroy, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement no 11 de Mme Raymonde Le Texier. - MM. Jean-Pierre Godefroy, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement no 14 de Mme Raymonde Le Texier. - Mme Raymonde Le Texier, MM. le rapporteur, le ministre délégué, Jean-Pierre Godefroy. - Rejet.
Amendement no 15 de Mme Raymonde Le Texier. - Mme Raymonde Le Texier, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Article additionnel avant l'article 1er ou avant l'article 2 (précédemment réservés)
Amendements nos 124 de M. Roland Muzeau et 48 de Mme Raymonde Le Texier. - MM. Roland Muzeau, Claude Domeizel, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet des deux amendements.
Articles additionnels avant l'article 1er (précédemment réservés) (suite)
Amendement no 120 rectifié bis de M. Bernard Murat. - MM. Ladislas Poniatowski, le rapporteur, le ministre délégué. - Retrait.
Amendements identiques nos 96 rectifié de M. Jean-Marc Todeschini et 110 rectifié bis de M. Francis Grignon. - MM. Jean-Marc Todeschini, Francis Grignon, le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption des deux amendements insérant un article additionnel.
Amendement no 127 de M. Roland Muzeau. - MM. Roland Muzeau, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet
Amendement no 128 de M. Roland Muzeau. - Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement no 129 de M. Roland Muzeau. - Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement no 125 de M. Roland Muzeau. - MM. Roland Muzeau, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet
Amendement no 126 de M. Roland Muzeau. - MM. Roland Muzeau, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet
Amendement no 131 de M. Roland Muzeau. - Mme Eliane Assassi, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement no 132 de M. Roland Muzeau. - Mme Eliane Assassi, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement no 130 de M. Roland Muzeau. - MM. Roland Muzeau, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet
Articles additionnels avant l'article 2 (précédemment réservés)
Amendement no 47 de Mme Raymonde Le Texier. - MM. Claude Domeizel, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement no 49 de Mme Raymonde Le Texier. - MM. Claude Domeizel, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement no 50 de Mme Raymonde Le Texier. - MM. Claude Domeizel, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement no 51 de Mme Raymonde Le Texier. - MM. Claude Domeizel, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement no 52 de Mme Raymonde Le Texier. - MM. Claude Domeizel, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Articles additionnels après l'article 2 (précédemment réservés)
Amendement no 192 de M. Roland Muzeau. - Mme Eliane Assassi, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement no 193 de M. Roland Muzeau. - Mme Eliane Assassi, MM. le rapporteur, le ministre délégué, Roland Muzeau. - Rejet.
Amendement no 194 de M. Roland Muzeau. - Mme Eliane Assassi, MM. le rapporteur, le ministre délégué, Roland Muzeau. - Rejet.
Amendement no 195 de M. Roland Muzeau. - Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement no 196 de M. Roland Muzeau. - Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement no 197 de M. Roland Muzeau. - Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement no 198 de M. Roland Muzeau. - MM. Roland Muzeau, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet
Amendement no 199 de M. Roland Muzeau. - MM. Roland Muzeau, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet
Amendement no 200 rectifié de M. Roland Muzeau. - MM. Roland Muzeau, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet
Amendement no 201 de M. Roland Muzeau. - MM. Roland Muzeau, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet
Amendement no 202 de M. Roland Muzeau. - MM. Roland Muzeau, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet
Amendement no 203 de M. Roland Muzeau. - MM. Roland Muzeau, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet
Amendement no 204 de M. Roland Muzeau. - MM. Roland Muzeau, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet
Amendement no 205 de M. Roland Muzeau. - MM. Roland Muzeau, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet
Amendement no 206 de M. Roland Muzeau. - MM. Roland Muzeau, le rapporteur, le ministre délégué, le vice-président de la commission. - Rejet
Amendement no 207 de M. Roland Muzeau. - MM. Roland Muzeau, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet
Amendements nos 208 et 209 de M. Roland Muzeau. - MM. Roland Muzeau, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet
Amendement no 210 de M. Roland Muzeau. - MM. Roland Muzeau, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet
Amendement no 211 rectifié de M. Roland Muzeau. - MM. Roland Muzeau, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet
Articles additionnels avant l'article 3 (précédemment réservés)
Amendement no 212 de M. Roland Muzeau. - Mme Eliane Assassi, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement no 213 de M. Roland Muzeau. - Mme Eliane Assassi, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Articles additionnels après l'article 3 (précédemment réservés)
Amendements nos 118 rectifié et 119 rectifié de M. Jean-Léonce Dupont. - Mme Anne-Marie Payet, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Retrait des deux amendements.
Amendement no 228 de M. Roland Muzeau. - MM. Roland Muzeau, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement no 229 de M. Roland Muzeau. - MM. Roland Muzeau, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement no 230 de M. Roland Muzeau. - MM. Roland Muzeau, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement no 231 de M. Roland Muzeau. - MM. Roland Muzeau, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement no 232 de M. Roland Muzeau. - MM. Roland Muzeau, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement no 233 de M. Roland Muzeau. - MM. Roland Muzeau, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
M. Roland Muzeau, Mmes Raymonde Le Texier, Anne-Marie Payet, Bernadette Dupont, MM. Aymeri de Montesquiou, Alain Gournac, vice-président de la commission ; le ministre délégué.
Adoption de la proposition de loi.
5. Dépôt de propositions de loi
6. Dépôt d'une proposition de résolution
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l'auteur de la question, de même que le ministre pour sa réponse, disposent chacun de deux minutes trente.
Monsieur le Premier ministre, nous vous remercions de participer à notre séance de questions d'actualité. Nous sommes sensibles à votre présence.
Je tiens également à saluer très cordialement M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, que nous avons aujourd'hui le plaisir d'accueillir dans cette enceinte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Nous espérons qu'il sera attentif à nos préoccupations : pas d'impôts, beaucoup de subventions ! (Sourires.)
projet de directive sur les services (directive bolkestein)
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.
Madame la ministre, la directive Bolkestein constitue une épine dans le pied des partisans de l'adoption du traité constitutionnel européen, épine qu'ils peinent à retirer.
Cette directive, déposée en janvier 2004 et inscrite dans le marbre de la Constitution giscardienne, suscite aujourd'hui une panique à retardement chez les partisans de l'Europe libérale.
Sous l'impulsion du Président de la République, c'est l'idée d'une remise à plat qui prévaut aujourd'hui.
M. Larcher, ministre du travail, était ce matin à Bruxelles pour participer à ce ballet de bonnes intentions. Il y a cependant un « hic » : la Commission de Bruxelles a déjà indiqué, le mois dernier, qu'elle n'avait aucunement l'intention de retirer cette directive, rappelant ainsi sa toute-puissance, qui échappe au contrôle démocratique.
De plus, tout dernièrement, le Parlement européen a rendu public son programme législatif à venir, qui comprend l'examen de la directive Bolkestein en son état actuel. Pouvez-vous le confirmer, madame la ministre ?
Ce double langage des partisans du « oui » en France, qui s'agitent pour contester la directive avant le référendum et pour ensuite laisser faire, est inacceptable.
Pour prouver votre bonne foi, madame la ministre, il n'y a pas à tergiverser : c'est le retrait de la directive que M. Chirac et le Gouvernement doivent obtenir et non pas une hypothétique remise à plat renvoyée aux calendes grecques.
Madame Haigneré, vous disiez, le 1er décembre dernier : « Cette proposition de directive justifie un accueil globalement positif. » Or, hier, vous affirmiez : « La position du Gouvernement est très claire. La directive est inacceptable en l'état et doit faire l'objet d'une remise à plat. » Que faut-il croire entre ces deux positions si contradictoires ?
Madame la ministre, l'attitude du gouvernement auquel vous appartenez est une attitude de circonstance.
La directive Bolkestein applique à la lettre le principe de la concurrence libre et non faussée, omniprésente dans le traité constitutionnel que vous défendez bec et ongles et dans lequel l'explosion du code du travail est programmée.
Pis - et je vous demande de me confirmer ce fait -, une fois le traité constitutionnel adopté, la France ne pourra plus dire « non » à la directive Bolkestein, puisque la supériorité des normes européennes sur les normes nationales est expressément prévue par le traité aux articles III-207 et III-210. En cas de refus persistant, la Cour de justice de l'Union européenne pourra imposer l'application de la directive à l'Etat récalcitrant.
Ma conclusion est logique. Pour réduire à néant la directive Bolkestein, deux moyens s'imposent : voter « non » au référendum (Rires sur certaines travées de l'UC-UDF et de l'UMP) et retirer la directive au nom d'une justice sociale européenne.
M. Robert Hue. Eh oui !
M. Gérard Le Cam. Quelles dispositions allez-vous prendre pour obtenir le retrait définitif de cette directive ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur Le Cam, le Président de la République et le Premier ministre l'ont dit clairement : la proposition de directive de la Commission européenne sur les services est inacceptable en l'état et doit faire l'objet d'une remise à plat.
Par ailleurs, nous soutenons un approfondissement du marché intérieur dans le domaine des services, car cela contribuera à développer la croissance et les emplois en Europe, tout particulièrement en France, qui, vous le savez, est la première nation exportatrice de services en Europe.
Mais la méthode envisagée n'est pas acceptable : appliquer de façon généralisée le principe du pays d'origine risque en effet de tirer vers le bas les législations, et niveler par le bas les législations serait un contresens au regard du projet européen tel que nous l'envisageons.
Nous considérons qu'il est nécessaire de poursuivre le processus d'harmonisation pour garantir un socle fondamental de protection pour les travailleurs et pour les consommateurs.
Nous voulons aussi, bien sûr, préserver notre modèle social et culturel sur les aspects concernant les services publics, le droit du travail, la diversité culturelle.
Comme vous le savez, nous demandons que soient exclus du champ d'application de cette directive les services sociaux et de santé, l'audiovisuel, la presse, les professions juridiques réglementées, les jeux d'argent, les services de transport et les services de gestion collective des droits d'auteurs et droits voisins.
Certains voudraient instrumentaliser le débat sur le traité constitutionnel à propos de cette directive. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
M. Henri de Raincourt. Eh oui !
Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée. Je rappelle que cette proposition n'est en rien liée au traité constitutionnel. Elle a été formulée sur la base des traités existants et elle ne pourra être approuvée que si elle recueille une majorité au Parlement européen et au Conseil des ministres de l'Union.
J'ajouterai même que je vois au contraire dans les discussions qui ont lieu actuellement un exemple de la vitalité démocratique de l'Union et du fonctionnement des institutions européennes, qui seront renforcées aux termes du traité constitutionnel qui vous est proposé.
L'action conjuguée du Gouvernement, du Parlement européen, qui examinera le texte dans les prochains mois, du Sénat - action à laquelle vous avez participé -, et de l'Assemblée nationale, puisque les députés se sont également mobilisés sur ce texte, a permis de faire prendre conscience à la Commission des difficultés très importantes que soulève cette proposition de directive.
Le 2 février dernier, le président de la Commission européenne a annoncé son intention de réexaminer cette proposition de directive en vue d'aboutir à un consensus sur deux points en particulier, qui nous sont chers : l'application du principe du pays d'origine, et le champ d'application de la directive, dont je viens de parler.
La Commission est particulièrement attachée à ces deux points, comme l'ont de nouveau souligné hier le président Barroso et le collège des commissaires. De plus, Charlie McCreevy, qui est le commissaire en charge de cette directive, a confirmé ce matin, lors d'une conférence de presse, qu'un réexamen profond du texte de la directive était prévu.
Mme Hélène Luc. Vous ne vous engagez pas à la retirer !
Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée. A partir d'une approche positive, nous pourrons travailler sereinement sur la remise à plat de ce texte dans les mois à venir afin de sauvegarder notre conception de l'Europe.
A cet égard, je souhaite que votre assemblée s'associe à la mobilisation du Gouvernement dans ce domaine. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
accès aux médicaments génériques pour le traitement du sida
M. le président. La parole est à M. Jacques Pelletier.
M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, en 2004, dans le monde, 40 millions de personnes ont été infectées par le virus du sida et plus de 3 millions d'entre elles sont décédées.
Dans les vingt prochaines années, près de 70 millions de personnes pourraient mourir dans les quarante-cinq pays les plus touchés par cette pandémie.
Cette situation, terriblement préoccupante, rend nécessaire la mobilisation de tous, car il y a bien une urgence sanitaire mondiale.
Depuis quelques années, nous assistons à la mise sur le marché de médicaments génériques afin que les malades des pays les plus pauvres puissent recevoir des traitements à des prix acceptables.
Malheureusement, cette avancée décisive est menacée par l'entrée en vigueur des accords sur les droits de propriété intellectuelle liés au commerce établis dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce.
En effet, aux termes de ces accords, entrés en vigueur le 1er janvier 2005, la plupart des pays en développement doivent introduire dans leurs législations des lois interdisant la copie et la vente de médicaments sous brevet.
C'est notamment le cas de l'Inde, principal fournisseur mondial de génériques à très bas prix contre le sida à destination de tous les pays du Sud.
Certes, l'accord du 30 août 2003 permet de poursuivre la fourniture de génériques. Mais sa mise en oeuvre risque d'être très difficile tant les procédures sont complexes.
En effet, pour chaque achat de médicaments, une double licence est requise, tant pour le pays importateur que pour le pays exportateur.
De plus, la licence émise est valable pour une unique transaction. Elle concerne un médicament précis, pour une quantité donnée.
Cette situation est humainement et politiquement intolérable.
Nous acceptons que le commerce international soit très ouvert, mais pas au détriment de la vie de dizaines de millions de personnes.
Monsieur le secrétaire d'Etat, alors que le gouvernement français a fait de la lutte contre le sida la grande cause nationale pour 2005, quelle est sa stratégie au niveau mondial pour combattre ce fléau, en favorisant notamment un accès facile aux génériques ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie. Monsieur le sénateur, je suis d'accord avec vous quand vous dites qu'il y a aujourd'hui une urgence sanitaire mondiale. Faire reculer sur notre territoire - mais aussi dans le monde entier - ce terrible fléau qu'est le sida est pour nous une priorité.
A cet égard, je tiens à vous dire que, en matière d'accès aux médicaments dans les pays pauvres, la France a été le tout premier pays européen à demander une transposition des accords de Doha, et ce, il faut le savoir, en même temps que l'application des accords sur les droits liés à la propriété intellectuelle, car il faut que tout se passe exactement en même temps.
Si la règle doit être rigoureuse, l'exception, en la matière, doit être généreuse. Ainsi, l'automne dernier, Philippe Douste-Blazy s'est rendu au Brésil pour y rencontrer le président Lula, de même qu'il s'est rendu au Sénégal pour y rencontrer le président Wade. Il a discuté avec ces deux chefs d'Etat des modalités d'accès sur leur territoire respectif, au profit de leurs compatriotes, de ces médicaments à un prix moindre. Nous continuons aujourd'hui de travailler en partenariat avec ces pays sur la mise en place de ces modalités.
Lors du Conseil européen des ministres de la santé qui s'est tenu le 6 décembre dernier, j'ai défendu auprès de la présidence luxembourgeoise de l'Union, à la demande de Philippe Douste-Blazy, l'idée que nous puissions octroyer des facilités aux pays pauvres afin de les dispenser du paiement des brevets et de leur permettre d'avoir accès à des médicaments génériques moins chers, en dépit des nouvelles règles s'appliquant à la protection des brevets.
Ce point est désormais inscrit très clairement dans l'agenda de la présidence luxembourgeoise de l'Union, présidence qui prendra fin le 1er juillet. Cela signifie que, avant la fin du premier semestre, nous obtiendrons, au niveau européen, des résultats en la matière.
Si le mécanisme des doubles licences n'est pas complètement appliqué à ce jour, c'est parce qu'il est nécessaire que l'accord de Doha soit transposé partout.
Au-delà de ces médicaments bon marché, l'enjeu, ce sont ces médicaments gratuits. Vous connaissez le combat du Président de la République...
M. René-Pierre Signé. Heureusement qu'il est là ! (Sourires.)
M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. ... en faveur de l'affectation du produit des taxes internationales au développement. C'est ainsi que nous pourrons enfin faire reculer durablement dans le monde entier le fléau du sida. En tout cas, nous sommes entièrement mobilisés sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
réforme de la politique agricole commune
M. le président. La parole est à M. Claude Bertaud. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Claude Bertaud. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité.
A quelques jours de l'ouverture de la campagne référendaire sur la Constitution européenne, les agriculteurs ont besoin d'être rassurés sur leur avenir face aux contraintes de plus en plus fortes de la politique agricole européenne.
Le Salon international de l'agriculture se tient cette semaine dans un contexte bien particulier : les agriculteurs se posent beaucoup de questions sur la manière dont la réforme de la politique agricole commune va s'appliquer en France.
M. René-Pierre Signé. Ils ont bien raison !
M. Claude Bertaud. L'élevage bovin se porte plutôt bien aujourd'hui, les prix ayant retrouvé leur niveau d'avant la deuxième crise de la vache folle. En revanche, d'autres grandes productions agricoles, comme les produits laitiers, les ovins, les élevages hors sol - notamment les porcs et les volailles -, les céréales ou la viticulture rencontrent encore des difficultés.
La profession agricole constitue la catégorie sociale qui vit le plus à l'heure européenne depuis l'adoption de la politique agricole commune en 1962. Au lendemain de l'adhésion à l'Union européenne de dix nouveaux pays, et à la veille du référendum sur la Constitution européenne,...
Mme Hélène Luc. Votez « non » !
M. Claude Bertaud. ... les agriculteurs ont besoin d'un signe fort du Gouvernement qui leur redonne espoir et qui efface leurs inquiétudes.
Comme vient de le déclarer le Président de la République au Salon de l'agriculture, l'Europe est essentielle à l'agriculture française. Leur avenir est commun, notre agriculture et nos agriculteurs ont besoin d'une Europe forte et ambitieuse, sachant s'affirmer sur la scène mondiale.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, rassurer le monde agricole...
M. René-Pierre Signé. Non ! Il ne rassure plus personne !
M. Roland Muzeau. Il suffit de voter « non » au référendum !
M. Claude Bertaud. ... et lui apporter les réponses qu'il attend afin qu'il ne tourne pas le dos à la Constitution européenne, rejetant du même coup l'Europe de demain ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et à la ruralité. Oui, monsieur Bertaud, le Salon international de l'agriculture est une manifestation très importante qui montre le dynamisme, l'esprit de qualité, la compétence et le savoir-faire de notre agriculture. Je pourrais d'ailleurs présenter les mêmes remarques à propos du Salon du machinisme agricole, qui constitue un beau symbole lui aussi.
Vous dites qu'il faut des signes. Permettez-moi de vous rappeler, monsieur le sénateur, que le compromis de Luxembourg nous offre une lisibilité ainsi qu'une certitude tout à fait exceptionnelles sur le plan budgétaire : 10 milliards d'euros, dont 8 milliards d'euros de soutiens indirects, sont garantis à notre agriculture jusqu'en 2013.
Nous devons mettre à profit cette période pour adapter notre agriculture, pour continuer à la moderniser, et surtout pour élargir nos débouchés. C'est bien ce défi qu'elle doit relever, ainsi que le Premier ministre l'a redit ce matin au Salon, et c'est ce qui est fait en particulier dans le domaine agroalimentaire ainsi que pour les biocarburants, avec le plan que M. Raffarin a annoncé l'automne dernier et que nous mettons en oeuvre aujourd'hui. Nous relevons ce défi, en relation avec les professionnels.
Mais vous avez raison de dire que, à court terme, des inquiétudes se font jour. Elles sont liées à la mise en oeuvre concrète des contreparties budgétaires, à savoir la conditionnalité des aides, les bonnes pratiques agro-environnementales et la réforme des droits à paiement unique.
Nous avons beaucoup travaillé avec Dominique Bussereau sur ces questions, en fonction de l'analyse et des observations des professionnels. Nous nous y employons notamment, de manière concrète, sur la question de la conditionnalité des aides.
Prenons l'exemple de l'élevage, que vous avez évoqué. On sait bien qu'une bête peut perdre une boucle dans un pré, contre une barrière ou contre une haie. A l'avenir, ce ne sera plus une anomalie et, en 2005, les anomalies mineures ne seront plus pénalisées financièrement. Nous allons réécrire les « cahiers d'instruction » de la conditionnalité pour les rendre plus simples à l'horizon 2006.
Nous travaillons avec les professionnels - les directions départementales de l'agriculture et de la forêt sont missionnées à cet effet - de façon à proposer à la Commission avant la fin de l'année 2005, pour une prise d'effet en 2006, un certain nombre de simplifications.
M. René-Pierre Signé. C'est faux, il n'y en a pas !
M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat. Il en va de même pour les droits à paiement unique.
Nous avançons donc et ces signes très concrets, monsieur le sénateur, s'inscrivent dans le cadre d'une politique beaucoup plus ambitieuse. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
chômage et emploi en france
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
M. Josselin de Rohan. Il est là !
M. Claude Domeizel. Monsieur le Premier ministre, le 15 janvier dernier, dans un entretien accordé à un quotidien, vous vous êtes engagé à faire baisser le chômage d'un point par an à partir de 2005.
La semaine dernière, la mauvaise nouvelle est tombée : le seuil de 10 % de chômeurs a été franchi pour la deuxième fois.
Je dis « pour la deuxième fois » car, sous le gouvernement de Lionel Jospin, quand le chômage franchissait cette barre, c'était dans l'autre sens - à la baisse -, pour atteindre le taux le plus bas depuis 1983 : 8,6 %.
M. Didier Boulaud. Bravo !
M. Josselin de Rohan. Jospin, reviens ! (Sourires.)
M. Claude Domeizel. Depuis deux jours, au Sénat, nous examinons la proposition de loi portant réforme de l'organisation du temps de travail et nous constatons que votre slogan, « travailler plus pour gagner plus », est une véritable publicité mensongère.
M. René-Pierre Signé. Une escroquerie ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Claude Domeizel. Les Français doivent savoir qu'avec cette proposition de loi les salariés pourront être appelés à travailler jusqu'à quarante-huit heures par semaine. Les heures supplémentaires seront payées en monnaie de singe grâce à l'utilisation dévoyée du compte épargne-temps, qui renverra le paiement des heures supplémentaires aux calendes grecques.
Cette proposition de loi procède à la casse du code du travail, au seul avantage de l'employeur. Elle porte gravement atteinte au salaire, à la santé et à la sécurité des travailleurs.
Il ne faut pas sortir d'une grande école pour comprendre que cette proposition de loi, qui encourage à outrance les heures supplémentaires, ne va pas être créatrice d'emplois, bien au contraire.
Les grands groupes affichent pour 2004 des bénéfices considérables, au profit des gros actionnaires et au détriment de l'emploi. Un seul exemple : Total, qui a réalisé 9 milliards d'euros de bénéfices, supprime trois cent quatre-vingt-trois emplois dans les Alpes-de-Haute-Provence, alors que quelques dizaines de millions d'euros d'investissement auraient suffi pour sauver l'usine.
Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement cautionne ces dérives. Depuis que vous êtes aux affaires, vous favorisez inconditionnellement le MEDEF. (Sourires sur les travées de l'UMP.) Les patrons croient que tout est permis pour satisfaire une nouvelle devise : « licencier plus pour gagner plus. »
M. Josselin de Rohan. La question !
M. Claude Domeizel. Un changement de politique est maintenant indispensable. Comptez-vous, monsieur le Premier ministre, persister malgré tout dans vos choix néfastes pour l'emploi ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Didier Boulaud. M. le Premier ministre ne répond pas ?
M. Laurent Hénart, secrétaire d'Etat à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur Domeizel, vous évoquez les chiffres du chômage en janvier. Il est vrai que, durant toute l'année 2004, le chômage nous a habitués à ces effets de hausse et de baisse : six mois de hausse, six mois de baisse. Et, aujourd'hui, l'emploi marque le pas après avoir considérablement régressé dans notre pays à partir de 2001.
Nous devons tous être, sur cette question de l'emploi, d'une grande modestie. Je vous rappelle en effet que les douze mois les plus catastrophiques, en matière de chômage des jeunes, ce sont les douze derniers mois de la mandature de Lionel Jospin, au cours desquels, je vous invite à vérifier les chiffres, il a crû de 16 % ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Raymonde Le Texier. C'est totalement faux !
M. André Rouvière. C'est du roman ! Vous êtes vraiment à court d'arguments !
M. Yannick Bodin. C'est scandaleux !
Mme Raymonde Le Texier. Provocation !
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie ! Veuillez écouter M. le secrétaire d'Etat !
M. René-Pierre Signé. Démission !
M. Didier Boulaud. Elections !
M. René-Pierre Signé. Dissolution !
M. Laurent Hénart, secrétaire d'Etat. Aujourd'hui, le Gouvernement est tout entier mobilisé pour atteindre l'objectif assigné par le Premier ministre, qui est de faire baisser le chômage de 10 % au cours de l'année 2005. (Brouhaha sur les travées du groupe socialiste.)
Trois voies sont empruntées. D'abord, il faut faire en sorte que la croissance soit plus riche en emplois. C'est l'objectif assigné aux pôles de compétitivité, sur lesquels travaillent le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et le secrétariat d'Etat à l'aménagement du territoire.
M. René-Pierre Signé. Vos mensonges, personne n'y croit plus !
M. Jean-Marc Todeschini. C'est scandaleux !
M. René-Pierre Signé. Démission !
M. Didier Boulaud. Dissolution !
M. Laurent Hénart, secrétaire d'Etat. C'est aussi le sens du programme de services à la personne, qui permettra durant trois années à 500 000 individus de renouer avec l'activité professionnelle.
M. Jean-Marc Todeschini. Gadget !
M. Laurent Hénart, secrétaire d'Etat. Il faut ensuite moderniser le service public de l'emploi, dans la mesure où, dans notre pays, de 300 000 à 400 000 offres ne sont pas pourvues, les départs massifs à la retraite augmentant de surcroît leur nombre.
Mme Nicole Bricq. Les départs à la retraite, c'est ce que vous attendez !
M. Didier Boulaud. Gadget !
M. Laurent Hénart, secrétaire d'Etat. ... contribue à cette modernisation : le dossier du demandeur d'emploi sera regroupé en un seul guichet, auprès de l'ensemble des acteurs du service public. (Le brouhaha s'amplifie sur les travées du groupe socialiste et couvre la voix de M. le secrétaire d'Etat.)
M. Didier Boulaud. Dissolution !
M. Laurent Hénart, secrétaire d'Etat. Les nouveaux emplois aidés, qui allient activité professionnelle et formation et qui rompent avec une pratique trop longue d'emplois parkings, participent aussi au retour à l'activité des demandeurs d'emploi, notamment des plus jeunes d'entre eux, par le développement de l'apprentissage. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Enfin et surtout, la loi de programmation pour la cohésion sociale met en place des outils pour permettre d'accompagner les reconversions industrielles. (Les protestations redoublent sur les travées du groupe socialiste.)
Vous évoquiez, monsieur le sénateur, le cas de la filiale de Total, la société Arkema, qui, dans votre département, sur le site de Saint-Auban, reconsidère 380 postes de travail sur les 713 que compte l'entreprise.
M. Didier Boulaud. Il y a d'autres sites ailleurs !
M. Laurent Hénart, secrétaire d'Etat. Permettez-moi de rappeler la mobilisation du préfet ainsi que celle de la direction départementale du travail, en accord avec les acteurs locaux.
M. André Rouvière. C'est faux !
M. Didier Boulaud. Il a du travail, le préfet !
M. Laurent Hénart, secrétaire d'Etat. Vous savez que l'Etat a obtenu trois engagements de la part de Total. Ainsi, à l'échelon national, la restructuration de la branche chimie de l'entreprise doit s'accompagner d'un effort d'investissement sans précédent, d'un montant de 300 millions d'euros ; par ailleurs, sur le site menacé - et Saint-Auban est éminemment concerné -, un contrat de site sera passé, avec des engagements de deux ordres : d'une part, un nombre d'emplois équivalent à celui des emplois menacés seront créés - sur Saint-Auban, Total s'engage à créer 400 emplois en 2005 et 2006, et l'Etat sera comptable de cet engagement -...
M. René-Pierre Signé. Il est nul !
M. Laurent Hénart, secrétaire d'Etat. ... et, d'autre part, une étude sera menée sur les effets induits sur les sous-traitants et les fournisseurs. Vous savez comme moi que les conclusions de cette étude, diligentée par les élus locaux, l'Etat et la société Arkema, seront rendues au mois de mai.
Ces outils - contrats de site, congés de reclassement, que le plan de cohésion sociale met à la disposition de l'ensemble des acteurs du pays - sont nouveaux.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. Laurent Hénart, secrétaire d'Etat. C'est avec ce type d'outils nouveaux que nous pourrons accompagner le développement du plein-emploi dans notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. René-Pierre Signé. Résultat : un taux de chômage de 10 % ! C'est nul !
réforme de l'assurance maladie
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.
M. Jean-Jacques Jégou. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à l'assurance maladie.
L'été dernier, au cours d'une nécessaire session extraordinaire, le Parlement a été mis à contribution pour examiner l'une des réformes les plus urgentes à entreprendre, celle de l'assurance maladie. Face à un déficit historique de 14 milliards d'euros pour l'ensemble des branches, il est bien évident que l'heure n'était plus aux tergiversations.
Pour répondre à une crise financière inédite, votre texte, publié au Journal officiel du 17 août dernier, avait pour objet un retour à l'équilibre des comptes de notre système de santé à l'horizon 2007.
M. Yannick Bodin. C'est mal parti !
M. Jean-Jacques Jégou. Ses principaux axes consistaient en la création du dossier médical personnel, du médecin traitant et d'un forfait d'un euro par consultation.
Aujourd'hui, après l'adoption de ces mesures, la situation est plus que jamais préoccupante. Après une diminution constatée des dépenses de santé à la fin du dernier trimestre de 2004, ces mêmes dépenses ont fortement augmenté au début de 2005. Plus grave encore, certains assureurs complémentaires ont annoncé des hausses de cotisation records - certaines étant supérieures à 10 % -, hausses, disent-ils, dues à la réforme de l'assurance maladie.
Le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a tempéré ces annonces en jugeant que la réforme engendrerait un surcoût modéré pour les assurances complémentaires.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ne sommes-nous pas en train d'assister, d'une part, à un alourdissement des cotisations d'assurances complémentaires souscrites par les Français et, d'autre part, à une reprise inquiétante des dépenses de santé ?
Mme Nicole Bricq. Eh oui !
M. Jean-Jacques Jégou. Ce double phénomène ne marque t-il pas les limites d'une réforme qui n'aurait pas suffisamment traité les causes du dérapage constaté depuis plusieurs années ? (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie. Monsieur le sénateur, vous avez cité le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie. Permettez-moi de le faire à mon tour : ce dernier indiquait très clairement, il y a un peu plus d'un an, que toute réforme, pour être efficace, devait viser avant tout une meilleure organisation du système de soins ainsi que la responsabilisation de tous les acteurs. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.)
C'est exactement ce que nous avons fait, monsieur le sénateur, et en cela nous sommes fidèles en tous points à la feuille de route tracée par le Haut conseil, qui, je le rappelle, rassemble tous les acteurs du système de santé.
Vous vous inquiétez aussi de savoir s'il y a aujourd'hui une reprise des dépenses de santé. La réponse est « non ». Par rapport à l'an dernier - vous pouvez le vérifier mois après mois -, nous nous constatons une baisse sensible des dépenses d'assurance maladie.
M. René-Pierre Signé. C'est faux !
M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. A la fin de l'année, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM, qui prévoyait 3,2 % d'augmentation des dépenses d'assurance maladie, sera donc respecté.
Mme Nicole Bricq. Sauf erreur !
Mme Hélène Luc. Ce ne sont pas les chiffres qui ont été publiés !
M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. Les assurances complémentaires augmenteront-elles ?
Monsieur le sénateur, je serai clair : tout assureur complémentaire qui augmenterait ses tarifs de plus de 5 % cette année devra s'en justifier vis-à-vis de ses adhérents et de ses clients. En effet, nous avons fait en sorte - contrairement à d'autres, qui ont été moins rigoureux en d'autres temps (Protestations sur les travées du groupe socialiste) -, d'éviter tout transfert du régime obligatoire vers le régime complémentaire.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les primes augmentent !
M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. Personne ne pourra mettre sur le dos de la réforme ces velléités d'augmentation !
Les assureurs complémentaires responsables, ...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Beaucoup sont irresponsables !
M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. ... qui sont tout de même les plus nombreux dans notre pays, nous ont indiqué très clairement que la hausse des cotisations serait d'environ 5 %, hausse qu'il convient de rapprocher de la hausse des dépenses d'assurance maladie.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Elles ont augmenté de 17 % !
M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, cette réforme est en marche : les Français font d'ores et déjà confiance, aujourd'hui, à leur médecin traitant.
L'objectif de cette réforme est avant tout de dépenser mieux (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC) et, surtout, de sauvegarder notre régime d'assurance maladie. Nous y travaillons, et nous réussirons ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
situation au liban
M. le président. La parole est à Mme Christiane Kammermann.
Mme Christiane Kammermann. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Premier ministre libanais pro-syrien, Omar Karamé, a présenté lundi 28 février la démission de son gouvernement, sous la pression de la rue et de l'opposition.
M. René-Pierre Signé. Cela va vous arriver !
Mme Christiane Kammermann. Depuis l'assassinat du premier ministre Rafic Hariri, il y a deux semaines, des dizaines de milliers de Libanais se sont retrouvés, toutes tendances confondues, nuit et jour, place des Martyrs, pour réclamer l'indépendance de leur pays et la fin de l'occupation syrienne.
Je rappelle le fort attachement de la France à la souveraineté du Liban, comme en témoigne son engagement dans la résolution 1559, adoptée en septembre 2004 par le Conseil de sécurité des Nations unies sur une initiative conjointe de la France et des Etats-Unis, qui exige le retrait de l'ensemble des forces et des services qui entravent la liberté et la souveraineté de ce pays.
Lors de la conférence de Londres, notre ministre des affaires étrangères a réaffirmé, avec le secrétaire d'Etat américain, Mme Condoleezza Rice, que cette résolution « était très claire ». Tous deux ont appelé au retrait des troupes syriennes et à la tenue « d'élections libres et équitables dans ce pays ».
Cet appel franco-américain, avait déjà été lancé lors du double sommet Otan-Union européenne du 22 février, à Bruxelles.
Dans cette période d'incertitude et de grand bouleversement que traverse ce pays ami, il est important, monsieur le ministre, que la communauté internationale et le peuple libanais connaissent les premiers éléments de l'enquête sur l'assassinat de M. Rafic Hariri.
Comment protéger les opposants au pouvoir afin qu'ils ne subissent pas le même sort que ce dernier ?
Peut-on mettre en place une procédure d'application de la résolution 1559 ?
Pensez-vous que les différentes communautés libanaises soient capables de s'unir afin de former un pays moderne, en paix avec ses voisins et susceptible ainsi de contribuer à l'amélioration de la situation au Moyen-Orient ?
Enfin, monsieur le ministre, quel éclairage pouvez-vous nous apporter sur les prochaines élections législatives du mois de mai, compte tenu des contraintes constitutionnelles et confessionnelles de leur organisation ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser le ministre des affaires étrangères, M. Michel Barnier, qui est retenu en province.
M. Didier Boulaud. Avec Didier Julia ?
Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée. Vous avez rappelé avec raison, madame Kammermann, l'attachement tout particulier qui lie la France et le Liban. Nous sommes tous très attentifs aux événements qui se sont déroulés dans ce pays au cours des dernières semaines, tragiques pour les uns, représentant un signe d'espoir pour les autres. Il en va ainsi des suites de l'attentat lâche et ignoble qui a tué Rafic Hariri et quinze autres Libanais.
L'enquête sur ce crime est menée par la justice libanaise ainsi que par une équipe internationale désignée par le secrétaire général des Nations unies, à la demande du Conseil de sécurité, car le peuple libanais et la communauté internationale ont le droit de connaître la vérité sur cet attentat : qui l'a perpétré, qui l'a commandité ?
Les manifestations populaires qui ont lieu au Liban depuis cet assassinat réclament dignement et pacifiquement la démocratie et la souveraineté pour le Liban. Elles expriment dans l'unité une aspiration légitime. Cet objectif est celui de la communauté internationale à travers la résolution 1559 qui exige le retrait de toutes les forces étrangères du Liban.
Cette résolution doit être mise en oeuvre, progressivement sans doute, mais rapidement.
Vous appelez de vos voeux, avec raison, un mécanisme permettant de vérifier l'application de cette résolution. Le Conseil de sécurité a prévu que le secrétaire général de l'ONU fasse un rapport tous les six mois sur la mise en oeuvre de la résolution. Le premier rapport, relatif aux élections, devrait être publié très prochainement.
Ces élections seront en effet un moment de vérité. Elles devront être libres, équitables et se dérouler en présence d'observateurs internationaux.
Notre seul objectif, qui est celui de la communauté internationale tout entière, c'est un Liban libre et souverain. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
égalité hommes femmes
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, à quelques jours de la Journée internationale des femmes et en cette année où nous célébrons le cinquantième anniversaire du droit de vote des femmes et le trentième anniversaire de la loi sur l'interruption volontaire de grossesse, ma question concernera la précarité que connaissent encore aujourd'hui de nombreuses femmes au sein du monde du travail et dans notre société.
Pourtant, il est reconnu que les femmes au travail constituent une richesse pour le pays. Malheureusement, leur taux de chômage est nettement supérieur à celui des hommes. Elles représentent 80 % des travailleurs pauvres : temps partiel, horaires de travail indus, bas salaires leur sont largement dévolus. Les conséquences préjudiciables en sont nombreuses, surtout sur la santé.
Chefs de famille, elles sont victimes de la crise du logement, du prix exorbitant des loyers et de l'accès aux crèches.
Malgré le discours volontariste du Gouvernement visant à combattre les discriminations à l'égard des femmes, celui-ci contribue, hélas ! à accroître les inégalités. A cause de la réforme des retraites, qui allonge la durée des cotisations, et du fait du chômage et du temps partiel, les femmes ne bénéficieront pas d'une retraite décente
Ainsi, de nombreuses femmes qui auront vécu dans la misère au cours de leur vie active continueront à la connaître durant leur retraite.
Les femmes sont aussi les premières victimes des nouvelles dispositions sur les pensions de réversion, sur l'accès à la formation professionnelle, sur la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE, et sur la réforme du temps de travail dans l'entreprise.
Et que dire du sort des femmes issues de l'immigration, qui souffrent d'une double discrimination ?
Madame la ministre, il existe des lois en faveur des femmes, concernant leur situation sur le marché du travail - la loi Roudy, la loi Génisson -, mais elles sont ignorées ou ne sont pas appliquées.
N'existe-t-il pas d'obligation de résultat en cette matière ? Pourquoi ? Ne dit-on pas que nul n'est censé ignorer la loi ?
Madame la ministre, pourquoi ne vous efforcez-vous pas de faire appliquer les dispositifs existants plutôt que de proposer un arsenal de nouvelles mesures non financées dont on peut craindre qu'elles ne seront jamais appliquées ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Madame Printz, je vous rappelle que le Sénat organisera lundi prochain, le 7 mars, une manifestation pour marquer le soixantième anniversaire du droit de vote des femmes en France, décidé à l'époque par le général de Gaulle : 2 000 femmes maires seront reçues au Sénat ce jour-là et j'espère que vous serez très nombreux à les accueillir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Madame la sénatrice, les inégalités sont probablement les premiers facteurs de la précarité. Et la meilleure réponse à la précarité, c'est l'emploi. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Yannick Bodin. Bravo ! On le savait !
Mme Nicole Ameline, ministre. Je n'aurai pas la cruauté de rappeler que l'égalité professionnelle n'a pas progressé suffisamment au cours de ces dernières années ! (Mme Nicole Bricq s'exclame.) C'est pourquoi le Gouvernement, depuis deux ans, s'efforce de mobiliser les partenaires sociaux et l'ensemble du monde de l'économie autour de ce sujet si important, ...
M. Yannick Bodin. Alors allez-y !
Mme Nicole Ameline, ministre. ... qui concerne à la fois la cohésion sociale et la nouvelle dynamique de croissance et d'emploi dont notre pays a besoin.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous organisez le travail précaire !
Mme Nicole Ameline, ministre. Vous avez raison, madame Printz, un certain nombre de fragilités pèsent singulièrement sur certaines femmes. Je pense en particulier à celles qui sont chefs de familles monoparentales, aux femmes issues de l'immigration ou à celles qui connaissent la frontière souvent ténue entre l'activité et l'inactivité.
La réponse tient là encore dans l'engagement concernant l'égalité professionnelle. Je vous rappelle à cet égard qu'un accord national a été conclu par les partenaires sociaux, le 1er mars, suivi de la création du label « égalité des chances », d'un tour de France organisé avec l'ensemble des partenaires sociaux, ...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. S'il y a le Tour de France, alors !
Mme Nicole Ameline, ministre. ... et de cette loi sur l'égalité salariale et professionnelle, qui va permettre enfin l'application de ce qui n'était jusqu'alors qu'un droit proclamé.
Nous allons réussir, madame Printz, là où, malheureusement, vous avez échoué. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. Vous êtes en train de réussir : vous passez la barre des 10 % de chômeurs !
Mme Nicole Ameline, ministre. En effet, nous avons une méthode et une volonté. Par ailleurs, le contexte démographique ...
Mme Nicole Bricq. C'est hallucinant ! On attend les effets de la démographie !
Mme Nicole Ameline, ministre. ... nous permet aujourd'hui de considérer l'évolution de l'égalité professionnelle comme une véritable chance pour l'économie moderne.
A l'appui de cette politique, nous travaillons, d'une part, sur la formation, l'orientation professionnelle et scolaire et, d'autre part, sur la réconciliation nécessaire de la maternité et de l'emploi.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela va prendre beaucoup de temps !
Mme Nicole Ameline, ministre. Nous allons également faire en sorte que les modes de garde et l'environnement social, dans l'entreprise et en dehors de l'entreprise, favorisent effectivement l'insertion des femmes dans le monde du travail et la consolidation de leurs emplois.
Madame Printz, vous le savez, le modèle social français est bon, car les femmes travaillent tout en ayant un taux de natalité important.
Mme Nicole Bricq. A quel prix ? Tout le monde ne peut pas avoir cinq employés de maison !
Mme Nicole Ameline, ministre. Ce modèle, important en Europe, nous devons ensemble le faire progresser en résorbant les inégalités qui sont, encore une fois, facteurs de précarité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
situation en côte d'ivoire
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
M. René-Pierre Signé. Il n'est pas là !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Des milices locales fidèles au président ivoirien, Laurent Gbagbo, ont attaqué lundi dernier une position des rebelles des Forces nouvelles, à 450 kilomètres au nord-ouest d'Abidjan, à proximité de la zone tampon contrôlée par les forces de maintien de la paix françaises et onusiennes, dites « forces impartiales ».
II semble que la situation soit aujourd'hui sous le contrôle de l'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire, l'ONUCI, mais les fidèles du président Laurent Gbagbo ont promis de lancer de nouvelles offensives contre les rebelles des Forces nouvelles.
Par ailleurs, une campagne de presse particulièrement virulente se déchaîne depuis quelques jours en Côte d'Ivoire, menaçant la France de guérillas urbaines et d'un deuxième Diên Biên Phu. Selon cette presse, les populations de la zone sous contrôle des Forces nouvelles voudraient se rebeller pour reconquérir leur liberté, et les forces de l'ONU et les troupes françaises entraveraient ce mouvement en intervenant pour protéger les rebelles.
Cette campagne s'inscrit dans la suite logique de la demande appuyée des autorités ivoiriennes, selon laquelle la France devait contraindre les rebelles à désarmer, alors même que notre action là-bas ne peut être déterminée qu'avec le Conseil de sécurité des Nations unies.
Autre point d'inquiétude, les jeunes patriotes ont commis un avocat pour étudier la plainte qu'ils entendent déposer contre la France et la force Licorne après les événements de novembre. L'objectif de cette action semble clair : il tient plus à son exploitation médiatique auprès de l'opinion publique africaine qu'à l'issue de la procédure juridictionnelle.
Revenant tout juste d'un déplacement de quarante-huit heures à Abidjan, j'ai été témoin de la pugnacité des entreprises françaises et du courage de nos ressortissants dans ce pays en dépit des brimades, des vexations et d'une certaine désespérance face, par exemple, aux horribles saccages de ces écoles françaises qui firent autrefois notre fierté comme celle des Ivoiriens.
Madame le ministre, quelle est votre analyse de la situation dans l'ouest de la Côte d'Ivoire ? Pouvez-vous nous faire connaître la position de la France dans ce nouveau contexte particulièrement difficile ?
Comptez-vous, par exemple, prendre des mesures pour aider les 7 500 Français restés - ou rentrés - en Côte d'Ivoire à y reconstruire leurs moyens d'existence et à assurer la scolarité de leurs enfants, ou bien, comme le voudrait une rumeur persistante, envisagez-vous de fermer nos représentations françaises sur place en organisant une deuxième vague de rapatriements ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes. Madame le sénateur, je salue à mon tour la maîtrise et le courage de nos compatriotes. Le souci de leur sécurité et de leur avenir demeure la première priorité du Gouvernement français.
En liaison étroite avec la médiation sud-africaine comme avec nos partenaires européens, nous entendons parvenir à une solution qui préserve la légitimité démocratique, l'intégrité du territoire national et la stabilité régionale.
L'incident très préoccupant que vous évoquez se situe sur la frontière libérienne, dans une zone fragile marquée par de nombreux combats interethniques. Il succède à l'arrestation par les rebelles la semaine dernière, en zone de confiance, au Nord, d'un véhicule armé.
Dans les deux cas, l'ONUCI et Licorne sont intervenues immédiatement pour rétablir le calme et elles interviendront chaque fois que nécessaire, dans un sens comme dans l'autre.
Cette situation traduit l'exaspération croissante face à une absence de progrès depuis maintenant plusieurs semaines.
Fin décembre, sous l'impulsion du président Mbeki, l'Assemblée avait adopté la révision de l'article 35, franchissant ainsi une étape importante mais non suffisante.
Aucun progrès, en revanche, n'a été effectué en matière de désarmement. Aujourd'hui, pour éviter l'enlisement ou l'embrasement, il devient impératif de procéder désormais, dans les meilleurs délais, au cantonnement et, par la suite, au désarmement des forces rebelles comme des milices.
Le rôle des Nations unies, dans ce domaine comme dans celui de la préparation des élections, est essentiel et ses moyens doivent être conformes aux missions qui sont les siennes.
C'est dans cet esprit que Michel Barnier s'est entretenu avant-hier à Londres avec Koffi Annan et Condoleeza Rice. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. René-Pierre Signé. Merci, madame le ministre ! On a tout compris ! On est bien renseignés !
trafic des poids lourds en alsace
M. le président. La parole est à M. Francis Grignon.
M. Francis Grignon. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à l'aménagement du territoire.
Monsieur le secrétaire d'Etat, depuis que l'Allemagne a instauré un péage pour les poids lourds sur son territoire, le grand Est est littéralement envahi par le trafic des camions venant de l'Europe du sud vers l'Europe du nord et l'Europe de l'est.
Cela se traduit évidemment sur place par des bouchons à répétition et par une gêne considérable la nuit en raison d'un fort trafic nocturne.
Ce sont plusieurs milliers de camions qui affluent ainsi chaque jour dans notre région.
Grâce au GPS, ces chauffeurs, qui travaillent au rendement, prennent bien évidemment les petits chemins et traversent nos villages. Il s'ensuit d'énormes problèmes de sécurité, voire de dégradation des routes.
M. Robert Hue. C'est la conséquence du libéralisme !
M. Francis Grignon. Si je pose la question aujourd'hui, c'est parce que le problème est international.
Certes, j'ai bien conscience que la gêne n'est que régionale, encore que la région du grand Est vaille la peine d'être écoutée. Mais la solution réside dans une discussion entre notre gouvernement et son homologue allemand.
Je vous poserai donc deux questions, monsieur le secrétaire d'Etat.
Premièrement, discutez-vous avec les autorités allemandes pour faire en sorte qu'une solution à long terme soit trouvée ?
Je rappelle ici que l'autoroute alsacienne le long du Rhin est gratuite depuis toujours et que nous n'avons jamais pénalisé les véhicules allemands. En retour, il serait juste que les autorités allemandes fassent un effort dans notre direction en limitant le péage le long du Rhin.
Monsieur le secrétaire d'Etat, pourriez-vous entreprendre avec vos interlocuteurs allemands une discussion dans ce sens et nous dire à quelle échéance une solution à long terme est envisageable ?
La solution à court terme, qui serait acceptée sur place, consisterait à créer une gêne pour décourager ce transit, par exemple en ne permettant pas la circulation sur la voie de gauche. Encore faut-il avoir les moyens, tant matériels qu'humains, de faire respecter cette interdiction.
Deuxièmement, êtes-vous prêt à donner à la direction générale de l'équipement et au préfet de région les moyens pour régler le problème à court terme ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Jean-Marie Bockel applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'Etat à l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, je voudrais tout d'abord excuser M. Gilles de Robien, retenu par ailleurs.
Votre question est, il est vrai, tout à fait d'actualité, puisqu'elle correspond à l'entrée en vigueur du péage pour les poids lourds en Allemagne.
Adrien Zeller, président du conseil général d'Alsace, a lui-même évoqué ce sujet avec Gilles de Robien.
M. René-Pierre Signé. C'est leur seul président de région !
M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'Etat. Grâce à la mise en place d'un dispositif complet de surveillance des trafics, nous savons que le report de trafic s'établit à environ 2 600 véhicules poids lourds par jour sur l'autoroute A35, déjà fortement encombrée par un trafic quotidien d'à peu près 35 000 véhicules.
D'après nos comptages, les autres axes de circulation routiers n'ont pas subi d'augmentation sensible.
Quelles sont les solutions ? Vous avez évoqué à l'instant les solutions à court terme pour agir immédiatement. Nous devons, en effet, mettre en place des impératifs de sécurité plus efficients, telles que l'interdiction pour les poids lourds de circuler sur la voie de gauche - nous allons la décider - la limitation de vitesse sur certains tronçons, ou la restriction du transit à certaines heures.
Le mois prochain, M. de Robien va s'entretenir avec son homologue allemand sur l'ensemble des sujets qui relèvent de nos relations avec l'Allemagne.
S'agissant de la tarification sur les poids lourds, sachez-le, le droit européen empêche toute discrimination en fonction de l'immatriculation ou du lieu de provenance. Il n'est donc pas question de taxer les poids lourds en simple transit.
Ensuite, si l'on étendait tel quel le système allemand à la France, cela présenterait quelques inconvénients, notamment le risque de perte de compétitivité pour les entreprises françaises, ainsi qu'un report du trafic sur des itinéraires secondaires incapables de le supporter.
Nous pourrions, en revanche, mener une réflexion, en concertation avec les élus locaux, sur l'idée d'un péage limité à l'A35, par exemple. Cela suppose, toutefois, une différenciation entre les véhicules légers et les poids lourds plus nette qu'avec le système actuellement pratiqué sur les autoroutes.
En tout état de cause, nous sommes ouverts à toute éventualité et à toute discussion avec les élus locaux. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Didier Boulaud. Pour poser une excellente question !
M. le président. Monsieur Boulaud, je vous en prie ! Ecoutez au moins votre collègue !
M. Jean-Pierre Sueur. Ma question, qui s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, concerne les centaines de milliers de Français qui ont été touchés par la sécheresse de 2003 et dont les habitations ont connu de graves dommages.
Vous le savez, mes chers collègues, 2 270 communes ont été déclarées sinistrées dans le cadre de la loi sur les catastrophes naturelles.
Vous le savez aussi, 5 000 communes ont présenté la même demande, pour des raisons tout aussi fondées que celles des 2 270 communes qui ont été prises en compte.
M. Guy Fischer. Absolument !
M. Jean-Pierre Sueur. A examiner de près les critères géologiques ou météorologiques qui ont été retenus pour les 2 270 communes prises en compte, il apparaît qu'ils s'appliquent à un grand nombre des communes, pourtant non retenues.
M. Didier Boulaud. Ce sont plutôt des critères géopolitiques !
M. Jean-Pierre Sueur. L'un de nos collègues a posé une question à M. le ministre de l'intérieur, ici même, au Sénat, le 20 janvier dernier. Et ce dernier a répondu, convenant de l'insuffisance du chiffre des 2 270 au vu de l'ampleur des dégâts matériels, qu'il fallait évidemment, au-delà de ces zones, s'attacher aux situations personnelles. A sa demande, a-t-il alors indiqué, le Premier ministre a accepté de prendre ces dernières en compte. Il s'est donc engagé, d'ici au 15 février, à définir de nouveaux critères.
Nous sommes le 3 mars, et, dans tous les départements, des associations d'habitants attendent la réponse.
J'espère vraiment que vous nous donnerez cette réponse aujourd'hui, car ces communes ont droit à être prises en compte et nous sommes légitimement attachés au strict respect du principe d'égalité...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah oui !
M. Jean-Pierre Sueur. ... entre nos concitoyens qui sont victimes de cette situation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. René-Pierre Signé. Vous avez vu comme il a été bon ! Il a tout dans la tête ! C'est un sans-papier ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous le savez, l'engagement du Gouvernement sur le douloureux problème que vous venez de soulever a été total. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Les dommages occasionnés aux maisons d'habitation, sans compter certains monuments qui ont également été affectés, n'ont cessé de nous préoccuper, Dominique de Villepin et moi-même !
Nous nous sommes efforcés jusqu'ici, monsieur le sénateur, d'apporter une réponse qui soit juste, solidaire et conforme à la loi.
Mme Nicole Bricq. Laquelle ?
Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée. Grâce aux critères qui ont été fixés en 2004 et qui ont, vous en conviendrez, considérablement assoupli ceux que vous aviez arrêtés en 2000, ce sont 2 250 communes qui ont pu être classées au titre des catastrophes naturelles. Toutefois, j'en conviens, de très nombreuses communes, elles aussi durement touchées, ne figurent pas dans ce classement.
Pour régler définitivement cette question, le Gouvernement s'est engagé à trouver une procédure nouvelle qui s'inscrive dans le cadre de la loi, tout en respectant, bien entendu, les équilibres financiers.
Il nous fallait donc inventer un nouvel outil, une nouvelle méthode. C'est la raison pour laquelle une expertise a été conduite par l'inspection générale de l'administration.
Les résultats de ce travail sont parvenus sur le bureau de Dominique de Villepin le 15 février dernier, il y a donc aujourd'hui exactement seize jours.
M. René-Pierre Signé. Il ne les a pas lus !
Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée. Actuellement, nous procédons à l'analyse de ces conclusions pour fixer définitivement le cadre de ce réexamen, qu'a en effet annoncé ici même Dominique de Villepin.
M. Pierre-Yves Collombat. Il n'y a toujours pas de réponse !
Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée. Je peux aujourd'hui vous indiquer les orientations générales retenues par Dominique de Villepin.
M. René-Pierre Signé. C'est long !
Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée. Seize jours, monsieur le sénateur !
La procédure qui sera ouverte aux sinistrés est soumise à une double exigence. D'abord, elle devra, bien entendu, être équitable. Il faut, en effet, s'assurer que les droits ouverts à chaque sinistré soient les mêmes. Ensuite, elle devra être simple pour épargner aux sinistrés des démarches complexes en vue de constituer leur dossier.
Monsieur le sénateur, croyez-le, le Gouvernement est déterminé à engager ce réexamen. L'étude est en cours aujourd'hui et la situation des sinistrés qui le méritent sera traitée dans les plus brefs délais.
Nous savons qu'il s'agit de répondre à l'attente légitime de ces populations qui ont été les plus gravement touchées. Soyez assuré, monsieur le sénateur, de notre vigilance pour apporter la réponse la plus rapide possible. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UC-UDF.)
Mme Nicole Bricq. Elle n'a pas donné de réponse ! Ce n'est pas rassurant !
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures dix, sous la présidence de M. Philippe Richert.)
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
Dépôt d'un rapport de la cour des comptes
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier président de la Cour des comptes le rapport d'observations définitives sur les comptes d'emploi 1998 à 2002 des ressources collectées auprès du public par l'Association pour la recherche sur le cancer.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
4
Réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise
Suite de la discussion et adoption d'une proposition de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise (nos 181, 203, 205).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 3.
Article 3
I. - 1. Supprimé.
2. Par dérogation aux dispositions de l'article L. 212-5 du code du travail, et tant que l'accord ou la convention fixant, conformément à cet article, le taux de majoration applicable n'a pas été conclu, le taux de majoration des quatre premières heures supplémentaires applicable aux entreprises de vingt salariés au plus est fixé à 10 % jusqu'au 31 décembre 2008. Le seuil défini au troisième alinéa de l'article L. 212-6 du code du travail est fixé pour ces mêmes entreprises à trente-six heures pour les années 2006, 2007 et 2008.
II. - Dans l'attente de la convention ou de l'accord collectif de branche, de groupe, d'entreprise ou d'établissement prévu à l'article L. 227-1 du code du travail et directement applicable, dans les entreprises de vingt salariés au plus, le salarié peut, en accord avec le chef d'entreprise, décider de renoncer à une partie des journées ou demi-journées de repos accordées en application de l'article L. 212-9 ou du III de l'article L. 212-15-3 du même code dans la limite de dix jours par an ou d'effectuer des heures au-delà de la durée prévue par la convention de forfait conclue en application du I ou du II de l'article L. 212-15-3 du même code dans la limite de soixante-dix heures par an. Les heures, demi-journées ou journées effectuées à ce titre donnent lieu à une majoration de salaire au moins égale à 10 %. Elles ne s'imputent pas sur le contingent légal ou conventionnel d'heures supplémentaires prévu à l'article L. 212-6 du même code. Ce régime prend fin le 31 décembre 2008.
III. - Les dispositions du présent article s'appliquent aux entreprises et aux unités économiques et sociales dont l'effectif est au plus égal à vingt salariés à la date de promulgation de la présente loi. L'effectif est apprécié dans les conditions prévues à l'article L. 620-10 du code du travail.
La parole est à M. Roland Muzeau, sur l'article.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, évoquant cet article 3 le 7 février dernier à l'Assemblée nationale, M. Louis Giscard d'Estaing, député, indiquait qu'il lui paraissait « tout à fait intéressant ».
Finalement, la question est de savoir pour qui il est intéressant. Pour les salariés, ou pour le petit patronat ?
En ce qui me concerne, cet article me paraît scandaleux à deux titres.
En premier lieu, comme à l'article 2, les auteurs de la proposition de loi posent le principe que, pour gagner plus, le salarié doit travailler plus. En un mot, l'augmentation du pouvoir d'achat doit s'accompagner d'une augmentation de la productivité et de la rentabilité. Qu'il s'agisse des grandes entreprises ou des PME, cette exigence m'apparaît inacceptable.
Nous l'avons dit et souvent répété au cours de ce débat, il ne s'agit pas d'une liberté de choix offerte aux salariés. C'est une voie purement libérale qui est suivie, la possibilité d'une redistribution des richesses dans l'entreprise étant écartée par principe.
Comment ne pas s'offusquer de ce détournement d'une juste aspiration à l'augmentation du pouvoir d'achat au profit d'une exploitation toujours accrue du salariat ?
Qui peut nier ici - en tout cas pas vous, monsieur le ministre, car vous devez connaître les chiffres - que, durant la décennie passée, la part du travail dans la valeur ajoutée a considérablement diminué ? C'est là le noeud du problème : ce sont les actionnaires, les marchés financiers qui n'ont cessé de s'enrichir et qui ont tiré, seuls trop souvent, leur épingle du jeu libéral.
Cette affirmation vous déplaît, chers collègues de la majorité sénatoriale, comme on a pu le constater depuis le début de l'examen de ce texte, mais elle correspond à la stricte réalité, dont les médias se sont fait l'écho ces derniers jours.
En second lieu, les dispositions de l'article 3 nous paraissent inacceptables parce que les salariés les moins protégés sont ceux des PME. Comment oublier que la quasi-totalité de ces dernières sont dépourvues de sections syndicales et que l'on y rencontre rarement des délégués du personnel ? La bataille pour le respect du droit du travail est un combat permanent, de chaque jour, de chaque instant dans une large majorité de PME.
Or c'est au bénéfice de ces entreprises que les auteurs de la proposition de loi, le Gouvernement et la majorité sénatoriale entendent proroger encore et toujours une disposition qui, de transitoire, devient pérenne. Cette disposition, c'est la réduction de 25 % à 10 % du taux de majoration de la rémunération des quatre premières heures supplémentaires effectuées par le salarié.
Nous avions exprimé notre opposition à cette dérogation lors de son instauration, en 2000. Elle devait devenir caduque en 2002. Sa prolongation jusqu'au 31 décembre 2005 par la loi Fillon du 17 janvier 2003 masquait mal la volonté de la pérenniser.
La disposition de l'article 3 du présent texte visant à maintenir la dérogation jusqu'au 31 décembre 2008 s'apparente à une reconduction automatique, ne respectant pas les observations du Conseil constitutionnel relatives à la seconde des lois dites « Aubry ».
En effet, le Conseil constitutionnel avait justifié l'inégalité de traitement ainsi instituée entre salariés par le caractère « temporaire » de la mesure. Cependant, le temporaire tend à s'éterniser, puisque la disposition aura finalement été appliquée pendant huit ans.
Cet article 3 détourne donc la loi. Il instaure une inégalité de traitement entre salariés qui est manifestement inconstitutionnelle, puisque le caractère temporaire de la dérogation en question a disparu de fait.
Pour cet ensemble de raisons, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen s'opposeront nettement à l'adoption de l'article 3 de la proposition de loi.
M. le président. La parole est à Mme Eliane Assassi, sur l'article.
Mme Eliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite, avant d'aborder la discussion des amendements qui ont été déposés sur cet article 3, revenir sur son inconstitutionnalité manifeste. Je l'avais déjà mentionnée lors de mon intervention dans la discussion générale, et j'y étais revenue en défendant la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
C'est la majorité sénatoriale qui, à l'occasion d'un recours formulé devant le Conseil constitutionnel à l'encontre de la seconde loi sur les 35 heures du 20 janvier 2000, avait dénoncé une inégalité de traitement entre les salariés des grandes entreprises et ceux des petites et moyennes entreprises.
Permettez-moi de rappeler la réponse qui avait été faite par le Conseil constitutionnel aux requérants de l'époque.
« Considérant, en premier lieu, que les sénateurs requérants estiment contraire au principe d'égalité la différence de situation entre les salariés qui, jusqu'au 1er janvier 2002, travailleront dans une entreprise encore assujettie à la durée légale du temps de travail de trente-neuf heures et les salariés employés par une entreprise soumise à la nouvelle durée légale... »
Le Conseil constitutionnel avait contré cette argumentation en soulignant le caractère temporaire de la disposition.
Comment ne pas lui soumettre à nouveau cette inégalité de traitement, puisque le caractère temporaire disparaît au profit d'une reconduction régulière, une première fois en 2003 puis une seconde fois en 2005, avec cette proposition de loi qui prévoit la prolongation de la mesure jusqu'en 2008 ?
Le Conseil constitutionnel attendra-t-il 2012 ou 2015 pour dénoncer la rupture d'égalité ?
Cet article 3 est donc particulièrement grave. Il porte atteinte, au-delà des conditions de travail des salariés, au principe d'égalité.
Les salariés des PME, outre les difficultés inhérentes à la reconnaissance de leurs droits dans ces catégories d'entreprises, cumuleront une atteinte particulière, renforcée, à l'encontre de leur pouvoir d'achat.
Monsieur le ministre, avez-vous pris l'avis de personnalités compétentes sur ce point ?
Par ailleurs, l'utilisation de la voie parlementaire a permis à la proposition de loi d'échapper au contrôle du Conseil d'Etat, contrôle qui aurait été, me semble-t-il, particulièrement nécessaire et utile en la matière.
Cependant, si le Gouvernement n'engage pas de telles consultations, les commissions compétentes du Sénat seraient bien inspirées de le faire pour éviter une entorse particulièrement grave à ce principe fondamental de notre droit.
J'attends de la part de la commission saisie au fond, mais aussi du Gouvernement, une argumentation plus solide que celle qui a été avancée jusqu'alors.
Non, il n'est plus possible d'évoquer un caractère temporaire de la disposition car, au-delà des mots, il y a la réalité. Vous ne pouvez pas éternellement contourner le droit, vous devez le respecter !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, sur l'article.
M. Jean-Pierre Godefroy. Un minimum d'articles mais un maximum d'effet, tel pourrait être le résumé de cette proposition de loi.
L'article 3 semble être le plus anodin et, pourtant, c'est bien celui dont les effets pourraient être les plus ravageurs.
En ce qui concerne la prorogation jusqu'en 2008 du régime spécial applicable aux petites et moyennes entreprises, les PME, le risque est de graver dans le marbre une dualité du marché du travail puisque la trente-sixième heure de travail continuera jusqu'en 2008 à ne pas être décomptée dans le contingent d'heures supplémentaires, échappant à toute majoration.
Même l'Union professionnelle artisanale, l'UPA, dénonce cette disposition qui va nuire à l'attractivité de ces entreprises.
Quant au Conseil constitutionnel, il n'avait accepté la prorogation de ce régime dérogatoire qu'à la condition qu'il soit transitoire. Le sera-t-il encore après l'adoption de cet article ?
Mais le plus dangereux, c'est l'alinéa qui instaure le système de l'opting out, système venu de Grande-Bretagne qui remet totalement en cause l'architecture de notre droit du travail. Pour la première fois, un accord passé entre un salarié et un employeur pourra contredire un accord collectif.
En donnant un avis favorable à cet article, le Gouvernement anticipe la discussion actuellement en cours au niveau européen sur le projet de révision de la directive 2003/88/CE sur le temps de travail.
Ce projet de directive comporte une série de régressions qui, toutes, visent à surflexibiliser le marché du travail.
Il prévoit en effet l'annualisation du temps de référence sur lequel est calculée la durée maximum hebdomadaire de quarante-huit heures de travail, la consécration de l'opting out, la définition plus stricte du temps de travail en distinguant le temps de garde de la « période inactive du temps de garde », c'est-à-dire le temps pendant lequel le travailleur, bien que présent sur son lieu de travail, n'exerce pas ses fonctions.
La Confédération européenne des syndicats et l'ensemble de la gauche européenne sont fermement opposés à cette directive.
Quant au Gouvernement, lors de la réunion des ministres du travail de l'Union européenne du 7 décembre 2004, il s'est dit défavorable au système des dérogations individuelles, mais il le laisse pourtant introduire dans le droit français avec cette proposition de loi. Une nouvelle fois, les actes contredisent le discours !
Le Gouvernement fait mine de dénoncer le chantage à l'emploi de certaines entreprises qui menacent de délocaliser leur activité si leur accord sur les 35 heures n'est pas révisé, mais, en réalité, il introduit par ce texte la même logique au sein de chaque entreprise.
Désormais, c'est l'individualisation du temps de travail qui va primer, le rapport de force étant toujours défavorable au salarié.
Monsieur le ministre, mes collègues et moi-même essaierons de vous démontrer, par nos amendements, la nocivité de cet article 3 auquel nous nous opposerons très fermement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je suis saisi de trente-six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 83 est présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 214 est présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour présenter l'amendement n° 83.
Mme Raymonde Le Texier. L'article 3 comporte deux catégories de dispositions sur lesquelles nous sommes totalement en désaccord.
Tout d'abord, vous prolongez une nouvelle fois l'exception qui avait été consentie par la loi relative à la réduction du temps de travail en direction des entreprises de vingt salariés au plus et qui permettait un mode de calcul différent de celui qui a été retenu pour la durée du temps de travail afin de faire commencer le décompte des heures supplémentaires à l'issue d'une durée hebdomadaire de travail de trente-six heures.
Dans un premier temps, sur initiative parlementaire, vous avez prolongé ce régime d'exception jusqu'en 2006. Vous décidez maintenant une nouvelle prolongation jusqu'au 31 décembre 2008.
Cela conduit à maintenir dans ces entreprises le nombre d'heures supplémentaires hors contingent et limite d'autant l'effet du repos compensateur.
Permettez-moi deux observations sur ce point.
Tout d'abord, le Conseil constitutionnel, saisi par les parlementaires de gauche, n'a validé la prolongation de cette exception qu'à la condition que la limite dans le temps soit fixée. Il sera intéressant de connaître son opinion sur cette nouvelle prolongation de trois ans ! Cela nous conduit, en effet, à un régime transitoire d'adaptation d'une durée de huit ans. C'est beaucoup !
N'êtes vous pas en train de sous-estimer les capacités d'adaptation et de réactivité de nos petites entreprises, capacités que vous vantez si souvent par ailleurs ?
C'est d'ailleurs ce qui a conduit le Premier ministre, assez flou au départ sur le délai de prolongation, à fixer une date limite.
Notre deuxième observation, c'est que cette prolongation ne fait pas l'unanimité dans les rangs de la majorité. Déjà, à l'Assemblé nationale, Hervé Morin a manifesté sa réticence et, au Sénat, nous allons examiner les amendements déposés par Michel Mercier et ses collègues centristes.
La seconde prolongation que vous nous proposez en direction des petites entreprises est celle de la majoration de 10 % des heures supplémentaires.
Cette mesure est en réalité très inquiétante si on la relie aux dispositions que vous avez introduites dans le code du travail avec la loi de 2003 portant réforme de l'organisation du temps de travail et qui s'appliquent à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille. Désormais, un accord collectif pourra fixer un taux de majoration de 10 %.
Devons nous dès lors considérer que ces 10 % sont appelés à se généraliser ? Ce serait d'ailleurs une manière de régler définitivement cette question de l'exception, tout simplement en encourageant sa généralisation.
Combiné avec l'affectation de la rémunération sur un compte épargne-temps, la question de la majoration des heures supplémentaires sera donc rapidement réglée.
La deuxième série de dispositions contenues dans cet article 3 concerne également les entreprises de vingt salariés au plus. Elle vise à contourner le fait que les comptes épargne-temps sont encore une rareté dans les petites entreprises, faute des moyens de les mettre en place et faute également de représentants du personnel qui pourraient éventuellement signer des accords collectifs.
Il est vrai aussi, comme nous avons eu l'occasion de l'indiquer, que la formule du compte-épargne temps, surtout avec la transformation radicale que vous réalisez, ne saurait provoquer l'enthousiasme des salariés. Heureusement pour les institutions financières et de prévoyance que les employeurs en auront désormais la maîtrise et décideront souverainement d'y affecter la rémunération des heures supplémentaires !
Mais la rédaction que vous défendez va juridiquement très loin, monsieur le ministre, et vous ne pouvez l'ignorer, puisque vous avez forcément connaissance de la législation du travail de nos voisins. Avec ce texte, vous introduisez en droit français la dérogation individuelle par un prétendu accord entre l'employeur et le salarié.
C'est une dérogation non seulement à l'accord collectif, mais aussi à la loi, puisque vous citez expressément les articles du code du travail auxquels un tel accord pourra déroger.
Bien entendu, cette dérogation individuelle ne sera pas dans l'intérêt du salarié. Dans les faits, c'est une évidence quand on voit le temps de travail qui pourra être effectué, la majoration de 10 % et l'absence d'imputation sur le contingent d'heures supplémentaires, donc l'absence de repos compensateur. C'est tout simplement inadmissible !
Mais c'est juridiquement aussi que se pose le problème. C'est une question de principe : quel que soit le sujet, il est absolument scandaleux qu'un ministre du Gouvernement de la République vienne devant le Parlement proposer un tel déni de droit, à savoir une dérogation individuelle à des dispositions légales d'ordre public social.
C'est une véritable révolution par rapport à la philosophie qui sous-tendait jusqu'à ce jour notre droit du travail.
C'est une attaque frontale, non plus seulement contre la hiérarchie des normes en matière sociale, mais contre l'existence même de dispositions générales, pas seulement conventionnelles mais légales.
C'est l'expression la plus aboutie de la volonté du MEDEF et des autres organisations patronales en France et en Europe de voir détruire les fondements du droit du travail. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 214.
M. Roland Muzeau. Les contraintes inhérentes au fonctionnement des petites entreprises ont décidément bon dos !
Quant à la cohésion juridique et à l'équité, exigences à géométrie variable selon les besoins du Gouvernement et de sa majorité, elles aussi sont invoquées pour justifier des régimes dérogatoires, le renoncement des salariés à la réduction du temps de travail et aux avantages afférents, ou l'institutionnalisation d'inégalités entre salariés selon la taille de leur entreprise.
Votre tactique de camouflage est scandaleuse, nous l'avons déjà dit. Sous couvert de liberté - la liberté de choix des salariés -, vous sacrifiez les droits et les garanties collectives de ces derniers, le code du travail, et même les normes sociales issues de la négociation collective.
Vous ne respectez pas les partenaires sociaux et le dialogue social, que vous dites pourtant vouloir privilégier. Marché oblige !
Vous l'avez compris, l'article 3, dans son ensemble, nous est particulièrement insupportable.
Plusieurs raisons de fond motivent l'amendement de suppression que nous vous présentons.
Tout d'abord, nous ne pouvons accepter la nouvelle prorogation jusqu'en 2008 d'un dispositif spécifique aux entreprises de moins de vingt salariés en matière d'heures supplémentaires, pénalisant financièrement les salariés qui voient le taux de majoration des quatre premières heures supplémentaires bloquées à 10 % et facilitant pour les entreprises le dépassement du contingent annuel en permettant l'imputation des heures supplémentaires sur ce dernier à compter seulement de la trente-septième heure.
En effet, cette dérogation, accordée hier à titre transitoire, devait permettre une adaptation en souplesse des très petites entreprises, les TPE, et des PME à la réduction du temps de travail.
Pourquoi, aujourd'hui, alors que la réduction du temps de travail n'est plus actuelle, chercher à faire de l'exception une règle ?
Pour contenter certaines organisations patronales, dont la CGPME et le MEDEF, en oubliant que d'autres, dont l'UPA, reconnaissent que les distorsions de droits, de salaires, de statuts, entre les grandes et les plus petites entreprises desservent ces dernières, en accentuant les difficultés de recrutement, et donc leurs possibilités de développement.
Le représentant de l'UPA n'a-t-il pas reconnu devant la commission des affaires sociales du Sénat que les entreprises artisanales devraient nécessairement tenir compte des avantages proposés par les grandes entreprises, et que c'était la condition nécessaire pour inciter les candidats à l'emploi à s'intéresser aux PME et aux TPE ?
Craignant la censure du Conseil constitutionnel, qui avait émis un certain nombre de réserves sur la loi Fillon - jugeant notamment recevable l'argument tiré de l'inégalité de traitement entre salariés -, le Premier ministre a cru bon de devoir s'assurer que la solution médiane trouvée, à savoir la prorogation et non la pérennisation, se solderait par une harmonisation par le haut du régime des heures supplémentaire. Permettez-moi d'en douter tant que cela ne se sera pas effectivement concrétisé.
Dans l'immédiat, le Gouvernement dépose des sous-amendements afin de « garantir » le caractère strictement transitoire des règles applicables aux heures supplémentaires dans les petites entreprises.
Nous sommes ravis d'apprendre que, à compter du 1er janvier 2009, ce seront les règles de majoration et de décompte de droit commun qui s'appliqueront, dans la mesure où ce régime de droit commun modifié par M. Fillon laisse, lui aussi, la place à une majoration des heures supplémentaires de 10 % et où le contingent annuel sera, lui aussi, plus facilement contournable et les repos compensateurs plus facilement échangeables.
Reste que, dans l'attente de 2009, les discriminations touchant injustement les salariés des petites entreprises perdureront. Ce qui n'est pas sans paradoxe pour ceux qui prétendent valoriser le travail et fustigent les 35 heures et leur bilan social prétendument calamiteux !
Monsieur le ministre, la seconde série de mesures contenues dans cet article, qui établit - là encore à titre transitoire - un dispositif de renonciation des jours et des heures accordés au titre de la réduction du temps de travail, est tout aussi inadmissible.
Je le répète, vous incitez les salariés placés dans une situation de subordination à renoncer à la réduction du temps de travail effectif dont ils bénéficiaient ainsi qu'aux avantages garantis par l'accord sur les 35 heures ou par la loi. Pour cela, vous introduisez dans le droit français, bien que vous vous en défendiez, la clause d'opting out, qui place le salarié et l'employeur hors convention, hors code du travail, dans une négociation individuelle en vue de troquer des jours de repos contre une hypothétique augmentation salariale.
A la lecture de cet article, nous prenons la mesure de la satisfaction, je dirai même de la joie, du MEDEF et de tous ceux qui souhaitent que les acquis sociaux cèdent le pas à la nécessité économique.
C'est pourquoi nous renouvelons avec force notre demande de suppression de l'article 3. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 215, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
... Le quatrième alinéa de l'article L. 212-4 du code du travail est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Le temps de déplacement professionnel est constitutif d'un temps de travail effectif. Il est constitué :
« - par le temps de trajet effectué par le salarié dans le cadre de sa mission pour le compte de l'entreprise lorsque ce temps coïncide avec l'horaire collectif du travail.
« - par le temps de déplacement du salarié commandé par l'exécution de sa mission pour se rendre, à partir de son domicile, sur le lieu d'exécution du contrat de travail lorsque celui-ci n'est pas le lieu habituel de travail. »
La parole est à Mme Eliane Assassi.
Mme Eliane Assassi. Comme l'indique son objet, cet amendement vise à rétablir la corrélation entre le temps de déplacement professionnel et le temps de travail effectif. Il s'agit d'une proposition particulièrement importante, qui tend à intégrer dans notre droit du travail l'idée que le temps de déplacement professionnel est constitutif d'un temps de travail effectif.
Nous proposons que ce déplacement professionnel soit constitué, d'une part, du temps de trajet effectué par le salarié dans le cadre de sa mission pour le compte de l'entreprise lorsque ce temps coïncide avec l'horaire collectif du travail et, d'autre part, du temps de déplacement du salarié commandé par l'exécution de sa mission pour se rendre, à partir de son domicile, sur le lieu d'exécution du contrat de travail lorsque celui-ci n'est pas le lieu habituel de travail.
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, l'amendement n° 215 s'oppose de manière frontale à l'article 69 de la loi dite de « cohésion sociale », qui, lui, pose le principe que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail ne constitue pas un temps de travail effectif lorsque le lieu d'exécution du temps de travail est distinct du lieu habituel.
Cette disposition de la loi de cohésion sociale prend à contre-pied la jurisprudence selon laquelle le temps de déplacement est traité en temps de travail effectif s'il excède le temps normal de trajet d'un salarié se rendant de son domicile à son lieu de travail habituel. Cette jurisprudence résulte, notamment, d'un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 5 novembre 2003.
Il s'agit d'un débat intéressant, car il démontre bien que la loi de cohésion sociale, au-delà de ses effets d'annonce, de son affichage, regorge de remises en cause d'avancées sociales pourtant reconnues par la société, à commencer par l'autorité judiciaire.
Pour toutes ces raisons le groupe communiste républicain et citoyen demandera que cet amendement soit mis aux voix par scrutin public. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. L'amendement n° 216, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
... Dans la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 212-4 bis du code du travail, après les mots : « compensation financière », sont insérés les mots : « dont le taux horaire ne peut être inférieur à 150 % du salaire horaire du salarié concerné ».
La parole est à Mme Eliane Assassi.
Mme Eliane Assassi. Actuellement, les conditions dans lesquelles sont organisées les astreintes de même que les compensations financières ou en temps de repos auxquelles elles donnent lieu sont fixées par l'employeur après information et consultation du comité d'entreprise ou, en l'absence de comité d'entreprise, des délégués du personnel s'il en existe, et après information de l'inspection du travail.
Nous savons tous le peu de garantie qu'offre un tel mode de décision. Ainsi, l'organisation et la rémunération des astreintes sont presque entièrement décidées par l'employeur sans que le salarié ait véritablement voix au chapitre. C'est donc pour éviter que les règles de ce mode particulier de travail soient laissées au libre arbitre de l'employeur que nous présentons cet amendement.
Nous demandons en effet que la loi fixe un seuil minimum de rémunération des heures d'astreinte équivalant à 150 % du salaire horaire perçu par le salarié qui effectue l'astreinte.
M Louis Souvet avait lui-même déclaré, en octobre 2002, au moment où nous débattions ici du projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi : « Quand il n'y a pas d'accord et que l'astreinte est mise en place sur la seule initiative de l'employeur, j'observe qu'aucune garantie minimale pour le salarié n'est actuellement prévue dans le code du travail, notamment en matière de compensation. »
Si nous partageons les inquiétudes émises par M. Souvet au sujet de la rémunération des astreintes, on ne peut pas dire la même chose de la majorité, qui, à plusieurs reprises, s'en est prise à ce régime particulier qui ne concerne pas que quelques dizaines de salariés, mais des millions de salariés ! Ainsi, la loi Fillon du 17 janvier 2003 a-t-elle instauré une disposition particulièrement régressive en assimilant les périodes d'astreinte, où le salarié n'a eu besoin ni de se déplacer ni d'intervenir, à des périodes de repos.
En opérant une totale assimilation entre temps de repos et temps d'astreinte, cette disposition a été prise dans un mépris total des contraintes qu'exerce ce régime sur les salariés et, plus généralement, dans un mépris total du droit du travail, puisqu'une telle disposition remet en cause le repos quotidien de onze heures consécutives et le repos hebdomadaire de vingt-quatre heures.
Garantir par la loi un pourcentage minimum déterminant les compensations aux astreintes nous paraît être la meilleure solution pour répondre aux attentes de M. Souvet et, plus généralement, à celles des millions de salariés qui sont contraints d'effectuer des astreintes dans le cadre de leur travail.
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 217, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
... - La seconde phrase du deuxième alinéa de l'article L. 212-4 bis du code du travail est supprimée.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, selon le premier alinéa de l'article L. 212-4 bis du code du travail, « une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise ».
Dès lors, par le fait même de l'astreinte, le salarié est toujours en situation de subordination juridique par rapport à son employeur. Il a en effet l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité et de se tenir constamment prêt à intervenir immédiatement dans la mesure où les périodes d'astreinte sont, par définition, prévues pour pallier la survenue d'incidents soudains nécessitant des travaux urgents, qui ne pourraient être réalisés dans le cadre de travaux planifiés, afin de garantir la sécurité des biens et des personnes. Le salarié d'astreinte doit donc toujours effectuer un travail contraignant pour le compte de son employeur.
Le seul fait de se tenir toujours prêt à intervenir dans l'attente d'une directive de son patron et, au surplus, de demeurer dans un lieu ou à proximité d'un lieu imposé constitue, à l'évidence, une prestation du salarié pour le compte de son employeur, et je dirai même une prestation particulièrement contraignante tant d'un point de vue professionnel que personnel.
Je vous rappelle pour mémoire le cas des salariés des industries électriques et gazières, qui ont été particulièrement sollicités ces dernières années, que ce soit par la tempête de 1999 - véritable catastrophe nationale - ou, plus récemment, par les inondations qui ont touché les départements du Sud-Ouest, il y a tout juste deux ans.
Peut-on réduire le travail qu'ont effectué ces salariés dans ces périodes spécifiques à de simples relations de distance ? Les agents qui ont été confrontés à ces deux catastrophes en ont fait l'expérience, et ils sont loin de partager cet avis.
Face à de telles contraintes, croyez-vous qu'il soit normal que les conditions dans lesquelles les astreintes sont organisées ainsi que les compensations financières ou en temps de repos auxquelles elles donnent lieu soient fixées quasi unilatéralement par l'employeur ? De toute évidence, non !
Il convient alors de supprimer les dispositions de l'article L. 212-4 bis du code du travail qui permettent à l'employeur d'être le seul à décider de la répartition des astreintes, de leur organisation et de leur indemnisation.
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 218, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le deuxième alinéa de l'article L. 212-4 bis du code du travail est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« La période d'astreinte ne peut être imposée par l'employeur. Elle doit recueillir l'accord exprès du salarié. »
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Déposé par des élus de la majorité, un amendement au projet de loi Fillon de 2003 a modifié dans un sens très régressif le régime des astreintes, qui concerne aujourd'hui, nous l'avons dit, des millions de salariés.
Aux termes de cet amendement, le temps d'astreinte est assimilé à du temps de repos si le salarié n'a pas eu à effectuer d'intervention. Pourtant, qu'il y ait intervention ou non, le salarié d'astreinte a bien des contraintes - disponibilité, non-éloignement du lieu de travail, ... -, notamment celle de ne pas disposer de la liberté d'utiliser son temps de repos comme il l'entend.
Cet amendement a eu pour effet de remettre en cause un arrêt de la Cour de cassation du 10 juillet 2002, qui spécifiait que, sans être du travail effectif, les périodes d'astreinte ne pouvaient être considérées comme des temps de repos.
En revenant sur cette jurisprudence, la loi Fillon a représenté un nouvel encouragement pour le patronat à remettre en cause les accords existants. La réforme de la durée du temps de travail n'est d'ailleurs qu'un encouragement supplémentaire, comme en témoignent les nombreux chantages à l'emploi auxquels on assiste depuis quelques mois, et dont j'ai fait la démonstration.
Plus largement, ces différentes régressions sociales sont assez symptomatiques de l'action que mène ce gouvernement, qui oscille entre deux types de manoeuvres politiques.
Premièrement, il cherche à individualiser le plus possible les relations entre les salariés et leurs employeurs. Ainsi, que ce soit avec la loi Fillon, qui abolit l'inversion de la hiérarchie des normes en matière de conventions collectives et qui permet alors aux accords d'entreprise d'avoir le dessus sur les accords de branche, ou avec la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, qui abolit définitivement la durée légale de 35 heures hebdomadaire pour tous, le Gouvernement cherche à isoler le plus possible les salariés et à les soumettre ainsi à un rapport de forces totalement inégalitaire avec l'employeur.
Deuxièmement, ce gouvernement cherche à donner à l'emploi la définition la plus restreinte possible en excluant tout ce qui découle du travail mais qui n'est pas nécessairement considéré comme tel.
Nous venons de voir le cas de la définition restreinte de l'astreinte donnée par la loi Fillon, mais on retrouve des manoeuvres similaires dans la loi de cohésion sociale - où le temps de trajet a été exclu du temps de travail effectif - et, d'une certaine façon, dans cette proposition de loi, où l'employeur peut exiger de ses salariés des heures supplémentaires sans les payer.
En somme, voilà les deux pendants d'une même volonté : celle de rendre les salariés de ce pays muets et corvéables à merci.
Nous désirons inverser cette tendance. C'est pourquoi nous défendons, par exemple, un tel amendement. Nous demandons, en effet, que la période d'astreinte ne puisse être imposée par l'employeur. Elle doit, selon nous, recueillir d'abord l'accord exprès du salarié, car nous voulons garantir à celui-ci le choix d'effectuer ou non des astreintes.
Mme Eliane Assassi. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 219, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
... - Dans le troisième alinéa de l'article L. 212-5-1 du code du travail, les mots : « vingt salariés » sont remplacés deux fois par les mots : « dix salariés ».
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Nous nous étions opposés au maintien jusqu'au 31 décembre 2005 du taux transitoire de majoration des heures supplémentaires à 10 % pour les entreprises de moins de vingt salariés. Il est évident que nous nous opposons à la nouvelle prolongation de ce délai jusqu'en 2008.
Deux raisons motivent cette position.
Tout d'abord, nous nous opposons fermement à la perte nette de pouvoir d'achat que subissent les salariés qui font des heures supplémentaires dans les PME. Au lieu de relever le pouvoir d'achat des salaires les plus bas, avec cette proposition de loi, on propose aux salariés, et en premier lieu aux plus mal payés d'entre eux, qui n'ont pas le choix, un marchandage honteux : sacrifier leur temps de vie pour obtenir l'indispensable augmentation de leur rémunération, une augmentation d'ailleurs particulièrement faible dans le cas des PME.
Dans ce marché de dupes, c'est toujours l'employeur qui décide ; le salarié y perd les garanties légales, l'inspection du travail est dépossédée de la faculté de s'opposer au recours abusif aux heures supplémentaires.
Ensuite, il nous parait totalement inacceptable que soit prolongée cette différence de traitement entre les salariés des petites structures et ceux des grandes entreprises. C'est d'autant plus inacceptable que cette mesure avait été présentée comme temporaire et qu'à force de prolongation elle semble s'installer durablement.
Le Gouvernement se réclame des PME pour préconiser des assouplissements. Mais pensez-vous qu'il réponde correctement à leurs problèmes ?
Encourager les PME à ne pas changer l'organisation du travail, c'est creuser encore l'écart entre elles et les grandes entreprises. Pour la plupart, elles subissent de plein fouet la politique d'externalisation des coûts des grands groupes, celle de la sous-traitance en cascade. Aucun gouvernement n'a voulu jusqu'ici s'attaquer à ce problème pourtant essentiel !
Rien ne justifie que les salariés des PME soient exclus des 35 heures. II faut les aider à résister plutôt qu'à se plier aux pressions que leurs employeurs exercent sur eux en leur faisant croire que la RTT amènera immanquablement une baisse de rémunération ou une suppression d'emploi. Leur aspiration à bénéficier de la RTT et de meilleurs salaires est légitime. Elle doit et elle peut être satisfaite.
Nous avons demandé, par le biais d'un autre amendement, que cette prolongation soit annulée. Avec l'amendement n° 219, nous faisons un pas vers vous en proposant que cette prolongation soit valable uniquement pour les entreprises de moins de dix salariés, c'est-à-dire pour les micro-entreprises. En effet, quoi qu'on en dise, les entreprises de plus de dix salariés ont largement eu le temps de s'adapter à la réforme du temps de travail.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 100 rectifié est présenté par MM. Mercier, Vanlerenberghe, Amoudry, Badré, Biwer, J. Boyer et Deneux, Mme Dini, M. Détraigne, Mme Férat, MM. A. Giraud et Jégou, Mme Morin-Desailly, M. Nogrix, Mme Payet, MM. Pozzo di Borgo, Soulage et Merceron.
L'amendement n° 220 est présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le I de cet article.
La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, pour présenter l'amendement n° 100 rectifié.
M. Jean-Jacques Jégou. Monsieur le président, mon argumentation vaudra également pour les amendements nos 101 rectifié et 102 rectifié, dont l'objet est identique.
Par ces amendements, nous entendons corriger une injustice engendrée par les lois Aubry, injustice que la présente proposition de loi entend perpétuer jusqu'en 2008.
Aujourd'hui, la majoration du paiement des heures supplémentaires varie de 10 % à 25 % selon que l'entreprise emploie plus ou moins de vingt salariés.
La prolongation de ce régime dérogatoire engendre une véritable injustice pour les salariés des entreprises de vingt salariés au plus et crée un effet de seuil qui, nous le pensons, freine l'embauche. En effet, elle constitue une discrimination supplémentaire particulièrement lourde à l'encontre de salariés qui, par ailleurs, bénéficient d'avantages sociaux souvent moindres que ceux qui existent dans les grandes entreprises.
Ces amendements ont donc pour objet de supprimer le régime dérogatoire pour les entreprises de moins de vingt salariés, d'aligner les entreprises de moins de vingt salariés sur le droit commun, de neutraliser le coût de cette majoration pour les entreprises en les faisant bénéficier d'une exonération de cotisations sociales compensant intégralement le surcoût induit par le paiement d'une heure supplémentaire et gagée sur une augmentation de la TVA.
Cette mesure permettra aux salariés de gagner davantage sans que cela alourdisse les charges de l'entreprise. De plus, vous l'aurez compris, elle nous permettra de mettre en oeuvre la TVA sociale.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 220.
M. Roland Muzeau. Nous l'avons dit, l'article 3 proroge jusqu'au 31 décembre 2008 le dispositif transitoire en matière d'heures supplémentaires qui s'applique aux entreprises de moins de vingt salariés.
Vous le savez, les heures supplémentaires s'y déclenchent à partir de la trente-septième heure seulement, au lieu de la trente-sixième dans le régime normal, et elles sont majorées de 10% seulement au lieu de 25% pour les autres entreprises.
Le fait que les entreprises de moins de vingt salariés ne puissent toujours pas passer aux 35 heures est une situation qui ne peut perdurer. Par conséquent, le régime dérogatoire concernant les heures supplémentaires dans ces entreprises n'a plus lieu d'être.
L'article 3 est bien loin de permettre le libre choix des salariés, puisqu'il maintient l'inégalité entre les salariés des petites entreprises et les autres, mais aussi entre petites et grandes entreprises.
Les salariés des petites entreprises sont non seulement soumis à une durée hebdomadaire de travail plus élevée, mais de surcroît leurs heures supplémentaires sont moins bien rémunérées.
Cette inégalité est inacceptable. C'est pourquoi nous avons déposé cet amendement de suppression du I de l'article 3, qui maintient contre toute logique une majoration des heures supplémentaires dans les entreprises de moins de vingt salariés à 10 % seulement.
M. le président. L'amendement n° 84, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer la première phrase du 2. du I de cet article.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. L'amendement n° 84 a pour objet de mettre un terme au régime transitoire applicable aux entreprises de vingt salariés au plus en matière de rémunération des heures supplémentaires. Ce système existe en effet depuis maintenant cinq ans, et vous entendez le proroger pendant encore trois ans. Or nous considérons qu'il n'a plus lieu d'être, pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, il crée une double distorsion de concurrence. Nous sommes d'ailleurs étonnés que les représentants de l'ultralibéralisme ne soient pas immédiatement sensibles à un argument aussi puissant au regard de la concurrence pure et parfaite ! Et c'est donc nous, socialistes, qui devons vous faire remarquer cette inégalité !
M. Jean-Jacques Jégou. Nous l'avons dit aussi !
Mme Raymonde Le Texier. Je le reconnais, mon cher collègue.
Nous observons donc en premier lieu qu'il crée une distorsion de concurrence au regard du marché du travail. II est évident que l'absence d'un avantage social qui est acquis dans les autres entreprises a un effet repoussoir sur les jeunes et les moins jeunes en recherche d'emploi, et cela d'autant plus que les salaires et les conditions de travail sont moins favorables dans les petites entreprises, il faut bien le reconnaître.
Certes, vous résolvez le problème en faisant disparaître progressivement du champ du droit du travail les 35 heures dans l'ensemble des entreprises.
Mais la distorsion est aussi inverse : les entreprises qui se sont créées depuis la mise en oeuvre de la loi - et elles sont maintenant nombreuses - ainsi que celles qui ont opté pour les 35 heures afin de fidéliser leurs salariés ou de se réorganiser en vue d'une meilleure réactivité sont défavorisées par rapport à celles qui sont demeurées inertes sur le plan social. Or ce sont précisément ces entreprises les moins dynamiques que vous décidez de favoriser. Du point de vue macroéconomique nous doutons de l'efficacité réelle de votre choix.
Sur le plan social, nous retrouvons encore une fois le hiatus entre votre slogan publicitaire - « Travailler plus pour gagner plus » - et votre texte.
Comment pouvez-vous essayer de faire croire à des salariés de petites entreprises, qui sont déjà contraints d'effectuer des heures supplémentaires avec une rémunération majorée de 10 %, qu'ils vont gagner davantage alors que vous maintenez pour eux ce régime d'exception ?
Mais, en disant cela, j'anticipe sur le paragraphe II de l'article 3 et sur les perspectives que le MEDEF escompte de la procédure de révision de la directive de 1993 sur le temps de travail...
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 103 rectifié est présenté par MM. Mercier, Vanlerenberghe, Amoudry, Badré, Biwer, J. Boyer et Deneux, Mme Dini, M. Détraigne, Mme Férat, MM. A. Giraud et Jégou, Mme Morin-Desailly, M. Nogrix, Mme Payet, MM. Pozzo di Borgo, Soulage et Merceron.
L'amendement n° 115 rectifié est présenté par Mme Voynet, M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après les mots :
est fixé à
rédiger comme suit la fin du 2 du I de cet article :
15 % jusqu'au 31 décembre 2006, 20 % jusqu'au 31 décembre 2007 et 25 % au 1er janvier 2008.
La parole est à Mme Anne-Marie Payet, pour présenter l'amendement n° 103 rectifié.
Mme Anne-Marie Payet. Cet amendement est motivé par des raisons élémentaires d'équité sociale. Il vise à faire évoluer progressivement le taux de majoration des heures supplémentaires de 10 % à 25 % jusqu'en 2008 dans les entreprises de moins de vingt salariés.
M. le président. L'amendement n° 115 rectifié n'est pas soutenu.
Mme Raymonde Le Texier. Je le reprends, monsieur le président !
M. le président. Ce n'est pas possible, ma chère collègue : je suis obligé d'appliquer le règlement !
Toutefois vous pourrez expliquer votre vote sur l'amendement n° 103 rectifié que vient de défendre Mme Payet.
L'amendement n° 223, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du 2 du I de cet article, remplacer le pourcentage :
10 %
par le pourcentage :
25 %
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Je crois qu'il est nécessaire d'insister sur l'inégalité - inconstitutionnelle de surcroît - qui persisterait, si cette proposition de loi était adoptée, entre les salariés des entreprises de moins de vingt salariés et les autres en ce qui concerne la majoration des heures supplémentaires. Ma collègue Eliane Assassi en a d'ailleurs fait une parfaite démonstration voilà quelques minutes.
En effet, maintenir une majoration à 10 % dans les petites entreprises jusqu'en 2008 est contraire à la réserve émise par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 13 janvier 2003. Ce dernier était clair sur ce point : il n'avait accepté la prorogation du régime dérogatoire qu'à la condition qu'elle soit transitoire. Or vous persistez à maintenir ce régime dérogatoire jusqu'en 2008.
Autrement dit, entre 2000 et 2008, les salariés des petites entreprises auront été soumis à un régime dérogatoire, ils n'auront pas profité des 35 heures, leurs salaires, du fait de la loi Fillon et des dispositions que vous proposez, n'auront pas augmenté, puisque la trente-sixième heure n'est pas payée comme une heure supplémentaire et que le taux de la majoration des heures supplémentaires est maintenu à 10 %.
Nous ne pouvons admettre un tel acharnement à faire persister une inégalité qui n'a pas lieu d'être. C'est pourquoi nous avons déposé cet amendement, précisant que désormais la majoration des heures supplémentaires dans les entreprises de moins de vingt salariés devra être de 25 % et non plus de 10 %.
C'est une mesure de simple justice et un gage d'efficacité économique et sociale.
M. le président. L'amendement n° 222, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du 2 du I de cet article, remplacer les mots :
31 décembre 2008
par les mots :
1er mars 2005
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Cet amendement a un objet simple : il s'agit de faire cesser le régime transitoire des entreprises de moins de vingt salariés concernant le passage aux 35 heures au 1er mars 2005.
Nous pouvons préciser, à ce stade de la discussion, que le dispositif incitatif à la réduction du temps de travail dit « de Robien » date de 1996, que la première loi Aubry a été promulguée en 1998 et que la seconde loi Aubry l'a été en 2000. Si l'on suit la logique du texte qui nous est proposé aujourd'hui, les salariés des PME de moins de vingt salariés auront donc attendu plus de douze ans la réduction de leur temps de travail.
Et comment ne pas rappeler encore l'avenant du 13 juillet 2004 à la convention collective des hôtels, cafés et restaurants, que vous avez validé, monsieur le ministre, le 30 décembre dernier et qui dispose que, dans ce secteur, la durée de travail hebdomadaire est fixée à trente-neuf heures ?
Il est donc nécessaire de vous rappeler que la durée légale du travail est fixée à 35 heures ; il est donc plus que temps de mettre fin au régime dérogatoire des petites entreprises, extrêmement préjudiciable pour leurs salariés, pour l'économie et pour la vie sociale.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 85 est présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 221 est présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer la seconde phrase du 2. du I de cet article.
La parole est à Mme Gisèle Printz, pour présenter l'amendement n° 85.
Mme Gisèle Printz. Cet amendement concerne le décompte des heures supplémentaires accomplies par les salariés des petites entreprises.
Avec la seconde phrase du 2 du paragraphe I de l'article 3, vous prorogez le seuil du décompte des heures supplémentaires à trente-six heures jusqu'en 2008, accentuant ainsi le préjudice dont ces salariés sont victimes.
On peut en trouver un exemple très éloquent en examinant le fonctionnement des entreprises de sous-traitance ou des petites sociétés de services aux entreprises, par exemple dans le secteur du nettoyage. En effet, nombre de ces petites entreprises vivent surtout d'activités de sous-traitance. Or, comme vous le savez, les salaires et les conditions de travail dans les entreprises de sous-traitance ne sont pas les mêmes que dans les entreprises donneuses d'ordre. Quant à la durée du travail, elle y est nettement plus élevée que dans les grandes entreprises : en 2003, selon la commission nationale de la négociation collective, 30 % des ouvriers des petites entreprises ont effectué plus de 130 heures supplémentaires alors que les grandes entreprises ont pu jouer sur des accords d'annualisation et des embauches, même précaires.
Pourquoi cette situation ? Tout simplement parce que les grandes entreprises exercent une pression sur les sous-traitants pour obtenir de meilleurs prix, ce qui se répercute en tout premier lieu sur les salariés.
Ce procédé est d'autant plus facile à mettre en oeuvre que les petites entreprises sont en général dépourvues de délégués syndicaux et de représentants du personnel. De ce fait, l'entreprise donneuse d'ordre exerce une pression directe sur les salariés de l'entreprise sous-traitante.
En d'autres termes, chaque fois que le Sénat tente de revenir sur les seuils sociaux, il fait le jeu des grandes entreprises et de leurs fabuleux bénéfices, au détriment des petites entreprises que vous prétendez défendre dans vos départements, chers collègues, et de leurs salariés.
En décidant cette prorogation, vous allez prolonger et encourager ce système d'exploitation profondément pervers.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 221.
M. Guy Fischer. Depuis 2002, le Gouvernement n'a cessé de multiplier les lois, les décrets et les ordonnances pour casser la réduction du temps de travail et, plus largement, les garanties des salariés.
Ecrit sous la dictée du MEDEF, le texte soumis aujourd'hui au Parlement vise à porter l'estocade aux 35 heures.
Pour légitimer ce nouveau recul social, la majorité agite le slogan selon lequel il faut permettre à ceux qui le veulent de « travailler plus pour gagner plus ». A notre sens, c'est un mensonge éhonté ! Le présent texte ignore complètement le sort des millions de salariés qui veulent travailler plus - ou tout simplement travailler ! -, mais à qui l'on impose le chômage, des contrats de travail atypiques, à temps partiel, précaires, bref une vie morcelée.
Derrière le slogan trompeur, quelle est la réalité ? Le présent texte va permettre aux employeurs d'imposer à tous leurs salariés un allongement considérable de leurs horaires de travail, tout en réduisant les garanties et les contreparties dont ils bénéficiaient jusqu'à présent.
Combinées à la hausse du contingent d'heures supplémentaires à 220 heures, à la suppression d'un jour férié, aux 80 heures de formation hors temps de travail autorisées, à la généralisation de la flexibilité, les nouvelles mesures envisagées vont rendre le salarié corvéable à merci !
Au lieu de permettre à ceux qui n'ont pas d'emploi d'en trouver un, le texte va au contraire permettre aux employeurs de ne pas embaucher - M. Dassault l'a dit très clairement hier -,...
M. Roland Muzeau. Absolument !
M. Guy Fischer. ...en allongeant les horaires des personnels en place, au mépris de leur santé et de leur vie personnelle et familiale.
Au lieu de lutter contre les inégalités entre les salariés des petites et des grandes entreprises, le présent texte va proroger le paiement au rabais des heures supplémentaires et provoquer de fait une augmentation du contingent dans les entreprises de vingt salariés et moins.
Au lieu de favoriser le dialogue social, notamment dans les entreprises de moins de vingt salariés, le texte rompt les équilibres des précédents accords. Il ouvre encore plus la porte du chantage patronal, autorisant, par simple accord direct avec le salarié, le « rachat », à concurrence de dix jours par an, des repos obtenus par la loi et la négociation.
Quant au compte épargne-temps, le présent texte en fait un outil de flexibilité supplémentaire pour l'employeur, qui pourra décider, de sa propre initiative, d'y affecter sans aucune limite les heures effectuées au-delà de l'horaire collectif.
De plus, en incitant les salariés à laisser dans l'entreprise leur temps et leur argent, le présent texte pousse les entreprises à vivre à crédit sur le dos des salariés. Les salariés, dont la rémunération est souvent moyennement élevée, vont donc faire crédit à leur patron, et ce sans réelle garantie sur l'utilisation et la récupération de leurs droits, désormais accumulables sans limites !
Il est de notre devoir de rappeler que les heures effectuées au-delà de la durée légale du temps de travail doivent être, sans exception, majorées de 50 %, et que celles-ci ouvrent droit à des repos compensateurs.
C'est le sens de notre amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 86 est présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 224 est présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le II de cet article.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour présenter l'amendement n° 86.
Mme Raymonde Le Texier. Avec le paragraphe II de l'article 3, monsieur le ministre, vous faites entrer le droit du travail français dans une ère nouvelle.
Ainsi, dans une entreprise de vingt salariés au plus, et dans l'attente d'un accord mettant en place un compte épargne-temps, le salarié pourra, en accord avec le chef d'entreprise, décider de renoncer à des jours ou à des demi-journées de repos prévus dans le cadre d'un accord de réduction du temps de travail.
Cette disposition sera valable également pour les salariés dont le temps de travail est fixé en forfait horaire ou en forfait jours : dix journées ou soixante-dix heures pourront ainsi être travaillées, toujours pour une majoration de 10 %, sans que ces heures s'imputent sur le contingent d'heures supplémentaires.
Par cette formule, vous mettez fin aux 35 heures dans les petites entreprises où a été mis en place un accord de réduction du temps de travail, et ce alors que ces entreprises pouvaient bénéficier d'un régime transitoire.
Il est vrai que, dans ces entreprises, la carence en représentants du personnel a conduit à ce qu'il soit précisé dans la loi relative à la réduction du temps de travail que les accords de branche sont d'application directe.
Mais cette absence de représentants du personnel, si appréciée des employeurs les plus rétifs au dialogue, se retourne aujourd'hui contre eux, puisqu'elle les empêche de mettre en place sans tarder le compte épargne-temps.
Nous avons déjà dit tout le bien que nous pensons du compte épargne-temps revu et corrigé par les tenants de l'ultralibéralisme : c'est une formidable escroquerie à l'encontre des salariés, dont la rémunération pourra prendre un caractère virtuel, et un crédit gratuit consenti à l'employeur, doublé d'exonérations fiscales et sociales !
Il faut donc, en attendant que les employeurs de ces petites entreprises puissent aussi bénéficier de la manne du compte épargne-temps, mettre en place un système qui leur permette de faire réaliser par les salariés des heures supplémentaires choisies, l'équivalent des heures choisies créées par l'article 2 de la proposition de loi.
Car, nous y insistons, il s'agit bien d'heures supplémentaires : le temps légal, qui est aussi en l'espèce le temps conventionnel, est de 35 heures.
Les salariés qui renoncent à des heures ou à des jours de repos effectuent des heures supplémentaires. Vous le reconnaissez d'ailleurs, monsieur le ministre, en prévoyant un droit à majoration, fût-il de 10 %. Mais votre volonté d'abroger sans le dire ouvertement la loi de réduction du temps de travail vous conduit à refuser l'imputation sur le contingent d'heures supplémentaires.
Dans ces petites entreprises, donc, pas d'accord possible, sauf à voir apparaître un représentant du personnel, même sous la forme d'un salarié mandaté pour la circonstance !
Selon votre rhétorique, ce sont là des complications, des pertes de temps, que dis-je, des entraves à la compétitivité qu'il faut à tout prix éviter !
La solution est venue de l'extérieur et vous permet de faire « d'une pierre deux coups », si j'ose dire. Vous résolvez le problème pratique immédiat : un accord direct employeur-salarié va permettre de réaliser ces heures supplémentaires. Vous employez en effet le même artifice juridique et de vocabulaire qu'à l'article 2 : le salarié est sensé aller demander à l'employeur la faveur de renoncer à ses jours de repos et de réaliser des heures supplémentaires, et l'employeur va se précipiter pour les lui accorder, surtout s'il n'a pas de travail à lui fournir !
Tout cela est un non-sens absolu et ne parvient pas à masquer un retour autoritaire aux quarante heures d'avant 1982. Vous introduisez la flexibilité à 10 % dans les petites entreprises, dont les salariés vont se voir obligés de renoncer à leurs jours de RTT et de réaliser des heures supplémentaires au gré de la volonté patronale, comme cela a toujours été le cas.
Mais, surtout, vous placez une redoutable innovation dans le droit du travail français : l'accord direct salarié-employeur, cet accord pouvant contredire un accord collectif.
Il ne s'agit même plus d'une modification de la hiérarchie des normes entre la loi et les accords collectifs, ou entre les accords collectifs de différents niveaux ; il s'agit de la suppression pure et simple de l'accord collectif, puisque l'objet de l'accord individuel est précisément de le rendre inopérant !
Nous ne manquerons pas de revenir sur la gravité de l'introduction d'une disposition totalement étrangère, et même contraire, à la philosophie de notre droit.
Dans l'immédiat, nous demandons la suppression de l'article 3. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 224.
M. Guy Fischer. Le paragraphe II de l'article 3 est absolument emblématique de la logique dans laquelle se placent les auteurs de la proposition de loi. Tout se passe en effet comme s'il s'agissait d'aller au plus vite.
« Dans l'attente de la convention ou de l'accord collectif de branche, de groupe, d'entreprise ou d'établissement prévu à l'article L. 227-1 du code du travail et directement applicable, dans les entreprises de vingt salariés au plus, le salarié peut ... »
Ce texte est décidément fascinant : dans l'attente, le salarié peut, sans délai, effectuer des heures de temps de travail choisi que l'on ne gratifiera pas du vilain qualificatif de « supplémentaire », alors même que, pendant ce temps, il ne bénéficiera évidemment pas de l'application des lois relatives à l'aménagement et à la réduction du temps de travail.
Oui, les salariés des petites et moyennes entreprises sont en mesure de travailler plus - pour ne pas gagner beaucoup plus, d'autant qu'ils sont souvent mal payés et soumis au régime sec des bas salaires -, sans bénéficier de comité d'entreprise, de chèques-vacances, sans jouir d'une véritable reconnaissance de leur qualification, et j'en passe...
Avec ce paragraphe II de l'article 3, ils sont maintenant invités à ne pas attendre la signature des accords de branche et à s'imposer à eux-mêmes de travailler plus, et ce pour quelques menues compensations, avec une majoration de 10 % de la rémunération horaire.
Que l'on ne s'y trompe pas, la mesure qui nous est présentée, alors même que 4 millions de salariés des PME n'auront jamais vu la couleur de la RTT, est une pure et simple escroquerie intellectuelle.
Proposer aux salariés de travailler plus quand les rémunérations horaires se situent entre 1 et 1,2 SMIC, nous comprenons que cela puisse forcer les plus en difficultés sur le plan financier. Entre beaucoup de misère et un peu moins, force est de constater que les salariés ne peuvent bien souvent que dire « oui » et qu'ils n'ont pas vraiment le choix !
Où est la liberté du contrat dont s'inspire assez largement la proposition de loi ? Dans les faits, elle n'existe pas.
Pour ces raisons, nous ne pouvons que vous inviter à adopter cet amendement.
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 225, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du II de cet article, après les mots :
ou de l'accord collectif de branche
supprimer les mots :
, de groupe, d'entreprise ou d'établissement
La parole est à Mme Eliane Assassi.
Mme Eliane Assassi. Cet amendement concerne la question essentielle de la gradation des accords relatifs à l'organisation du temps de travail.
Il est évident que l'on ne peut décemment donner quelque valeur que ce soit aux accords signés au niveau d'une entreprise ou d'un établissement en matière de définition du volant d'heures dites « choisies ». Les salariés des petites et moyennes entreprises de moins de vingt salariés disposent, dans le meilleur des cas, d'un délégué du personnel, éventuellement mandaté par une organisation syndicale représentative, et sont assez souvent, hélas, privés de toute représentation du personnel.
Dans le cas qui nous occupe, avec qui un accord d'entreprise ou d'établissement se négocie-t-il ? De fait, les accords sur l'organisation du temps de travail dans les PME ne peuvent décemment être passés qu'à partir de la négociation collective de branche.
Prenons un exemple : imaginons que l'on décide d'appliquer les dispositions de l'article 3 dans des secteurs comme le commerce de détail - où les entreprises de moins de vingt salariés sont particulièrement nombreuses -, ou encore dans l'hôtellerie-restauration dite « traditionnelle », dont les unités comptent le plus souvent moins de vingt salariés.
Appliquer cet article reviendrait à permettre aux dirigeants de la Fédération nationale de l'industrie hôtelière, si prompts a exiger la baisse de la TVA, d'imposer à leur personnel de nouveaux dépassements horaires, alors même, monsieur le ministre, que vous venez de valider un avenant à la convention collective qui met purement et simplement un terme à la mise en oeuvre des 35 heures.
Appliquer l'article 3, c'est favoriser une « balkanisation » des conditions de travail des salariés, au petit bonheur la chance, et c'est mettre en place un droit du travail à géométrie variable.
Dans les faits, nous nous trouvons en présence d'une situation où l'on ne peut même pas être sûr que les nouvelles règles imposées aux salariés, en termes d'horaires de travail, respectent parfaitement le principe de concurrence libre et non faussée qui figure en toutes lettres dans le projet de Constitution européenne qui sera bientôt soumis au suffrage des électeurs de notre pays, notamment à celui des salariés.
Le calcul est vite fait, nous l'avons montré : avec une semaine de travail portée, dans les faits, à trente-neuf heures, plus deux cent vingt heures supplémentaires contingentées et soixante-dix heures de temps choisi en sus, on aboutit à des moyennes de travail hebdomadaire supérieures à quarante-cinq heures, c'est-à-dire supérieures à ce que l'on rencontrait dans les années soixante !
A suivre les auteurs de cette proposition de loi, non seulement nous mettrions un terme à l'existence des 35 heures pour les salariés des petites et moyennes entreprises mais, en plus, nous reviendrions sur la semaine de quarante heures, telle qu'elle fut votée en juin 1936, à la suite de la signature des accords de Matignon.
Dois-je vous rappeler, mes chers collègues, que la Chambre des députés élue au printemps de l'année 1936...
M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail. Et pourquoi ne pas remonter à 1914-1918 !
Mme Eliane Assassi. ... avait validé à une très large majorité le principe de la semaine de quarante heures et qu'une partie importante de ceux qui vous précédèrent à ces mêmes places avaient manifestement compris que le sens de l'Histoire imposait de lâcher du lest sur cette question ?
Je pose une autre question : comment va-t-on réhabiliter la valeur du travail auprès de certains en durcissant toujours plus les contraintes horaires liées à l'exercice d'une activité professionnelle ?
C'est donc tout à fait naturellement que, pour éviter les dérives potentielles liées à la graduation des accords, je ne peux que vous inviter à adopter cet amendement.
M. Jean-Pierre Fourcade. Je suis attristé de vous entendre dire cela, chère collègue !
Mme Eliane Assassi. Moi, je ne suis pas attristée de le dire !
M. Jean-Pierre Fourcade. J'ai l'impression d'entendre parler de l'Allemagne de l'Est !
Mme Eliane Assassi. Le mur est tombé, monsieur Fourcade !
M. le président. L'amendement n° 87, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du II de cet article, après les mots :
dans les entreprises de vingt salariés au plus,
insérer les mots :
lorsqu'il n'occupe pas un poste de travail posté ou organisé par équipes successives, ou avec une amplitude pouvant atteindre une journée de dix heures de travail par jour,
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous revenons, monsieur le ministre, sur les dangers de cette disposition d'opting out que vous introduisez dans notre droit.
Ce système existe déjà en Grande-Bretagne et c'est à la demande de ce pays qu'il avait été introduit dans la directive de 1993 sur le temps de travail, actuellement en cours de révision.
Or ce que vous faites aujourd'hui, c'est une anticipation de la révision de la directive de 1993.
Ce procédé vous permettra ensuite de prétendre, si les conclusions que nous craignons sont adoptées, qu'il n'y a pas de régression par rapport au droit français. Ce ne sera en effet pas le cas puisque le droit du travail français aura régressé préventivement, six mois auparavant !
C'est un peu du bricolage, monsieur le ministre, une sorte de « Meccano » préventif !
Cependant, il faut vous reconnaître une certaine astuce de présentation, même si cela n'abuse personne et en tout cas pas les syndicats.
Le Sénat a déjà travaillé sur cet opting out que vous vous préparez à imposer aux salariés des petites entreprises.
Permettez-moi, mes chers collègues, de citer quelques lignes de l'excellente communication faite le 24 novembre dernier par notre collègue Bernard Frimat devant la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
« La directive de 1993 prévoit qu'un Etat membre a la faculté de ne pas appliquer le principe de la durée maximale hebdomadaire de travail, qui est de quarante-huit heures. Lorsque cette clause est autorisée par l'Etat, l'employeur doit simplement obtenir l'accord individuel du travailleur concerné et tenir un registre des travailleurs ayant accepté cette clause. Les protections sont minimales pour le travailleur : la directive indique simplement que le travailleur ne doit subir aucun préjudice en cas de refus.
« Cette clause avait été introduite à la demande du Royaume-Uni, qui privilégie traditionnellement les systèmes où la liberté individuelle prime sur la négociation collective. »
M. Jean-Pierre Godefroy. « D'ailleurs, seul le Royaume-Uni fait usage de cette clause de manière générale et les statistiques montrent qu'environ 20 % des travailleurs britanniques de l'industrie travaillent habituellement plus de quarante-huit heures par semaine. »
M. Jean-Pierre Fourcade. Et ils n'ont que 5 % de chômage !
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous en étions nous-mêmes près il y a quelques années, mais vous l'avez fait remonter à 10 % !
Voilà donc, monsieur le ministre, mes chers collègues de la majorité, l'avenir que vous préparez aux salariés français !
Vous comprendrez donc aisément pourquoi l'amendement n° 87 tend à interdire d'imposer cette pratique d'opting out aux salariés postés ou dont la durée du travail peut atteindre dix heures par jour.
Autoriser de nouvelles heures supplémentaires est en effet incompatible avec l'exercice d'un métier particulièrement pénible ou comportant une amplitude journalière importante et pour lequel la réduction du temps de travail a constitué un progrès indispensable.
Nous savons, monsieur le ministre, que vous partagez nos préoccupations puisque vous mettez en oeuvre un plan « Santé au travail » et que vous encouragez les négociations entre les partenaires sociaux sur la pénibilité. C'est du moins ce que vous nous avez dit hier soir...
En conséquence, nous vous demandons comment se concilient, dans votre esprit, la promotion de l'opting out et vos efforts affichés dans ce domaine de la santé au travail.
M. le président. L'amendement n° 88, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du II de cet article, après les mots :
dans les entreprises de vingt salariés au plus,
insérer les mots :
lorsqu'il n'occupe pas un poste de travail comportant des contraintes posturales et articulaires ou le port de charges lourdes
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je suis désolé, monsieur le ministre, de devoir revenir sur la position de la France dans la procédure de révision de la directive de 1993 relative à l'aménagement du temps de travail.
La Commission de Bruxelles s'efforce de concilier des positions difficilement conciliables et il est normal, dans une négociation, si l'on veut avancer, que l'on fasse des concessions. Mais encore faut-il que ces dernières soient raisonnables et ne portent pas atteinte aux intérêts fondamentaux des citoyens.
Or, monsieur le ministre, c'est pour nous un sujet d'étonnement, pour ne pas dire plus : comment avez-vous pu, lors de la réunion des ministres de l'emploi qui s'est tenue le 7 décembre 2004, accepter la proposition d'annualisation des quarante-huit heures maximales hebdomadaires qui figurent dans notre code du travail comme une ultime garantie ?
M. Jean-Pierre Godefroy. On nous dit - et c'est vrai ! - que les droits nationaux peuvent toujours maintenir des garanties supérieures à celles qui constituent le plus petit dénominateur commun entre les vingt-cinq Etats membres.
Certes ! Cependant, l'annualisation n'est pas la diminution de cette limite de quarante-huit heures, elle n'est qu'un mode de calcul différent.
Ce que nous voyons aujourd'hui n'est pas fait pour nous rassurer : il suffira d'une infime modification, par exemple par voie d'amendement, pour que, au nom de l'harmonisation des législations, le précieux adjectif « hebdomadaire » disparaisse. Les salariés risqueraient alors, comme en Grande-Bretagne, de se voir condamnés à effectuer des semaines de soixante heures.
Ce n'est pas l'Europe qui est condamnable dans cette affaire, c'est le fait que les intérêts des citoyens français n'y soient pas mieux défendus, et que l'Union des confédérations de l'industrie et des employeurs d'Europe, l'UNICE, y joue le même rôle que le MEDEF auprès du gouvernement français.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous renvoyer fort courtoisement au mémorandum syndical établi par la Confédération européenne des syndicats à l'attention de la présidence luxembourgeoise. Il serait judicieux que les représentants de la France s'en inspirent !
Je vous épargne la perte de temps qu'occasionnerait la lecture de ce mémorandum que nous connaissons tous, monsieur le ministre. Il serait néanmoins vraiment utile que ce point fasse l'objet d'une réflexion et que le Gouvernement français s'applique à respecter ce mémorandum au plus près.
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Il en est même l'inspirateur pour partie, monsieur le sénateur !
M. le président. L'amendement n° 89, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du II de cet article, après les mots :
le salarié
insérer les mots :
, lorsqu'il ne s'agit pas d'un jeune travailleur de moins de dix-huit ans, d'une femme en état de grossesse ou d'un salarié âgé de plus de cinquante ans ayant effectué des travaux pénibles,
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement va dans le même sens que les précédents.
M. Roland Muzeau. C'est de la pédagogie !
M. Jean-Pierre Godefroy. Il vise à protéger les catégories de travailleurs les plus fragiles contre le dynamitage de la durée du temps de travail que vous avez entrepris.
Avant 1936 et le gouvernement du Front populaire, le patronat exigeait des salariés qu'ils travaillent 2 000 heures par an. Avec les dispositions que nous voyons poindre, on risque d'atteindre le chiffre effarant de 2 054 heures, en toute légalité !
Qu'en sera-t-il des plus fragiles, de tous ceux qui n'ont pas assez de productivité, qui sont trop inexpérimentés ou déjà usés par les conditions de vie et de travail que connaissent tant de travailleurs ?
Comment une mère de famille monoparentale pourra-t-elle faire valoir sa liberté de choix ? Elle se verra contrainte de renoncer, de manière prétendument volontaire, à ses jours de RTT, sous peine de se voir menacée d'un licenciement sans indemnité pour une faute lourde imaginaire, alors qu'il lui faut s'occuper de ses enfants.
Au demeurant, la situation ne sera pas meilleure s'agissant d'un couple si les deux conjoints se voient obligés périodiquement de réaliser des semaines de quarante-huit heures, voire bientôt de soixante heures.
Mme Nicole Bricq. Absolument !
M. Jean-Pierre Godefroy. Outre la pénibilité de tels horaires, c'est une destruction totale des rythmes familiaux et sociaux que vous organisez.
On ne peut pas tenir un grand discours sur la famille d'un côté et détruire de l'autre, avec le code du travail, la famille : il faut être logique ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Bricq. Cela fait mal, mais c'est la vérité !
M. Jean-Pierre Godefroy. Parfaitement ! Tout le monde n'a pas du personnel de maison chez soi !
Mme Marie-Thérèse Hermange. Oh ! C'est odieux !
M. Jean-Pierre Godefroy. Comme si la qualité de vie des salariés, le temps qu'ils peuvent consacrer à leurs enfants, à leur vie associative, à leurs loisirs, ne comptaient pas !
Il est bien évident que, pour les auteurs de cette proposition de loi - il est d'ailleurs dommage que le Gouvernement les soutienne intégralement sur ce point : il aurait pu s'en démarquer - cela ne compte pas, puisque les salariés sont réduits au statut de main-d'oeuvre jamais assez productive mais toujours trop onéreuse, à en croire ce que nous entendons dire continuellement. Car si les dividendes, les salaires des grands patrons ne paraissent pas trop onéreux pour les entreprises, le salaire de l'exécutant, a contrario, coûte lui très cher...
Quant aux chiffres du chômage, qui augmentent, ils suscitent de la part du Premier ministre une verbale désolation.
Pourtant, dans les faits, le Gouvernement défend un texte qui ne fera qu'aggraver les conditions de travail de ceux qui ont déjà un emploi, mais sans créer un seul emploi pour les chômeurs.
Je ne fais que répéter ici ce que j'ai dit hier soir fort tard dans la nuit et que MM. Muzeau ou Fischer viennent de rappeler, après M. Dassault, qui est un expert de votre majorité en la matière : ce texte ne créera pas d'emplois !
M. Roland Muzeau. Parfaitement !
M. Jean-Pierre Godefroy. Ce texte témoigne à tous égards d'une absence totale de considération et d'humanisme à l'égard des gens modestes.
Seuls le profit et les sommes colossales qui augmenteront encore la fortune d'une infime minorité sont pris en considération ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. L'amendement n° 109, présenté par M. de Montesquiou, est ainsi libellé :
Dans la deuxième phrase du II de cet article, supprimer les mots :
, demi-journées ou journées
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 90, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
A la fin de la deuxième phrase du II de cet article, remplacer le taux :
10 %
par le taux :
50 %
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Cet amendement vise simplement à faire en sorte que les heures, les demi-journées et les jours supplémentaires que réaliseront les salariés des petites entreprises soient rémunérés au taux de majoration de 50 %, et non au taux de 10 %.
Il est en effet pernicieux de généraliser ainsi à l'ensemble des heures supplémentaires ce taux minimal de 10 %, dont nous voyons bien qu'il serait appelé à se généraliser encore plus si vous deviez parvenir à vos fins.
J'ajoute que, dans le cadre de l'article 3, ce taux sera très probablement celui qui sera appliqué lorsque sera mis en place un compte épargne-temps.
Il risque donc d'y avoir une inégalité prolongée bien au-delà de 2008 entre les salariés des entreprises de moins de vingt et un salariés et ceux des grandes entreprises, qui pourraient encore bénéficier d'accords plus favorables et d'une majoration de 25 % pour les quatre premières heures, et de 50 % au-delà.
Par ailleurs, avec une majoration aussi faible, se pose alors à nouveau la question de la dépréciation progressive des sommes placées sur un compte épargne-temps transformé en épargne retraite. On imagine le profit que peut réaliser un employeur en tenant compte de l'ensemble des exonérations fiscales et sociales !
Il nous semble donc correct que la majoration prévue soit portée à 50 %.
M. le président. L'amendement n° 101 rectifié, présenté par MM. Mercier, Vanlerenberghe, Amoudry, Badré, Biwer, J. Boyer et Deneux, Mme Dini, M. Détraigne, Mme Férat, MM. A. Giraud et Jégou, Mme Morin-Desailly, M. Nogrix, Mme Payet, MM. Pozzo di Borgo, Soulage et Merceron, est ainsi libellé :
A la fin de la deuxième phrase du II de cet article, remplacer le pourcentage :
10 %
par le pourcentage :
25 %
Cet amendement a été défendu.
L'amendement n° 91, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer la troisième phrase du II de cet article.
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Il n'y a pas lieu de prévoir que les heures, les demi-journées et les journées réalisées individuellement en violation d'un accord collectif de RTT ne s'imputent pas sur le contingent d'heures supplémentaires.
Prévoir une telle disposition, monsieur le ministre, c'est prévoir, de fait, que la durée du travail légale n'est plus de 35 heures.
Quel intérêt y aurait-il à fixer dans la loi une durée de travail, si ce n'est pour établir un seuil de départ au décompte des heures supplémentaires ? Supprimer ce point de départ, c'est supprimer les 35 heures. Ce n'est pas là un geste anodin !
Par ailleurs, s'agissant des repos compensateurs, vous prolongez en fait, et sans limite dans le temps, le régime dérogatoire dont bénéficient les entreprises de vingt salariés au plus.
Dans ces entreprises, le repos compensateur de 50 % des heures supplémentaires ne s'applique qu'à partir de la quarante-deuxième heure. En vertu de votre texte, le temps de travail dans une petite entreprise pourrait donc être couramment d'au moins quarante et une heures, sans repos compensateur.
Il est dommage, monsieur le ministre, que vous-même ou M. Borloo, d'ordinaire si prompt à s'exprimer, n'ayez pas donné à un tel bouleversement législatif tout le retentissement qu'il mérite et je crains que nous ne soyons obligés de nous y employer à votre place !
M. le président. L'amendement n° 92, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
A la fin de la dernière phrase du II de cet article, remplacer la date :
31 décembre 2008
par la date :
16 mai 2005
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Cet amendement, nous ne vous le cacherons pas plus longtemps, monsieur le ministre, est une provocation.
M. Claude Domeizel. Il prévoit de mettre fin au régime transitoire applicable aux petites entreprises non plus le 31 décembre 2008 mais le 16 mai 2005.
Pourquoi cette date ? Ce n'est pas parce que c'est la Saint-Honoré ; ce n'est pas non plus parce que c'est l'anniversaire de gens que je connais bien ; c'est tout simplement parce que c'est le prochain lundi de Pentecôte (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC).
M. Claude Domeizel. Je rappelle, à ce propos, que je suis celui qui avait été chargé, au nom de mon groupe, de démontrer que cette journée de solidarité était une mascarade.
Notre amendement ne fait que répondre à une provocation beaucoup plus grave : celle qui a consisté à supprimer le lundi de Pentecôte de la liste des jours fériés chômés au motif du financement de la dépendance des personnes âgées et de l'aide aux personnes handicapées.
Je ne reviendrai pas sur la pagaille engendrée par le choix, ou le non-choix, de cette date. Je ne reviendrai pas non plus sur la polémique qui a eu lieu, voilà quelque temps, sur l'affectation finale des fonds ainsi recueillis.
M. Guy Fischer. Des milliards d'euros !
M. Claude Domeizel. Tout le monde s'en souvient et nous verrons bientôt ce qu'il en est vraiment. Espérons simplement que les Français n'auront pas, une fois de plus, été abusés.
Ce qu'il faut pourtant relever, c'est que, comme dans le présent cas, nous avons vu cette idée du jour férié travaillé apparaître sans aucune concertation préalable avec les partenaires sociaux, telle une sorte de géniale improvisation.
En réalité, le scénario était le même que pour cette proposition de loi : le Gouvernement ne faisait que reprendre une idée fournie par le MEDEF, lequel le sommait déjà de rallonger la durée du travail par tous les moyens et en saisissant toutes les occasions.
Avec cette proposition de loi, monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, vous ne faites que poursuivre dans la même voie : l'augmentation de la durée du travail non rémunéré !
M. le président. L'amendement n° 93, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le II de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Le refus du salarié d'effectuer ces heures, demi-journées ou jours supplémentaires de travail ne constitue pas une faute ou une cause réelle et sérieuse de licenciement.
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Je défendrai en même temps l'amendement n° 94.
Ces deux amendements ont pour objet d'instituer une protection pour le salarié qui, particulièrement dans une petite entreprise dépourvue de représentant du personnel, serait prié par son employeur de renoncer de son plein gré à des jours de RTT et qui refuserait cette offre.
La proposition de loi ne prévoit aucune formalité pour finaliser l'accord entre le salarié et l'employeur.
Il ne prévoit pas non plus de durée pour un tel accord. Est-il définitif ? Est-il concomitant à la signature du contrat de travail ? Comment le salarié peut-il, s'il le souhaite, y mettre un terme ?
Si l'on en croit les travaux de la Commission européenne sur la révision de la directive de 1993, l'opting out ne devrait pas pouvoir, à l'avenir, être une option définitive du salarié : il faudrait un contrat renouvelable, et le salarié pourrait revenir sur son accord à tout moment.
Ces tentatives de limiter les abus les plus criants sont certes louables, mais nous ignorons si le gouvernement français a l'intention de proposer une réglementation minimale allant dans le même sens.
Ce devrait être le cas, monsieur le ministre, si vous considérez ces heures de renoncement comme n'étant pas des heures supplémentaires, mais, pour le moment, rien n'est clair. Allez-vous nous dire de nouveau que vous vous en remettez à l'accord, s'agissant cette fois d'un accord individuel où le salarié est en position de faiblesse totale ?
C'est là une vraie question, et nous souhaitons obtenir une véritable réponse.
M. le président. L'amendement n° 226, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le II de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Le refus par un salarié de renoncer à des journées ou demi-journées de repos ne constitue ni une faute, ni un motif de licenciement.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. La disposition préconisée par notre amendement pour compléter le II de l'article 3 est une simple mesure de parallélisme des formes.
Ainsi, dans la partie du code du travail portant sur le travail à temps partiel, peut-on lire à l'article L. 212-4-3 les éléments suivants : « Les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail effectuée par un salarié au niveau de la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement.
« Le refus d'effectuer les heures complémentaires proposées par l'employeur au-delà des limites fixées par le contrat ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement. Il en est de même, à l'intérieur de ces limites, lorsque le salarié est informé moins de trois jours avant la date à laquelle les heures complémentaires sont prévues. »
Toute modification substantielle du contrat de travail d'un salarié à temps partiel qui est rejetée par ledit salarié ne constitue donc pas une faute ou un motif de licenciement.
C'est pour accorder le même type de garanties au salarié refusant de ne pas bénéficier de journées ou de demi-journées de repos qu'il faut expressément prévoir que ce refus ne peut constituer ni une faute ni un motif de licenciement.
M. le président. L'amendement n° 94, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le II de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Le refus du salarié d'effectuer ces heures, demi-journées ou jours supplémentaires de travail ne constitue pas un refus d'une modification d'un élément essentiel du contrat de travail visé à l'article L. 321-1 du même code.
Cet amendement a déjà été défendu.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 104 rectifié est présenté par MM. Mercier et Vanlerenberghe, Mme G. Gautier et les membres du groupe Union centriste-UDF.
L'amendement n° 116 rectifié est présenté par Mme Voynet, M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter le II de cet article par neuf alinéas ainsi rédigés :
Dans les entreprises de 20 salariés au plus, l'accord d'entreprise visé à l'article L. 227-1 du code du travail peut être conclu, en l'absence de délégué syndical ou délégué du personnel désigné comme délégué syndical, par un salarié expressément mandaté par une organisation syndicale reconnue représentative, sur le plan national ou départemental pour ce qui concerne les départements d'outre-mer.
Les organisations syndicales visées ci-dessus doivent être informées au plan départemental ou local par l'employeur de sa décision d'engager des négociations dans le cadre l'article L. 227-1 du code du travail.
Ne peuvent être mandatés les salariés qui, en raison des pouvoirs qu'ils détiennent, peuvent être assimilés au chef d'entreprise, ainsi que les salariés apparentés au chef d'entreprise mentionnés au premier alinéa des articles L. 423-8 et L. 433-5 du code du travail.
Le mandat ainsi assigné doit préciser les modalités selon lesquelles le salarié a été désigné et fixer précisément les termes de la négociation et les obligations d'information pesant sur le mandataire, notamment les conditions selon lesquelles le projet d'accord est soumis au syndicat mandant au terme de la négociation, ainsi que les conditions dans lesquelles le mandant peut à tout moment mettre fin au mandat. Le mandat précise également les conditions dans lesquelles le salarié mandaté participe, le cas échéant, au suivi de l'accord, dans la limite de douze mois.
L'accord signé par un salarié mandaté doit avoir été approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés. Participent à la consultation les salariés satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 433-4 ou L. 423-7 du code du travail. Les modalités d'organisation et de déroulement du vote font l'objet d'un accord entre le chef d'entreprise et le salarié mandaté. Cet accord doit respecter les principes généraux du droit électoral. Les modalités sur lesquelles aucun accord n'a pu intervenir peuvent être fixées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 433-9 du code du travail. La consultation a lieu pendant le temps de travail.
L'accord est communiqué à la direction départementale du travail de l'emploi et de la formation professionnelle.
Le temps passé par les salariés mandatés à la négociation de l'accord ainsi qu'aux réunions nécessaires à son suivi est de plein droit considéré comme temps de travail et payé à l'échéance normale. En cas de contestation par l'employeur de l'usage fait du temps ainsi alloué, il lui appartient de saisir la juridiction compétente.
Le salarié mandaté peut être accompagné lors des séances de négociation par un salarié de l'entreprise auquel sont dans ce cas applicables les dispositions du précédent alinéa.
Les salariés mandatés au titre du présent article bénéficient de la protection prévue par les dispositions de l'article L. 412-18 du code du travail dès que l'employeur aura eu connaissance de l'imminence de leur désignation. La procédure d'autorisation administrative est applicable au licenciement des anciens salariés mandatés pendant une période de douze mois à compter de la date à laquelle leur mandat a pris fin.
La parole est à M. Michel Mercier, pour présenter l'amendement n° 104 rectifié.
M. Michel Mercier. Cet amendement est très important aux yeux de mon groupe : il donne son sens à l'ensemble de la loi et illustre la façon dont nous concevons celle-ci.
Hier, sur l'initiative de la commission des affaires sociales, nous avons adopté un amendement qui a, en quelque sorte, « sanctuarisé » les congés payés tels qu'ils existent dans notre pays.
Aujourd'hui, il s'agit de permettre aux organisations syndicales représentatives de participer, dans le cadre légal, à toutes les négociations relatives au temps de travail, qu'il y ait ou non dans l'entreprise des délégués syndicaux ou des délégués du personnel désignés comme délégués syndicaux pour parler au nom des salariés.
Nous proposons donc la mise en place, dans les entreprises qui n'ont pas de représentants syndicaux, d'un système de mandatement par les organisations syndicales représentatives : celui ou celle qui sera mandaté par l'une de ces organisations sera habilité à signer au nom des salariés de l'entreprise un accord pour mettre en oeuvre les nouvelles dispositions relatives à l'organisation du temps de travail.
Ainsi, le présent amendement prévoit notamment les mesures suivantes : « Dans les entreprises de vingt salariés au plus, l'accord d'entreprise visé à l'article L. 227-1 du code du travail peut être conclu, en l'absence de délégué syndical ou de délégué du personnel désigné comme délégué syndical, par un salarié expressément mandaté par une organisation syndicale reconnue représentative, sur le plan national ou départemental pour ce qui concerne les départements d'outre-mer ».
Il prévoit également un système d'information afin que les organisations syndicales représentatives puissent pleinement jouer le rôle qui leur sera dévolu si l'amendement est adopté. Les organisations syndicales devront donc « être informées au plan départemental ou local par l'employeur de sa décision d'engager des négociations dans le cadre de l'article L. 227-1 du code du travail ».
Il précise en outre les conditions du mandatement. « Ne peuvent être mandatés les salariés qui, en raison des pouvoirs qu'ils détiennent, peuvent être assimilés au chef d'entreprise, ainsi que les salariés apparentés au chef d'entreprise mentionnés au premier alinéa des articles L. 423-8 et L. 433-5 du code du travail. »
« Le mandat ainsi assigné doit préciser les modalités selon lesquelles le salarié a été désigné et fixer précisément les termes de la négociation et les obligations d'information pesant sur le mandataire, notamment les conditions selon lesquelles le projet d'accord est soumis au syndicat mandant au terme de la négociation, ainsi que les conditions dans lesquelles le mandant peut à tout moment mettre fin au mandat. Le mandat précise également les conditions dans lesquelles le salarié mandaté participe, le cas échéant, au suivi de l'accord, dans la limite de douze mois. »
L'amendement que j'ai l'honneur de défendre devant notre Haute Assemblée me semble ainsi prendre pleinement en compte le fait syndical dans notre pays. Son adoption donnerait son sens véritable à la loi que nous nous apprêtons à voter en même temps qu'à la notion d'accord collectif : les salariés, qui seront, bien entendu, les acteurs de ces accords, ne seront pas, notamment dans les petites entreprises, des salariés isolés puisqu'ils pourront bénéficier du soutien et de la protection d'une organisation syndicale représentative.
M. le président. L'amendement n° 116 rectifié n'est pas soutenu.
L'amendement n° 102 rectifié, présenté par MM. Mercier, Vanlerenberghe, Amoudry, Badré, Biwer, J. Boyer et Deneux, Mme Dini, M. Détraigne, Mme Férat, MM. A. Giraud et Jégou, Mme Morin-Desailly, M. Nogrix, Mme Payet, MM. Pozzo di Borgo, Soulage et Merceron, est ainsi libellé :
I. - Après le II de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le I de l'article L. 212-5 du code du travail est ainsi rédigé :
« Les heures supplémentaires donnent lieu à une majoration de salaire. Chacune des huit premières heures supplémentaires donne lieu à une majoration de 25 %, et les heures suivantes à une majoration de 50 %.
« Toute heure supplémentaire effectuée par un salarié ouvre droit à une exonération de cotisations sociales équivalente au montant du coût induit par la majoration de la rémunération versée au salarié pour chaque heure supplémentaire effectuée par celui-ci, dans la limite des quatre premières heures supplémentaires. »
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les pertes de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant de l'exonération de cotisations sociales sur le coût induit par la majoration de la rémunération versée au salarié dans la limite des quatre premières heures supplémentaires sont compensées, à due concurrence, par l'augmentation du taux visé à l'article 278 du code général des impôts.
Cet amendement a déjà été défendu.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 95 est présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 227 est présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le III de cet article.
La parole est à Mme Gisèle Printz, pour défendre l'amendement n° 95.
Mme Gisèle Printz. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 227.
M. Roland Muzeau. Le paragraphe III de l'article 3 de la proposition de loi prévoit : « Les dispositions du présent article s'appliquent aux entreprises et aux unités économiques et sociales dont l'effectif est au plus égal à vingt salariés à la date de promulgation de la présente loi. L'effectif est apprécié dans les conditions prévues à l'article L. 620-10 du code du travail. »
Concrètement, cet intéressant paragraphe, ajouté par amendement à l'Assemblée nationale - amendement présenté par le Gouvernement -, procède à une évaluation légèrement différente de la nature des entreprises concernées par les dispositions de l'article 3.
L'article L. 620-10 du code du travail prévoit en effet ceci : « Pour la mise en oeuvre des dispositions du présent code, les effectifs de l'entreprise sont calculés conformément aux dispositions suivantes.
« Les salariés titulaires d'un contrat à durée indéterminée à temps plein et les travailleurs à domicile sont pris intégralement en compte dans l'effectif de l'entreprise.
« Les salariés titulaires d'un contrat à durée déterminée, les salariés titulaires d'un contrat de travail intermittent, les travailleurs mis à la disposition de l'entreprise par une entreprise extérieure, y compris les travailleurs temporaires, sont pris en compte dans l'effectif de l'entreprise au prorata de leur temps de présence au cours des douze mois précédents. Toutefois, les salariés titulaires d'un contrat à durée déterminée, d'un contrat de travail temporaire ou mis à disposition par une entreprise extérieure sont exclus du décompte des effectifs lorsqu'ils remplacent un salarié absent ou dont le contrat de travail est suspendu.
« Les salariés à temps partiel, quelle que soit la nature de leur contrat de travail, sont pris en compte en divisant la somme totale des horaires inscrits dans leurs contrats de travail par la durée légale ou la durée conventionnelle du travail. »
Les dispositions de cet article L. 620-10 pourraient apparaître comme relativement protectrices au regard de l'application de l'article 3 de la présente proposition de loi en ce sens qu'elles excluent de fait du champ de ce dernier un certain nombre d'entreprises qui peuvent fort bien être des composantes d'un groupe comportant plus de vingt salariés.
Le défaut essentiel de ce paragraphe III est cependant de ne pas remettre en question l'équilibre général de la proposition de loi. On peut d'ailleurs considérer qu'il met en évidence l'une des caractéristiques de cette dernière : si le Gouvernement lui-même a pu juger utile de définir avec le plus d'exactitude possible le seuil à retenir pour l'application de l'article 3, c'est bel et bien parce que le champ d'application de cet article doit être, autant que faire se peut, réduit. Et pourquoi le réduire si ce n'est, précisément, parce que cet article est particulièrement néfaste aux intérêts matériels et moraux des salariés ?
Nous sommes opposés, nous avons eu l'occasion de le rappeler brièvement, au contenu de la proposition de loi et nous sommes donc naturellement opposés à tout ce qui contribue à la rendre « acceptable ». C'est donc par coordination avec notre position de fond que nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par Mme Lamure, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
I. Avant la première phrase du III de cet article, ajouter une phrase ainsi rédigée :
Les régimes dérogatoires institués par les I et II du présent article prennent fin le 31 décembre 2008, même en l'absence de conventions ou d'accords collectifs prévus par les articles L. 212-5 et L. 227-1 du code du travail applicables à l'entreprise ou à l'unité économique et sociale.
II. En conséquence :
A. Rédiger comme suit le 2 du I de cet article :
2. Dans l'attente de la convention ou de l'accord collectif fixant, conformément à l'article L. 212-5 du code du travail, le taux de majoration applicable aux heures supplémentaires :
- le taux de majoration des quatre premières heures supplémentaires applicable aux entreprises de vingt salariés au plus est fixé, par dérogation aux dispositions de cet article, à 10 % ;
- le seuil défini au troisième alinéa de l'article L. 212-6 du même code est fixé, pour ces mêmes entreprises, à trente-six heures.
B. Supprimer la dernière phrase du II de cet article.
C. Rédiger comme suit le début de la première phrase du III de cet article :
Les entreprises et unités économiques et sociales auxquelles sont applicables ces régimes transitoires sont celles dont l'effectif...
La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Elisabeth Lamure, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Les deux dispositifs dérogatoires institués par l'article 3 sont justifiés par le souci de permettre aux entreprises de vingt salariés ou plus, qui ne sont pas encore couvertes par une convention ou un accord collectif, de s'approprier les nouveaux outils conventionnels mis en place par la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.
Cette réforme, assez lourde, a beaucoup modifié le cadre de la négociation collective. Il est donc nécessaire de donner aux partenaires sociaux le temps de s'y adapter, plus particulièrement dans les PME.
L'article 3 ouvre donc un délai d'un peu plus de trois ans pour parvenir à des accords fixant les taux de majoration des quatre premières heures supplémentaires et instituant le compte épargne-temps. Comme le Premier ministre s'y est formellement et publiquement engagé, le 7 février dernier, au cours d'une interview à France Inter, ce délai du 31 décembre 2008 est un buttoir qui ne sera pas dépassé.
Avec cet amendement, la commission des affaires économiques souhaite traduire juridiquement cet engagement du Premier ministre en confirmant, de manière claire et explicite, la disparition des régimes dérogatoires de l'article 3 après le 31 décembre 2008.
M. le président. Le sous-amendement n° 237, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le I de l'amendement n° 5 par une phrase ainsi rédigée :
A compter du 1er janvier 2009, les dispositions des articles L. 212-5 et L 212-6 du code du travail sont applicables à l'ensemble des entreprises quels que soient leurs effectifs.
Le sous-amendement n° 236, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le C du II de l'amendement n° 5, après les mots :
entreprises et unités économiques et sociales
insérer les mots :
, y compris agricoles,
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Monsieur le président, permettez-moi d'abord de vous dire le plaisir que nous avons de vous revoir au fauteuil de la présidence après votre brillante réélection d'hier.
Madame Lamure, votre amendement est relatif à la date butoir prévue à l'article 3 pour l'application des dispositions dérogatoires. Le Gouvernement y est favorable, sous réserve de l'adoption des deux sous-amendements qu'il a déposés. Ceux-ci indiquent très clairement que les dispositions des articles L. 212-5 et L. 212-6 du code du travail seront applicables à l'ensemble des entreprises, quels que soient leurs effectifs, et que les régimes transitoires concernent également les entreprises et unités économiques et sociales, « y compris agricoles », afin que ces dernières ne se trouvent pas exclues du dispositif.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements et sous-amendements ?
M. Louis Souvet, rapporteur de la commission des affaires sociales. Les amendements identiques nos 83 et 214 visent à supprimer l'article 3. A l'évidence, la commission n'accepte pas de démanteler l'architecture du texte. Elle émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) Cela ne vous surprend tout de même pas !
M. Roland Muzeau. Nous pensions que nous avions fini par vous convaincre !
M. Louis Souvet, rapporteur. L'amendement n° 215 tend à assimiler le temps de déplacement professionnel à un temps de travail effectif. Je rappelle que le Parlement a adopté une règle différente lors de l'examen de la loi de programmation pour la cohésion sociale, à l'automne dernier. La commission ne souhaite pas ouvrir à nouveau un débat qui a été tranché si récemment et elle émet, là encore, un avis défavorable.
S'agissant de l'amendement n° 216, son adoption rendrait financièrement dissuasif pour les entreprises le recours au régime de l'astreinte. Les salariés doivent être convenablement indemnisés pour les astreintes qu'ils effectuent, mais le taux de majoration proposé par cet amendement me paraît manifestement excessif, madame Assassi. C'est le meilleur moyen de faire échouer votre demande, car, selon un principe que vous connaissez bien, tout ce qui est excessif est sans portée. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) La commission est donc défavorable à cet amendement.
La commission est également défavorable aux amendements nos 217 et 218, qui ont le même objet. En effet, le code du travail précise que la mise en place de l'astreinte doit pouvoir être décidée unilatéralement par l'employeur en cas d'absence de délégué syndical dans l'entreprise ou en cas d'échec des négociations.
En ce qui concerne l'amendement n° 219, le seuil de vingt salariés est celui qui est habituellement retenu dans notre droit du travail pour distinguer les plus petites entreprises des plus grandes. Ne souhaitant pas introduire un nouveau seuil de dix salariés, comme le proposent les auteurs de l'amendement, la commission émet un avis défavorable.
Les amendements nos 100 rectifié, 101 rectifié et 102 rectifié forment un ensemble cohérent. Ils tendent à mettre fin au régime dérogatoire applicable aux petites entreprises en matière de paiement des heures supplémentaires. Ils prévoient également de créer pour l'ensemble des entreprises un nouveau régime d'allégement des cotisations sociales visant à rendre le paiement des heures supplémentaires neutre financièrement pour l'employeur.
Il s'agit d'un schéma intéressant et ambitieux, mais il risque d'être coûteux pour les finances publiques, dans la mesure où chaque salarié effectue, en moyenne, une soixantaine d'heures supplémentaires par an. La commission souhaite donc entendre l'avis du Gouvernement sur ces amendements.
L'amendement n° 220, qui tend à supprimer le I de l'article 3, s'oppose à la prolongation du régime dérogatoire applicable aux entreprises de moins de vingt salariés. Comme tous les autres amendements de suppression, il reçoit un avis défavorable de la commission.
Pour ce qui est de l'amendement n° 84, nombre de petites entreprises sont dans une situation financière fragile et supporteraient difficilement une augmentation immédiate du taux de majoration applicable aux heures supplémentaires. D'autant qu'elles sont nombreuses à fonctionner sur la base d'un horaire collectif supérieur à 35 heures par semaine, ce qui implique qu'elles aient recours aux heures supplémentaires de manière habituelle.
A l'évidence, on a un avis différent selon que l'on défend le personnel ou l'entreprise. Mais défendre l'entreprise, n'est-ce pas aussi défendre le personnel ? Quand l'entreprise disparaît, que devient le personnel ?
Mme Raymonde Le Texier. S'il n'y a plus de personnel, il n'y a plus d'entreprise !
M. Louis Souvet, rapporteur. Effectivement, mais il est difficile de ménager la chèvre et le chou, notamment en droit du travail.
J'en viens à l'amendement n° 103 rectifié. La mesure qui est proposée par nos collègues de l'Union centriste...
M. Michel Mercier. De l'UDF ! Il faudra vous y faire, mon cher collègue ! Ce n'est pas une chute mais une élévation ! (Sourires.)
M. Louis Souvet, rapporteur. La mesure qui est proposée par nos collègues de l'UDF, rejoints par nos collègues écologistes, vise à augmenter graduellement le taux de majoration applicable aux heures supplémentaires effectuées dans les petites entreprises pour le porter, d'ici au 1er janvier 2008, au taux de droit commun de 25 %.
La commission estime que cette suggestion n'est pas inintéressante dans la mesure où elle permettrait de lisser la progression de la rémunération des heures supplémentaires.
M. Michel Mercier. Tout à fait !
M. Louis Souvet, rapporteur. En même temps, la commission observe que l'amendement proposé mettrait fin au régime dérogatoire applicable aux petites entreprises dès le 1er janvier 2008, alors que la proposition de loi, qu'elle a approuvée, propose de prolonger la dérogation une année supplémentaire, c'est-à-dire jusqu'au 1er janvier 2009. Cela me conduit à répéter le propos que je tenais voilà un instant : on a un avis différent selon que l'on veut défendre l'entreprise ou le personnel.
La commission est également sensible au surcoût que cette mesure provoquerait pour les petites entreprises qui ont souvent une très faible assise financière.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission n'a pas émis un avis favorable sur cet amendement : elle s'en remet seulement à la sagesse du Sénat.
L'amendement n° 223 vise à mettre fin au régime dérogatoire applicable aux petites entreprises en matière de rémunération des heures supplémentaires. La commission ne l'entend évidemment pas de cette oreille et elle émet un avis défavorable.
M. Guy Fischer. On change de langage ! (Sourires.)
M. Louis Souvet, rapporteur. Pour les mêmes raisons, la commission est également défavorable à l'amendement n° 222 qui s'oppose à la prolongation des mesures particulières applicables aux petites entreprises.
S'agissant des amendements identiques nos 85 et 221, la commission émet, là encore, un avis défavorable. En effet, dans les petites entreprises, les heures supplémentaires s'imputent sur le contingent seulement au-delà de la trente-sixième heure. Il s'agit là d'une mesure de souplesse que la commission ne souhaite pas supprimer, car elle est destinée à rendre plus aisé le passage aux 35 heures dans ces entreprises, grâce à une période de transition. Cette disposition est la preuve du traumatisme que le dispositif des 35 heures a causé dans les petites entreprises.
Les amendements identiques nos 86 et 224 visent à supprimer la possibilité qui est donnée aux salariés des petites entreprises, à titre transitoire et dans l'attente d'un accord collectif, de renoncer à des jours de repos en échange d'un complément de rémunération. Sachant que la pratique de la négociation collective est peu développée dans les très petites entreprises, il est sage de prévoir, comme le fait cet article, des dispositions provisoires. La commission est donc défavorable à ces amendements.
La commission est également défavorable à l'amendement n° 225, qui est contraire à la démarche suivie par la majorité : favoriser la négociation collective décentralisée, afin de mieux tenir compte des besoins de chaque entreprise.
Quant aux amendements nos 87 et 88, qui ont le même objet, leur adoption réduirait considérablement le champ d'application de l'article 3. Les salariés qui renonceraient à quelques jours de repos dans l'année continueront - cela a été répété à maintes reprises - de bénéficier des garanties prévues dans le code du travail en matière de repos quotidien et hebdomadaire. - onze heures de repos entre deux journées de travail - et de repos hebdomadaire - trente-cinq heures de repos entre deux semaines de travail.
Les risques évoqués pour la santé et la sécurité au travail apparaissent quelque peu exagérés : je doute que la renonciation à quelques jours de repos dans l'année menace sérieusement la santé ou la sécurité des travailleurs.
J'ajoute que la rédaction de l'amendement n° 88 est particulièrement imprécise : par exemple, où commencent les contraintes posturales visées par cet amendement ?
Vous l'aurez compris, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
S'agissant de l'amendement n° 89, des dispositions protectrices des jeunes travailleurs et des femmes enceintes existent déjà dans le code du travail et je crois savoir, monsieur le ministre, qu'une négociation est en cours sur la pénibilité du travail. Dans ces conditions, la modification proposée n'apparaît pas opportune à la commission, qui émet un avis défavorable.
En ce qui concerne l'amendement n° 90, porter à 50 % le taux de majoration applicable à ces journées de travail supplémentaires rendrait bien évidemment prohibitif le recours à ce dispositif. La commission y est donc défavorable.
Quant à l'amendement n° 91, les heures ou les journées de travail effectuées sur la base de l'article 3 s'apparentent aux heures choisies. Elles ne sont pas soumises au même régime juridique que les heures supplémentaires. Il n'y a donc aucune raison qu'elles s'imputent sur le contingent d'heures supplémentaires. La commission émet également un avis défavorable.
L'amendement n° 92 vise à mettre fin au régime transitoire applicable aux très petites entreprises dans quelques mois, alors que nous souhaitons, au contraire, le prolonger de trois ans. La commission émet un avis défavorable.
Pour ce qui est de l'amendement n° 93, l'accomplissement de ces heures ou journées de travail supplémentaires étant laissé au libre choix du salarié, le refus de les accomplir ne saurait constituer une faute. Cet amendement est donc tout à fait superflu et la commission émet un avis défavorable.
S'agissant de l'amendement n° 226, la renonciation à des journées de repos étant volontaire, un salarié ne s'expose à aucune sanction s'il décide de les conserver. Cet amendement est donc sans objet, et la commission y est défavorable.
La commission est également défavorable à l'amendement n° 94. La décision du salarié d'effectuer ou non des heures ou des journées de travail supplémentaires est en effet sans incidence sur son contrat de travail.
Pour ce qui concerne l'amendement n° 104 rectifié, la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social a introduit dans le code du travail l'article L. 132-26, qui permet, lorsqu'un accord de branche le prévoit, de négocier un accord collectif avec les représentants du personnel ou avec un salarié mandaté, en l'absence d'un délégué syndical.
Il a donc semblé à la commission que l'objet de cet amendement était déjà satisfait Elle souhaite entendre l'avis du Gouvernement sur ce point.
La commission est défavorable aux amendements identiques n°s 95 et 227. Le paragraphe III de l'article 3 définit le champ d'application dudit article. La commission est donc bien évidemment opposée à sa suppression.
Quant à l'amendement n° 5 de Mme Lamure, il tend à clarifier la rédaction de l'article 3 : il souligne d'une manière plus nette encore le caractère provisoire des mesures proposées. La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
S'agissant enfin des sous-amendements n°s 237 et 236 du Gouvernement, la commission y est favorable.
Le sous-amendement n° 237 est rédactionnel : il vise à affirmer plus clairement le caractère transitoire des mesures dérogatoires visées à l'article 3.
Quant au sous-amendement n° 236, il a pour objet d'étendre le bénéfice de ces dispositions aux professions agricoles.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des affaires économiques sur les sous-amendements n°s 237 et 236 ?
Mme Elisabeth Lamure, rapporteur pour avis. La commission des affaires économiques n'a pas examiné ces deux sous-amendements. Toutefois, à titre personnel - et je crois me faire l'interprète de la majorité de la commission -, je suis favorable à leur adoption puisque l'un conforte et l'autre complète l'amendement n° 5, que la commission a adopté sur ma proposition.
Le sous-amendement n° 237 indique très clairement qu'à compter du 1er janvier 2009 les articles du code du travail fixant les conditions générales de rémunération et de décompte des heures supplémentaires seront applicables à toutes les entreprises, sans considération de leurs effectifs. Il renforce ainsi la traduction juridique de l'engagement pris par le Premier ministre et que formalise l'amendement n° 5.
Quant au sous-amendement n° 236, il vise à garantir l'application des dispositifs dérogatoires et temporaires prévus par l'article 3 aux entreprises du monde agricole. Il s'agit évidemment d'un complément tout à fait bienvenu.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Avant de donner l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements, il me paraît nécessaire de revenir brièvement sur l'équilibre général de l'article 3.
L'objectif est clair : il s'agit d'ouvrir aux petites entreprises une nouvelle période transitoire de trois années au maximum pour mettre en place un régime négocié d'heures supplémentaires, en leur octroyant, dans l'intervalle, un régime adapté pour le décompte des heures supplémentaires et pour la majoration des quatre premières heures.
Il s'agit également d'ouvrir aux salariés qui le souhaitent la possibilité, à titre transitoire, de racheter des jours RTT, dans la limite de dix jours par an, ce dans l'attente de la mise en place d'un compte épargne-temps.
Dans les deux cas, ce sont bien des dispositions transitoires et subsidiaires, qui ont vocation à s'effacer dès qu'un accord portant sur les heures supplémentaires ou sur le compte épargne-temps aura été conclu. L'amendement de la commission des affaires économiques le précise très clairement.
Par ailleurs, le développement progressif des nouvelles procédures de négociation prévues par la loi du 4 mai 2004 - négociation par des salariés élus ou mandatés - devrait permettre d'atteindre cet objectif.
Comme je l'ai indiqué hier soir, deux branches ont d'ores et déjà conclu des accords sur ces nouvelles modalités et plus de cinq autres ont bien avancé dans leurs négociations. Mais il pourrait également être possible de mettre en oeuvre, dans ce cas particulier et à titre transitoire - et je réponds là à la proposition d'amendement de M. Mercier, sur laquelle M. le rapporteur a souhaité entendre l'avis du Gouvernement -, d'autres formes de mandatement.
Il s'agit d'une date butoir. En mécanique, un butoir est aussi un élément servant de levier. Ce délai doit permettre le développement de la négociation dans les entreprises dont les salariés ne sont pas couverts par un accord collectif : ils sont 27 %. Car les entreprises comme les salariés ont intérêt à signer des accords collectifs.
Ce n'est donc pas un dispositif pérenne préfigurant le démantèlement de notre droit du travail.
M. Roland Muzeau. Ah si !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Ce dispositif s'inscrit, au contraire, dans la continuité du régime transitoire institué par la loi Aubry II de 2000, dont les dispositions ont été clairement inscrites dans le code du travail.
M. Roland Muzeau. Nous l'avions dénoncé !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Il ne s'agit pas non plus de faire prévaloir une individualisation des rapports de travail.
M. Roland Muzeau. Ah si !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Telle n'est pas notre philosophie ! J'en veux pour preuve la position défendue par la France dans le cadre de la révision de la directive de 1993 : nous demandons très clairement la disparition progressive de l'opt out, qui symbolise une conception individualiste des rapports sociaux. Madame Printz, monsieur Godefroy, notre position n'a pas varié sur ce point.
A cet égard, je veux rappeler quelques-uns des propos que j'ai tenus au mois de décembre, et qui reprenaient des déclarations que j'avais faites le 4 octobre dernier, lors du Conseil des ministres de l'emploi : « J'ai déjà indiqué, en octobre, tout en reconnaissant à la proposition de la Commission le mérite de poser clairement le principe de la prééminence de la négociation collective par rapport à l'accord individuel, que la suppression à terme de l'opt out prévu à titre transitoire par la directive de 1993 devait être un principe clairement affiché. »
Ces propos attestent que la position de la France est claire à cet égard. Sur d'autres sujets, tel le projet de directive « services », j'ai également eu l'occasion de rappeler ce matin la position tout aussi claire du Gouvernement et du Président de la République.
Il ne s'agit pas non plus d'instaurer, à titre définitif, un traitement différencié des entreprises selon leur taille. Le régime transitoire prendra effectivement fin au 31 décembre 2008. Nous nous fondons ici sur un simple principe de réalité.
Les petites entreprises ont, il est vrai, eu beaucoup de mal à « encaisser » le passage aux 35 heures. Lors de la discussion générale, Mme Gautier a rappelé que, selon une étude de la DARES, moins de 20 % des petites entreprises ont pu passer aux 35 heures.
Le législateur en a d'ailleurs tenu compte dans les lois du 19 janvier 2000 et du 17 janvier 2003.
Les dernières études montrent que, dans les branches dans lesquelles les négociations n'ont pas eu lieu, les petites entreprises rencontrent plus de difficultés que les autres à se saisir des nouveaux outils. C'est pourquoi, répondant par là même à l'amendement du groupe UC-UDF, présenté par M. Jégou, je ne souhaite pas un système du type 10-15-20 ou 10-15-25.
La date butoir doit être claire. Mais, entre-temps, nous devons inciter les entreprises à signer des accords collectifs, qui, parfois, retiennent non pas le taux de 25 %, mais un taux supérieur ou inférieur. L'entreprise a l'occasion de définir, en son sein, d'autres modes d'organisation et pas simplement le régime de rémunération des heures supplémentaires. Voilà pourquoi l'article 3 offre un certain nombre de possibilités.
J'en viens aux astreintes. La loi du 17 janvier 2003 a modifié le droit existant sur les astreintes, et ce pour une raison simple : un salarié ayant normalement travaillé durant la semaine ne pouvait pas, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, être d'astreinte le week-end.
Reconnaissez, mesdames, messieurs les sénateurs, que, pour le secteur médical, cela posait un problème majeur, immédiat et insoluble, sachant que la durée de formation d'un médecin spécialiste est, je le rappelle, de douze années. Cela nous conduit au principe de réalité : les permanences médicales doivent être assurées vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept. C'est un sujet que M. Fourcade et moi-même connaissons bien.
J'ajoute, monsieur Fischer, que la réglementation en vigueur n'a rien changé en matière de contrepartie financière ou sous forme de repos. Une réflexion est menée sur cette question à l'échelon européen, notamment au sein des Conseils des ministres « santé » et « emploi ».
Monsieur Muzeau, s'agissant de la constitutionnalité des dispositions, il est vrai que, dans ses décisions de 1998 et de 2000, le Conseil constitutionnel a posé le principe selon lequel les différenciations faites en faveur des entreprises suivant leur taille devaient revêtir un caractère temporaire.
M. Roland Muzeau. Absolument !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Mais les faits sont têtus, et ils montrent d'ailleurs que les très petites entreprises se sont heurtées à de grandes difficultés.
Cette situation explique qu'il faille prolonger le délai d'adaptation des petites entreprises en maintenant les dispositions dérogatoires, mais en fixant clairement une date butoir. Il n'est pas question d'introduire, par le biais de l'article 3, une forme de pérennisation d'un droit du travail réduit.
Pour répondre enfin aux préoccupations d'une organisation patronale, l'UPA, que vous avez évoquée, j'ajoute que l'article 3 vise à créer une simple faculté et non pas une obligation : rien n'interdit de prévoir un dispositif plus favorable au niveau de la branche ou de l'entreprise.
Madame Le Texier, il faut cesser d'avoir une vision erronée de la hiérarchie des normes. Comme je l'ai indiqué lors de la discussion générale, l'article 3 ne permet en aucun cas à l'accord individuel de prévaloir sur l'accord collectif. Ce n'est qu'en l'absence d'accord collectif que peut s'appliquer, dans des conditions définies précisément par la loi et limitées dans le temps, un système de rachat de jours ou d'heures de RTT. Je tenais à apporter cette précision, afin que chacun comprenne bien qu'il ne s'agit pas de bouleverser la hiérarchie des normes,...
M. Gérard Larcher, ministre délégué. ... même si nous l'avons fait évoluer.
Comme le constate le professeur Ray, la hiérarchie des normes est constante. Il n'empêche que les accords dans les entreprises ont commencé avec la loi Auroux de 1982.
M. Claude Domeizel. Mais oui !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Depuis cette date, nous suivons, les uns et les autres, le même cheminement.
Il était, me semble-t-il, important de rappeler tous ces points, monsieur le président.
M. Roland Muzeau. C'était nécessaire !
M. Claude Domeizel. Y compris la loi Auroux !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Nous organiserons un colloque relatif à l'évolution du droit du travail sur vingt-trois ans, monsieur Domeizel ! (Sourires.)
Le Gouvernement ne souhaite pas, vous le comprendrez, la suppression de l'article 3. Il est donc défavorable aux amendements identiques nos 83 et 214.
Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 215 relatif au temps de déplacement professionnel. Je rappelle que l'article 69 de la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 précise que, si le temps de déplacement professionnel « dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail », une indemnisation doit être « déterminée par convention ou accord collectif ou, à défaut, par décision unilatérale de l'employeur ». Un problème se posait : celui qui allait travailler sur un chantier, par exemple, était-il concerné par cette mesure ? La réponse est négative !
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 216 qui concerne les astreintes. J'ai apporté tout à l'heure un éclairage général sur cette question.
Il est également défavorable aux amendements nos 217 et 218.
La mesure relative au repos compensateur obligatoire que tend à instaurer l'amendement n° 219 n'entre pas dans le cadre des objectifs des auteurs de la proposition de loi et nous paraît dépourvue d'objet. Nous avons déjà débattu de ce sujet. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Lors de l'examen des amendements identiques nos 100 rectifié et 220, M. Jean-Jacques Jégou a proposé de passer à un système égalitaire qui serait financé par l'augmentation du niveau de la TVA, notamment par la création d'une sorte de TVA sociale.
Malgré ce mode de financement, le coût de cette mesure s'élèverait, selon nous, à 500 millions d'euros et l'ensemble des exonérations représenteraient 17,1 milliards d'euros. Peut-on, de façon incidente, sur un sujet aussi important, prévoir une mesure de 500 millions d'euros ? (M. Roland Muzeau s'exclame.)
La TVA sociale est une question importante. Un précédent ministre de l'économie et des finances s'est dit prêt à engager le débat sur ce sujet, notamment avec votre assemblée.
Mme Nicole Bricq. Il n'est plus là !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Monsieur Mercier, sous le bénéfice de ces explications, peut-être accepterez-vous de retirer cet amendement et d'accepter le dispositif que nous préconisons, d'autant que le Gouvernement est favorable à votre proposition de mandatement.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 220, qui vise à prévoir des dérogations dans le paiement des heures supplémentaires, comme il est défavorable à l'amendement n° 84, dont l'objet est comparable.
Je viens de l'annoncer, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 103 rectifié, qui tend à instaurer le mandatement afin de favoriser la négociation collective avant la date butoir du 31 décembre 2008.
L'amendement n° 223 concerne le taux de majoration des quatre premières heures supplémentaires. Le Gouvernement, logiquement, y est défavorable.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 222, qui vise à ramener la date d'échéance, initialement prévue au 31 décembre 2008, au 1er mars 2005. Votre amendement n° 92, monsieur Domeizel, a le même objet et propose la date du 16 mai 2005. Ces deux amendements diffèrent simplement sur le calendrier : mars est le mois du renouveau ; mai, celui de Marie ! (Sourires.)
M. Jean-Marc Todeschini. Et la laïcité ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques nos 85 et 221.
Il est également défavorable aux amendements identiques nos 86 et 224, qui tendent à supprimer la possibilité de rachat des jours de repos par accord individuel ; je me suis déjà expliqué sur ce point.
M. Roland Muzeau. Vous avez tort !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dommage !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 225, qui porte sur le régime de rachat des jours de repos par accord de groupe, c'est-à-dire qui décline le niveau de l'accord.
L'amendement n° 87 porte sur le même sujet. Le Gouvernement n'y est pas favorable.
Le Gouvernement est également défavorable aux amendements nos 88 et 89.
Mme Raymonde Le Texier. Au moins pour les femmes enceintes !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. L'amendement n° 89 concerne, notamment, les femmes en état de grossesse.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, avec l'autorisation de M. le ministre.
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous attachons beaucoup d'importance à cet amendement, mais nous sentons bien, à la lumière de l'avis du rapporteur et du vôtre, monsieur le ministre, qu'il n'a aucune chance d'être adopté.
C'est pourquoi je souhaite le rectifier - ce n'est pas que cela me fasse plaisir, mais il y a urgence - pour le « cantonner » - si vous me permettez ce terme - aux femmes en état de grossesse.
Pour les femmes enceintes, renoncer aux congés normaux est inacceptable. La commission des affaires sociales a, par exemple, fait en sorte que les mamans qui ont des prématurés bénéficient d'un allongement de congé de maternité pour pouvoir être avec leur enfant. Demander aux femmes enceintes de travailler, même si elles renoncent à leurs congés de leur plein gré, ce n'est pas rendre service à la santé publique, à la maman, à l'enfant.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut penser aux générations futures !
M. Jean-Pierre Godefroy. Limiter cette mesure aux femmes enceintes constituerait déjà un progrès.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut préserver les familles !
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 89 rectifié, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :
Dans la première phrase du II de cet article, après les mots :
le salarié
insérer les mots :
, lorsqu'il ne s'agit pas d'une femme en état de grossesse,
Quel est l'avis de la commission sur cet amendement n° 89 rectifié ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Je n'ai pas consulté la commission sur cet amendement rectifié, mais, à titre personnel, je n'y suis pas défavorable.
Mme Nicole Bricq. Donc, vous y êtes favorable !
M. Louis Souvet, rapporteur. Effectivement !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Cette question constitue l'un des livrets de la négociation interprofessionnelle sur la pénibilité du travail. Répondant à Mme Luc, hier, j'ai déjà précisé que la négociation interprofessionnelle devait aborder ce sujet.
Nous avons toujours la tentation de préempter, en quelque sorte, par une décision législative qui paraît fondée. Qui, en effet, nierait la réalité de la situation des femmes qui travaillent pendant leur grossesse ? Personne ! C'est d'ailleurs la raison pour laquelle cela figure dans l'un des livrets de la négociation interprofessionnelle.
M. Louis Souvet, rapporteur. Absolument !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Depuis le début du débat, je ne cesse de renvoyer à la négociation interprofessionnelle la définition de ces conditions.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Si c'est dans la loi, c'est mieux !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Néanmoins, sur cet amendement rectifié, après avoir entendu l'avis personnel du rapporteur, le Gouvernement émettra un avis de sagesse. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut favoriser la natalité !
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des affaires sociales.
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Serait-il possible de nous mettre d'accord afin de remplacer les mots : « une femme en état de grossesse » par les mots : « une femme enceinte » ? (Marques d'approbation sur l'ensemble des travées.)
M. le président. Monsieur Godefroy, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par M. le vice-président de la commission des affaires sociales ?
M. Jean-Pierre Godefroy. Tout à fait, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 89 rectifié bis, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :
Dans la première phrase du II de cet article, après les mots :
le salarié
insérer les mots :
,lorsqu'il ne s'agit pas d'une femme enceinte,
Quel est l'avis de la commission sur cet amendement n° 89 rectifié bis ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur le ministre, je vous invite à poursuivre votre intervention relative à l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements présentés à l'article 3.
M. Gérard Larcher, ministre délégué. En ce qui concerne l'amendement n° 90, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Le Gouvernement demande le retrait de l'amendement n° 101 rectifié, pour les raisons que j'ai données tout à l'heure, monsieur Mercier.
Sur l'amendement n° 91, le Gouvernement émet un avis défavorable ; je m'en suis déjà expliqué.
Sur l'amendement n° 92, le Gouvernement émet un avis défavorable. J'ai déjà évoqué cette date du 16 mai, qui restera dans l'histoire ! (Sourires.)
L'amendement n° 93 porte sur un sujet que nous avons évoqué hier lorsque nous avons défini l'heure supplémentaire et l'heure choisie. Nous n'y sommes pas favorables, nous avons déjà dit pourquoi. Je répète, même si cela ne figure pas dans le texte, que les heures choisies ne sont pas « pénalisables » et ne constituent pas une cause de rupture du contrat de travail.
Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 226.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 94, même s'il partage un certain nombre des préoccupations qui ont été exprimées.
Monsieur Mercier, l'amendement n° 104 rectifié tend à instituer un système spécifique de mandatement dans les entreprises de vingt salariés au plus pour permettre la conclusion d'accords sur le compte épargne-temps.
Hier, en répondant à l'un de vos collègues, j'ai souligné que notre objectif était de permettre la diffusion la plus large possible de la négociation collective dans les très petites entreprises, qui rencontrent des difficultés particulières. C'est pourquoi la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social a ouvert, par accord de branche préalable, de nouvelles modalités de conclusion. Je rappelle notamment qu'un élu du personnel, qui n'est pas automatiquement un représentant syndical, a la possibilité de négocier et de conclure des accords, qui, sous le contrôle de la commission paritaire nationale, ont leur validité. Il est également possible de recourir au mandatement.
Naturellement, cette période transitoire de trois ans pose problème ; cela nous conduit d'ailleurs à prévoir un rachat direct. C'est pourquoi, et je réponds ainsi à M. le rapporteur, le Gouvernement est favorable à cet amendement.
Cet amendement est important, car il étend, pendant cette période transitoire, les possibilités de négociation collective, notamment dans les petites entreprises. Je constate d'ailleurs que, dans un certain nombre d'organismes qui représentent les petites et les moyennes entreprises, il est envisagé de mettre en place des lieux de dialogue social renforcé.
Le Gouvernement, comme la majorité, croit à la primauté du dialogue social, c'est-à-dire à la priorité de l'accord conventionnel sur le recours incessant à la loi, qui doit fixer les grands principes et les cadres.
Le Gouvernement souhaite le retrait de l'amendement n° 102 rectifié. J'ai annoncé le coût des mesures proposées ; nous devons mener une réflexion collective. Les propos qu'a tenus Jean-Pierre Fourcade dans la discussion générale méritent d'être rappelés : plus de 17,1 milliards d'euros sont consacrés aux exonérations ; 22 000 euros de manière pérenne, chaque année, pour les emplois créés, notamment dans le cadre des dispositifs mettant en place les 35 heures.
Il faut veiller à ce que l'argent public soit utilisé de façon efficace, même si, grâce à la loi Fillon, nous avons recentré les exonérations sur les bas salaires, exonérations qui sont créatrices d'emplois.
Le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques n°s 95 et 227, qui sont des amendements de suppression.
Madame le rapporteur pour avis, j'ai indiqué tout à l'heure que le Gouvernement était très favorable à votre amendement qui vise à fixer clairement dans la loi une date butoir, donc à permettre d'engager plus aisément le dialogue social. Celui-ci est d'ailleurs facilité par le mandatement prévu, à titre transitoire, dans l'amendement de M. Mercier.
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des affaires sociales.
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, la commission demande le vote par priorité de l'amendement n° 5 et des sous-amendements noos237 et 236, avant celui de l'amendement n° 83.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. le président. La priorité est ordonnée.
Je vais donc mettre aux voix par priorité le sous-amendement n° 237.
La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote .
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, je souhaite auparavant obtenir une précision : le vote par priorité de l'amendement n° 5 ne nous empêchera-t-il pas de nous exprimer sur les différents amendements déposés sur l'article 3, notamment sur l'amendement de suppression de cet article ?
M. Guy Fischer. Si, car une fois cet amendement adopté, les autres n'auront plus d'objet !
M. le président. Mon cher collègue, selon le règlement du Sénat, lorsque la commission demande le vote par priorité d'un amendement et que le Gouvernement donne son accord, la priorité est de droit.
Si cet amendement est adopté, bien entendu, ce vote peut avoir des conséquences sur le sort d'autres amendements déposés sur le même article, qui peuvent ainsi se retrouver sans objet...
M. Roland Muzeau. Voilà !
M. le président. ...tout simplement parce que le point sur lequel ils portaient aura été réglementé par les mesures qui auront été votées.
Mme Hélène Luc. C'est pourquoi nous étions contre la réforme !
M. Guy Fischer. C'est pour museler l'opposition, une fois de plus !
M. Roland Muzeau. Concrètement, monsieur le président, si l'amendement n° 5 est adopté, les amendements de suppression de l'article 3 deviendront-ils sans objet ?
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales et M. Michel Mercier. Bien sûr !
M. le président. A partir du moment où le Sénat aura adopté un amendement précisant certains points de l'article 3, à l'évidence, l'amendement de suppression de cet article n'aura plus d'objet.
Cela dit, nous en sommes aux explications de vote sur le sous-amendement n°237, monsieur Muzeau !
M. Roland Muzeau. Cette explication de vote sur le sous-amendement n° 237 est totalement justifiée. Il n'est pas inutile, en effet, à ce stade de nos débats, qui vont, si j'ai bien compris, être écourtés, tout au moins sur l'article 3,...
M. Guy Fischer. C'est cela !
M. Roland Muzeau. ...que nous vous fassions part de notre position. J'imagine que telle n'est pas votre préoccupation première, mais c'est utile à la qualité des débats.
J'ai le sentiment que, sur cet article 3, un certain nombre de désaccords de fond sont patents entre vous et le groupe auquel j'appartiens. Mais il y a également une quasi-étanchéité entre la logique qui fonde vos décisions et celle que nous essayons de vous faire admettre.
Rendez-vous bien compte, mes chers collègues, qu'au cours de nos débats, hormis Jean-Pierre Godefroy qui est intervenu au sujet des femmes enceintes, nous n'avons pratiquement jamais parlé de la situation des femmes dans l'entreprise. J'ai abordé ce point à plusieurs reprises, mais personne ne l'a repris. La présente proposition de loi ne comprend aucune disposition visant à corriger les injustices - que nul ne conteste, toutes les études les ayant démontrées -dont souffrent les femmes au sein des entreprises : elles sont des victimes privilégiées de l'emploi précaire, des contrats à temps partiel, des horaires décalés, et elles touchent des salaires inférieurs à ceux des hommes de 27 %, comme le dénonce le rapport de Mme Zimmermann à l'Assemblée nationale.
Il est affligeant, après trente ans de politique de réduction des inégalités entre hommes et femmes, d'en arriver là ! Ces questions graves ont été évoquées dans nombre d'amendements que j'ai eu l'honneur de défendre avec mes amis.
La persistance de ce problème motive notre désaccord total sur ces trois malheureux articles d'un texte qui se présente sous la forme d'une proposition de loi parce que le Gouvernement n'a pas eu le courage de déposer un projet de loi.
Nous nous retrouvons donc dans une situation assez ubuesque : on tente de nous faire croire que ces trois malheureux articles apportent de simples ajustements techniques rendus inéluctables par la mauvaise santé de notre économie. Bien évidemment, tel n'est pas le cas, nous avons tenté de le démontrer.
Les arguments que je pourrais avancer sont nombreux, mais le temps qui m'est imparti pour expliquer mon vote est, hélas ! très limité. Je tenais cependant à ne pas laisser passer une modeste occasion de vous faire part de ma désapprobation quant à la tournure de nos débats et à l'impasse qui a été faite par le Gouvernement et par la majorité, tout au long de nos débats, sur sort de certains salariés ; ils sont malheureusement quatre millions à vouloir travailler. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. Je m'élève avec véhémence contre cette méthode de travail ; je l'ai dit hier et je le répète. Jusqu'à maintenant, étaient d'abord mis aux voix les amendements de suppression d'un article. Si, d'aventure, ils étaient adoptés, la discussion s'arrêtait.
Mme Hélène Luc. Eh oui!
M. Claude Domeizel. Or, aujourd'hui, après la présentation d'une kyrielle d'amendements, le vote par priorité est demandé sur l'amendement n° 5 et sur les deux sous-amendements dont il est assorti. C'est scandaleux, car nous sommes ainsi privés de notre droit à nous exprimer.
Mme Hélène Luc. On donne la priorité au Gouvernement !
M. Laurent Béteille. Nous vous écoutons depuis des heures !
Mme Raymonde Le Texier. Pendant trois jours, nous l'avons remarqué !
M. Claude Domeizel. Mon cher collègue, lorsque le Gouvernement que vous soutenez aura créé deux millions d'emplois et qu'il aura fait baisser le chômage d'un million, vous aurez le droit de m'interrompre ! (M. Jean-Marc Todeschini applaudit.)
M. Jean-Pierre Fourcade. Que n'avez-vous réduit la dette publique ? (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Depuis trois ans, qu'avez-vous fait ?
M. Roland Muzeau. Nous venons d'avoir les chiffres : ils ne sont pas brillants !
M. Claude Domeizel. Toujours en ce qui concerne la méthode de travail, l'inversion de l'ordre de discussion des amendements a complètement bouleversé nos emplois du temps. Il est très difficile de suivre le déroulement de nos travaux, donc de pouvoir travailler dans de bonnes conditions.
Notre collègue Mme Voynet, qui a été très assidue durant ces débats,...
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Pas aujourd'hui !
M. Claude Domeizel. ... y compris cette nuit, jusqu'à près de trois heures du matin, avait prévu de présenter l'amendement n° 115 rectifié, lequel n'a pas été soutenu puisqu'elle ne pouvait être parmi nous cet après-midi. Cet amendement était du reste identique à l'amendement n° 103 rectifié de M. Mercier.
Par solidarité de groupe, je vais porter à votre connaissance ce qu'elle aurait dit lors de la présentation de cet amendement ; la tournure que prennent nos débats me permet de le faire.
« La proposition de loi prolonge jusqu'au 31 décembre 2008 le régime dérogatoire pour les PME de vingt salariés, auxquelles elle donne le droit d'appliquer un taux de bonification de 10 % aux heures supplémentaires, au lieu de 25 % dans le cas général.
« Le taux dérogatoire était censé, je le rappelle, disparaître au 31 décembre 2005. Huit ans pour s'adapter, cela commence à faire beaucoup !
« En réalité, c'est l'idée même de RTT qui est mise à bas : la proposition de loi élargit la possibilité pour les salariés des PME, "en accord avec le chef d'entreprise", de renoncer à une partie des journées et des demi-journées de repos accordées au titre de la RTT jusqu'à dix jours par an. Ces heures, rémunérées donc à 110 %, ne s'imputeraient pas sur le contingent d'heures supplémentaires ..
« Le temps de travail pourrait ainsi atteindre 46 heures par semaine, ce qui est absolument intolérable !
« Le "provisoire qui dure" a ses limites : afin d'encadrer, dans les entreprises de moins de vingt salariés, la relation entre employeur et employé et de les ramener effectivement dans le droit commun, je propose donc, par cet amendement, de fixer clairement des délais, des échéances, et qu'on n'y revienne plus ! »
Voilà ce qu'aurait dit Mme Voynet !
Si l'amendement n° 103 rectifié de M. Mercier est maintenu et si le Sénat se prononce par scrutin public, nous le voterons, comme nous y sommes autorisés, au nom des sénateurs rattachés à notre groupe.
M. le président. Nous avons bien pris note de votre explication de vote sur le sous-amendement n° 237, mon cher collègue ! (Sourires.)
M. Claude Domeizel. Ce n'était pas le but ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote sur le sous-amendement n°236. Ne faites pas référence à d'autres amendements, mon cher collègue !
M. Claude Domeizel. Monsieur le président, j'ai le droit, au cours d'une explication de vote, de dire absolument ce que je veux !
M. le président. Dans le règlement intérieur, que vous connaissez beaucoup mieux que moi, mon cher collègue, il est mentionné qu'un parlementaire ne peut s'exprimer au nom d'un autre.
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Absolument !
M. le président. Ce rappel étant superflu, puisque vous êtes au courant de cette disposition, veuillez poursuivre, monsieur Domeizel.
M. Claude Domeizel. Nous ne voterons pas le sous-amendement n° 236, mais Mme Voynet, si elle avait été présente, vous aurait dit ceci en présentant son amendement n° 116 rectifié. (Marques d'agacement sur les travées de l'UMP.)
« Comme nombre de syndicalistes, je regrette que les modifications introduites dans la loi sur le dialogue social aient inversé la hiérarchie des normes en donnant la possibilité aux accords d'entreprises de déroger, sur beaucoup de points, aux accords de branches.
« Je constate, en tout état de cause, que le droit du travail, à tort ou à raison, aura de plus en plus tendance à se construire aussi au niveau de l'entreprise.
« Les salariés en général sont-ils préparés à cette évolution ? A l'évidence, non. Tous les analystes notent l'asymétrie de la capacité à négocier à l'avantage des directions. Et c'est bien sûr encore plus vrai dans les entreprises moins importantes.
« La spécificité des PME-TPE, liée à la taille des entreprises et au faible nombre de salariés, nécessite des déclinaisons lors de chaque négociation interprofessionnelle.
« L'écart entre salariés de TPE et salariés de grandes entreprises quant aux chances d'accès à certains droits peut aller de un à six, comme dans l'exemple de la formation professionnelle. De ce fait, les salariés tendent à se détourner de ces entreprises au profit des grandes entreprises censées leur offrir des avantages sociaux.
« Observons également que si les PME-TPE sont les plus créatrices d'emplois et les plus dynamiques en création, elles sont aussi les plus pourvoyeuses, si l'on peut dire, de « licenciements secs ». Les salariés ont très souvent des difficultés à s'organiser collectivement : manque de moyens pour le dialogue social, faiblesse des effectifs, trop grande proximité entre salariés et employeurs, prégnance d'une certaine forme d'individualisme, peur de se syndiquer, conscience du fait que la moindre erreur dans l'activité se paye cher en termes d'emploi et d'avenir pour l'entreprise.
« Le système du mandatement, dans le cadre de la première négociation RTT, a fait la preuve de son efficacité : 40 000 salariés ont été mandatés au total. Le bilan de ces mandatements fait apparaître des résultats positifs en termes de relations sociales, de négociation, de création d'emplois et de syndicalisation.
« S'agissant du temps de travail, tout le monde a pu constater que le nombre d'accords conclus était proportionnel à la taille des entreprises.
« L'amendement proposé a donc pour objet de donner aux salariés une meilleure position dans la renégociation de tout accord sur le temps de travail.
« Je constate que la proposition de loi ne dit rien du mandatement et, par conséquent, risque de le faire disparaître. » Mme Voynet proposait donc de le rétablir.
C'est la raison pour laquelle, si l'amendement n° 104 rectifié de M. Mercier est mis aux voix par scrutin public, je suis autorisé à le voter.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote sur l'amendement n° 5.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le ministre, cet amendement me semble mieux rédigé que le texte initial,...
M. Michel Mercier. Ce sont des députés qui l'ont rédigé !
M. Jean-Pierre Fourcade. ...car il montre clairement que le régime dérogatoire, qui est prolongé, prendra fin en 2008 et que l'objectif visé est de fixer par des conventions ou des accords collectifs des taux de majoration qui sont au minimum à 10 %, mais qui peuvent atteindre 17 % ou 18 %. Il est bien que le Parlement marque de manière claire qu'il souhaite que ces taux de majoration, qui avaient été limités à 10 % pour éviter le désastre des 35 heures sur les petites entreprises, puissent être majorés par des conventions ou par des accords collectifs. Par conséquent, l'amendement de la commission des affaires économiques est très bon.
Cet après-midi, j'ai entendu beaucoup de références historiques. De nombreux éléments macroéconomiques ont été évoqués. Tout cela était très intéressant, mais j'ai relevé des erreurs, que je voudrais essayer de rectifier.
Tout d'abord, l'opposition caricaturale entre les grandes entreprises et les petites entreprises ne correspond pas du tout à la réalité. Le sort d'une caissière de la grande distribution est beaucoup moins favorable que celui d'un compagnon menuisier ou d'un garagiste.
M. Roland Muzeau. Vous auriez dû voter nos amendements !
M. Jean-Pierre Fourcade. Par conséquent, dire que les toutes petites entreprises sont misérables par rapport aux grandes, c'est une bêtise sur le plan économique. Il suffit de regarder le monde qui nous entoure pour voir que c'est faux. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.)
Ensuite, comme je l'ai dit avant-hier à M. le ministre, il est clair que c'est grâce aux petites entreprises, et notamment aux nouvelles entreprises, que nous pouvons espérer contribuer à la baisse du chômage. Les grandes entreprises, surtout avec les 35 heures, pour lesquelles elles sont subventionnées et ont obtenu une certaine modération des salaires de leurs employés, ne créeront pas beaucoup d'emplois. Au cours des prochaines années, la création d'emplois proviendra des services, et notamment du secteur des services à la personne.
Aussi, le fait de leur octroyer trois années de plus pour s'adapter à ce qui est absolument insupportable pour elles, à savoir les 35 heures,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Combien d'emplois créés ?
M. Jean-Pierre Fourcade. ...est une manifestation de bon sens, et non pas, comme l'a dit M. Domeizel, l'explosion du code du travail.
Enfin, nous sommes les seuls à nous focaliser sur la durée hebdomadaire du travail. Dans tous les pays modernes qui nous entourent ou qui sont nos concurrents, ou qui le seront demain, ce qui importe, c'est la durée annuelle du travail.
M. Roland Muzeau. C'est pas de durée du tout !
M. Jean-Pierre Fourcade. Par conséquent, l'objectif, c'est d'avoir une durée annuelle. Il aurait fallu, dans la proposition de loi, prévoir une durée annuelle, avec un maximum, bien sûr, pour éviter de revenir à 1925, c'est-à-dire à 60 heures.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela va venir !
M. Jean-Pierre Fourcade. En effet, quel que soit le domaine d'activité, les semaines ne sont pas identiques d'un bout de l'année à l'autre : elles dépendent des saisons, des modifications de production, des carnets de commandes. Il est un peu absurde et irréel de se focaliser sur un problème de durée hebdomadaire.
D'ailleurs, dans beaucoup de pays, il n'existe pas de réglementation de la durée hebdomadaire. Seul est prévu un plafond annuel des heures travaillées, qui est fixé à 1 700 heures, à 1 750 heures ou à 1 800 heures, selon qu'il s'agisse de l'Italie, de l'Espagne ou de la Grande-Bretagne. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.)
Dernier point : je donne mon accord aux amendements identiques présentés par Mme Voynet et le président du groupe de l'UC-UDF. En effet, à partir du moment où nous accordons une dérogation pour faciliter l'adaptation des petites entreprises et pour les inciter à créer des emplois, il faut donner des garanties aux salariés.
Pour ma part, j'en vois trois. Tout d'abord, il faut fixer un plafond annuel des heures de travail. Ensuite, il faut prévoir un mandatement ; l'amendement qui nous a été présenté tout à l'heure permet de mandater le représentant d'un syndicat officiellement agréé. Enfin, pour indiquer la voie dans laquelle nous allons, nous pourrions adopter l'amendement qui prévoit, à défaut d'accord, un système de lissage de l'augmentation du coût des heures supplémentaires, afin de bien montrer que nous devrons parvenir en 2008 à un système satisfaisant.
Avec ces trois garanties, nous offrons les moyens d'assurer une adaptation satisfaisante et, en fait, nous travaillons pour l'emploi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Guy Fischer. Et alors ?
M. le président. En conséquence, les amendements identiques nos 83 et 214 n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 215.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 102 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 120 |
Contre | 209 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 216.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 218.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 103 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 120 |
Contre | 209 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. le président. En conséquence, les amendements identiques nos 100 rectifié et 220, les amendements nos 84, 103 rectifié, 223, 222, 85, 221, 86 et 224 n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 225.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Monsieur Mercier, l'amendement n° 101 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Mercier. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 101 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 91.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 92 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 93.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 104 rectifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 104 :
Nombre de votants | 306 |
Nombre de suffrages exprimés | 214 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 108 |
Pour l'adoption | 214 |
Le Sénat a adopté.
M. Jean-Pierre Fourcade. Bravo !
M. le président. Monsieur Mercier, l'amendement n° 102 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Mercier. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 102 rectifié est retiré.
En conséquence, les amendements identiques nos 95 et 227 n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 3, modifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 105 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 202 |
Contre | 125 |
Le Sénat a adopté.
Article 4
M. le président. L'article 4 a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Mes chers collègues, nous en revenons aux amendements tendant à insérer des articles additionnels, qui avaient été précédemment réservés.
Articles additionnels avant l'article 1er (précédemment réservés)
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement saisit officiellement et sans délai les partenaires sociaux, dans le cadre de la Commission nationale de la négociation collective, des dispositions relatives au droit du travail contenues dans la présente proposition de loi portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise, en vue d'engager un processus de consultation et, le cas échéant, de négociation collective sur ces dispositions.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Lors de la présentation du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, le Gouvernement s'était engagé à renvoyer à la négociation interprofessionnelle préalable des partenaires sociaux tout projet de réforme du droit du travail de nature législative.
Permettez-moi de revenir sur la discussion de cette loi, qui réunit étrangement, sous un même intitulé, deux sujets totalement différents : d'une part, la formation professionnelle tout au long de la vie, laquelle a fait l'objet d'un accord unanime des partenaires sociaux ; d'autre part, le dialogue social, parce qu'il fallait bien que le MEDEF obtienne des compensations pour les sommes, quoique modiques, qu'il allait devoir consacrer à la formation professionnelle.
On a marié la carpe et le lapin : un texte résultant d'un accord unanime et un texte ajouté dans la précipitation par le Gouvernement, sans consultation des partenaires sociaux. Et pour cause : on en connaît la teneur !
Ce texte constitue en effet la première atteinte frontale à la hiérarchie des normes. Il détruit le principe de faveur, qui était l'un des fondements de notre droit du travail et des garanties des salariés ; nous avons évoqué tout cela au cours du débat.
Nous avons le souvenir, encore proche, de la gêne des parlementaires de votre propre majorité, monsieur le ministre. Comment expliquer autrement le dépôt par le rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale d'un amendement tendant à ce que des parlementaires soient désormais membres de la Commission nationale de la négociation collective ? Cela relève d'ailleurs de la plus totale confusion. On ne peut résoudre ainsi le problème de l'articulation entre les prérogatives des partenaires sociaux et les droits du Parlement.
Vous avez alors obtenu le retrait de cet amendement, monsieur le ministre, en déclarant : « Si nous entrons dans un processus d'élaboration des normes sociales un peu différent de celui qui prévaut actuellement, la question de l'association du Parlement se posera en des termes si complexes qu'elle ne peut être résolue au détour d'un amendement ». Vous aviez raison !
Nous savons déjà que les mesures proposées dans le rapport de Michel de Virville sur la simplification du code du travail ont toutes les chances de nous être présentées par ordonnances. Pourquoi perdre son temps en discussions byzantines ? Après tout, cela ne concerne que quelques millions de salariés !
Quant aux objectifs que le MEDEF juge prioritaires, comme le fait de différer le paiement des salaires grâce au compte épargne-temps ou d'obliger les salariés à enfiler les heures supplémentaires sans restriction, il n'est pas nécessaire, là non plus, d'inventer une nouvelle procédure compliquée. Il est toujours possible de les atteindre, d'une manière accélérée, avec la collaboration de parlementaires obligeants.
En effet, quand il n'existe aucune chance de recueillir l'approbation des personnes ou des organisations représentatives, n'est-il pas plus simple de ne pas les consulter ? C'est une façon de s'éviter bien des embarras, des débats difficiles et des pertes de temps. Mieux vaut frapper la cible immédiatement.
Que ce processus ait précisément eu pour objet ce que vous appelez « le dialogue social » ne manquait pas d'ironie en ce mois de mai 2004. C'était une forme d'humour, sans doute involontaire, mais d'un raffinement particulièrement cruel si l'on en juge les conséquences pour les salariés.
Vous avez ainsi franchi la première grande étape de votre entreprise de destruction autoritaire du droit du travail. Nous sommes aujourd'hui devant une nouvelle étape : l'application concrète de la révolution juridique et sociale que vous avez votée. Quoi qu'il advienne, votre responsabilité sera pleine et entière.
Vous avez enclenché un processus soigneusement réfléchi et élaboré dans les bureaux du MEDEF. Vous en assurez la mise en oeuvre, contre tous les principes juridiques établis et contre les fondements de la démocratie sociale.
Pour la deuxième fois, et sur des questions d'importance, vous avez totalement négligé l'avis des partenaires sociaux. Nous aurions souhaité vous voir surseoir à la discussion de cette proposition de loi, afin que soit au moins garanti le respect de la démocratie sociale.
M. Claude Domeizel. Très bien !
Mme Raymonde Le Texier. Même si, dans le cadre d'une proposition de loi, le Conseil d'Etat ne peut être saisi, il serait utile de recueillir l'avis de la Commission nationale de la négociation collective, éventuellement du Conseil économique et social, et de faire réaliser par les services du Sénat, dont la compétence n'est plus à démontrer, une étude d'impact.
Nous vous posons donc cette simple question, monsieur le ministre : pourquoi n'avez-vous pas consulté les partenaires sociaux sur ce texte ?
M. Claude Domeizel. Parce qu'ils en avaient peur !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Cet amendement prévoit une mesure dilatoire destinée à retarder l'adoption du texte : il s'agit de saisir de nouveau les partenaires sociaux alors qu'une importante concertation a déjà eu lieu. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le renvoi à la négociation collective a fait l'objet d'un engagement qui figure dans le préambule de la loi relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, adoptée le 4 mai 2004. J'ai eu l'occasion, précédemment, de rappeler l'importance que le Gouvernement attachait au dialogue social.
Cet engagement a été tenu puisque, le 30 juin dernier, nous avons adressé, avec Jean-Louis Borloo, à l'ensemble des partenaires sociaux, une lettre relative au plan de cohésion sociale. Je tiens d'ailleurs à préciser que ce plan ne se limite pas à la cohésion sociale : il concerne également le dispositif relatif au réaménagement du temps de travail, même si les aspects juridiques en ont été fixés par une proposition de loi.
La négociation interprofessionnelle est actuellement engagée sur des sujets comme la pénibilité, les séniors ou les nouvelles conditions du télétravail.
En ce qui concerne plus spécifiquement l'aménagement du temps de travail, j'ai eu l'occasion de rencontrer longuement et officiellement, à deux reprises, au mois d'août et au début du mois d'octobre 2004, chacun des partenaires sociaux. Ensuite, le Premier ministre a reçu, à la fin du mois d'octobre et au début du mois de novembre, l'ensemble des partenaires sociaux, avant d'arrêter le projet de contrat France 2005. C'est dire qu'un réel dialogue a été engagé avec les partenaires sociaux. En portent d'ailleurs témoignage les réactions que vous retrouverez dans les dépêches de presse ou les échanges que nous avons pu avoir et dont certains ont été rendus publics.
Telles sont les raisons pour lesquelles je ne peux pas être favorable à cet amendement. Je tenais néanmoins à préciser au Sénat que nous avons agi non pas en catimini, mais après deux rapports - un rapport du Gouvernement au Parlement à la fin de l'année 2002 et un rapport de la mission d'information de l'Assemblée nationale - et à la suite de différents échanges avec les partenaires sociaux.
M. le président. L'amendement n° 121, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Dans l'avant-dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 122-14-4 du code du travail, sont supprimés les mots : « sauf si la réintégration est devenue impossible, notamment du fait de la fermeture de l'établissement ou du site ou de l'absence d'emploi disponible de nature à permettre la réintégration du salarié. »
La parole est à Mme Eliane Assassi.
Mme Eliane Assassi. Pour justifier cette réforme de l'organisation du temps de travail, le Gouvernement ne cesse de répéter qu'il prône le dialogue et la négociation entre les partenaires sociaux. Le problème, mes chers collègues de la majorité sénatoriale, c'est qu'avec vous les termes « plus de négociation » sont synonymes de développement contraint de la négociation d'entreprise non pas pour améliorer les règles et les garanties contenues dans le code, les accords interprofessionnels ou les accords de branche, mais bel et bien pour y déroger.
Cette proposition de loi est à l'image de la loi Fillon de janvier 2003, qui a permis que soient négociés, à titre exceptionnel, des accords de méthode dérogeant à notre droit du travail dans un domaine sensible, celui des licenciements économiques et des restructurations
Cet argument du dialogue social est martelé non pas uniquement pour la réforme des 35 heures, mais pour toutes les lois concernant l'emploi ou la solidarité, comme la loi de programmation pour la cohésion sociale. Le rapporteur de la commission des affaires sociales avait justifié la disposition de régression sociale que constituait la suppression de la jurisprudence « Samaritaine » en déclarant qu'elle répondait simplement au besoin « d'ouvrir de nouveaux champs à la négociation collective, afin de prévenir et de mieux gérer les procédures de licenciements ».
Pourtant, sur ce sujet, Hervé Novelli, auteur de la proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui, n'avait pas cru bon de prendre de telles précautions en qualifiant cette jurisprudence d'« absurde » et en la considérant comme une « incohérence de notre droit du travail ».
Le vote, par la majorité, d'un amendement qui vise à supprimer l'obligation faite à l'employeur, en cas de plan social, de reclasser les salariés au sein de l'entreprise ou du groupe - amendement exigé par le MEDEF - a fait la démonstration du peu d'attachement que porte ce gouvernement aux principes fondamentaux de notre législation sociale, en l'occurrence à l'ordre public social et à la hiérarchie des normes.
Associée à la suppression pure et simple de l'amendement « Michelin », qui fait obligation de passer aux 35 heures avant tout plan social et tout licenciement dans l'entreprise, la suppression de la jurisprudence « Samaritaine » nous donne justement l'exemple de votre conception du droit du travail. Votre décision de suspendre ces éléments protecteurs, indispensables pour les salariés, prévus d'ailleurs dans la loi de modernisation sociale en cas de licenciements ou de plans sociaux, ne peut conduire qu'à la perte d'emplois dans notre pays.
Si l'on ajoute à cela que l'allongement du contingent d'heures supplémentaires et la destruction des 35 heures ne feront que supprimer toute possibilité de création d'emplois, l'avenir que vous réservez aux salariés et aux sans-emploi de ce pays s'assombrit de jour en jour.
L'amendement que nous présentons vise précisément à supprimer les exceptions telles que la fermeture de l'établissement ou l'absence d'emploi disponible, posées par la loi de programmation pour la cohésion sociale, au droit de réintégration des salariés en cas de nullité du licenciement prononcé par le juge.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement prévoit de revenir sur une mesure qui a été décidée lors de l'adoption de la loi de programmation pour la cohésion sociale, en décembre dernier. En outre, cette disposition est sans rapport avec la question de la durée du travail. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Il y a non pas abandon de la jurisprudence « Samaritaine », mais prise en compte du principe de réalité : on ne peut imposer une obligation de réintégration lorsque cette dernière est matériellement impossible. Quand les entreprises ont disparu du territoire, les réintégrations fictives sont contre-productives. Ces réalités devraient s'imposer d'elles-mêmes !
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 10, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement organise avant la fin du deuxième trimestre de l'année 2005 une conférence sur les salaires, l'emploi, les conditions de travail, l'organisation du temps de travail réunissant l'ensemble des organisations représentatives syndicales et patronales.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. « Jamais les entreprises françaises n'ont autant choyé leurs actionnaires. »
M. Roland Muzeau. C'est sûr !
Mme Raymonde Le Texier. Ce n'est pas nous qui le disons : c'est le Figaro économie, dans son édition du 18 février.
Mme Catherine Procaccia. Vous lisez Le Figaro ?
Mme Raymonde Le Texier. Mais oui ! Par inadvertance, il m'arrive de lire Le Figaro !
M. Ladislas Poniatowski. C'est un très bon journal !
Mme Raymonde Le Texier. Nous apprenons ainsi que les entreprises du CAC 40 ont reversé à la Bourse, pour les années 2003-2004, 56 milliards d'euros en rachetant leurs propres actions. Au niveau européen, entre les dividendes aux actionnaires et les rachats d'actions, le total atteint 230 milliards d'euros.
Permettez-moi de citer quelques chiffres qui figurent dans cet excellent article du Figaro économie. La firme Total arrive en tête du classement pour 2004, avec 2,6 milliards d'euros distribués. Parallèlement, le groupe a racheté 3,6 % de son capital pour l'annuler, augmentant ainsi le revenu des actions restantes. Il y a non seulement distribution de dividendes, mais également concentration du capital à l'intérieur de la société pour concentrer aussi les dividendes, qui profitent ainsi aux plus gros actionnaires. Ainsi, faut-il rappeler au Sénat que la holding Wendel Investissement, dont le président est M. Seillière, a procédé à un rachat massif de ses actions ?
D'autres sociétés ont agi de même, notamment des banques comme BNP Paribas, la Société générale ou le Crédit Lyonnais. Et, nous explique-t-on benoîtement, la tendance se poursuit en 2005. Par exemple, Schneider Electric a augmenté son dividende de 64 %, et le secteur bancaire entre 30 % et 40 %, selon les cas.
Dans le même temps, le Gouvernement et sa majorité ont l'audace de nous dire que les salaires ont diminué à cause des 35 heures et de la baisse de la valeur du travail. Le seul moyen de corriger cette situation serait donc de permettre aux salariés de travailler plus pour gagner plus, en faisant des heures supplémentaires et en les plaçant sur un compte épargne-temps.
On croit rêver ! Si le pouvoir d'achat a reculé en 2003 de 0,5 %, chiffre officiel de l'INSEE, pour ne regagner que 0,5 % en 2004, et stagner en 2005, c'est la faute des 35 heures ! Si le pouvoir d'achat des cadres est en baisse constante de 10 % entre 1990 et 2004, c'est la faute des 35 heures, qui n'existaient pas à l'époque. Si la pauvreté touche 7 millions de Français, ce n'est pas parce que le chômage frappe 2 millions et demi de nos concitoyens et, la précarité, 20 % des salariés, ce n'est pas parce que les minima salariaux, dans 198 branches sur 242, sont inférieurs au SMIC : c'est la faute des 35 heures !
Cela me fait penser à une petite histoire, que vous connaissez sans doute : celle des trois enveloppes. Il s'agit d'un PD-G qui vient d'être nommé à la tête d'une société très importante : ce n'est pas une maison facile, lui dit-on, mais vous disposez de trois enveloppes à ouvrir en cas de problèmes. Quelques mois plus tard, confronté à des menaces de grève, le PD-G ouvre la première enveloppe, dans laquelle il lit : « Dites que c'est la faute de vos prédécesseurs ! » Les choses se calment. Quelque temps après, la situation se dégradant de nouveau au sein de l'entreprise, il ouvre la deuxième enveloppe : « Dites que c'est la faute de la conjoncture. ». Après un retour au calme, la situation s'envenimant encore, le PD-G se voit contraint d'ouvrir la troisième enveloppe, et il lit : « Préparez trois enveloppes.»
M. Ladislas Poniatowski. Pour votre successeur !
Mme Raymonde Le Texier. Mes chers collègues de la majorité, monsieur le ministre, vous avez tellement abusé des deux premières enveloppes au cours de ces trois jours que je me demande si n'est pas venu le moment de préparer trois enveloppes !
M. Claude Domeizel. C'est une bonne idée !
Mme Raymonde Le Texier. Il est temps de rappeler que les Français travaillent et qu'ils ont l'une des plus fortes productivités au monde. On a envie de dire simplement : sinon, d'où vient l'argent ?
M. Roland Muzeau. Eh oui !
Mme Raymonde Le Texier. D'où viennent ces dizaines de milliards d'euros consacrés à conforter le capitalisme patrimonial par distribution de dividendes et rachat d'actions ?
Nous sommes en face de l'une des plus grandes injustices historiques : l'aboutissement du déséquilibre programmé dans le partage de la valeur ajoutée entre les détenteurs du capital et les travailleurs. Aux uns sont réservés les dividendes et les stock-options, aux autres, les bas salaires, les emplois précaires et le chômage.
Cette situation est non seulement scandaleuse mais aussi dangereuse. C'est pourquoi nous demandons instamment au Gouvernement d'organiser, avec les partenaires sociaux, une conférence sur les salaires, les conditions de travail et l'emploi. II est de la responsabilité des pouvoirs publics de rétablir un minimum d'équité dans le fonctionnement de la société salariale et non pas d'encourager une société de prédation se développant au détriment des plus faibles. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. L'amendement n° 122, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le chapitre 1 du titre III du livre premier du code du travail est ajouté un chapitre ainsi rédigé :
« Conférence nationale sur les salaires ».
La parole est à Mme Eliane Assassi.
Mme Eliane Assassi. Le moins que l'on puisse dire en ce qui concerne cette réforme de l'organisation du temps de travail, c'est qu'il n'est pas tout à fait certain que la priorité des priorités soit de donner des facilités nouvelles aux employeurs pour aménager le temps de travail de leurs salariés, quitte à mettre un terme à l'existence concrète des 35 heures.
Ce qui est de plus en plus évident aujourd'hui, c'est le caractère éminemment scandaleux de la faiblesse des rémunérations versées au regard des richesses créées par le travail. Les plus récentes études, qu'elles portent sur l'emploi, sur le niveau des rémunérations, sur les stratégies d'embauche des entreprises, sont, de ce point de vue, particulièrement éclairantes.
« Gagner plus en travaillant plus » est le slogan des auteurs de cette proposition de loi, qui est en fait le projet de loi que vous n'avez pas osé déposer, monsieur le ministre. Mais, avant de gagner plus, il serait bon de percevoir le minimum de ce qu'il convient de gagner !
Prenons un exemple. Dans l'avenant à la convention collective du commerce de détail des fruits et légumes, de l'épicerie et des produits laitiers du 20 septembre 2004 portant sur les salaires, on peut lire notamment : « Au 1er juillet 2004, le SMIC horaire a été augmenté par voie réglementaire de 5,8 %. Le taux horaire minimum est donc passé de 7,19 euros à 7,61 euros. Cette augmentation de 5,8 % se décompose ainsi : 2,1 % au titre de la hausse de l'indice des prix à la consommation hors tabac des ménages urbains ; 3,7 % pour le retour au SMIC unique au 1er juillet 2005. Dans la grille de salaires de la convention collective nationale des fruits et légumes, épicerie et produits laitiers, cinq niveaux (...) se retrouvent en dessous du SMIC. Les partenaires sociaux se prononcent pour une nouvelle grille de salaires en prenant ainsi compte de l'augmentation du SMIC et de la volonté, partagée par tous, de rendre plus attractifs les différents niveaux de la grille de salaires. »
La situation que connaît cette branche professionnelle est loin d'être unique, puisque de multiples branches sont dans le même cas.
Tous les ans, parce que les minima salariaux conventionnels sont inférieurs au SMIC tel qu'il est aujourd'hui défini, des avenants aux conventions collectives sont nécessaires pour permettre aux salariés de se retrouver au niveau salarial minimal garanti.
Gagner plus en travaillant plus, est ce donc vraiment la question ?
Gagner plus, certainement ! On peut en effet souligner, entre autres phénomènes, la persistance d'un faible niveau de rémunérations dans nombre de secteurs d'activité. Ainsi, dans le domaine des services à la personne - secteur d'activité que le plan Borloo pour la cohésion sociale entend développer de manière sensible ces prochaines années - aujourd'hui, le tiers des salariés ne reçoivent, comme rémunération, que le SMIC ou le minimum garanti par l'application des lois Aubry et Fillon relatives à l'aménagement du temps de travail.
Selon les données de l'Institut national de la statistique et des études économiques, l'INSEE, ce sont 16 % des salariés qui touchent moins de 950 euros mensuels.
Au 1er juillet 2003, toujours selon l'INSEE, la part des salariés rémunérés au SMIC ou bénéficiant de la garantie mensuelle était de 13,4 %, ce pourcentage atteignant plus de 17 % dans l'industrie agroalimentaire, plus de 18 % dans le commerce et la distribution et donc, comme nous l'avons souligné, plus de 33 % dans le secteur des services à la personne.
Le débat sur le « gagner plus en travaillant plus » a donc quelque chose d'indécent.
La conférence annuelle sur les salaires, dont nous proposons, par le biais de cet amendement, la tenue permanente, en tant qu'élément de notre droit du travail, permettrait de reposer la question des salaires dans des termes les plus justes.
M. le président. L'amendement n° 123, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le chapitre 1 du titre III du livre premier du code du travail, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L... . - Une conférence nationale sur les salaires est convoquée lors du premier semestre de chaque année civile.
« Les organisations syndicales représentatives de salariés et d'employeurs, les ministères concernés, sont partie prenante de cette conférence annuelle.
« La conférence fait le point sur les évolutions salariales observées dans les entreprises du secteur marchand, au regard du bilan de la négociation collective de branche et formule toute proposition tendant notamment à favoriser le respect de l'égalité salariale entre hommes et femmes, le maintien et l'augmentation du pouvoir d'achat des salariés, la reconnaissance des qualifications acquises. »
La parole est à Mme Eliane Assassi.
Mme Eliane Assassi. La question essentielle posée par la situation économique et sociale actuelle est non pas celle de l'aggravation de la flexibilité et de la souplesse d'organisation des entreprises, qui va d'ailleurs de pair, de manière inversement proportionnelle, avec la dureté croissante des conditions de travail imposées aux salariés, mais bien plutôt celle du partage de la richesse créée par le travail.
Mes chers collègues, qu'on le veuille ou non, le chef d'entreprise n'est jamais le Messie et le capital ne se reproduit jamais par génération spontanée, puisqu'il faut toujours l'intervention des salariés pour qu'il devienne un bien ou un service commercialisable !
La tendance lourde que nous observons depuis plusieurs années est bien connue. La part des salaires dans la valeur ajoutée est en effet en réduction tendancielle affirmée puisque, de l'aveu même du président du MEDEF, nous en sommes revenus à la situation des années soixante.
Cela signifie donc que les entreprises sont parvenues à une situation originale : réaliser des profits maximaux sans le plein emploi ; de ce fait, le coût social de la situation est supporté par les autres acteurs économiques et sociaux.
En réalité, dans la dernière période, avant l'adoption des lois Aubry, que certains ne manquent pas de brocarder aujourd'hui, la progression de la productivité apparente du travail se traduisait par la lente réduction de la part des salaires dans la valeur ajoutée.
Ainsi, entre 1996 et 1998, les salaires sont passés de 64,5 % à 62,5 % de ladite valeur ajoutée.
Légèrement relancé après le changement de majorité parlementaire, le mouvement de progression des salaires au regard des richesses créées a ramené les rémunérations à la fin de l'année 2002 à la hauteur de celles de 1996. Mais, depuis, la décrue reprend et se poursuit. Et la tendance est de ramener vers les 60 % de valeur ajoutée la part des salaires.
Certaines dispositions du présent texte - je pense notamment à la monétisation du compte épargne-temps et à sa transformation en abondements à des plans d'épargne pour la retraite collectifs, les PERCO - tendent d'ailleurs à perpétuer ce processus tandis que l'autisme dont fait preuve le Gouvernement à l'égard de ses propres agents est le meilleur exemple donné aux entreprises pour pratiquer à l'envi la modération salariale.
La réalité est donc bien connue de tous. La France devient un pays de bas salaires, où l'emploi rémunéré aux minimaux légaux et conventionnels est encouragé, notamment par le biais des dispositifs d'allégement de cotisations sociales et par l'usage de la prime pour l'emploi, où les qualifications réelles des salariés ne sont pas reconnues à leur juste valeur, où la valeur ajoutée créée par le travail est de plus en plus détournée au profit du versement de dividendes juteux pour les actionnaires ou les avisés détenteurs de plans d'option d'achat d'actions.
Il faut remettre les choses en place. Nous ne sommes pas certains que les gens soient volontaires pour travailler plus en vue de gagner plus. A dire vrai, ils souhaitent sans doute d'abord et avant tout gagner mieux et être, de fait, rémunérés comme il convient, eu égard à leurs compétences, à leur productivité, à leur qualification.
Dans ce débat, seule une négociation annuelle, réunissant tous les partenaires sociaux sous l'arbitrage des pouvoirs publics, est à même de donner les orientations et les impulsions nécessaires pour répondre aux attentes.
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 10, 122 et 123 ?
M. Louis Souvet, rapporteur. L'amendement n° 10 tend à organiser une vaste conférence fourre-tout dans laquelle seraient traités des sujets tels que les salaires, l'emploi, les conditions de travail, l'organisation du temps de travail, voire la santé au travail, la pénibilité, l'emploi des séniors, etc.
Je doute fort qu'une telle consultation des partenaires sociaux embrassant tant de sujets distincts puisse déboucher sur des propositions concrètes.
La démarche du Gouvernement, qui consiste à encourager la négociation sur des thématiques bien identifiées, comme la pénibilité au travail ou l'emploi des séniors, paraît bien plus appropriée.
De plus, l'adoption de cet amendement conduirait à donner une injonction au Gouvernement, ce qui, me semble-t-il, est contraire à la Constitution. La commission émet donc un avis défavorable.
Les amendements nos 122 et 123 visent à prévoir l'organisation annuelle d'une conférence sur les salaires à laquelle participeraient le Gouvernement et les partenaires sociaux. Le Gouvernement étant intéressé au premier chef par cette mesure, la commission des affaires sociales souhaite connaître son avis sur l'opportunité d'une telle initiative.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je rappellerai tout d'abord dans quelles conditions le code du travail organise la négociation salariale au sein des articles L.132-12 en ce qui concerne la branche et L.132-27 en ce qui concerne les entreprises.
Seul le SMIC relève d'une décision nationale. Hormis ce cas de figure, la fixation des salaires relève de la négociation soit de branche, soit d'entreprise. C'est d'ailleurs un moment fort de la négociation entre les partenaires sociaux.
L'Etat est naturellement attentif à ces négociations, mais l'expression « Grenelle des salaires » entendue au sens où l'Etat réunirait l'ensemble des acteurs pour faire une police des salaires est fausse et source d'illusions.
M. Ladislas Poniatowski. Bien sûr !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. L'Etat suit, bien évidemment, de très près l'évolution tant des négociations que du partage entre salaires et profits d'entreprise. C'est pour suivre cette évolution de la négociation que, le 18 mars prochain, je réunirai la sous-commission des salaires non seulement pour faire le point, mais aussi pour dresser l'état des minima conventionnels dans les branches.
M. Roland Muzeau. Il vaut mieux, car vous avez vu la situation...
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je voudrais rappeler quelques chiffres en ce qui concerne l'évolution du pouvoir d'achat au sens des comptes nationaux.
Après le retournement de conjoncture et le gel salarial, l'année 2004 a connu pour la première fois une progression. Ainsi, le salaire mensuel de base ouvrier a enregistré une croissance de 1,1 point, selon les données qui viennent de nous être communiquées et qui seront transmises à la prochaine sous-commission des salaires.
Nous aurons l'occasion de présenter des comparaisons avec ce qui existe dans les autres pays européens. Ainsi, plutôt que de véhiculer des affirmations sur « la France, pays à bas salaires », chacun saura quelle a été, au sein de la Communauté européenne, dans la zone euro et hors de cette zone, l'évolution réelle des salaires. Nous verrons que certaines formules un peu rapides mériteraient un examen plus approfondi.
En tout cas, la sous-commission des salaires, qui appartient à la Commission nationale de la négociation collective, sera informée et débattra dans les semaines qui viennent.
Selon certains, les négociations seraient en panne.
Mes chers collègues, au cours de l'année 2003, ont eu lieu trois cent quatre-vingt-quatre négociations salariales de branche. Ce chiffre est supérieur à celui de 2002 et de 2001. Au niveau des entreprises, le nombre de ces négociations s'est situé autour de 5 000, comme je l'ai indiqué lors de la discussion générale.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement n'est pas favorable à ces amendements.
Naturellement, il est attentif à la répartition entre salaires et profits. A l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à l'entreprise, nous aurons à débattre de la participation. Nous pourrons constater que, dans un certain nombre d'entreprises figurant au CAC 40, participation et intéressement représentent un treizième et un quatorzième mois, octroyant aux salariés une part de l'accroissement du profit de ces entreprises. Dans une entreprise pétrolière, ces gains représenteront même deux mois supplémentaires de salaires pour l'année 2004. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Eliane Assassi, pour explication de vote sur l'amendement n° 122.
Mme Eliane Assassi. Le fait est que, si pour les salariés les dernières années ont été des périodes de vaches maigres en termes de progression de la rémunération mensuelle et annuelle, il n'en a pas été de même pour les plus grands patrons du pays, et notamment pour les patrons des entreprises cotées au CAC 40.
Manifestement, la croissance n'est pas perdue pour tout le monde ; elle permet aux conseils d'administration des entreprises de l'« indice vedette » de la bourse de Paris de voter des rémunérations confortables à leurs PDG favoris.
A mon tour, monsieur le ministre, de citer des chiffres : champion toutes catégories, le PDG de TotalFinaElf a pu annoncer 9 milliards d'euros de bénéfice net pour son groupe, tandis que son salaire annuel s'est élevé en 2003 à 2,787 millions d'euros, soit une hausse de 10 % par rapport à l'année précédente.
A quoi devons-nous attribuer cette gratification : à la poursuite de la prospection pétrolière en Birmanie, en bonne intelligence avec le régime qui retient prisonnière Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix, ou à la lenteur calculée mise en oeuvre pour indemniser les communes littorales victimes de la pollution de l'Erika ?
Le PDG de la Société générale a perçu près de 3 millions d'euros de salaire, ce qui doit représenter la rémunération de quelques-uns des employés aux guichets d'accueil du public, pour un résultat comptable de près de 2,5 milliards d'euros !
Mais les entreprises déficitaires en termes comptables n'en ont pas nécessairement tenu rigueur à leurs PDG.
Prenons l'exemple particulièrement intéressant d'Alcatel, dont le résultat comptable en 2003 était déficitaire de 1,94 milliard d'euros, entamant largement les fonds propres du groupe, et qui a pourtant versé 2,306 millions d'euros de rémunération à Serge Tchuruk, soit une hausse de plus de 50 % par rapport à l'année précédente. Or Alcatel, si je ne m'abuse, vient d'annoncer un plan social touchant un certain nombre de ses établissements !
Et la même situation se retrouve en bien d'autres groupes !
Comment ne pas pointer du doigt la morgue avec laquelle TotalFinaElf, bien qu'ayant « explosé » tous les records de profit en 2004, annonce une profonde restructuration de son pôle chimie, notamment par la réduction de moitié des effectifs de son usine historique de Saint-Auban dans les Alpes de Haute Provence, où, sur les 713 emplois que compte actuellement le site Arkema, 380 suppressions de postes sont programmées ?
Nous pourrions ainsi multiplier les exemples du dédain croissant des conseils d'administration des plus grands groupes de ce pays pour le devenir de leurs salariés, tandis que les PDG sont remerciés de leur diligence à faire croître les taux de profit et à concevoir des restructurations meurtrières pour l'emploi.
Décidément, la conférence annuelle sur les salaires est une nécessité. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Eliane Assassi, pour explication de vote sur l'amendement n°123.
Mme Eliane Assassi. Un très grand quotidien du soir a publié cette semaine une analyse intéressante sur l'évolution économique de notre pays.
Nous sommes en effet confrontés à une situation pour le moins paradoxale : la croissance semble avoir connu une relative progression en 2004 - on parle d'un taux de croissance situé entre 2,3 % et 2,5 % - tandis que le taux de chômage vient d'atteindre la barre fatidique des 10 %.
Les faits sont patents : à taux de croissance équivalent, les entreprises françaises ont créé en 2004 six fois moins d'emplois qu'elles ne l'avaient fait six ans plus tôt.
Tout se passe comme si nous étions entrés dans un nouveau cycle où la progression de la productivité apparente du travail pèserait sur l'emploi et les salaires, au moment même où l'on persiste à vouloir développer les solutions individualisées de rémunération directe ou différée ; je pense au développement des produits d'épargne retraite.
Oui, les salariés de ce pays souhaitent gagner plus. Mais veulent-ils pour autant que leurs conditions de rémunération se dégradent au travers d'une série de mesures qui dérèglent un peu plus leur rythme de travail, qui permettent d'accumuler horaires décalés et heures supplémentaires, mesures dont d'aucuns osent prétendre qu'elles mettent « un terme aux rigidités du code du travail » ?
Le sentiment le mieux partagé est celui de l'accroissement de l'intensité du travail, de la complexité croissante des processus de production, voire, bien souvent, de l'accroissement de la pénibilité du travail.
Ce n'est d'ailleurs pas qu'un sentiment diffus, une impression vague. Cela correspond à la réalité que l'on connaît dans nombre de secteurs où l'aménagement du temps de travail a été gagé sur l'allongement de la durée d'utilisation des équipements matériels, la généralisation du travail de nuit et de fin de semaine, la généralisation des horaires décalés et de la rémunération liée aux résultats.
Combien d'accords collectifs ont en effet été signés, puis validés et étendus, qui comportaient des clauses de modération salariale liant de fait toute perspective de progression des rémunérations aux seules performances individuelles !
C'est de cette situation que nous héritons aujourd'hui, et c'est elle qu'il convient de remettre en question aujourd'hui. C'est pourquoi nous ne pouvons, mes chers collègues, que vous engager à voter notre amendement. (Très bien ! sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt-deux heures.)
M. le président. La séance est reprise.
Dans la discussion des articles de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise, nous poursuivons l'examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l'article 1er et qui avaient été précédemment réservés.
L'amendement n° 12, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
L'avant-dernier alinéa de l'article L. 212-4 du code du travail est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Le temps de déplacement professionnel est constitutif d'un temps de travail effectif. Il est constitué par :
« - le temps de trajet effectué par le salarié dans le cadre de sa mission pour le compte de l'entreprise lorsque ce temps coïncide avec l'horaire collectif de travail ;
« - le temps de déplacement du salarié nécessaire pour l'exécution de sa mission pour se rendre, à partir de son domicile, sur le lieu d'exécution du contrat de travail lorsque celui-ci n'est pas le siège de l'établissement. »
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement, relatif au temps de déplacement, vise à revenir sur une définition du temps de travail injustement restrictive, et ce à double titre, parce qu'elle est contraire à la réalité, à la vérité des faits, et parce qu'elle est contraire à l'équilibre entre les intérêts des employeurs et des salariés, et donc à la justice.
Cette définition, comme nombre de mauvais coups, est apparue au détour d'un amendement adopté à l'Assemblée nationale, sans que bien entendu - et pour cause ! - les partenaires sociaux - tout au moins les organisations syndicales - aient été consultés ou même informés. Il est d'ailleurs intéressant - si l'on peut dire - que cet amendement ait été voté dans le cadre de l'examen d'un texte censé promouvoir la cohésion sociale.
Jusqu'à l'adoption de l'article 69 de la loi de programmation pour la cohésion sociale, les déplacements bénéficiaient d'une définition et d'un statut clairs.
Quand le salarié quitte son domicile pour se rendre au travail dans son entreprise, cela s'appelle le trajet, et ce n'est pas du temps de travail. En cas d'accident, il s'agit non pas d'un simple accident de la circulation, par exemple, mais d'un accident de trajet, soumis à une législation particulière. Mais, lorsque le salarié arrive à son entreprise, on entre dans le champ du temps de travail.
Si le salarié quitte son entreprise pour se rendre sur un chantier, ou si son employeur le prend à domicile pour aller directement sur un chantier, on est toujours dans le temps de travail, tel qu'il est défini par le code du travail. Le salarié est, en effet, à la disposition de son employeur sans pouvoir vaquer à ses occupations personnelles.
L'amendement qui a « opportunément » modifié cet état de fait ne concerne que les déplacements professionnels, dont je parlais à l'instant. Ainsi, les salariés itinérants ne se verront plus décompter ces déplacements dans le temps de travail, alors qu'il s'agit bien de déplacements strictement professionnels, et non de simples trajets entre le domicile et le lieu de travail.
Monsieur le ministre, vous avez obtenu la bénédiction du Conseil constitutionnel sur cet amendement. Vous avez déclaré à l'Assemblée nationale, le 3 février dernier, qu'une indemnisation spécifique devait être octroyée aux salariés amenés à se déplacer lors de leur activité professionnelle. Mais une indemnité n'est pas un salaire. Une indemnité n'est accordée que lorsque l'on sort du temps de travail effectif pour entrer dans cette zone des astreintes que vous assimilez à du repos, et des permanences qui connaîtront sans doute bientôt le même sort. Une indemnité n'atteint pas le niveau d'un salaire horaire.
Nous revoici en présence de ce rétrécissement programmé du temps de travail, où l'on s'efforce de sortir de la rémunération des salariés tout ce qui est considéré comme à la frontière du travail effectif.
Permettez-moi de vous citer, monsieur le ministre, le mensuel de l'UIMM, l'Union des industries métallurgiques et minières, de janvier 2005, qui souligne, avec la plus grande clarté, que cet amendement introduit dans la loi dite de cohésion sociale a pour objet de « ne pas faire entrer dans le décompte des heures supplémentaires le temps de trajet entre le domicile et le lieu de travail pour les salariés itinérants en déplacement chez un client ».
Ainsi, les salariés qui se rendent avec leur employeur sur un chantier, ou ceux qui se rendent directement sur une intervention dans un véhicule de l'entreprise, ne seront plus rémunérés pour ce temps que certains trouveront peut-être amusant de qualifier de « temps de loisir » !
Vous êtes en pleine contradiction, non pas avec le texte que vous nous présentez aujourd'hui, mais avec vos déclarations publiques.
Les salariés sont supposés pouvoir faire dorénavant des heures supplémentaires à tout-va pour gagner plus. Pourquoi, alors, commencer par diminuer le temps de travail effectif ? Pourquoi diminuer les heures de travail, éventuellement les heures supplémentaires que constituent les déplacements professionnels ?
Appliquez-vous aux salariés la théorie du handicap, comme dans les courses de chevaux ? Comment expliquez-vous cette contradiction entre vos propos publics et ce bricolage en forme de meccano sur les heures supplémentaires et, par voie de conséquence, sur le salaire versé ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement vise à revenir sur une solution équilibrée, qui a été introduite très récemment dans notre droit, puisqu'elle résulte de la loi de programmation pour la cohésion sociale qui a été adoptée en décembre 2004.
Que cela reste entre nous, monsieur Godefroy, j'aimerais pouvoir vous dire que j'ai envie d'accepter votre amendement, mais, comme j'ai déjà refusé un amendement similaire défendu par le groupe CRC, que penseriez-vous et que penseraient vos amis si je ne m'en tenais pas à la même logique ? (Sourires.)
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Monsieur Godefroy, le Conseil constitutionnel, qui n'est pas le Sacré Collège et n'a donc pas pu donner sa bénédiction, (Nouveaux sourires) a simplement reconnu que cette disposition était conforme à la Constitution.
Je tiens à le confirmer de manière assez solennelle, l'indemnisation qui est prévue dans ce cadre-là doit être fixée par accord collectif ou, le cas échéant, à défaut d'un tel accord, par l'employeur, dès lors que le temps de déplacement dépasse la durée habituelle de trajet entre le domicile du salarié et son lieu de travail.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 12.
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
La seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 212-4 bis du code du travail est supprimée.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. La définition de l'astreinte et ses conséquences en matière de rémunération est une question qui occupe depuis longtemps les spécialistes du droit du travail.
Je rappelle donc brièvement que la loi Fillon du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi, a modifié l'article L. 212-4 bis du code du travail.
Il s'agissait alors de revenir sur la jurisprudence de la Cour de cassation dans son arrêt « Dalkia » du 10 juillet 2002. Celle-ci précisait alors : « Les périodes d'astreinte, si elles ne constituent pas un temps de travail effectif durant les périodes où le salarié n'est pas tenu d'intervenir au service de l'employeur, ne peuvent être considérées comme un temps de repos ».
Cette jurisprudence était conforme à la définition de l'astreinte, qui est la suivante : « période durant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme temps de travail effectif ».
Nous sommes là dans une logique qui, peut-on dire, se tient : durant l'astreinte, il y a des périodes de travail effectif, qui doivent être rémunérées comme telles.
Cependant, l'astreinte, hors périodes de travail, n'est pas du repos, puisque le salarié ne peut vaquer librement à ses occupations.
Telle est la raison pour laquelle les accords collectifs prévoient un forfait indemnitaire pour les salariés qui sont périodiquement sous astreinte, pour les moments où ils ne sont pas en intervention.
La Cour de cassation avait suivi cette logique, qui avait le mérite de la clarté pour ce que l'on a souvent considéré comme une « zone grise » de la durée du travail.
Le Gouvernement a décidé de porter un coup à cet équilibre, en décidant l'insertion dans le code du travail d'une nouvelle disposition. Désormais, l'astreinte, exception faite de la période d'intervention, est décomptée dans les durées minimales du repos quotidien, soit onze heures, et du repos hebdomadaire, soit vingt-quatre heures.
Pour les dizaines de milliers de salariés qui, dans différentes branches, sont soumis à des astreintes, tout cela n'a rien d'un débat de pure sémantique.
De surcroît, la directive de 1993 relative à l'aménagement du temps de travail est actuellement en procédure de révision, et cette définition du repos pourrait s'étendre aux périodes de garde sur le lieu de travail. Je pense notamment aux permanences de soins qui sont assurées dans les hôpitaux locaux. Imaginerait-on de qualifier la présence de personnels soignants à l'hôpital comme du temps de repos ?
M. Roland Muzeau. Non !
M. Jean-Pierre Godefroy. On peut craindre que, progressivement, la définition du temps de travail effectif, du temps qui doit être rémunéré, ne se réduise comme peau de chagrin, par le recours à tous les arguments possibles, à commencer par les plus contraires au bon sens et à l'équité.
Depuis deux ans, nous assistons à un glissement qui s'opère dans le silence des conférences et des cabinets, mais qui n'en est pas moins particulièrement pernicieux pour les salariés.
Un recours est d'ailleurs engagé devant le comité compétent du Conseil de l'Europe sur la base du non-respect de la Charte sociale des droits fondamentaux.
Nous n'avons évidement aucun espoir de voir notre amendement adopté. Néanmoins, nous aimerions connaître l'avis du ministre et la position officielle de la France sur cette affaire. Cette position a-t-elle évolué depuis le 7 décembre 2004, date de la dernière réunion des ministres chargés de l'emploi ?
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Notre commission a approuvé en son temps la modification du régime de l'astreinte introduite par la loi Fillon du 17 janvier 2003.
M. Roland Muzeau. Hélas !
M. Louis Souvet, rapporteur. Pour des raisons qu'il vous est facile d'imaginer, la commission ne souhaite pas revenir sur ce point. Vous vous souvenez sans doute des nombreuses heures qui nous ont été nécessaires pour nous mettre d'accord sur la définition de l'astreinte.
La non-prise en compte des périodes d'astreinte pour le calcul du temps de repos poserait de sérieux problèmes d'organisation aux entreprises qui doivent organiser des permanences la nuit ou le week-end.
M. Roland Muzeau. Elles l'ont pourtant fait auparavant !
M. Louis Souvet, rapporteur. En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Monsieur Godefroy, je me suis déjà exprimé tout à l'heure sur ce sujet.
D'abord, il faut faire une distinction entre un recours devant le Conseil de l'Europe et la discussion d'un projet de directive modifiant la directive de 1993 sur le temps de travail qui a lieu dans le cadre de l'Union européenne, notamment au sein de la Commission européenne et du conseil des ministres de l'emploi.
La suppression proposée à travers cet amendement remettrait en cause l'objectif de la loi du 17 janvier 2003...
M. Roland Muzeau. C'est bien l'objet !
M. Gérard Larcher, ministre délégué.... qui a complété la loi du 19 janvier 2000 en précisant la situation du salarié, la nature des temps où le salarié n'intervient pas, tirant ainsi les conclusions de la jurisprudence de la Cour de cassation.
Puisque vous m'avez interrogé sur la position de la France dans cette affaire, je répète qu'il faut bien distinguer le recours engagé devant le Conseil de l'Europe des débats que nous avons actuellement au sein du conseil des ministres de l'emploi.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 11.
M. le président. L'amendement n° 14, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
La loi n° 2001-7 du 4 janvier 2001 relative au contrôle des fonds publics accordés aux entreprises est rétablie dans sa rédaction antérieure à la loi de finances rectificative pour 2002 (n° 2002-1576 du 30 décembre 2002).
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Depuis la loi Fillon de 2003, il n'y a plus aucune contrepartie aux exonérations de cotisations sociales patronales. Vous avez en effet déconnecté totalement ces exonérations de la création ou même seulement de la préservation d'emplois, monsieur le ministre.
Cette année, lors du débat budgétaire, nous avons pu constater que, en 2005, 17 milliards d'euros sont octroyés aux entreprises sur le seul budget de l'Etat, sans qu'il soit demandé quoi que ce soit à ces dernières par ailleurs.
Pire encore, la limite d'exonération a été abaissée à 1,6 SMIC, ce qui constitue une incitation directe à ne pas augmenter les salaires dans les entreprises. Là aussi, monsieur le ministre, il y a une contradiction entre votre volonté affichée d'augmenter le pouvoir d'achat des salariés et le résultat des mesures que vous prenez. Et vous ne pouvez feindre d'ignorer à quoi ces mesures vont aboutir inexorablement.
Outre ces 17 milliards d'euros, nous devons aussi compter avec l'ensemble des aides qui sont apportées par les collectivités territoriales et par les fonds européens. Tout cela se fait sans aucun contrôle, si ce n'est un contrôle de légalité réalisé par les chambres régionales des comptes pour les aides des collectivités territoriales.
Le Gouvernement de M. Raffarin est particulièrement sensible à la problématique de la pression fiscale. On ne saurait lui donner tort, tout au moins s'il s'agit de vérifier que l'argent des contribuables est utilisé à bon escient pour favoriser le développement économique, la recherche et l'investissement, l'implantation durable d'entreprises et la création d'emplois.
Or cette vérification n'est pas vraiment effectuée, notamment parce que l'instrument de contrôle prévu à cet effet a été un peu rapidement supprimé, sans que rien ait été prévu pour le remplacer.
Nous sommes donc dans l'obligation d'assister au transfert direct de fonds publics, essentiellement recueillis par la voie d'impôts indirects payés par les ménages, vers les employeurs.
Il serait donc judicieux, au-delà de votre politique de transfert de compétences non financées vers les collectivités, politique qui vous permet de prétendre que vous diminuez la pression fiscale d'Etat, de s'assurer de ce que deviennent, sur la durée, les fonds consacrés à l'aide aux entreprises et au soutien de l'emploi. Ne serait-ce pas l'autre volet d'une saine gestion, cette gestion de bon père de famille à laquelle vous aspirez ?
Je ne voudrais pas conclure sans rappeler que la loi de 2001 avait cette portée générale, contrairement à la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, qui ne concernera par définition que les crédits d'Etat.
De plus, elle permettait aux représentants des salariés de siéger, aux côtés des élus et des représentants des administrations, dans les commissions régionales des aides publiques. Il est vrai que cette intrusion des salariés dans le contrôle de l'utilisation des fonds publics octroyés aux employeurs pouvait ne pas plaire à tous. Des salariés auraient pu découvrir malencontreusement qu'une entreprise ayant bénéficié d'importantes aides diverses, et largement bénéficiaire par ailleurs, préparait un plan social. Le scénario est habituel.
Ne voulant pas que tout un chacun puisse prendre la température, on a donc cassé le thermomètre !
Nous avons déposé cet amendement afin de bien marquer notre volonté de voir rétabli le contrôle de toutes les aides octroyées aux entreprises, et ce dans la plus grande clarté, avec la participation de tous les partenaires concernés. (M. Hugues Portelli pose devant lui une petite pancarte portant la mention : « Soyez bref ».)
M. Louis Souvet, rapporteur. Monsieur Portelli, cet adjectif peut-il prendre la marque du féminin ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. C'est sur l'initiative du Sénat, notamment de sa commission des finances, que la loi du 4 janvier 2001 a été abrogée. La Haute Assemblée avait alors constaté le peu d'utilité de la commission nationale et des vingt-deux commissions régionales créées pour contrôler l'utilisation des aides publiques aux entreprises, ainsi que leur coût.
Nous n'avons aucune raison de revenir aujourd'hui sur l'appréciation que nous avions portée à l'époque. Aussi notre commission émet-elle un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je voudrais rappeler à Mme Le Texier que nous nous sommes trouvés en 2002 devant une situation singulière.
Grâce au passage aux 35 heures, grâce à la modération salariale, il existait sept SMIC ! Assumant ses responsabilités, le Gouvernement a pris la décision, normale et naturelle, nous semble-t-il, dans l'esprit même du SMIC, de faire converger ces SMIC.
M. Claude Domeizel. C'était prévu !
Mme Nicole Bricq. Oui, c'était prévu !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Mais laissez-moi poursuivre ! Nous avons mis fin aux effets d'aubaine et avons exonéré les bas salaires de charges, mesure dont on sait qu'elle est de manière pérenne créatrice d'emplois.
Naturellement, comme le disait Jean-Pierre Fourcade, on peut discuter, et c'est un sujet sur lequel le Parlement aura sans aucun doute l'occasion de débattre, de la manière par laquelle 17 milliards d'euros sont apportés à certaines entreprises, notamment aux plus grandes d'entre elles. Mais nous disposons désormais d'un nouvel outil de contrôle, à savoir la LOLF, et le prochain budget sera l'occasion pour le Parlement de se saisir de ce pouvoir de contrôle renforcé.
De même, la Cour des comptes voit ses moyens de contrôle renforcés et, s'il on en juge aux propos tenus par son premier président, il y a quarante-huit heures, on ne peut douter qu'elle saura se saisir de ces nouvelles possibilités.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, je voudrais savoir s'il est bien normal que nous nous parlions par pancarte interposée. Je me réfère à celle que j'ai vu apposée devant l'un de nos collègues, sur laquelle était inscrite la mention « Soyez bref ».
Si l'on peut désormais s'interpeller par banderoles et pancartes interposées dans cet hémicycle, qu'à cela ne tienne, nous savons faire ! Cependant, je ne suis pas certain que ce soit bien convenable ni même conforme au règlement.
M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement et vous propose de reprendre la discussion là où nous l'avions laissée.
M. Roland Muzeau. Nous sommes bien d'accord sur le fait que cet incident perturbe le déroulement de la séance !
Mme Eliane Assassi. On peut aussi aller se coucher...
Mme Bernadette Dupont. C'est cela, allez donc vous coucher !
M. le président. L'amendement n° 15, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Les articles 41, 42 et 43 de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social sont abrogés.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. M. le rapporteur me verra désolée de prendre une nouvelle fois la parole. J'ai bien entendu, lorsque notre collègue du Val-d'Oise a montré sa pancarte « Soyez bref », que M. le rapporteur a demandé fort judicieusement, alors que je terminais mon propos, si cet adjectif prenait la marque du féminin.
Mme Nicole Bricq. C'est élégant !
M. Roland Muzeau. Et en plus, c'était sexiste !
Mme Raymonde Le Texier. Je suis désolée, monsieur Souvet, je vais à nouveau prendre la parole durant un petit moment. Mais, d'ailleurs, vous le savez bien, les femmes sont bavardes... Vous connaissez tous ces clichés !
Il faut rendre cet hommage au Gouvernement et à sa majorité : une novation succède de près à une autre novation.
Vous avez commencé par une ouverture en fanfare avec la disparition des emplois-jeunes, la charge budgétaire contre le secteur de l'insertion et la diminution drastique des contrats aidés dans les secteurs public et associatif.
Mais il n'est pas de stratège qui ne sache se redéployer lorsqu'il s'aperçoit qu'il s'est étourdiment trop avancé et qu'il se retrouve encerclé par une conjoncture adverse.
Le ministre chargé des affaires sociales, M. Borloo, nous en a fait la brillante démonstration, chargé d'allumer les premiers contre-feux pour lutter contre l'épidémie des plans sociaux et contre l'augmentation non dissimulable du chômage et de la précarité.
Nous voici donc au moins riches de promesses, de maisons de l'emploi à réaliser, de contrats d'avenir à mettre en oeuvre, ou de chômeurs à responsabiliser.
Mais tout cela n'est que jargon et il s'agit dans les faits d'indiquer que seront regroupées l'ANPE, l'UNEDIC et l'AFPA, pour faire patienter les plus démunis en réactivant les contrats emploi-solidarité, au motif que les nouveaux types de contrats aidés dans les secteurs public et associatif ne sont pas prêts.
On pourrait aussi évoquer les menaces qui pèsent sur les contingents de chômeurs envoyés par l'ANPE dans des officines privées, où il leur est expliqué que s'ils n'acceptent pas n'importe quel emploi précaire, déqualifié et sous-payé éventuellement, l'allocation de chômage à laquelle ils ont droit leur sera supprimée. Il est vrai que, si les employés de ces nouveaux bureaux de placement, financés par les cotisations des salariés, sont contraints de proférer de telles menaces, c'est pour assurer leur propre emploi, eux-mêmes étant victimes d'un système profondément malsain et coercitif.
Il ne s'agit pourtant là que d'aspects factuels. Pour le long terme, on s'active, dans les arrière-cuisines du MEDEF, à modifier en profondeur le droit du travail et à faire sauter les si gênantes garanties collectives des salariés.
Tel a été l'objet de la loi relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, dispositif que vous avez précipitamment ajouté à la loi relative à la formation professionnelle.
D'un mot, je rappelle que ce texte a permis d'avancer de manière décisive sur la voie de la modernisation de notre droit du travail, c'est-à-dire sur la voie de sa transformation en un droit anglo-saxon fondé sur l'idéologie libérale et sur la fiction de la relation individuelle égalitaire entre l'employeur et le salarié.
Les exigences des mouvements patronaux sont tellement effrayantes dans cette affaire que, par amendement, notre rapporteur a jugé nécessaire de rappeler au moins la limite de dix heures journalières.
Mais cela est évidemment trop peu. Les garanties collectives des salariés ont disparu ou ne seront bientôt plus qu'une illusion.
Nous entendons donc par cet amendement marquer notre opposition totale et résolue au processus en cours. C'est la destruction des fondements du droit du travail qui donnaient son équilibre à nos relations sociales et protégeaient les salariés structurellement en situation d'infériorité.
Nous persistons à nous étonner que, de tous les engagements pris lors de l'adoption de cette loi, ce soit celui qui est relatif précisément à la négociation préalable à toute intervention législative qui ait été si superbement ignoré. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement a pour objet de revenir sur la réforme des règles de la négociation collective adoptée par le Parlement il y a moins d'un an.
Notre commission est opposée à ce que ce débat sur la réforme des 35 heures soit l'occasion d'ouvrir à nouveau le dossier de la négociation collective. Elle a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je voudrais rappeler à Mme Le Texier, qui nous présente depuis trois jours une vision dramatique de la situation,...
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Dramatique !
M. Claude Domeizel. Mme Le Texier est lucide !
M. Gérard Larcher, ministre délégué.... l'effort considérable que fait le Gouvernement dans le soutien aux chantiers d'insertion.
C'est en effet ce gouvernement qui, grâce à la loi de programmation pour la cohésion sociale, a renforcé l'accompagnement des chantiers d'insertion de 15 000 euros. C'est lui qui a permis que les contrats d'accompagnement par l'emploi soient couverts à hauteur de 95 %, et les contrats d'avenir à hauteur de 90 %.
Quant à l'arrière-cuisine, madame Le Texier, c'est en tout cas une grande cuisine partagée,...
M. Roland Muzeau. Non, monsieur le ministre !
M. Gérard Larcher, ministre délégué.... puisque c'est la position commune du 16 juillet 2001 qui a permis, dans le cadre de la loi du 4 mai 2004, de donner davantage d'autonomie aux différents niveaux de négociation. En vertu de l'article 42, la convention de branche, en revanche, conserve un caractère impératif en matière de salaires minima, de classifications, de garanties collectives dans le domaine de la prévoyance et de mutualisation des fonds de la formation professionnelle. C'est la partie « sanctuarisée » par le législateur.
Aussi, nous ne pouvons pas être favorables à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article additionnel avant l'article 1er ou avant l'article 2 (précédemment réservé)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 124, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l'article L. 212-5 du code du travail est ainsi rédigé :
« I. - Chacune des huit premières heures supplémentaires donne lieu à une majoration de salaire de 25 % et les heures suivantes à une majoration de 50 % ».
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur Larcher, un petit clin d'oeil : à force d'invoquer la position commune, vous allez produire les mêmes effets que pour ce qui est du référendum de mai prochain, dont on ne cesse de vanter les pseudo-avantages. Plus vous parlez de la position commune, plus ceux qui ont travaillé ce texte le regrettent, texte qui, loin s'en faut, n'a pas fait l'unanimité. Vous les tenez pieds et poings liés avec un accord qui a été signé dans un contexte très différent de celui que vous exploitez aujourd'hui. Je vous incite à continuer de la sorte parce que, très franchement, ils se méfient chaque jour davantage de ce qu'ils peuvent écrire ou dire.
Venons-en à l'amendement n° 124, qui ne manquera pas de vous intéresser.
Dès 2002, le Gouvernement s'est empressé de désagréger de nombreuses dispositions du droit du travail particulièrement protectrices pour les salariés.
Tous les domaines ou presque ont été progressivement remodelés en fonction d'une logique libérale bien connue : affaiblissement de la protection contre les licenciements économiques, notamment les licenciements boursiers, inversion de la hiérarchie des normes relatives aux conventions collectives, ou encore remise en cause de la législation sur les 35 heures.
Le Gouvernement essaie par tous les moyens de faire sauter les restrictions à la flexibilité totale des salariés.
La loi Fillon du 17 janvier 2003 a notamment réduit le taux horaire légal de la majoration des heures supplémentaires, le faisant passer de 25 % à 10 %.
Ce que vous proposez aujourd'hui est donc en contradiction totale avec le dispositif mis en place il y a deux ans. En effet, il est proposé d'augmenter une fois encore le contingent annuel d'heures supplémentaires, en faisant croire aux salariés que ceux qui veulent travailler plus pourront ainsi gagner plus, alors que la majoration des heures supplémentaires est moindre.
Les salariés ne sont pas dupes. Si l'on cumule vos dispositions qui prévoient la baisse de la majoration des heures supplémentaires et l'augmentation du contingent annuel de ces mêmes heures, les salariés, assurément, finiront par se rendre compte qu'ils travailleront beaucoup plus, mais sans que leur salaire augmente significativement.
En revanche, le bénéfice est total pour les employeurs, qui disposeront d'une main d'oeuvre flexible, avec 220 heures supplémentaires par an et par salarié - nous serons là bien loin des 35 heures hebdomadaires -, et cela pour un coût dérisoire.
Par ailleurs, un taux de majoration des heures supplémentaires aussi bas, outre qu'il défavorise évidemment les salariés en termes de salaires et de pouvoir d'achat, ce qui n'échappera à personne, ne favorisera pas l'embauche et le retour à l'emploi des quelque 4 millions de chômeurs que compte actuellement notre pays.
Une politique de l'emploi ambitieuse doit avoir pour objectif la baisse du chômage, l'incitation à l'embauche, la revalorisation des salaires et des conditions de travail, et non la multiplication des profits au seul bénéfice des actionnaires.
Dans ce cadre, l'augmentation du contingent d'heures supplémentaires et la baisse du taux de majoration de ces heures sont des mesures totalement contre-productives. Vous vous en apercevrez très vite.
Le taux de chômage vient de dépasser les 10 % et il n'y a strictement aucune raison que la situation s'améliore de manière significative avec une telle politique. Il convient au contraire de décourager le patronat de recourir aux heures supplémentaires afin de favoriser l'embauche.
Si vous persistez dans cette voie, il est probable que l'on assistera passivement à l'explosion du nombre de travailleurs pauvres dans ce pays et au phénomène, au demeurant compréhensible, du refus d'emplois précaires, à temps partiel, qui maintiennent sous la ligne de flottaison ceux qui les acceptent, c'est-à-dire ceux qui ne peuvent pas faire autrement.
Je ne vais pas vous apprendre qu'en 2005 il est possible d'être salarié et sans domicile fixe. C'est le cas d'un tiers des SDF, et c'est tout simplement inacceptable.
Pourtant, votre politique aura pour conséquence, que vous le vouliez ou non, que vous le reconnaissiez ou non, la multiplication de ces travailleurs pauvres.
Nous souhaitons rétablir les droits et protections nécessaires afin que les salariés retrouvent des conditions de travail et de vie dignes. C'est pourquoi nous proposons par cet amendement de revenir à la législation antérieure à la loi Fillon de 2003.
Il convient, d'une part, que ce soit la loi qui fixe les règles en matière de taux de majoration des heures supplémentaires et, d'autre part, que ces heures soient majorées de 25 % puis, au-delà de la huitième heure, qu'elles soient majorées de 50 %.
M. le président. L'amendement n° 48, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les deux dernières phrases du I de l'article L. 212-5 du code du travail sont remplacées par une phrase ainsi rédigée : « Ce taux ne peut être inférieur à 25 % pour les quatre premières heures supplémentaires et à 50 % pour les heures suivantes. »
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Notre amendement prévoit de fixer dorénavant la majoration pour heures supplémentaires à 25 % pour les quatre premières heures et à 50 % pour les heures suivantes.
De nombreux salariés croient, parce que les accords collectifs n'ont pas été modifiés, qu'ils sont encore sous l'empire de la législation antérieure à la loi Fillon de 2003.
Or c'est précisément cette loi qui a permis au Gouvernement et à sa majorité de transformer totalement le régime de majoration des heures supplémentaires. Depuis, c'est par accord que le taux de majoration des heures supplémentaires doit être fixé. Ce taux conventionnel ne peut être inférieur à 10 %. Ce n'est qu'à défaut d'accord que la règle des 25 % et des 50 % s'applique.
Il faut d'ailleurs ajouter que cette affaire est vraiment un feuilleton à épisodes puisque, dans la loi Fillon de 2003, le taux de 10 % devait être autorisé par un accord professionnel étendu. Mais vous avez profité de la « loi MEDEF » de 2004 sur le dialogue social pour supprimer cette condition.
Désormais, un accord d'entreprise suffit. C'est dire la toute puissance de l'employeur en la matière et le boulevard que vous avez ouvert au chantage à l'emploi.
Par ailleurs, depuis 2003, le contingent réglementaire est également supplétif par rapport au contingent conventionnel. Il se trouve que le contingent réglementaire vient d'être porté à 220 heures, ce qui est intéressant du point de vue patronal. Mais il est possible de faire encore mieux, puisque le contingent conventionnel peut être supérieur au contingent réglementaire.
On peut donc, dès maintenant, mais seulement avec une autorisation de l'inspecteur du travail - qui reste assez méfiant -, faire travailler des salariés plus de 220 heures avec, en cas d'accord, un taux de majoration de 10 %.
Bientôt, l'autorisation de l'inspecteur du travail ne sera même plus nécessaire pour les heures effectuées hors contingent, puisque vous la remplacez par le supposé choix du salarié.
Nous nous orientons donc progressivement vers la généralisation des heures supplémentaires, quel qu'en soit le nombre, rémunérées avec un taux de majoration de 10 %, comme c'est déjà le cas dans les entreprises de moins de vingt et un salariés ou, dans les autres entreprises, si un accord d'entreprise qui n'aurait pas fait l'objet d'opposition le permet.
Si, en plus, ces heures faiblement rémunérées sont placées sur un compte épargne-temps dont il est à craindre qu'il ne se dévalue avec l'inflation, les salariés vont peut-être travailler plus pour gagner moins !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 124 et 48 ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.
L'amendement n° 124 vise à supprimer une innovation de la loi Fillon du 17 janvier 2003 qui permet aux partenaires sociaux de négocier le taux de majoration applicable aux heures supplémentaires. Attachée au développement de la négociation collective, la commission ne souhaite pas revenir sur cette disposition.
S'agissant de l'amendement n° 48, la loi Fillon du 17 janvier 2003 a donné la possibilité aux partenaires sociaux de négocier le taux de majoration des heures supplémentaires, à condition que celui-ci soit au moins égal à 10 %. L'amendement proposé aurait donc pour effet de réduire considérablement la liberté de négociation des partenaires sociaux.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Tout d'abord, il me paraît tout à fait essentiel de faire confiance aux partenaires sociaux et à leur capacité de négociation.
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Oh oui !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. C'est sur ce point que nous divergeons depuis trois jours et c'est là que se marque notre différence avec l'opposition.
Ensuite, s'agissant du problème important des travailleurs pauvres, le rapport du Conseil supérieur de l'emploi, des revenus et des coûts, le CSERC, remet en cause certains a priori que nous pouvons avoir. Le CSERC constate ainsi que, si l'instabilité de l'emploi s'est bien accrue, ce n'est pas le cas de l'insécurité au travail. En revanche, l'inégalité entre les salariés s'accroît en fonction de leurs qualifications.
Or le droit à la formation tout au long de la vie et la reconnaissance de cette formation constituent justement l'un des enjeux de la loi du 4 mai 2004 votée par la majorité. Vous évoquiez tout à l'heure, monsieur Muzeau, les négociations au sein des branches pour la validation de ces qualifications et leur reconnaissance en termes de salaire. Ce chantier très important est devant nous et constitue la suite logique de la loi du 4 mai 2004.
Pour ces raisons, le Gouvernement ne peut pas être favorable à ces deux amendements.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 48.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles additionnels avant l'article 1er (précédemment réservés) (suite)
M. le président. L'amendement n° 120 rectifié bis, présenté par MM. Murat, Gouteyron, Poniatowski et Gournac, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
I ? La troisième phrase du premier alinéa du III de l'article L. 212-15-3 du code du travail est complétée par les mots : «, ainsi que celles des sportifs professionnels et celles de leur encadrement, pour lesquels peut être conclu un contrat à durée déterminée d'usage en vertu du 3° de l'article L. 122-1-1 et ce bien qu'ils ne bénéficient pas de la qualité de cadre. »
II ? Après le premier alinéa du III du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation à l'alinéa précédent, le plafond peut être augmenté pour les sportifs professionnels ainsi que pour leur encadrement, la convention ou l'accord collectif fixant alors le seuil dérogatoire et les types d'évènements susceptibles de rendre impératif ce dépassement. »
La parole est à M. Ladislas Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Cet amendement concerne la situation des sportifs professionnels, problème que vous connaissez bien, monsieur le ministre.
Mes chers collègues, j'attire votre attention sur leur statut particulier et sur le fait que la durée légale du travail est très peu adaptée à leur situation.
Imaginez un joueur de football professionnel qui passe une partie de son temps à s'entraîner, à se préparer, en saison sportive et hors saison ; imaginez aussi ses week-ends, qu'il consacre à des matchs à domicile ou à des déplacements à l'extérieur.
Quelle durée de travail faut-il retenir dans ces conditions ? Le temps du voyage, en cas de déplacement ? La nuit passée à l'extérieur, lorsque la destination est éloignée ?
Il faut aussi prendre en compte une autre partie de la vie de ce joueur professionnel : lorsque celui-ci est appelé en équipe nationale, comment comptabilise-t-on le temps qu'il va passer en stage afin de pouvoir jouer dans l'équipe de France et défendre les couleurs de notre pays ?
Par ailleurs, les clubs ou les sponsors - qui peuvent être un département ou une ville - peuvent aussi faire appel à ces sportifs professionnels pour effectuer des démonstrations dans les petits clubs amateurs, ce qui permet aux jeunes d'admirer leur idole départementale.
Ces exemples tendent à illustrer la difficulté de calculer le temps de travail des sportifs professionnels.
Monsieur le ministre, vos services travaillent d'ores et déjà sur ce problème, en concertation avec les responsables de tous les sports concernés, et pas seulement ceux du football.
M. Ladislas Poniatowski. Nous proposons par cet amendement que le décompte du temps de travail dans ces cas-là soit calculé à l'année. Il semble que cela soit une bonne solution, puisque je crois savoir que c'est celle que vous envisagez.
Monsieur le ministre, sans doute cet amendement anticipe-t-il la solution que vous vous apprêtez à proposer. Mais précisément, si votre proposition est très proche de la nôtre, pourquoi ne pas l'adopter dès aujourd'hui ?
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Claude Domeizel. Elle botte en touche ! (Sourires.)
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement vise à étendre le bénéfice des conditions de forfait en jours aux sportifs professionnels et aux membres de leur encadrement. Cette demande nous est apparue peu justifiée.
En effet, les conditions de forfait en jours ont été conçues pour des salariés disposant d'une grande autonomie dans l'organisation de leur travail. Or les sportifs et les membres de leur encadrement ne semblent pas bénéficier d'une autonomie qui justifierait de leur étendre ces conventions de forfait.
En outre, cet amendement prévoit que le maximum de 218 jours de travail par an prévu par le code du travail ne s'applique pas aux sportifs et à leurs dirigeants, alors qu'il s'agit de la principale garantie offerte aux salariés. Il semble difficile de priver les staffs et les sportifs de cette garantie.
La commission souhaite donc, mon cher collègue, que vous retiriez cet amendement, après avoir entendu M. le ministre.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Lors de la discussion générale, M. Bernard Murat, qui a été l'un des piliers, au sens propre comme au sens figuré, du Club Athlétique Brive Corrèze, a déjà évoqué cette question. Je pense également aux préoccupations de la Fédération française de handball, et j'ai déjà eu l'occasion d'aborder ce sujet avec un autre de vos collègues, M. Repentin.
Il est vrai que nous sommes devant un vide juridique. Les coureurs cyclistes professionnels, par exemple sont des « itinérants avec cadre », dans ce cas-là ! Mais vous me pardonnerez volontiers ce bien mauvais jeu de mots. (Sourires.)
Nous ne sommes pas aujourd'hui en mesure de définir réellement un contrat de travail. Il y a donc là un vrai problème.
Une convention collective nationale du sport est actuellement en cours de négociation.
Monsieur Poniatowski, si vous en êtes d'accord, je vous propose que nous organisions, sous l'égide des services de M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative, et de ceux de mon ministère, qui travaillent sur ce dossier, une réunion avec les représentants des sportifs professionnels et de leurs employeurs, afin que nous puissions avancer ensemble sur ce dossier de la spécificité des sportifs professionnels.
Je vois ici une illustration supplémentaire de ce que la loi ne saurait à elle seule tout résoudre. En revanche, l'accord collectif permet de prendre en compte la diversité des situations tout en respectant les principes légaux fondamentaux contenus, notamment, dans le code du travail.
Monsieur Poniatowski, vous posez donc un problème réel,...
M. Roland Muzeau. Nous aussi, ça nous arrive !
M. Gérard Larcher, ministre délégué.... mais nous ne pourrons y apporter de solution que dans le cadre du dialogue social et d'une bonne convention collective.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Monsieur Poniatowski, l'amendement n° 120 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Ladislas Poniatowski. Non, monsieur le président, je le retire bien volontiers.
Monsieur le ministre, si vous pouviez associer plus particulièrement à cette réunion notre collègue Bernard Murat, qui travaille très étroitement avec l'une de ces fédérations professionnelles, ce serait un point particulièrement positif. Notre collègue, je crois pouvoir le dire, serait ravi d'apporter sa contribution à ces travaux.
M. le président. L'amendement n° 120 rectifié bis est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 96, présenté par MM. Todeschini, Bockel et Masseret, Mmes Printz et Schillinger, M. Ries et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 222-1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, les jours fériés figurant dans l'ordonnance du 16 août 1892, ainsi que le 11 novembre, le 1er mai, le 8 mai et le 14 juillet sont des jours chômés. »
La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
M. Jean-Marc Todeschini. En Alsace-Moselle, en raison du droit local du travail, le régime des jours fériés et chômés est différent de celui qui prévaut en droit général, puisqu'il est induit par le code local des professions, les statuts départementaux et les sanctions qui y sont attachées.
Cet amendement a pour but de protéger le droit local qui résulte, il ne faut pas l'oublier, de l'annexion de nos trois départements et, par là même, de conserver les jours fériés spécifiques à l'Alsace-Moselle, issus de ce droit local, notamment le vendredi saint et le 26 décembre.
En effet, le droit local, auquel sont très attachés tous les Alsaciens-Mosellans, vient de subir un coup de canif sérieux du fait d'un arrêt rendu le 26 janvier par la chambre sociale de la Cour de cassation selon laquelle « Les jours fériés particuliers issus de l'ordonnance du 16 août 1892 applicable en Alsace-Moselle ne figurent pas dans la liste des fêtes légales énumérées dans le code du travail, article L.132-1. Dès lors, ils n'ont pas à être déduits de la durée annuelle du travail. »
Aussi je vous propose, avec mes amis mosellans Gisèle Printz, Jean-Pierre Masseret et alsaciens Patricia Schillinger, Jean-Marie Bockel et Roland Ries, de préciser expressément dans le code du travail la règle suivant laquelle les jours fériés prévus par l'ordonnance de 1892 sont chômés, à l'égal des jours fériés institués par des lois subséquentes, tels le 11 novembre et le 8 mai.
L'adoption de cet amendement - dont je n'ose douter ! - clarifiera la situation devant ce revirement de jurisprudence de la Cour de cassation qui, jusqu'ici, avait respecté ces jours fériés particuliers d'Alsace-Moselle.
Cet amendement vise donc à conforter la stabilité des situations juridiques et la confiance légitime dans les règles légales que les partenaires sociaux sont en droit d'attendre.
M. le président. L'amendement n° 110 rectifié bis, présenté par MM. Grignon et Haenel, Mme Troendle, M. Richert, Mme Keller, M. Leroy et Mme Sittler, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, les jours fériés figurant dans l'ordonnance du 16 août 1892, ainsi que le 11 novembre, le 1er mai, le 8 mai et le 14 juillet sont des jours chômés.
La parole est à M. Francis Grignon.
M. Francis Grignon. Je tiens à le préciser, cet amendement est déposé au nom de l'ensemble des sénateurs UMP du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.
Je rappellerai quelques points d'histoire, au risque de la répétition, mais, après tout, n'est-elle pas fille de la pédagogie ?
Comme vous le savez, au sortir de l'annexion de l'Alsace, on a nous a laissé le choix entre des pans de droit allemand ou de droit français.
S'agissant des jours fériés, nous avons choisi le droit allemand, qui nous offrait deux jours supplémentaires : le vendredi saint et la Saint-Etienne. (M. Roland Muzeau s'exclame.)
Or, l'année dernière, une entreprise de Moselle a imposé à ses salariés, comme jour de récupération au titre de la RTT, l'un de ces jours fériés. Les salariés se sont révoltés, et ont gagné devant les prud'hommes. L'entreprise est allée jusqu'en cassation, et la chambre sociale a donné raison à l'entreprise, ce qui nous pose évidemment un vrai problème.
Sans me prononcer sur le fond de l'arrêt de la Cour de cassation, j'estime qu'il faudrait sans doute attendre plusieurs années un revirement de jurisprudence. L'Institut du droit local Alsacien-Mosellan a donc mis au point pour l'ensemble des parlementaires l'amendement que nous défendons aujourd'hui, et dont l'adoption permettrait de clarifier la situation dans des délais plus brefs.
Je précise, pour dissiper toute ambiguïté, que l'objet de cet amendement est de réaffirmer le caractère férié du vendredi saint et du 26 décembre afin d'éviter que des salariés ne soient obligés d'imputer sur leurs jours de RTT le chômage de ces deux jours.
Les choses sont donc claires. Simplement, monsieur le président, j'ai souhaité rectifier l'amendement initial pour qu'il ne soit plus fait référence au code du travail, ce qui me paraît essentiel. En effet, si nous, les Alsaciens-Mosellans, tenons à nos particularités, nous ne voulons pas pour autant les imposer à la France entière. Dès lors que nous faisions référence au code du travail, nous risquions d'imposer aux travailleurs français ces jours fériés du vendredi saint et de la Saint-Etienne. Avouez que, dans le cadre de la proposition de loi dont nous discutons, ce serait assez cocasse !
Soucieux de faire l'unanimité sur cet amendement, tant sur les bancs de la commission et du Gouvernement que sur l'ensemble des travées, j'ai procédé à cette rectification, qui vise à supprimer la référence au code du travail.
J'indique enfin qu'il n'y a aucune ambiguïté avec le jour de solidarité, point sur lequel nous avons été interrogés. La loi qui a institué le jour de solidarité précise bien que le choix de ce dernier peut porter sur tout jour autre que le 1er mai. Il n'y a donc aucune interférence avec le jour de solidarité.
Dernière précision, pour avoir pris langue avec beaucoup d'acteurs économiques et sociaux sur place, je peux vous assurer que cette proposition ne pose aucun problème.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, sans vouloir pousser trop loin la comparaison, je me dois pourtant de réaffirmer qu'en Alsace-Moselle le vendredi saint et la Saint-Etienne sont pratiquement l'équivalent du 1er mai en France.... (Vives protestations sur les travées du groupe CRC.)
M. Francis Grignon.... d'une façon générale !
Si je dis cela, c'est simplement pour bien vous faire comprendre notre sensibilité par rapport à ces jours fériés. A défaut, vous pourriez ne pas mesurer le retentissement qu'a eu cette affaire de récupération du temps de travail pendant les deux jours fériés en question.
Je terminerai sur une note locale à votre attention, monsieur le ministre, vous qui connaissez bien l'Alsace : si l'on veut que, dans notre région, l'église reste au milieu du village, il faut accepter cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
M. Jean-Marc Todeschini. Cette discrète modification de l'amendement n° 110 rectifié bis est vraiment mesquine !
Pour être tout à fait cohérent, M. Grignon aurait dû ôter également de l'objet de son amendement la référence au code du travail, puisque l'on peut lire que l'objectif du présent amendement « est de préciser expressément dans le code du travail la règle suivant laquelle les jours fériés prévus par l'ordonnance de 1892, ainsi que ceux institués par des lois subséquentes, à l'image du 11 novembre et du 8 mai sont donnés. »
Je ne vois qu'un sens à cette manoeuvre : faire en sorte qu'un amendement soit adopté, et pas l'autre. C'est mesquin et cela relève de la politique politicienne ! (Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Je modifie donc à mon tour mon amendement dans le même sens, de sorte qu'il s'agira de deux identiques. Sinon, vous aurez gagné, chers collègues de la majorité, forcément, puisque vous êtes les plus nombreux. Mais c'est petit !
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n°96 rectifié, présenté par MM. Todeschini, Bockel et Masseret, Mmes Printz et Schillinger, M. Ries et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, les jours fériés figurant dans l'ordonnance du 16 août 1892, ainsi que le 11 novembre, le 1er mai, le 8 mai et le 14 juillet sont des jours chômés.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques nos 96 rectifié et 110 rectifié bis ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Monsieur le président, vous, les Alsaciens-Mosellans, devez boire du petit lait entre vous ! (Sourires.) Cette sensibilité, je la connais bien, non seulement par ce que nous sommes en quelque sorte voisins, mais pour d'autres raisons encore.
Plus sérieusement, je dirai que la commission n'a pas à connaître l'origine d'un amendement : elle se prononce en fonction de ce qui lui est soumis.
La commission préférait, en effet, que la clarification proposée ne soit pas insérée dans le code du travail.
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. C'est vrai !
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission n'a pas eu le temps d'examiner ces amendements dans leur forme rectifiée.
J'observe qu'ils répondent au principal grief qui avait été formulé par la commission à l'encontre de l'amendement n° 96. En effet, ils ne prévoient plus d'inscrire ces mesures de portée locale dans le code du travail. A titre personnel, je me prononcerai en faveur de ces amendements identiques.
J'ajoute que le code du travail étant, vous le comprenez, d'application nationale, on devrait donc s'efforcer, dans la mesure du possible, d'y faire figurer des règles applicables non sur une petite partie du territoire, mais sur son ensemble.
C'est sur ce point, et pas du tout parce qu'il émanait de vous, chers collègues socialistes, que portait la différence. Nous n'avions aucune autre raison de nous prononcer contre votre amendement !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Fort du principe de l'oecuménisme, qui veut que l'on rassemble au-delà des clivages, je dirai que le Gouvernement ne voit aucune difficulté à faire vivre, au travers de la législation nationale, la spécificité d'un usage local.
Encore faut-il pendre en compte l'arrêt de janvier 2005 de la Cour de cassation aux termes duquel ces jours peuvent être décomptés comme des jours RTT, sans pour autant remettre en cause leur statut spécifique.
Par les présents amendements, vous proposez que ces deux jours soient clairement qualifiés dans la loi de « jours fériés chômés. Il s'agit là de la législation d'un usage.
Pardonnez-nous si nous préférons que cela ne figure point dans le code du travail. En effet, il est de tradition que ces usages locaux soient hors du code du travail, ce qui n'affaiblit pas leur portée. Au moment où nous recodifions le code du travail, évitons d'y empiler des dispositifs d'application locale.
A cette condition, donc, le Gouvernement est favorable à cette proposition.
Vous me permettrez, en guise de parenthèse, de conseiller à ceux d'entre vous qui se passionneraient pour la lapidation du protomartyr, la lecture d'un très long mémoire qui traite de l'histoire de saint Etienne et établit un parallélisme avec celle du fondateur du christianisme. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 96 rectifié et 110 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l'article 1er.
L'amendement n° 127, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L. 320-2 du code du travail, les mots : « tous les trois ans » sont remplacés par le mot : « annuellement ».
II. - La dernière phrase du même alinéa est supprimée.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Cet amendement, de bon sens, a valeur universelle sur l'ensemble du territoire, y compris en Corse ! (Sourires.)
Nous considérons qu'en matière de gestion prévisionnelle de l'emploi, la négociation obligatoire doit être annuelle, et non pas triennale, comme l'a prévu la loi de programmation pour la cohésion sociale. En outre, nous n'entendons pas inclure dans les thèmes de la négociation celui qui porte sur le contenu des accords de méthode : nous n'avons cessé de les contester, pendant ces trois jours et pendant les débats sur la loi Fillon, ne manquant jamais une occasion de dénoncer les côtés tout à fait néfastes de leur objet.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. L'avis est défavorable, au motif que la loi de programmation pour la cohésion sociale a innové en prévoyant tous les trois ans dans les entreprises une négociation sur l'évolution de l'emploi et des qualifications. Cet amendement vise à rendre cette négociation annuelle.
Il nous semble raisonnable d'attendre un peu avant d'effectuer un premier bilan pour décider, ensuite, d'éventuels aménagements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 128, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa de l'article L. 320-2 du code du travail est supprimé.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Encore un amendement qui concerne tout le territoire !
Le dernier alinéa de l'article L. 320-2 du code du travail, introduit par la loi de programmation pour la cohésion sociale, et plus précisément par vos dispositions, dites « dispositions Larcher », prévoit que « si un accord de groupe est conclu sur les thèmes inclus dans le champ de la négociation triennale, les entreprises comprises dans le périmètre de l'accord de groupe sont réputées avoir satisfait aux obligations » de négociation.
Dans le cadre d'une anticipation des plans sociaux, le nouvel article L. 320-2 instaure une négociation triennale obligatoire dans les entreprises d'au moins 300 salariés sur la gestion prévisionnelle des emplois, ainsi que sur les salaires.
Cette négociation portera également sur les modalités d'information et de consultation du comité d'entreprise sur la stratégie de l'entreprise et ses effets prévisibles sur l'emploi et les mesures d'accompagnement.
Lors de l'examen de la loi de programmation pour la cohésion sociale, vous nous expliquiez que le nouvel article L. 320-2 serait « pour le salarié, un moyen de s'informer » et représenterait « la possibilité d'être associé aux évolutions de l'entreprise ».
Or, si l'on prend en compte le dernier alinéa, introduit par un amendement auquel vous ne vous êtes pas opposé, cela apparaît absolument faux. Cette disposition prévoit de retirer aux salariés des entreprises comprises dans le périmètre de l'accord de groupe tant le droit de regard que le droit à la négociation évoqué dans le premier alinéa de l'article L. 320-2 du code.
A partir du moment où un accord de groupe intervient sur les salaires, les salariés des entreprises comprises dans le périmètre de cet accord ne disposeront évidemment pas de la possibilité d'être associés à la négociation sur les salaires et, a fortiori, aux évolutions de l'entreprise, contrairement à ce que vous voulez nous faire croire.
Nous dénoncions déjà cette disposition lors de l'examen du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale ; elle a malheureusement été adoptée. C'est pourquoi nous avons déposé aujourd'hui cet amendement de suppression du dernier alinéa de l'article L. 320-2 du code du travail.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement vise à revenir sur une disposition introduite dans la loi de programmation pour la cohésion sociale par voie d'amendement au Sénat. Nous estimons qu'il n'y a aucune raison de nous déjuger trois mois après l'adoption de cette mesure qui, de plus, est sans lien avec l'objet du texte que nous examinons aujourd'hui. (M. le ministre délégué approuve.) L'avis est donc défavorable.
M. Roland Muzeau. Et ce qu'on vient d'examiner il y a deux minutes, c'était quoi ?
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Comme pour l'amendement suivant, l'avis est défavorable. Il ne s'agit pas d'écheniller la loi promulguée le 18 janvier dernier à laquelle le Gouvernement tient, naturellement.
M. Roland Muzeau. C'est vrai ! Il vaut mieux parler des églises et des footballeurs !
M. le président. L'amendement n° 129, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 320-3 du code du travail est abrogé.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. M. le ministre a déjà émis un avis défavorable sur cet amendement, avant même que je ne l'aie défendu, mais ce n'est pas grave ! Je vais néanmoins le présenter, très brièvement, rassurez-vous chers collègues !
Ce que nous voulons, là encore, c'est manifester notre opposition à ce que la faculté ouverte aux partenaires sociaux de négocier des accords de méthode soit pérennisée et généralisée, dans la mesure où l'objet de tels accords est notamment de déroger aux dispositions légales en matière de consultation du comité d'entreprise en cas de restructurations ou de licenciements économiques.
Nous aurons sans doute encore l'occasion de revenir sur ce point, car le dispositif présenté n'est évidemment pas du tout satisfaisant.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission est favorable aux accords de méthode, qui permettent aux partenaires sociaux d'adapter les règles de procédure applicables en cas de licenciements économiques. Elle est donc opposée à cet amendement visant à les supprimer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 125, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 321-1-3 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 321-1-3 - Lorsque, pour l'un des motifs énoncés à l'article L. 321-1, l'employeur envisage le licenciement de plusieurs salariés ayant refusé une modification substantielle de leur contrat de travail, ces licenciements sont soumis aux dispositions applicables en cas de licenciement collectif pour motif économique. »
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Par cet amendement, nous entendons revenir sur les dispositions de la loi de programmation pour la cohésion sociale ayant modifié le seuil de déclenchement du plan de sauvegarde pour l'emploi.
En effet, désormais, les salariés qui auront refusé une modification de leur contrat de travail pourront être comptabilisés dans les licenciements effectivement envisagés. Ce n'est tout de même pas rien !
Par ailleurs, c'est seulement si au moins dix salariés refusent la modification de leur contrat de travail que les dispositions applicables en cas de licenciement collectif pour motif économique seront mises en oeuvre.
Par cette mesure, le Gouvernement a légitimé tous les chantages à l'emploi que l'on connaît depuis quelque temps, à propos notamment de la renégociation du temps de travail. A cet égard, on peut citer les exemples, entre beaucoup d'autres, de Bosch ou d'Arcelor.
Le salarié se trouve placé seul face à son employeur, sans aucune garantie de transparence ni d'assistance, et privé du bénéfice de toute éventuelle mesure sociale négociée, telle que l'allocation temporaire dégressive, la prime de déménagement, la formation.
Cette volonté d'individualiser les rapports entre les salariés et l'employeur apparaît d'ailleurs de façon récurrente au travers de tous les textes qui nous sont présentés : qu'il s'agisse des dispositions de la loi Fillon relatives aux négociations collectives, de la loi de programmation pour la cohésion sociale ou de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, la volonté sous-jacente est toujours de mettre face à face l'employeur et le salarié, dans un rapport de force totalement inégal.
Le fait générateur du licenciement doit être la proposition de modification du contrat de travail faite au salarié par l'employeur, et non, comme vous l'avez voulu, chers collègues de la majorité sénatoriale, le refus par le salarié d'une telle modification. On place ce dernier à l'origine de son licenciement, lequel relève pourtant de la responsabilité de l'employeur.
En outre, doit être maintenue la règle, posée depuis 1996 et la jurisprudence « Framatome et Majorette », selon laquelle, je le rappelle, les employeurs projetant de procéder à des licenciements pour motif économique sont tenus, lorsque le nombre des licenciements envisagés est au moins égal à dix pour une même période de trente jours, d'établir et de mettre en oeuvre un plan social.
Notre amendement doit donc être compris comme la manifestation de notre volonté de voir maintenues la rédaction actuelle du code du travail et la jurisprudence « Framatome ».
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission ne souhaite pas rouvrir le débat sur une question qui a été tranchée par le Parlement en décembre 2004. Elle émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 125.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 126, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 321-12-1 du code du travail est abrogé.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. L'amendement n° 126 vise à supprimer une disposition insérée dans le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale par les députés de la majorité, sous l'oeil bienveillant du Gouvernement, et visant à créer, sur le modèle du contrat de chantier existant dans le secteur du bâtiment, un contrat spécifique pour les missions à l'exportation.
Cette mesure, dont l'importance ne saurait être sous-estimée, est passée quasiment inaperçue, noyée qu'elle était parmi les ajouts épars au volet « emploi » de la loi du 18 janvier 2005, lesquels étaient d'ailleurs sans lien direct avec l'objet de celle-ci.
Nous profitons de l'examen de la présente proposition de loi, qui concerne le droit du travail, pour revenir sur un sujet que l'urgence déclarée pour le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale nous avait empêchés d'aborder.
Nous ne sommes pas, pour autant, hors sujet.
En effet, qu'il s'agisse de ce contrat spécial dérogeant aux règles communes du code du travail applicables en cas de rupture d'un contrat de travail et venant concurrencer la norme de droit commun en matière de contrat de travail, à savoir le contrat à durée indéterminée, ou qu'il s'agisse des mesures déclinées notamment à l'article 3 de la présente proposition de loi et tendant à permettre à l'employeur et au salarié de se placer hors du champ du code du travail et de la convention collective, l'objectif visé est le même : il s'agit, pour faire écho aux souhaits du MEDEF, de flexibiliser l'organisation du travail en multipliant les statuts des salariés et en développant l'emploi atypique, ainsi que d'instiller plus de souplesse dans la relation de travail elle-même.
M. Jean-Michel Fourgous, plaidant en faveur de ce nouveau contrat de travail, qui est une forme déguisée du contrat de mission cher à M. de Virville, a argué de la « nécessité de favoriser l'emploi et la compétitivité des entreprises », d'un droit du travail « trop rigide pour convenir aux PME en matière d'exportation » et de « l'opportunité de montrer un peu d'audace, lorsque un milliard d'euros d'exportations génèrent 15 000 emplois nouveaux en France », bref du sempiternel besoin de souplesse et de sécurité pour les entreprises, synonyme de risques accrus pour les salariés.
Le Gouvernement, toujours prompt à adhérer à de telles propositions, sans aller toutefois jusqu'à en endosser la paternité, s'est bien sûr laissé convaincre par cette préconisation, qui n'est ni plus ni moins que la reprise de la proposition n° 19 du rapport de Michel de Virville intitulé Pour un droit du travail plus efficace. La boucle est bouclée !
Vous avez tout de même cru devoir préciser, monsieur le ministre, que des garanties pour les salariés entouraient ce contrat à l'exportation, en indiquant que sa mise en oeuvre passerait par la négociation collective et en vous référant à l'encadrement du champ du contrat par la loi. Excusez-moi d'insister, mais le nouvel article L. 321-12-1 du code du travail inséré par la loi du 18 janvier 2005 fait référence à la conclusion de ces contrats de travail « pour la réalisation d'une mission à l'exportation effectuée en majeure partie hors du territoire national ». Vous conviendrez que cette formulation est assez peu précise.
Quant à l'accord collectif de branche ou d'entreprise, il a notamment pour objet de déterminer quels sont les salariés et la nature des missions concernés, mais aussi de fixer le montant des indemnités de licenciement accordées, qui pourra donc ne plus être celui qui a été prévu par la convention collective.
Autant dire que la liberté sera totale, les entreprises bénéficiant d'une ample décentralisation. Le salarié, quant à lui, verra son contrat rompu sur l'initiative de l'employeur, en fin de mission, sans qu'il puisse pour autant bénéficier des dispositions relatives aux licenciements économiques, et alors qu'il aurait très bien pu être affecté à un autre poste !
Nous ne pouvons accepter, bien évidemment, de telles pratiques portant atteinte aux droits des salariés, qui ne sauraient devenir tous des salariés « jetables ». C'est pourquoi nous proposons la suppression des dispositions en cause.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Pour les raisons qu'elle a déjà invoquées à propos notamment de l'amendement no 125, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Défavorable.
Le nouvel article du code du travail apporte les garanties nécessaires, l'accord collectif constituant un élément tout à fait essentiel.
M. le président. L'amendement n° 131, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« La deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article L. 434-3 du code du travail est supprimée. »
La parole est à Mme Eliane Assassi.
Mme Eliane Assassi. Ce n'est pas un hasard si nous entendons aujourd'hui rouvrir le débat sur les modifications introduites à l'article L. 434-3 du code du travail par la loi de programmation pour la cohésion sociale.
En effet, la portée de la nouvelle règle posée concernant la fixation de l'ordre du jour du comité d'entreprise excède largement le champ du droit du licenciement économique.
Ce n'est pas non plus un hasard si, reprenant l'une des préconisations du rapport de Michel de Virville, le Gouvernement s'est employé à organiser légalement la mainmise du patronat sur les comités d'entreprise, dont les attributions et les pouvoirs dérangent, tant il est vrai que les représentants des salariés dans ces instances peuvent influer sur les choix de gestion, contrarier la tranquillité patronale, à condition, bien sûr, que les questions débattues ne soient pas systématiquement imposées et qu'il leur soit permis de mener à bien leurs missions d'expertise sur la base de documents et de bilans complets.
Jusque-là, le principe en vigueur était celui de l'inscription conjointe des questions à l'ordre du jour des réunions du comité d'entreprise, le juge intervenant en cas de désaccord entre le président et le secrétaire du comité d'entreprise.
Cependant, prétendument pour « éviter qu'il ne soit fait obstacle, par des manoeuvres dilatoires, au droit du comité d'entreprise à être consulté » - je reprends là vos propos, monsieur le ministre -, les ordres du jour fixés unilatéralement, et donc les réunions du comité d'entreprise tenues sur cette base, seront désormais valables, sans que le juge des référés puisse être saisi !
En supprimant les délits d'entrave dans le cas des consultations obligatoires, qui protégez-vous ? Encore l'employeur ! Que sacrifiez-vous ? Les prérogatives des représentants du personnel. Dans ces conditions, vous comprendrez pourquoi nous présentons cet amendement.
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement vise à revenir sur une mesure de bon sens, introduite par la loi de programmation pour la cohésion sociale. Il nous paraît normal que ce soit l'employeur qui fixe l'ordre du jour des réunions du comité d'entreprise.
Mme Eliane Assassi. Non !
M. Roland Muzeau. Non, c'est même scandaleux !
M. Louis Souvet, rapporteur. Je voulais dire qu'il nous paraît normal que soit prévue une inscription automatique des consultations obligatoires à l'ordre du jour du comité d'entreprise.
Dans ces conditions, la commission ne peut être que défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 132, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Le 16° de l'article L. 934-2 du code du travail est supprimé. »
La parole est à Mme Eliane Assassi.
Mme Eliane Assassi. L'article L. 934-2 du code du travail concerne les champs prioritaires de la négociation triennale - cette périodicité étant d'ailleurs en elle-même pour le moins discutable - relative, dans chaque branche professionnelle, à la formation professionnelle des salariés.
Le contenu des attendus prioritaires de cette négociation triennale est étendu et constitue en tant que tel un élément important. Or, à l'occasion de l'élaboration de la loi Borloo, notre collègue Serge Dassault, dont on connaît la compétence en matière de gestion d'entreprise, nous a proposé d'insérer à cet article du code du travail un alinéa complémentaire, dont le moins que l'on puisse dire est que son contenu a assez peu à voir avec la formation et beaucoup avec une forme de pédagogie de la soumission.
L'argent de la formation professionnelle ne peut décemment être détourné de sa destination naturelle pour servir à financer des actions à simple contenu idéologique. En conséquence, cet amendement vise à modifier l'article L. 934-2 du code du travail, en le recentrant sur les véritables priorités de la formation professionnelle.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. L'amendement présenté par nos collègues du groupe CRC tend à supprimer une disposition qui a été introduite dans le code du travail sur l'initiative du Sénat, et plus particulièrement de notre collègue Serge Dassault, lors de l'examen de la loi de programmation pour la cohésion sociale.
Mme Eliane Assassi et M. Roland Muzeau. Eh oui !
M. Louis Souvet, rapporteur. Nous n'avons évidemment aucune raison de revenir sur une décision qui a été prise par le Sénat voilà quelques mois.
Mme Eliane Assassi. Ce n'est pas un argument !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 130, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 71 de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale est abrogé. »
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Alors que la loi Fillon du 17 janvier 2003 avait suspendu les dispositions de la loi de modernisation sociale relatives aux licenciements économiques, la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 les a définitivement abrogées. En effet, elles constituaient pour le patronat une entrave insupportable à sa liberté de procéder à des licenciements économiques, fût-ce en période de bénéfices records.
Soulignons à ce propos que des entreprises comme Total, L'Oréal, Arcelor ou Schneider Electric viennent d'annoncer des bénéfices exceptionnels pour l'année 2004, tandis que le taux de chômage est, lui aussi, exceptionnellement élevé.
Les salariés pauvres, ceux qui ne gagnent même pas le SMIC, auront été heureux, je pense, d'apprendre ces bonnes nouvelles boursières. Qu'ils n'en doutent pas : grâce à la loi de programmation pour la cohésion sociale, ils pourront être licenciés par ces mêmes entreprises faisant d'énormes bénéfices.
Jusqu'à présent, la loi de modernisation sociale protégeait les salariés en cas de licenciement économique. Elle prévoyait notamment que, dans les entreprises qui n'étaient pas encore passées aux 35 heures, l'employeur devait avoir conclu un accord de réduction du temps de travail préalablement à l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi. Cette disposition avait d'ailleurs pour origine le fameux « amendement Michelin », ce groupe ayant annoncé concomitamment plus de 300 millions d'euros de bénéfices et la suppression de 7 500 emplois.
Cette disposition, mes chers collègues, avait pour objet de prévenir les licenciements économiques par la réduction du temps de travail. Contrairement au Gouvernement, nous pensons que la réduction du temps de travail permet non seulement de préserver des emplois, mais aussi d'en créer.
Dans ces conditions, pourquoi refuser de se servir d'un tel instrument, et d'autres aussi d'ailleurs, comme la réduction du volume des heures supplémentaires, que nous préconisons également, s'ils peuvent permettre d'éviter certains licenciements ?
Voilà pourquoi nous demandons la suppression de l'article 71 de la loi de programmation pour la cohésion sociale, qui abroge des dispositions protectrices des salariés en cas de licenciements économiques.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La loi de programmation pour la cohésion sociale a abrogé les dispositions les plus contestables de la loi de modernisation sociale, qui avaient été auparavant suspendues. Ces dispositions, très contraignantes pour les entreprises, avaient été largement critiquées au moment de leur adoption en 2002, y compris par des personnalités proches de l'ancienne majorité.
La commission ne souhaite pas rouvrir ce débat et émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je voudrais rappeler que la loi de modernisation sociale, qui tendait à interdire toute adaptation économique, n'a empêché, en fait, aucun licenciement pour motif économique.
Pour notre part, nous avons préféré mettre en place une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, c'est-à-dire effectuer un travail de prévention, un travail en amont et, en même temps, un travail territorial, en réécrivant l'article 118 de la loi de modernisation sociale, mais aussi en faisant en sorte que la négociation soit préférée au conflit, un conflit qui survient souvent très tard et qui, la plupart du temps, se révèle plutôt néfaste pour l'emploi.
Notre philosophie est donc tout au terme, et c'est ce qui fait la différence entre qui sous-tend la loi dite « de modernisation sociale » et la loi de programmation pour la cohésion sociale, notamment en ce qui concerne la mutation économique des entreprises et la gestion des personnels.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement pour des raisons de fond et de méthode.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 130.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles additionnels après l'article 1er (précédemment réservés)
M. le président. L'amendement n° 113 rectifié, présenté par Mme Voynet, M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene - Thiery, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Une convention ou un accord collectif de branche, d'entreprise, de groupe ou d'établissement peut prévoir la création d'un chèque temps choisi/partage au profit des salariés qui veulent travailler moins pour travailler autrement.
Ce chèque temps choisi/partage est versé pendant une durée de 18 mois non renouvelables à tous les salariés qui veulent réduire leur temps de travail de 50 %, pour créer une activité d'utilité écologique ou sociale. Pendant toute cette durée, les salariés perçoivent 75 % de leur salaire de base.
A condition qu'elles créent un nombre d'emplois égal au volume d'heures ainsi libérées, la différence de salaire est versée à l'entreprise, ou aux entreprises impliquées, à partir d'une ligne de crédit ouverte à cette fin dans les dispositifs d'indemnisation ou d'aide à la création d'entreprises.
Des agences territoriales du temps choisi, intégrées aux Maisons de l'Emploi prévues dans la loi dite de cohésion sociale sont constituées à titre expérimental pour mutualiser l'offre d'emplois ainsi remis sur le marché et leur ajustement avec les demandeurs d'emplois.
Cet amendement n'est pas défendu.
L'amendement n° 234, présenté par M. Retailleau, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans l'ensemble de la fonction publique, le compte épargne-temps permet à son titulaire d'accumuler des droits à congé rémunéré ou de bénéficier, dans des conditions ou selon des modalités prévues par décret, d'une rémunération, immédiate ou différée, en contrepartie des périodes de congé ou de repos non prises.
Cet amendement n'est pas défendu.
Articles additionnels avant l'article 2 (précédemment réservés)
M. le président. L'amendement n° 47, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le troisième alinéa de l'article L. 212-4-3 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les heures complémentaires donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des quatre premières heures et de 50 % pour chacune des heures suivantes. »
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Cet amendement est défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Défavorable, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Défavorable, monsieur le président, nous nous sommes déjà largement expliqués sur ce sujet.
M. le président. L'amendement n° 49, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 212-5 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le refus du salarié d'exécuter des heures supplémentaires ayant un caractère systématique à l'initiative de l'employeur ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement. »
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Cette proposition de loi repose sur une ambiguïté, car vous tentez de faire croire à l'opinion que c'est le salarié qui propose à l'employeur d'effectuer des heures supplémentaires. Cette idée est évidemment contraire à la réalité, voire au simple bon sens.
Il va de soi que si un salarié souhaite effectuer des heures supplémentaires, c'est d'abord parce que son salaire est trop bas et qu'il a besoin d'argent pour financer un achat, par exemple.
Si le carnet de commandes de l'entreprise est vide, l'employeur, même s'il est de bonne volonté, n'aura pas la possibilité d'accéder à sa demande. C'est ici que se trouve la première arnaque relative aux heures supplémentaires.
De plus, dans le monde réel, c'est l'employeur qui décide qu'il faut ou non réaliser des heures supplémentaires, et c'est d'ailleurs d'une logique incontournable. C'est en effet lui qui a en main la gestion de l'entreprise, et donc les commandes. C'est aussi lui qui doit assurer la pérennité et le développement de l'entreprise au tout premier chef, ce qui implique qu'il a cette responsabilité.
Le vrai problème pour les salariés est alors d'avoir, ou non, la capacité de refuser de réaliser ces heures supplémentaires. Or cette capacité leur est le plus souvent refusée.
Permettez-moi de vous rappeler la jurisprudence récente de la Cour de cassation sur ce point.
Lorsque le contrat de travail ne garantit pas un nombre précis d'heures supplémentaires au salarié, l'employeur a la faculté de décider unilatéralement de réduire ou de supprimer les heures supplémentaires sans qu'il en résulte une modification du contrat de travail. Ce sont les arrêts de la Cour de cassation des 10 mars et 20 octobre 1998.
En revanche, le refus du salarié, sans motif légitime, d'accomplir à titre exceptionnel des heures supplémentaires, dans la limite du contingent annuel, constitue une faute grave qui entraîne un licenciement sans indemnités.
Tel est le contenu de l'arrêt de la Cour de cassation du 26 novembre 2003, qui fait suite à une jurisprudence constante depuis 1961.
Nous proposons donc, tout en tenant pleinement compte de cette jurisprudence, de préciser que le refus d'effectuer des heures supplémentaires ayant un caractère systématique ne constitue pas une faute au motif de licenciement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Il a toujours été admis que les entreprises pouvaient avoir recours de manière habituelle aux heures supplémentaires, ce qui permet à certaines d'entre elles d'être organisées sur un horaire collectif supérieur à 35 heures par semaine.
L'adoption de cet amendement aurait donc pour effet de perturber le fonctionnement d'un grand nombre d'entreprises, notamment parmi les PME, c'est pourquoi la commission a donné un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Nous avons déjà eu un débat sur les heures supplémentaires et les heures choisies. Je vous renvoie à l'échange que nous avons eu avec M. Godefroy sur ce sujet.
Concernant les heures supplémentaires, elles sont laissées à la discrétion du chef d'entreprise. Elles doivent être effectuées, sauf cas particulier prévu dans l'accord ou dans le code. Je ne reviens pas sur ce que nous avons évoqué concernant la pénibilité, la situation de l'égalité entre les hommes et les femmes.
En aucun cas les heures choisies ne peuvent être susceptibles d'entraîner une rupture du contrat de travail ou une quelconque pénalisation.
M. Roland Muzeau. Pourquoi ne l'écrit-on pas ?
M. Jean-Pierre Godefroy. Oui, pourquoi ne pas l'écrire ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Il s'agit de l'accord express. Or, si nous transformions l'accord express en accord écrit, il y en aurait des quantités extrêmement importantes, d'après les spécialistes du droit du travail qui m'entourent.
En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. Roland Muzeau. On vient de faire de l'écrit sur les us et coutumes ! Alors...
M. le président. L'amendement n° 50, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 212-5 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La suppression d'heures supplémentaires à l'initiative de l'employeur constitue une modification du contrat de travail. »
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Cet amendement un peu provocateur prévoit que la suppression d'heures supplémentaires par l'employeur constitue une modification du contrat de travail.
Il s'agit donc en quelque sorte du revers du précédent amendement. Il vise surtout à vous mettre en face d'une contradiction inhérente à votre texte.
Comment peut-on prétendre ainsi contre la législation, la jurisprudence et la réalité que le salarié a le libre choix d'effectuer ou non des heures supplémentaires, alors que c'est l'employeur qui décide ?
Si vous voulez véritablement donner quelque crédibilité au slogan « travailler plus pour gagner plus », encore faut-il que le salarié ne soit pas empêché de travailler plus. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Certes, ce n'est là que la première étape du processus. Nous croyons vous avoir démontré que le « gagner plus » n'est absolument pas gagné. Mais au moins, ne freinez pas l'ardeur des salariés !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La décision d'effectuer des heures supplémentaires fait partie des prérogatives qui sont reconnues à l'employeur au titre de son pouvoir de direction de l'entreprise.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 51, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 212-5 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'accord écrit de chaque salarié doit être recueilli par l'employeur préalablement à l'exécution des heures supplémentaires. »
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Cet amendement est défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Défavorable, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 52, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase de l'article L. 212-6 du code de du travail est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« Le contingent annuel d'heures supplémentaires pouvant être effectuées après information de l'inspecteur du travail et, s'ils existent, du comité d'entreprise ou à défaut des délégués du personnel, est fixé à 130 heures par an et par salarié. Il ne peut être mis en oeuvre qu'avec le double accord écrit de l'employeur et des salariés concernés. »
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Cet amendement est défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Défavorable, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 52.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles additionnels après l'article 2 (précédemment réservés)
M. le président. L'amendement n° 192, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa de l'article L. 117 bis-3 du code du travail est supprimé.
La parole est à Mme Eliane Assassi.
Mme Eliane Assassi. Cet amendement concerne la durée légale du temps de travail à laquelle sont soumis les apprentis âgés de moins de 18 ans.
La loi de modernisation sociale avait porté à 7 heures la durée quotidienne maximale de travail des jeunes travailleurs âgés de moins de 18 ans, notamment les apprentis.
Depuis, le Gouvernement a décidé de réduire les garanties minimales qui permettaient aux apprentis de ne pas être soumis au bon vouloir patronal.
C'est ainsi que la loi du 4 mai 2004 relative au dialogue social et à la formation professionnelle porte à 8 heures la durée maximale quotidienne de travail des salariés de moins de 18 ans.
Et même si la durée maximale hebdomadaire du temps de travail demeure fixée à 35 heures, les entreprises peuvent désormais s'adresser à l'inspection du travail afin d'obtenir une dérogation, dans la limite de 5 heures par semaine, après avis conforme du médecin du travail.
Lors de la discussion de la loi de modernisation sociale - entre autres mesures, sur le financement des filières, sur l'implication des jeunes, sur le suivi des formations - l'accent avait été mis sur la protection de la sécurité et de la santé des apprentis. Si, théoriquement, les centres de formation des apprentis et l'inspection du travail sont chargés du contrôle des conditions de travail des apprentis, ils disposaient avant cette loi de peu de moyens pour agir.
La loi de modernisation sociale a donc apporté plus de garanties aux apprentis sur leurs conditions de travail.
Avec l'allongement de leur temps de travail et les dérogations prévues, les apprentis vont nécessairement voir leurs conditions de travail se détériorer. Plusieurs études consacrées à l'apprentissage démontrent d'ailleurs que ces conditions de travail se sont améliorées à la suite de la réduction du temps de travail.
Il y a donc tout lieu de penser que l'objectif du Gouvernement est de permettre aux employeurs d'utiliser une main-d'oeuvre bon marché, aux horaires aléatoires et désormais extensibles, ce qui est contraire à la protection minimale de la sécurité et de la santé des apprentis qui doit leur être garantie.
Il convient donc de supprimer le régime des dérogations prévu à l'article L. 117 bis-3 du code du travail permettant à l'employeur d'augmenter la durée journalière du travail de 5 heures.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La loi de programmation pour la cohésion sociale a modifié le statut des apprentis pour leur permettre, à titre exceptionnel, effectuer des heures supplémentaires dans la limite de 5 heures par semaine.
Cette possibilité est très strictement encadrée par l'autorisation de l'inspecteur du travail et l'avis conforme du médecin du travail.
Cette souplesse dans le statut des apprentis paraît donc raisonnable et mérite d'être maintenue. C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 192.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le rapporteur a tout dit !
Le Gouvernement a pour objectif de faire entrer dans le monde du travail plus de jeunes et plus tôt, et ce afin que notre pays ne soit pas, pour le taux d'activité des jeunes de moins de vingt-cinq ans, à la traîne de ses partenaires de l'Union européenne comme il l'est depuis vingt ans.
Vous évoquiez une éventuelle dégradation des conditions de travail des apprentis, mais le rapporteur vous a apporté les réponses en termes de garanties.
La loi de cohésion sociale a prévu une revalorisation pour les apprentis en termes de salaires, mais également une revalorisation du statut de l'apprenti, qui sera de plus en plus comparable à celui de l'étudiant. Il s'agit donc de donner à l'univers des métiers une vraie place et la reconnaissance qu'il mérite dans notre pays.
C'est ce qui nous permet d'affirmer que nous ne faisons pas les mêmes choix pour les jeunes. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Nous pensons que l'insertion par le travail et la formation est essentielle, tant il est vrai qu'il est absolument nécessaire que nous relevions le défi des 500 000 apprentis dans les cinq années qui viennent. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. L'amendement n° 193, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 2° de l'article L. 122-1-1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans ce cas, le nombre de salariés occupés en contrat de travail à durée déterminée ou mis à disposition par une entreprise de travail temporaire pour ce motif ne peut excéder 10 % de l'effectif total de l'entreprise. Le nombre obtenu est arrondi à l'unité supérieure. En cas de dépassement de ce taux, les contrats de travail excédentaires et par ordre d'ancienneté dans l'entreprise sont réputés être conclus pour une durée indéterminée ; pour les salariés mis à disposition par une entreprise de travail temporaire les contrats sont réputés être conclus avec l'entreprise utilisatrice. »
La parole est à Mme Eliane Assassi.
Mme Eliane Assassi. En l'espace de vingt ans, les contrats précaires ont connu une véritable explosion. Ainsi représentent-ils l'essentiel des emplois proposés à l'embauche et, pour les jeunes, le point de passage obligé à la sortie du système scolaire. Aujourd'hui, 73 % des recrutements se font en CDD.
Majoritaires dans les flux d'embauche, les contrats précaires ont pris durablement du volume dans le secteur privé. En 2002, 1,4 million de travailleurs étaient concernés par un emploi précaire, soit 9 % des salariés du secteur privé ; 900 000 salariés avaient un CDD et 500 000 personnes étaient en mission d'intérim, soit trois fois plus qu'en 1982.
Les économistes de la très sérieuse Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, ont remarqué que l'essor de ces formes d'emploi dans les périodes de taux de chômage élevé, se poursuivait même quand le chômage diminuait. La raison en est simple : les entreprises apprécient la flexibilité qu'autorisent l'intérim et le CDD, flexibilité qu'elles utilisent comme variable d'ajustement pour s'adapter aux variations conjoncturelles. En revanche, l'emploi précaire plonge dans l'insécurité sociale des milliers de salariés.
L'image du salarié en CDI à temps plein est d'ailleurs malmenée ; ils ne sont plus que 56 % de la population active à être dans ce cas-là.
Cette image est battue en brèche par le développement des « formes particulières d'emplois », qui regroupent à la fois les emplois présentant une instabilité contractuelle - CDD et intérim -, mais aussi les stages professionnels, les contrats aidés, les temps partiels ; autant de situations assimilables à du travail précaire.
En somme, ces formes de travail précaire sont en train de devenir la règle dans le monde du travail, reléguant le CDI dans une position de plus en plus marginale.
Ces types de contrats sont coupables d'une véritable insécurité sociale, puisque les salariés qui y sont soumis ne peuvent en aucun cas être assurés de leur avenir, même à très court terme. Il est d'ailleurs de plus en plus fréquent que, comme l'explique le sociologue Michel Pialoux, certains salariés fassent « carrière dans l'intérim », c'est-à-dire enchaînent petits contrats sur petits contrats durant des années, n'obtenant ainsi aucune qualification et gagnant à peine de quoi survivre.
Par cet amendement, nous voulons donc freiner la progression de ce type d'emplois en exigeant que leurs titulaires ne puissent dépasser 10 % de l'effectif total de l'entreprise.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement vise à limiter à 10 % le nombre des salariés en CDD ou en intérim qu'une entreprise serait autorisée à embaucher en cas d'accroissement temporaire de son activité.
Imposer une règle aussi rigide, et aussi arbitraire, nuirait beaucoup aux capacités d'adaptation de nos entreprises. C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. L'intérim ne représente que 2,1 % de la population active. Nous sommes donc loin des 10 % dont vous parlez !
Je vous le rappelle, le recours à l'intérim n'a jamais été aussi important qu'en 2000 et en 2001, période où l'activité économique était forte et le taux de croissance à 4 points. A ce moment-là, le groupe CRC ne s'est pas préoccupé de limiter l'intérim ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
M. Roland Muzeau. Ce n'est pas vrai !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous sommes logiques avec nous-mêmes !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Aujourd'hui, l'intérim représente 557 300 emplois en équivalent temps plein.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Monsieur le ministre, ce n'est pas loyal ! Ce n'est pas parce qu'il est presque minuit - nous allons donc bientôt entrer en travail de nuit - qu'il faut dire n'importe quoi !
Mme Bernadette Dupont. C'est à cause de vous que nous siégeons en séance de nuit !
M. Roland Muzeau. La vérité devrait vous conduire à reconnaître que nous avons eu une position constante et que nous avons toujours considéré l'intérim comme un mode d'exploitation des salariés, source d'une insécurité totale.
Je le rappelle, nous avons longuement combattu contre la baisse de la prime de précarité, qui a d'ailleurs été décidé sous votre gouvernement, et pour exiger que les intérimaires bénéficient d'une formation professionnelle.
Si vous racontez n'importe quoi, nous allons être obligés d'apporter un recueil des citations prononcées ici même par les uns ou par les autres !
Jusqu'à présent le débat s'était bien déroulé. Certes, nous ne sommes d'accord sur rien, mais chacun exprime son opinion. Ne travestissez donc pas la nôtre ! Je déteste ce procédé.
M. le président. L'amendement n° 194, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 212-4-2 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 212-4-2 - Dans les entreprises, professions et organismes mentionnés à l'article L. 212-4-1, des horaires de travail à temps partiel peuvent être pratiqués sur la base d'une convention collective ou d'un accord de branche étendu ou d'une convention ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement. Toutefois, les représentants du personnel, ou à défaut les salariés après information de l'inspecteur du travail, disposent d'un droit de veto suspensif sur la mise en place d'horaires à temps partiel.
« Sont considérés comme salariés à temps partiel les salariés dont la durée du travail est inférieure :
« - à la durée légale du travail ou, lorsque ces durées sont inférieures à la durée légale, à la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l'entreprise ou aux durées du travail applicables dans l'établissement ;
« - à la durée mensuelle résultant de l'application, sur cette période, de la durée légale du travail ou, si elles sont inférieures, de la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l'entreprise ou des durées du travail applicables dans l'établissement ;
« - à la durée de travail annuelle résultant de l'application sur cette période de la durée légale du travail, soit 1 607 heures, ou, si elles sont inférieures, de la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l'entreprise ou des durées du travail applicables dans l'établissement. »
La parole est à Mme Eliane Assassi.
Mme Eliane Assassi. Cet amendement vise à renforcer la protection des salariés travaillant à temps partiel et, surtout, à empêcher la banalisation de ce qui est, aux yeux du Gouvernement et de sa majorité, une fatalité de l'ère moderne.
En effet, le développement du temps partiel enferme bon nombre de salariés dans la pauvreté dans la mesure où celui-ci concerne souvent des personnes peu qualifiées et très faiblement rémunérées. Dans la grande majorité des cas, ce sont des femmes, souvent à la tête de familles monoparentales, qui n'ont d'ailleurs pas du tout choisi ce type de contrat.
A cet égard, je vous renvoie aux dernières enquêtes de l'INSEE. Celles-ci dressent un portait éloquent des femmes actives travaillant à temps partiel, confirmant, s'il en était encore besoin, que le temps partiel est subi dans plus de 80 % des cas.
Ces femmes actives occupées à temps partiel cumulent tous les facteurs de précarité : elles ont, davantage que d'autres salariés, connu le chômage après la fin de leurs études, elles sont nettement plus nombreuses à travailler en CDD et leur salaire moyen est inférieur de 25 % à celui des femmes actives travaillant à temps plein.
Que proposez-vous à ces salariées, qui, pour la majorité d'entre elles, subissent le travail à temps partiel et souhaitent, par conséquent, travailler plus et gagner plus ? Rien ! En augmentant le contingent d'heures supplémentaires pour tous les salariés sans prendre en compte leur statut, vous enfermez encore plus les salariés à temps partiel dans un statut qu'ils n'ont pas choisi.
Alors que vous essayez à tout prix d'individualiser les relations entre employeurs et employés, et celles-ci sont profondément inégalitaires, nous prenons le chemin opposé.
Par cet amendement, nous demandons que les salariés disposent d'un droit de veto suspensif sur la mise en place d'horaires à temps partiel dans leur entreprise. Cette disposition, qui vise à donner plus de pouvoir aux représentants du personnel pour refuser l'imposition du contrat à temps partiel, n'a, je vous l'accorde, rien de révolutionnaire. Il s'agit simplement de rétablir un dispositif qui a longtemps existé : il avait servi de garde-fou à l'expansion d'une forme d'emploi qui sert plus à l'employeur qu'au salarié.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement prévoit d'accorder un droit de veto suspensif aux représentants du personnel ou aux salariés en cas de conclusion d'un accord collectif permettant le travail à temps partiel.
L'adoption d'un tel amendement créerait une grande confusion entre les pouvoirs des délégués syndicaux, habilités à signer des accords, et les pouvoirs des représentants du personnel ou des salariés, qui s'érigeraient en pouvoir concurrent.
Par ailleurs, on comprend mal la finalité et le terme de ce veto suspensif. C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Entre 1982 et 2002, donc en vingt ans, le travail à temps partiel a doublé. En Europe, celui-ci, notamment chez les femmes, est plus développé que chez nous, dans des pays pourtant réputés pour leur politique sociale et sensibles à la problématique de l'égalité entre les hommes et les femmes.
Aux Pays-Bas, par exemple, 74 % des femmes travaillent à temps partiel, contre un peu plus de 29 % en France ; elles sont 36 % en Autriche, 35 % en Suède et 32 % au Danemark.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, préoccupé par le temps partiel dans la grande distribution, j'ai réuni les grandes entreprises de ce secteur, ce qui fut assez facile, car elles ne sont plus très nombreuses, afin que nous nous penchions sur les horaires de travail, qui sont parfois tellement hachés qu'ils compliquent la situation de ces femmes.
Mme Gisèle Gautier a, elle aussi, évoqué cette question. En outre, Mme Marie-Jo Zimmermann m'a récemment remis un rapport sur ce sujet, que j'ai intégré à notre réflexion.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Je veux corriger un oubli de M. le ministre.
J'ai sous les yeux une étude, que vous devez connaître, publiée par la direction des études et des statistiques de l'UNEDIC en décembre 2004. Ce document n'émane donc pas du parti communiste français. (Sourires.)
En ce qui concerne le développement du temps partiel et le lien que vous établissez avec la réduction du temps de travail, je lis que la proportion de salariés travaillant à temps partiel dans notre pays est passé de 8,2 % en 1979 à 17,3 % en 1999, son niveau le plus haut ; en 2003, elle s'élevait à 16,7 %.
M. Roland Muzeau. En six ans, donc, un million de salariés supplémentaires ont fait l'objet de contrats à temps partiel. Ce chiffre n'est pas négligeable !
A cet égard, le graphique que j'ai sous les yeux, mais que je peux vous transmettre, est édifiant. Il montre une courbe tout à fait dangereuse, qui devient d'ailleurs exponentielle en période de croissance. Par conséquent, toute dégradation du droit du travail et des conditions de recrutement verra cette courbe, où le temps partiel explose, poursuivre une hausse préoccupante.
M. le président. L'amendement n° 195, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa de l'article L. 212-4-3 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans le cas contraire, le contrat est requalifié »
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, je suis heureuse d'entendre que vous vous préoccupez du temps partiel dans la grande distribution et de la situation des femmes. Bien entendu, nous ne saurions comparer le temps partiel choisi par des femmes dont le salaire est beaucoup plus élevé que dans notre pays avec le temps partiel non choisi qui concerne un nombre de plus en plus important de femmes en France.
Hier, j'ai moi aussi évoqué la grande distribution. Mais j'avais oublié de citer certains secteurs. Je veux les évoquer aujourd'hui, car cela donne une idée de ce qu'est de plus en plus le temps partiel dans notre pays, qui concerne des bas salaires dans des secteurs d'activité que les gens ne choisissent absolument pas. La Poste, par exemple, emploie de plus en plus de personnes en CDD, et pour des salaires de misère !
Monsieur le ministre, vous vous êtes penché sur la question de la grande distribution. Vous pourriez également vous préoccuper d'autres secteurs, comme celui de La Poste ou des prestations de service de nettoiement,...
Mme Nicole Bricq. Les femmes de ménage, absolument !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.... dans lesquels les amplitudes de travail sont telles que les personnes sont, en réalité, occupées à plein temps, en raison des temps de déplacement et des contraintes horaires. Et tout cela pour des salaires dérisoires, car elles sont payés sur la base du temps partiel !
La plupart de ses salariés aspirent à un travail à temps plein, payé à temps plein et avec des horaires normaux. On ne peut pas dire que cela soit illégitime.
Notre amendement a justement pour but de permettre aux salariés, qui, structurellement, font des heures complémentaires, de voir requalifier leur contrat à temps partiel en contrat à plein temps. Ce ne serait que justice !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La mesure proposée par cet amendement méconnaît le fait qu'une part, certes minoritaire, de salariés a choisi de travailler à temps partiel. Il serait donc malvenu de prévoir ainsi une requalification automatique du contrat à temps partiel en contrat à temps plein.
D'autres solutions doivent donc être recherchées en cas d'abus de l'employeur, notamment le versement de dommages et intérêts. C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 196, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La seconde phrase du quatrième alinéa de l'article L. 212-4-3 du code du travail est complétée in fine par les mots suivants : « ou si ces heures ne peuvent être accomplies pour des raisons familiales, de santé, scolaires ou universitaires. »
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L'amendement n° 196 a également pour objet de protéger le salarié à temps partiel, qui doit rester libre d'effectuer ou non des heures complémentaires. Celui-ci doit pouvoir les refuser pour des raisons familiales, de santé, scolaires ou universitaires.
Vous le savez probablement, aujourd'hui, 51 % des étudiants travaillent au cours de l'année scolaire, 75 % si l'on compte ceux qui travaillent l'été. Ces chiffres, qui sont récents, traduisent une augmentation considérable par rapport à 1997, selon l'Observatoire de la vie étudiante.
Cela signifie que de plus en plus d'étudiants sont obligés de travailler pour financer leurs études. Or on sait très bien que ce ne sont pas les meilleures conditions pour réussir, comme le montrent les statistiques publiées par l'Observatoire de la vie étudiante.
Avec la déréglementation actuelle, qu'on soit étudiant ou pas, on est obligé de passer sous les fourches caudines des employeurs ! C'est pourquoi nous proposons de protéger ces salariés et de leur permettre de refuser d'effectuer des heures complémentaires.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 197, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article L. 212-4-4 du code du travail est supprimé.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement tend à supprimer la possibilité de déroger, par accord de branche, à la durée du délai de prévenance prévue par le code du travail.
En principe, le délai fixé par le premier alinéa de l'article L. 212-4-3 est de sept jours. Il a pour objet d'apporter des garanties aux salariés travaillant à temps partiel en cas de modification de la répartition de leur temps de travail.
Aujourd'hui, une convention ou un accord collectif de branche étendu, une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peuvent faire varier en deçà de sept jours, jusqu'à un minimum de trois jours ouvrés, le délai prévu au premier alinéa de l'article L. 212-4-3, dans lequel la modification de la répartition de la durée du travail doit être notifiée au salarié.
Ce délai de prévenance est devenu quasiment dérisoire. Nous avons à plusieurs reprises demandé qu'il soit prolongé de sept jours supplémentaires et qu'on ne puisse pas y déroger par convention. Ces propositions, loin de relever de la surenchère, n'ont jamais été entendues. Pourtant, elles tiennent compte de la réalité de la situation et du vécu des salariés travaillant à temps partiel, dont le nombre s'accroît de façon exponentielle. En effet, plus de 15% des salariés travaillent à temps partiel, 80 % d'entre eux étant des femmes.
Dans la grande majorité des cas, contrairement à ce que l'on veut nous faire croire, cette situation n'est pas choisie : elle est subie. Or, on le sait bien, les conditions d'organisation de la vie familiale et de transport sont de plus en plus difficiles pour les ménages, en particulier pour les femmes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet avis est défavorable.
L'alinéa que cet amendement tend à supprimer autorise les partenaires sociaux à réduire le délai de prévenance des salariés à temps partiel en cas de modification de leurs horaires de travail. Il prévoit cependant que les salariés bénéficient de contreparties lorsque le délai de prévenance est réduit.
Il s'agit donc d'un dispositif équilibré, qui fut introduit dans notre droit par la deuxième loi Aubry, celle du 19 janvier 2000. Etant donné que nous sommes des conservateurs, nous souhaitons le conserver. (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous conservez tout ce qui n'est pas bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 198, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa de l'article L. 212-4-4 du code du travail est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les horaires de travail des salariés à temps partiel ne peuvent comporter, au cours d'une même journée, plus d'une interruption d'activité ou une interruption supérieure à deux heures.
« Un décret en Conseil d'Etat peut prévoir, pour les activités de transport de voyageurs présentant le caractère de service public, les conditions dans lesquelles des dérogations aux dispositions du présent alinéa peuvent être autorisées par l'inspection du travail. »
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. L'actuel article L. 212-4-4 du code du travail, notamment son troisième alinéa, définit très imparfaitement les conditions d'application du temps partiel dans les entreprises.
En effet, il prévoit que « les horaires de travail des salariés à temps partiel ne peuvent comporter, au cours d'une même journée, plus d'une interruption d'activité ou une interruption supérieure à deux heures que si une convention ou un accord collectif de branche étendu, ou agréé en application de l'article L. 313-12 du code de l'action sociale et des familles, ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement le prévoit soit expressément, soit en définissant les amplitudes horaires pendant lesquelles les salariés doivent exercer leur activité et leur répartition dans la journée de travail, moyennant des contreparties spécifiques et en tenant compte des exigences propres à l'activité exercée ».
Une telle disposition, à l'évidence, permet tout et n'importe quoi ! En effet elle signifie que, si une convention ou un accord de branche étendu n'a pas prévu que les horaires de travail des salariés à temps partiel ne peuvent comporter plus d'une interruption d'activité ou une interruption supérieure à deux heures, les entreprises sont totalement libres d'imposer des horaires incompatibles avec la vie privée et familiale, ce qui se passe dans la majorité des cas.
Qui en sont les principales victimes ? Une grande majorité de femmes occupant un emploi à temps partiel, temps partiel qui leur est souvent imposé.
Un rapport remis récemment sur les effets du temps partiel par Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes, confirme la tendance selon laquelle les femmes seraient toujours les plus concernées par le temps partiel et s'inquiète du risque d'augmentation de la pauvreté provoquée par cette forme d'emploi. D'après ce rapport, « 80 % des travailleurs à temps partiel sont des femmes et 30 % des femmes actives sont à temps partiel, soit 3 250 000 femmes ». C'est pour Mme Lamure que je rappelle ces chiffres !
Le même rapport précise : « Les salariées concernées sont employées massivement dans certains secteurs d'activité : santé et action sociale, grande distribution, secteurs de la propreté et administration ».
Certes, le temps partiel peut parfois être choisi pour des raisons personnelles ou familiales, personne n'a jamais contesté ce fait. Mais, souligne la députée, « souvent imposé dès l'embauche, le temps partiel conduit à des situations de précarité et de pauvreté : horaires flexibles, horaires atypiques, durées réduites du travail hebdomadaire, difficultés du passage au temps complet ».
Nous aurions bien aimé que ce type de sujet soit abordé ici par la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Mme Bernadette Dupont. Je ne suis pas d'accord !
M. Roland Muzeau. Vous n'allez tout de même pas contester le rapport de Mme Marie-Jo Zimmermann, qui appartient au même parti que vous !
Il convient donc de clarifier les dispositions du code du travail relatives au temps partiel. Aucune convention ou accord de branche étendu ne doit pouvoir remettre en cause les protections minimales des salariés.
C'est pourquoi nous proposons d'inscrire dans le code du travail, sans qu'aucune exception soit possible, le principe selon lequel les horaires de travail des salariés à temps partiel ne peuvent comporter, au cours d'une même journée, plus d'une interruption d'activité ou une interruption supérieure à deux heures.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement vise à interdire aux partenaires sociaux de déroger aux règles régissant les interruptions d'activité des salariés à temps partiel. Il traduit une méfiance envers les partenaires sociaux, méfiance que ne partage pas notre commission. Celle-ci est favorable, au contraire, à ce que s'ouvre le champ de la négociation collective.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
Je veux toutefois préciser, pour contrecarrer certaines simplifications, qu'il y a aussi beaucoup de femmes qui demandent à travailler à temps partiel !
Mme Eliane Assassi. M. Muzeau l'a dit !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. De par nos responsabilités municipales ou autres, nous savons les uns et les autres qu'il s'agit d'une demande assez fréquente, et aussi d'une liberté. (Mme Eliane Assassi s'exclame.)
Il faut donc, certes, empêcher les abus en la matière, mais méfions-nous d'une trop grande simplification qui conduirait à considérer les 29,6 % de salariées travaillant à temps partiel uniquement comme des femmes qui subiraient le temps partiel ! Il faut savoir garder la mesure ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Eliane Assassi. Relisez le rapport de Mme Zimmermann !
M. le président. L'amendement n° 199, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 212-8 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La convention ou l'accord collectif soumis à l'extension doit avoir recueilli les signatures d'organisations syndicales représentatives ayant obtenu la majorité des suffrages exprimés aux élections dans les entreprises de la branche d'activité considérée et s'étant déroulées au cours des deux années précédant la signature de l'accord. »
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur Larcher, contester le rapport de Mme Marie-Jo Zimmermann, c'est y aller fort tout de même ! (Sourires.) Nous y reviendrons !
M. Roland Muzeau. L'article L. 212-8 du code du travail traite des modalités et de la validité des accords portant sur l'annualisation et la modulation des horaires de travail des salariés. Il est essentiel à plus d'un titre et, en particulier, explique que, dans bien des cas, les entreprises renoncent à mettre en oeuvre des heures supplémentaires, comme d'ailleurs des périodes de chômage technique.
La modulation des horaires de travail obéit à des motivations économiques diverses, liées bien souvent à certaines formes de perception de l'activité de tel ou tel secteur de l'économie.
Cela étant, ce qui nous guide, c'est évidemment le souci de ne pas voir s'appliquer des accords qui n'auraient pas été validés par la signature d'organisations syndicales majoritaires eu égard aux consultations électorales organisées dans la branche d'activité concernée.
La modulation est en effet une question trop sérieuse et trop prégnante dans la vie quotidienne des salariés pour qu'aucune modulation ne puisse leur être imposée sans qu'elle corresponde à leur volonté majoritairement exprimée.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis défavorable puisque l'article L. 132-2 ouvre déjà la possibilité de conditionner la validité d'un accord de branche à sa signature par des syndicats majoritaires en voix.
M. le président. L'amendement n° 200 rectifié, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l'article L. 212-15-3 du code du travail est ainsi rédigé :
« I. - Les salariés ayant la qualité de cadre au sens des conventions collectives de branche ou du premier alinéa de l'article 4 de la convention nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 et qui ne relèvent pas des dispositions des articles L. 212-15-1 et L. 212-15-2 doivent bénéficier d'une réduction effective de leur durée de travail. Leur durée de travail peut être fixée par des conventions individuelles de forfait qui peuvent être établies sur une base hebdomadaire ou mensuelle. La conclusion de ces conventions de forfait doit être prévue par une convention ou un accord collectif étendu qui détermine les catégories de cadres susceptibles de bénéficier de ces conventions individuelles de forfait ainsi que les modalités et les caractéristiques principales des conventions de forfait susceptibles d'être conclues. A défaut de convention ou d'accord collectif étendu, des conventions de forfait en heures ne peuvent être établies que sur une base hebdomadaire. »
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Avec cet amendement, notre groupe propose de clarifier et de simplifier le code du travail, conduisant de fait à une sensible amélioration de sa lisibilité.
D'une part, nous mettons un terme au principe d'une annualisation du forfait horaire qui, en toute objectivité, ne correspond pas tout à fait à la réalité du monde du travail.
Comment prévoir, des mois à l'avance, à quel volume de travail vont se trouver confrontés des cadres, au risque d'ailleurs de « charger la barque » dès le début de l'année civile, avec une accumulation d'heures de repos à récupérer en fin d'année ?
D'autre part, nous renforçons la qualité des accords conventionnels et collectifs en plaçant la validité de la définition de leur contenu au niveau de la branche, en vue de mieux protéger la sécurité et la santé des salariés eux-mêmes et de pallier les risques d'une concurrence faussée par la mise en oeuvre d'une forme élaborée de moins-disant social qui proviendrait d'accords d'établissement ou d'entreprise particulièrement défavorables aux salariés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement tend à la suppression des conventions de forfait établies sur une base annuelle. Notre commission ne souhaite pas la disparition de ces conventions qui sont actuellement utilisées par de très nombreux cadres. Elle émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 201, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le quatrième alinéa de l'article L. 213-7 du code du travail est ainsi rédigé :
« Sous réserve des dispositions de l'article L. 213-10, il ne peut être accordé de dérogation pour l'emploi des jeunes travailleurs mentionnés au premier alinéa entre 23 heures et 5 heures. »
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Il s'agit ici d'une question importante, que nous allons retrouver au fil de certains des amendements clôturant cette discussion : celle des conditions d'emploi et de travail des travailleurs âgés de moins de dix huit ans.
De manière extrêmement précise, l'article L. 213-7 de notre code du travail interdit la pratique du travail de nuit pour les travailleurs de moins de dix huit ans, sauf exceptions motivées dans le secteur du spectacle : c'est ce qui a permis, par exemple, à quelques-uns de nos compatriotes d'entendre chanter sur scène la chorale des Petits chanteurs de Saint-Marc, rendue célèbre par un film dont chacun connaît le succès.
Notre amendement vise simplement à faire au moins coïncider l'interdiction de travail de nuit pour les jeunes avec ce que les directives européennes retiennent de ce point de vue, en considérant notamment qu'avant cinq heures du matin c'est encore la nuit.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 202, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 213-8 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 213-8. - Pour l'application de l'article L. 213-7 aux jeunes travailleurs âgés de plus de seize ans et de moins de dix-huit ans, tout travail entre 21 heures et 7 heures du matin est considéré comme travail de nuit.
« Pour l'application du même article aux enfants de moins de seize ans, tout travail entre 20 heures et 8 heures du matin est considéré comme travail de nuit. »
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Nous proposons de recadrer les garanties accordées aux jeunes travailleurs en matière de prise en compte des périodes de travail de nuit.
Nous avons indiqué que nous étions évidemment favorables à l'interdiction pure et simple du travail de nuit pour les jeunes salariés. Il s'agit donc ici de préciser la nature de cette interdiction et d'encadrer strictement les éventuelles dérogations à cette règle.
Nous estimons que cette précision dans le code du travail s'avère particulièrement utile au moment où de nombreuses voix s'élèvent, notamment dans les milieux patronaux, et singulièrement dans les cénacles de l'artisanat et du commerce, pour remettre en question la prolongation de la scolarité obligatoire et promouvoir l'apprentissage précoce... des horaires décalés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Il semble que l'article L. 213-7 du code du travail,dans sa rédaction actuelle, assure une protection suffisante des mineurs de plus de seize ans qui sont amenés à travailler la nuit.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 203, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La seconde phrase du second alinéa du I de l'article L. 213-11 du code du travail est supprimée.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Nous proposons de supprimer, dans l'article L. 213-11, les dispositions permettant de se dispenser de la négociation d'un accord collectif en matière d'organisation du temps de travail et de soumettre par conséquent l'organisation du travail des salariés du transport au seul jugement de l'inspection du travail.
Si nous ne doutons ni de la bonne volonté ni de la compétence des inspecteurs du travail des transports, corps qui constitue un ensemble spécifique au sein de l'inspection du travail, il nous semble préférable que leur mission soit d'abord et avant tout de s'occuper des conditions de déroulement et de conclusion de la négociation collective, non de se substituer à elle. A défaut, il leur revient de faire simplement respecter les accords conventionnels de branche.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
Je voudrais par ailleurs signaler que ces amendements se situent très au-delà du cadre de la proposition de loi.
M. Roland Muzeau. Et les jours fériés, tout à l'heure, c'était quoi ?
M. le président. L'amendement n° 204, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La seconde phrase du III de l'article L. 213-11 du code du travail, est supprimée.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Le paragraphe III de l'article L. 213-11 du code du travail porte sur l'amplitude horaire susceptible d'être imposée aux salariés du secteur des transports.
Nous proposons que ne soit pas offerte la possibilité de mettre en oeuvre quelque dérogation que ce soit au principe de limitation de l'amplitude des horaires de travail de ces salariés.
Il nous semble d'ailleurs que les motivations retenues pour la rédaction et la publication d'un éventuel décret permettant le dépassement de cette amplitude horaire de dix heures ne figurent nulle part dans le code du travail.
C'est donc aussi dans un souci de sécurité juridique qu'il importe de procéder à la suppression proposée.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Des circonstances exceptionnelles peuvent justifier des dérogations à la durée maximale de travail des salariés du secteur des transports travaillant de nuit. Un décret, pris après avis des organisations syndicales, doit encadrer les cas de recours à ces dérogations.
Notre commission souhaiterait donc obtenir du Gouvernement quelques informations sur le contenu de ce décret avant de se prononcer.
M. le président. Quel est, donc, l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Tout d'abord, la mesure proposée dans l'amendement n° 204 n'entre pas dans le cadre des objectifs de la proposition de loi.
Ensuite, l'article L. 213-11 du code du travail a été abrogé par la loi quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle du 20 décembre 1993.
M. Louis Souvet, rapporteur. Dont j'étais le rapporteur !
M. le président. L'amendement n° 205, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article L. 220-1 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ce repos est exclusif de tout travail, notamment qu'il s'agisse de travail effectif au sens du premier alinéa de l'article L. 212-4 ou de l'obligation prévue à l'article L. 212-4 bis consistant pour le salarié de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise. »
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Comme vous le savez, dès 1997, le MEDEF s'est opposé frontalement aux 35 heures, à l'édiction législative d'une nouvelle norme de durée du travail.
Profitant ensuite de la méthode en deux temps retenue par Mme Aubry, renvoyant à la négociation le soin d'établir les autres normes temporelles au niveau de certaines branches - dont la métallurgie, bien sûr -, les syndicats patronaux se sont employés à minimiser l'effectivité de la réduction du temps de travail, notamment en excluant les temps de pause, d'habillage, de formation...
Le législateur est alors intervenu pour définir le temps de travail effectif, le régime des astreintes, tentant de faire échec, concernant ces dernières, à la volonté d'aucuns d'assimiler le temps d'astreinte à un temps de repos, assimilation présentant l'avantage de rémunérer a minima les salariés, d'exclure les récupérations, mais également de remettre en cause le repos quotidien.
Le repos quotidien ne fait l'objet d'aucune définition législative. Néanmoins, d'après la jurisprudence, les astreintes ne peuvent être considérées comme un temps de repos, lequel suppose que le salarié soit totalement dispensé, directement ou indirectement, sauf cas exceptionnels, d'accomplir pour son employeur une prestation de travail, même si elle n'est qu'éventuelle ou occasionnelle.
Par ailleurs, le code du travail, dans son article L. 220-1, pose le principe d'un droit pour tout salarié à un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives, bornant ainsi l'amplitude du travail.
Il reste que ce repos quotidien garantissant au salarié une période de repos entre deux périodes de travail effectif - qui s'ajoute au repos hebdomadaire obligatoire - souffre malheureusement d'exceptions.
Grâce notamment à votre prédécesseur M. Fillon, monsieur le ministre, par simple convention ou accord d'entreprise ou d'établissement, des dérogations sont désormais admises pour certaines activités caractérisées par la « nécessité d'assurer une continuité du service » ou par des périodes d'intervention fractionnées.
Parallèlement, il convient de noter que l'une des premières interventions du gouvernement Raffarin a porté un coup aux régimes des astreintes, en annulant la jurisprudence de la Cour de cassation - arrêt du 10 juillet 2002 concernant la société Dalkia - à laquelle je faisais référence tout à l'heure. Concrètement, il en résulte qu'un salarié peut être placé en situation d'astreinte durant ses périodes de repos quotidien ou hebdomadaire !
Pour éviter de telles dérives, dangereuses pour la santé des salariés et attentatoires à leur vie privée, et pour redonner tout son sens à la période de repos, pendant laquelle le salarié n'effectue aucun travail et peut vaquer librement à ses occupations, notre amendement n° 205 complète l'article L. 220-1 du code du travail.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement vise à remettre en cause la définition du temps de travail introduite par la loi Fillon du 17 janvier 2003. Son adoption perturberait le fonctionnement des entreprises qui soumettent des salariés à un régime d'astreinte.
Dans ces conditions, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Nous avons déjà évoqué la jurisprudence de la Cour de cassation. Tirant les conséquences de cette jurisprudence, la loi du 17 janvier 2003 a précisé la nature des temps pendant lesquels le salarié n'intervient pas.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 206, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa de l'article L. 221-3 du code du travail est ainsi rédigé :
« Pour les établissements non mentionnés à l'article L. 200-1, si l'apprenti est obligé, par suite de conventions ou conformément à l'usage, de ranger l'atelier les dimanches, ce travail ne peut s'effectuer qu'entre 8 heures et 10 heures du matin. »
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Afin d'offrir quelques garanties aux jeunes salariés, notamment à ceux qui sont mineurs, nous proposons de préciser les règles relatives au contrat d'apprentissage.
D'aucuns sont partisans d'un « assouplissement » de ces règles. L'expression, apparemment séduisante, est en fait détournée de son sens pour justifier une aggravation des conditions de travail des apprentis.
Il est nécessaire de ne pas mélanger les genres et de ne pas faire un dangereux amalgame - pour certains, la tentation est grande ! - entre l'apprentissage destiné à la formation initiale du jeune et l'apprentissage de la dureté de la condition ouvrière et du salariat...
Il existe évidemment un certain nombre de secteurs - intéressant en particulier les « métiers de bouche », l'hôtellerie, la restauration - dont l'activité se poursuit le dimanche et où, du fait de conventions ou conformément à l'usage, on a pour habitude de travailler ce jour-là.
On notera que l'article L. 221-3 du code du travail mentionne l'heure au-delà de laquelle la participation de l'apprenti à l'activité de l'entreprise dans laquelle il effectue la partie pratique de son contrat ne peut se prolonger, mais ne fixe aucune règle quant à l'heure de commencement de cette activité dominicale.
En vertu de cet oubli, nous proposons, par parallélisme des formes, de fixer strictement cette amplitude horaire de huit heures à dix heures du matin, notamment par référence aux heures définissant le travail de nuit.
M. Jean-Pierre Godefroy. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Les apprentis qui sont amenés à ranger leur atelier le dimanche matin le font en application de conventions ou d'usages qui déterminent les horaires raisonnables à l'intérieur desquels cette activité doit prendre place.
La commission a émis un avis défavorable.
Mme Raymonde Le Texier. C'est scandaleux !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Nous sommes défavorables à cet amendement. On voit bien à quelles aberrations nous arriverions en prévoyant dans la loi le rangement de l'atelier entre huit heures et dix heures le matin !
Je crois, au contraire, que le législateur a bien fait de rendre le code du travail, non pas plus souple, mais un peu plus lisible et applicable, ce que ne permettrait pas un tel degré de précision. Nous avons besoin d'un code du travail qui serve vraiment de référence. Cela suppose qu'il soit non seulement applicable, mais aussi lisible, aisément compréhensible !
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Vous avez raison, mesdames, messieurs, d'applaudir à cette heure tardive, parce que vous venez de faire une belle bourde !
Je crois très sincèrement que vous devriez vous renseigner sur les conditions d'exercice de l'apprentissage des jeunes...
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. C'est le bagne, bien sûr !
M. Roland Muzeau. ...et relire différents rapports, par exemple l'excellent rapport de M. Gournac sur la pénurie de main-d'oeuvre dans les petites entreprises et l'artisanat. Nous avons eu à cette occasion des débats de qualité.
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Je m'en souviens très bien !
M. Roland Muzeau. Au-delà de nos divergences, nous avions réussi à nous mettre d'accord sur un constat : les conditions d'apprentissage dans certains métiers ont provoqué le rejet des orientations concernées par les familles et par les jeunes eux-mêmes.
Mme Raymonde Le Texier. Evidemment !
M. Roland Muzeau. Dans la boucherie, par exemple, un secteur que je connais particulièrement bien, les conditions de travail sont si difficiles que vous ne trouvez plus un seul môme qui veuille y entrer ! Ils préfèrent travailler en grande surface, où les conditions de travail sont meilleures.
Et vous, vous proposez que l'on continue, dans ces professions, à travailler en permanence avec des apprentis qui tournent sans cesse !
Mme Raymonde Le Texier. Ça, c'est réactionnaire !
M. Roland Muzeau. Vous allez encore vous plaindre de la pénurie de main-d'oeuvre dans ces métiers pendant des années, mais vous ne faites rien pour l'enrayer, au contraire ! La pénurie de main-d'oeuvre continuera tant que l'on n'améliorera pas les conditions d'apprentissage, voilà la réalité ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des affaires sociales.
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Mon collègue a eu la gentillesse d'évoquer certains travaux, auxquels il a d'ailleurs participé, mais cela ne m'empêche aucunement d'approuver sans réserve les propos que M. le ministre a tenus à l'instant.
Arrêtons de vouloir légiférer sur tout ! Un jour, on voudra préciser l'heure à laquelle les apprentis doivent respirer !
Mme Raymonde Le Texier. Envoyez vos enfants ou vos petits-enfants en apprentissage, et on en reparlera !
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Laissez de la liberté, laissez des possibilités, arrêtez de tout encadrer ! Certains pays l'ont fait et cela ne leur a pas réussi !
Nous avions effectivement dressé un constat commun dans ce rapport, monsieur Muzeau, mais je suis en total désaccord avec votre proposition.
M. le président. L'amendement n° 207, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa de l'article L. 221-4 du code du travail est supprimé.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Il est défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Le code du travail prévoit une possibilité de déroger à la règle qui veut que les jeunes travailleurs bénéficient de deux jours de repos consécutifs. Cette possibilité est cependant très fortement encadrée. Aussi la commission estime-t-elle que les garanties apportées sont suffisantes. Elle a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Les deux amendements suivants sont présentés par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 208 est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 221-8-1 du code du travail est abrogé.
L'amendement n° 209 est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 221-19 du code du travail est abrogé.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. L'amendement n° 208 vise à supprimer l'article L. 221-8-1 du code du travail, lequel dispose, dans son premier alinéa, que « dans les communes touristiques... d'affluence exceptionnelle ou d'animation culturelle permanente, le repos hebdomadaire peut être donné par roulement pour tout ou partie du personnel,... dans les établissements de vente au détail qui mettent à disposition du public des biens et des services destinés à faciliter son accueil ou ses activités de détente ou de loisirs d'ordre sportif, récréatif ou culturel. »
L'amendement n° 209 tend à supprimer l'article L. 221-19 du code du travail, lequel dispose notamment que, « dans les établissements de commerce de détail où le repos hebdomadaire à lieu normalement le dimanche, ce repos peut être supprimé les dimanches désignés, pour chaque commerce de détail, par un arrêté du maire pris après avis des organisations d'employeurs et de travailleurs intéressées. Le nombre de ces dimanches ne peut excéder "cinq" par an ».
C'est en quelque sorte un amendement défensif dans le contexte de libéralisation à tout va créé par le Gouvernement, dont l'un des membres, M. Devedjian, n'a pu cacher récemment sa volonté de remettre en cause le principe posé par l'article L. 221-5 du code du travail selon lequel le repos hebdomadaire doit être donné le dimanche.
Pour la santé des salariés, pour leur vie sociale et familiale, des règles précises d'ordre social public ont été posées. Comme vous semblez les oublier, je vous les rappelle : le repos hebdomadaire doit avoir une durée minimale de vingt-quatre heures consécutives incluant le dimanche ; des exceptions peuvent s'appliquer dans les entreprises industrielles dont le personnel d'exécution est composé de deux groupes ou pour satisfaire les besoins du tourisme.
Nous savons que le travail le samedi est devenu aujourd'hui habituel et non plus occasionnel, y compris pour les ouvriers et les employés administratifs, auparavant peu concernés. Quant au travail le dimanche, il a lui aussi progressé, surtout dans d'industrie, jusqu'à toucher 20 % des salariés.
M. le ministre ne me contredira pas sur ce point puisque, comme lui, je m'appuie sur les premiers résultats de l'enquête SUMER, qui témoignent de l'augmentation de l'exposition des salariés à la plupart des risques et à la pénibilité du travail.
Pourtant, l'heure est à la déréglementation totale des jours d'ouvertures du commerce. Les magasins de prêt-à-porter sont dans la ligne de mire du Gouvernement, prétendument pour faire face au défi auquel est confronté le textile français, soumis à la concurrence des importations massives de certains textiles chinois. On croît rêver ! Un tel argument est vraiment affligeant ! Même la Fédération nationale de l'habillement n'ose croire « qu'en ouvrant le dimanche on compenserait la levée des quotas chinois ». Pour cette fédération, « c'est à mourir de rire ! »
Quelle est donc la raison d'une telle démarche de la part de M. Devedjian et de ses amis ? La banalisation du travail du dimanche dans les magasins de prêt-à-porter est un premier pas vers une autre étape : faire disparaître la notion même de repos dominical pour l'ensemble des salariés !
Là encore, la liberté est invoquée, M. Devedjian défendant son projet en arguant « d'un aspect social : la réalité réelle de choix des salariés ». (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'esclaffe.)
A l'instar des organisations syndicales, qui ont ouvertement et unanimement condamné cet énième projet libéral, nous nous opposons fermement aux tentatives d'extension du nombre d'ouvertures dominicales, comme nous rejetons tout élargissement des zones touristiques.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 208 et 209 ?
M. Louis Souvet, rapporteur. L'article que l'amendement n° 208 tend à supprimer permet de déroger à la règle du repos dominical dans les zones de grande affluence touristique. Cette possibilité de dérogation est une mesure de bon sens, semble-t-il, dans un pays comme la France, qui accueille un très grand nombre de visiteurs étrangers.
C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.
En ce qui concerne l'amendement n° 209, la possibilité reconnue aux maires d'autoriser l'ouverture des commerces le dimanche dans la limite de cinq dimanches par an permet au communes de tirer le meilleur parti des événements ou des festivités qui peuvent engendrer une activité commerciale particulièrement importante à certaines périodes de l'année.
La commission, qui a souhaité maintenir ce dispositif, à émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. L'article R. 221-2-1 du code du travail fixe un cadre précis à cet égard en ce qui concerne les zones d'affluence touristique et les activités culturelles à caractère exceptionnel.
Je confirme que, pour le Gouvernement - le Premier ministre a été très clair sur ce point -, il n'est pas question aujourd'hui de modifier les règles du repos dominical.
En vérité, monsieur Muzeau, votre proposition, si elle était suivie, nuirait indiscutablement à l'activité économique d'une partie du territoire. Au vu du rôle joué par le tourisme culturel, notamment en termes d'aménagement et d'équilibre du territoire ou de création d'emplois, j'avoue ne pas très bien comprendre le sens de votre proposition.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Je comprends bien, monsieur le ministre, qu'à l'intérieur du Gouvernement vous puissiez ne pas être d'accord entre vous, au moins sur ce point, et cela me réjouit !
Je vous rappelle tout de même ce qu'a dit M. Devedjian : « Nous pourrions à terme autoriser les magasins de prêt-à-porter à ouvrir tous les dimanches...
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Ce point a été tranché après par le Premier ministre, vous le savez, monsieur Muzeau !
M. Roland Muzeau. M. Devedjian fera peut-être comme M. Gaymard, mais, pour l'instant, il est encore ministre !
Je reprends ma citation: « Nous pourrions à terme autoriser les magasins de prêt-à-porter à ouvrir tous les dimanches. Commençons déjà, de manière progressive et expérimentale, à passer de cinq à huit dimanches par an. »
Il est tout de même remarquable que M. Larcher démente son collègue !
M. le président. L'amendement n° 210, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 234-3 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 234-3 - Les jeunes travailleurs et les apprentis âgés de moins de dix-huit ans et les femmes ne peuvent être employés dans les établissements mentionnés à l'article L. 200-1, qui sont insalubres ou dangereux et où l'ouvrier est exposé à des manipulations ou des émanations préjudiciables à sa santé. »
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Il est défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Le travail des jeunes et des femmes dans les établissements susceptibles de présenter un risque pour la santé est déjà fortement encadré par décret. Une interdiction générale n'apparaît donc pas nécessaire. Je note incidemment qu'elle serait d'ailleurs contraire au principe d'égalité entre les hommes et les femmes.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. J'informe simplement le Sénat que le projet de loi pour l'égalité salariale et professionnelle entre hommes et femmes sera présenté demain devant la commission nationale de la négociation collective.
Je vous rappelle, à cet instant de nos débats, mesdames, messieurs les sénateurs, l'engagement du Président de la République sur ce sujet.
M. le président. L'amendement n° 211 rectifié, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 322-12 du code du travail est rédigé comme suit :
« Art. L. 322-12 - L'embauche d'un salarié sous contrat à durée indéterminée à temps partiel n'ouvre pas de droit à un abattement sur les cotisations dues par l'employeur au titre des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales.
« Ce contrat ne peut prévoir plus d'une interruption d'activité au cours de la même journée, sauf dérogation prévue par une convention collective ou un accord de branche étendu.
« Il doit également être conforme aux dispositions de l'article L. 212?4?3 .
« Ces dispositions s'appliquent aux employeurs visés aux articles L. 351?4 et L. 351?12 (3° et 4°), ainsi qu'aux employeurs de pêche maritime non couverts par lesdits articles, à l'exception des particuliers employeurs. »
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. L'amendement n° 211 rectifié tend à réécrire totalement l'article L. 322-12 du code du travail, lequel a trait au temps partiel.
La proposition de loi que nous examinons depuis maintenant deux jours évacue complètement ce sujet, alors que vous nous dites, monsieur le ministre, être attentif aux problèmes de fond posés par cette forme d'activité précaire.
Non sans hypocrisie et mépris pour des salariés qui représentent tout de même 16,7 % de la population active, et dont beaucoup souhaiteraient pouvoir sortir de cette sous-activité faiblement rémunératrice, le Gouvernement ambitionne de faire travailler plus ceux qui sont déjà confrontés à une activité intensive.
A rebours d'une telle démarche, nous entendons sortir de l'impasse les salariés - à 80 % des femmes - contraints de travailler à temps partiel faute de se voir proposer une autre forme d'emploi ou, tout simplement, faute de pouvoir accepter un emploi à temps plein en raison des difficultés rencontrées pour la garde des enfants, par exemple.
Plus que vous, monsieur le ministre, nous tenons à l'égalité professionnelle et entendons apporter des réponses à la flexibilité.
Aux 84,7 % de femmes qui occupent des emplois à temps partiel de moins de 15 heures hebdomadaires, nous voulons offrir le choix de pouvoir prétendre à un revenu décent, à un travail moins stressant, à une vie moins hachée.
Nous ne saurions nous satisfaire de la féminisation du temps partiel, comme semblent un peu rapidement le faire les auteurs de certains rapports, notamment celui de la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Car nous n'acceptons pas la thèse selon laquelle il s'agirait d'« un phénomène irréversible, qui correspond à une tendance longue, dans l'évolution de certains secteurs d'activité en forte progression ».
C'est la raison pour laquelle nos propositions visent, en premier lieu, à ne plus inciter les employeurs à recourir à ce type d'emploi via de forts abattements de cotisations sociales patronales.
Hier, un de nos collègues, M. Dassault, pour ne pas le nommer, a défendu la suppression de toute aide aux entreprises, de quelque nature qu'elle soit. Bigre !
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. MEDEF, Dassault, CAC 40 !
M. Roland Muzeau. Nous n'allons pas jusque-là, même si nous nous interrogeons fortement non seulement sur l'incidence - en termes de volume et de qualité de l'emploi, en termes de paupérisation du salariat - des politiques d'allégement massif du coût du travail, mais également sur le contrôle de l'ensemble des aides publiques allant aux entreprises, surtout aux plus grandes.
Au travers de cet amendement, nous nous contentons, si je puis dire, s'agissant de l'embauche d'un salarié en CDI à temps partiel, de conditionner les abattements - actuellement, ils sont de droit - au respect d'un certain nombre de critères, notamment une seule interruption d'activité dans la même journée et la priorité d'affectation aux emplois à temps plein vacants.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. En vertu de l'ordonnance du 18 décembre 2003, l'article qu'il est proposé de modifier cessera de s'appliquer le 1er juillet prochain.
Je souhaite donc que cet amendement soit retiré.
M. Roland Muzeau. Ah non !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Muzeau, l'amendement n° 211 rectifié est-il maintenu ?
M. Roland Muzeau. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 211 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles additionnels avant l'article 3 (précédemment réservés)
M. le président. L'amendement n° 212, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 212-1 du code du travail, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Dans les entreprises et unités économiques et sociales de la branche des hôtels, cafés et restaurants, la durée équivalente à la durée légale prévue au premier alinéa de l'article L. 212-1 du code du travail est fixée à trente-cinq heures. »
La parole est à Mme Eliane Assassi.
Mme Eliane Assassi. On l'a dit à plusieurs reprises, la législation sur la durée légale du travail ne s'applique malheureusement pas de manière uniforme à l'ensemble des salariés.
Nous avons évoqué les PME de moins de vingt salariés, mais c'est également le cas dans de nombreux secteurs d'activité, comme celui de l'hôtellerie-restauration.
Dans ce secteur, l'avenant du 13 juillet 2004, que vous avez validé, monsieur le ministre, le 30 décembre dernier, est très clair sur la durée hebdomadaire du temps de travail : « En application des dispositions de l'article L. 212-4, quatrième alinéa, du code du travail, la durée hebdomadaire de travail équivalente est fixée à 39 heures pour toutes les entreprises. »
Autrement dit, au motif du nécessaire « renforcement de l'attractivité de la branche, tant en termes de développement d'emplois qu'en termes de formation professionnelle », les salariés du secteur de l'hôtellerie et de la restauration ne connaîtront jamais de durée hebdomadaire du temps de travail égale à 35 heures.
En quoi le maintien de la semaine de 39 heures permet-il de renforcer l'emploi, surtout dans un secteur où les horaires sont extrêmement flexibles et où les salariés sont souvent contraints d'effectuer de nombreuses heures supplémentaires ?
Il faut, au contraire, dégager du temps de travail en faisant enfin passer les salariés de l'hôtellerie-restauration aux 35 heures, de manière à inciter les entreprises à embaucher.
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Très bien, fermez les restaurants et vous mangerez des sandwichs !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La législation actuelle permet de tenir compte des spécificités de ce secteur.
Dans ces conditions, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Il y a eu un accord collectif dans cette branche au mois de juillet dernier, accord qui a été étendu au mois de décembre.
Autrement dit, les auteurs de cet amendement veulent revenir, par loi, sur un accord collectif qui vient d'être conclu par les différents partenaires et qui a d'ailleurs conduit à sortir d'un huitième SMIC, le SMIC hôtelier.
Le Gouvernement, en faisant converger les SMIC, a réduit les inégalités et a permis la revalorisation de salaires qui sont parmi les plus modestes.
M. Roland Muzeau. Il en a coûté 5 millions d'euros à l'Etat, monsieur le ministre : ce n'est pas un geste patronal !
M. le président. L'amendement n° 213, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le refus d'un salarié d'effectuer une astreinte, ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement.
La parole est à Mme Eliane Assassi.
Mme Eliane Assassi. Le régime de l'astreinte, tel qu'il est défini à l'article L. 212-4 bis du code du travail, est aujourd'hui incomplet. En effet, il existe un vide juridique concernant les sanctions envers un salarié qui refuserait d'effectuer une astreinte : le code du travail n'en prévoit pas ; ce sont les conventions ou accords collectifs étendus qui s'appliquent.
Il convient de ne pas laisser perdurer un tel vide, qui pourrait, de surcroît, jouer en la défaveur des salariés.
En cas de silence de la convention collective ou des accords collectifs étendus, ou des accords d'entreprise ou d'établissement, si le contrat de travail ne prévoit pas, dans une clause spécifique, que le salarié peut être soumis à des astreintes, et si le fait d'imposer ces astreintes constitue une modification substantielle du contrat de travail, le salarié est en droit de refuser.
Mais, dans l'hypothèse où les astreintes sont effectivement prévues soit par la convention collective soit par le contrat de travail, le salarié peut se trouver dans une situation qui l'empêche, en toute bonne foi, d'effectuer les astreintes exigées par l'employeur. Dans ce cas de figure, le licenciement du salarié paraît excessif.
Afin de protéger le salarié, il convient d'inscrire dans le code du travail que le refus du salarié d'effectuer des astreintes ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Le régime de l'astreinte obéit à des règles complexes, définies de manière jurisprudentielle, qu'il n'est pas souhaitable de remettre en cause aujourd'hui sans une analyse vraiment approfondie et une concertation avec les partenaires sociaux.
C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le Gouvernement s'est déjà exprimé sur l'astreinte.
Je confirme simplement qu'il s'agit d'un pouvoir de la direction d'une entreprise. C'est également le sens de la jurisprudence.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 213.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles additionnels après l'article 3 (précédemment réservés)
M. le président. L'amendement n° 118 rectifié, présenté par MM. J.L. Dupont, Amoudry, Deneux, Biwer et Détraigne, Mmes Dini, G. Gautier et Payet et M. Vallet, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 221-3 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'interdiction du travail les dimanches ne s'applique pas aux apprentis employés dans les établissements visés à l'article L. 221-9 et aux apprentis effectuant les activités visées aux articles R. 221-4 et R. 221-4-1. »
L'amendement n° 119 rectifié, présenté par MM. J.L. Dupont, Amoudry, Deneux, Biwer et Détraigne, Mmes Dini, G. Gautier et Payet et M. Vallet, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 222-4 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'interdiction de travailler les jours de fêtes reconnues et légales ne s'applique pas aux apprentis employés dans les établissements visés à l'article L. 221-9 et aux apprentis effectuant les activités visées aux articles R. 221-4 et R. 221-4-1. »
La parole est à Mme Anne-Marie Payet, pour présenter ces deux amendements.
Mme Anne-Marie Payet. Tout apprenti a droit à un repos hebdomadaire. La durée de ce repos, qui varie en fonction de l'âge de l'apprenti, est fixée par l'article L. 221-4 du code du travail.
Pour les apprentis majeurs, le repos hebdomadaire est d'une durée de vingt-quatre heures consécutives et, pour les apprentis mineurs, de deux jours consécutifs.
Il ne fait pas de doute que le jour du repos hebdomadaire doit être, en principe, le dimanche. C'est ce qui résulte de deux articles du code du travail : l'article L. 221-3 et l'article L. 121-5.
Toutefois, l'article L. 221-9 dudit code énonce un certain nombre d'exceptions au principe du repos dominical et permet à certaines professions d'octroyer le repos hebdomadaire un autre jour que le dimanche.
Les articles R. 221-4 et R. 221-4-1, quant à eux, dressent une liste de travaux pour lesquels certains établissements peuvent fixer un autre jour que le dimanche pour le repos hebdomadaire.
La question s'est posée de savoir si ces dérogations étaient applicables aux apprentis, étant donné qu'un texte spécifique leur fait interdiction de travailler le dimanche.
Une circulaire du ministère du travail en date du 22 octobre 1975, confirmée par une autre circulaire, en date du 10 mai 1995, ayant pour objet l'emploi des apprentis le dimanche, dispose que, pour les apprentis, le repos dominical est le principe, mais que les dérogations à ce principe énoncées dans les articles L. 221-9, R. 221-4 et R 221-4-1 s'appliquent.
Ainsi, des apprentis peuvent travailler le dimanche dans des secteurs tels que l'hôtellerie, la restauration, la fabrication de produits alimentaires destinés à la consommation immédiate.
La loi de programmation pour la cohésion sociale a modifié l'article L. 221-3 du code du travail en limitant l'interdiction du travail le dimanche aux seuls apprentis mineurs.
Dès lors, pour les apprentis majeurs, il n'est plus nécessaire de faire référence aux circulaires de 1975 et de 1995 que je viens de citer. Il est donc possible de faire travailler ces apprentis le dimanche dans les mêmes conditions que n'importe quel autre salarié.
M. Roland Muzeau. Génial !
Mme Anne-Marie Payet. Cependant, par un arrêt du 18 janvier 2005, la chambre criminelle de la Cour de cassation a rappelé que les circulaires ne sont pas de nature à empêcher l'application des textes législatifs.
De ce fait, l'article L. 221-3 du code du travail tel qu'il est actuellement rédigé ne permet pas le travail du dimanche des apprentis mineurs, quelle que soit la branche d'activité dans laquelle ils travaillent.
M. Roland Muzeau. Tant mieux !
Mme Anne-Marie Payet. En ce qui concerne les jours fériés, l'article L. 222-4 édicte une semblable prohibition.
Cette interdiction généralisée du travail le dimanche et les jours fériés pour les apprentis mineurs est susceptible d'avoir des conséquences graves sur l'exercice de certaines professions, les métiers de bouche notamment, dont le pic d'activité hebdomadaire est précisément le dimanche et les jours fériés : pâtissiers, fleuristes, métiers de l'hôtellerie, etc.
Il convient donc de tenir compte des spécificités de certaines professions afin de ne pas priver les entreprises concernées de l'apport des apprentis et de ne pas enlever à ces derniers l'occasion de s'exercer à leur futur métier et de participer à la vie de l'entreprise dans ses phases de travail les plus intenses et les plus enrichissantes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission estime que l'amendement n° 118 rectifié risque de porter une atteinte grave à la protection dont bénéficient les apprentis en matière de repos hebdomadaire, mais elle souhaiterait cependant connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est, donc, l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Madame Payet, le sujet que vous abordez vient de faire très récemment l'objet d'un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation et, si je demande le retrait de vos amendements, c'est tout simplement parce que nous sommes en train d'expertiser les conséquences de cet arrêt, notamment avec le secrétaire d'Etat à l'insertion professionnelle des jeunes, Laurent Hénart, et avec les partenaires sociaux.
A l'évidence, le travail du dimanche soulève la question de la protection des apprentis mais aussi celle de leur formation, en particulier dans les métiers où l'essentiel de l'activité se déroule en fin de semaine, par exemple dans les métiers de bouche, et où il y a donc lieu de procéder à des adaptations.
Le projet de loi sur les entreprises qui sera bientôt présenté au Parlement pourra être l'occasion de reprendre des éléments de ces amendements, mais le sujet mérite que nous menions une étude approfondie et que nous consultions les partenaires sociaux.
Je vous invite donc, madame Payet, à retirer vos amendements, étant entendu que nous reviendrons sur ce sujet, dont je vous remercie d'avoir souligné l'importance.
M. Ladislas Poniatowski. Très bien !
M. le président. Les amendements sont-ils maintenus, madame Payet ?
Mme Anne-Marie Payet. Après les explications de M. le ministre, j'accepte de retirer ces amendements, mais j'insiste sur la nécessité de faire la lumière sur une situation véritablement inextricable, car plusieurs articles semblent contradictoires.
M. le président. Les amendements n°s 118 rectifié et 119 rectifié sont retirés.
L'amendement n° 228, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain et Mme Assassi, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 451-1 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 451-1 - Les salariés désireux de participer à des stages ou sessions de formation économique et sociale ou de formation syndicale organisés soit par des centres rattachés à des organisations syndicales de salariés reconnues représentatives sur le plan national, soit par des instituts spécialisés, ont droit, sur leur demande, à un ou plusieurs congés.
« Ce ou ces congés doivent donner lieu à une rémunération par les employeurs, dans les entreprises occupant au moins dix salariés à la hauteur de 0,1 pour mille du montant, entendu au sens du premier alinéa de l'article 213 du code général des impôts, des salaires payés pendant l'année en cours.
« Les dépenses correspondantes des entreprises sont déductibles, dans la limite prévue à l'alinéa précédent, du montant de la participation des employeurs au financement de la formation professionnelle continue, prévu à l'article L. 950-1 du présent code.
« La durée totale des congés pris dans l'année par un salarié ne peut excéder quinze jours. Elle ne peut excéder vingt-quatre jours pour les animateurs des stages et sessions et pour les salariés appelés à exercer des responsabilités syndicales.
« La durée de chaque congé ne peut être inférieure à trois jours.
« Le nombre total de jours de congés susceptibles d'être pris chaque année par l'ensemble des salariés de l'établissement au titre des formations prévues aux alinéas précédents ainsi qu'aux articles L. 236-10 et L. 434-10 ne peut dépasser un maximum fixé par arrêté ministériel compte tenu de l'effectif de l'établissement.
« Cet arrêté fixe aussi, compte tenu de l'effectif de l'établissement, le nombre maximum de jours de congé pouvant être utilisés par les animateurs et par les salariés appelés à exercer des responsabilités syndicales, ainsi que le pourcentage maximum de salariés pouvant être simultanément absents au titre des congés prévus au présent article.
« Les demandeurs d'emploi peuvent participer aux stages visés au premier alinéa du présent article dans la limite des durées de quinze et vingt-quatre jours par période annuelle prévues pour les salariés.
« Les travailleurs involontairement privés d'emploi continuent de bénéficier du revenu de remplacement auquel ils ont droit pendant la durée des stages considérés. »
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Cet amendement a pour objet d'améliorer la prise en charge de la formation économique, sociale et syndicale des salariés.
Nous proposons que la durée totale des congés pris dans l'année puisse atteindre quinze jours pour les salariés et vingt-quatre jours pour les animateurs de stages et sessions ainsi que pour les salariés appelés à exercer des responsabilités syndicales.
Notre proposition est importante, car elle vise à consolider la vie démocratique dans notre pays en renforçant la citoyenneté dans l'entreprise.
Sur toutes les travées de cet hémicycle, avec peut-être un peu d'hypocrisie sur celles qui sont situées à droite, la faiblesse du taux de syndicalisation est regrettée. Un des moyens d'aider le syndicalisme français est d'accroître de manière significative la formation syndicale, et d'arrêter la chasse aux délégués syndicaux...
Cette évolution apparaît d'autant plus nécessaire que la jungle juridique est toujours plus touffue, voire, hélas ! toujours plus impénétrable.
L'inflation législative que tous dénoncent, à commencer par les présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale, la multiplication des instances décisionnelles et des commissions, l'émergence des régions et des communautés d'agglomération et, surtout, l'émergence, contestée parce que contestable, d'un droit communautaire dont l'ésotérisme relève quasiment des sciences occultes, tout cela exige des acteurs de la vie sociale, et donc des syndicalistes, un savoir de plus en plus vaste.
Notre amendement s'inscrit dans une dynamique sociale qui vise à donner aux salariés les outils permettant de comprendre au mieux un monde dont la complexité est source d'insécurité croissante.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement vise à rendre plus généreux le régime applicable aux congés de formation économique, sociale et syndicale.
La commission, considérant que le régime actuel correspond à un équilibre satisfaisant entre droits des salariés et obligations des entreprises, ne pense pas qu'il soit utile de le réviser aujourd'hui.
Elle a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je ne sais pas si, bien qu'elle soit très à la mode, la formation à l'ésotérisme fait partie des priorités... Quoi qu'il en soit, je rappellerai simplement que le Gouvernement a retenu un certain nombre d'axes pour favoriser la vitalité des organisations professionnelles et syndicales.
Ainsi, des mesures en faveur de la transparence financière des relations avec les organisations professionnelles et syndicales ont été prises et le régime des exonérations a notamment été amélioré pour les cotisations syndicales dans la loi de finances.
En outre, nous conduisons depuis plusieurs mois avec l'ensemble des partenaires sociaux des réflexions sur les parcours, au long de la vie, au sein des syndicats ou des organisations professionnelles, afin d'éviter qu'un jour tel ou tel magistrat n'en vienne à déclarer emplois fictifs des situations qui correspondent en fait à un engagement dans la vie syndicale et dans la vie professionnelle.
Nous estimons en effet que le syndicalisme comme la représentation au travers des organisations professionnelles contribuent à donner vie aux corps intermédiaires nécessaires à la démocratie sociale.
Nous ne sommes pas favorables à votre proposition, monsieur Muzeau, car nous avons une approche plus globale, mais j'ai tenu, malgré l'heure tardive, à faire le point sur les travaux que nous menons au ministère des relations du travail sur ce sujet.
M. le président. L'amendement n° 229, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 933-1 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 933-1 - Tout salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, à l'exclusion des contrats mentionnés au titre Ier du livre Ier et au chapitre Ier du titre VIII du présent livre, disposant d'une ancienneté d'au moins un an dans l'entreprise qui l'emploie, bénéficie chaque année d'un droit individuel à la formation d'une durée de trente heures, sauf dispositions d'une convention ou d'un accord collectif interprofessionnel, de branche ou d'entreprise prévoyant une durée supérieure. Pour les salariés à temps partiel, cette durée est calculée pro rata temporis. »
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. La formation constitue un enjeu considérable pour l'avenir, essentiel pour le développement de notre société comme pour l'épanouissement humain.
Du Président de la République à M. Seillière, de M. Raffarin à MM. Sarkozy - Nicolas et Guillaume -, chacun insiste sur la nécessaire amélioration de la formation, en rejetant souvent la responsabilité d'une bonne partie des maux de la société sur les salariés, les chômeurs, les étudiants, qui ne feraient pas l'effort nécessaire pour bien se former.
Nous estimons, pour notre part, que la formation est un droit et que les moyens doivent être débloqués d'urgence pour franchir un pas décisif dans ce domaine.
Les sénateurs communistes sont partisans d'une véritable révolution culturelle dans le domaine du travail en assurant une sécurité emploi formation. Ce projet ambitieux s'apparente dans sa dimension à ce que fut à la Libération la mise en place de la sécurité sociale.
L'insécurité de l'emploi, qui perdure depuis trente ans et qui engendre une terrible insécurité sociale à la source de nombreux dérèglements de notre société, doit être prise à bras-le-corps. C'est pourquoi nous estimons nécessaire de mettre en place un système tel que la sécurité emploi-formation.
Notre amendement n° 229 vise à porter le droit individuel à la formation des salariés de vingt à trente heures par an, évolution qui apparaît minimale au regard des besoins, notamment des besoins nés de l'évolution technologique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement tend à accroître le droit individuel des salariés à la formation.
Le régime actuel est le fruit d'un consensus obtenu entre patronat et syndicats, et approuvé par le Parlement l'an dernier. Comme pour l'amendement précédent, la commission est hostile à une remise en cause de l'équilibre ainsi trouvé et elle a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Un accord unanime entre tous les partenaires sociaux est suffisamment rare pour que l'équilibre auquel il a permis de parvenir ne soit pas remis en cause.
Sur cet amendement comme sur le suivant, le Gouvernement ne peut donc qu'émettre un avis défavorable : j'estime que chacun fait preuve de responsabilité, y compris en ne prenant pas sur le temps de travail, et j'insiste sur l'importance de cet accord.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Je vous rappelle, monsieur le ministre, que l'accord est aussi unanime entre les organisations syndicales de salariés pour s'opposer à la présente proposition de loi : si vous teniez autant compte de leur accord unanime, nous ne discuterions pas encore à une heure aussi tardive !
M. le président. L'amendement n° 230, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article L. 933-2 du code du travail est ainsi rédigé :
« Une convention ou un accord collectif de branche ou d'entreprise peut prévoir des modalités particulières de mise en oeuvre du droit individuel à la formation, sous réserve que le cumul des droits ouverts soit au moins égal à une durée de cent quatre-vingts heures sur six ans ou, pour les salariés à temps partiel, au montant cumulé des heures calculées chaque année conformément aux dispositions de l'article L. 933-1, dans la limite de cent quatre-vingts heures. Les droits acquis annuellement peuvent être cumulés sur une durée de six ans. Au terme de cette durée et à défaut de son utilisation en tout ou partie, le droit individuel à la formation reste plafonné à cent quatre-vingts heures. Ce plafond s'applique également aux salariés à temps partiel, quel que soit le nombre d'années cumulées, sur la base des droits annuels acquis pro rata temporis. Chaque salarié est informé par écrit annuellement du total des droits acquis au titre du dispositif du droit individuel à la formation. »
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Cet amendement est déjà défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Défavorable !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. M. le président. L'amendement n° 231, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa de l'article L. 933-3 du code du travail est ainsi rédigé :
« Le droit individuel à la formation s'exerce pendant le temps de travail »
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Cet amendement est déjà défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Défavorable !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 232, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les deux premières phrases de l'article L. 933-4 du code du travail sont ainsi rédigées :
« Les heures consacrées à la formation ouvrent droit au maintien de la rémunération du salarié dans les conditions définies au I de l'article L. 932-1. Le montant des frais de formation correspondant aux droits ouverts sont à la charge de l'employeur et sont imputables sur sa participation au développement de la formation professionnelle continue. »
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Selon le MEDEF, le salarié devrait participer financièrement à sa formation professionnelle en l'effectuant en dehors de son temps de travail.
Au-delà de l'aspect juridique et financier de la prise en charge de la formation, la notion de co-investissement, sur laquelle se fonde le Gouvernement depuis la loi du 4 mai 2004 afin de remettre en cause le droit à la formation individuelle, vise à nous convaincre que le salarié doit mériter son emploi, et donc sa formation.
Les salariés qui n'ont pas pu bénéficier d'une formation évoquent souvent celle-ci comme un rêve impossible soit parce qu'ils n'ont reçu aucune proposition, soit parce que leur début de démarche auprès de l'employeur, de l'ANPE ou d'un organisme public ou privé s'est soldé par une fin de non-recevoir, soit parce qu'ils connaissent des problèmes financiers ou d'emploi du temps, soit encore parce que leur contrat d'intérim, leur contrat emploi-solidarité ou leur emploi à temps partiel ne leur ouvre pas de droits. Nombreuses sont donc les raisons.
Il est important, pour garantir un droit à la formation effectif, de prévoir, d'une part, que le salarié conserve sa rémunération après avoir effectué sa formation et, d'autre part, que les frais de formation correspondant aux droits ouverts sont à la charge de l'employeur.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement aurait pour effet de priver de l'allocation de formation les salariés qui suivent une formation en dehors de leur temps de travail.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 233, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 933-6 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 933-6 - Le droit individuel à la formation est transférable en cas de licenciement du salarié, sauf pour faute grave ou faute lourde. Dans ce cas, le montant de l'allocation de formation correspondant aux heures acquises au titre du droit individuel à la formation et n'ayant pas été utilisées est calculé sur la base du salaire net perçu par le salarié avant son départ de l'entreprise. Les sommes correspondant à ce montant doivent permettre de financer tout ou partie d'une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l'expérience ou de formation, lorsqu'elle a été demandée par le salarié avant la fin du délai-congé ou proposée par l'employeur. Dans le document mentionné à l'article L. 122-14-1, l'employeur est tenu, le cas échéant, d'informer le salarié qu'il licencie de ses droits en matière de droit individuel à la formation, notamment de la possibilité de demander pendant le délai-congé à bénéficier d'une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l'expérience ou de formation. En cas de démission, le salarié peut demander à bénéficier de son droit individuel à la formation sous réserve que l'action de bilan de compétences, de validation des acquis de l'expérience ou de formation soit engagée avant la fin du délai-congé. En cas de départ à la retraite, le droit individuel à la formation n'est pas transférable. »
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Le droit individuel à la formation est transférable. Cette caractéristique se justifie pleinement à une époque où la mobilité du salarié, d'une entreprise à l'autre et d'un métier à un autre, est devenue une pratique courante.
Dans le contexte d'une économie nationale et mondiale mouvante, la formation demandée ne peut exclusivement viser l'adaptation à un seul poste de travail ; le salarié devra, à un moment de sa vie, utiliser son droit à la formation pour se reconvertir.
Cette « transférabilité » du droit individuel à la formation pourrait se concevoir comme une épargne-temps si ce droit était calculé dans le respect des textes légaux concernant la durée du travail, mais nous savons que, pour des raisons dites comptables, les employeurs préfèrent le monnayer. Une sécurité sociale de l'emploi et de la formation n'est donc malheureusement pas à l'ordre du jour.
Il faut absolument insister également sur le devoir qui incombe à l'employeur de tenir le salarié informé de ses droits à différentes formations et sur le fait que les sources d'information doivent être facilement accessibles afin de susciter et de faciliter les démarches des salariés.
Le droit à la formation compense la peur de l'avenir professionnel. Il y a des métiers, des secteurs, des branches entières qui disparaissent. Il y a également les accidents du travail et de la vie. C'est pourquoi il convient de prévoir que le droit à la formation est transférable en cas de licenciement du salarié.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 233.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la durée du travail relève de l'ordre public social. Ces lois sont faites pour protéger la santé et l'emploi. Le progrès, c'est de travailler moins en gagnant plus, et non pas l'inverse.
La productivité et la richesse de notre pays ont atteint de hauts niveaux, avec des profits records et des dividendes qui, en 2003, représentaient 7 % du PIB, contre 5,3 % aux Etats-Unis, où les salariés ne bénéficient pas des 35 heures !
Dans ce contexte, le slogan que vous rabâchez depuis trois jours, « travailler plus pour gagner plus », est plus qu'inexact : il est mensonger et provocateur pour les millions de nos concitoyens qui veulent travailler mais n'ont pas d'emploi ou sont contraints au travail à temps partiel.
En vérité, avec la présente proposition de loi, faux nez du Gouvernement, il s'agit de faire travailler plus pour gagner plus. Car, malgré la propagande que vous avez faite autour de ce texte, il est impossible d'ignorer qu'il constitue une étape décisive dans votre politique de paupérisation du salariat. La « smicardisation » de la société est bien votre objectif !
Vous osez encore prétendre mettre en avant le dialogue social, alors que votre réforme a été unanimement dénoncée par les organisations syndicales de salariés et qu'elle a suscité grèves et manifestations.
Tous les clignotants sociaux sont au rouge. L'ensemble des associations impliquées dans le champ social font état de l'extrême gravité de la situation, de l'exclusion massive, des ravages de la pauvreté dans notre société.
« Et alors ? », répond le Gouvernement, dans un pas de deux avec le MEDEF, et avec la complicité de quatre députés de l'avant-garde ultralibérale, « Il faut réduire le code du travail et placer les salariés dans un face-à-face avec leur employeur ! » Mais, inéluctablement, dans ce face-à-face, ils seront toujours perdants.
Vous avez refusé tous les amendements présentés par le groupe communiste républicain et citoyen, qu'il s'agisse du contingent d'heures supplémentaires, du rétablissement du taux de majoration de ces dernières ou d'autres sujets majeurs tels que le travail de nuit, la santé au travail, les règles de prise en compte du temps de trajet dans le temps de travail, la définition de l'astreinte, la revalorisation des temps partiels ou l'utilisation du compte épargne-temps.
De même, vous avez refusé de faire droit à nos propositions visant à réduire les inégalités entre les hommes et les femmes sur le plan de l'emploi et du pouvoir d'achat, lequel accuse encore un écart de 25 %.
Rien de surprenant à tout cela, car votre réforme s'inscrit parfaitement dans la politique de destruction du droit du travail et de régression sociale que votre gouvernement mène depuis plusieurs années : de Fillon à Larcher, tout se tient !
Derrière votre volonté d'isoler les salariés et de multiplier les cas particuliers et les règles dérogatoires, votre but est d'individualiser les rapports entre salariés et employeurs, car vous ne savez que trop à quel point ce rapport de force est inégal et à qui il profite.
Il y a quelque temps déjà, un article, qui garde pour moi toute sa pertinence, est paru dans Le Figaro - j'ai de bonnes lectures ! -, sous le titre : « Pour le droit de dire non à l'actionnaire ». Il reste parfaitement d'actualité à l'heure où sont annoncés des chiffres de progression records pour les profits de certains piliers de la bourse : Total, 23 % ; BNP, 24 % ; L'Oréal, 143 % ; Renault, 55 % ; Arcelor, 872 % ; Danone, 10 % ; Schneider, 30 % ; Bouygues, 41 % !
M. Louis Souvet, rapporteur. Vous n'avez pas cité Peugeot !
M. Roland Muzeau. Dans cet article, sur lequel je vous invite à méditer, monsieur le ministre, André Solé, sociologue et professeur à HEC, écrivait : « Lorsque les intérêts particuliers menacent l'intérêt général, l'Etat doit intervenir pour défendre ce dernier. C'est sa mission, sa raison d'être. Exiger "moins d'Etat", n'est-ce pas préférer un monde se référant à un intérêt général réduit ?... Tout se passe comme si l'appétit de l'actionnaire n'avait pas de limites, comme si l'intérêt d'une catégorie de citoyens était supérieur à l'intérêt général... L'incapacité de l'Etat à protéger l'intérêt général finit par apparaître pour ce qu'elle est : une décision. »
Une nouvelle fois, vous venez de prendre cette « décision » et de manifester « l'incapacité de l'Etat à protéger l'intérêt général » avec cette proposition de loi mettant à mort les 35 heures.
Mes chers collègues, permettez-moi maintenant de vous proposer une devinette. Qui a dit : « Plus la désespérance est grande, plus l'Etat doit s'affirmer » ? Je vais vous aider : cette phrase a été prononcée par Jean-Louis Debré à l'Assemblée nationale voilà quelques jours. Quel dommage qu'il n'en reste qu'aux paroles !
Quel dommage aussi que l'aggravation de la flexibilisation du travail n'ait pas retenu toute votre attention : Le nombre de contrats à durée déterminée et de missions d'intérim a augmenté de 69 % de 1995 à 2003.
L'emploi précaire se développe. Ecoutez bien ces chiffres, mes chers collègues : la durée moyenne d'intérim a chuté de 85 heures en 1995 à moins de 74 heures en 2003, et 33 % des missions d'intérim sont contractées pour une durée d'une journée.
Mais cela ne suffit toujours pas ! M. Devedjian veut faire travailler huit dimanches par an, pour commencer, dans le commerce et les services.
Bref, dans ces débats, l'UMP et l'UDF ont probablement réussi à donner de nombreuses raisons à des millions de nos compatriotes de manifester le 10 mars prochain contre votre politique, comme de voter non à la Constitution européenne qui est porteuse de la même politique que celle qui nous a occupés pendant ces trois jours. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Philippe Goujon. Amalgame !
M. Roland Muzeau. Je savais que vous alliez apprécier !
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Les applaudissements sont discrets !
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « En France, nous sommes les plus mauvais en matière de chômage des jeunes, les plus mauvais en matière de chômage des plus de cinquante ans, les plus mauvais en nombre de chômeurs de longue durée et les travailleurs pauvres sont de plus en plus nombreux... ».
M. Philippe Goujon. Dix ans de socialisme !
Mme Raymonde Le Texier. Vous reconnaissez sans doute ces propos : ils ont été tenus voilà quatre semaines environ, sur une radio nationale, par M. Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.
Quand un pays est confronté à tant de difficultés, quand il atteint la barre symbolique de 10 % de sa population active au chômage, quand les salaires stagnent, quand le coût de la vie s'envole et les fins de mois deviennent difficiles pour la majorité de ses habitants, on s'attend naïvement à ce que les résultats des entreprises reflètent ce climat de déréliction sociale : rendements en berne et bénéfices en panne. On s'attend également à ce que le Gouvernement mette tout en oeuvre pour relancer l'emploi.
En France, c'est tout le contraire : les profits flambent, ceux des entreprises du CAC 40 devraient allégrement dépasser le cap des 40 milliards d'euros en 2004, Total a vu ses résultats augmenter de 37 %, Arcelor, de 800 %, L'Oréal, de 144 %... Jamais depuis quinze ans les entreprises n'ont été aussi rentables.
Cet abîme entre la situation des Français et l'explosion des profits des entreprises est plus qu'incompréhensible : il devient obscène. Tant d'argent et si peu pour les salaires ! Tant d'accumulation et si peu de redistribution ! Tant de richesses et si peu de partage !
Si les salariés dans leur grande majorité sont les oubliés de la multiplication des profits, une petite frange de la société, elle, voit prospérer ses avantages : les actionnaires et les dirigeants des grandes entreprises.
Pour les actionnaires, des dividendes comme s'il en pleuvait : un tiers des bénéfices leur sont distribués et les exigences des marchés financiers ne font que se renforcer.
Pour les grands patrons, les émoluments ne cessent de croître, que leurs résultats soient bons ou non. En 2003, ils se sont augmentés en moyenne de 23 % et leur rémunération annuelle globale, stock-options comprises, est estimée à 6,2 millions d'euros.
Cela veut dire que, pour gagner ce que gagne un président-directeur général en un an, un smicard devrait travailler six cents ans ! Est-il possible que, dans notre République égalitaire, un homme vaille six cents fois plus qu'un autre ?
Le pis, c'est que ces profits records ne servent en aucun cas à préparer l'avenir. Pas plus qu'elles ne créent de l'emploi, les entreprises n'ont de politique d'investissement. Elles préfèrent spéculer plutôt qu'investir, délocaliser plutôt que miser sur la productivité, augmenter le volume des heures supplémentaires plutôt qu'embaucher.
Face à une telle situation, le Gouvernement n'a pas de politique, pas de projet, encore moins de dessein ; il n'a qu'un discours, la baisse des coûts salariaux, et une seule source d'inspiration, les revendications du MEDEF.
Le résultat : une crise de la demande qui plonge l'économie française dans le marasme, alors que, depuis trente ans, la croissance mondiale n'a jamais été aussi forte.
Face à une telle absurdité, des voix s'élèvent pour réclamer un « Grenelle » sur les salaires et pour demander à l'Etat d'impulser un processus de négociation globale sur la répartition de la valeur ajoutée entre salaires et profits, en réunissant à la table des négociations les partenaires sociaux.
Mais ce gouvernement est sourd. Enfermé dans son parti pris idéologique, talonné par l'échec, il n'est que mépris pour les salariés et indifférence pour leurs conditions de vie. Plutôt que de prendre la mesure de ses erreurs, il préfère désigner un bouc émissaire.
L'économie française va mal, le pouvoir d'achat des français est trop bas : c'est la faute des salariés ! Ils sont, en France, trop coûteux, trop paresseux, trop protégés ! S'ils veulent gagner plus, qu'ils travaillent donc plus ! S'ils veulent travailler plus, qu'ils acceptent donc n'importe quelles conditions et des rémunérations rognées !
En s'attaquant au droit du travail, c'est la soumission de l'employé à l'employeur que ce texte porte toujours en germe et institue souvent.
Monsieur le ministre, votre majorité votera la présente proposition de loi, mais derrière chaque mot de ce texte, il y a des millions de salariés qui verront leurs conditions de travail au quotidien modifiées, toujours dans le sens de plus de flexibilité et de moins de rémunération. « Travailler plus pour gagner moins », telle sera leur nouvelle réalité, et de cet avenir-là, vous serez comptable.
Je ne suis dans cette enceinte que parce que, depuis trente ans, des milliers de personnes me font confiance et me désignent pour porter leur parole, pour être leur représentante et leur relais. C'est le cas pour chacun d'entre nous dans cet hémicycle. Mais, chaque jour, nous constatons à quel point les difficultés s'accroissent et le désespoir grandit : écrasés sous les charges, soumis à la pression du chômage et dépourvus de perspectives de progression, les salariés se sentent trop souvent considérés comme des marchandises.
Cette proposition de loi, qui vise à les appâter en leur faisant espérer une augmentation de pouvoir d'achat, est plus qu'une escroquerie : c'est une trahison !
Mesdames, messieurs de la majorité gouvernementale, vos électeurs ne sont pas uniquement les patrons, les restaurateurs ou les rentiers ; ce sont aussi des gens modestes, ayant adhéré à un discours qui faisait la part belle à la fracture sociale et à l'égalité républicaine.
Comment pouvez-vous aujourd'hui les manipuler ainsi ?Ils vous ont donné leur confiance ; ils vous ont confié leurs intérêts et vous ont remis leurs espoirs. Et vous, vous cédez aux caprices du MEDEF, alors même qu'en votre for intérieur, vous savez que cette loi n'améliorera en rien la situation économique des salariés, et encore moins celle de la France.
Les salariés ne gagneront pas un sou de plus, aucun emploi ne sera créé et vous porterez la responsabilité d'une dégradation sans précédent des conditions de travail.
M. Roland Muzeau. C'est sûr !
Mme Raymonde Le Texier. Oui, monsieur le ministre, vous serez bien le fossoyeur du code du travail, mais ne comptez pas sur les élus socialistes pour voter cette mise à mort ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi relative à la réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise répondait à la nécessité d'assouplir le dispositif légal des 35 heures.
Cet assouplissement est le bienvenu : avec les lois Aubry, la France avait choisi de mettre en oeuvre une RTT autoritaire et dirigiste. C'est un choix que nous regrettons. Si la diminution du temps de travail semble aller dans le sens d'un mouvement historique irrésistible, ce mouvement doit d'abord être le fait des partenaires sociaux eux-mêmes.
Il aurait été préférable que la RTT soit facultative et exclusivement mise en oeuvre par des conventions ou des accords collectifs. Au lieu de cela, le cadre rigide dessiné par les lois Aubry a pesé et pèse encore parfois lourdement sur les entreprises.
Les assouplissements portés par la présente proposition de loi répondent donc à un souci légitime de nos concitoyens et il faut d'autant plus s'en féliciter qu'ils ne se font pas au détriment des salariés.
Au contraire, avec l'aménagement du compte épargne-temps et le nouveau régime des heures choisies, les salariés sont au coeur de la réforme. Ils disposent désormais d'instruments attractifs, leur permettant de mieux opérer un choix entre repos et rémunération.
Cependant, en assouplissant le cadre légal de l'organisation du temps de travail, on ne doit pas faire n'importe quoi. Il ne saurait être question de remettre en cause les bases de notre droit du travail, reflet légal d'un pacte social auquel chacun de nous est viscéralement attaché.
L'assouplissement du dispositif des 35 heures ne saurait servir de prétexte à la remise en cause d'acquis sociaux aussi élémentaires que les congés payés ou la liberté syndicale.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Si justement !
Mme Anne-Marie Payet. Au cours de ses travaux, la Haute Assemblée s'est montrée soucieuse de procéder à un assouplissement modéré, respectueux des droits acquis des salariés. Deux amendements fondamentaux adoptés par le Sénat témoignent de cette préoccupation essentielle.
Le premier, émanant de la commission des affaires sociales, sanctuarise les congés payés. Il vise à interdire de verser dans le compte épargne-temps les jours de congés payés légaux prévus par l'article L. 223-2 du code du travail. Le groupe UC-UDF avait déposé un amendement identique.
Par ailleurs, le Sénat a adopté l'un de nos amendements, aux termes duquel tout accord relatif à la mise en place du compte épargne-temps dans les entreprises de moins de vingt salariés pourra être négocié et conclu par un salarié mandaté par une organisation syndicale représentative. Le mandatement sera possible dans les petites entreprises dépourvues de délégués syndicaux et de représentants du personnel.
L'adoption de cet amendement est très importante parce que celui-ci tend à rendre effective la démocratie sociale dans les petites entreprises et à étendre la représentativité syndicale. De plus, il permettra d'améliorer le maillage conventionnel dans notre pays, sans lequel les principales dispositions de la présente proposition de loi resteraient lettre morte.
Ces améliorations substantielles permettront à mon groupe de voter la proposition de loi portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise.
Permettez-moi enfin, mes chers collègues, de féliciter la commission des affaires sociales, tout particulièrement son rapporteur Louis Souvet, pour l'excellent travail accompli. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Bernadette Dupont.
Mme Bernadette Dupont. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe UMP se prononcera pour l'adoption de la proposition de loi portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise.
En effet, nous sommes convaincus de la nécessité d'apporter des assouplissements à la législation relative à la durée du temps de travail, assouplissements fondé sur deux principes essentiels : un cadre négocié par les partenaires sociaux ; le volontariat du salarié (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame), c'est-à-dire tout ce qui manquait à la législation imposée par la précédente majorité.
Ce texte est aussi l'occasion de permettre à nos concitoyens d'améliorer leur pouvoir d'achat en leur donnant la possibilité de travailler plus s'ils le souhaitent, et donc d'être payés en conséquence, ou de convertir les jours stockés sur leur compte épargne-temps en salaire.
Le dispositif est parfaitement encadré par une double garantie : d'une part, l'obligation de passer un accord collectif, d'autre part - mesure qui résulte de l'adoption d'une proposition opportune de notre excellent rapporteur Louis Souvet - l'impossibilité de monétiser la cinquième semaine de congés payés.
En ce qui concerne le taux de rémunération des heures supplémentaires, le Sénat a souhaité, sur l'initiative de notre collègue rapporteur pour avis, Elisabeth Lamure, confirmer la disparition des régimes dérogatoires dans les entreprises de moins de vingt salariés après le 31 décembre 2008 en l'inscrivant dans la loi. C'était, à mon sens, essentiel.
M. Roland Muzeau. Pompier incendiaire !
Mme Bernadette Dupont. Ce texte s'inscrit donc parfaitement dans la droite ligne des réformes engagées par le Gouvernement pour mettre l'économie française sur le chemin du dynamisme et de la croissance et pour aider enfin les entreprises à se développer. Nous levons ainsi quelques freins qui entravent l'activité dans notre pays et favorisons l'emploi et le pouvoir d'achat.
Il n'y a pas, comme certains le prétendent, d'idéologie dans le choix que nous faisons, car nous donnons davantage de liberté aux salariés et aux partenaires sociaux.
Mme Eliane Assassi. Vous êtes la seule à le croire !
Mme Bernadette Dupont. Pour conclure, je voudrais remercier nos deux rapporteurs, Louis Souvet et Elisabeth Lamure, pour l'excellent travail qu'ils ont effectué et qui a permis d'éclairer notre réflexion, mais aussi M. le ministre pour la qualité des échanges que nous avons eus avec lui.
M. Ladislas Poniatowski. C'est bien vrai !
M. Roland Muzeau. Vous n'avez rien dit !
Mme Bernadette Dupont. Nous voterons donc très volontiers ce texte porteur de liberté et de confiance dans le dialogue social. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Que du bonheur ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on peut s'interroger : dans la très difficile compétition internationale, un gouvernement qui légifère pour diminuer le temps de travail ne programme-t-il pas le déclin de son pays ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Lisez le numéro de jeudi de Libération ! L'analyse de M. Artus va vous éclairer !
M. Aymeri de Montesquiou. Quoi qu'il en soit, les 35 heures traduisent une forme de renoncement : renoncement à l'ambition d'être les premiers, renoncement à la conquête des marchés, renoncement à l'enthousiasme.
M. Roland Muzeau. C'est du chinois !
M. Aymeri de Montesquiou. Repli sur soi, refus de la compétition, acceptation de la régression : il a fallu utiliser une dialectique bien éloignée de toute logique économique pour tenter de démontrer que la mise en place des 35 heures serait une bonne décision pour la France !
Cette réduction autoritaire du temps de travail fut une erreur économique, une erreur budgétaire et, surtout, une erreur sociale.
M. Roland Muzeau. N'importe quoi !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ben voyons !
M. Aymeri de Montesquiou. L'incrédulité ironique de nos concurrents, les handicaps de nos entreprises, le recul du revenu des Français démontrent que ce fut une erreur économique.
Dépense inutile et absurde, n'engendrant aucune valeur ajoutée en retour, aucune création d'emploi, elle fut en outre source d'injustice. En effet, sans bénéficier d'un quelconque allègement de leurs charges, les non-salariés ont dû travailler davantage pour que d'autres travaillent moins. Et c'est là une erreur budgétaire.
M. Roland Muzeau. C'est n'importe quoi !
M. Aymeri de Montesquiou. Enfin, l'interdiction faite aux Français les plus modestes de travailler plus pour gagner plus afin d'améliorer leur pouvoir d'achat est une erreur sociale.
Si travailler moins peut, certes, être un objectif choisi, la limitation obligatoire du temps de travail à 35 heures constitue de toute évidence un grave handicap pour notre pays, confronté à la compétition inexorable de la mondialisation.
Ne transformons pas cet échange d'arguments en un affrontement politique ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.) Pourquoi ne pas nous retrouver autour de la liberté de travailler ? Le temps choisi répond à cette attente.
M. Roland Muzeau. Et les chômeurs ?
M. Aymeri de Montesquiou. Pour ce faire, rehaussons le débat en refusant les slogans stériles !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et ceux qui n'ont pas de travail ?
M. Aymeri de Montesquiou. Ne sommes-nous pas tous les tenants des mérites et vertus de la négociation collective ? Or cette proposition de loi n'aura d'effet que si un accord de branche ou d'entreprise a été négocié au préalable.
Avec l'assouplissement du temps légal, il s'agit bien, au final, de définir un principe du temps choisi, de préserver la liberté individuelle dans des conditions encadrées par des accords collectifs. Il est évident que l'Etat doit en être le garant au travers de la définition de l'ordre public social.
Cette liberté, vous devez en être le gardien, monsieur le ministre. Cette liberté, nous la défendons tous : elle est de toute évidence préférable à des législations toujours plus contraignantes, autoritaires et malthusiennes, comme le furent les lois Aubry sur les 35 heures.
Au-delà de toute divergence politique, interrogeons-nous : comment faire face au poids grandissant des retraites, au coût toujours croissant de la protection sociale, sinon grâce à un PIB toujours plus important ? Pour cela, il n'y a d'autre voie que le libre accès au travail et la levée des entraves à la création d'emplois et de richesses.
C'est pourquoi la majorité du groupe du RDSE votera ce projet de loi. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des affaires sociales.
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, je tiens à remercier tous ceux qui nous ont accompagnés au cours de ce long débat : hier soir, nous avons siégé fort tard. (Murmures sur les travées du groupe CRC.)
Assez, les donneurs de leçons ! Laissez parler les autres ; vous avez raison sur tout !
M. Roland Muzeau. Je n'ai rien dit !
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Je tenais donc à remercier M. le rapporteur Louis Souvet et tout particulièrement Mme le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, Mme Lamure, qui nous a assistés tout au long de ce débat.
Monsieur le ministre, vous avez largement répondu à toutes les questions qui vous ont été posées ; je vous en remercie également.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Remerciez l'opposition qui a posé les questions !
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. J'ai déjà dit que nous en avions assez des donneurs de leçon !
Des propos à la limite de l'acceptable ont été tenus à certains moments du débat à l'encontre de M. le ministre et des rapporteurs.
M. Roland Muzeau. Ce n'est pas vrai !
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Je le regrette : une telle attitude n'est pas digne du Sénat ! Dans une autre assemblée on ne s'en offusque pas, mais ici, normalement, tout le monde se respecte. Je dois dire que ces propos m'ont choqué.
Enfin, je remercierai les différents présidents de séance qui ont excellemment dirigé nos travaux. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici arrivés au terme de l'examen de la proposition de loi portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise. Au cours de ce long débat, nous avons pu échanger les uns, les autres, de quelque bord que nous soyons ; nous avons pu dialoguer,...
M. Roland Muzeau. Ah non !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. ...je vous en remercie.
Je tiens, moi aussi, à remercier les deux rapporteurs.
Louis Souvet, grâce à son expérience, a permis d'enrichir cette proposition de loi en y ajoutant un certain nombre d'éléments essentiels. S'agissant notamment de la cinquième semaine de congés payés, il a donné une dimension nouvelle au texte.
Je remercie Mme Lamure de son concours actif. Je me suis réjouis de la participation à ce débat de la commission des affaires économiques, qui est toujours très chère à mon coeur.
Cette proposition de loi traduit tout simplement l'engagement pris par la majorité et tenu par François Fillon dès le début de l'année 2003. Il est logique que des élus de la majorité apportent leur soutien à la définition d'un espace de liberté destiné à la fois aux entreprises et aux salariés, un espace de liberté construit, par l'apport des indispensables souplesses nécessaires, autour d'un certain nombre de principes traduisant des valeurs sociales partagées dans notre pays : le principe de l'accord collectif, celui de l'ordre public social.
Certains ont parfois donné le sentiment que nous vivions encore dans un monde dont les limites seraient nos frontières, oubliant que nous nous trouvions maintenant dans une espèce de grand village mondial où règne la compétitivité. Seule la dimension européenne peut aujourd'hui nous permettre de relever le défi qui nous est lancé.
M. Roland Muzeau. Il faut voter non !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Ce matin même, en préparant le Conseil des chefs d'Etat et de Gouvernement qui traitera du pilier social et du pilier environnemental, j'ai encore pu mesurer combien ceux qui opposent la compétitivité et le social manquent un véritable rendez-vous.
En effet, la compétitivité et le social ne sont pas ennemis : l'économique a besoin du social, comme le social a besoin de l'économique. Cette complémentarité constitue l'une des valeurs spécifiques de l'Europe, ces valeurs que nous devons défendre et que la Constitution européenne nous donne l'occasion d'affirmer et d'enrichir. C'est aussi ce défi de la compétitivité et du social que nous aurons à relever dans quelques semaines.
Pour conclure, je remercierai le Sénat dans son ensemble, qui, comme chaque fois, a apporté sa contribution fructueuse au débat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
5
DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI
M. le président. J'ai reçu de Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Paulette Brisepierre, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Christian Cointat, Robert Del Picchia, Louis Duvernois, André Ferrand, Michel Guerry et Mme Christiane Kammermann une proposition de loi relative à l'harmonisation de l'âge minimal du mariage pour l'homme et pour la femme.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 222, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. Michel Thiollière une proposition de loi relative au renforcement de la coopération décentralisée en matière de solidarité internationale.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 224, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
6
DÉPôT D'UNE PROPOSITION DE résolution
M. le président. J'ai reçu de M. Robert Del Picchia une proposition de résolution, présentée au nom de la délégation pour l'Union européenne en application de l'article 73 bis du règlement, sur la proposition de décision du Conseil instituant le Collège européen de police (CEPOL) en tant qu'organe de l'Union européenne (n° E-2765).
La proposition de résolution sera imprimée sous le n° 223, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
7
ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 8 mars 2005 :
A dix heures :
1. Dix-sept questions orales.
A seize heures et le soir :
2. Discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à la régulation des activités postales (n° 149, 2004-2005) ;
Rapport (n° 219, 2004-2005) fait par M. Pierre Hérisson, au nom de la commission des affaires économiques et du Plan.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : Lundi 7 mars 2005 à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : Lundi 7 mars 2005 à seize heures.
Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements
Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à la régulation des activités postales (n° 149, 2004-2005) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : Lundi 7 mars 2005, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : Lundi 7 mars 2005, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le vendredi 4 mars 2005, à une heure quinze.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD