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NOMINATION DE MEMBRES D'ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de trois organismes extraparlementaires.
Les commissions des affaires culturelles, des affaires sociales et des affaires économiques ont fait connaître leurs candidats.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :
- MM. Ambroise Dupont, Marcel Vidal et Jean Boyer membres de la Commission supérieure des sites, perspectives et paysages ;
- M. Pierre Hérisson membre du Conseil national de la sécurité routière ;
- M. Pierre André membre titulaire et Mme Valérie Létard membre suppléant du Conseil d'orientation de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles.
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Traitement de la récidive des infractions pénales
Suite de la discussion et adoption d'une proposition de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales.
Exception d'irrecevabilité
M. le président. Je suis saisi, par MM. Badinter, Collombat, C. Gautier, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 37, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au traitement de la récidive des infractions pénales (n° 127, 2004-2005).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la motion.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nombre d'orateurs l'ont déjà dit : il est légitime de lutter contre la récidive, contre toute forme de récidive, a fortiori s'agissant de crimes, d'atteintes graves à l'intégrité physique, d'actes de violence, de viols. Nul ne le conteste, et nous ne le contestons évidemment pas.
La vraie question est celle de la méthode.
Or, si nous nous devons de prendre en compte la réalité, si nous nous devons de tirer les leçons des dysfonctionnements, des drames, des tragédies, nous devons nous garder, mes chers collègues, des législations spectaculaires censées frapper l'opinion, mais qui ne produisent pas toujours l'effet recherché - lorsqu'elles ne produisent pas l'effet contraire à celui qui est recherché.
Que la peine soit plus élevée en cas de récidive, cela paraît logique. C'est d'ailleurs déjà le cas : c'est écrit noir sur blanc dans les textes. Mais additionner les peines à perte de vue, au-delà de la durée de la vie même, est contraire aux principes de notre droit. Et quand même cela serait possible, je doute fort de l'effet concret d'une telle frénésie d'additions et de multiplications !
M. Sarkozy - puisqu'il faut bien parler de lui, notamment - avait cru trouver une mesure spectaculaire propre à frapper les esprits à la télévision : la peine plancher. Monsieur le garde des sceaux, vous avez eu raison de vous y opposer, comme l'ont fait nombre de juristes, nombre d'associations de magistrats.
La peine plancher ressortit à une conception de la justice qui fait de celle-ci une justice automatique, déniant le travail des magistrats, leur pouvoir d'appréciation, leur capacité à juger, exercice tellement difficile, mais qui s'accommode mal de l'automaticité tant il faut prendre en considération les facteurs humains, qu'ils concernent les prévenus ou les victimes, tant il faut travailler sur les situations, sur les réalités, et d'abord sur les réalités humaines, pour que la justice soit juste, pour que la peine soit proportionnée, pour que la sanction soit, autant que faire se peut, réparatrice.
Puisque la voie des peines plancher paraissait fermée, les zélotes du sarkozysme - appelons-le par son nom ! - ont inventé un substitut, ou plutôt des substituts qui sont l'essence même de cette proposition de loi.
Ces substituts procèdent, même s'ils s'appuient sur des procédures et sur des techniques différentes, du même état d'esprit : celui de l'automaticité, jugée objective, sûre et sécurisante. Nous en verrons plusieurs exemples.
Mais la proposition de loi fait l'impasse totale sur les mesures qu'il est urgent de prendre si l'on veut vraiment lutter contre la récidive.
Si l'on veut vraiment lutter contre la récidive, il faut revenir inlassablement sur la réalité carcérale, sur les conditions dans lesquelles se déroule la détention, et se poser la question : est-ce que ces conditions concrètes permettent à la personne qui est détenue de s'amender, est-ce qu'elles préparent cette personne à sortir de la prison dans un état médical, psychologique, psychiatrique, dans une situation humaine, matérielle, sociale qui ne conduise pas à la récidive ? Voilà la vraie question ! A-t-on les moyens du suivi, de la réinsertion sociale et professionnelle de l'ancien détenu ?
Vous savez, monsieur le ministre, que la solution passe par la réduction de la surpopulation de nos prisons. J'ai souvent soulevé devant vous le cas d'une prison de mon département, celle d'Orléans. Vous m'avez dit que la surpopulation allait baisser : elle a en effet un peu baissé. Mais vous m'aviez annoncé qu'une nouvelle maison d'arrêt serait construite. Or il apparaît aujourd'hui que ce sera difficile et que ce projet est sans doute compromis !
La surpopulation ne permet pas au travail souvent remarquable des personnels pénitentiaires de porter les fruits qu'il pourrait porter.
S'y ajoute, mais cela a déjà été dit par mes collègues, la grande misère de la psychiatrie, en prison comme ailleurs, et sans doute plus qu'ailleurs.
S'y ajoute la faiblesse des moyens de suivi, d'insertion et d'intégration professionnelle des personnes qui ont purgé leur peine. Vous savez combien les services affectés à ces tâches manquent cruellement de moyens ; vous savez que cet enjeu est crucial et que c'est par là qu'il faut commencer si l'on veut vraiment réduire les cas de récidive.
En fin de compte, il faut d'abord appliquer les lois qui existent sur le suivi socio-judiciaire et le sursis avec mise à l'épreuve : les dispositifs, nous les connaissons bien.
Mais la volonté constante des auteurs de la proposition de loi, comme d'autres, de préférer ce qui est spectaculaire à ce qui est efficace les conduit à méconnaître les principes les plus fondamentaux de notre Constitution. Cela n'a pas échappé à la commission des lois du Sénat ni à son rapporteur, M. Zocchetto, qui nous propose de ne pas nous engager dans de tels errements, et il restera bien peu de chose de la proposition de loi initiale si ses amendements, comme je le souhaite pour la plupart d'entre eux, sont adoptés par notre assemblée.
Les débats de la commission ont montré le caractère absurde et dérisoire de la législation-spectacle. Et une question surgit - comment l'ignorer ? - que je poserai ainsi : n'est-il pas étonnant, et pour mieux dire préoccupant, que la majorité de l'Assemblée nationale ait pu adopter des mesures si évidemment inconstitutionnelles ?
J'y vois une dérive préoccupante de l'idée que certains peuvent se faire de la loi, loi d'affichage, loi tract, loi pour la télé, loi symbole, loi expéditive comme la justice du même nom, loi pour frapper les esprits plus que pour dire le droit, que pour sanctionner justement, que pour réinsérer, que pour amender, loi qui, comme le couperet, assène les châtiments automatiques sous les vivats supposés d'une opinion que l'on flatte mais à laquelle on refuse de dire la vérité sur les vrais moyens de prévenir et de réduire les récidives.
Je vais en venir à l'objet de mon intervention, mais succinctement, car j'espère, en quelque sorte, qu'elle sera inutile puisqu'il me revient de dire en quoi le texte qui nous est soumis - et non pas le texte qui a été adopté par la commission des lois - est contraire à la Constitution.
Je me bornerai, monsieur le président, à quatre considérations.
M. Pierre Fauchon. Seulement ? (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Cela vous déçoit, mon cher collègue ?
M. Pierre Fauchon. Vous nous avez habitués à mieux !
M. Jean-Pierre Sueur. Je pourrais en ajouter quelques-unes !
M. Pierre Fauchon. Ce n'est pas la peine !
M. Jean-Pierre Sueur. En premier lieu, le dispositif qui nous est présenté par la majorité de l'Assemblée nationale est contraire au principe d'égalité.
Je pense en particulier à la définition de la réitération, qui englobe le cas de concours d'infractions alors que cette situation est déjà réglée par l'article 132-2 du code pénal, lequel dispose qu'« il y a concours d'infractions lorsqu'une infraction est commise par une personne avant que celle-ci ait été définitivement condamnée pour une autre infraction ».
Tel qu'il figure dans le texte initial de la proposition de loi, le dispositif dit de la réitération aboutirait à des résultats différents selon que l'on utiliserait une poursuite unique, cas dans lequel l'article 132-3 obligerait à respecter le principe de non-cumul des peines, ou des poursuites séparées, avec cumul de peines, sans confusion possible.
M. Jérôme Lambert, député, a expliqué de manière très lumineuse à l'Assemblée nationale que, si le dispositif proposé était adopté, les peines encourues et prononcées seraient très différentes selon l'ordre dans lequel les infractions auraient été commises : « Ainsi, le vol avec violences simples, s'il suit des violences aggravées, serait puni de dix ans ; en revanche, des violences aggravées suivant un vol avec violences simples seraient punies de six ans de détention. » Je n'insiste pas, mais nous voyons bien que tout le dispositif de l'article 2, joint à l'ensemble du texte et aux dispositions déjà existantes, viole à l'évidence le principe d'égalité.
En deuxième lieu, ce texte, à bien des égards, viole le principe de l'individualisation de la peine, principe qui, vous le savez, mes chers collègues, a été reconnu par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 2 mars 2004 portant sur ce qui est improprement appelé le « plaider coupable ». Je citerai à ce propos l'incarcération obligatoire des récidivistes, la limitation pour le juge de la possibilité de prononcer des sursis avec mise à l'épreuve, mais il est de nombreuses autres dispositions qui font de cette proposition de loi un texte de méfiance à l'égard des magistrats puisqu'il prône une justice quasiment automatique.
L'article 2 du texte qui nous est proposé n'est d'ailleurs pas dénué d'ironie, puisqu'il y est précisé que « la juridiction saisie prend en considération les antécédents du prévenu pour prononcer la peine et en déterminer le régime ». Encore heureux !
Pourquoi les auteurs de ce texte éprouvent-ils le besoin de dire qu'après tout le juge dispose d'un certain pouvoir d'appréciation ? Eh bien, tout simplement parce qu'ils pensent que la sécurité juridique réside dans l'automaticité de la peine, laquelle, en vérité, nie le travail du magistrat et le principe d'individualisation des peines ; et ce qui est vrai pour cet article 2 l'est pour plusieurs autres articles de la proposition de loi.
En troisième lieu, ce texte est contraire au principe de la nécessité des peines tel qu'il est prévu à l'article VIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. En effet, s'agissant du bracelet électronique - que l'on a tort d'appeler ainsi, puisque ce sera une « chevillière » -, s'agissant du « placement sous surveillance électronique mobile », selon la formulation du texte, la proposition de loi comporte, monsieur le garde des sceaux, une déclaration vraiment singulière.
En effet, il est précisé à l'article 8 : « Le procédé utilisé est homologué par le ministre de la justice. Sa mise en oeuvre doit garantir le respect de la dignité, de l'intégrité et de la vie privée de la personne et favoriser sa réinsertion sociale. » On a vraiment peine à lire cela ! Ainsi, les personnes concernées seront pourvues de dispositifs électroniques pendant vingt ans, pendant trente ans, nuit et jour, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, et il faudra qu'ils soient homologués - bon courage, monsieur le ministre - de telle manière qu'ils « garantissent », c'est le verbe employé, le respect de la vie privée - alors qu'à tout moment on saura où est la personne - ainsi que le respect de l'intégrité de la personne, mais aussi qu'ils favorisent la réinsertion !
Monsieur le rapporteur, j'ai apprécié votre sens de l'euphémisme. Vous avez mis des guillemets autour du mot « réinsertion » ainsi compris : la réinsertion par bip-bip électronique. C'est une conception, en effet ! Et vous écrivez, à la page 56 de votre rapport, que, « bien que selon le nouvel article 131-36-19 le dispositif ait pour finalité la réinsertion de l'intéressé, aucune disposition ne permet véritablement de concourir à cet objectif ». C'est fort bien dit, mais on pourrait dire autrement, et en étant plus direct, qu'il est assez scandaleux de nous faire prendre cela pour une mesure de réinsertion !
En tout cas, on ne sait pas s'il s'agit d'une mesure de sûreté ou d'une peine, il y a une ambiguïté. Aux termes de la proposition de loi, c'est la juridiction de condamnation qui décide. On est donc dans le système de la double peine, laquelle s'appliquerait aussi bien à des personnes encourant une peine de trois ans qu'à des personnes encourant la réclusion criminelle. Tout cela est évidemment contraire aux principes de la proportionnalité et de la nécessité des peines.
Le quatrième point que je voulais évoquer est relatif à l'article 16, dont la commission nous propose la suppression.
Cet article, qui a été adopté par la majorité de l'Assemblée nationale - répétons-le - est clairement contraire au principe de la non-rétroactivité des lois inscrit à l'article VIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
La perspective d'une application immédiate aux personnes déjà définitivement condamnées prévue à cet article est tout à fait inquiétante. En effet, elle est contraire au principe énoncé dans l'article 112-2 du code pénal et en contradiction totale avec la décision du 3 septembre 1986 dans laquelle le Conseil constitutionnel a considéré que l'article VIII de la Déclaration de 1789 « ne concerne pas seulement les peines prononcées par les juridictions répressives, mais s'étend à la période de sûreté qui, bien que relative à l'exécution de la peine, n'en relève pas moins de la juridiction de jugement qui, dans les conditions déterminées par la loi peut en faire varier la durée en même temps qu'elle se prononce sur la culpabilité du prévenu ou de l'accusé ; l'appréciation de cette culpabilité ne peut, conformément au principe de la non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère, être effectuée qu'au regard de la législation en vigueur à la date des faits ».
De même, l'article VI de la Déclaration de 1789 dispose que la loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse.
Or, si la présente proposition de loi était adoptée en l'état, ce serait la juridiction de jugement qui serait compétente pour prononcer le placement sous surveillance électronique mobile, alors que pour les personnes déjà condamnées, ce serait le tribunal de l'application des peines. Il y aurait donc une rupture d'égalité.
Enfin, tel qu'il est rédigé l'article 16 est contraire à l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Oui, mes chers collègues, nous en sommes tous bien conscient, il faut lutter contre la récidive ! Mais nous devons de toutes nos forces repousser la loi spectacle, la loi qui dupe l'opinion en faisant semblant de la flatter.
Ne revenons pas au temps des chaînes, des anneaux et du joug, même s'il s'agit de chaînes, d'anneaux, de jougs électroniques : ce n'est pas une solution.
Pour lutter contre la récidive, il faut se donner les moyens humains de soigner, de guérir, d'amender, de réinsérer dans la société humaine des êtres humains. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Pierre Fauchon. Il faut également se donner les moyens de protéger les victimes !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. M. Sueur a pris la précaution de dire que son intervention était sans doute inutile.
Pour ma part je n'irai pas jusque là, parce que je pense que le débat parlementaire se nourrit de toutes les interventions. Surtout sur un sujet aussi important que celui de la privation de liberté ou des droits des victimes, toute opinion mérite considération.
Néanmoins, il n'aura échappé à personne que les critiques formulées par M. Sueur concernent le texte transmis par l'Assemblée nationale.
Il est vrai que ce texte n'est pas exempt de critiques en matière de constitutionnalité, la plus flagrante d'entre elles concernant l'article 16. C'est pourquoi la commission des lois a déposé une série d'amendements, lesquels, me semble-t-il, répondent à vos craintes, mon cher collègue.
Sans les exposer dès maintenant, je dirai simplement que la modification que nous proposons à l'article 2 relatif à la réitération d'infractions pénales permet de répondre au souci légitime du respect du principe d'égalité, que la modification que nous proposons à l'article 4 relatif à l'incarcération à l'audience permet de maintenir le principe de l'individualisation de la peine. Quant à l'article 3 concernant le sursis avec mise à l'épreuve - sur lequel la commission n'a pas déposé d'amendement - il comporte dans sa dernière phrase des dispositions permettant au juge de conserver une liberté vis-à-vis de l'individu qu'il envisage de condamner.
Enfin, s'agissant du placement sous surveillance électronique mobile, vous savez bien, mon cher collègue, que nous proposons la suppression de l'article 16 et que la nouvelle rédaction qui vise à faire de ce dispositif une modalité du suivi socio-judiciaire dans le cadre de la libération conditionnelle élimine l'essentiel des critiques que vous avez formulées.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission émet un avis défavorable sur la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité. Elle vous demande, mes chers collègues, de vous en remettre aux amendements qu'elle a déposés et de considérer que le texte qui vous sera proposé est conforme à la Constitution.
M. le président. Le Gouvernement souhaite-t-il s'exprimer ?...
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 37, dont l'adoption entraînerait le rejet de la proposition de loi.
(La motion n'est pas adoptée.)
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n° 25, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au traitement de la récidive des infractions pénales (n°127, 2004-2005).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Josiane Mathon, auteur de la motion.
Mme Josiane Mathon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous sommes amenés aujourd'hui à examiner est tout à fait révélatrice de la politique menée par le Gouvernement depuis bientôt trois ans et qui consiste à traiter le symptôme par des effets d'annonce.
L'actualité récente en matière de délinquance sexuelle vous a permis de déposer des textes empreints d'opportunité, comme la très controversée proposition de loi sur les peines automatiques. En raison de la forte opposition qui s'est exprimée sur ce texte, et ce au sein même de votre propre majorité, une mission d'information sur le traitement de la récidive fut mise en place. La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui ne serait que la traduction législative des conclusions de la mission d'information.
En réalité, ce texte va plus loin. Il nous conduit à nous interroger sur le sens que nous donnons à la peine et à l'incarcération. En effet, depuis bientôt trois ans, les textes renforçant progressivement les peines s'enchaînent les uns après les autres, pour un résultat malgré tout très mitigé. Il suffit de se pencher sur les résultats de la politique du précédent ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, pour constater que c'est un échec. En revanche, le nombre de détenus ne cesse de croître, et ce qui était il y a cinq ans une humiliation pour la République ne vous indigne plus aujourd'hui.
Les modifications successives du code pénal et du code de procédure pénale n'ont eu jusqu'à présent qu'un seul objectif : aggraver toujours plus des peines déjà lourdes, dans la précipitation et sans aucune prise en compte de la réalité. Sans parler de la complexification que cela engendre, aussi bien pour les magistrats qui appliquent la loi que pour les citoyens qui sont censés ne pas l'ignorer, cela révèle une conception autoritaire de la société et une pauvreté de réponses face aux problèmes de la délinquance et de la récidive.
Les sanctions pénales sont légion : il est difficile d'affirmer que le code pénal recèle un quelconque angélisme ou un quelconque laxisme vis-à-vis des personnes qui ne respectent pas la loi. Nous vivons sous le règne de l'interdit. Les peines de prison sont de plus en plus longues, ce qui parallèlement explique que les aménagements de peine sont de plus en plus exceptionnels.
Les peines alternatives à l'emprisonnement sont, elles aussi, prononcées de plus en plus rarement. Tout cela explique en partie l'explosion carcérale que nous connaissons actuellement. Et malheureusement, cette proposition de loi ne fera que renforcer la surpopulation carcérale.
Pourtant, notre arsenal juridique est particulièrement riche et dense. Le problème n'est donc pas de rajouter des sanctions à d'autres sanctions ou d'en alourdir certaines, mais bien d'appliquer les peines qui existent déjà.
La mission d'information a d'ailleurs démontré que l'arsenal juridique destiné à lutter contre la récidive existe et que le problème réside essentiellement dans l'exécution des peines et donc dans les moyens alloués à la justice. Cette question des moyens de la justice a déjà été abordée par ma collègue Nicole Borvo, je n'y reviendrai donc pas, bien qu'il s'agisse à nos yeux d'un problème fondamental dans la lutte contre la récidive.
J'aborderai la question de la récidive et du durcissement de notre législation pénale en revenant sur le sens que nous donnons à la peine aujourd'hui.
La peine doit tout d'abord sanctionner une infraction à la loi. Mais pour qu'elle ne soit que la juste sanction de cette infraction, elle doit être individualisée et proportionnée à l'infraction commise.
Or que constatons-nous à la lecture des diverses dispositions de ce texte ? Avec la limitation à deux ou un seul, selon l'infraction, du nombre de sursis avec mise à l'épreuve que le juge pourra prononcer à l'encontre d'un délinquant récidiviste, nous voilà en présence de l'application automatique d'une peine. Cette disposition est contraire à notre principe de l'individualisation des peines. La personnalité de l'auteur de l'infraction ne pourra plus être prise en compte par le juge, ce qui réduit d'autant sa capacité d'intervention.
L'argument utilisé par le Gouvernement afin de réduire la possibilité de prononcer des sursis avec mise à l'épreuve est qu'ils ne sont pas mis efficacement en oeuvre en raison du manque de moyens dont disposent les services d'insertion et de probation.
Deux remarques s'imposent à ce niveau de la discussion. Vous réduisez les possibilités de recourir à un procédé pourtant reconnu comme étant efficace tant pour éviter les courtes peines d'emprisonnement, jugées plus néfastes qu'utiles, que pour prévenir la récidive.
D'une part, il est contestable d'utiliser l'argument selon lequel les moyens sont insuffisants pour appliquer convenablement un dispositif de suivi éducatif et social et d'en réduire davantage l'application. Le constat de l'efficacité insuffisante du dispositif de sursis avec mise à l'épreuve devrait immédiatement inciter le Gouvernement à augmenter les moyens des services d'insertion et de probation.
D'autre part, réduire le nombre de sursis avec mise à l'épreuve entraînera inéluctablement une augmentation du nombre des personnes emprisonnées. Or, dans un contexte particulièrement scandaleux de surpopulation carcérale, il est incroyable que vous puissez encore choisir le recours systématique à l'incarcération.
Il faut noter que vous écartez complètement les recommandations d'observateurs extérieurs des prisons, des professionnels pénitentiaires, mais également celles qui émanent de votre propre majorité. Le rapport Warsmann sur les peines alternatives est pourtant clair. Après le constat d'une augmentation dramatique mais constante du nombre de détenus, il préconisait notamment la création de 3000 postes de conseillers d'insertion et de probation.
Avec 330 postes créés depuis l'entrée en vigueur de la loi d'orientation et de programmation pour la justice et 200 postes prévus en 2005, nous sommes bien loin du compte en matière d'accompagnement des condamnés !
La priorité donnée à l'emprisonnement aura bien évidemment des effets contre-productifs en matière de récidive, mais elle aura également des conséquences budgétaires.
Il est beaucoup plus coûteux de construire des prisons que d'augmenter les moyens des services d'insertion et de probation. Pourtant, c'est la première solution que vous privilégiez. Nous ne pouvons cautionner ce choix idéologique et budgétaire.
Si la capacité d'intervention du juge est réduite en matière de sursis avec mise à l'épreuve, elle l'est également en matière de surveillance électronique mobile.
II est, en effet, prévu que la juridiction de jugement pourra prononcer, en matière de délinquance sexuelle, outre une condamnation à une peine d'emprisonnement, le placement sous surveillance électronique mobile à compter du jour où la privation de liberté prendra fin.
Là encore, plusieurs remarques s'imposent.
Tout d'abord, la juridiction de jugement pourra ordonner, des années avant sa mise en oeuvre, une mesure de sûreté. Il reviendra ensuite au juge de l'application des peines de prononcer effectivement ce placement. Mais, à ce moment-là, il ne sera pas demandé à la juridiction de jugement de se prononcer de nouveau sur cette mesure de sûreté, ne serait-ce que pour prendre en compte la personnalité de l'individu qui a été condamné.
Comme ma collègue Nicole Borvo Cohen-Seat le disait tout à l'heure dans la discussion générale, il est évident que le juge de l'application des peines ne prendra jamais la responsabilité de ne pas recourir au placement sous surveillance électronique. Or confier l'examen de la dangerosité d'une personne à une commission administrative est contraire à l'idée que nous nous faisons de la justice.
Nous sommes donc en présence d'une mesure de sûreté qui, étant donné les conditions d'application dans le temps, s'apparente à une peine et qui ne sera pas individualisée.
Un autre aspect de la surveillance électronique est, pour nous, source d'une inquiétude supplémentaire ; je vais essayer de vous montrer à quel point le dispositif qui nous est proposé est disproportionné, alors que - nous ne cessons de le répéter depuis le début de l'examen de ce texte - d'autres choix existent en matière de lutte contre la récidive.
II sera, en effet, possible de placer une personne sous surveillance électronique mobile pour une durée de trois ans renouvelable si elle a commis un délit ou pour une durée de cinq ans renouvelable si elle a commis un crime. Concrètement, une personne qui aura été condamnée, et qui aura donc payé sa dette envers la société, pourra être surveillée en permanence durant vingt ans ou trente ans !
En outre, il est urgent de s'interroger sur le traitement de la délinquance sexuelle, comme il est urgent d'arrêter de n'y apporter que des solutions médiatiques.
Alors que le secteur psychiatrique public est totalement laissé à l'abandon et que le suivi socio-judiciaire est parfaitement insuffisant, le bracelet électronique devient le seul outil susceptible de lutter contre la délinquance sexuelle. Pourtant, ce bracelet est loin de s'apparenter à une thérapie !
Le suivi socio-judiciaire devrait être la mesure prioritaire en matière de lutte contre la récidive d'agressions sexuelles. Comme ce suivi est mené sur de longues durées - dix ans si la personne a été condamnée pour un délit, vingt ans si elle l'a été pour un crime -, il est important de disposer d'un nombre suffisant de médecins susceptibles de suivre l'évolution de la personne astreinte à cette mesure, ce qui n'est pas le cas actuellement.
Mais le plus important est la finalité du suivi socio-judiciaire, qui doit permettre de seconder les efforts de la personne qui y est soumise, en vue de sa réinsertion sociale. Dans le cadre de ce suivi, il est concevable qu'une personne puisse progressivement reprendre des activités normales, l'astreinte consistant à se soumettre à des mesures de surveillance et d'assistance, notamment des interdictions de paraître en certains lieux.
Si cette proposition de loi fait également référence à la réinsertion sociale de la personne soumise à placement sous surveillance électronique, il en va tout autrement de la réalité de cette réinsertion. En effet, se réinsérer signifie a minima trouver un travail et un logement. Croyez-vous vraiment qu'une personne qui a un bracelet électronique se verra proposer un emploi ?
Par ailleurs, eu égard aux moyens financiers engagés dans ce dispositif, les effets sur la récidive seront dérisoires.
Un tel dispositif peut-il avoir une quelconque efficacité pour prévenir la récidive ? S'il est utilisé pour des personnes sensibles à l'interdit, celles-ci pourraient être valablement accompagnées dans le cadre des dispositifs existants, à savoir la libération conditionnelle ou le suivi socio-judiciaire. S'il est utilisé pour des personnes qui n'arrivent pas à contrôler leurs pulsions, il ne permettra pas d'empêcher la commission d'une nouvelle infraction. Au mieux, le bracelet électronique facilitera l'enquête policière destinée à retrouver l'auteur de l'infraction, ce qui signifie que cette dernière a déjà été commise. Le bracelet s'apparente alors à un suivi policier.
Les enjeux réels de la réinsertion du condamné et de la prévention de la récidive se situent bien davantage dans la régularité et dans la qualité du suivi social, éducatif et psychologique que les services pénitentiaires d'insertion et de probation sont en état d'offrir à la personne condamnée.
De plus, il est difficilement admissible qu'une peine supplémentaire s'applique après la fin d'une peine. Déjà en 1997, nous n'admettions pas la possibilité de recourir au bracelet électronique dans le cadre des peines alternatives à l'emprisonnement. Notre opposition au bracelet GPS est d'autant plus forte aujourd'hui que cette mesure se transforme en seconde peine, après la peine d'emprisonnement.
En outre, ce bracelet du XXIe siècle rappelle un passé sinistre, l'ère des forçats, des entraves et des chaînes.
II est donc regrettable que, faute d'avoir été réellement développés, les dispositifs déjà existants n'aient pas pu faire leurs preuves : nous aurions ainsi pu nous dispenser de la mise en oeuvre des dispositions de cette proposition de loi particulièrement dangereuse au regard de nos droits fondamentaux.
Mes chers collègues, il faut avoir conscience des conséquences de l'adoption d'une telle proposition de loi, même si elle est amendée.
Certes, l'idée de la peine plancher est aujourd'hui écartée, mais une brèche a été ouverte en ce qui concerne l'automaticité de la sanction. Un tel choix va à l'encontre de toute notre tradition judiciaire et pénale, qui s'appuie sur l'héritage des juristes et des philosophes du siècle des Lumières, dont les idées n'ont rien perdu de leur modernité.
En effet, c'est au XVIIIe siècle que se développe l'idée selon laquelle la prévention du crime peut en accompagner la répression. S'inspirant des idées de Montesquieu, William Blackstone, juriste britannique, consacre un chapitre de son ouvrage sur les lois criminelles aux moyens de prévenir les délits et y écrit : « la justice qui prévient les délits est bien préférable à la justice qui les punit. »
Cette proposition de loi n'apporte pas de réponse adaptée à la question déjà ancienne de la récidive. Je vous demande donc, mes chers collègues, d'adopter cette motion tendant à opposer la question préalable.
Dans l'équilibre déjà si fragile entre prévention et répression, n'intensifiez pas cette dernière, car c'est la justice qui sera perdante. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Cette motion, présentée par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et tendant à opposer la question préalable, a été déposée au motif qu'il n'y aurait pas lieu de statuer sur le sujet traité par la proposition de loi.
Or les douze orateurs qui se sont succédé dans la discussion générale ont montré que la récidive - je ne rappellerai pas les différents chiffres - est un problème réel. Il y a donc tout lieu de se féliciter du fait que le Parlement se saisisse de cette grave question.
S'il est vrai que la commission des lois du Sénat se propose d'apporter un certain nombre de modifications au texte adopté par l'Assemblée nationale, reconnaissons que cette dernière a eu la sagesse de prendre l'initiative de le déposer. Par ailleurs, un consensus se dégage sur un certain nombre d'articles.
Il me semble donc important d'aborder ici, dans le cadre du travail législatif, le thème de la récidive. Par conséquent, il faut se garder d'adopter cette motion tendant à opposer la question préalable, sur laquelle la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Le Gouvernement souhaite-t-il s'exprimer ?...
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 25, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.
(La motion n'est pas adoptée.)
M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES À LA RÉCIDIVE, À LA RÉITÉRATION ET AU SURSIS
Article 1er
Après l'article 132-16-2 du code pénal, sont insérés deux articles 132-16-3 et 132-16-4 ainsi rédigés :
« Art. 132-16-3. - Les délits de traite des êtres humains et de proxénétisme prévus par les articles 225-4-1, 225-4-2, 225-4-8, 225-5 à 225-7 et 225-10 sont considérés, au regard de la récidive, comme une même infraction.
« Art. 132-16-4. - Les délits de violences volontaires aux personnes, ainsi que tout délit commis avec la circonstance aggravante de violences, sont considérés, au regard de la récidive, comme une même infraction. »
M. le président. L'amendement n° 27, présenté par Mme Boumediene-Thiery, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour l'article 132-16-4 du code pénal, après les mots :
la circonstance aggravante de violences,
insérer les mots :
entraînant une incapacité temporaire de travail (ITT) de 8 jours
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. L'article 1er étend la notion de « délit assimilé » en matière de récidive : « les délits de violences volontaires aux personnes, ainsi que tout délit commis avec la circonstance aggravante de violences, sont considérés, au regard de la récidive, comme une même infraction. »
Cette mesure me semble un peu excessive ! Une telle extension entraînera l'application des règles de la récidive, lourdes de conséquences sur les peines encourues et prononcées, ce qui sera de nature à porter atteinte au principe de la proportionnalité des peines.
Si l'état de récidive est retenu, y compris lorsqu'il s'agit de mineurs, pour toutes les violences aux personnes, la disproportion entre la sanction et la réalité de l'infraction sera importante.
L'une des conséquences de cette mesure sera un allongement considérable des peines, allongement disproportionné à la gravité des faits, sans que cette situation puisse être évaluée et, donc, contrôlée.
Cet amendement vise donc à limiter l'extension proposée, en retenant la définition des violences faites aux personnes énoncée dans l'article 222-11 du code pénal.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Madame Boumediene-Thiery, je comprends d'autant mieux votre idée que j'ai eu la même !
J'ai donc voulu confronter cette idée à l'opinion de praticiens du droit, en particulier de magistrats. Il est alors apparu qu'on ne pouvait pas retenir le critère limitatif de l'incapacité temporaire de travail, l'ITT, et ce pour deux raisons.
Tout d'abord, un délit commis avec la circonstance aggravante de violences peut entraîner des conséquences sérieuses, même s'il n'a pas provoqué une incapacité totale de travail.
Ensuite, et surtout, l'incapacité de travail peut donner lieu à des appréciations très différentes selon les médecins.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement, car il est beaucoup plus sage d'en rester à la rédaction actuelle de l'article 1er.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, pour les deux motifs qui viennent d'être présentés par M. le rapporteur.
Tout d'abord, les positions sont très différentes selon les médecins.
Ensuite, s'agissant de récidive, le critère proposé n'est pas pertinent, comme M. le rapporteur vient de l'expliquer très justement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
Après l'article 132-16-2 du code pénal, il est inséré une sous-section 2-1 ainsi rédigée :
« Sous-section 2-1
« DES PEINES APPLICABLES EN CAS DE RÉITÉRATION D'INFRACTIONS
« Art. 132-16-6. - Il y a réitération d'infractions pénales lorsqu'une personne a déjà été condamnée définitivement pour un crime ou un délit et commet une nouvelle infraction sans que les conditions de la récidive légale ne soient remplies. La juridiction saisie prend en considération les antécédents du prévenu pour prononcer la peine et en déterminer le régime.
« Les peines prononcées pour des infractions commises en situation de réitération se cumulent sans limitation de quantum et sans qu'il soit possible d'ordonner leur confusion. »
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 38, présenté par MM. Badinter, Collombat, C. Gautier, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. Selon l'article 2, « il y a réitération d'infractions pénales lorsqu'une personne a déjà été condamnée définitivement pour un crime ou un délit et commet une nouvelle infraction sans que les conditions de la récidive légale ne soient remplies. (...)
« Les peines prononcées pour des infractions commises en situation de réitération se cumulent sans limitation du quantum et sans qu'il soit possible d'ordonner leur confusion. »
En cas de pluralité d'infractions, le code pénal ne prévoit de régime spécifique de peine que dans deux hypothèses : le concours d'infractions et la récidive. Les autres cas relèvent de la réitération, qui, pour l'institution judiciaire, n'est pas définie dans la loi et qui est appréhendée de manière empirique par les services de police.
La proposition de loi qui nous est soumise définit la notion de réitération d'infractions pénales, dans les termes que je viens de rappeler.
Cette définition englobe des situations très différentes.
Dans les cas de concours d'infractions, avant que les conditions de la récidive ne soient réunies, la situation est déjà réglée par l'article 132-2 du code pénal, qui dispose qu' « il y a concours d'infractions lorsqu'une infraction est commise par une personne avant que celle-ci ait été définitivement condamnée pour une autre infraction. »
Ce dispositif aboutirait à des résultats différents selon que l'on utilise une poursuite unique ou des poursuites séparées suivant le texte de la proposition de loi, avec cumul de peines sans confusion possible, ce qui constitue à la fois une inégalité fondée sur le mode de poursuite et le début d'une justice à l'anglo-saxonne où toutes les peines se cumulent.
Ensuite, dans les cas de répétition d'infractions au-delà du délai de récidive, la disposition prévoyant que « les peines prononcées pour des infractions commises en situation de réitération se cumulent sans limitation de quantum et sans qu'il soit possible d'ordonner leur confusion » sera sans objet puisque les peines seront forcément définitives entre elles et, donc, non susceptibles de confusion facultative.
Enfin, dans les cas où les infractions ne sont pas assimilées entre elles au regard de la récidive, il aurait été préférable que le Gouvernement affiche sa détermination et étende la définition de la récidive plutôt que d'introduire une notion bâtarde.
Les juges tiennent déjà compte de la multiplicité d'infractions. Par ailleurs, une amélioration du système du casier judiciaire avec une inscription en temps réel permettrait de répondre plus efficacement, sans pour autant renoncer à notre principe de non-cumul des peines.
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après les mots :
nouvelle infraction
rédiger comme suit la fin de la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 132-16-6 du code pénal :
qui ne répond pas aux conditions de la récidive légale.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. J'indique d'emblée que la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 38 visant à la suppression de l'article 2 de la proposition de loi, dans la mesure où les amendements nos 1, 2 et 3 qu'elle a déposés prévoient de borner la définition de la réitération dans le code pénal à une simple clarification de cette notion, à droit constant.
Je souhaite présenter ensemble ces amendements.
Le point que nous abordons étant complexe et probablement le plus technique de la proposition de loi, il est nécessaire d'être très précis en la matière et je vous prie, mes chers collègues, de bien vouloir m'en excuser par avance.
Le code pénal ne prévoit de régime spécifique de peine en cas de pluralité d'infractions que dans deux hypothèses : le concours d'infractions et la récidive. Toutes les autres situations relèvent de la réitération d'infractions et n'emportent pas de conséquence sur le régime de la peine : la nouvelle infraction est considérée comme une infraction isolée et la peine applicable n'est pas modifiée.
En premier lieu, la notion de réitération vise une infraction commise après une condamnation définitive et se distingue ainsi du concours d'infractions qui concerne plusieurs infractions n'ayant pas donné lieu à des condamnations définitives.
En deuxième lieu, la nouvelle infraction ne répond pas aux conditions de la récidive légale : elle intervient après une infraction punie d'une peine inférieure à dix ans ; en outre, elle est, soit différente de l'infraction précédente ou non assimilable au sens du code pénal, soit identique mais commise au-delà du délai de cinq ans après expiration ou prescription de la peine prononcée pour la première infraction.
La proposition de loi tend à définir la notion de réitération dans le code pénal - à droit constant, j'y insiste.
Elle précise, d'une part, que l'état de réitération est constitué lorsqu'une personne, déjà condamnée définitivement pour un crime ou un délit, commet une nouvelle infraction sans que les conditions de la récidive légale soient remplies.
Cette rédaction permettant de clarifier la notion de réitération, je vous propose de la maintenir sous réserve d'une modification formelle - c'est l'amendement n° 1 - visant à préciser la première phrase du premier alinéa du texte proposé par l'article 2 pour l'article 132-16-6 du code pénal.
La proposition de loi rappelle, d'autre part, que la juridiction prend en compte les antécédents du prévenu pour prononcer la peine et en déterminer le régime.
Cette précision, introduite par l'Assemblée nationale, n'apparaît pas indispensable : d'abord, elle ne fait que rappeler le principe d'individualisation de la peine déjà clairement affirmé à l'article 132-24 du code pénal ; ensuite, elle introduit dans le code pénal une nouvelle notion, celle d' « antécédent », susceptible d'interprétations divergentes entre la justice et les services de police, à rebours de l'objectif visé par les députés.
Par l'amendement n° 2, je vous propose donc de supprimer la deuxième phrase du premier alinéa, d'autant que tous les magistrats qui ont été entendus considèrent cette disposition comme allant de soi, puisque l'ajustement des condamnations à la personnalité du prévenu et aux circonstances particulières de l'infraction constitue un principe général du droit pénal.
En troisième lieu, la proposition de loi prévoit, au second alinéa du nouvel article du texte proposé pour l'article 132-16-6, que les peines prononcées pour des infractions commises en situation de réitération se cumulent sans limitation de quantum et sans qu'il soit possible d'ordonner leur confusion.
Je dis très clairement que cette rédaction, retenue par l'Assemblée nationale, prête à des interprétations ambiguës...
M. Jean-Pierre Sueur. Dangereuses surtout !
M. François Zocchetto, rapporteur. ... et qui sont critiquées, à ce titre, par un grand nombre des juristes que la commission a auditionnés.
En effet, actuellement, si une personne déjà condamnée définitivement commet une nouvelle infraction, la peine prononcée pour la nouvelle infraction s'ajoute à la peine prononcée pour la première infraction. La situation du réitérant apparaît alors moins favorable que celle du prévenu auteur de plusieurs infractions non suivies de condamnations définitives, qui peut alors bénéficier du cumul plafonné des peines dans la limite de la peine la plus sévère et d'une éventuelle confusion des peines. Mais la situation du réitérant demeure plus favorable que celle du récidiviste qui encourt des peines doublées.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C'est un paradoxe !
M. François Zocchetto, rapporteur. Cependant, le texte de l'Assemblée nationale laisse planer un doute quant à la situation du réitérant qui, après une première condamnation définitive, commet plusieurs infractions nouvelles. Les peines devraient-elles être alors additionnées sans limitation de quantum ? Tel n'a certainement pas été l'objectif recherché par les députés. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
En effet, les infractions nouvellement commises après une première condamnation définitive, doivent, si elles n'ont pas fait l'objet elles-mêmes de condamnations définitives, continuer d'être traitées selon les modalités du concours réel d'infraction. Les peines prononcées pour ces nouvelles infractions ne peuvent donc, au total, dépasser le maximum légal de la peine la plus sévère encourue.
Vous voyez que si nous retenions le dispositif proposé par l'Assemblée nationale, nous risquerions d'aboutir à des situations absurdes. Tel n'était certainement pas le souhait des députés.
M. Charles Gautier. Mais si !
M. François Zocchetto, rapporteur. Par ailleurs, la disparition de la limitation de quantum introduirait un changement profond dans notre politique pénale car elle pourrait nous entraîner dans une dérive vers un système à l'américaine, où les peines pourraient atteindre cent vingt-cinq, voire cent quarante ans d'emprisonnement et deviendraient virtuelles.
Là encore, telle n'était certainement pas l'intention des députés - les comptes rendus des débats que j'ai relus en témoignent. Tel n'est pas non plus le souhait de la commission des lois et j'espère que telle ne sera pas la volonté du Sénat.
C'est pourquoi, afin de lever toute équivoque, la commission propose, par l'amendement n° 3, de supprimer le second alinéa du texte proposé par l'article 2 pour l'article 132-16-6 du code pénal.
M. le président. Merci, monsieur le rapporteur, de cette présentation flamboyante !
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 2 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.
L'amendement n° 39 est présenté par MM. Badinter, Collombat, C. Gautier, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 132-16-6 du code pénal.
L'amendement n° 2 a déjà été défendu.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 39.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, vous avez raison de dire que M. Zocchetto a fait une présentation flamboyante des propositions de la commission et ce, à tel point que, en l'écoutant, je me suis demandé pourquoi il ne proposait pas la suppression pure et simple de l'article 2 !
C'est tout de même une question qui vient naturellement à l'esprit et qui est la conclusion logique de cette flamboyante démonstration, d'autant que nous avons entendu M. Mazeaud plaider avec force contre la dégradation de la qualité de la loi et que M. Debré tient, chaque semaine, du haut du « perchoir » de l'Assemblée nationale, des propos sur l'inflation législative.
Cet article 2 vise à définir la réitération. Nous proposons, comme la commission, de supprimer la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article 132-16-6, qui est totalement redondante avec les dispositions existantes du code pénal, ainsi que l'a expliqué M. le rapporteur. A quoi bon, en effet, inscrire deux fois la même chose, sous des formes légèrement différentes, dans le code pénal ?
De plus, nous considérons que cette phrase marque une sorte de méfiance à l'égard des magistrats : il est évident que ces derniers prennent en considération la situation concrète des personnes qu'ils ont à juger.
Par conséquent, cette phrase est inutile et nous proposons de supprimer ce qui est inutile.
Monsieur le rapporteur, vous nous dites que vous souhaitez conserver la phrase visant à définir la réitération, mais qu'elle n'aura aucune conséquence, puisque, étant à droit constant, elle ne change rien. Permettez-moi de vous interroger directement à cet égard : pourquoi ne faites-vous pas un effort supplémentaire en supprimant cette phrase ?
Vous vous êtes montré très bienveillant à l'égard des auteurs de la proposition de loi, en soulignant à deux reprises qu'ils n'avaient sans doute pas les intentions funestes qui aboutissent aux additions de peines que vous avez rappelées. Peut-être voulez-vous leur faire un petit plaisir en maintenant une phrase qui serait placée en tête de l'article 2, mais qui ne servirait strictement à rien ?
Je ne saurais vous faire grief de cette bienveillance, mais puisque nous élaborons des lois et que nous écoutons M. Mazeaud ainsi que M. Debré, le bon sens et le résultat de votre démonstration commandent de supprimer totalement l'article 2, comme l'a proposé tout à l'heure M. Gautier.
M. le président. Les deux amendements suivants sont, eux aussi, identiques.
L'amendement n° 3 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.
L'amendement n° 40 est présenté par MM. Badinter, Collombat, C. Gautier, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 132-16-6 du code pénal.
L'amendement n° 3 a déjà été défendu.
La parole est à M. Charles Gautier, pour présenter l'amendement n° 40.
M. Charles Gautier. Notre proposition étant rigoureusement identique à celle de la commission, je n'ai rien à ajouter.
M. le président. L'amendement n° 53, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 132-16-6 du code pénal par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux mineurs ».
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. Cet amendement prévoit que la notion de réitération n'est pas applicable aux mineurs.
Il est en effet singulier de constater qu'aucune exception dans l'application de ces dispositions n'est prévue à l'égard des délinquants mineurs. C'est révélateur : depuis bientôt trois ans, la justice des mineurs est particulièrement malmenée puisque vous adoptez des mesures qui tendent à la rapprocher de plus en plus de la justice des majeurs.
Nous sommes donc particulièrement inquiets quant à l'éventuelle application aux mineurs de cette proposition de loi, et plus particulièrement de la notion de réitération, d'autant plus que la réitération, telle qu'elle est définie dans le texte, est encore floue. La réitération sera retenue dès lors qu'une personne déjà condamnée pour un crime aura commis une nouvelle infraction, sans que les conditions de la récidive légale soient remplies.
Le doute s'installe cependant si, après une première condamnation définitive, le réitérant commet plusieurs infractions nouvelles. Les peines qui seront prononcées par différentes juridictions, en cas de poursuites séparées, seront additionnées, sans limitation de quantum.
Enfin, il me paraît très important de rappeler que la Convention internationale des droits de l'enfant, dans son article 40, alinéa 3, invite les Etats parties à « promouvoir l'adoption de lois, de procédures, la mise en place d'autorités et d'institutions spécialement conçues pour les enfants suspectés, accusés ou convaincus d'infraction à la loi pénale. »
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. L'amendement n° 39 est satisfait par l'amendement n° 2 alors que l'amendement n° 40 l'est par l'amendement n° 3.
M. Jean-Pierre Sueur. Et l'amendement n° 38 ?
M. François Zocchetto, rapporteur. J'ai indiqué tout à l'heure la raison pour laquelle la commission émettait un avis défavorable sur l'amendement n° 38. Je vous donne volontiers une explication complémentaire, monsieur le sénateur. Les amendements nos 2 et 3 de la commission visant à supprimer la seconde phrase du premier alinéa et le second alinéa du texte proposé par l'article 2 pour l'article 132-16-6 du code pénal, il ne reste plus en discussion que la première phrase.
M. Jean-Pierre Sueur. A quoi sert-elle ?
M. François Zocchetto, rapporteur. A quoi sert-il de redéfinir la réitération en droit pénal ? Comme je l'ai souligné en exposant les amendements de la commission, il y a trois situations : celle de la récidive légale, prévue par le code pénal, celle du concours d'infractions, clairement définie par le code pénal, et, enfin, celle de la réitération. Cette dernière, qui existe réellement, n'était pas définie clairement jusqu'à présent par le code pénal.
M. Jean-Pierre Sueur. Quelle est la conséquence de la définition ?
M. François Zocchetto, rapporteur. L'absence de définition pouvait générer quelques incertitudes. Au moins, on saura clairement ce qu'est la réitération en droit pénal français.
M. Jean-Pierre Sueur. A quoi cela sert-il ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Comme vous le savez, monsieur le sénateur, l'éventualité de supprimer la première phrase a été évoquée en commission. Toutefois, après réflexion et audition d'un certain nombre de magistrats, j'ai préféré proposer à la commission de garder le premier terme de la phrase qui énonce maintenant de façon claire et nette ce que l'on entend par réitération en droit pénal français.
J'espère, monsieur Sueur, avoir répondu avec précision à votre interrogation.
J'en viens à l'amendement n° 53. Nous en sommes à la définition de grands principes. Dès lors, quand on définit la réitération, on ne prend pas de dispositions particulières à l'égard de telle ou telle catégorie de personnes. Le code pénal s'applique à tout le monde, en particulier aux mineurs, même s'il est vrai que des dispositions particulières sont prévues pour ces derniers. Je ne vois pas pourquoi la réitération ne pourrait pas concerner à la fois les majeurs et les mineurs.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 53.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Après les explications judicieuses de M. le rapporteur, la situation est plus claire.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 38, qui vise à supprimer l'article 2.
En revanche, il est favorable à l'amendement n° 1 de la commission.
S'agissant des amendements identiques nos 2 et 39 d'une part, nos 3 et 40 d'autre part, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
Pour ce qui est de l'amendement n° 53, le Gouvernement y est défavorable, pour la raison que M. le rapporteur a indiquée tout à l'heure. En effet, la réitération est une réalité qui n'a rien à voir avec le fait d'être majeur ou mineur. Je ne comprends donc absolument pas l'objet de cet amendement. C'est pourquoi je me permets d'en suggérer le retrait. La question ne se pose pas de savoir s'il fait jour ou s'il fait nuit ; c'est un peu pareil pour la réitération.
M. le président. Madame Mathon, l'amendement n° 53 est-il maintenu ?
Mme Josiane Mathon. Je voulais savoir si des mesures spéciales allaient être prises pour les mineurs.
M. François Zocchetto, rapporteur. Non !
Mme Josiane Mathon. Ce serait très important. Pour l'heure, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 53 est retiré.
La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote sur l'amendement n° 38.
M. Robert Badinter. Il va de soi que nous soutenons la position de la commission des lois, favorable à la suppression de la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par l'article 2 et à celle du second alinéa, qui a d'ailleurs plongé un certain nombre de juristes dans la perplexité.
Un système pénal dans lequel la réitération, telle qu'elle est définie dans ce texte, exclurait le principe de non-cumul et la confusion des peines, c'est-à-dire un système, comme à l'américaine, où l'on ajouterait les peines les unes aux autres pourrait entraîner des conséquences que chacun d'entre nous peut mesurer. Cela paraît extraordinaire au regard de l'équilibre du droit pénal.
Prenons le cas d'une personne condamnée pour excès de vitesse sous l'emprise de l'alcool, soit à une peine d'emprisonnement ferme de trois à six mois ou d'emprisonnement avec sursis, soit à une forte amende.
Après que la condamnation est devenue définitive, ce délinquant commet trois vols de voitures ou de motos. Nous nous trouvons, en l'espèce, en présence d'un cas de réitération.
Si nous nous en tenions uniquement aux règles applicables, le plafond de la peine encourue par l'auteur des actes incriminés ne pourrait être supérieur à celui de la peine la plus forte prévue pour les vols commis. Mais si l'on décide que les peines peuvent s'ajouter les unes aux autres - il peut arriver que les procédures se déroulent dans des tribunaux différents -, la peine encourue pourrait s'élever, à défaut de jonction des procédures, au double - c'est-à-dire à cinq ou six ans - de la peine maximale que l'auteur des infractions encourait si l'affaire était jugée en une seule fois.
Je vois mal comment cette disposition pourrait être maîtrisée. Je partage donc pleinement l'avis de la commission sur ce point : adopter une telle mesure reviendrait à s'engager dans une voie qui appellerait une très profonde réflexion.
La suppression se justifie pour une raison simple : définir un comportement, dans un code pénal, sans l'assortir de sanctions est une démarche intéressante du point de vue intellectuel, qui trouverait sa place dans un très bon article de doctrine - je suis certain que M. le rapporteur serait disposé à le faire - mais si l'on commence à énumérer dans le code pénal, qui est le code des peines, les différents comportements non punissables, chacun peut mesurer combien l'inflation législative, d'un seul coup, sera encore plus difficile à contrôler !
Nous soutenons la position de la commission pour la raison suivante : s'il est souhaitable de clarifier les concepts, ceux-ci n'ont pas leur place dans le code pénal.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La démonstration qui a été faite par M. le rapporteur nous permet de mieux appréhender la situation. On définit le concours d'infractions, on définit la récidive, ce qui est bon pour éviter de créer une fausse récidive.
Je crois que les députés ne souhaitaient pas que les peines se cumulent. A mon avis, ils ont estimé qu'il fallait aujourd'hui définir clairement les concepts de la doctrine et les insérer dans le code pénal, au lieu de laisser subsister un certain nombre d'ambiguïtés.
En l'occurrence, la définition est claire, et elle ne me semble pas inutile - elle est même indispensable -, car elle permet de bien distinguer la réitération du concours d'infractions et de la récidive. Tous les juristes éminents connaissent parfaitement ces définitions, mais il faut parfois exprimer clairement les notions : cela permet d'éviter qu'elles soient déformées et que des solutions irréalistes soient appliquées, comme l'a excellemment démontré M. le rapporteur.
Je préfère donc que la réitération figure dans le code pénal.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je ne voudrais pas qu'il y ait confusion ou mauvaise interprétation.
Pour avoir assisté aux débats de l'Assemblée nationale, je dois à l'honnêteté de dire qu'il n'a jamais été dans les intentions de la majorité des députés de mettre en place un système de peines à l'américaine susceptibles de s'additionner indéfiniment. Il faut que les choses soient claires à ce sujet. Que la rédaction soit maladroite, soit ! Cela dit, il n'est pas certain que l'on arrive à une solution idéale ; M. Badinter le sait parfaitement et M. le rapporteur l'a très bien expliqué tout à l'heure.
Je tenais à le préciser parce que, sous prétexte que l'on n'a pas assisté aux débats de l'autre assemblée, on ne peut pas lui faire dire ce qu'elle n'a pas voulu dire !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 et 39.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 et 40.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
L'article 132-41 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La juridiction pénale ne peut prononcer le sursis avec mise à l'épreuve à l'encontre d'une personne ayant déjà fait l'objet de deux condamnations assorties du sursis avec mise à l'épreuve pour des délits identiques ou assimilés au sens des articles 132-16 à 132-16-4 et se trouvant en état de récidive légale. Lorsqu'il s'agit soit d'un crime, soit d'un délit de violences volontaires, d'un délit d'agressions ou d'atteintes sexuelles ou d'un délit commis avec la circonstance aggravante de violences, la juridiction ne peut prononcer le sursis avec mise à l'épreuve à l'encontre d'une personne ayant déjà fait l'objet d'une condamnation assortie du sursis avec mise à l'épreuve pour des infractions identiques ou assimilées et se trouvant en état de récidive légale. Toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables lorsque le sursis avec mise à l'épreuve ne porte que sur une partie de la peine d'emprisonnement prononcée en application des dispositions du dernier alinéa de l'article 132-42. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 41 est présenté par MM. Badinter, Collombat, C. Gautier, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 54 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Charles Gautier, pour présenter l'amendement n° 41.
M. Charles Gautier. L'article 132-30 du code pénal prévoit que le sursis simple ne peut être ordonné que si le prévenu n'a pas été condamné, au cours des cinq années précédant les faits, à une peine de réclusion ou d'emprisonnement pour un crime ou un délit.
En revanche, le code pénal ne prévoit pas de limite quant au nombre de sursis avec mise à l'épreuve, ou SME.
Le SME est donc applicable aux condamnations à l'emprisonnement prononcées pour une durée de cinq ans au plus, en raison d'un crime ou d'un délit de droit commun. Au cours du délai de mise à l'épreuve, le condamné doit satisfaire aux obligations qui sont prévues aux articles 132-44 et 132-45. Elles peuvent notamment consister à prévenir le travailleur social de ses changements de résidence ou d'emploi, à se soumettre à des mesures d'examen médical, de traitement ou de soins, à réparer en tout ou en partie les dommages causés par l'infraction, et, enfin, à s'abstenir de paraître en tout lieu spécialement désigné par la juridiction de jugement ou le juge de l'application des peines ou d'entrer en contact avec la victime.
Le SME apparaît donc comme une mesure garantissant le contrôle et le suivi des condamnés tout en favorisant leur réinsertion.
Dans la pratique, les SME souffrent d'une application défaillante due en grande partie à la notification tardive de la mesure et à l'absence d'effectivité de la prise en charge par les services habilités.
La proposition de loi limite a deux la possibilité pour la juridiction pénale de prononcer le sursis avec mise à l'épreuve à l'encontre d'une personne ayant déjà fait l'objet de deux condamnations assorties du SME pour des délits identiques ou assimilés et se trouvant en état de récidive légale. Pour certaines infractions, cette possibilité se limite à un seul prononcé.
Toutefois ces dispositions ne sont pas applicables lorsque le SME ne porte que sur une partie de la peine.
En subordonnant l'octroi du sursis avec mise à l'épreuve à des conditions prenant en compte le passé judiciaire du délinquant, le législateur interdirait le recours à une mesure qui constitue, dans nombre de situations qui le justifient, l'ultime moyen d'éviter l'emprisonnement.
Ces dispositions vont également à l'encontre de l'individualisation des peines dont le but est de permettre le prononcé des peines les plus adaptées à la réinsertion de l'auteur ; elles marquent une défiance à l'égard des juges et consacre le « tout carcéral » à un moment où les prisons sont particulièrement surpeuplées. Il aurait été préférable de donner les moyens financiers nécessaires aux services de probation et d'insertion afin qu'ils soient en mesure d'assurer leur mission, permettant ainsi de lutter contre la surpopulation carcérale, la désocialisation des délinquants et, ainsi, contre la récidive.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon, pour présenter l'amendement n° 54.
Mme Josiane Mathon. L'article 3 prévoit la limitation du nombre de sursis avec mise à l'épreuve qu'un juge peut prononcer à l'encontre d'une personne récidiviste.
Cet article recèle un infléchissement de notre tradition pénale. Il instaure insidieusement une automaticité dans les sanctions. Il réduit d'autant l'indépendance du juge, sa capacité d'intervention et la prise en compte de la personnalité du prévenu.
Quant aux services pénitentiaires d'insertion et de probation, les SPIP, ils ne disposent pas d'un nombre suffisant de conseillers. Pourtant, augmenter le nombre de ces conseillers d'insertion et de probation aurait évidemment des résultats positifs sur le suivi des sursis avec mise à l'épreuve. Une personne soumise à ce dispositif ne pourrait plus y échapper : à partir du moment où la sanction est appliquée, la personne se sachant contrôlée, la récidive sera moins fréquente.
Par ailleurs, limiter le nombre de sursis avec mise à l'épreuve va inévitablement augmenter le nombre d'emprisonnements fermes. Devons-nous encore et toujours répéter que la prison ferme, pour de courtes peines mais également sans accompagnement socio-éducatif, est contre-productive en matière de récidive ?
C'est pourquoi nous rejetons fermement cette disposition.
M. le président. L'amendement n° 28, présenté par Mme Boumediene-Thiery, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour compléter l'article 132-41 du code pénal par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux mineurs. »
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement vise à exclure les mineurs des dispositions du présent article.
Le principe posé par l'ordonnance du 2 février 1945 est celui de la primauté des mesures éducatives.
Le tribunal pour enfants et la Cour d'assises des mineurs peuvent prononcer une condamnation pénale à l'égard des mineurs âgés de plus de treize ans, lorsque les circonstances et la personnalité du délinquant leur paraissent l'exiger.
Or les dispositions comprises dans cette proposition de loi aboutissent en fait à « surpénaliser » des faits de violence moyenne commis par des délinquants jeunes, en difficulté d'insertion sociale. Pourtant, le soutien socio-éducatif, offert par le sursis avec mise à l'épreuve est le plus justifié.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. L'opinion de la commission est différente de celle des auteurs de ces trois amendements, en particulier des amendements identiques n°s 41 et 54.
La commission, en effet, a décidé d'approuver l'article 3 de la proposition de loi de l'Assemblée nationale, qui permet de limiter le nombre de sursis avec mise à l'épreuve.
Il convient d'éviter le cumul des sursis avec mise à l'épreuve, qui peut entretenir un sentiment d'impunité incompatible avec la vocation probatoire de cette mesure.
En réalité, l'article 3 consacre une pratique des magistrats : tous ceux qui font correctement leur travail graduent les peines en ordonnant le sursis simple, puis le sursis avec mise à l'épreuve et, éventuellement, un deuxième sursis avec mise à l'épreuve pour les infractions les moins graves ; ensuite, est presque toujours prononcée une peine d'emprisonnement ferme. Donc, cet article ne créera pas de révolution par rapport à la pratique judiciaire.
Par ailleurs, la dernière phrase de l'article 3 autorise le juge à prononcer sans limite des peines mixtes, c'est-à-dire conjuguant un sursis avec mise à l'épreuve et une peine d'emprisonnement ferme, qui peut être très réduite.
Donc, le juge peut continuer à ordonner un troisième, un quatrième, un cinquième SME s'il estime que c'est utile pour la réinsertion du condamné, mais, à ce moment-là, il prononcera une petite peine d'emprisonnement ferme. C'est d'ailleurs ce que font déjà les magistrats.
Quant à prévoir des dispositions spécifiques pour les mineurs, je ne pense pas que ce soit utile.
Les juges des enfants ou les magistrats de la cour d'assises des mineurs, prenant en considération le prévenu ou l'accusé qu'ils ont devant eux, s'ils estiment que les infractions sont commises dans des conditions de récidive et qu'il n'y a pas lieu de prononcer une peine d'emprisonnement ferme, peuvent prononcer d'autres peines, telles qu'un travail d'intérêt général. C'est ainsi que cela se passe, d'ailleurs.
La commission est donc défavorable aux amendements identiques nos 41 et 54 ainsi qu'à l'amendement n° 28.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est également défavorable à ces trois amendements.
S'agissant des amendements identiques nos 41 et 54, je partage tout à fait l'analyse qui a été présentée par M. le rapporteur.
Je crois que nous sommes là au coeur d'un vrai débat. L'Assemblée nationale a souhaité qu'on ne puisse pas répéter à l'infini le prononcé de sursis avec mise à l'épreuve. Cette préoccupation me paraît légitime.
Comme l'a souligné avec raison M. le rapporteur, au-delà de deux SME, le juge peut évidemment faire varier sa condamnation. Il n'y a aucune notion de peine plancher dans cette affaire.
Je voudrais, en réponse à Mme Mathon, apporter certaines indications sur les effectifs des services d'insertion.
Je partage complètement votre souci, madame la sénatrice. C'est la raison pour laquelle, depuis ma prise de fonctions, j'ai augmenté de près de 50 % les effectifs des éducateurs dans les SPIP, en créant 627 postes. D'un peu moins de 1 400, nous sommes passés aujourd'hui à 2 000.
Vous pouvez ainsi constater qu'il existe une cohérence absolue entre le souci que j'ai manifesté à plusieurs reprises, en particulier en mars dernier, dans le texte sur les aménagements de peine et la préparation à la libération, et les créations de postes correspondantes.
Bien sûr, nous ne sommes pas encore aux 3 000 postes auxquels vous avez fait référence tout à l'heure, mais, au rythme où nous allons, je pense que nous répondons aux objectifs fixés.
J'ajoute que, compte tenu d'un tel rythme de recrutement, d'une telle évolution par rapport à l'effectif de départ, il est assez difficile d'aller au-delà, car, alors, se poserait un problème de ressources, de temps de formation. Il me semble que ce rythme est satisfaisant, à condition, j'en conviens tout à fait avec vous, de poursuivre cet effort.
Enfin, je suis défavorable à l'amendement n° 28.
La nécessité d'une gradation des peines existe pour les mineurs comme pour les majeurs, et nous savons bien, les uns et les autres, que les juges pour enfants tiennent compte de l'âge des personnes qu'ils ont à juger.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 41 et 54.
M. Jean-Pierre Sueur. Comme l'a très clairement expliqué M. Gautier, cet article 3 est contraire au principe de l'individualisation des peines ; c'est donc un argument fort en faveur de l'amendement n° 41.
Mais je veux profiter de cette intervention pour féliciter M. le garde des sceaux de sa perspicacité.
En effet, monsieur le garde des sceaux, vous nous avez dit tout à l'heure que vous aviez compris très clairement, lors des débats sur ce texte à l'Assemblée nationale, que, dans l'article 2, il n'était nullement dans les intentions des députés de la majorité d'aller vers des additions de peines qui aboutiraient à des situations tout à fait absurdes, notamment à l'absence de confusion de peines, et donc inacceptables.
Je tiens à vous féliciter pour votre perspicacité parce que j'ai lu, pour ma part, le compte rendu des débats à l'Assemblée nationale. Je vous renvoie donc au Journal officiel, séance du 14 décembre 2004, pages 10983, 10984, 10985 et 10986, où vous découvrirez, sans doute avec intérêt, que le seul orateur de la majorité de l'Assemblée nationale qui se soit exprimé sur cet article n'a rien dit, strictement rien, sur cette question de l'addition des peines !
Je n'ai donc pas bien saisi d'où provenait votre compréhension. Sans doute entendez-vous des voix ou lisez-vous sur les visages... Il est néanmoins tout à fait étonnant que personne, au sein de la majorité de l'Assemblée nationale, n'ait évoqué ce sujet.
Je tenais donc à souligner votre grande perspicacité (M. Charles Gautier s'esclaffe.), en m'étonnant quelque peu que le compte rendu officiel des débats ne permette pas d'étayer vos propos !
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, vous savez tout de même qu'il arrive que le ministre s'entretienne avec les parlementaires, avec le rapporteur, avec le président de la commission des lois. Je n'en dirai pas plus, car il me semble que, là, on est un peu sorti des limites de l'épure.
Je répondrai par une question à votre première remarque : lorsqu'une autre majorité et un précédent garde des sceaux ont limité le prononcé du sursis simple à une fois, cela a-t-il été jugé contraire à l'individualisation des peines ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 41 et 54.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
Après l'article 465 du code de procédure pénale, il est inséré un article 465-1 ainsi rédigé :
« Art. 465-1. - Lorsque le tribunal correctionnel prononce une peine d'emprisonnement sans sursis à l'encontre d'une personne en état de récidive légale au sens des articles 132-16-1 et 132-16-4 du code pénal, il délivre un mandat de dépôt à l'audience, quel que soit le quantum de la peine prononcée, sauf s'il en ordonne autrement par une décision spécialement motivée. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 29 est présenté par Mme Boumediene-Thiery.
L'amendement n° 55 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 29.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement de suppression aurait pris tout son sens si la commission des lois n'avait déposé un amendement tendant à atténuer les effets de cet article 4.
En effet, l'article 4 prévoit que les peines d'emprisonnement ferme prononcées à l'encontre de condamnés en état de récidive légale devront faire l'objet systématiquement, sauf décision contraire spécialement motivée, d'une mise à exécution immédiate par la délivrance d'un mandat de dépôt. Heureusement, la commission des lois a agi.
Les conséquences inéluctables de telles dispositions sont d'interdire tout aménagement de la peine, y compris sous forme de semi-liberté ou de placement sous surveillance électronique. Cela revient à privilégier l'exécution de la peine de prison dans les conditions les plus désocialisantes et les moins aptes à prévenir la récidive.
Enfin, pour la seconde fois depuis la loi du 9 septembre 2002, le principe selon lequel la liberté n'a pas à être motivée est remis en cause, ce qui est excessivement grave. Si la possibilité est laissée exceptionnellement au juge de ne pas prononcer le mandat de dépôt, c'est à condition qu'il motive spécialement sa décision.
Il s'agit d'une nouvelle rupture dans les principes de notre procédure pénale et d'une remise en cause du rôle de l'institution judiciaire, garante, au titre de l'article 66 de la Constitution, de la liberté individuelle.
M. le président. La parole est à Mme Eliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 55.
Mme Eliane Assassi. Contrairement à l'article 465 du code de procédure pénale qui prévoit que la décision du tribunal de délivrer un mandat de dépôt doit être spéciale et motivée, ce qui revient à dire que la détention est l'exception, la détention devient la règle, aux termes de cet article 4, dans les cas de récidive les plus graves.
Le bouleversement de notre tradition judiciaire et pénale dont nous parlions tout à l'heure est ici parfaitement illustré, et cela ne peut que nous inquiéter, surtout lorsqu'il s'agit de répondre uniquement à l'événement, et non de se préoccuper du fond du problème.
Par ailleurs, il convient de s'interroger sur l'utilité du droit d'appel si un tel article était adopté. A l'heure actuelle, interjeter appel a un effet suspensif sur l'exécution de la peine prononcée. II existe déjà une dérogation à ce principe, qui est prévue par ce même article 465 du code de procédure pénale : le mandat de dépôt annule l'effet suspensif de l'appel. Je rappelle quand même que, dans ce cas, le mandat de dépôt doit être spécialement motivé.
Aux termes de l'article 4 de cette proposition de loi, la délivrance du mandat de dépôt devient automatique. Que devient le droit d'appel ? Quelles sont les garanties apportées par ce texte au justiciable ?
Cette disposition prévoit en fait la mise en détention automatique et conduira malheureusement à l'augmentation du nombre de détenus, ce que nous dénonçons depuis le début de l'examen de ce texte. Cette mesure n'est pas la seule à donner la priorité à l'emprisonnement, ce qui signifie a contrario que les aménagements de peine seront considérablement réduits, alors que ce sont des dispositifs essentiels dans la lutte contre la récidive.
M. le rapporteur a tenté de renverser un tant soit peu l'orientation uniquement sécuritaire de ce texte en déposant des amendements atténuant le dispositif adopté par l'Assemblée. Il nous semble que c'est par l'amélioration de l'application des textes qui existent déjà que nous renforcerons les pouvoirs de la justice.
C'est pourquoi nous vous demandons d'adopter notre amendement de suppression de l'article 4.
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Il est inséré après l'article 465 du code de procédure pénale, un article 465-1 ainsi rédigé :
« Art. 465-1. - Lorsque les faits sont commis en état de récidive légale, le tribunal peut, par décision spéciale et motivée, décerner mandat de dépôt ou d'arrêt contre le prévenu quelle que soit la durée de la peine d'emprisonnement prononcée. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les amendements identiques nos 24 et 55.
M. François Zocchetto, rapporteur. Je crois utile de rappeler la situation actuelle : aujourd'hui, un juge peut prononcer un mandat de dépôt à l'audience s'il a affaire à une personne qui est en état de récidive et qu'il vient de condamner à une peine d'emprisonnement au moins égale à douze mois.
L'Assemblée nationale nous propose que, pour les infractions sexuelles et pour les délits de violences volontaires, et seulement pour ces délits-là, un mandat de dépôt soit systématiquement délivré à l'audience, s'il y a récidive, sauf si le magistrat se prononce autrement par une décision motivée.
Cette proposition soulève deux problèmes.
Le premier, c'est que cette disposition ne concerne que les infractions sexuelles et les délits de violences volontaires. Ainsi, pour ne vous donner qu'un seul exemple, un récidiviste qui aurait commis des faits d'escroquerie à répétition sur une personne vulnérable et qui aurait été condamné à dix ou onze mois d'emprisonnement ne pourrait pas faire l'objet d'un mandat de dépôt à l'audience, quand bien même le magistrat voudrait qu'il soit aussitôt placé en détention.
Le second problème, qui est à mon avis le plus important et qui a été signalé tout à l'heure, a trait à la constitutionnalité. Dans notre droit, la liberté est la règle et la privation de liberté, qui doit être motivée, est l'exception.
La commission vous propose donc une disposition beaucoup plus lisible, beaucoup plus facile à utiliser pour les magistrats, et qui leur donnera toute possibilité d'individualiser la sanction quelles que soient l'infraction commise et la peine prononcée. En effet, aujourd'hui, pour pouvoir placer en détention une personne à l'audience, des magistrats se retrouvent dans la situation paradoxale de devoir prononcer une peine de douze mois d'emprisonnement, alors qu'en leur for intérieur ils estiment qu'ils auraient dû prononcer une peine de quatre ou cinq mois. Il y a là un dévoiement du système.
L'amendement déposé par la commission tend à ouvrir au juge la faculté de décerner, en cas de récidive, un mandat de dépôt à l'audience, par une décision motivée, et ce quel que soit le quantum de la peine prononcée et quelle que soit l'infraction commise.
En conséquence, la commission émet donc un avis défavorable sur les amendements identiques nos 29 et 55.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Monsieur le président, je suis défavorable aux amendements de suppression nos 29 et 55.
Je m'en remets à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 4, après avoir entendu la présentation faite par M. le rapporteur et compte tenu à la fois de l'élargissement du domaine dans lequel serait possible un placement en détention à l'issue de l'audience et de la souplesse qui est redonnée au juge dans l'exercice de cette prérogative.
M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 29 et 55.
M. Nicolas Alfonsi. Cette disposition n'est-elle pas superfétatoire par rapport à la faculté, pour un tribunal, de délivrer un mandat de dépôt à l'audience ? Cela dépend peut-être du quantum...
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Actuellement, le mandat de dépôt à l'audience ne peut être délivré que si la peine d'emprisonnement prononcée est égale ou supérieure à douze mois.
M. le président. La parole est à M. Charles Gautier, pour explication de vote.
M. Charles Gautier. Notre groupe n'a pas déposé d'amendement de suppression de l'article 4, bien que nous eussions pu le faire. C'est pourquoi nous voterons les amendements de suppression nos 29 et 55.
Toutefois, si d'aventure ces amendements n'étaient pas adoptés, nous voterions l'amendement n° 4 de la commission qui, selon nous, améliore le texte actuel et constitue donc un amendement un repli.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 29 et 55.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 4 est ainsi rédigé.
Article 5
Le premier alinéa de l'article 721 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque le condamné est en état de récidive légale, il bénéficie d'un crédit de réduction de peine calculé sur la durée de la condamnation prononcée à hauteur de deux mois la première année, de un mois pour les années suivantes et de cinq jours par mois. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 5 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.
L'amendement n° 42 est présenté par MM. Badinter, Collombat, C. Gautier, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 56 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 5.
M. François Zocchetto, rapporteur. L'article 5 tend à réduire le crédit de réduction de peine applicable aux récidivistes. Ce crédit a été créé, voilà un an, par la loi du 9 mars 2004, dite « loi Perben II ».
Cet article fixe le crédit de réduction de peine du condamné en état de récidive légale à deux mois la première année, un mois pour les années suivantes et cinq jours par mois.
Avec la commission, nous nous sommes interrogés sur la portée de cette disposition. Il ne faudrait pas qu'elle complique les choses et qu'elle produise l'effet inverse de ce qu'ont recherché les auteurs de la proposition de loi.
Les dispositions actuelles permettent déjà un traitement plus sévère du détenu récidiviste. Il importe de rappeler, en effet, qu'il encourt une peine qui est doublée par rapport à celle d'un primo délinquant.
En outre, la réduction de peine supplémentaire accordée aux détenus au titre des efforts de réinsertion est d'ores et déjà limitée pour ceux qui sont en état de récidive légale.
Enfin, les dispositions relatives à la libération conditionnelle sont beaucoup plus restrictives pour les récidivistes.
Par conséquent, il existe déjà tout un arsenal qui permet de durcir la peine qui est exécutée par un condamné en état de récidive.
Je ne voudrais pas que les juges prononcent, à l'égard des récidivistes, des peines qui seraient curieusement moins importantes que ce qu'elles devraient être, au motif qu'ils tiendraient compte par anticipation du fait que l'exécution des peines serait considérablement durcie !
On peut également s'interroger sur l'opportunité de cette mesure au regard de l'évolution de la population pénitentiaire, dont l'augmentation régulière - même si elle est en ce moment stabilisée - demeure un sujet de préoccupation.
Il est évident que si, subitement, on divise par deux le crédit de réduction de peine des détenus qui ont été condamnés en état de récidive, la gestion des détenus va être compliquée ;le personnel pénitentiaire s'est est ému.
En conclusion, il me semble plus raisonnable d'abandonner cette division par deux du crédit de réduction de peine, d'abord parce qu'il existe déjà de nombreuses mesures qui durcissent l'exécution de la peine à l'égard du récidiviste, ensuite parce que le juge doit pouvoir prononcer un doublement de peine sans anticiper ce durcissement que voudraient les députés.
M. le président. La parole est à M. Charles Gautier, pour présenter l'amendement n° 42.
M. Charles Gautier. Monsieur le président, si vous m'aviez donné la parole, contrairement à ce que prévoit le règlement, avant M. le rapporteur, j'aurais développé une argumentation extrêmement voisine de la sienne. Par conséquent, je m'en remets à ce qu'il vient de dire.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon, pour présenter l'amendement n° 56.
Mme Josiane Mathon. Il est bien évident, monsieur le président, que nos arguments sont les mêmes !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à ces trois amendements, car il ne paraît pas injustifié de prévoir un régime plus sévère pour les récidivistes, comme c'est traditionnellement le cas en matière d'application des peines.
C'est la raison pour laquelle j'ai accepté cet article lors de la discussion de cette proposition de loi devant l'Assemblée nationale et que je m'oppose, je le répète, à sa suppression.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5, 42 et 56.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 5 est supprimé.
Article 6
Après l'article 132-16-2 du code pénal, il est inséré un article 132-16-5 ainsi rédigé :
« Art. 132-16-5. - L'état de récidive légale peut être relevé d'office par la juridiction de jugement même lorsqu'il n'est pas mentionné dans l'acte de poursuites, dès lors qu'au cours de l'audience la personne poursuivie en a été informée et qu'elle a été mise en mesure d'être assistée d'un avocat et de faire valoir ses observations. »
M. le président. L'amendement n° 30, présenté par Mme Boumediene-Thiery, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 131-6-5 du code pénal par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans ce cas, le président avertit le prévenu qu'il ne peut être jugé le jour même qu'avec son accord ; toutefois, cet accord ne peut être recueilli qu'en présence de son avocat ou, si celui-ci n'est pas présent, d'un avocat désigné d'office sur sa demande par le bâtonnier. Si le prévenu ne consent pas à être jugé séance tenante ou si l'affaire ne paraît pas en état d'être jugée, le tribunal renvoie à une prochaine audience qui doit avoir lieu dans un délai qui ne peut être inférieur à deux semaines, sauf renonciation expresse du prévenu, ni supérieur à six semaines. »
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. L'article 6 a pour objet de permettre à la juridiction de jugement de relever d'office l'état de récidive sans l'accord du prévenu, dès lors que celui-ci aura été mis en mesure de présenter ses observations.
Ce texte prétend mettre un terme à la jurisprudence ancienne et constante de la Cour de cassation selon laquelle les juges correctionnels ne peuvent ajouter de nouvelles circonstances aggravantes aux faits dont ils sont saisis par le ministère public, comme par exemple l'état de récidive du prévenu, sans l'accord exprès de celui-ci.
Mais, en réalité, la jurisprudence sur les règles à respecter pour pouvoir prononcer la récidive est bien plus nuancée. Certes, il y a atteinte aux droits de la défense si la juridiction relève l'état de récidive sans que le prévenu ait été préalablement informé d'un élément modifiant la peine encourue et donc sans qu'il ait pu se défendre à cet égard.
En revanche, si le prévenu a été mis en mesure de s'expliquer sur son éventuel état de récidive, pendant longtemps la jurisprudence a estimé que la juridiction de jugement pouvait valablement relever l'état de récidive.
Plus récemment, la Cour de cassation a infléchi sa jurisprudence en exigeant que le prévenu ait accepté d'être jugé sur la circonstance aggravante de l'état de récidive. Aucune mention dans la décision n'indique que le prévenu a été mis en demeure de s'expliquer à ce sujet. Il suffit donc que le prévenu ait été mis en demeure de s'expliquer pour que l'état de récidive, non visé dans l'acte de saisine, puisse néanmoins être relevé par la juridiction pénale.
Compte tenu de l'aggravation des peines encourues, allant jusqu'à vingt ans en matière correctionnelle, selon la procédure de comparution immédiate au sortir d'une garde à vue de quatre-vingt-seize heures, le prévenu doit pouvoir être assisté d'un avocat. Afin de satisfaire aux exigences de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, la défense doit disposer d'un temps suffisant pour préparer ses arguments.
La solution proposée consiste à reprendre les dispositions de l'article 397-1 du code de procédure pénale sur le droit à un délai, pour préparer sa défense, ouvert à tout prévenu poursuivi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Sur le fait de pouvoir relever d'office l'état de récidive légale à l'audience, cet article 6 n'apprend pas grand-chose, dans la mesure où il ne fait que consacrer une jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation. Au moins a-t-il le mérite de l'inscrire dans le code pénal.
Il s'agit d'une excellente disposition, et le texte qu'ont rédigé les députés est très bon dans la mesure où la possibilité de relever d'office l'état de récidive à l'audience est triplement encadré : la personne poursuivie doit avoir été informée ; elle doit pouvoir faire valoir ses observations ; enfin, elle doit avoir la faculté d'être assistée d'un avocat.
La commission vous propose d'adopter l'article 6 en l'état. En conséquence, elle est défavorable à l'amendement n° 30 de Mme Boumédiene-Thierry.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 30.
Après le rapporteur, je veux redire combien cet article constitue une excellente disposition en ce qu'il clarifie la situation et qu'il consacre la jurisprudence. Il serait dommage de ne pas l'adopter.
M. le président. L'amendement n° 31, présenté par Mme Boumediene-Thiery, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 131-16-5 du code pénal par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas dans le cadre de la procédure de comparution immédiate prévue par les articles 395 à 397-4 du code de procédure pénale. »
L'amendement n° 32, présenté par Mme Boumediene-Thiery, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 131-16-5 du code pénal par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux infractions passibles d'une peine d'emprisonnement d'au moins dix ans ».
L'amendement n° 33, présenté par Mme Boumediene-Thiery, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 131-16-5 du code pénal par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux mineurs »
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter ces trois amendements.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Ces amendements ont pour objet de compléter le texte proposé par trois alinéas différents.
Les dispositions du présent article ne devraient pas s'appliquer dans le cadre de la procédure de comparution immédiate prévue par les articles 395 à 397-4 du code de procédure pénale. Tel est l'objet de l'amendement n° 31.
En effet, la comparution immédiate est une procédure d'urgence dans laquelle la juridiction pénale statue très vite et qui aboutit de manière quasi systématique à des peines d'emprisonnement ferme.
Il est donc nécessaire d'être particulièrement vigilant en excluant la possibilité de relever d'office l'état de récidive dans une telle procédure expéditive.
Par ailleurs, les dispositions du présent article ne doivent pas s'appliquer aux infractions passibles d'une peine d'emprisonnement d'au moins dix ans.
En effet, compte tenu de l'aggravation des peines encourues, jusqu'à vingt ans en matière correctionnelle, et du fait que, en comparution immédiate, la juridiction pénale statue très vite, ce qui aboutit de manière quasi systématique à des peines d'emprisonnement ferme, il convient de limiter la possibilité pour la juridiction pénale de relever la récidive d'office aux seules infractions passibles d'une peine d'emprisonnement inférieure à dix ans. C'est l'objet de l'amendement n° 32.
Enfin, les dispositions du présent article ne doivent pas être applicables aux mineurs.
Mon argumentaire en faveur de l'amendement n° 28 vaut pour l'amendement n° 33. Le principe posé par l'ordonnance du 2 février 1945 est celui de la primauté des mesures éducatives : le tribunal pour enfants et la cour d'assises des mineurs peuvent prononcer une condamnation pénale à l'égard des mineurs âgés de plus de treize ans, lorsque les « circonstances et la personnalité du délinquant leur paraîtront l'exiger ».
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. L'amendement n° 31 est, je le suppose, un amendement de repli, car dès lors que la possibilité de relever l'état de récidive à l'audience est actée, il paraît intéressant qu'on puisse y recourir précisément dans les procédures de comparution immédiate, puisque c'est dans ce cas que les délais sont très rapides et qu'il est généralement difficile de viser l'état de récidive dans l'acte de poursuite. C'est ma réponse, et elle entraîne un avis défavorable.
Je ne comprends pas l'amendement n° 32, car il serait paradoxal d'interdire de relever l'état de récidive légal pour les auteurs des infractions les plus graves. S'il y a un cas dans lequel il faut le relever, c'est bien celui-là. J'émets donc un avis défavorable, sauf si Mme Boumediene-Thiery préfère retirer cet amendement.
Enfin, s'agissant de l'amendement n° 33, relatif aux mineurs, nous nous sommes déjà exprimés tout à l'heure sur le sujet. S'il y a un état de récidive, il peut être relevé ; c'est la liberté du juge que de le faire.
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Je tiens à préciser qu'il s'agit bien de limiter cette disposition uniquement aux infractions qui sont passibles d'une peine d'emprisonnement inférieure à dix ans.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je suis défavorable aux trois amendements. Je ne vais pas reprendre ce que M. le rapporteur a indiqué ; je partage son analyse.
Je voudrais simplement faire une observation : j'ai entendu à plusieurs reprises votre souhait, et celui d'autres sénateurs, de ne pas enserrer le juge dans des contraintes. Or, là, c'est l'inverse que vous nous proposez ! J'avoue que je ne comprends pas bien la logique de certaines propositions.
M. le président. Je mets aux voix l'article 6.
(L'article 6 est adopté.)
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES AU PLACEMENT SOUS SURVEILLANCE ÉLECTRONIQUE MOBILE
Article 7
Après l'article 131-36-8 du code pénal, il est inséré une sous-section 7 ainsi rédigée :
« Sous-section 7
« DU PLACEMENT SOUS SURVEILLANCE ÉLECTRONIQUE MOBILE, À TITRE DE MESURE DE SÛRETÉ, DES CONDAMNÉS POUR CRIMES OU DÉLITS SEXUELS
« Art. 131-36-9. - Lorsque la juridiction de jugement condamne une personne à une peine d'emprisonnement sans sursis d'une durée au moins égale à cinq années pour une ou plusieurs infractions prévues aux articles 222-23 à 222-31, 225-12-1 et 227-22 à 227-26, elle peut ordonner son placement sous surveillance électronique mobile à compter du jour où la privation de liberté prend fin.
« Art. 131-36-10. - Le placement sous surveillance électronique mobile emporte pour le condamné l'obligation de porter un émetteur permettant de déterminer, à distance, sa localisation afin de prévenir la récidive et favoriser sa réinsertion. Le placement sous surveillance électronique mobile peut emporter interdiction de se rendre dans certains lieux.
« Le président de la juridiction, après le prononcé de la décision, avertit le condamné des obligations qui en résultent et des conséquences qu'entraînerait leur inobservation.
« Art. 131-36-11. - Les modalités d'exécution du placement sous surveillance électronique mobile sont fixées par la section 9 du chapitre II du titre II du livre V du code de procédure pénale. »
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 6 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.
L'amendement n° 43 est présenté par MM. Badinter, Collombat, C. Gautier, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 57 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 6.
M. François Zocchetto, rapporteur. Je me suis déjà expliqué sur les raisons qui conduisent la commission à proposer la suppression des articles 7 et 8 de la proposition de loi, articles instituant le placement sous surveillance électronique mobile, ainsi que celle de l'article 16 qui prévoit la rétroactivité du dispositif.
Plus tard, je vous proposerai d'expérimenter ce dispositif en matière de libération conditionnelle.
Je rappellerai seulement qu'il est apparu prématuré à la commission de prévoir, dans notre droit pénal, un régime spécifique pour un dispositif dont les modalités techniques, en particulier, suscitent encore bien des interrogations.
Il lui a paru sage de se déterminer en fonction, notamment, des conclusions de notre collègue député, M. Georges Fenech, auquel le Gouvernement a confié une mission sur les conditions de mise en oeuvre du bracelet électronique mobile. Les conclusions de cette mission seront connues d'ici à quelques semaines ou à quelques mois. N'anticipons pas face à ces incertitudes juridiques et techniques.
Ce sont les mêmes raisons qui me conduiront à proposer la suppression de l'article 8, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour présenter l'amendement n° 43.
M. Robert Badinter. Je souhaite intervenir à propos de cette innovation technologique qui, je dois le dire, m'a plongé dans la confusion, et dont je voudrais que la Haute Assemblée mesure bien la portée.
Je le rappelle, nous avons été unanimes à soutenir la proposition, devenue loi, de l'un de nos anciens et remarquables collègues, M. Guy Cabanel, concernant l'utilisation du bracelet électronique. Aujourd'hui, cette possibilité n'est certes pas assez utilisée - 700 unités seulement - mais elle se développe.
Le bracelet offre une solution de substitution à l'emprisonnement en permettant de placer celui qui le porte sous surveillance immédiate et directe.
Ici, nous sommes en présence d'un procédé tout à fait différent : on entre dans un système qui est en pleine expérimentation, notamment en Floride - chacun le sait, du coté du gouverneur Bush, on est attentif à tout ce qui permet de durcir la répression - mais surtout en Grande-Bretagne, à Manchester.
C'est au cours de la discussion qui s'est instaurée au sein de la commission des lois que, pour la première fois, nous avons eu des précisions techniques. Je dis très simplement que je trouve extraordinaire que l'on ait songé à insérer dans le code pénal un procédé sur lequel il faut, à n'en pas douter, nous interroger, car il pose des problèmes considérables !
Vous avez raison, monsieur le rapporteur, des interrogations surgissent au sujet des coûts, mais aussi de la technique et du droit.
Je laisse de coté le problème des coûts pour exposer ce que j'ai découvert concernant l'expérience de Manchester.
Concrètement, il s'agit non pas d'un bracelet électronique, mais d'une sorte de chaînette en acier que l'on porte en permanence à la cheville - il n'y a aucune équivoque possible, le poignet se disant wrist en anglais et la cheville ancle - qui n'est pas aussi petite qu'on pourrait le croire, et d'un appareil qui est à peu près de la taille d'un portable, porté à la ceinture, relié de façon permanente à des satellites et à un centre d'observation. De la sorte, on parvient à une observation constante de la personne. Ses déplacements sont enregistrés toutes les quinze secondes, dès qu'elle franchit une distance de deux mètres, et s'inscrivent sur un écran.
On mesurera que ce n'est pas rien. Il ne s'agit plus du tout du bracelet électronique de notre ami Guy Cabanel ; c'est un procédé de surveillance dont, pour ne pas employer l'adjectif totalitaire, je dirai qu'il est total : deux mètres et toutes les quinze secondes.
Les Anglais utilisent ce procédé dans l'expérience qui est en cours, dont les résultats ne sont pas encore connus - j'ai envoyé des mails à Manchester, mais je n'ai pas encore eu de réponse -, pour veiller à ce que le porteur de ce dispositif complexe, fixé en permanence pendant trois ans à la cheville et à la taille, ne se déplace ou pénètre à l'intérieur d'une zone interdite.
Cela ne peut pas ne pas poser des problèmes, sur lesquels on doit s'interroger.
Le premier, il a d'ailleurs été révélé par la commission, est qu'il faudrait tout de même connaître les résultats obtenus dans le cadre de cette expérience qui est en cours en Angleterre. Je crois qu'un parlementaire a été envoyé en mission. Attendons au moins de savoir quelles informations il en rapportera. Au besoin, faisons venir devant la commission des lois le spécialiste britannique de la question.
Le deuxième problème est majeur. Il est particulièrement délicat de demander à une personne qui a été condamnée de porter un bracelet, fixé sur lui et visible à sa cheville dès qu'il s'assoit, si je pars du principe que c'est un homme...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et si c'est une femme, alors ?
M. Robert Badinter. ...mais cela serait la même chose si c'était une femme. Cela ne peut pas se dissimuler, sauf à porter des pantalons bouffants - je n'ose pas dire à la turque, dans le contexte actuel (Sourires.) - ou à la mode des hippies, mais vous reconnaîtrez que ce n'est pas cela qui vous rend anonyme !
M. Dominique Leclerc. C'est hors sujet !
M. Robert Badinter. Une robe, elle, devrait descendre comme une burka !
Soyons sérieux et disons- le clairement : on ne peut pas ne pas s'en apercevoir. Il faut faire très attention, car cet instrument me parait difficilement compatible avec toute forme de réinsertion.
Et comme il est utilisé, semble-t-il, pour les criminels ou les délinquants sexuels - je ne sais pas quel est le terme utilisé par la loi anglaise, mais je serai demain à Londres -, la question que nous nous posons tous - la commission des lois en avait débattu - concerne les conséquences qu'un tel dispositif peut avoir sur le psychisme de celui qui porte constamment sur lui un rappel de ce qu'il est un délinquant, un criminel sexuel. Je ne suis pas certain que cela soit dissuasif et que cela ne devienne pas obsessionnel.
Sur ce point, nous sommes en pleine interrogation majeure et la moindre des choses, avant d'inscrire un tel dispositif dans le code pénal, c'est de savoir comment il fonctionne, quels sont ses coûts - car il faut penser à son développement - et ses conséquences.
Je remarque aussi - je ne peux pas ne pas m'interroger sur les droits fondamentaux et le respect de la personne humaine - que fixer en permanence un instrument de surveillance sur une cheville, visible en tant de circonstances, constitue une interrogation première dans notre système de pénalités, compte tenu des bornes fixées à juste titre par la Convention européenne des droits de l'homme. Je n'en dirai pas plus.
Je rejoints totalement la position de la commission : le moment n'est pas venu et il faut attendre d'y voir plus clair. Je ne crois pas que nous puissions nous laisser aller à ce que j'appellerai une sorte de passion du gadget, et se dire : « Voyez, on va maintenant pouvoir les surveiller de façon permanente ». C'est un sujet trop important pour que l'on en décide comme cela, dans une sorte de happening juridique (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Dominique Leclerc. Merci de nous le dire !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 57.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je ne vais pas en rajouter. Je vous demanderai simplement de penser aux femmes, condamnées à porter des pantalons qui cachent la chaînette qu'elles portent à la cheville.
Sur le plan technique, je propose qu'on attende de voir si l'on ne pourrait pas utiliser plutôt une puce sous-cutanée, solution beaucoup plus discrète et qui a le même effet, c'est-à-dire un effet très peu dissuasif pour les délinquants dont nous parlons.
Je voudrais ajouter que, au-delà de l'aspect technique, au-delà du fait que le système n'est pas au point, que l'on ne sait pas s'il est efficace et qu'il est discriminant, nous considérons qu'un problème de fond se pose : on instaure une double peine.
En effet, avec ce dispositif, une personne qui a purgé la peine que lui a infligée la société devra en accomplir une autre, qui se prolongera quasiment jusqu'à la fin de ses jours, ou au moins pendant une très longue période, puisqu'elle sera surveillée en permanence par un système électronique mobile.
Ce dispositif permettra sans doute, s'il fonctionne bien, d'arrêter ladite personne en cas de récidive, mais, selon moi - et si j'étais la seule à penser ainsi, ce ne serait pas très important - il n'aura aucun effet pour prévenir la récidive. En fait, il traduit notre crainte d'une éventuelle récidive en matière de crimes sexuels. Or, tous ceux qui connaissent la psychologie des délinquants sexuels savent que, malheureusement, un tel dispositif électronique ne les empêchera pas de passer à l'acte.
M. le président. L'amendement n° 58, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 131-36-9 du code pénal par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux mineurs. »
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement est défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 58 ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Si les amendements identiques nos 6, 43 et 57 sont adoptés, l'amendement n° 58 n'aura plus d'objet.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de vous livrer quelques réflexions.
Tout d'abord, je le rappelle, les articles qui ont été adoptés par l'Assemblée nationale, sur la proposition de M. Clément, visent à trouver un moyen d'éviter des récidives d'actes graves. Je pense que cet objectif recueille un consensus total, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Espérons-le !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. La question est ensuite de savoir si le choix qui est fait est pertinent. De ce point de vue, veillons à ne pas confondre deux niveaux de réflexion.
Le premier niveau est de nature technique et concerne le bracelet électronique mobile.
Je peux vous dire que le placement sous surveillance électronique mobile est de plus en plus fréquemment ordonné, que ce soit au titre de l'aménagement de la peine ou au titre de la peine initiale, puisque maintenant la loi le permet.
Je ne veux pas exclure a priori l'utilisation de dispositifs permettant une certaine mobilité, d'autant que les systèmes de repérage satellitaire sont très précis. Vous savez tous comment fonctionnent l'ordinateur de bord d'une voiture. Je vous rappelle par ailleurs que de tels dispositifs sont installés sur les petits appareils que nous avons tous dans notre poche. Il est ainsi possible, si on vous cherche, de savoir en permanence où vous êtes !
Le débat qu'appelle aujourd'hui le bracelet électronique mobile se posera à l'avenir en d'autres occasions. Je me demande pourquoi nous devrions a priori refuser de nous servir de cet apport technologique nouveau au bénéfice de la justice et de la protection de nos concitoyens. Il faut garder cet aspect présent à l'esprit.
Par ailleurs, et c'est le second niveau de réflexion, le dispositif juridique qui est proposé dans cette proposition de loi est-il tout à fait stabilisé ?
Comme j'ai eu l'occasion de le dire tout à l'heure à la tribune, je comprends les hésitations de la commission des lois du Sénat. J'ai d'ailleurs moi-même suggéré au Premier ministre de demander à M. Fenech d'examiner ce dispositif et de se rendre en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis pour étudier son fonctionnement. Les précisions qu'il rapportera viendront nourrir notre réflexion et nous permettront de savoir ce que l'on peut retirer de ce dispositif technologique en vue d'éviter la récidive.
Pour toutes ces raisons, je m'en remets à la sagesse du Sénat. Les suppressions d'articles et les différents dispositifs proposés par la commission des lois nous permettent d'attendre les résultats des travaux de M. Fenech. Nous en aurons sans doute connaissance au cours de la navette et vous pourrez ainsi, si vous le souhaitez, stabiliser le dispositif juridique.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6, 43 et 57.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 7 est supprimé et l'amendement n° 58 n'a plus d'objet.
Article 8
Après l'article 723-28 du code de procédure pénale, il est inséré une section 9 ainsi rédigée :
« Section 9
« DU PLACEMENT SOUS SURVEILLANCE ÉLECTRONIQUE MOBILE, À TITRE DE MESURE DE SÛRETÉ, DES CONDAMNÉS POUR CRIMES OU DÉLITS SEXUELS
« Art. 723-29. - Lorsqu'une personne a été condamnée au placement sous surveillance électronique mobile par la juridiction de jugement en application des dispositions de l'article 131-36-9 du code pénal, elle est soumise, conformément aux dispositions de la présente section, à une évaluation de sa dangerosité tendant à mesurer le risque de commission d'une nouvelle infraction sexuelle prévue à l'article 706-47.
« L'évaluation est mise en oeuvre par le juge de l'application des peines selon les modalités prévues à l'article 723-30 et débute au moins deux ans avant la levée d'écrou.
« Art. 723-30. - Lorsque, après avoir consulté le procureur de la République, le directeur de l'établissement pénitentiaire, le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation, les médecins et les médecins psychiatres ayant eu à connaître du condamné ainsi que toute autre personnalité qu'il jugera utile d'entendre conformément aux dispositions de l'article 712-16, le juge de l'application des peines considère que, compte tenu de sa personnalité et des faits commis, la libération du condamné présente un danger pour l'ordre public en raison des risques de renouvellement de l'infraction, il saisit par ordonnance le tribunal de l'application des peines aux fins de placement sous surveillance électronique mobile du condamné à titre de mesure de sûreté.
« Art. 723-31. - Le placement sous surveillance électronique mobile est un dispositif technique ayant pour objet de permettre de déterminer, à distance, la localisation du condamné ayant purgé sa peine sur l'ensemble du territoire national. A cette fin, la personne concernée est astreinte au port d'un émetteur. Le placement sous surveillance électronique mobile peut emporter interdiction de se rendre dans certains lieux, en dehors des périodes fixées par le juge de l'application des peines.
« Le procédé utilisé est homologué par le ministre de la justice. Sa mise en oeuvre doit garantir le respect de la dignité, de l'intégrité et de la vie privée de la personne et favoriser sa réinsertion sociale.
« Les dispositions des premier, deuxième, troisième et cinquième alinéas de l'article 723-9 et de l'article 723-12 sont applicables.
« Art. 723-32. - Le tribunal de l'application des peines saisi aux fins de placement sous surveillance électronique mobile se prononce après avoir recueilli l'avis de la commission des mesures de sûreté.
« La commission des mesures de sûreté est établie dans le ressort de chaque cour d'appel. Présidée par un magistrat du siège désigné par le premier président de la cour d'appel, la commission est composée selon des modalités déterminées par le décret prévu à l'article 723-35.
« Dans les six mois de sa saisine par le président du tribunal de l'application des peines territorialement compétent en application des dispositions de l'article 712-3, la commission transmet son avis sur la mesure tendant au placement sous surveillance électronique mobile. Sur décision de son président, la commission peut procéder ou faire procéder sur l'ensemble du territoire national à tous examens, auditions, enquêtes expertises ou autres mesures utiles.
« A défaut de transmission dans un délai de six mois, l'avis de la commission est considéré comme favorable et le tribunal de l'application des peines statue en son absence. Lorsque le tribunal de l'application des peines ne suit pas l'avis de la commission, il se prononce par une décision spécialement motivée. Les dispositions du second alinéa de l'article 712-7 sont applicables.
« Art. 723-33. - Le tribunal de l'application des peines ne peut prononcer le placement sous surveillance électronique mobile pour une durée supérieure à trois ans renouvelables si la personne a été condamnée pour un délit et à cinq ans renouvelables si la personne a été condamnée pour un crime. Six mois avant l'expiration du placement sous surveillance électronique mobile, le tribunal de l'application des peines, d'initiative ou sur réquisitions du procureur général, se prononce sur le renouvellement de la mesure. A défaut, le placement sous surveillance électronique mobile est caduc.
« La décision tendant au renouvellement du placement sous surveillance électronique mobile est prise à l'issue d'un débat contradictoire au cours duquel la juridiction entend les réquisitions du ministère public et les observations de la personne concernée ainsi que, le cas échéant, celles de son avocat.
« La personne condamnée astreinte au placement sous surveillance électronique mobile, ou son avocat, peut demander au tribunal de l'application des peines le relèvement de la mesure au cours de son exécution. Si le tribunal confirme la mesure, il peut fixer un délai pendant lequel toute nouvelle demande de relèvement de la mesure sera irrecevable.
« La durée totale du placement sous surveillance électronique mobile ne peut excéder vingt ans en matière correctionnelle et trente ans en matière criminelle.
« Art. 723-34. - Les décisions du tribunal de l'application des peines peuvent être attaquées par la voie de l'appel par le condamné, la personne condamnée astreinte au placement sous surveillance électronique ou le procureur général dans le délai de dix jours à compter de leur notification. L'appel est porté devant la chambre de l'application des peines de la cour d'appel dans sa formation prévue au deuxième alinéa de l'article 712-13.
« Art. 723-35. - Un décret détermine les modalités et les conditions d'application des dispositions de la présente section. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 7 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.
L'amendement n° 44 est présenté par MM. Badinter, Collombat, C. Gautier, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 59 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 7.
M. François Zocchetto, rapporteur. L'amendement n° 7 est un amendement de cohérence avec les amendements que le Sénat vient d'adopter.
Le dispositif complet adopté par la commission des lois consiste, dans un premier temps, à supprimer les articles 7 et 8 puis, dans un second temps, à instaurer un nouveau dispositif visant à retenir le bracelet électronique mobile dans le cadre de la libération conditionnelle. Nous y reviendrons tout à l'heure.
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour présenter l'amendement n° 44.
M. Robert Badinter. Il est défendu.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 59.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est également défendu.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 7, 44 et 59.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 8 est supprimé.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)