sommaire
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
2. Demandes d'autorisation de missions d'information
3. Souhaits de bienvenue à une délégation de sénateurs malgaches
4. Avenir du fret ferroviaire. - Discussion d'une question orale avec débat (Ordre du jour réservé.)
MM. Daniel Reiner, auteur de la question ; Bernard Seillier, Yves Krattinger, Jean-Louis Masson, François Gerbaud, Mme Jacqueline Gourault, MM. Michel Billout, Daniel Percheron, François Fortassin, Dominique Mortemousque, Yann Gaillard.
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.
Clôture du débat.
5. Aide aux producteurs de fruits et légumes. - Discussion d'une question orale avec débat (Ordre du jour réservé.)
MM. Daniel Soulage, auteur de la question ; François Marc, Bernard Murat, Mme Gisèle Gautier, MM. Gérard Le Cam, Thierry Repentin, Dominique Mortemousque.
M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité.
Clôture du débat.
Suspension et reprise de la séance
6. Développement des territoires ruraux. - Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxième lecture
Amendement no 30 de la commission. - MM. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Amendement no 161 rectifié de Mme Françoise Henneron. - Mme Janine Rozier, MM. Ladislas Poniatowski, rapporteur ; le ministre, Jean-Louis Carrère. - Retrait.
Amendement no 31 de la commission. - MM. Ladislas Poniatowski, rapporteur ; le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendements nos 279 rectifié bis de M. Xavier Pintat, repris par la commission, et 428 rectifié de la commission. - MM. Ladislas Poniatowski, rapporteur ; le ministre, Jean-Louis Carrère. - Adoption des deux amendements.
Amendement no 32 de la commission. - Adoption.
Amendement no 348 rectifié de M. Bernard Cazeau. - MM. Jean-Louis Carrère, Ladislas Poniatowski, rapporteur ; le ministre. - Retrait.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no 349 rectifié de M. Bernard Cazeau. - MM. Jean-Louis Carrère, Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Retrait.
Amendement no 373 de M. Jean Desessard. - Mme Dominique Voynet, MM. Ladislas Poniatowski, rapporteur ; le ministre, Jean-Louis Carrère. - Rejet.
Amendements nos 374 à 376 de M. Jean Desessard. - Mme Dominique Voynet, MM. Ladislas Poniatowski, rapporteur ; le ministre. - Retrait de l'amendement no 376 ; rejet des amendements nos 374 et 375.
Amendement no 377 de M. Jean Desessard et amendement n° 139 du Gouvernement. - Mme Dominique Voynet, MM. le ministre, Ladislas Poniatowski, rapporteur ; Pierre-Yves Collombat. - Rejet de l'amendement no 377 ; adoption de l'amendement no 139.
Amendements nos 378, 379 de M. Jean Desessard et 33 de la commission. - Mme Dominique Voynet, MM. Ladislas Poniatowski, rapporteur ; le ministre, Jean-Louis Carrère. - Rejet des amendements nos 378 et 379 ; adoption de l'amendement no 33.
Amendements nos 380, 381 de M. Jean Desessard et 34 de la commission. - Mme Dominique Voynet, MM. Jean-Paul Emorine, rapporteur ; le ministre. - Rejet des amendements nos 380 et 381 ; adoption de l'amendement no 34.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no 441 de la commission. - MM. Ladislas Poniatowski, rapporteur ; le ministre. - Adoption.
Amendement no 382 de M. Jean Desessard. - Mme Dominique Voynet, MM. Ladislas Poniatowski, rapporteur ; le ministre. - Retrait.
Amendement no 35 de la commission. - MM. Ladislas Poniatowski, rapporteur ; le ministre. - Adoption.
Amendement no 350 rectifié de M. Bernard Cazeau. - MM. Pierre-Yves Collombat, Ladislas Poniatowski, rapporteur ; le ministre. - Retrait.
Amendement no 383 de M. Jean Desessard. - Mme Dominique Voynet, MM. Ladislas Poniatowski, rapporteur ; le ministre. - Rejet.
Amendements nos 351 rectifié de M. Bernard Cazeau et 384 de M. Jean Desessard. - M. Jean-Louis Carrère, Mme Dominique Voynet, M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Retrait des deux amendements.
Amendement no 36 rectifié de la commission. - MM. Ladislas Poniatowski, rapporteur ; le ministre. - Adoption.
Amendement nos 269 et 268 de M. Gérard Le Cam. - MM. Gérard Le Cam, Ladislas Poniatowski, rapporteur ; le ministre. - Retrait de l'amendement no 269 ; adoption de l'amendement no 268.
Amendements nos 385 de M. Jean Desessard et 37 de la commission. - Mme Dominique Voynet, MM. Ladislas Poniatowski, rapporteur ; le ministre. - Rejet de l'amendement no 385 ; adoption de l'amendement no 37.
Amendement no 38 rectifié bis de la commission et sous-amendements nos 343 rectifié et 419 de M. Jean-Marc Pastor ; amendement n° 332 de Mme Odette Herviaux. - MM. Ladislas Poniatowski, rapporteur ; Jean-Marc Pastor, le ministre, Jean-Louis Carrère, Jean Desessard. - Rejet des sous-amendements ; adoption de l'amendement no 38 rectifié bis, l'amendement no 332 devenant sans objet.
Amendement no 138 du Gouvernement. - MM. le ministre, Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 58
Amendement no 39 de la commission. - MM. Ladislas Poniatowski, rapporteur ; le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement no 40 de la commission. - MM. Ladislas Poniatowski, rapporteur ; le ministre. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
MM. François Fortassin, Jean-Louis Carrère.
Amendements identiques nos 137 du Gouvernement, 342 rectifié bis de M. Jean-Marc Pastor et 386 de M. Jean Desessard. - MM. le ministre, Jean-Marc Pastor, Mme Dominique Voynet, M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Adoption des trois amendements supprimant l'article.
Amendements nos 354 rectifié de M. Bernard Cazeau, 136 et 140 du Gouvernement. - MM. Jean-Marc Pastor, le ministre, Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Retrait de l'amendement no 354 rectifié ; adoption des amendements nos 136 et 140.
Amendements identiques nos 135 du Gouvernement, 195 rectifié de M. Alain Vasselle et 387 de M. Jean Desessard. - M. le ministre, Mme Dominique Voynet, MM. Georges Ginoux, Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Adoption des trois amendements.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 60
Amendement no 429 de la commission. - MM. Ladislas Poniatowski, rapporteur ; le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement no 41 de la commission. - MM. Ladislas Poniatowski, rapporteur ; le ministre. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Amendement no 42 de la commission. - MM. Ladislas Poniatowski, rapporteur ; le ministre. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Amendements nos 43 de la commission et 388 de M. Jean Desessard. - M. Ladislas Poniatowski, rapporteur ; Mme Dominique Voynet, M. le ministre. - Adoption de l'amendement no 43 supprimant l'article, l'amendement no 388 devenant sans objet.
Amendement no 44 de la commission. - MM. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques, rapporteur ; Jean-Louis Carrère. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Amendements nos 45 de la commission et 389 de M. Jean Desessard. - MM. Jean-Paul Emorine, rapporteur ; Jean Desessard, le ministre. - Adoption de l'amendement no 45, l'amendement no 389 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no 46 de la commission. - MM. Jean-Paul Emorine, rapporteur ; le ministre, Thierry Repentin, Jacques Blanc. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Amendements identiques nos 51 de la commission et 396 de M. Jean Desessard. - MM. Jean-Paul Emorine, rapporteur, Jean Desessard, le ministre, Thierry Repentin, Jacques Blanc. - Adoption des deux amendements supprimant l'article.
Article additionnel après l'article 65 bis AC (priorité)
Amendement no 325 de M. Claude Domeizel. - MM. Thierry Repentin, Jean-Paul Emorine, rapporteur ; le ministre, Pierre-Yves Collombat, Mmes Dominique Voynet, Annie David, MM. Jean-Paul Amoudry, Jean-Louis Carrère, Jean Desessard, Jacques Blanc, Thierry Repentin, Gérard Le Cam. - Rejet.
Amendements nos 275, 277 de M. Ivan Renar et 397 à 399 de M. Jean Desessard. - Mme Annie David, MM. Jean Desessard, Ladislas Poniatowski, rapporteur ; le ministre. - Retrait des amendements nos 397 à 399 ; rejet des amendements nos 275 et 277.
Adoption de l'article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
8. Dépôt d'une proposition de loi
9. Transmission d'une proposition de loi
11. Ordre du jour
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
vice-président
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
Demandes d'autorisation de missions d'information
M. le président. M. le président du Sénat a été saisi :
- par M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, d'une demande tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission d'information en Afghanistan pour apprécier la reconstruction politique du pays et rencontrer les forces militaires françaises déployées à Kaboul dans le cadre de la Force internationale d'assistance à la sécurité ;
- par M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, d'une demande tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission d'information au Liban consacrée à l'examen de la mise en place d'un système d'assurance maladie dans ce pays.
Le Sénat sera appelé à statuer sur ces demandes dans les formes fixées par l'article 21 du règlement.
3
Souhaits de bienvenue à une délégation de sénateurs malgaches
M. le président. Mes chers collègues, j'ai l'honneur et le plaisir de saluer la présence, dans notre tribune présidentielle, d'une délégation de dix sénateurs malgaches, conduite par le président du Sénat de la République de Madagascar, M. Guy Rajemison, président régional du Parlement panafricain pour l'Afrique de l'Est.
Cette délégation de haut niveau, qui comprend notamment six vice-présidents et deux questeurs, est en France pendant une semaine pour étudier la décentralisation et le développement local.
Pendant ce séjour, elle aura l'occasion de rencontrer divers sénateurs ou administrateurs, ainsi que d'autres interlocuteurs publics français, compétents dans les domaines qui les intéressent.
C'est l'occasion pour moi de saluer les représentants d'un pays ami, avec lequel nous entretenons des relations très étroites et très fraternelles, en particulier depuis ces dernières années.
Vous savez, monsieur le président, messieurs les vice-présidents, messieurs les questeurs, monsieur le sénateur, combien nos intérêts sont convergents, tant du point de vue régional que du point de vue de notre coopération bilatérale.
Je forme le voeu que votre séjour en France soit aussi fructueux qu'instructif. Je ne doute pas qu'il annonce d'autres échanges entre nos deux institutions, au service de nos deux peuples, que l'histoire et la culture ont toujours rapprochés.
Bienvenue chez nous ! (M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
4
Avenir du fret ferroviaire
Discussion d'une question orale avec débat
(Ordre du jour réservé.)
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 5 de M. Daniel Reiner à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, relative à l'avenir du fret ferroviaire.
M. Daniel Reiner attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer sur la mise en oeuvre par la SNCF du « plan fret » 2006 et, plus largement, sur l'avenir du fret ferroviaire.
En déclin depuis plusieurs années, le fret SNCF n'a cessé de perdre des clients au bénéfice de la route ; il accuse des pertes consolidées de plus de un milliard d'euros. Pourtant, d'importants investissements ont été réalisés en sa faveur, dans le cadre des contrats de plan Etat - régions 2000-2006 avec l'aménagement d'itinéraires dédiés. Un « plan fret » 2006 a été mis en place par la SNCF, le 19 novembre 2003, avec pour seul objectif le retour à l'équilibre en trois ans et l'espoir de reconquête de parts de marché dès 2007. L'Etat a annoncé un soutien à ce plan de 800 millions d'euros.
Toutefois, il semble que ce plan suive une logique essentiellement comptable et se traduise sur le terrain par la fermeture de nombreuses gares, la suppression, depuis le 15 juin 2004, de près de 50 % des dessertes qualifiées de « non rentables », la perte de marchés qu'il sera pratiquement impossible de reconquérir, la suppression de 6 000 à 8 000 emplois de cheminots et une augmentation des tarifs forçant de nombreux clients à abandonner le rail pour la route. Les associations de chargeurs ont fait part de leur hostilité à ce plan, ainsi que de nombreux élus locaux, en raison des risques qui pèsent sur l'aménagement du territoire.
Engagée dans la mise en oeuvre du protocole de Kyoto, la France doit respecter ses engagements internationaux en faveur du développement durable et de la lutte contre les changements climatiques, bien que la loi de finances 2004 ait réduit les aides au transport combiné, augmenté les péages ferroviaires et diminué les aides au désendettement du secteur.
Aussi, à l'heure où ce débat s'inscrit plus que jamais dans un contexte européen, avec l'ouverture à la concurrence du fret international en 2006 et du fret national en 2007, il souhaite que le Gouvernement expose ses projets à court et moyen termes pour le maintien et surtout pour le développement d'un véritable service public de transport ferroviaire de marchandises.
La parole est à M. Daniel Reiner, auteur de la question.
M. Daniel Reiner. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout d'abord, je sais gré à la conférence des présidents d'avoir permis l'inscription de cette question à l'ordre du jour de nos travaux. En effet, elle me donne l'occasion d'attirer l'attention du Gouvernement et celle de nos collègues, à partir de la mise en oeuvre par la SNCF du « plan fret » 2004 - 2006, plus largement sur l'avenir du transport ferroviaire de marchandises.
S'il me fallait résumer ma question en quelques mots, je demanderais au Gouvernement - il peut arriver que ses actes s'éloignent de ses discours - s'il a toujours la volonté politique d'opérer un rééquilibrage modal - le met-il en oeuvre ? - et de développer des transports de marchandises alternatifs à la route.
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Ma réponse est : oui !
M. Daniel Reiner. Vous nous donnerez votre réponse tout à l'heure, monsieur le ministre ! (Sourires.)
Pour l'instant, les perspectives qui s'offrent au fret ferroviaire français nous incitent à en douter.
Quelles sont les données du problème ?
Nous le savons tous, les transports prennent une part considérable dans la dégradation de notre environnement quotidien : émission de gaz à effet de serre, bruit, répercussions sur la santé, insécurité routière, etc. C'est pourquoi la recherche d'un développement durable et respectueux de l'environnement doit constituer une clef essentielle de notre politique des transports.
Or nous savons que ces flux, tous modes confondus, vont continuer à croître de 50 %, dit-on, jusqu'en 2025. Certes, cette croissance est moins rapide qu'elle ne l'a été au cours des dernières années, mais les conditions de circulation sur les routes vont s'aggraver, en raison de la congestion croissante des contournements périurbains et de l'augmentation des situations de gêne entre poids lourds et véhicules légers.
Les déclarations du Gouvernement - auxquelles nous souscrivons -, y compris lors du récent débat budgétaire, sont toutes marquées du sceau du développement durable et rappellent nos engagements de Kyoto en faveur de la réduction des émissions de gaz à effet de serre et de la lutte contre les changements climatiques.
Toutefois, sans véritable engagement politique, il sera impossible de rompre avec la logique libérale et financière des entreprises, pour lesquelles seuls comptent les coûts. La route gagnera toujours, surtout si l'on s'obstine à ne pas prendre en compte tous ses coûts, notamment sociaux ; certains s'inquiètent, par exemple, des risques de dumping social de la part de certains transporteurs routiers de nouveaux pays membres de l'Union européenne.
Quel est le résultat de ce développement du « tout routier » ?
Le fret ferroviaire de la SNCF connaît depuis plusieurs années des difficultés très sérieuses. Ainsi, sa part de marché a régulièrement baissé ; en trente ans, elle est passée de près de 50 % du volume des marchandises transportées à moins de 20 % aujourd'hui. Son chiffre d'affaires a subi une érosion moyenne de près de un pour cent par an au cours des quinze dernières années. Ces facteurs contribuent à dégrader fortement les résultats : depuis 2000, les pertes consolidées du fret s'élèvent à plus de un milliard d'euros. Le trafic a encore baissé de 2 % en volume cette année, pour atteindre 43,3 milliards de tonnes/kilomètre.
Pourtant, d'importants investissements en sa faveur avaient été réalisés ou sont en cours de réalisation. Les collectivités locales y ont pris une grande part dans le cadre des contrats de plan Etat - régions 2000-2006, en décidant l'aménagement d'itinéraires dédiés.
Pour autant, le fret continuer de « plomber » les comptes de la SNCF, laquelle compense ces pertes par ses activités TGV et de transports publics de voyageurs - sauf le Corail -, ainsi que par la cession d'actifs. Cette compensation est de plus en plus difficile à opérer au sein de l'entreprise, comme l'a expliqué le président de la SNCF devant notre commission des affaires économiques, en raison notamment d'une directive européenne de 2001 qui prévoit la séparation de la comptabilité des activités de transport de voyageurs de celles du fret. Vous avez transposé cette directive par voie de décret, en mars 2003. Or c'est de cette séparation - parfois artificielle - des comptes que découlent à l'évidence les déficits - parfois artificiels, eux aussi, j'y reviendrai - du fret ainsi que les mesures de repli mises en oeuvre aujourd'hui en termes d'aménagement du territoire.
Faut-il ajouter que l'entreprise reste très endettée - plus de 8 milliards d'euros - et qu'elle a vu aussi ses charges alourdies de 60 millions d'euros par an, le Gouvernement ayant décidé une augmentation des redevances de péages dues à Réseau ferré de France, RFF, de 300 millions d'euros en cinq ans ?
Dans ce contexte, la SNCF, à votre demande, a élaboré et lancé en novembre 2003 le « plan fret » 2004 - 2006, qui a été présenté comme le plan de la dernière chance. Il a été confié à un nouveau directeur, avec lequel j'ai eu l'occasion de m'entretenir hier après-midi.
Le maître mot de ce plan est le suivant : recentrer l'activité de fret de la SNCF sur des flux massifs, directs, à distance moyenne ou longue, et prévisibles quantitativement. Il s'agit de gagner 10 milliards de tonnes/kilomètre d'ici à 2006, objectif de nouveau confirmé après un an d'exercice de ce plan.
Pour atteindre cet objectif, la SNCF cherche essentiellement à accroître sa productivité par l'amélioration du taux de rotation des wagons, la concentration du trafic sur quelques grands axes nationaux, le renouvellement du matériel et, surtout, l'abandon de trafics non rentables.
Le plan prévoit également une augmentation conséquente des tarifs.
Force est de constater que ce plan s'apparente plus à un exercice d'assainissement comptable ayant pour objectif réel l'équilibre financier en 2006 ; c'est une politique qui privilégie clairement la marge par rapport aux volumes. La SNCF table sur la conquête de nouveaux trafics après un retour à la rentabilité dès 2007.
Mais comment peut-elle espérer, après 2006, dans un environnement concurrentiel, une croissance de l'activité fret SNCF de 3 % par an - c'est ce qui est annoncé - après avoir fermé des gares, supprimé entre 6 000 et 8 000 postes de cheminots et définitivement convaincu certains de ses clients d'utiliser la route ?
L'Etat actionnaire joue ici un rôle majeur ; ayant approuvé le « plan fret », il prévoit de le soutenir directement à hauteur de 800 millions d'euros en trois ans, auxquels s'ajouteraient encore 700 millions d'euros apportés par la SNCF ; ces aides - nous en reparlerons - sont subordonnées à un accord de Bruxelles.
Pourtant, comment ne pas noter l'ambiguïté de la position de l'Etat, qui soutient le plan et, en même temps, accepte l'accroissement des péages qui pèsent sur l'entreprise, à la demande de RFF, rendant chaque année l'équilibre plus difficile à atteindre ?
Que faut-il penser des objectifs du « plan fret » ? Depuis plusieurs années, le Sénat enchaîne débats et rapports sur la politique des transports pour éclairer sa réflexion. Je pense tout particulièrement au rapport établi par nos collègues Hubert Haenel et François Gerbaud en février 2003, à la demande du Gouvernement, et que j'ai relu attentivement.
Je me suis aperçu, à la relecture de ce document, que la concentration du « plan fret » sur les clients « rentables » était dénoncée comme un scénario irrecevable.
Permettez-moi d'en citer quelques extraits.
Selon nos collègues, « La réduction du trafic fret à la seule "part incompressible de marché" est à éviter. Sans toucher au trafic combiné ni au secteur à peu près rentable des trains entiers, cette optique conduirait de fait à mettre sur la route près de la moitié du trafic diffus, soit l'équivalent de 1,5 million de camions par an.
« Ce scénario » - écrivent-ils également, avec beaucoup de clairvoyance - « conduirait inexorablement à une récupération rapide des meilleurs trafics par les entreprises davantage prêtes à la concurrence sans que, nouveaux entrants ou non, ces mêmes entreprises prennent en charge les trafics ou les fonctions qui relèvent davantage du seul intérêt collectif. Il aurait pour conséquence que de nombreuses dessertes terminales seraient définitivement abandonnées.
« Il faut refuser, sous couvert d'assainir la situation du fret ferroviaire, de préconiser un scénario de repli sur les marchés les plus rentables. En effet, cette stratégie satisfaisante sur le papier qui prévoit un volume de trafic de 40 milliards de tonnes/kilomètre annuelles » - cette prévision est toujours d'actualité - « et la suppression de plusieurs milliers de postes pour le fret, est un scénario à haut risque. Personne n'est en mesure de dire s'il serait maîtrisable, s'il ne conduirait pas à un effritement bien plus important de l'activité et surtout quelles en seraient les répercussions sur les autres activités de l'entreprise, les moyens étant encore aujourd'hui fortement intégrés. »
Les conclusions de ce rapport sont toujours d'actualité.
De même, si ses auteurs évoquent la possibilité d'une filialisation, idée que nous ne partageons pas, ils remarquent que cette décision relève de l'Etat actionnaire et non de l'entreprise. Par ailleurs, ils notent la nécessité de recapitaliser fortement cette activité - entre 1,5 et 2 milliards d'euros - tout en soulignant les difficultés qu'il y aurait à séparer des activités encore très intégrées.
Quelle lucidité !
A ma demande, la SNCF a bien voulu me communiquer quelques premiers éléments de bilan après une année d'application du plan
Certains éléments sont positifs.
En 2004, la ponctualité des acheminements s'est améliorée.
Le parc de locomotives utilisées a diminué sensiblement, au profit des unités les plus modernes.
La SNCF aurait gagné près de 3,5 millions de tonnes de nouveaux trafics sur l'année - j'avoue être un peu sceptique -, ce qui serait supérieur aux objectifs initiaux.
Toutefois, en 2004, si 100 prestations de transports ont été arrêtées, 80 % des dessertes sont encore considérées comme déficitaires.
Les prix ont progressé en moyenne de 5 % au cours de l'année, certains ayant augmenté beaucoup plus.
S'inscrivant dans une perspective européenne, qu'il faut souligner, Fret SNCF se prépare à obtenir les certificats de sécurité pour entrer sur les réseaux étrangers.
Au total, après un an d'application, la SNCF se veut plutôt optimiste sur le déroulement de ce plan qu'elle déclare conforme aux objectifs initiaux. Toutefois, elle admet que son recentrage sur les trafics directs « aura forcément un impact sur l'organisation de l'exploitation, notamment sur la répartition territoriale des centres de production comme les triages de wagons ».
En outre, la SNCF ne chiffre pas les volumes perdus ou en instance de l'être en raison du relèvement des tarifs ou de l'abandon pur et simple de certains clients.
L'amélioration de la régularité et la réduction du nombre de trains « calés » - expression de spécialiste pour désigner les trains qui, à certains moments, ne circulent pas - sont le résultat de la suppression de nombreux trafics, ce qui libère des sillons, allège les triages, demande moins d'hommes et de matériels.
La concentration de l'activité semble focalisée sur quarante-cinq à soixante grands comptes ; le filtrage des dessertes non rentables a clairement marqué l'année 2004 et se poursuivra en 2005.
Depuis qu'il est en vigueur, le « plan fret » a suscité des réactions dubitatives, inquiètes, parfois même hostiles, des clients aux personnels.
L'association des usagers de transport de fret, l'AUTF, qui rassemble les chargeurs, a fait savoir que les augmentations largement imposées par Fret SNCF étaient souvent « sans réelle justification commerciale et surtout sans commune mesure avec les pratique anciennes ». La brutalité de ces augmentations est également contestée.
Certains secteurs ont témoigné de la situation catastrophique dans laquelle ils se trouvaient, tel le bois. Sur 200 « gares bois » en activité voilà deux ans, il n'en resterait plus qu'une quarantaine à la fin du plan. Ce n'est donc pas si simple.
Les principaux syndicats de la SNCF ont manifesté contre le plan le 13 mai 2004 et, plus récemment, le 18 janvier 2005. En effet, sur les 3 590 suppressions d'emplois prévues dans le budget pour 2005, 75 % concernent le fret au titre de l'amélioration de la productivité. Ces syndicats sont dans leur rôle.
Pour autant, nous attachons une grande importance au maintien d'un statut de qualité, garant de la compétence et de la sécurité de notre entreprise ferroviaire.
Les cheminots dénoncent tous l'abandon d'une politique de volume au bénéfice d'une politique de marge, la casse de l'outil de production, qui serait selon eux incapable en 2006 de reconquérir des parts de marché, les conséquences sociales, l'abandon de pans entiers du territoire et d'une politique de développement durable.
J'ai pu constater sur le terrain un certain sentiment de « déresponsabilisation » des cheminots face à une centralisation commerciale jugée excessive. C'est avec inquiétude et un sentiment d'impuissance qu'ils assistent au repli du fret. Par ailleurs, ils redoutent une filialisation de cette activité ; je reviendrai sur ce point.
Je souhaite m'attarder sur les conséquences de ce plan sur l'aménagement du territoire, domaine qui est de la responsabilité de l'Etat, et qu'il partage avec les collectivités locales.
Or, que ce soit dans le Nord, en Aquitaine ou en Lorraine, les collectivités ont injecté énormément d'argent dans des axes dédiés au fret, des embranchements ferroviaires de zones d'activité ou des installations de transport combiné. Mais sans une volonté claire et nette de l'Etat, ces efforts risquent d'avoir été réalisés en pure perte, et de nouveaux exemples viennent tous les jours étayer cette crainte.
Par exemple, en Lorraine, pourtant la première région de France pour le fret, j'assiste à un repli général de cette activité.
Malgré mes recherches, je n'ai pas constaté de réels gains de trafic dans cette région ; en dehors de marchés ponctuels comme le transport de granulats pour le TGV Est ou les chantiers routiers, aucun autre client notable ne semble avoir décidé de se tourner vers la SNCF.
On m'a cité l'exemple de gains de trafics pour certains transports, mais s'il s'agit d'un marché pris au transport fluvial, cela ne sert strictement à rien ; c'est à la route qu'il faut prendre des parts de marché.
En Lorraine, ce sont plutôt les pertes de clients qui se succèdent, et parfois de gros clients : fermeture généralisée des « gares bois », menaces sur des dessertes comme celles de Pont-à-Mousson SA, Vittel-Contrexéville ou encore sur les papeteries de Golbey, les chaudières Viessmann à Faulquemont, etc.
M. Jean-Louis Carrère. C'est pareil en Aquitaine !
M. Daniel Reiner. Certains clients dénoncent des augmentations de tarifs de 25 %, des clauses permettant, en outre, à la SNCF de poursuivre les hausses dans les années à venir. Comment ne pas considérer que la SNCF les pousse à emprunter la route ?
Par ailleurs, un itinéraire dédié Longwy-Toul a été mis en service le 12 décembre dernier. Destiné au délestage du sillon mosellan, il a été largement financé par les collectivités locales, puisqu'il s'agissait de 500 millions ou 600 millions de francs Mais je commence à me demander sérieusement si des trains vont un jour l'emprunter ! Il devait voir passer cinquante trains supplémentaires par jour, mais ces prévisions ont été largement revues à la baisse.
En conséquence, environ 400 emplois de cheminots devraient être supprimés dans la région cette année, à Woippy, Metz-Sablon ou encore à Blainville-Damelevières. Et les fermetures pourraient s'accélérer par un effet de dominos, puisque la perte d'un client sur un secteur a pour conséquence que les frais fixes de l'activité fret sont reportés sur les autres clients de ce secteur, ce qui augmente encore les tarifs jusqu'à décourager totalement ces mêmes clients.
Je pourrais multiplier à l'envi les exemples qui indiquent une atrophie du réseau fret national et un abandon de la fonction d'aménagement du territoire par la SNCF.
Ainsi, en Dordogne, les papeteries de Condat, face à une hausse de 40 % des tarifs SNCF, ont choisi la route : quarante-cinq camions supplémentaires emprunteront chaque jour la RN 89, déjà surchargée, alors même que les collectivités locales avaient financé pour 2,6 millions d'euros un embranchement ferroviaire !
De fortes inquiétudes pèsent également sur l'importante plate-forme de chargement bois du Buisson-de-Cadouin en Périgord Noir.
De plus, sur seize « gares bois » en Limousin, la SNCF n'en conserverait que six. Or, on connaît la topographie de cette région et ses routes.
La SNCF renonce même parfois au rail, comme pour son propre site national de fabrique de traverses en bois, à Bretenoux-Biars dans le Lot, dont une partie de la production va être transportée par camions. Quel symbole !
La mise en place de ce plan se traduit par la perte irréversible de multiples clients qui « lanceront » des milliers de tonnes de marchandises sur les routes. Jusqu'à ce qu'on me prouve le contraire, je ne pense pas que ce plan se traduise d'ici à 2006 par une augmentation ou même par un simple maintien des volumes transportés ; les effets obtenus vont donc exactement à l'inverse des effets recherchés en matière de développement durable. Chaque fois qu'un train cesse de rouler, des dizaines de camions sont « jetés » sur les routes.
S'achemine-t-on vers un scénario qui verrait le transport de marchandises se résumer à un réseau fret squelettique, uniquement constitué de quelques grands axes internationaux, et abandonnant toutes les dessertes terminales et l'irrigation du territoire aux camions ? J'espère, monsieur le ministre, que vous allez nous apporter une réponse à cette question.
Plaçons-nous dans la perspective européenne.
Pour envisager la relance d'un transport des marchandises par voie ferrée, nous devons avoir à l'esprit que cet objectif ne peut s'inscrire avec succès que dans un contexte européen. C'est l'échelle pertinente qui avait été envisagée par le précédent gouvernement, même si de multiples obstacles techniques subsistent.
Ainsi, la SNCF réalise déjà la moitié de son chiffre d'affaires « fret » à l'étranger et les années à venir seront marquées par de grandes alliances et une recomposition du paysage. Des mouvements sont déjà en cours comme, par exemple, le rachat par les chemins de fer polonais de la filiale de fret du groupe minier allemand RAG.
De plus, les calendriers d'ouverture à la concurrence s'accélèrent, sous la pression d'une Europe majoritairement libérale. Après de longues tractations, la Commission et le Parlement européen étaient tombés d'accord, le 17 mars dernier, pour fixer l'ouverture du fret ferroviaire national au 1er janvier 2007... ou au 1er janvier 2006 : il semblerait que ce dernier point soit encore en discussion.
Pour notre part, nous aurions préféré que l'on conforte le réseau transeuropéen de fret ferroviaire, le RTEFF, pour une meilleure interopérabilité avant d'envisager une telle ouverture : c'est mettre la charrue devant les boeufs.
Le Gouvernement a délivré, au cours de l'année dernière, plusieurs licences d'opérateurs ferroviaires et des certificats de sécurité permettant d'emprunter le réseau : quatre entreprises sont déjà sur les rangs. Elles devraient donc commencer à opérer cette année et chercheront, bien entendu, à s'emparer des trafics les plus rentables.
Dans ce nouveau contexte, quels sont selon vous, monsieur le ministre, les grands acteurs qui vont structurer le fret ferroviaire européen ? Notre entreprise nationale en fera-t-elle encore partie ?
En effet, pour pouvoir affronter cette concurrence, Fret SNCF doit recevoir l'accord de Bruxelles sur le plan de recapitalisation proposé par l'Etat, dont le montant total s'élève à 1,5 milliard d'euros.
Selon le Gouvernement, ce dossier serait en passe d'aboutir, peut-être même dans quelques jours. Mais nous nous interrogeons sur les contreparties demandées, notamment sur la séparation totale des bilans « fret » et « passagers » de la SNCF et sur la nomination à la tête du fret d'un directeur autonome. Faut-il voir dans cette séparation comptable et organisationnelle un prélude à une forme de filialisation ?
Ce genre de démarche ouvre le champ de tous les possibles : une filiale, on peut y faire entrer d'autres actionnaires ; on peut aussi s'en séparer. Quelle est la position du Gouvernement sur ce sujet ? Pour notre part, nous nous opposerons résolument à tout démantèlement de la SNCF par branches successives.
J'ai récemment pu lire dans la presse économique que Bruxelles souhaitait que la SNCF abandonne son statut d'EPIC, établissement public à caractère industriel et commercial, sur le modèle d'EDF et de GDF. Confirmez-vous cette demande, monsieur le ministre, et quel est votre sentiment sur ce sujet ?
Comment réussir une relance du fret ferroviaire français ?
Le développement de la concurrence n'est pas la seule condition de la relance du fret. Il me semble que notre réflexion doit s'orienter dans trois directions et je souhaite, monsieur le ministre, avoir votre avis sur ces propositions.
La première concerne les moyens de la recherche et du développement.
Il n'y a pas eu de révolution technologique dans le domaine du fret, contrairement à ce qui s'est passé pour le TGV ou le transport routier, au cours des trente dernières années. Aussi, la lutte avec le transport routier me semble-t-elle imposer un véritable effort de recherche et de développement Or, le « plan fret » ne prévoit aucun crédit à cet effet.
Cependant, des recherches semblent être menées en dehors de la SNCF : c'est le cas chez les wagonniers et les consultants industriels. A titre d'exemple, j'ai eu connaissance d'études portant sur un projet intermodal permettant de relier des utilisateurs directs, sans rupture de charge, par un système entièrement automatique de wagons autoportés sur des itinéraires dédiés.
La multiplication d'initiatives de cette sorte, si elles démontrent leur pertinence économique, pourrait redorer le blason du transport ferroviaire et le rendre plus compétitif. Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, que vous indiquiez au Sénat les actions que vous menez dans ce domaine.
La deuxième proposition concerne le transport combiné ; à cet égard, je serais tenté de parler de « scandale ».
Mes chers collègues, il me semble que ce gouvernement a décidé de « laisser tomber » - j'emploie cette expression volontairement - le transport combiné !
M. Jean-Pierre Bel. C'est clair !
M. Daniel Reiner. Monsieur le ministre, à l'heure où vous venez de commander au Conseil national des transports une énième étude, je constate que les subventions accordées au transport combiné n'ont cessé de diminuer depuis quelques années. En 2005, elles passent de 32 millions d'euros à 16 millions d'euros, alors qu'elles s'élevaient à plus de 90 millions d'euros en 2000. La France est le pays d'Europe qui consacre le moins d'aides au transport combiné ! Et, naturellement, les volumes transportés ne font que diminuer, car ce type de transport n'est pas auto-suffisant.
Si j'en crois les propos tenus par les chargeurs au cours du dernier Conseil national des transports, auquel j'ai participé, la fin du transport combiné est proche, peut-être même pour cette année. C'est invraisemblable et intolérable ! Monsieur le ministre, une relance de ce secteur s'impose rapidement ! Allez-vous mettre vos actes en accord avec vos paroles ?
Si j'évoque cette question, c'est parce qu'il existe à l'évidence des possibilités de participations publiques lorsque l'activité de transport ne peut pas s'autofinancer, ou bien être directement financée par le transporteur ou par l'entreprise. Les particularités géographiques, topographiques, ainsi que les intérêts de certaines filières le justifient largement. L'absence de participations publiques en ce domaine serait une erreur grave.
J'en viens à ma troisième proposition.
Soyons clairs : la concurrence entre les différents modes de transport ne peut être équitable que si l'ensemble des coûts internes et externes supportés par la collectivité - sécurité, infrastructures, nuisances, pollution, etc - sont pris en considération. Le prix du transport, en règle générale, est trop faible - c'est particulièrement vrai pour le transport routier - et ne reflète pas la réalité des coûts.
De même qu'il existe désormais un commerce équitable, l'Etat et l'Union européenne doivent créer les conditions d'un transport équitable permettant une réelle complémentarité entre les différents modes de transport. Il serait suicidaire pour le développement durable d'encourager une concurrence entre des systèmes qui ne peuvent lutter entre eux à armes égales.
C'est pourquoi nos collègues, MM. Haenel et Gerbaud, préconisaient déjà dans leur rapport la mise en place des conditions d'une véritable concurrence intermodale intégrant les coûts externes, ce qui suppose notamment d'instaurer une redevance d'usage pour le transport routier, dont nous parlons depuis plusieurs années.
Les entreprises les plus pénalisées ne seront sans doute pas celles qui pratiquent une politique de qualité, c'est-à-dire la plupart de nos entreprises nationales, mais plutôt celles des nouveaux pays membres qui pratiquent un dumping social dévastateur.
Sur ce point, il faut souligner le lancement au 1er janvier dernier, en Allemagne, avec un retard dû à des problèmes techniques, d'un système de péage automatique permettant de reporter davantage sur les transporteurs routiers le coût de l'infrastructure.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Reiner !
M. Daniel Reiner. Nous n'oublions pas qu'il nous faut alimenter l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, l'AFITF. Il est donc souhaitable, et j'aimerais que vous le rappeliez, monsieur le ministre, que la majeure partie des recettes de cette Agence - le taux de 70 % a été évoqué - soit affectée à des modes de transports alternatifs à la route.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite que ce débat nous permette de connaître les intentions réelles du Gouvernement pour sauver le fret ferroviaire et lui redonner ses chances. En effet, l'équilibre des comptes de la branche « fret » de la SNCF ne sera en aucune manière un gage de réussite du transport ferroviaire de marchandises. C'est tout à fait insuffisant. Il faut que le fret ferroviaire reprenne des trafics à la route et qu'il inverse cette tendance considérée comme naturelle.
Même si la mise en place du « plan fret » 2004-2006 ne nous semble pas porter les germes de cette relance, je rappelle que c'est à l'Etat, et non à la SNCF, qu'il incombe de concilier, par son action régulatrice et son appui financier, les impératifs économiques du transport de marchandises et les objectifs du développement durable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Monsieur Reiner, je vous rappelle que l'auteur de la question dispose de vingt minutes pour l'exposer !
M. Daniel Reiner. J'ai parlé pendant comment de temps ?
M. le président. Trente minutes !
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;
Groupe socialiste, 32 minutes ;
Groupe UC-UDF, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratiqueet social européen, 9 minutes ;
Réunion administrative des sénateursne figurant sur la liste d'aucun groupe7 minutes ;
Dans la suite du débat, la parole est à M. Bernard Seillier.
M. Bernard Seillier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que, dans nos départements, la fracture autoroutière et la fracture numérique sont sur le point d'être résorbées, une fracture ferroviaire risque d'apparaître.
Au-delà de la stratégie reposant sur le développement du TGV, la desserte fret pose aujourd'hui problème. La rapidité et le manque de concertation qui ont caractérisé les décisions concernant la branche « fret » de la SNCF sont pénalisants, notamment pour les entreprises spécialisées dans l'agroalimentaire et dans la filière forêt-bois.
Le département de l'Aveyron, avec 150 000 tonnes acheminées chaque année pour l'agroalimentaire, est évidemment concerné : nombre d'entreprises sont très inquiètes pour leur compétitivité, conditionnée par la variable « transport ».
Le fret ferroviaire contribue, en effet, très fortement à l'activité économique du Massif central. Support de l'activité économique permettant d'irriguer le tissu économique local, il est par conséquent un élément déterminant de l'aménagement du territoire. L'aide apportée aux zones de revitalisation rurale perd de son efficacité et devient même incohérente si, dans le même temps, le fret ferroviaire n'accompagne pas ce volontarisme politique.
L'exemple du trafic de bois est parlant. Traité par les « gares bois » disséminées dans des zones géographiques assez peu favorisées, il permet d'offrir un débouché à une activité essentielle pour nos régions, au moment où la forêt du Massif central arrive à maturité.
M. Jean-Louis Carrère. Les « gares bois » ferment dans les Landes !
M. Bernard Seillier. L'exemple des traverses de rail, qui vient d'être cité, est tout à fait significatif. Ainsi, l'abandon de la desserte ferroviaire de la menuiserie Lapeyre, dans le Cantal, sans que les pouvoirs publics nationaux ou locaux interviennent, a pour conséquence, d'une part, un afflux de camions supplémentaires sur une route peu adaptée à de telles circulations puis un essoufflement rapide de la compétitivité des entreprises et, d'autre part, une impossibilité, même physique, de substitution.
Le Massif central bénéficiait, jusqu'au début des années quatre-vingt, de l'application de l'annexe B ter du budget de la SNCF qui permettait de compenser les pertes enregistrées par des lignes à faible trafic concernées, par exemple, par le transport du bois, des bestiaux et par l'industrie agroalimentaire en général. Depuis, cette compensation a été supprimée, d'où un problème évident de surcoût et d'aménagement du territoire.
La SNCF est soumise aujourd'hui à des contraintes diverses qui la conduisent à la suppression de dessertes. Or le fret a besoin d'une multitude d'interventions peu spectaculaires, mais ô combien ! essentielles. Dans le cadre d'une décentralisation accrue, les collectivités locales doivent pouvoir s'appuyer davantage sur l'outil que constitue le fret ferroviaire.
Dans quelle mesure les directives européennes, qui s'appliquent à la France, permettent-elles à l'Etat et aux régions de favoriser le maintien de ces dessertes ferroviaires, essentielles pour le développement économique de nos départements ?
Quelle est la volonté du Gouvernement et quelles sont ses possibilités d'action en matière d'aménagement du territoire, afin d'éviter que les conditions économiques n'incitent les entreprises à concentrer leurs activités sur quelques pôles industriels du fait de l'émergence d'une nouvelle fracture territoriale, d'origine ferroviaire, qui accroîtra à terme la menace de désertification de nos territoires ?
M. le président. La parole est à M. Yves Krattinger.
M. Yves Krattinger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question du transport de fret renvoie toujours à la même image des files de camions sur les routes et implique deux conséquences, non dénuées de gravité : d'une part, le coût environnemental, dû à l'émission de CO2 et de particules et, d'autre part, le problème de sécurité posé par la coexistence sur les mêmes axes, souvent engorgés, des poids lourds et des voitures particulières en nombre chaque jour croissant.
Le discours politique récurrent, consensuel, affirme régulièrement que la solution des deux premiers problèmes passe par un rééquilibrage modal en faveur des transports de marchandises alternatifs à la route. Cela ne peut se traduire que par un développement du fret ferroviaire et du transport par voie d'eau.
Au-delà de ces bonnes intentions affichées par tous, nous constatons que les évolutions des trente dernières années sont inquiétantes et déçoivent la plupart de nos espérances.
Elles se caractérisent tant par le déclin considérable du fret ferroviaire, dans les proportions citées tout à l'heure par mon collègue Daniel Reiner, que par l'aspect quasi marginal du transport fluvial.
Les multiples raisons pour lesquelles on en est arrivé là ont été largement analysées dans le rapport Gerbaud-Haenel.
Je n'y reviendrai que très rapidement, pour rappeler quelques facteurs importants : la réduction d'activité de l'industrie lourde, une plus grande volatilité des marchandises transportées, une adaptabilité nettement meilleure et une plus forte réactivité du transport routier, un très fort développement du réseau autoroutier, la dégradation progressive du service apporté par les entreprises de transport de fret face à des clients de plus en plus exigeants sur la ponctualité et la fiabilité de la prestation dans un contexte de pression sur les prix.
II faut noter aussi que cette situation n'est pas une exception française. Notre pays n'est pas celui où l'on transporte, proportionnellement, le moins par chemin de fer, même si le tonnage a reculé régulièrement.
Les objectifs ambitieux affichés au début des années quatre-vingt dix, qui marquaient une volonté de rupture, n'ont pas été atteints.
Aujourd'hui, face à une opinion de plus en plus motivée et inquiète, face aux exigences environnementales, de santé, de sécurité, la question posée par notre collègue Daniel Reiner trouve toute sa légitimité.
Non politicienne, mais très politique, elle est motivée par les évolutions observées au cours des quatre ou cinq dernières années, qui semblent marquées par l'abandon de l'objectif de croissance du volume transporté, évoqué précédemment, au profit d'une réorganisation de la branche fret de la SNCF autour d'un autre objectif : la recherche de meilleurs résultats financiers avec, pour corollaire, une stratégie de recentrage sur un dispositif plus squelettique, mais plus rentable.
Dans ces conditions, certaines questions peuvent légitimement être posées : la stratégie développée actuellement est-elle justifiée, et par quoi ? Donne-t-elle des résultats, et lesquels ? Quel est son coût social ? Cette stratégie est-elle compatible avec la volonté exprimée par tous d'une augmentation durable du fret ferroviaire ? Comporte-t-elle des risques à moyen terme ? Dans l'hypothèse, aujourd'hui plus concrète, de l'ouverture du marché européen, le fret de la SNCF se trouve-t-il mieux ou plus mal placé face à la concurrence potentielle ? Dans le « conflit » rail-route abordé sous cet angle, une indécision subsiste-t-elle, ou la route a-t-elle d'ores et déjà définitivement gagné ?
Cette question de l'ouverture du marché européen est posée par la transcription dans le droit français, le 15 mars 2003, de la directive européenne sur le transport des marchandises, qui ouvre le marché de fret national à la concurrence. Dans les faits, c'est en cours, et certaines entreprises disposent déjà ou disposeront prochainement d'une licence.
A quoi nous conduit cette directive ? D'abord, à fournir un bilan individualisé du fret par rapport au bilan global de la SNCF. Ensuite, à faire figurer la dette du fret dans les comptes de ce dernier, ce qui interdit de pratiquer la compensation interne, par exemple, entre le service grandes lignes et le fret.
Cette directive expose la SNCF à un éventuel audit de Bruxelles pour vérifier la réalité des comptes fournis.
Dans ce contexte, quels sont aujourd'hui les objectifs internes de la branche fret ?
Il s'agit de revenir, dès 2006, à un résultat comptable positif ; de dégager des capacités financières pour rembourser la dette accumulée, donc de dégager des fonds propres en vue d'investir et, par conséquent, de remplacer le parc de locomotives Je rappelle que leur moyenne d'âge est particulièrement élevée, puisque certaines ont plus de 50 ans. Cela correspond à près de 1 000 locomotives, dont le prix unitaire est supérieur à 2 millions d'euros.
C'est cette situation difficile qui conduit aujourd'hui la SNCF à solliciter de l'Etat un soutien à hauteur de 800 millions d'euros, tout en prévoyant, en interne, un financement de 700 millions d'euros pour le « plan fret » 2006, lequel a été déposé devant la Commission européenne.
Cette nouvelle approche financière est donc particulièrement contrainte par l'application de la directive européenne, qui impose la séparation comptable des charges relevant des différentes activités de la SNCF : grandes lignes, fret, TER...
Cette condition, imposée par la Commission qui peut demander un audit, explique logiquement la marche forcée de la société nationale vers ce type de comptabilité.
C'est aussi une condition à remplir pour faire accepter le plan de financement du fret par la direction de la concurrence et la direction des transports de l'Union européenne, qui ne sont pas toujours d'accord entre elles.
Ceux qui, comme moi et comme beaucoup d'autres, souhaitent que s'améliore la transparence des comptes des transports, pour autant que tous soient retenus, ne peuvent normalement que se réjouir de cette clarification des coûts du fret ferroviaire. Mais nous devons bien mesurer que cette démarche suppose quelques décisions politiquement difficiles à faire accepter.
Elle conduit, pour le moment, à la fermeture d'une « gare bois » sur deux pour en conserver probablement moins d'une sur quatre à court terme.
Elle conduit aussi à poser la question de la desserte de certaines entreprises isolées dont la rentabilité est loin d'être atteinte.
Elle conduit encore à mettre en oeuvre un plan drastique de réduction du personnel, unanimement rejeté par les organisations syndicales représentatives des salariés.
Elle conduit enfin à mettre en difficulté le transport combiné qui, en France, a reçu en moyenne 45 millions d'euros par an de soutien public sur les dix dernières années. En 2005, cette somme se réduira à 16 millions d'euros, soit moins que les 30 millions d'euros que verse la Belgique, qui intervient de manière volontariste, ou que la Suisse, qui soutient beaucoup plus.
Nous devons bien mesurer que, au terme de cette logique purement financière, les trafics déficitaires pourraient être abandonnés. La SNCF ne saura pas les garder s'ils sont nettement en dessous du point d'équilibre et s'ils ne font pas l'objet d'une aide.
Cela entraîne, inexorablement, un recentrage sur le grand squelette susceptible d'être inséré dans l'espace ferroviaire européen qui est en train d'émerger lentement.
Le fret ferroviaire « rentable » pourrait se limiter demain au trafic longue distance - je rappelle que le seuil de rentabilité du rail se situe au-dessus de 500 kilomètres - et au trafic transfrontalier, lequel, pour progresser, devra améliorer sa qualité de bout en bout en se rapprochant le plus possible des 100% de remplissage et par une intégration des services entre les pays traversés. Cela réussira lorsque seront résolues les questions liées à l'interopérabilité et à la continuité de l'activité des chauffeurs aux frontières.
Il convient d'ajouter les possibilités réelles, générées par des trafics plus importants, ceux des ports maritimes, qui permettent d'envisager de transporter sur rail des milliers et des milliers de conteneurs sur des liaisons du type Rotterdam-Italie, Anvers-Italie, Marseille-Rhône-Rhin, Le Havre-Strasbourg-Europe centrale.
Sur ces segments, seule la voie d'eau, peut, dans certains cas, concurrencer le rail pour une quantité significative de produits.
Cette marche forcée vers l'équilibre financier se fait au détriment d'actions aussi indispensables au développement de la SNCF que la recherche appliquée, en matière de transport ferroviaire, sur les complémentarités entre le transport ferroviaire et la logistique, laissant à des partenaires de l'entreprise, en particulier, les wagonniers, le soin de développer de nouveaux produits.
On peut, par ailleurs, regretter que l'Europe, qui espère favoriser, à travers l'application de cette directive, l'émergence d'un espace ferroviaire européen, n'ait pas su imposer aux différents opérateurs ferroviaires un standard de lecture qui permettrait, dans les mouvements intracommunautaires, de suivre instantanément chaque wagon, donc chaque produit, et par conséquent de répondre à la demande des chargeurs et des entreprises, donc de favoriser le développement du fret.
Nous regrettons aussi le retard pris dans la mise en oeuvre du programme de satellite européen Galileo, seul susceptible de permettre de répondre à ces questions.
Pour être juste, il faut néanmoins souligner la part active prise par la SNCF dans l'expérimentation du système Modalhor, même si cette dernière ne se déroule pas dans les conditions les plus favorables : une seule voie disponible et des plages de fermeture dans le tunnel du Mont Blanc.
Il faut aussi noter que la réflexion sur les lignes dédiées au fret n'est pas abandonnée et que la possibilité de TGV fret n'est pas écartée pour autant, là encore, qu'il s'agisse de niches nettement délimitées et rentables, par exemple pour du trafic de fret entre aéroports.
Enfin, l'immense effort réalisé par les équipes de la branche fret de la SNCF a permis, dans un contexte économique pour le moins hésitant, de poursuivre peu ou prou l'activité à volume constant malgré les importantes réductions d'effectifs, de faire progresser le coefficient de remplissage des trains de marchandises de plus de 8%, d'améliorer significativement le résultat comptable.
Toutes ces actions sont menées dans l'espoir de construire les bases de la compétitivité de la branche fret de la SNCF.
Y parviendra-t-elle ? C'est possible. Arrivera-t-elle à la hauteur de ses concurrents, tels les voisins allemands de la Deutsche Bahn ? Ce n'est pas sûr quand on sait que, avec le même nombre de machines, ils transportaient, il y a peu, près du double de volume que notre société nationale ; que, par exemple, ils ne desservent plus que dix « gares bois » correspondant à dix scieries ; que l'Allemagne est un pays où la densité industrielle est plus forte qu'en France.
La possibilité est réelle de voir arriver assez rapidement sur le marché d'autres opérateurs.
Bien sûr, aujourd'hui, on ne parle que d' « autonomisation » de la branche fret de la SNCF. Il s'agit, évidemment, de ne pas polluer le débat dans le contexte actuel de « remise à niveau ». Pour autant, le mot «filialisation» ne saurait être aussi pudiquement éludé.
Nous sommes donc dans une approche libérale traditionnelle, avec ses règles comptables et ses conséquences Répondant aux questions à caractère économique, elle évacue les questions plus sociétales. Elle réaffirme que la branche fret de la SNCF ne peut porter, seule, les attentes de la société, même si elles sont relayées par les élus.
La stratégie financière actuellement développée par la branche fret de la SNCF est justifiée par la mise en oeuvre de la directive sur l'ouverture du marché du transport ferroviaire. Les comptes s'améliorent en maintenant les volumes transportés au prix d'un recentrage de l'activité sur le squelette principal du réseau ferré.
Cette seule stratégie financière apparaît largement inadaptée à une demande d'augmentation durable du volume transporté.
Elle laisse entière la question des conséquences à moyen et long terme des amputations de clientèle réalisées.
Elle permet d'améliorer la santé financière de la branche fret de la SNCF, qui se trouvera en moins mauvaise position au moment de l'ouverture effective du marché.
Dans le conflit rail-route, le fret semble en grande difficulté si l'on prend en compte les seules réalités financières, et pas les attentes sociales.
Le coût social, très important, de cette stratégie financière est rejeté par les salariés.
Devant cette situation, quelles peuvent être les réponses de la puissance publique aux légitimes interrogations de la société en ce qui concerne la qualité de vie et le développement durable ?
Une modification des coûts de production des transports en faveur des modes non routiers par la réorientation des interventions publiques en matière de financement d'infrastructures n'est pas invraisemblable.
En effet, dans son document fondateur, l'Association des sociétés françaises d'autoroutes, l'ASFA, ouvre des pistes formulées en ces termes : « Un élargissement de l'usage du péage autoroutier pourrait ainsi se concevoir pour le financement d'autres infrastructures de transport, leur entretien et leur maintenance ».
L'AFITF doit remplir ce rôle. Nous serons notamment attentifs à l'affectation d'une part importante de ses moyens au fret ferroviaire, en particulier.
Le président Gallois déclarait, lors de la présentation du « plan fret » 2006 : « Nous nous situons clairement dans une perspective de développement du fret, et non dans une stratégie de repli. Avec la réussite du plan fret, la SNCF pourra mieux répondre à la demande de ses clients en France et en Europe, et aux attentes de la société tout entière pour davantage de fret ferroviaire ».
Si l'on veut que l'avenir lui donne raison, il semble nécessaire de prendre des mesures incitatives supplémentaires.
Si l'on veut sauver le transport combiné, il est urgent d'aider les entreprises concernées, sinon ce mode est extrêmement menacé.
L'Etat doit se positionner clairement par rapport à une question aussi importante, aussi urgente, et nous ne pouvons faire moins bien que nos voisins sur ce terrain.
C'est là que la politique doit jouer pleinement son rôle.
A titre d'exemple, qu'adviendra-t-il, sans intervention publique, de la plateforme de transport combiné de Vesoul, liée à la présence d'une grande entreprise qui exporte vers le monde entier ? La même question peut être posée pour bien d'autres sites sur le territoire national.
La Commission européenne semble avoir pour doctrine constante, depuis quelques années, que la situation du fret ferroviaire ne pourra être réglée que grâce à la libéralisation du marché.
La seule logique libérale et financière ne suffira pas, au contraire.
L'Europe doit créer les conditions de l'internalisation des coûts externes - pollution, sécurité - du transport routier.
L'expérience allemande, déjà citée, qui consiste à taxer les transports routiers permettrait, si elle était généralisée à l'Union européenne, de couvrir par des recettes indexées sur l'activité du transport routier les coûts externes de ce mode de transport et de réutiliser les produits au profit des autres modes - rail et eau -, pour mieux répondre aux attentes de la société.
L'Europe, si elle a le devoir d'exiger la transparence, doit aussi permettre l'intervention de la puissance publique, afin de remplir sa mission en matière d'aménagement du territoire et de répondre au principe d'égalité.
L'Europe doit aussi jouer son rôle en ce qui concerne les projets structurants en matière de fret ferroviaire ou de recherche.
En aidant au développement d'infrastructures de qualité, pour faciliter les gains de temps sur les ruptures de charges - gares, ports et aéroports équipés pour décharger les conteneurs, voies d'arrivée spéciales pour le ferroutage, pôles multimodaux efficaces - l'Europe et l'Etat permettront aux infrastructures françaises et européennes d'évoluer vers une intermodalité souple et efficace.
C'est à l'Europe et à l'Etat qu'il appartient d'affirmer fortement leur volonté d'un rééquilibrage, en adoptant un plan cohérent de développement des infrastructures multimodales.
Nous attendons du Gouvernement qu'il donne un signe de cette volonté et réponde ainsi aux attentes de la société.
La position française consistant à limiter à 1 % du PIB communautaire le budget de l'Union nous semble faire peser une hypothèque majeure sur ces interventions, pourtant indispensables.
Monsieur le ministre, comme mon collègue M. Reiner, je vous remercie de nous informer de la position et des intentions de votre gouvernement sur l'ensemble de ces questions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le ministre, depuis des années, si ce n'est des décennies, tous les gouvernements qui se sont succédé, de droite comme de gauche, formulent le voeu pieu de développer le transport ferroviaire et de réduire le transport routier de marchandises.
Malheureusement, personne ne s'en donne les moyens : chaque fois que des choix doivent être faits, on tranche en faveur du routier et ou de l'autoroutier, et l'on s'abstient de faire ce qui serait nécessaire au développement du transport ferroviaire.
En matière de fret ferroviaire - ce sera le premier point de mon intervention - je suis tout à fait conscient que l'on ne peut maintenir toutes les petites gares qui existent aujourd'hui, ni conserver la logique du transport ferroviaire de marchandises que l'on connaissait au xixe siècle. Un besoin de modernisation, d'évolution, se fait sentir et je considère donc que la SNCF a raison sur certains points.
En revanche, la contrepartie de cette logique de modernisation devrait être de miser de façon volontariste sur les nouvelles technologies du fret ferroviaire.
Si l'on veut transmettre l'idée que les trains de marchandises ne peuvent continuer, comme par le passé, à s'arrêter ici ou là pour déposer un petit paquet, il faut, corrélativement, que la France fasse le nécessaire pour que les nouvelles technologies de transport du fret ferroviaire se développent.
Le transport combiné rail-route ou de grands axes ferroviaires de fret lourd sur de grandes distances peuvent ainsi se substituer aux poids lourds, notamment dans le couloir rhodanien et sur l'axe nord - sud.
Or, sur ce point, je constate que rien n'est fait.
Il me semble donc non seulement que l'on perd l'héritage du passé, héritage qui devait inéluctablement être modernisé, mais encore que l'on ne gagne rien de ce pourraient apporter une vision moderne, tournée vers l'avenir, et une politique volontariste.
C'est ce qui me paraît le plus regrettable : en matière de transport combiné, de grands axes lourds, on se trouve face à une carence totale des pouvoirs publics.
Cette carence n'est d'ailleurs pas liée au gouvernement actuel ; elle existait déjà par le passé. Une sorte de lobby du transport routier empêche que ne se traduise par des faits ce voeu pieu que tous les élus, tous les gouvernements, ne cessent de répéter : renforcer le ferroviaire pour réduire le transport routier de marchandises. Or, on constate que c'est le contraire qui se produit.
J'en viens au deuxième point de mon propos : si l'on veut relancer le ferroviaire et faire en sorte que le transport routier cesse de croître de manière exponentielle, comme c'est le cas actuellement, il faut rééquilibrer les conditions de compétitivité.
Ce rééquilibrage doit être de deux ordres. Il doit tout d'abord se situer au niveau des coûts respectifs. Ainsi, par exemple, s'agissant des frais de personnel, on constate que le système ferroviaire dans lequel le personnel est surprotégé - on connaît les problèmes que posent les grèves, qui pénalisent considérablement le développement du transport ferroviaire - doit affronter un système routier dans lequel le personnel est sous-protégé : les règles sociales et le droit du travail y sont respectés de manière fort élastique, quand ils le sont.
Les pouvoirs publics ont là une responsabilité, de même qu'ils en ont une dans la prise en compte des coûts globaux, pour la collectivité, de chacun des modes de transport.
Le transport routier de marchandises a un coût qu'il ne supporte pas directement : il provoque des nuisances pour la collectivité dont il ne répond pas.
L'une des mesures pour parvenir au rééquilibrage de ces deux modes de transport consisterait à faire en sorte que les donneurs d'ordres aient économiquement intérêt à ne plus utiliser uniquement le transport routier.
Il faut donc que le transport routier paie son coût réel pour la société. L'Allemagne a mis en place un péage sur lequel nous devrions méditer en France où seules les autoroutes à péage représentent un coût pour les transporteurs. Dans notre pays, en effet, un grand nombre de voies rapides et d'autoroutes sont gratuites : il faudrait en faire payer l'usage aux transporteurs.
Dans les zones frontalières, le trafic de poids lourds allemands se reporte sur les autoroutes françaises qui sont gratuites. En tant que sénateur de la Moselle, je connais bien la question. Cette situation est logique : ils vont là où le coût est moindre.
Si le Gouvernement, qui prétend parfois ne pas avoir les moyens de financer le développement du ferroviaire, installait des péages pour les poids lourds sur ces autoroutes gratuites et sur ces voies rapides, à l'exemple de l'Allemagne, ces recettes pourraient alors être affectées au développement du transport de fret ferroviaire. Cela serait particulièrement utile au rééquilibrage des conditions de compétitivité.
Je voudrais enfin aborder la question des choix. Je constate que ce gouvernement, comme les gouvernements précédents, a tendance à faire des efforts nettement plus importants en faveur des investissements routiers et autoroutiers, donc du transport routier de marchandises, plutôt qu'en faveur du transport ferroviaire.
Je prendrai un exemple. Le réseau ferroviaire du sillon lorrain est absolument saturé. Or, que propose le Gouvernement ? En fait, peu de chose : une deuxième autoroute, dont personne ne veut.
Les partisans de cette autoroute ont connu une déroute lors des dernières élections régionales, et je m'en réjouis. Or, malgré le désaveu des Lorrains, vous vous obstinez, monsieur le ministre, à tout miser sur cette autoroute, au lieu de miser sur le ferroviaire. Pas un Lorrain ne se battrait contre des investissements dans le transport de fret ferroviaire alors que, au contraire, des manifestations et des réactions hostiles à cette autoroute se sont multipliées ; les Lorrains pourraient protester encore par leurs suffrages si vous poursuiviez dans cette voie.
Cet exemple vous montre qu'il serait préférable d'anticiper les aspirations du xxie siècle - nous ne nous situons plus dans la logique productiviste du xxe siècle -, pour améliorer la qualité de la vie, protéger l'environnement, et faire en sorte que le transport ferroviaire trouve sa juste place.
Il est actuellement scandaleux de voir de véritables trains de poids lourds qui attendent, à la frontière luxembourgeoise, pare-choc contre pare-choc, les heures où l'usage du réseau leur est gratuit. Pour aller à Marseille ou Barcelone, ils traversent la France du nord au sud, tout cela parce qu'aucune mesure n'a été prise pour développer le fret ferroviaire.
M. le président. La parole est à M. François Gerbaud.
M. François Gerbaud. Je remercierai tout d'abord notre collègue M. Reiner de cette question, qui est pour nous comme un élixir de jouvence. (Sourires.) Elle nous ramène, en effet, Hubert Haenel et moi-même, deux ans en arrière, quand nous mettions au point l'enquête qui a abouti au rapport remis à M. le Premier ministre.
Cette question est plus que jamais d'actualité et tout le monde a bien noté qu'elle revêt désormais une dimension tant nationale qu'européenne. Elle correspond à des urgences, à des changements de comportements. Elle appelle des réponses dans lesquelles l'audace ne doit pas être exclue.
Elle confirme cette certitude : le fret ferroviaire a nécessairement un avenir. Nos voisins européens ont déjà répondu positivement, telle la Grande Bretagne, qui, malgré un réseau ferroviaire qui n'est pas très solide, lui confie plus de 43% de son trafic de marchandises
Le fret ferroviaire est bien la meilleure réponse technique, économique et environnementale aux exigences de notre monde et aux « figures imposées » du développement durable.
Tous les indicateurs montrent qu'en Europe, d'ici à vingt ans, avec l'accélération prévue des échanges, le tonnage de marchandises sera multiplié par deux, ce qui provoquera le doublement du trafic des poids lourds.
Dans cette perspective, si le rail ne reprend pas à la route les parts de marché qu'elle lui a prises depuis des années, s'il ne s'ouvre pas à de nouveaux besoins, il est évident que nous serons face à une saturation autoroutière et routière et que nous trouverons proches de l'asphyxie.
Les trains de camions qui se succèdent en donnent largement l'illustration. Au pied des Pyrénées, par exemple, plus de dix-sept mille camions franchissent chaque jour la frontière espagnole à raison d'un toutes les cinq secondes, aux deux points de passage obligés du Perthus et de Biriatou, en attendant l'ouverture du tunnel de Figueras.
M. Jean-Louis Carrère. C'est insupportable !
M. François Gerbaud. De nombreux camions étrangers, dont les conducteurs travaillent le plus souvent dans des conditions sociales et économiques différentes des nôtres, ce qui ne saurait changer sous peu, traversent la France sans apporter aucune valeur ajoutée.
Dans ces conditions, le moment n'est-il pas venu d'envisager, comme en Allemagne et en Suisse, l'instauration d'une taxe au kilomètre alimentant un fonds d'aide aux investissements de transport ? Si une telle taxe devait voir le jour, elle ne pourrait naturellement que s'inscrire dans une dimension européenne, pour des raisons d'égalité. Monsieur le ministre, où en est la réflexion à Bruxelles sur ce sujet ? La porte est-elle fermée ou entrouverte ? A-t-on renoncé à ce projet ?
Quoi qu'il en soit, il est temps, semble-t-il, sans compromettre l'équilibre économique de nos entreprises de transport routier, souvent en difficulté, de mettre un terme à ce que j'ai déjà appelé le règne pharaonique du « tout en camion ». (Sourires.)
Les transporteurs routiers eux-mêmes en sont conscients, et souhaitent que nous puissions freiner cette évolution qui les place en situation de monopole pour le transport de marchandises, dans des conditions économiques gravement dégradées en raison du coût croissant de l'énergie, que révèlent les dépêches de l'Agence France-Presse relatives au prix du pétrole constaté aujourd'hui à New York.
Dans cette recherche de l'équilibre intermodal, le fer reste bien l'un des plus puissants moyens d'action. Sur ce marché désormais ouvert à la concurrence - et sans doute, de ce fait, aux partenariats -, les entreprises ferroviaires européennes ont dorénavant accès aux sillons du réseau français de RFF, dans des conditions parfaitement définies de sécurité, sous le contrôle de l'Agence ferroviaire européenne, la sécurité étant un élément primordial.
De nombreuses demandes d'accès au réseau ont déjà été enregistrées. La concurrence est désormais un fait, et nul ne peut s'y soustraire. C'est donc très sagement et très judicieusement que, en fonction de cette concurrence, RFF a cru devoir, avec l'appui du Gouvernement, relever ses péages.
Parlementaires en mission, Hubert Haenel et moi-même avons, en 2003, pendant six mois, mené une vaste investigation, à la demande du Premier ministre, et « passé au scanner » le problème du fret ferroviaire à la SNCF.
C'était le temps où l'on nous signalait que, n'ayant pas, ou rarement, la priorité, de nombreux trains de marchandises étaient quotidiennement arrêtés, calés, retardés ou même égarés. De ce fait, nous aurions pu, à la manière proustienne, intituler notre investigation « A la recherche du train perdu »...
Notre mission était d'analyser la stratégie de développement du fret ferroviaire, de dresser une synthèse des attentes des clients, d'évaluer l'organisation des outils de production et d'adapter les capacités d'infrastructures. Nous avions donné à notre rapport un titre symbolique : Fret ferroviaire français : la nouvelle bataille du rail.
Ce rapport comportait constats et propositions : constat d'une activité en péril, avec un trafic en baisse et des résultats économiques et financiers affligeants, qui « plombent », nous l'avons dit, la SNCF ; constat que le fret était le parent pauvre de l'activité de la SNCF, loin de la priorité donnée au transport de voyageurs ; constat de la méfiance des clients qui, soumis à l'exigence des flux tendus, nous ont dit et redit qu'ils ne trouvaient pas, dans le service qu'on leur offrait, la ponctualité, la flexibilité, la régularité - le taux en est tombé à 77 % - et la fiabilité dont ils ont besoin, et qu'ils redoutaient de surcroît les conséquences préjudiciables des arrêts de travail nationaux ou locaux venant trop souvent perturber et paralyser le trafic.
A cet égard, l'alarme sociale, qui, à la SNCF, semble substituer désormais la concertation préalable à la culture du conflit, peut, nous le souhaitons, aider à dissiper ces craintes, pour peu bien sûr que cette alarme sociale concerne autant le fret que le transport de voyageurs.
Forts de ces constats et conscients des enjeux stratégiques, nous avons fait des propositions en vue d'élaborer une véritable politique du fret ferroviaire, d'inviter la SNCF à reconsidérer sa place dans cette activité, d'appeler au développement concerté d'une véritable complémentarité rail-route, en souhaitant en particulier une accentuation des efforts en faveur du transport combiné, de solliciter la mobilisation de tous les partenaires - Etat, collectivités territoriales, entreprises ferroviaires, chargeurs...
« Rapport dur, mais juste ! », a commenté le président Gallois. Si, lors de sa publication, ce rapport a suscité quelque intérêt, c'est qu'il répondait sans doute à des attentes exprimées ou retenues. Cependant, comme beaucoup d'autres rapports, il risque, au-delà d'une notoriété momentanée, de connaître bientôt l'honneur de devenir une référence classée.
Quoi qu'il en soit, restent les questions qu'il soulève, à commencer par celle-ci : où en sommes-nous aujourd'hui, monsieur le ministre ?
Dans le cadre de son projet industriel, la SNCF a entrepris le redressement de son activité fret. Pour le réussir, il faut des clients, des moyens, des sillons, une stratégie et, surtout, une volonté. Ce projet est bien accueilli, de bons résultats sont attendus, devant mettre un terme à la dépression, annoncer une remontée en 2006 et, au-delà, la montée en puissance espérée, avec un gain de 20 % d'efficacité en trois ans et un accroissement de la compétitivité. Succédant de nombreux autres plans, c'est le plan de la dernière chance. Je tiens à le souligner ici.
Cela étant, ce dispositif est-il suffisant ? La structure qui l'encadre est-elle adaptée, peut-elle et doit-elle évoluer ? Peut-on, pour plus de transparence, d'efficacité, d'étanchéité comptable, de productivité, envisager une plus large autonomie de l'activité fret au sein de la SNCF et, dans cette perspective, convaincre la Commission européenne, méfiante, que les efforts financiers de l'entreprise et de l'Etat, à hauteur respectivement de 700 millions et de 800 millions d'euros, seront bien consacrés au redressement de l'activité fret et aux investissements matériels qui lui sont indispensables, sans être détournés au profit d'autres activités ?
Au-delà de cette évolution de l'organisation, reste posé le problème, que M. Haenel et moi-même avons évoqué, de la possibilité d'une filialisation de l'activité fret, souhaitée par Bruxelles, qui risque d'en faire une condition.
Des perspectives nouvelles doivent être envisagées. Disant cela, je pense, en particulier - et la France est en première ligne sur ce plan -, aux dessertes ferroviaires des ports, points de départ et d'arrivée d'un important trafic. A cet égard, je voudrais, monsieur le ministre, que l'on puisse prendre en considération les conclusions de l'excellent rapport de notre collègue Henri de Richemont, qui a déjà ouvert des pistes de réflexion dans ce domaine.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
M. François Gerbaud. Quels nouveaux outils peut-on envisager de mettre en place pour favoriser le développement du fret ferroviaire ?
Par ailleurs, les fermetures de lignes jugées peu rentables au regard des coûts de production de la SNCF sont souvent ressenties comme un abandon de compétitivité et, paradoxalement, comme un avantage inopportunément concédé à la route. Ces lignes, ne l'oublions pas, doivent toujours être considérées comme des éléments de l'outil industriel de la SNCF. Il faut donc bien réfléchir avant de décider leur fermeture.
Dans ces conditions, pourquoi ne pas envisager, dans le cadre d'un partenariat public-privé, une exploitation de ces lignes en sous-traitance ou en cotraitance avec d'autres acteurs ? Dans cette dimension du possible, quel rôle peuvent jouer les collectivités territoriales, en particulier les régions ?
M. Jean-Louis Carrère. Elles n'ont plus d'argent !
M. François Gerbaud. Organisatrices du service public de transport des voyageurs, les régions, au-delà de la part qu'elles prennent aux investissements, s'agissant notamment des chantiers, peuvent-elles être impliquées dans une politique de promotion du fret ferroviaire ? L'idée se fait jour qu'elles pourraient peut-être organiser une sorte de hub multimodal, point de convergence de tous les systèmes de transport : la route, le canal et le rail.
M. Jean-Louis Carrère. Elles font des économies de bouts de chandelles !
M. François Gerbaud. C'est là une perspective séduisante, mais sans doute utopique aux yeux de certains.
Sur le plan européen, notre réseau modernisé, restructuré, élargi, ne trouvera sa pleine compétitivité, grâce à sa fluidité, que si l'interopérabilité en tous domaines est mise en place aux frontières des réseaux nationaux. Où en sommes-nous, monsieur le ministre, au regard de cette évolution, de cette harmonisation des modes, qui relèvent de la responsabilité de l'Agence ferroviaire européenne ?
En tout état de cause, l'infrastructure joue un rôle essentiel : 30 000 kilomètres de voies, c'est un lourd patrimoine, mais c'est aussi une immense richesse. Entretien, rénovation, modernisation, constitution de réseaux nouveaux relèvent, à travers RFF, de la responsabilité stratégique et financière de l'Etat, responsabilité en termes de choix et de priorités. Il doit se donner les moyens nécessaires : même si les circonstances économiques lui imposent une réduction de la dépense publique, les crédits consacrés aux transports ne doivent pas s'en trouver affectés.
Il reste que, si important soit-il, l'investissement n'est pas tout. Il doit être accompagné et précédé par une amélioration du fonctionnement, et favoriser tout ce qui permet celle-ci, comme en témoigne, par exemple, la récente contribution de RFF à l'amélioration du fret ferroviaire par la mise à disposition de sillons nouveaux et plus nombreux.
Il s'agit de la structuration du graphique de circulation des trains. Cette expression quelque peu barbare cache des objectifs simples : assurer, selon un schéma harmonieux, l'ordonnancement des trains, des plus rapides aux plus lents ; répéter, selon un rythme régulier - toutes les demi-heures, toutes les heures, toutes les deux heures... -, appelé le cadencement, le même schéma de desserte, le principe s'appliquant à toutes les catégories de trains - trains de marchandises, TER, trains nationaux et trains internationaux.
Les trains de marchandises retrouveront alors la priorité. Grâce à la structuration du graphique, que RFF a fini d'élaborer et qui pourrait être mise en oeuvre à l'horizon de 2007, ces derniers bénéficieront systématiquement de sillons prédéfinis, répétitifs et répondant à une exigence de vitesse adaptée. J'ajoute que ce système de cadencement généralisé est appliqué par tous ceux de nos voisins qui constituent des références en matière ferroviaire, à commencer par la Suisse et l'Allemagne. Il ne serait pas convenable, et cela irait même à l'encontre de toute logique, monsieur le ministre, que certaines réticences, qui semblent exister encore, viennent compromettre l'application de ce nouvel outil.
Je voudrais maintenant m'associer pleinement aux propos de mon collègue Hubert Haenel, qui, se demandant quelle serait demain l'entreprise ferroviaire leader en Europe, a estimé que la Deutsche Bahn s'adapterait avant la SNCF si cette dernière ne se reprenait pas. Cela m'amène à poser la question suivante : ne devrions-nous pas envisager un rapprochement avec, précisément, la Deutsche Bahn ?
A cet égard, je souhaite ouvrir ici, en guise de conclusion, une fenêtre - par laquelle risque de s'engouffrer un petit courant d'air ! -, en rapportant la déclaration suivante de M. Hartmut Mehdorn, président de la Deutsche Bahn : « Laissez à la SNCF la responsabilité du trafic voyageurs - elle y excelle - et confiez-nous celle du fret » ! L'avenir dira s'il s'agissait d'une boutade ou d'une prémonition...
Avec tous les partenaires du rail, je forme le voeu que, par la mise en place accélérée de tous les systèmes combinés - ferroutage, système Modahlor -, la route du fer ne soit pas coupée pour les marchandises, contrairement à ce qu'affirmait une célèbre expression historique ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question dont nous débattons aujourd'hui est naturellement primordiale et dépasse largement le débat idéologique sur le service public des transports ou sur l'ouverture à la concurrence du rail.
L'évocation de l'avenir du fret en France doit prendre en compte trois dimensions : la dimension européenne, la nécessaire dimension environnementale et, enfin, mais ce n'est pas la moindre, la dimension de l'aménagement du territoire.
Mon collègue François Gerbaud, spécialiste de ces questions, vient de développer excellemment tous ces points, avec son humour habituel et en faisant appel à des références historiques et cinématographiques. Pour ma part, je vais essayer d'exprimer les préoccupations des membres du groupe de l'UC-UDF s'agissant du fret ferroviaire.
Le fret ferroviaire est un élément primordial de notre politique des transports, et ce à l'échelle européenne. En effet, notre politique des transports déterminera, dans les prochaines années, si la France de demain a vocation à devenir un carrefour européen, « véritable plate-forme logistique structurée par ses ports et un système intermodal discriminant », et non « un simple pays de transit, avec des retombées économiques limitées et des nuisances croissantes », pour reprendre les termes de l'étude de la DATAR. C'est pourquoi il est nécessaire de conserver des objectifs ambitieux en matière d'équipement.
Un véritable potentiel de développement du fret ferroviaire existe en France : n'oublions pas qu'à côté des grands investissements nécessaires, dont il a été question précédemment, il subsiste d'importantes possibilités d'optimisation des infrastructures actuelles. Je pense à la magistrale éco-fret, qui relierait le Nord au Midi, d'Anvers à Paris, puis dans la vallée du Rhône ; une succession de petits investissements peut changer bien des choses dans l'organisation du fret. La France doit également participer activement à la mise en place du réseau transeuropéen de fret ferroviaire.
La vraie question reste cependant celle des moyens. Avons-nous réellement la volonté de trouver les financements nécessaires pour doter la France d'un réseau de transport intermodal de fret à la hauteur d'une Europe à vingt-cinq ? Dans le cas contraire, nous serions réduits au rôle du pays du bout du continent ! Il est donc urgent de faire de cette question une priorité et nous vous demandons, monsieur le ministre, si l'Agence de financement des infrastructures de transport en France, qui a été créée en décembre dernier, soutiendra le développement du fret ferroviaire.
Les dernières lois de finances ont cependant réduit considérablement les aides au transport combiné, comme cela a été rappelé, et nous le regrettons. Et même si d'importants investissements ont été réalisés dans le cadre des contrats de plan Etat-régions 2000-2006 avec l'aménagement d'itinéraires dédiés, il semble indispensable, monsieur le ministre, que cet effort financier soit poursuivi, voire intensifié.
M. Jean-Louis Carrère. Il n'y a plus d'argent pour les contrats de plan !
Mme Jacqueline Gourault. Le fret ferroviaire présente des avantages incontestables en matière de sécurité et de protection de l'environnement. Le secteur des transports est à l'origine du quart des émanations de CO2 dont 84 % sont imputables au transport routier. Alors que le protocole de Kyoto doit être appliqué et que le marché des quotas de CO2 se met en place, il est impossible de négliger le fret ferroviaire.
Enfin, le fret ferroviaire doit être un élément de la politique d'aménagement du territoire. En cela je partage l'inquiétude de mes collègues sur le nombre de gares de fret desservies. M. Reiner a mentionné la suppression, depuis le 15 juin 2004, de près de 50 % des dessertes qualifiées de « non rentables ».
Je suis tout à fait consciente des impératifs de rentabilité auxquels toute entreprise est soumise. Toutefois, monsieur le ministre, nous souhaitons avoir des précisions sur ces fermetures de gare. Alors que nous examinons le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, l'impératif d'aménagement du territoire et de maintien des services publics en zone rurale est plus que jamais au coeur de nos préoccupations.
M. Raymond Courrière. Très bien !
Mme Jacqueline Gourault. Comme vous pouvez le constater, monsieur le ministre, je suis convaincue, ainsi que l'ensemble du groupe UC-UDF au nom duquel je m'exprime, du rôle central qui doit être celui du fret ferroviaire.
Il est indispensable que le fret ferroviaire ait un avenir en France. Or, nous le savons tous, ce secteur se porte très mal. Je citerai quelques chiffres qui se passent de tout commentaire. Depuis vingt ans, le secteur perd 1 % par an en volume, son déficit est égal au quart de son chiffre d'affaires et il accuse des pertes consolidées de plus de un milliard d'euros.
C'est pourquoi nous sommes favorables au « plan fret » 2006, adopté le 19 novembre 2003 par la SNCF. Présenté comme le plan de la dernière chance, il vise à reconstruire en trois ans les bases d'une croissance saine du transport de marchandises.
Ce plan comporte quatre volets.
Premièrement, la refonte de l'outil de production dans une logique industrielle avec la création de cinq grands axes et une gestion informatisée et centralisée.
Deuxièmement, l'amélioration de la productivité par restructuration, par rationalisation et par des investissements supplémentaires évalués à près de 600 millions d'euros.
Troisièmement, une nouvelle politique commerciale, de marge plutôt que de volume, afin de rétablir la rentabilité des trafics.
Enfin, une offre internationale, nécessitant des alliances avec d'autres partenaires logistiques.
Après un an d'application, ces différentes mesures ont déjà permis des améliorations sensibles de productivité. Ainsi, le nombre de wagons du réseau est passé de 38 000 à la fin de 2003 à 33 000 en novembre 2004 et le remplissage des trains a progressé de 7 %.
A la fin de 2004, 3,5 millions de tonnes de nouveaux trafics ont été gagnés, ce qui représente, selon les charges transportées, entre 100 000 et 200 000 camions de moins sur les routes.
M. Jean-Louis Carrère. Il faut voir les modalités de comptabilité !
Mme Jacqueline Gourault. D'après la SNCF, les flux qui ont été supprimés, trop coûteux en moyens, ne dépassent pas 2 % du trafic global de fret SNCF. Environ 100 prestations de transports ont ainsi été arrêtées en 2004.
Mais le chemin à parcourir reste important : 1 500 gares ne sont desservies que par deux ou trois wagons par semaine et 80 % des dessertes sont encore déficitaires.
Sur les deux prochaines années du plan, c'est-à-dire 2005 et 2006, la SNCF doit parvenir à économiser 400 millions d'euros pour atteindre l'objectif comptable fixé et, notamment, pour améliorer la productivité à hauteur de 330 millions d'euros d'ici à la fin de 2006.
Nous ne pouvons que nous réjouir du soutien financier de l'Etat à ce plan alors que les schémas de services collectifs de transport tendent à doubler le volume ferroviaire de fret d'ici à 2010 pour parvenir à 100 milliards de tonnes/kilomètre par an. Cet objectif est ambitieux et nous souhaitons, monsieur le ministre, que tous les moyens soient mis en oeuvre pour qu'il puisse être atteint. Je regrette que les dotations budgétaires à ce mode de transport et aux transports combinés aient été réduites de façon aussi drastique.
M. Daniel Reiner. Très bien !
Mme Jacqueline Gourault. Je souhaite, avec l'ensemble des membres du groupe UC-UDF, que le fret ferroviaire devienne une priorité pour les pouvoirs publics et que, lors de l'ouverture à la concurrence du fret international et du fret national en 2006 et en 2007, le fret ferroviaire français et Fret SNCF soient des acteurs incontournables au niveau européen. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 12 septembre 2001, la Commission européenne a publié son Livre blanc sur « La politique européenne des transports à l'horizon 2010 » dans lequel elle place, pour la première fois, le développement durable au coeur de sa stratégie en matière de transport.
La première de ces mesures tend à rééquilibrer les modes de transport en faveur du rail d'ici à 2010, afin de mieux respecter l'environnement. Par ailleurs, la Commission européenne a affirmé très clairement sa volonté de mettre en oeuvre l'intermodalité.
Tout en constatant le manque d'infrastructures adaptées au transport moderne et l'absence d'interopérabilité entre les réseaux, la Commission européenne propose la « création d'un espace ferroviaire intégré, performant, compétitif et sûr, ainsi que la mise en place d'un réseau dédié au fret ».
Même si je partage le constat et la volonté de la Commission européenne, je pense que les remèdes qu'elle propose risquent d'être pires que le mal.
En effet, elle a entériné la libéralisation du fret international à l'horizon de 2006 et du fret national en 2007, par l'adoption des deux premiers « paquets » ferroviaires.
Le troisième « paquet » concernant les voyageurs devrait venir en lecture devant le Parlement européen le 8 mars prochain, alors même qu'aucun bilan économique et social n'a été effectué sur les premières directives.
C'est l'une des raisons qui a incité le groupe CRC à déposer une proposition de résolution demandant le retrait de ces directives qui font peser de graves menaces sur nos services publics de transport en ouvrant à la concurrence les lignes transversales, ce qui constitue le premier pas vers la privatisation du transport ferroviaire sur les grands axes.
Les sénateurs communistes républicains et citoyens soulignent, enfin, la concordance entre la libéralisation des services publics de transport - comme ceux de La Poste ou de l'énergie - et le traité constitutionnel européen, qui inscrit dans le marbre une évolution contraire aux objectifs de solidarité, d'égalité et de sécurité.
Cette logique, qui livre aux appétits financiers les outils de la puissance publique, se révèle très néfaste.
II devient vraiment urgent de réaffirmer la notion fondamentale de services publics pour les garantir et les moderniser au niveau tant européen que national.
Comme mon collègue Yves Krattinger, j'aimerais croire Louis Gallois, président de la SNCF, lorsqu'il déclare que le « plan fret » 2006 permettra de se placer « clairement dans une perspective de développement du fret ». Avec la réussite de ce plan, dit-il « la SNCF pourra mieux répondre à la demande de ses clients en France et en Europe, et aux attentes de la société tout entière pour davantage de fret ferroviaire ».
Pourtant, concrètement, le « plan fret » est totalement subordonné aux directives européennes et se traduira, au nom de la rationalisation et de la compétitivité, selon les organisations syndicales, par la suppression de 3 505 emplois, la fermeture de 4 centres de triages, de 16 gares principales de fret et de 100 gares ouvertes au fret.
Ces données sont confirmées par le budget pour 2005 de la SNCF, qui entérine des pertes importantes de personnels. Ainsi, 1 526 emplois seraient supprimés dans l'activité fret elle-même, 377 dans le matériel et 763 dans les tractions.
De septembre 2002 à la fin de 2005, ce sont 11 765 emplois qui auront ainsi disparu sous l'effet conjoint de la politique du Gouvernement et de celle de la direction de la SNCF. Ce sont donc les cheminots et les usagers qui payent pour une certaine conception de l'équilibre de l'entreprise.
Dans ces conditions, on comprend bien les raisons de la mobilisation des cheminots avec l'ensemble de leurs organisations syndicales, et le succès de la grève qui a eu lieu la semaine dernière et qui s'est accompagnée d'un très large soutien de la population.
Le « plan fret » est un plan de repli et de casse de l'outil de production. A contrario des enjeux de développement durable, il déstructure durablement la production et la commercialisation du fret ferroviaire à la SNCF.
En témoignent quelques chiffres : à la fin du mois d'août 2004, le trafic a diminué de 2,8 % par rapport aux objectifs, mais le transport conventionnel a régressé de 3,5 % et le transport combiné a enregistré une baisse de 6,2 %.
Sur les huit premiers mois de l'année, on observe 22 157 circulations de trains fret en moins par rapport à la même période en 2003.
Actuellement, sur la totalité du territoire, 100 kilomètres de voies sont utilisés pour le stationnement de wagons, faute de marchandises à acheminer.
La mise en oeuvre de ce plan entraîne les entreprises régionales à faire le choix de la route. A la suite des augmentations de tarifs de 50 %, voire plus, qu'elle a pratiquées, la SNCF a perdu de nombreux clients et non des moindres, comme Pechiney et ICF, Intercontainer-Interfrigo, le grand opérateur européen de transport combiné, sans parler de l'abandon pur et simple de la filière bois.
Autant de mesures, de choix contraires à l'intérêt collectif, qui n'améliorent ni la qualité, ni la régularité de la production.
D'ailleurs, comment pourrait-il en être autrement quand on constate que, pour la livraison de trois locomotives neuves en moyenne par mois, on observe une radiation de 250 engins par an ?
Les restructurations, les réorganisations, les réformes, les études, l'externalisation ou la création de filiales ont successivement affaibli le service public.
En réduisant les capacités de la production et l'emploi statutaire, la direction de la SNCF et l'Etat organisent le déclin de la part modale du fret SNCF, menaçant ainsi le statut d'entreprise intégrée de service public de transport. Il s'agit bien, finalement, de la programmation de la filialisation de l'activité du fret et de l'organisation de la concurrence intramodale sur ce secteur d'activité.
En abandonnant certains trafics, la SNCF va permettre à des opérateurs privés de se positionner. Ainsi, 22 000 sillons ont été supprimés, le 12 décembre 2004, dans le cadre du changement de service roulant. Réseau ferré de France, RFF, va pouvoir offrir ces sillons aux nouveaux entrants.
La direction de la SNCF fait le choix d'une logique purement marchande en se repliant sur les créneaux les plus rentables. Ce qui compte pour elle, ce sont les plus gros chargeurs, qui représentent les 20 % du trafic non déficitaires. Il suffira de supprimer les 80 % restants ou de pratiquer des tarifs dissuasifs. N'est-ce pas ce que vous souhaitez, monsieur le ministre, lorsque vous enjoignez à la SNCF de « se concentrer sur les lignes qui peuvent garantir l'équilibre » ?
Ce plan présente un caractère d'irréversibilité par la perte évidente de capacité d'exploitation du réseau. Ces infrastructures présentent pourtant un vrai potentiel pour préparer l'avenir, si l'on en croit les déclarations du Premier ministre qui prévoit que le fret devrait encore progresser de 40 % d'ici à 2020.
Pour résumer, ce plan n'identifie aucun vecteur de progrès ; aucun projet n'est mis en avant et aucun moyen n'est prévu pour asseoir un quelconque développement.
Dans une perspective où la demande de transport devrait augmenter, le train pourrait, au contraire, voir sa part revalorisée dans le transport de marchandises, à condition qu'une orientation publique soit clairement définie en sa faveur, ce qui n'est évidemment pas le cas aujourd'hui.
En effet, depuis 1999, si le fret ferroviaire a enregistré une progression de 17 %, le transport routier a, lui, fait un bond de 40 %.
Une évolution notable s'est produite en faveur de la route, notamment sur la base du dumping social, cause principale de terribles accidents ; nous venons d'ailleurs de le voir à nouveau ces derniers jours.
L'attractivité de la route réside dans le fait qu'une grande partie des coûts est externalisée vers les collectivités territoriales. Cependant, ce mode de transport est le plus polluant : il représente à lui seul 84 % des émissions de gaz à effet de serre.
La facture énergétique ne plaide pas non plus en faveur de la route. La quantité d'énergie nécessaire pour transporter une tonne de fret par la route est trois fois supérieure au rail.
Que l'on se place du point de vue de l'emploi, de l'aménagement du territoire, du développement local, de la préservation de l'environnement ou de la santé, le développement du transport du fret ferroviaire est indispensable. Il faut donc se donner les moyens de réorganiser la complémentarité entre la route et le rail.
Afin que l'intermodalité fonctionne, il faut que le fret bénéficie d'investissements importants et que l'Etat respecte son engagement de désendetter RFF et la SNCF, dette qui s'élève aujourd'hui à 40 milliards d'euros.
A ce propos, il faut rappeler que les frais financiers liés à la dette se situent aux environs de 380 millions d'euros pour la SNCF et de 1,3 milliard d'euros pour RFF. Pour la SNCF, par exemple, cela représente l'équivalent de 8 800 emplois statutaires, de 30 rames de TGV et de plus de 200 locomotives de fret.
Pourtant, la Commission européenne exige encore davantage de la SNCF pour autoriser une aide de l'Etat français de 800 millions d'euros. Elle demande que les comptes du fret tendent à l'équilibre, ce qui suppose une amélioration des gains de productivité, l'abandon de segments de marché et, à terme, sa filialisation.
Dans cette optique, la SNCF procédera à une recapitalisation de l'activité fret à hauteur de 700 millions d'euros. Celle-ci se fera essentiellement par la cession d'actifs, ce qui renforcera le caractère irréversible du déclin du fret en tant que service public.
Cette pression de la Commission européenne n'a pas été observée à l'encontre de la décision gouvernementale qui vise à opérer un doublement du dégrèvement de la taxe professionnelle sur les véhicules de plus de 7,5 tonnes. Qu'en est-il, alors, de sa volonté de rééquilibrage entre la route et le rail évoquée par le Livre blanc ?
Ces mesures attestent également de la supercherie du programme du Gouvernement, qui indiquait, lui aussi, vouloir encourager le rééquilibrage des modes de transport en réorientant les camions vers le rail et les voies navigables.
Entre la volonté affichée d'engager de telles actions et leur contenu, force est de constater que les mesures prises favorisent les intérêts financiers des futurs opérateurs, en s'opposant à la satisfaction des besoins des salariés, de la population, et à la protection de l'environnement.
La loi de finances pour 2005 en est un bon exemple : les subventions octroyées au transport combiné - cela a déjà été dit, mais j'y reviens - ont encore baissé, n'avoisinant plus que les 16 millions d'euros.
En l'absence d'un engagement concret des pouvoirs publics à promouvoir le transport combiné comme mode alternatif à la route, les opérateurs traditionnels seront incités à resserrer leurs maillages sur les relations les plus rentables, et le rééquilibrage nécessaire entre les différents modes de transport ne pourra voir le jour.
Les sénateurs communistes républicains et citoyens considèrent que le transport ferroviaire doit jouer un rôle économique, social et de progrès, ce qui induit une responsabilité de l'Etat quant à la définition des besoins de transport et pour le financement du service public, afin de permettre son développement et son efficacité.
Notre choix n'est pas celui de la mise en concurrence et du désengagement de l'Etat, c'est celui d'une politique ambitieuse en faveur du rail.
En ce sens, le groupe CRC propose l'organisation d'un véritable débat sur les transports sur le plan tant national qu'européen. II demande qu'une étude préalable mesurant l'impact de la libéralisation du fret ferroviaire sur l'emploi, la sécurité et le niveau de développement des réseaux soit réalisée. II considère nécessaire, afin que la concurrence ne se traduise pas par des pratiques de dumping social, une harmonisation vers le haut des normes sociales.
Le groupe CRC juge indispensable de mettre en place une véritable politique commune de développement des réseaux transeuropéens de fret ferroviaire intégrant les objectifs du développement durable, de protection de l'environnement, d'aménagement du territoire et de développement de l'emploi. Pour cela, il estime fondamental que soient élaborés à l'échelle européenne de véritables plans de financement s'appuyant sur la création de pôles publics financiers et permettant aux Etats d'entreprendre les investissements nécessaires en matière d'infrastructures nouvelles, de modernisation des réseaux actuels et de nouveaux réseaux dédiés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Percheron.
M. Daniel Percheron. Monsieur le ministre, je suis heureux de vous voir, ...
M. Daniel Percheron. ... non pour vous infliger un énième discours compétent et argumenté sur l'impuissance relative du rail ou sur l'avenir compromis du fret, mais pour confronter nos expériences d'élus et notre volonté, ainsi que pour savoir si nous pouvons agir ensemble.
Mon intervention aurait pu être, comme celle de mes collègues, notamment de mes collègues socialistes, totalement fondée et un peu paradoxale.
Je préfère dire que je crois en la SCNF, qui est l'entreprise ferroviaire la plus performante du monde. Je sais que sous votre férule, après d'autres peut-être, elle geint, elle souffre et elle réalise que vous pouvez parfois lui faire faire des bêtises. M. Carrère est d'ailleurs désespéré de la fermeture des « gares bois » au coeur des Landes, ...
M. Daniel Percheron. ... le premier massif forestier de France et au-delà. Là aussi, la présence de la SNCF doit être saluée.
Je voudrais vous raconter une petite histoire à usage national, qui sera plus parlante que bien des phrases, au sujet des chances et des malchances du fret ferroviaire et évoquer l'insoutenable légèreté de l'autre acteur du rail, RFF.
Dunkerque est le premier port ferroviaire de France. Celui-ci évacue 50 % à 60 % de son trafic par le rail, notamment par l'artère nord-est vers la Lorraine. Le pari du développement portuaire face à la redoutable concurrence de nos voisins du Benelux - Anvers, Rotterdam, Zeebrugge - et d'autres grands ports de l'axe rhénan est en train d'être gagné.
Cela étant, il faut moderniser la desserte ferroviaire. Je n'entrerai pas dans le détail, mais sachez que le barreau ferroviaire de Saint-Georges a ainsi besoin de 20 millions d'euros. Or figurez-vous que RFF s'est présenté à la région - à qui d'autre s'adresser ? - pour proposer un tableau de financement dans lequel le propriétaire du réseau n'investit pas un centime !
Monsieur le ministre, il y va de l'avenir du port de Dunkerque - où les bateaux chinois commencent à s'arrêter -, du transport des containeurs, du développement durable. Il y va également de la saturation intolérable de l'autoroute infernale qu'est l'A1 - la plus fréquentée de France. Bref, il y va tout simplement du développement du fret ferroviaire.
Sur les 20 millions d'euros nécessaires, l'Etat fait un tout petit geste. RFF ne fait rien ! Jusqu'à quand RFF sera-t-il cet acteur impuissant ?
Et si la fameuse cagnotte de 8 milliards d'euros dont vous nous parliez jadis, peut-être à juste titre ou de manière excessive, servait en partie au désendettement de RFF et de la SNCF ! Et si l'on offrait au développement durable et à l'ambition ferroviaire, partagés par toutes les collectivités locales, affirmés par la nation à travers son gouvernement, les moyens de se mettre enfin en mouvement !
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. Daniel Percheron. Sachez que c'est humiliant de discuter avec RFF. Mais je sais bien que, au gré des alternances, il faut recaser les préfets ...
M. Daniel Percheron. Donnez-nous plutôt un interlocuteur valable. Nous ne recherchons pas les mondanités ferroviaires, nous sommes demandeurs d'interlocuteurs, de patrons du ferroviaire.
Quand on rencontre le président de la SCNF, M. Gallois, cela a du sens ! Lorsque l'on est aux prises avec l'absence à RFF, les élus des grandes collectivités locales sont humilié ! Je le dis ici en tant que président de région.
Je voudrais vous raconter une autre petite histoire, qui est au coeur de notre débat. A l'instar d'une fable de La Fontaine, vous pourrez en tirer une morale ... ferroviaire.
Vous le savez, tous ensemble - Etat, Europe, collectivités locales -, nous avons investi 1 milliard de francs dans la plate-forme multimodale de Dourges, qui - comme le veut l'expression, mais elle est juste - est au coeur de l'Europe du nord-ouest.
Nous avons la dernière usine en Europe qui fabrique des wagons de marchandise, Arbel-Fauvet-Rail. Les deux autres, qui étaient roumaine et polonaise, sont passées sous capitaux américains et s'apprêtent à la tuer.
Cette société, comme le groupe Lohr, cherche un produit robuste, innovant, polyvalent, qui permettrait de mettre en même temps les camions et les containeurs sur le train. Les régions sont prêtes, comme elles l'ont fait pour le TER, à préfinancer des trains afin que la route roulante aille de Dourges jusqu'à Hendaye, ...
M. Jean-Louis Carrère. Absolument !
M. Daniel Percheron. ... et que 5 000 poids lourds, soit le tiers du trafic, prennent le rail à l'horizon de 2007 et de 2008. Pour cela, nous avons besoin d'un chef d'orchestre !
Entre Dourges, dans le Pas-de-Calais, et Hendaye, il existe un point dur sur le réseau, à savoir un tunnel. C'est l'occasion d'y bricoler le passage du gabarit spécifique, d'intégrer des wagons surbaissés. Ce serait ainsi le début du ferroutage, symbole de notre volonté de le réussir.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
M. Daniel Percheron. De qui cela dépend-il ? De vous !
Il faut que RFF nous réponde. Le marché existe, nous sommes prêts à lui donner des signes et à lui apporter les subventions qui le mettront en mouvement. Alors, place au gouvernement de la France ! Sinon, les régions se prendront en main, malgré les coordinations toujours difficiles et aléatoires.
Aujourd'hui, la France régionale est rose, vous ne le savez que trop. Du Nord-Pas-de Calais jusqu'à l'Aquitaine, en passant par l'Ile-de-France, nous réaliserons avec vous, ou malgré vous, cette autoroute roulante que nous réclament tous les habitants, tous les décideurs, et que le marché, c'est-à-dire les transporteurs, semble prêt à accepter.
Je voudrais maintenant vous parler de l'usine Arbel-Fauvet-Rail.
La région l'a sauvée - c'était la dernière usine - grâce à une avance remboursable. Tout cela pour vous dire à quel point nous attendons de votre part - car le rail est un, et tout se tient - un appui pour les pôles de compétitivité, pour la recherche.
Le Valenciennois abrite le premier pôle de compétitivité ferroviaire du monde.
M. Jean-Louis Carrère. Oui !
M. Daniel Percheron. Nous sommes prêts à faire les investissements démesurés qu'exige la piste d'essai complémentaire. Nous sommes en train de rassembler les chercheurs ; les deux plus grands constructeurs de matériel ferroviaire du monde y sont d'ailleurs implantés. Là aussi, nous pouvons donner une illustration vivante, convaincante, prometteuse de notre volonté de développer le rail.
J'en viens pour terminer à la médiocrité de l'Europe, qui, l'affaire est entendue, n'est plus une Europe-puissance, afin d'évoquer deux aspects.
Le premier concerne le fameux système ERTMS, European railway traffic management system. Sans entrer dans le développement savant des cantons, de la sécurité et des décisions exemplaires prises jadis par la SNCF, ce système augmenterait de 20 % à 40 %, à sécurité constante, la capacité de notre réseau.
La Commission semble absolument vouloir mettre en mouvement le système ERTMS. Nous sommes prêts, car cela ne coûte pas très cher, à en équiper les voies, voire nos matériels. Nous avons là aussi besoin d'un geste très fort, d'une volonté minimale de l'Etat et des deux grands partenaires que sont la SNCF et RFF.
Vous le savez, monsieur le ministre, vous qui êtes un fervent européen, vous qui venez de Picardie, l'Europe est plus que jamais nécessaire. C'est pourquoi le miracle européen doit être préservé.
Croyez-vous que, dans ce débat où nous allons confronter nos limites, nos bonnes volontés sur l'avenir du transport ferroviaire, nous puissions nous contenter de 1 % du budget de la nation, de 1 % de la richesse des nations européennes afin que l'Europe ferroviaire, le marché unique des transports, plus ou moins libéralisé - plus que moins, d'ailleurs -, voient enfin le jour ?
Le développement durable s'appuiera-t-il sur une volonté européenne ?
Monsieur le ministre, vous qui êtes si indépendant et, par certains côtés, si convaincant - je pense à la sécurité routière -, consacrer 1 % du budget européen signifie-t-il que nous abandonnons la perspective européenne en matière de transport, d'infrastructure, de service public de la mobilité des Européens, aux lois du marchés ?
Vous le savez comme moi, le marché est myope, il peut même être aveugle. Dans le domaine des transports, si on ne le corrige pas, il se trompe.
Après les remarquables interventions généralistes qui viennent d'être faites, voilà ce que je tenais à dire.
Je ne doute pas qu'avec votre conviction, monsieur le ministre, vous pourrez apporter un début de réponse aux élus locaux qui se rassemblent comme rarement autour de l'ambition ferroviaire, du développement durable, de l'aménagement du plus vieil Etat-nation du monde qui ne demande qu'à vivre harmonieusement à l'heure des grands échanges mondiaux et européens. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, beaucoup a été dit en matière de fret ferroviaire, ce qui devrait me permettre d'être relativement bref.
L'importance du fret ferroviaire, quelles que soient les sensibilités politiques, n'échappe à personne. La route est de plus en plus engorgée, le coût social des transports routiers devient insupportable et, pour autant, on constate une baisse relative du fret ferroviaire par rapport à l'ensemble du trafic de marchandises.
Bien entendu, les causes en sont multiples.
Tout d'abord, les prix apparaissent comme peu attractifs aux yeux des clients.
Ensuite, l'attitude de la SNCF est souvent frileuse, ou à tout le moins peu agressive ; le problème de RFF a, en outre, été évoqué. La volonté, il faut bien en convenir, est peu marquée : la SNCF s'est attachée à avoir une bonne image de marque en matière de transport de voyageurs, notamment sur les trains à grande vitesse, mais son image s'est dégradée au fil du temps s'agissant des marchandises.
De surcroît, la volonté de la SNCF à moyen ou à long terme n'est guère visible. Si l'on ajoute la fermeture ou la désaffection d'un certain nombre de lignes, il est clair que peu d'éléments plaident en faveur de l'évolution du trafic de marchandises.
Pourtant, dans les déclarations politiques de toutes sensibilités, voire dans les médias, tout le monde s'accorde à reconnaître que nous sommes au coeur du développement durable,...
M. Raymond Courrière. Mais personne ne fait rien !
M. François Fortassin. ...mais ce sont la plupart du temps des déclarations incantatoires !
Qu'attendons-nous, pour notre part, de l'Etat ?
Si nous laissons les choses se dérouler naturellement, le fret ferroviaire continuera à baisser. Il faut donc une volonté politique forte, laquelle va quelquefois à l'encontre des lois du marché...
M. Jean-Louis Carrère. Eh oui !
M. François Fortassin. C'est le sens même du combat politique, car, à la limite, il n'est nul besoin d'élus dans un pays s'il s'agit simplement de laisser les choses se développer naturellement !
Nous attendons de votre part un signe fort, monsieur le ministre, pour que les marchandises pondéreuses non périssables circulent en priorité par le chemin de fer.
J'évoquerai pour conclure un symbole qui, à mes yeux, est assez catastrophique. Le département du Lot, mon collègue et ami André Boyer en parlerait beaucoup mieux que moi, abrite une usine qui fabrique des traverses de chemin de fer. Eh bien, la SNCF fait circuler ce produit non plus par le rail mais par la route !
M. Jean-Louis Carrère. C'est comme le PDG de la SNCF qui circule par la route !
M. François Fortassin. Quand on en arrive à de tels paradoxes, il y a du chemin à parcourir pour mettre en accord notre volonté politique et les faits sur le terrain. Mais nous sommes là, monsieur le ministre, pour vous soutenir si vous allez dans le bon sens ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur celles du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Mortemousque.
M. Dominique Mortemousque. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, M. Serge Vinçon m'a demandé de le suppléer. Je le fais avec d'autant plus de plaisir que Daniel Reiner, dans son propos introductif, a évoqué la Dordogne. Il a cité les cas de Le Buisson-de-Cadouin et de Condat-Le Lardin. Or je veux lui préciser que ces deux sites recouvrent des réalités fondamentalement différentes.
Pour Le Buisson-de-Cadouin, je dirai, peut-être avec une certaine amertume, que les arguments liés à l'activité étaient moins forts. Mais, à Condat-Le Lardin, M. le ministre le sait, la situation n'est pas normale et j'espère qu'il y sera remédié.
Vous avez fait allusion à la RN 89, mais je veux également citer l'autoroute A 89. Comme par hasard, un tronçon est justement inachevé, en raison d'un conflit local pour savoir s'il convient de réaliser une ouverture ou un pont, à la suite de différentes catastrophes. Comme quoi, les tergiversations font parfois du tort !
J'en viens aux propos que mon collègue Serge Vinçon m'a demandé de vous transmettre.
La relance du fret ferroviaire est un enjeu économique pour les entreprises, au premier chef pour la SNCF, et un impératif environnemental, au titre de la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
L'amélioration de la compétitivité est d'autant plus nécessaire que le secteur du fret s'ouvre à la concurrence et que notre premier partenaire économique, l'Allemagne, a un réseau fret plus performant et mieux maillé que le nôtre. La réflexion doit alors porter plus particulièrement sur la possibilité de lignes dédiées et sur le coût du chargement des trains.
La France dispose de l'une des toutes premières flottes de wagons de marchandises en Europe, avec un parc de 110 000 unités, dont plus de 60 000 sont issues d'investissements privés. Leur âge moyen est certes élevé, puisqu'il est d'environ vingt-sept ans, mais leur état de marche est parfait et tout à fait adapté aux besoins des clients du fret ferroviaire.
Plusieurs directives européennes, transposées en droit français, permettent l'utilisation du réseau ferré national par les entreprises ferroviaires de l'Union européenne qui veulent offrir des services internationaux de fret ferroviaire. L'ouverture à la concurrence, dans ce domaine, s'amorce donc.
Face à cette situation, la SNCF a décidé, le 19 novembre 2003, un plan de redressement consistant en la mise en place d'une nouvelle organisation de la production, afin d'améliorer la qualité du service.
Pour accompagner ces changements, 800 millions d'euros d'aide publique pourraient être consacrés à la relance du fret. Les autorités communautaires accepteront-elles ce plan ? La question se pose. Elles sont à ce jour réservées. La direction générale de la concurrence de la Commission européenne demande la filialisation de l'activité fret. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des précisions sur ce sujet qui aura un impact décisif sur l'avenir du fret dans notre pays ?
La question orale de notre collègue Daniel Reiner nous permet de faire le point sur la mise en oeuvre du « plan fret » 2006, mais nous discutons de l'avenir de nos infrastructures et de leur financement depuis de nombreux mois déjà. J'en veux pour preuve le débat qui s'est tenu au Sénat en juin 2003. Par la suite, le Gouvernement a courageusement pris un certain nombre de décisions, notamment lors du CIADT et, en ce début d'année, avec l'installation de l'Agence de financement des infrastructures.
M. Jean-Louis Carrère. Il va falloir qu'il paie !
M. Dominique Mortemousque. Je saisis cette occasion pour vous alerter, monsieur le ministre, sur la situation des entreprises françaises de fabrication et de maintenance des wagons de transport de marchandises.
« Le mode ferroviaire ne transporte plus en France que 20 % du volume de marchandises », constataient, en 2003, nos collègues Hubert Haenel et François Gerbaud dans leur excellent rapport.
M. Dominique Mortemousque. Une des ambitions alors affichées était de ramener la part modale de la route dans le transport de fret terrestre de 75 % à 50 % du total transporté, en sachant que la croissance des trafics doit se confirmer. En effet, le transport de marchandises dépend de la croissance économique, mais aussi de l'internationalisation de l'économie et de l'ouverture des frontières liée aux élargissements successifs de l'Union européenne.
En cet instant, nous pouvons nous réjouir des ambitions retrouvées de la SNCF qui, à travers son budget, fait de 2005 une année charnière avant le début effectif de la libéralisation du fret ferroviaire. Elle prévoit des investissements élevés, soit 2,2 milliards d'euros, destinés pour les deux tiers à des matériels neufs, dont trente-trois locomotives de fret.
Si le « plan fret » a recueilli l'assentiment des chargeurs, soulignant de manière crédible l'engagement de la SNCF dans une réforme de grande ampleur, il s'agit maintenant de le réussir.
Les conditions de la réussite me semblent se trouver d'abord dans la nécessaire concertation entre tous les acteurs, notamment quant aux décisions de fermeture de gares, de lignes ou de dessertes.
Le centre de suivi de la clientèle doit, quant à lui, améliorer son fonctionnement pour être le point de contact unique entre les clients et la SNCF.
Ensuite, la question de la tarification des retours à vide doit être résolue de manière acceptable pour toutes les parties.
A l'international, le suivi « origine-destination » des acheminements nécessite une organisation européenne de tracking et une convergence aussi rapide que possible des systèmes informatiques des principaux réseaux européens.
Par ailleurs, favoriser les modes alternatifs à la route pour le transport des marchandises suppose l'entretien et la modernisation des infrastructures existantes, mais aussi l'adaptation du transporteur, qui doit obtenir les gains de productivité qu'il s'est fixés pour être compétitif.
S'agissant de l'entretien du réseau, la faiblesse des crédits d'entretien des voies - le constat s'impose - a pour conséquence le ralentissement des trains sur les réseaux TER.
Enfin, la réussite du « plan fret » 2006 dépend des entreprises. N'oublions pas qu'en amont et en aval du transport de fret vivent des entreprises de fabrication et de maintenance des wagons, ce qui suppose un personnel nombreux ; cela représente environ 30 000 emplois en France.
L'année 2004 a été caractérisée, chez elles, par une réduction sensible du nombre d'heures travaillées dans la maintenance et par une baisse tout aussi sensible du nombre de wagons neufs. De 2002 à 2004, les heures produites ont diminué de 16 %.
Ces baisses de commandes interviennent dans un contexte de forte concurrence des sociétés d'Europe centrale et de l'Est.
Derrière ces enjeux, il est bien évidemment question d'un nombre conséquent d'emplois dans plusieurs secteurs géographiques de notre territoire. Entre 2002 et 2004, on note déjà une baisse de 5 % des effectifs.
Monsieur le ministre, tout en vous apportant notre total soutien dans l'action que vous menez pour conforter le fret ferroviaire, je vous serais reconnaissant de bien vouloir donner des réponses aux acteurs industriels et commerciaux ou propriétaires du fret ferroviaire. Ils attendent d'être confortés dans leurs choix d'investissement et dans leur stratégie de développement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard.
M. Yann Gaillard. Monsieur le ministre, je veux vous raconter une triste histoire : celle du transport du bois par la SNCF.
Avant les vacances de l'été 2004, certains de mes collègues s'étaient émus de la crise qui menaçait de s'ouvrir dans les relations entre la SNCF et les professionnels de la filière bois au sujet des mesures prévues par le plan de restructuration de l'activité fret de la SNCF.
Le chef du service du fret m'avait d'ailleurs proposé, en ma qualité de président de la Fédération nationale des communes forestières de France, d'engager une concertation. Elle a eu lieu, ce fut une erreur tactique, dans les locaux de la SNCF : tout l'establishment, tout l'état-major et tous les technico-commerciaux de la SNCF nous ont reçus et un certain nombre de réunions ont été organisées.
Je comprends bien les raisons, maintes fois évoquées par mes collègues au cours de cette très intéressante séance, qui ont amené la SNCF à mettre en place ce plan de redressement ; elles nous ont été exposées avec beaucoup de compétence et de gentillesse. Je dois dire qu'il m'a semblé que j'assistais à un cours du soir : l'économie de la SNCF, ses problèmes financiers nous ont été décrits. Mon impression a été la même que celle de M. Percheron ; pour une fois, bien que n'appartenant pas au même camp, nous nous sommes rencontrés, mais il est vrai qu'il ne s'agit pas d'une question politique !
Le président de la Fédération nationale des communes forestières de France que je suis n'a participé à cette concertation que comme observateur : il s'agissait d'une conférence entre le transporteur et les « transportés », à savoir avant tout la Fédération nationale du bois.
Toutefois, je n'ai pu m'empêcher d'être inquiet, car le secteur du transport du bois est tout particulièrement visé par le plan de la SNCF, même si le mode ferroviaire y est minoritaire, puisqu'il ne couvre que 5 % des parts de marché.
Forte dispersion des trafics et caractère déficitaire du secteur, telles sont les raisons qui ont conduit la SNCF à envisager la suppression de dessertes - 50% des « gares bois » - et une augmentation des tarifs de 18 %.
Les conséquences pour les marchés du bois en seront insupportables. Sachant que le transport représente en moyenne 40 % du prix du bois rendu usine, le bois français risque de devenir peu compétitif. D'autant qu'il n'est toujours pas possible de remplacer le rail par la route à un prix raisonnable, la hausse du prix pétrole n'arrangeant rien à l'affaire.
Il ne faut pas oublier non plus l'aspect environnemental d'un tel transfert, aspect longuement exposé par un certain nombre de mes collègues. Le transfert du rail vers la route de deux millions de tonnes par an de bois transportés entraîne déjà 100 000 mouvements supplémentaires de camions grumiers. Cela va à l'encontre de la politique de stabilisation des émissions de gaz à effet de serre.
Les professionnels de la filière bois entendaient bien réfléchir sur l'inévitable fermeture d'un certain nombre de « gares bois ». Toutefois, ils n'acceptaient pas d'être sous la menace d'une hausse tarifaire, alors même que n'aurait pas été mis en place un dispositif résultant d'une carte établie d'un commun accord.
Après une première réunion, le 22 juillet dernier, les deux parties, SNCF et filière bois, avaient donc décidé de travailler ensemble à la préparation d'un plan « gares bois ». Elles ont listé une centaine de gares à conserver, à court terme, contre 207 gares qui étaient ouvertes, la question des hausses tarifaires ne devant être évoquée qu'à l'occasion d'une réunion prévue en septembre 2004.
Or, une lettre de la direction du fret, adressée à la Fédération nationale des communes forestières de France, en date du 30 juillet 2004, avait une toute autre tonalité. Elle annonçait en effet que la hausse tarifaire de 18 % s'appliquerait le 1er septembre 2004 et était déjà accompagnée d'un projet de liste de 46 « gares bois » à fermer.
Après concertation, la profession décidait d'adopter la positions suivante : travailler avec la SNCF sur un plan « gares bois », mais ne pas l'entériner, ne pas prendre la moindre responsabilité. En effet, il s'agissait non pas d'un plan commun, mais de l'application du célèbre principe : je te propose un contrat que tu n'auras pas le pouvoir de refuser !
Une dernière réunion a prouvé que nous ne pouvions pas aboutir. Il n'y a pas eu de rupture, la SNCF ayant même affirmé son attachement au maintien d'un certain volume de fret bois. Cependant, il n'était pas question, pour elle, de revenir sur la hausse des tarifs.
La profession a éprouvé une sorte de résignation ; on a bien senti que le fret bois était pratiquement condamné. C'est un constat amer que de voir la carte des gares fermées par la SNCF se dessiner peu à peu !
Le 18 janvier, M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture, a eu la bonne idée de réunir autour de lui tous les acteurs de la filière bois, initiative que n'avait pas eue son prédécesseur. Le problème du transport du bois a été l'une des premières questions évoquées à cette occasion, car c'est un sujet très important pour l'économie.
Le résultat, c'est vous, monsieur le ministre, qui devez le gérer maintenant. Evoquer le transport par voie routière nous conduit, en effet, à rappeler la loi d'orientation forestière de juillet 2001, laquelle ouvrait la possibilité d'augmenter les tonnages pour les transports de bois ronds sur des itinéraires dûment arrêtés par les autorité publiques compétentes dans le département, diminuant ainsi le nombre de camions sur la route.
La circulaire d'application relative aux itinéraires spécifiques a été publiée en juillet 2004. Ils sont définis par arrêté préfectoral, mais nous constatons que, d'un département à l'autre, les pratiques varient, qu'il n'existe pas de réelle coordination. Ce problème est certes le nôtre, monsieur le ministre, mais c'est aussi le vôtre ! Ce que vous gagnez du côté du transport ferroviaire, vous le perdez sur la route, et inversement.
Je suis donc très inquiet au sujet de cette affaire.
Monsieur le ministre, mon propos ne fait que s'ajouter à la liste des regrets entendus cet après-midi. J'attends votre réponse sans trop d'impatience ni trop d'illusion ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie très sincèrement de vos interventions, toutes plus intéressantes et plus riches les unes que les autres. Cela témoigne que le « plan fret » était une préoccupation que la SNCF, les entreprises, les parlementaires et, bien souvent aussi, les élus locaux ont en partage. Il est également une préoccupation essentielle pour le Gouvernement.
Je remercie sincèrement M. Reiner, auteur de la question. Grâce à lui, certains ont pu exprimer leurs préoccupations, suggérer des pistes pour relancer le fret ferroviaire, et le Gouvernement s'est vu offrir l'occasion d'exposer ce qui est véritablement une nouvelle politique en la matière.
Oui, monsieur Gerbaud, vous avez eu le mot juste : il s'agit bien du plan de la dernière chance pour le fret ferroviaire ! Il doit en tout cas être pris comme tel, c'est-à-dire avec le sérieux qui convient, voire, parfois, avec les angoisses qui l'accompagnent.
Par ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, il ne faut pas jouer avec les mot ni faire peur. Ainsi, j'ai entendu dire que le Gouvernement souhaitait « filialiser » : vous savez bien que tel n'est pas le cas !
Plutôt que de jouer sur les peurs, voyons comment nous pouvons, ensemble, compte tenu de nos préoccupations, mais aussi avec nos propositions, faire en sorte que ce plan réussisse.
Certes, certains d'entre vous le jugent imparfait ; il n'en reste pas moins que j'y ai mis tout mon coeur pour le promouvoir, avec la SNCF, car - j'y insiste - c'est le plan de la dernière chance.
Je souhaite tout d'abord resituer le « plan fret » dans son contexte d'urgence - le mot est faible - pour vous montrer que les mesures prises s'imposaient de toute façon. Nous n'avions donc pas le choix.
Puis, je vous rappellerai brièvement le contenu de ce plan ainsi que les changements radicaux - certains les trouvent parfois trop radicaux, et je les comprends ! - par rapport à la gestion passée.
Je commenterai, enfin, rapidement l'état d'avancement de ce plan, après seulement une année de mise en oeuvre. Je dispose à cet égard de chiffres plus récents que ceux qui ont été cités tout à l'heure et vous pourrez constater, mesdames, messieurs les sénateurs, combien les choses ont tout de même progressé.
Pour autant, nous ne sommes que dans la première moitié du plan, et l'effort qui reste à fournir pour les années 2005 et 2006 est considérable. Cependant, je n'hésiterai pas, s'agissant du plan de la dernière chance.
Le « plan fret », tout d'abord, est une réponse responsable et, j'ose le dire, courageuse. Je ne m'attribue pas ce courage ; je l'attribue aux acteurs qui ont proposé ce plan et qui, aujourd'hui, le mettent en place.
Je rappelle que, avec 47 milliards de tonnes/kilomètre transportées, le transport de marchandises par le fer occupait une part modale de 13 %, contre environ 80 % pour le transport routier. Telle était la situation.
Cette part du chemin de fer était en complet déclin, vous l'avez souligné, mesdames, messieurs les sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez. Elle chutait régulièrement de 1 % par an depuis vingt ans. Entre 2000 et 2002, ce sont plus de 7 % de trafics qui ont été perdus !
L'accroissement indéfini des pertes de cette activité au sein de la SNCF, grande maison mais financièrement fragile, appelait des mesures d'un tout autre ordre, ne serait-ce que pour des raisons de logique financière rappelées avec insistance par les institutions de l'Union européenne.
En effet, il est impossible de réinjecter indéfiniment des fonds publics dans une entreprise qui est soumise à la concurrence, ou qui le sera à l'avenir. Or, en 2003, la perte courante de la SNCF a été égale au quart de son chiffre d'affaires au titre de son activité fret, soit 450 millions d'euros pour un chiffre d'affaires de 1,8 milliard d'euros. J'insiste donc sur ce point : la SNCF n'avait pas le choix
Politique de volume tous azimuts et à n'importe quel prix, absence de stratégie de développement, perte de parts de marché, vieillissement considérable et mauvaise organisation de l'outil de production, mauvaise productivité, qualité de service dénoncée par presque tous les clients : à la veille de l'ouverture à la concurrence, l'état d'urgence était proclamé.
Le rapport rédigé en 2003 pour le Premier ministre par MM. Gerbaud et Haenel, rapport qualifié par tous d'excellent - qu'ils en soient ici tous deux chaleureusement remercié - a constitué une photographie claire de la situation. Selon eux, « le fret ferroviaire français n'est pas à la hauteur des enjeux »
Une véritable stratégie pour une politique du fret ferroviaire opérationnelle à court et à moyen terme en a donc résulté, impliquant une réorganisation complète et une mobilisation de tous les partenaires.
En effet, le mode de transport ferroviaire présente de nombreux avantages - quelles que soient les travées sur lesquelles vous vous trouvez, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez été unanimes sur ce point -, notamment environnementaux. Oui, madame Gourault, vous avez mille fois raison : en matière d'environnement et de sécurité, qu'y a-t-il de mieux que le fret ferroviaire ?
Le Gouvernement est sensible à ces avantages. C'est la raison pour laquelle il a décidé et mis en place le « plan fret » 2006. Ce plan obéit à une stratégie claire : il a pour objet un retour à l'équilibre du compte de l'activité, soit - je le confirme - un gain en résultat net de 450 millions d'euros, au terme de la troisième année.
Ce plan vise également à accroître la qualité et la compétitivité, et constitue un programme de développement des trafics, à partir de 2007 au plus tard.
L'objectif de ce plan est de doter la branche fret de la SNCF d'une structure financière et d'un modèle d'organisation sains afin de retrouver une croissance durable et pérenne de 3 % par an à partir de 2007. L'objectif est fixé.
Ce plan se compose de quatre mesures clés.
Premièrement, ce plan prévoit de revoir entièrement l'outil de production, avec une relocalisation des établissements de traction - quinze au lieu de vingt-sept -, la mise en place de grands axes gérés par un système d'information centralisé, une gestion efficace des wagons et une organisation modernisée des acheminements.
Deuxièmement, ce plan tend à améliorer la productivité. Globalement, l'objectif fixé est de faire un effort de productivité de 360 millions d'euros sur les 450 millions d'euros à regagner en résultat brut. Les ateliers de maintenance ont ainsi été restructurés et des investissements à hauteur de plus d'un milliard d'euros sur cinq ans, dont la moitié résultera d'ailleurs du plan Fret 2006, seront consentis pour moderniser le matériel roulant et les systèmes d'information. La moyenne d'âge du matériel roulant sera ainsi ramenée de trente à vingt ans en 2010, grâce aux 210 locomotives électriques en cours de livraison et aux 400 locomotives Diesel qui seront livrées à partir de 2007.
Troisièmement, ce plan vise à reconquérir la confiance des clients. Ceux-ci se gagnent avec des prix, avec un produit, mais également avec la confiance, comme M. Haenel le sait bien. Il faut donc revenir à une qualité de service garantie : toute la chaîne logistique est réorganisée avec chaque client afin d'assurer un service « de bout en bout ». Dans une logique commune d'approvisionnements plus massifs, de chargements plus efficaces et de prévisions plus fines des volumes, le service rendu est alors fiabilisé et la qualité du service accrue.
Quatrièmement, enfin, ce plan prévoit l'adoption d'une nouvelle politique commerciale, fondée sur les marges plutôt que sur le volume. Comment, en effet, faire du transport si l'on ne dégage pas de marges ? Il a été estimé que certains tarifs de fret de la SNCF étaient deux fois inférieurs à ceux de la concurrence. Cela ne peut plus durer. Or la SNCF n'a pas, dans le domaine du fret, d'obligation spécifique de service public. Il est donc impératif de se dégager de ces trafics complètement minoritaires et sous-tarifaires qui pénalisent le reste de l'activité.
Si l'on se recentre sur les transports pour lesquels le mode est vraiment compétitif parce que pertinent, les flux à distance moyenne ou longue peuvent être massifiés, directs et prévisibles. Les tarifs proposés sont alors fondés sur la réalité des coûts et la comparaison des prestations et des prix des concurrents, tout cela grâce à une négociation poussée avec les clients.
Conformément au rapport Haenel-Gerbaud, nous concentrons le trafic non pas sur les clients ou les marchés rentables, mais sur les flux pertinents. Il s'agit là, à mon avis, de la clé du succès : il faut concentrer le trafic sur les flux pertinents !
M. Hubert Haenel. C'est vrai !
M. Gilles de Robien, ministre. Si l'on choisit des flux qui ne sont pas pertinents, on pourra toujours casser les prix, rien n'y fera ! Les wagons ne se rempliront plus, il n'y aura plus de recettes, les lignes seront déficitaires, la SNCF l'étant à son tour et risquant sa pérennité.
Convaincu de la réussite de ce plan, mais également de son caractère inéluctable pour faire renaître le fret à la SNCF et lui donner toutes les chances de se développer, l'Etat a décidé d'y consacrer les moyens nécessaires. Il le financera à hauteur de 800 millions d'euros - aussitôt, bien sûr, après la décision de la Commission qui, je l'espère, sera rendue au début du mois de février -, tandis que la SNCF, en vendant des actifs, apportera 700 millions d'euros.
S'agissant de l'aide et de la décision de Bruxelles, messieurs Reiner et Mortemousque, je vous confirme que c'est bien une autonomisation financière, et non juridique, de l'activité qui nous est demandée. Il n'est donc en aucun cas question de remettre en cause le statut d'EPIC de la SNCF ou celui des cheminots, comme je l'ai d'ailleurs directement confirmé à ces derniers.
Il ne convient pas de parler de « filialisation », monsieur Krattinger. Vous avez indiqué que nous éludions ce terme ; mais pourquoi l'employer alors qu'il n'est absolument pas question de filialisation ? Ne faisons pas peur aux cheminots, qui ont le courage de se retrousser les manches pour que le plan Fret 2006 réussisse.
Un véritable plan de retour à la compétitivité, une amélioration des prestations des cheminots et de la qualité du service rendu, des moyens financiers consacrés à ce plan : vous le voyez, les convictions de ce gouvernement se traduisent dans les faits ! Il a beaucoup été question de discours. Monsieur Reiner, pour ce gouvernement, les discours, les convictions et les faits, qui se mesurent d'ailleurs en espèces sonnantes et trébuchantes - 800 millions d'euros, et imaginez ce que cela fait en francs ! -, se rejoignent.
Avez-vous, au cours de votre brillante carrière, monsieur le sénateur, connu pareil effort de la part des pouvoirs publics en faveur du fret ?
M. Hubert Haenel. Non !
M. Gilles de Robien, ministre. Il s'agit d'un effort considérable et sans précédent au cours des dernières décennies.
Madame Gourault, vous avez à juste titre évoqué les schémas de services collectifs de transport, qui ont sept ans. Ils n'ont jamais été mis en application, et je m'exprime devant des experts. Si le gouvernement précédent y avait prévu un volume d'activité de 100 milliards de tonnes kilométriques, il n'y avait en revanche affecté aucun moyen.
M. Daniel Reiner. C'était un scénario !
M. Gilles de Robien, ministre. Nous ne sommes ni au théâtre ni au cinéma ! Le fret ferroviaire, c'est très concret. Monsieur Reiner, je vais le dire à votre place : à peine la moitié de ce volume d'activité a été atteinte en 2002. Telle est la situation que nous avons trouvée.
M. Daniel Reiner. Je le sais !
M. Gilles de Robien, ministre. Nous le constatons tous.
Alors que certains ont crié, un peu trop fort à mon sens, leur volonté de doubler le trafic du fret en dix ans - on peut toujours le dire -, leurs voeux pieux n'ont jamais été traduits dans les faits, bien au contraire. Ce laisser-aller a conduit à la situation que je viens de vous décrire et que vous venez de confirmer, monsieur Reiner, en soulignant la perte des parts de marché au cours des dernières décennies.
La première année d'application, en cours, ...
M. Hubert Haenel. Elle n'est pas mal !
M. Gilles de Robien, ministre. Elle n'est pas mal, vous avez raison, monsieur Haenel, mais ne vendons pas la peau de l'ours, ce plan n'est pas encore terminé.
Cette première année démontre l'efficacité du plan Fret 2006. Les efforts sont perceptibles dans les résultats obtenus un an après sa mise en place. Vous l'avez d'ailleurs également souligné, monsieur Reiner, ce dont je vous remercie.
En termes de trafics et de recettes, les résultats à la fin de l'année 2004 - monsieur Billout, vos chiffres datent du mois d'août, permettez-moi de vous en donner de plus récents, de plus précis et donc de plus réalistes - sont conformes au plan, avec plus de 45 milliards de tonnes kilométriques. A la fin de l'année dernière, 3,5 millions de tonnes de nouveaux trafics ont été gagnés, ce qui représente, selon les charges transportées, quelque 100 000 camions en moins sur les routes, les trafics abandonnés dans toute la France en 2004 équivalant également à ce chiffre, soit ce qui passe sur une seule de nos routes départementales. C'est relativement peu, et il faut savoir relativiser les choses.
Les marchés qui sont au coeur de la cible du transport ferroviaire sont stables, voire en croissance, comme l'automobile ou le charbon. A l'opposé, trop coûteux en moyens, les flux supprimés ne dépassent pas la proportion de 2 % du trafic global du fret de la SNCF. Environ 100 prestations de transport ont ainsi été arrêtées en 2004. Il reste que 1 500 gares ne sont encore desservies que par deux ou trois wagons par semaine et que 80 % des dessertes sont encore déficitaires.
L'augmentation moyenne des prix n'a pas dépassé 5 % en 2004 - il ne s'agit donc pas du tout de progressions de 30 ou 40 %, comme je l'ai entendu dire ! -, mais les recettes sont supérieures aux objectifs.
La productivité a connu une forte augmentation : le nombre de wagons est passé de 38 000 à la fin de l'année 2003 à 32 000 à la fin de l'année 2004, et le remplissage des trains a progressé de 7 % ; 10 % de matériels roulants et 5 % de moyens de conduite ont été économisés alors que le trafic est demeuré inchangé. Ainsi le parc des locomotives utilisées pour le fret est-il passé de 1 900 unités en janvier 2004 à 1 630 en janvier 2005. Ce sont 30 % des engins les plus âgés qui ont été retirés du service, ce qui a amélioré la disponibilité.
La priorité a réellement été donnée à la qualité et au service aux clients : la ponctualité des acheminements a été améliorée de 7 %. Or, la ponctualité est importante pour un client. Le nombre de trains calés, c'est-à-dire de trains qui ne démarrent pas, a été considérablement réduit depuis un an et s'établit aujourd'hui à moins de 2 %.
La concertation s'est également bien déroulée, après un début d'année difficile - je l'admets volontiers, monsieur Reiner - lié bien entendu à la mise en place du plan. La concertation a été active, en particulier avec les clients.
Monsieur Fortassin, un accord a été conclu dans le secteur des granulats, avec l'objectif de tripler le volume du trafic et d'augmenter les tarifs de 5 % en moyenne à partir de 2005.
Dans le secteur du bois, la concertation a souvent été longue du fait d'une organisation peu lisible des interlocuteurs. Les responsables régionaux et nationaux de la SNCF ont toutefois rencontré 400 chargeurs, monsieur Gaillard.
Tous les acteurs des secteurs d'activité concernés ont été invités à de telles réunions afin de trouver des solutions aux questions tarifaires et d'organisation des flux. Si la hausse tarifaire a été de 5 % en moyenne en 2004, des augmentations différenciées ont néanmoins pu être appliquées selon les types de trafics pour assurer le rattrapage qui s'imposait dans les secteurs manifestement considérablement sous-tarifés.
La concertation a également eu lieu avec les élus, dans chaque région, pour présenter le plan Fret 2006 ou évoquer la situation de certaines filières. J'ai également missionné M. Jacques Chauvineau pour faciliter les contacts entre la SNCF, les régions et les services de l'Etat.
Oui, monsieur Mortemousque, ces contacts doivent faciliter le dialogue entre les entreprises d'une région, les conseils économiques et sociaux et la SNCF. De nouvelles organisations logistiques pourront en découler, afin de densifier les flux et de ne pas interrompre la desserte par le ferroviaire d'entreprises ou de gares.
Vous le voyez, avec une réduction des journées de service de traction, une qualité de service accrue, le tout avec un niveau de trafic constant, les bases d'un véritable retour à la compétitivité du fret ferroviaire sont enfin perceptibles.
Je tiens à en féliciter ici les agents de la SNCF,...
M. Hubert Haenel. Tout à fait !
M. Gilles de Robien, ministre. ...et je m'associe pleinement aux hommages que vous leur avez rendus, monsieur Krattinger, qu'ils appartiennent à la branche fret ou qu'ils travaillent pour elle, à la maintenance ou à la traction. Le dernier accord signé avec la traction illustre bien la polyvalence accrue des agents. C'est très important. (MM. François Gerbaud et Hubert Haenel acquiescent.) Les efforts des agents de la SNCF commencent à payer, il faut maintenant les poursuivre et saluer la capacité d'acceptation sociale du changement en matière de fret.
Comme vous l'avez souligné, monsieur Gerbaud, la qualité de la concertation au sein de la SNCF s'améliore. J'ajouterai, si vous me le permettez, qu'il en est de même s'agissant de la responsabilisation. En effet, la semaine dernière, lors de la grève, la SNCF avait deux priorités en termes de continuité du service : le Transilien et le fret, comme les usagers l'ont, me semble-t-il, eux-mêmes constaté.
M. Hubert Haenel. Tout à fait !
M. Gilles de Robien, ministre. Cette continuité, nous la devons à l'ensemble des agents de la SNCF.
Il faut saluer l'accord du 28 octobre 2004 sur l'amélioration du dialogue social et la prévention des conflits, prometteur pour d'autres accords à venir. Il constitue un véritable progrès. Qui peut nier en effet avoir lu dans tous les quotidiens les horaires de tous les trains qui circuleraient le jour de la grève ? Ces horaires se sont révélés justes pour la plupart, pour ne pas dire tous.
M. Hubert Haenel. Oui !
M. Gilles de Robien, ministre. C'est la première fois que les usagers sont respectés et qu'ils ne se retrouvent pas piégés en arrivant à la gare le jour d'une grève.
M. Daniel Reiner. Et voilà, monsieur Seillière !
M. Gilles de Robien, ministre. Comme je l'ai déjà indiqué, mesdames, messieurs les sénateurs, l'effort qui devra être fourni en 2005 et en 2006 reste considérable.
La qualité, la productivité, la prévisibilité des trafics, mais aussi la concertation doivent encore être améliorées, pour abaisser le coût de vente de la prestation et rendre le fret plus compétitif. J'encourage donc tous les agents de la SNCF à poursuivre ces efforts.
Le président Gallois...
M. Hubert Haenel. C'est un bon président !
M. Gilles de Robien, ministre. ... en est bien conscient, puisqu'il a retenu la réussite du plan fret dans ses priorités de 2005.
Vous savez aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, que le plan sur lequel vous vous posez des questions et à propos duquel vous m'interrogez, fort légitimement d'ailleurs, a été conçu et mis en place par M. Véron, auteur, je vous le rappelle, du plan de redressement d'Air France. Remarquez la prospérité de cette grande compagnie aérienne et l'esprit de conquête qui l'anime pour devenir la première sur le plan mondial !
L'ouverture du fret international à la concurrence depuis le mois de mars 2003 marque une importante étape et ouvre un potentiel majeur de développement.
Fret SNCF doit pouvoir assurer une qualité de service aux industriels européens de bout en bout et renforcer son positionnement. Ce dernier est primordial à la veille de l'ouverture du cabotage sur le territoire national, qui devra être réalisée avant le 1er janvier 2007. Monsieur Krattinger, c'est inéluctable.
Monsieur Gerbaud, l'Agence ferroviaire européenne est en place. Elle a deux priorités, à savoir les interconnexions entre réseaux et la sécurité.
L'objectif du Gouvernement est bien de faire de la SNCF l'un des tout premiers opérateurs européens. Pour ce qui concerne les voyageurs, le chemin parcouru est long et le positionnement de la SNCF reconnu. Quant aux marchandises, nous sommes sur la bonne voie, et le Gouvernement s'est pleinement engagé à l'égard de cette réussite.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez été nombreux à évoquer l'aménagement du territoire, ce qui est logique. Vous avez mentionné les conséquences de ce plan en la matière, notamment les fermetures de gares.
Je vous donnerai quelques chiffres, que vous avez d'ailleurs cités, monsieur Billout : en 2004, certes, 5 gares de triage ont perdu cette qualité, mais elles conservent des fonctions locales ou seront maintenues en état dans l'éventualité d'une reprise de leur fonction. Par ailleurs, seules 16 gares principales fret sur les 205 existantes ont perdu cette qualification. Enfin, il faut relever l'arrêt partiel ou complet de la desserte dans les petites gares fret. Dans les autres gares, il faut souligner et avoir à l'esprit que les trains complets sont toujours les bienvenus.
Mais ces mesures, certes difficiles, sont nécessaires compte tenu des efforts qui doivent être réalisés en ce qui concerne l'outil de production et la sélection des trafics.
Vous tous, élus locaux, êtes concernés par ces mesures territoriales, mais vous devez être pleinement conscients qu'il en va de la survie du fret ferroviaire.
Monsieur Seillier, pour ne prendre que l'exemple des gares bois, en 2003, parmi les 207 ouvertes, 18 ne connaissaient aucun trafic. Avec un nombre de wagons expédiés égal à 34 000, cela donne en moyenne un wagon expédié par jour et par gare ! Ces 207 gares bois ont donc été réduites à 180 au mois de juin dernier et à 114 au mois de décembre. Ces mesures n'auraient pas été nécessaires si les schémas de service annoncés précédemment avaient été suivis.
Les 104 gares bois ayant le moins de trafic, soit la moitié d'entre elles, ont donc été fermées. Cette disposition n'affecte néanmoins que 25 % du trafic du bois. En effet, seulement 6 % de ce transport passe par le chemin de fer.
Des restructurations des trafics sont en cours, notamment en Aquitaine et en Limousin. Des discussions régulières ont lieu avec la profession sur ces questions territoriales importantes.
Je précise maintenant que le plan Fret 2006 est un élément, parmi de nombreux autres, de la politique gouvernementale de soutien aux modes alternatifs à la route.
Vous le voyez, tous les efforts sont faits par l'Etat et par l'exploitant national pour redonner toute sa vigueur au fret ferroviaire, après l'avoir clairement sauvé de la disparition.
Cette politique de soutien aux modes alternatifs à la route se traduit également dans les décisions de recherche d'investissements. Sans vous rappeler toutes les mesures prises en ce sens, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous donnerai simplement quelques chiffres.
Comme tous les pays, la France aide à l'investissement et à l'exploitation. Ainsi, 32 millions d'euros ont été affectés aux exploitants en 2004, dont 85 % concernent le réseau ferré. En effet, l'un des deux opérateurs, la Compagnie nouvelle de conteneurs, la CNC, connaît des difficultés financières importantes. Il convient donc de modifier son organisation, sujet au coeur de nos préoccupations. Monsieur Reiner, je réponds ainsi à l'une de vos questions concernant le transport combiné.
En ce qui concerne maintenant la recherche sur le fret ferroviaire, aucun chiffre ne figure dans le plan fret, car les crédits se situent ailleurs. Mais le Gouvernement s'implique pleinement dans cette recherche partenariale associant les secteurs public et privé par le biais du PREDIT, le programme de recherche et de développement pour l'innovation et la technologie dans les transports terrestres. L'une des trois priorités de ce programme vise le transport de marchandises, en particulier le fret. La technologie Modalhor est, par exemple, un produit dudit programme.
Plusieurs intervenants m'ont interrogé sur le transport alternatif à la route. Tout d'abord, le CIADT du 18 décembre 2003 a décidé d'investissements multimodaux qui seront financés par la route ; 75 % d'entre eux sont alternatifs à la route. M. Masson a donc commis une erreur en transformant un problème très local - il s'agissait de se prononcer pour ou contre une autoroute - en un problème général.
Si, par la route, peuvent être financés les transports alternatifs, c'est grâce à l'Agence de financement des infrastructures de transport, l'AFIT, qui a été créée à la fin de l'année dernière. Cette instance dispose dorénavant d'un conseil d'administration et d'un président, présenté ce matin en conseil des ministres.
Madame Gourault, votre souhait est totalement exaucé : le ferroviaire est notamment le grand bénéficiaire, et le fret voit les grands axes massifs renforcés ou bien créés. Notons des projets tels que la réalisation de la ligne Perpignan-Figueras, dont les travaux ont commencé - je me rendrai d'ailleurs sur le chantier au mois de mars ou d'avril - ou celle de la ligne Lyon-Turin, ou encore les projets de lignes de voyageurs tels que la ligne Sud-Europe-Atlantique qui libérera ensuite autant de sillons pour le fret sur la ligne existante.
Le financement de 75 % de transports alternatifs à la route par la route, voilà ce qui a été qualifié par M. Billout de « supercherie ». Je vous laisse juges, mesdames, messieurs les sénateurs !
M. Percheron, avec talent, a mentionné l'association « Route roulante 2006 » et le développement des autoroutes ferroviaires depuis Dourges, notamment. Je lui confirme que j'apporte mon soutien à cette association.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
M. Gilles de Robien, ministre. Pour ce qui concerne la liaison entre Aiton et Orbassano, le bilan de l'année 2004 est très satisfaisant puisque ce sont quelque 7 000 camions en moins sur la route. Cette expérimentation doit être poursuivie et généralisée sur l'ensemble du territoire.
J'ai également apprécié l'intervention de M. Percheron à propos du port de Dunkerque qui est avant-gardiste en matière de desserte ferroviaire puisqu'il détient près de 50 % de parts de marché.
Pour ce qui concerne le barreau Saint-Georges, je confirme qu'il fait partie des priorités pour 2005 des contrats de plan ferroviaires. Il est considéré comme tel par mon ministère.
Enfin, les perspectives en termes de demande pour le fret ferroviaire renouent avec des chiffres de croissance positive, comme le souhaite M. Gerbaud. J'ai eu l'occasion de présenter à la presse au mois de décembre dernier cette inversion complète de la tendance : le fret ferroviaire, qui chutait annuellement de 1,2 % ces dernières années, devrait, avec toutes ces mesures, croître de 1,2 % par an dans les vingt prochaines années.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les premiers résultats indiquent que, après des années de bonnes intentions affichées en matière d'écologie, de développement durable, ce sera ce gouvernement qui réussira à inverser la situation. Il en est déjà ainsi pour ce qui concerne la SNCF.
Oui monsieur Reiner, nous sommes entrés dans l'ère de la reconquête du fret ferroviaire ! (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.
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aide aux producteurs de fruits et légumes
Discussion d'une question orale avec débat
(Ordre du jour réservé)
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 10 de M. Daniel Soulage à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité relative à l'aide aux producteurs de fruits et légumes.
M. Daniel Soulage interroge M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité sur les mesures que le Gouvernement envisage de prendre pour venir en aide au secteur des fruits et légumes. L'actualité la plus récente démontre pleinement l'urgence d'un soutien renforcé à cette filière : la baisse des prix provoquée depuis le début de l'année par l'augmentation des productions, l'atonie de la demande et le durcissement de la concurrence extérieure ont provoqué une baisse substantielle du volume des ventes, entraînant des manifestations de mécontentement parfois violentes de la part des professionnels les plus affectés. Les conséquences de ces difficultés conjoncturelles sont exacerbées par les handicaps traditionnels que connaît le secteur : importante vulnérabilité aux aléas climatiques, charges de main-d'oeuvre élevées, dispersion des producteurs face à la grande distribution... Malgré les mesures prises tant par le Gouvernement que par les producteurs et les opérateurs depuis plusieurs mois, les problèmes restent aigus et paraissent nécessiter, à terme, une réforme de l'organisation commune de marché et la mise en place d'un véritable dispositif de gestion de crise au niveau européen, comme s'y était d'ailleurs engagé le ministre sortant en charge de l'agriculture. Aussi il souhaiterait connaître l'analyse qu'il effectue de cette crise ainsi que ses intentions à court et moyen termes en vue d'y remédier.
La parole est à M. Daniel Soulage, auteur de la question.
M. Daniel Soulage. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d'abord remercier le président du Sénat, M. Christian Poncelet, qui a bien voulu inscrire à l'ordre du jour réservé cette question orale avec débat.
Cette question est d'actualité puisque le Sénat examine ces jours-ci en deuxième lecture le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux. Les solutions qui doivent être apportées à la crise de la filière fruits et légumes ont d'ailleurs fait l'objet la semaine dernière de discussions vives et passionnées.
Par ailleurs, je veux également remercier le président de la commission des affaires économiques, M. Jean-Paul Emorine, et le président du groupe d'études sur l'économie agricole alimentaire, M. Gérard César, qui ont bien voulu soutenir la création d'une section, au sein de ce groupe d'études, consacrée à la filière fruits et légumes.
L'importance de ce secteur, d'un point de vue tant économique que social, doit tout d'abord être soulignée. Ce secteur représente en effet 12,6 % de la valeur de la production agricole nationale ; il concerne environ 34 000 exploitations spécialisées, il emploie près de 650 000 actifs et fait de notre pays le troisième producteur de fruits et légumes de l'Union européenne, derrière l'Italie et l'Espagne.
Pourtant, ce secteur connaît aujourd'hui une grave crise qui alimente de forts mécontentements chez les professionnels, des actions sociales parfois spectaculaires et de grandes attentes de la part des producteurs.
Cette crise est tout d'abord conjoncturelle.
Après une année 2003 relativement satisfaisante en termes de revenus du fait d'une augmentation des prix due à la canicule et à la sécheresse, l'année 2004 a été particulièrement difficile pour le secteur : très forte baisse des prix due à des volumes de production en forte progression, difficultés d'écoulement en raison d'une faible demande intérieure, augmentation notable des coûts de production liée à la hausse du prix du fioul.
Mais cette crise a également, et c'est le plus inquiétant, des racines structurelles.
Naturellement fragiles et périssables, les fruits et légumes sont très vulnérables aux aléas climatiques. De plus, la main-d'oeuvre dans ce secteur souffre, en France, d'un coût élevé comparativement à d'autres pays, y compris certains pays de l'Union européenne, ainsi que d'une insuffisance de l'offre de travail. La pression concurrentielle, qu'elle provienne du marché mondial ou européen, est extrêmement agressive. La faiblesse de l'Organisation commune de marché, l'OCM, qui ne reçoit que 4 % des crédits du FEOGA-Garantie, ne permet pas de remédier à cette situation. Enfin, la production est trop dispersée par rapport à la transformation et, plus encore, par rapport à la distribution.
Tous ces éléments se trouvent d'ailleurs développés et approfondis dans le rapport pour avis sur le budget de l'agriculture, rédigé par mon collègue Gérard César, et dont une partie est consacrée à la crise que traverse actuellement le secteur des fruits et légumes.
Nombre de producteurs se trouvent donc cette année dans une situation difficile et hésitent à se lancer dans une nouvelle campagne de production. C'est pourquoi il est de notre devoir d'envoyer à ces acteurs économiques un signal fort destiné à leur redonner confiance quant à la volonté des pouvoirs publics de les aider à traverser cette crise et de conserver cette filière.
Certes, la prise de conscience de l'ensemble des acteurs a permis de mettre en place certaines mesures. Cependant, la poursuite de cette situation de crise montre que ces mesures sont aujourd'hui insuffisantes.
D'une part, le Gouvernement a engagé un vaste audit de la filière fruits et légumes, dont les conclusions ont été présentées au mois de juin dernier. Plusieurs recommandations sont formulées, qui se concentrent tout particulièrement sur la nécessité d'instaurer au niveau européen un véritable dispositif de gestion des crises.
D'autre part, après les aléas météorologiques connus en 2003 - gel de printemps, canicule estivale -, le Gouvernement a mis en place des mesures d'urgence. Monsieur le ministre, je tiens ici à saluer votre prédécesseur, M. Hervé Gaymard, pour la réactivité dont il a fait preuve. Ainsi, une aide directe de 10 millions d'euros pour soulager la trésorerie des agriculteurs a été débloquée ; l'ONIFLHOR, l'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes et de l'horticulture, a aussi reçu 10 millions d'euros pour engager des actions structurantes ; 50 millions d'euros ont été débloqués pour des prêts de consolidation et 1 million d'euros pour une prise en charge de cotisations de la Mutualité sociale agricole. Ces aides étaient nécessaires et ont été reçues avec soulagement.
Hélas ! nous en sommes tous conscients, cela n'est pas suffisant. Je reprendrai l'exemple que j'avais évoqué à l'occasion de l'examen du budget pour 2005 : depuis septembre 2004, nous savons, monsieur le ministre, que la MSA aura besoin pour le Lot-et-Garonne de 500 000 euros de crédits, soit la moitié des crédits accordés par le ministère. Une enveloppe complémentaire est donc absolument nécessaire et, pour l'instant, nous ne disposons pas d'informations sur ce sujet.
Enfin, le Gouvernement a déposé une demande d'aide au niveau européen concernant plus spécialement le chou-fleur, dont le marché est particulièrement défavorable. Consistant à mettre en place un système de gestion de crise, cette tentative a malheureusement été bloquée au niveau de la Commission européenne.
Si le Gouvernement n'est pas, loin s'en faut, resté inactif devant la crise, les producteurs et les opérateurs ont également tenté d'apporter des solutions. Durant l'été dernier, et afin de redynamiser une consommation atone, ils ont mené des actions exceptionnelles, qu'il s'agisse d'initiatives promotionnelles fortement médiatisées ou d'une tentative expérimentale d'instaurer un prix minimum pour la tomate.
Ils ont également signé un accord interprofessionnel permettant la publicité sur le prix des fruits et des légumes hors des lieux de vente. Cet accord a ouvert la voie à une modification de la loi sur les nouvelles régulations économiques qui a consacré l'autorisation de ce type de publicité.
Enfin, par l'intermédiaire d'Interfel, l'Interprofession des fruits et légumes, et d'Aprifel, l'Agence fruits et légumes frais, la profession a demandé au Président de la République la reconnaissance du label « Grande cause nationale » au profit du secteur ainsi que la mise en place d'un plan national fruits et légumes pour la prévention des grandes pathologies.
Je le disais la semaine dernière dans ce même hémicycle, je sais, en tant qu'élu rural, combien il est difficile de créer des emplois dans des zones non urbaines. Le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux essaie de remédier à cette difficulté. Mais, avant de penser à créer des emplois, il nous faut lutter pour conserver les emplois existants.
Je voudrais aborder aujourd'hui les différents problèmes auxquels se heurte la filière fruits et légumes et envisager avec vous les actions possibles.
En matière de production, tout d'abord, il existe plusieurs leviers sur lesquels nous pourrions agir pour redonner de la compétitivité à cette filière : le coût du travail, l'amélioration de la productivité, les aléas climatiques, les distorsions de concurrence liées aux intrants, l'accompagnement des producteurs face à l'arrivée de dix nouveaux pays sur le marché.
La filière fruits et légumes n'est pas la seule en France où le coût du travail entraîne un manque de compétitivité. Ce secteur est de plus soumis à une très forte concurrence, intracommunautaire d'abord, mondiale ensuite. Il ne faut pas oublier que le coût de l'emploi représente 50 % du coût total de production.
Que le coût du travail et les charges sociales soient nettement plus faibles au Maroc ou en Tunisie qu'en France, nous ne pouvons pas y faire grand-chose ; mais que l'Allemagne réussisse à produire à un coût horaire saisonnier de 6,15 euros contre 8,52 euros pour la France est moins acceptable. Une harmonisation est nécessaire afin que ces distorsions cessent. Il nous faut donner aux exploitants les moyens de produire à des coûts plus faibles.
J'avais proposé, dans le cadre du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, que soient adoptées différentes mesures destinées à faciliter le recours à des travailleurs étrangers pour les récoltes, à étendre à tout type de récolte agricole les conditions avantageuses du contrat de vendanges qui permet des allégements de charges sociales, patronales et salariales, et à augmenter la durée pendant laquelle les producteurs paient des charges sociales à taux réduits pour les travailleurs occasionnels.
Ces propositions n'ont pas été adoptées et je le regrette, car je pense qu'elles auraient été de nature à encourager les producteurs à continuer leur activité, à employer plus de main-d'oeuvre et à produire de manière plus concurrentielle.
Si nous voulons, monsieur le ministre, maintenir notre production, nous serons fatalement amenés à faire des efforts en matière de coût de main-d'oeuvre et de recours à des travailleurs étrangers.
Pour ce qui concerne l'amélioration de la productivité, il serait sûrement souhaitable que les pouvoirs publics aident les exploitants à améliorer leurs structures de production et de commercialisation. Aujourd'hui, avec l'arrivée dans le marché européen des pays de l'Est, nos exploitations ont besoin d'un plan d'adaptation structurel prenant en compte l'économie, l'environnement et le social. Il s'agit de parvenir à un produit de qualité et d'être compétitif, tout en respectant les règles environnementales, en particulier en maîtrisant les intrants.
La profession travaille sur ce sujet en liaison avec le ministère pour que soient inclues des mesures dans le PDRN, le plan de développement rural national. Quelles sont les avancées sur ce sujet ?
L'entrée de l'Espagne et du Portugal dans le marché commun a été accompagnée par des mesures très importantes, notamment des financements européens au niveau du PIM, le programme intégré méditerranéen, mesures qui ont été complétées à l'échelon national en 1992 et en 1993. Il faudrait prendre exemple là-dessus.
Aujourd'hui, monsieur le ministre, ce sont non pas deux mais dix pays qui nous rejoignent et, à l'inverse de ce qui avait été fait en 1992 et en 1993, non seulement les producteurs déjà intégrés dans la politique agricole commune, la PAC, ne disposent pas de mesures d'accompagnement mais les producteurs des nouveaux pays européens vont de plus être prioritairement éligibles aux fonds structurels et seront de ce fait encore plus concurrentiels, notamment dans la filière fruits et légumes.
Aujourd'hui comme hier, nous avons besoin de mesures d'accompagnement pour les agriculteurs.
J'en viens aux aléas climatiques qui, dans la production légumière et fruitière, ne sont pas rares : citons le gel de 2003 ainsi que le terrible orage de juin 2004 qui a détruit les vergers de pruniers dans le Lot-et-Garonne et les départements voisins ; les exemples ne manquent pas. Depuis de nombreuses années, je me prononce en faveur de la mise en place d'un dispositif d'assurance récolte permettant de pallier les effets parfois dévastateurs du climat sur une production. J'ai donc été ravi de voir dans le budget pour 2005 l'amorce d'un tel dispositif.
Le système proposé par le Gouvernement, en pourcentage et en montant, me semble tout à fait correct. Je regrette cependant que seulement 10 millions d'euros soient prévus pour le financer et que les interventions soient plafonnées à 130 millions d'euros. Je rappelle que les Espagnols consacrent 230 millions d'euros à leur système d'assurance, ce qui est un montant considérable au vu de leur agriculture.
En outre, il me semble indispensable de prévoir une réassurance publique, et il est dommage que l'examen de cette question soit renvoyé à plus tard.
La mise en place d'une assurance récolte ne doit être, à mon avis, qu'une étape vers une assurance-revenu, à l'instar de ce que font les Espagnols. L'application de ce type d'assurance s'avérera vite nécessaire dans une Union européenne contrainte de supprimer les aides à l'exportation ou de baisser les aides internes considérées comme portant atteinte à la libre concurrence. Monsieur le ministre, comment comptez-vous aborder ce dossier et dans quelle direction, notamment lors de l'examen du projet de loi d'orientation agricole ?
Enfin, pour ce qui est des intrants, la filière fruits et légumes se heurte à de fortes distorsions de concurrence. En effet, la législation française est l'une des plus sévères en matière d'intrants, qu'ils soient chimiques ou non. Certains pays voisins peuvent autoriser l'utilisation de produits auxquels n'ont pas accès les producteurs français. Il faut absolument agir afin que la législation en la matière soit harmonisée à l'échelon européen. Dans un espace à vingt-cinq, il est absolument inconcevable que de telles distorsions de concurrence existent, et j'espère, monsieur le ministre, que vous pourrez agir auprès de vos confrères européens.
De nombreux producteurs font d'ores et déjà de très gros efforts de maîtrise des intrants ; certains se sont engagés dans des démarches de production fruitière intégrée, de lutte intégrée dans les serres ou d'agriculture raisonnée. De plus, les problèmes de coût incitent à la modération.
J'en arrive aux difficultés liées à la commercialisation des produits.
Le principal point qui pose problème à la filière en matière de distribution et de commercialisation est la régulation du marché. De par la spécificité des produits, des produits périssables notamment, les producteurs sont en position de faiblesse dans leur relation avec les distributeurs, et ils apparaissent souvent divisés ou mal organisés pour faire face aux cinq grands distributeurs.
Premièrement, nous devons développer un outil efficace de connaissance de la production avant la mise sur le marché. La connaissance du volume et de la qualité du produit avant sa mise sur le marché peut permettre d'anticiper sur les phases sensibles qu'il va connaître et les problèmes qu'il va rencontrer lors de la saison. L'idéal serait bien entendu que cet outil soit développé au niveau communautaire afin d'anticiper également sur les flux d'importation et d'exportation.
Deuxièmement, afin que la première mise sur le marché se passe dans les meilleures conditions, il faut absolument aider les producteurs à s'organiser face aux distributeurs et aux grossistes, qui, je le rappelle, sont extrêmement concentrés. Il s'agit non pas de permettre une entente sur les prix, contraire au droit communautaire, mais, compte tenu des caractéristiques de la production, de permettre aux producteurs de se concerter sur leur offre.
Le deuxième point qui pose problème, s'agissant de la commercialisation des produits, concerne les mécanismes de gestion de la crise. S'il y a crise, comme cela a été le cas en 2004 pour un très grand nombre de fruits et de légumes, il nous faut pouvoir appliquer un dispositif ponctuel. A cet égard, je suis ravi que le Sénat ait adopté la semaine dernière la mise en place du mécanisme de coefficient multiplicateur. Ce dispositif, destiné à lier le prix d'achat au prix de vente d'un produit en période de crise, et dans ce cas seulement, c'est-à-dire de façon tout à fait ponctuelle, permet d'éviter l'installation d'une spirale de baisse des prix. Au contraire, il incite les distributeurs à acheter à un prix raisonnable afin de pouvoir dégager une marge.
J'espère que vous saurez entendre l'appel que les sénateurs ont voulu lancer en adoptant cet amendement qui correspond à la demande unanime de la profession. Je vous demande d'en tenir compte et de ne pas le rejeter en commission mixte paritaire. Nous avons certainement les moyens de négocier avec Bruxelles afin qu'un tel dispositif puisse être mis en place ; en effet, je le rappelle, il s'agit non pas de mettre en place des prix administrés, mais de réguler ponctuellement un marché difficile à appréhender.
Monsieur le ministre, vous avez vous-même proposé plusieurs amendements destinés à assainir les relations entre les producteurs et les distributeurs, notamment en période de crise.
Ces propositions correspondent également à une attente des professionnels.
Elles permettent d'engager la responsabilité de tout producteur, commerçant ou industriel, ou de toute personne immatriculée au répertoire des métiers qui pratique des prix abusivement bas en période de crise ; elle permet également de favoriser l'engagement volontaire des distributeurs à modérer leur marge en période de crise, de n'autoriser la pratique des remises, ristournes, rabais et autres frais de coopération commerciale que s'il y a un contrat écrit en ce sens entre le producteur et le distributeur, et, enfin, d'autoriser l'annonce des prix hors lieu de vente sur une période courte sans recours obligatoire à un accord de l'interprofession.
Monsieur le ministre, ces amendements sont tout à fait cohérents avec la proposition relative au coefficient multiplicateur votée par le Sénat.
Le coefficient multiplicateur est un mécanisme qui permet au Gouvernement de garder une grande marge de manoeuvre puisque c'est lui qui décide quand, sur quels produits et à quel taux il s'applique. Vous disposez désormais, monsieur le ministre, d'une arme pour combattre les crises.
En matière de financement des dispositifs de gestion des crises, il est également nécessaire de prévoir la mise en place d'une caisse professionnelle de péréquation.
En effet, il apparaît de plus en plus indispensable que les producteurs disposent d'un mécanisme de compensation financière. Nous avons tous encore en tête les retraits massifs de produits et les abus auxquels ils ont donné lieu voilà quelques années.
Cette procédure est encore utilisée, mais elle est très encadrée et limitée, et elle ne concerne que les producteurs membres de l'organisation économique.
Aujourd'hui, les producteurs proposent qu'un fonds de péréquation soit créé à l'échelon européen et mis en oeuvre à l'échelon régional.
Le financement pourrait être le suivant : il proviendrait pour un tiers de l'Union européenne, pour un tiers de l'Etat membre et/ou de la région concernée, pour un tiers des cotisations professionnelles, sachant que le financement européen est déjà prévu à partir du prélèvement du 1 % sur la modulation.
L'expérience des comités économiques pourrait à cette occasion être mise à profit : ces derniers seraient chargés de prélever les cotisations des producteurs ainsi que d'alerter et de déclencher le système de péréquation en cas de crise.
L'efficacité et l'équité du système seraient garanties par la participation financière directe de tous les producteurs, qui auront tout intérêt à utiliser les fonds de la caisse à bon escient.
Géré au niveau local, cet organisme aurait la souplesse et la réactivité voulues pour intervenir efficacement. Il pourrait le faire en matière de retrait de marchandises du marché ou de destruction de récoltes aux champs. Il pourrait également développer, si nécessaire, le soutien aux livraisons à la transformation ou conduire des actions promotionnelles dans l'espace européen et dans les pays tiers.
Parallèlement à ce dispositif, monsieur le ministre, il vous faudra veiller à ce qu'avancent à l'échelle européenne les dossiers de la réforme de l'Organisation commune de marché « fruits et légumes » et de la mise en place d'un véritable système de gestion de crise communautaire. Votre prédécesseur, Hervé Gaymard, s'est largement investi en ce sens ; nous ne doutons pas que vous aurez à coeur de poursuivre ses démarches.
J'en viens à la consommation et à la promotion.
Le premier de ces deux points est fondamental. La consommation de fruits et de légumes n'a cessé de diminuer au cours des quarante dernières années au profit de la consommation de produits manufacturés.
Des chiffres récents montrent que la part du budget alimentaire dans le budget des ménages est passée de 30,7 % en 1959 à 14,7 % en 2003, et que la part des fruits et légumes dans le budget alimentaire est passée dans le même temps de 13,7 % à 9,9 %, ce qui correspond à une baisse de 27 points en quarante-quatre ans ! Et ce problème ne découle pas seulement, idée devenue habituelle, de la cherté des fruits et légumes frais.
Cette situation est préoccupante en termes de débouchés pour les producteurs. L'exemple de la campagne 2004 est éloquent à cet égard : malgré la crise et les prix bas, les consommateurs ont continué de bouder les fruits et légumes.
Mais, au-delà du manque de débouchés pour les productions, nous devons être conscients du fait que nous allons au-devant de problèmes de santé publique : les fruits et légumes sont des produits nécessaires à un bon équilibre alimentaire et à une bonne santé.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : alors que 3 % des Français étaient touchés par l'obésité en 1970, il sont aujourd'hui 11 % à en souffrir, et 30 % de la population est en situation de surpoids. Ajoutons que 20 % des enfants devraient être concernés par ce fléau en 2020.
L'Organisation mondiale de la santé et l'Union européenne ont l'une et l'autre fait des recommandations pour que la consommation des fruits et des légumes soit vivement encouragée, et c'est un point que le Président de la République a abordé lors de la présentation du plan anticancer. De même, le programme national nutrition-santé, ou PNSS, lancé en 2001, avait pour but d'améliorer la nutrition des Français et, notamment, de favoriser la consommation de fruits et légumes.
Malgré ce programme, la consommation de fruits n'a jamais été aussi basse que lors de l'été 2004, et la consommation de légumes est également en recul, ce qui m'amène au second point : la promotion des produits.
Monsieur le ministre, il faut promouvoir activement la consommation des fruits et légumes.
L'interprofession doit être dotée de moyens importants en la matière, moyens qui peuvent être français mais également européens, car la France n'est pas le seul pays à être touché par une baisse de la consommation de ce type de produits frais.
Renforcer la communication sur l'importance de la consommation de fruits et légumes en direction des Français est indispensable. Si l'on compare les investissements publicitaires en matière alimentaire, on se rend vite compte que la lutte est inégale. Le rapport est de un à cinq entre la promotion des fruits et légumes et les publicités pour la confiserie et les bonbons. Il passe de un à quinze entre, d'une part, les fruits et légumes, et, d'autre part, tous les produits issus de la panification, et j'estime qu'il est de un à trente entre la filière fruits et légumes et la filière lait.
La filière fruits et légumes souffre donc d'un déficit de communication, ce qui est préoccupant au regard de la santé. Il serait souhaitable que la communication sur les fruits et légumes soit étendue et se voie attribuer à cette fin le label « Grande cause nationale », lequel permet de bénéficier des avantages tarifaires publicitaires existant dans le cadre des causes nationales. Contribuer à une meilleure information de nos citoyens en vue de les inciter à adopter une alimentation plus équilibrée relève, me semble-t-il, des objectifs de ce label.
Dans cet esprit, on ne peut qu'appuyer la demande de la profession de mettre en place un plan national « fruits et légumes » pour la prévention des grandes pathologies comme le cancer, les maladies cardiovasculaires ou l'obésité.
Enfin, pourquoi ne pas confier comme priorité une mission de valorisation des fruits et légumes à l'Agence française d'information et de communication agricole et rurale que le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux prévoit de créer ?
Une telle action permettrait de rappeler de façon très générale les bienfaits, la qualité et l'authenticité de ces produits. Ainsi, elle serait parfaitement complémentaire des initiatives prises à l'échelle de l'interprofession, lesquelles sont davantage ciblées sur la promotion commerciale de tel ou tel produit.
Monsieur le ministre, pour conclure mon propos, je souhaite vous remercier de consacrer deux heures de votre temps à ce débat. Je pense que ce n'est pas inutile et que tous les professionnels y seront très sensibles.
Je voudrais également saluer votre volonté de faire avancer le dossier, volonté qui s'est déjà concrétisée par le dépôt de quatre amendements dans le cadre du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux.
Reste à adopter définitivement ce texte et à faire appliquer au plus vite les différentes mesures qu'il contient.
A cet égard, vous aurez le soutien de la section d'études consacrée aux fruits et légumes que plusieurs de mes collègues et moi-même venons de créer au sein de la commission des affaires économiques.
Je souhaite remercier également Christian Jacob d'avoir pris en compte, dans le cadre de son groupe de travail sur les relations commerciales, les difficultés rencontrées par les agriculteurs et de s'être prononcé, voilà une quinzaine de jours, en faveur du coefficient multiplicateur.
Monsieur le ministre, maintenir le dispositif du coefficient multiplicateur dans le cadre du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux est une manière de lancer un signal fort en direction de toute la filière et de signifier à cette dernière que ses préoccupations ont été entendues.
Bien entendu, il faudra encore préciser le mécanisme et ses modalités d'application dans le cadre du projet de loi d'orientation agricole ou dans celui du projet de loi sur les entreprises que présentera Christian Jacob.
Nous sommes certains, monsieur le ministre, que vous saurez déterminer les mesures réglementaires les plus efficaces et les mieux adaptées à la diversité des situations. Cependant, il semble nécessaire de ne pas remettre en cause le principe de cette mesure dont il est important de préciser qu'elle a reçu l'assentiment de l'ensemble de la filière, comme celui des sénateurs. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;
Groupe socialiste, 32 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;
Dans la suite du débat, la parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux d'abord remercier M. Soulage d'avoir engagé ce débat et la conférence des présidents d'avoir accepté d'inscrire à l'ordre du jour cette question qui porte sur un sujet important.
Les fruits et légumes représentent en effet, on l'a dit, 12,5 % de l'activité agricole dans notre pays et, surtout, le contexte est aujourd'hui particulièrement difficile. A cet égard, je souscris au diagnostic très objectif de la situation que vient d'établir M. Soulage et je m'associe, bien sûr, à un certain nombre de ses préconisations.
Je m'inscris pour ma part dans une problématique un peu plus douloureuse en tant qu'élu d'une région dont une grande partie est spécialisée dans les légumes et qui, pour certaines activités, assure près des trois quarts de la production française. Je parle évidemment de la Bretagne, où la filière compte 4 000 producteurs et 10 000 emplois salariés. La production de légumes contribue donc fortement à la structuration du tissu socioéconomique dans les 200 communes au moins de la zone légumière.
Le fait est que, depuis six ou sept ans, l'activité légumière connaît une crise devenue structurelle - et non pas conjoncturelle -, et c'est par rapport à cette réalité que nous devons réfléchir aux mesures à mettre en oeuvre.
Je citerai un seul chiffre pour l'année 2004 : dans la région Bretagne, le chiffre d'affaires des activités légumières est passé de 450 millions d'euros en 2003 à 350 millions d'euros en 2004, soit, en un an, une perte de près du quart du chiffre d'affaires, perte qui, évidemment, se ressent au niveau des revenus tant des producteurs que de l'ensemble des personnes qui travaillent dans la filière.
Jusque-là, en période de crise, les dispositifs existants, dits « plans de campagne », permettaient, pour un budget limité, de réguler correctement les conjonctures difficiles grâce à la promotion de l'export, à la transformation et aux retraits. Malheureusement, monsieur le ministre, ces dispositifs ne sont plus appliqués - ils ne sont d'ailleurs plus applicables au regard des règles européennes - et la crise du chou-fleur des années 2003 et 2004 a cruellement révélé l'absence de mécanisme de substitution approprié.
M. Soulage l'a rappelé, l'opération pilote de gestion de crise qui avait été envisagée en France par le Gouvernement a en effet été rejetée, voilà quelques mois, par Bruxelles, et les mesures ponctuelles adoptées par le Gouvernement s'inscrivent dans un contexte financier rempli d'incertitudes. Dès lors, dans quelles directions faut-il orienter les efforts de régulation et de soutien aux producteurs ?
Trois options qui donnent à la profession l'espoir que des actions des pouvoirs publics seront développées au cours des prochains mois sont aujourd'hui en débat.
La première de ces options est la lutte contre les distorsions de concurrence. M. Soulage a longuement évoqué tout à l'heure ces distorsions, notamment en ce qui concerne les charges salariales, du fait notamment de la concurrence de pays tels que la Pologne, qui utilise abondamment la main-d'oeuvre de certains pays proches. C'est un problème particulièrement délicat, et je me satisfais de savoir que le Gouvernement a engagé un travail de réflexion sur le sujet et pourra sans doute nous soumettre des propositions dans les prochains mois.
La deuxième option en débat est le rééquilibrage du rapport de force entre production et distribution. S'agissant de la maîtrise et de la transparence des marges ainsi que de l'amélioration de la répartition du surplus, un certain nombre de propositions nous sont faites, et le Gouvernement a d'ailleurs suggéré des amendements au projet de loi relatif au développement des territoires ruraux. On peut espérer que certaines de ces propositions produiront un effet positif.
Je souhaiterais aussi voir évoquer à cet égard le nécessaire assainissement de certaines pratiques de la grande distribution. Je pense bien entendu aux marges arrière, qui ont conduit à de graves excès qu'il faut dénoncer, ainsi, monsieur le ministre, qu'au processus d'enchères inversées, qui produit aujourd'hui des effets catastrophiques dans divers secteurs d'activité agricole.
Je sais que M. Sarkozy avait essayé, voilà quelques mois, de prendre des mesures pour remédier à cette situation, mais j'ai cru comprendre que le projet avait été abandonné et que le Gouvernement ne proposait, dans l'immédiat, aucune solution. Quoi qu'il en soit, les enchères inversées continuent de produire des effets catastrophiques : c'est là un problème particulièrement important qu'il convient d'examiner.
La troisième option pour le court terme est celle des accords bilatéraux du commerce international qui s'avèrent, à certains égards, pénalisants pour la filière des fruits et légumes. Je pense tout particulièrement aux accords passés entre la France et le Maroc, et plus spécialement à l'accord concernant l'échange de céréales contre des tomates qui s'est révélé particulièrement préjudiciable aux producteurs français de tomates. Le Gouvernement devrait tout particulièrement veiller à ce que ces accords bilatéraux ne pénalisent pas, comme c'est actuellement le cas, l'activité fruits et légumes.
Au-delà de ces sujets d'interrogation et des leviers d'action qu'ils induisent à court terme, il nous faut réfléchir à long terme et examiner les conditions de la pérennisation du secteur de la production de légumes. Cette réflexion nous conduit, bien entendu, à nous tourner vers l'Europe et à nous interroger sur la façon dont vous allez pouvoir, monsieur le ministre, défendre dans les mois et les années qui viennent une position ambitieuse pour la France.
Pour notre part, nous avons le sentiment que la France doit, au niveau de la discussion européenne, mettre en avant quatre objectifs ambitieux : premièrement, éviter la reconversion en fruits et légumes des surfaces de grandes cultures ; deuxièmement, améliorer l'Organisation commune des marchés des fruits et légumes ; troisièmement, préserver les bassins « historiques » par des mesures appropriées ; quatrièmement, inciter à la mise en place d'outils d'anticipation des crises.
Pour ce qui est du premier objectif, vous savez que les Etats membres sont censés éviter que les agriculteurs bénéficiant de primes ne se diversifient dans des productions sensibles comme celle des fruits et légumes. En réalité, aucun Etat membre n'a la volonté politique et la capacité matérielle de contrôler le respect de cette disposition.
Aucune mesure concrète n'a été prise par les Etats concernés pour faire appliquer cette interdiction qui, du reste, ne porte plus que sur les cultures de printemps, les cultures dérobées d'automne ayant été autorisées par le règlement du 29 avril 2004.
Face à ce manque évident de volonté politique, on ne peut que préconiser non pas des mesures coercitives, mais des dispositions permettant d'orienter les hectares potentiellement convertibles en fruits et légumes vers des productions de substitution, en particulier celles de biocarburants.
Je précise, mes chers collègues, que la reconversion en légumes de 1% de la surface agricole utile, la SAU, en France, équivaudrait à doubler la surface légumière de notre pays : on voit bien dans quel marasme une telle décision pourrait nous plonger !
Le deuxième objectif à privilégier est celui de l'amélioration de l'Organisation commune des marchés des fruits et légumes. Face à une demande sans cesse plus concentrée, le regroupement de l'offre au sein de ces organisations apparaît plus que jamais comme une nécessité économique pour renforcer la position des producteurs sur le marché.
Nous avons le sentiment que la réforme de 1996 de l'OCM a entraîné un certain nombre d'effets indésirables, voire pervers. Il est donc très important de pouvoir se pencher très rapidement sur leur correction.
L'adaptation des dispositifs d'aide communautaire devrait, à notre sens, permettre de répondre plus efficacement à ce deuxième objectif.
Le troisième objectif consiste à préserver les bassins « historiques » par des mesures appropriées. Les bassins « historiques » en légumes se sont développés grâce aux possibilités de leur sol et de leur climat qui leur permettent d'avoir des produits de haut niveau qualitatif toute l'année avec le minimum d'intrants, ce qui va dans le sens tant de la principale préoccupation actuelle des consommateurs européens que d'un développement durable harmonieux. Or, le développement actuel des nouveaux bassins se fait exclusivement à partir des distorsions créées par les politiques agricoles, par les législations sociales ou de protection des plantes. Pour s'imposer sur le marché, les nouveaux entrants pratiquent une politique commerciale agressive, avec des prix bas ou des systèmes de fixation de prix extrêmement favorables aux acheteurs, et cela sans que le consommateur en tire avantage au moment de l'achat.
Même si les législations européennes et les certifications commerciales sont censées s'imposer de la même manière à tous les pays de l'Europe, il existe des différences notables entre bassins A cet égard, je note que le développement rural prévoit un certain nombre de mesures structurelles de certification, de segmentation et que, dans ce cadre, il convient de rechercher la mise en place de soutiens spécifiques pour permettre aux bassins « historiques » de consolider leur position stratégique au sein du marché européen élargi.
Le quatrième objectif fondamental à nos yeux passe par la mise en place d'outils d'anticipation des crises et de maintien du tissu productif. Comme je l'ai souligné en préambule, le marché des fruits et légumes est régulièrement soumis à des crises conjoncturelles aiguës. Compte tenu du contexte concurrentiel précédemment décrit, deux politiques peuvent être envisagées.
La première est une politique de laisser-faire. Dans ce cas, la production se concentrera dans les zones disposant d'avantages « distorsifs » - grandes cultures primables, avantage en termes de main-d'oeuvre... - et dans certaines régions du sud de l'Europe pour les productions d'hiver - Pouilles, Campanie, Andalousie, plaine de Murcie... - au détriment de bassins « historiques », qui connaîtront une disparition plus ou moins rapide. Une telle évolution ne signifiera pas la fin des crises conjoncturelles ; au contraire, certaines crises deviendront structurelles, et j'en veux pour exemple la situation actuelle des marchés de l'oignon, de la pomme de terre ou de la carotte.
La seconde politique, qui est l'autre terme de l'alternative, est une politique volontariste de soutien aux organisations de producteurs par la mise en place d'outils d'anticipation des crises et de préservation du tissu productif. Ces outils doivent permettre non seulement de prévenir la crise, mais également de donner aux producteurs, en compensation des aides dont bénéficieront leurs concurrents, des soutiens pour les aider à se maintenir dans les situations difficiles qui ne manqueront pas de se produire.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est superflu de souligner que c'est actuellement la politique du laisser-faire qui semble l'emporter au niveau européen, cette dernière s'accompagnant d'ailleurs d'une communication adaptée de la Commission visant à minimiser les distorsions engendrées par la nouvelle PAC
En conclusion, monsieur le ministre, le groupe socialiste revendique une démarche interventionniste forte de la France, une politique volontariste de soutien, susceptible de remettre en cause certaines des orientations de laisser-faire que semble aujourd'hui privilégier la Commission européenne. Nous souhaitons donc vivement que, au nom de notre pays, vous puissiez, à ce stade essentiel de la mise en oeuvre d'une politique agricole pour les fruits et légumes, défendre activement la stratégie la plus efficace pour préserver nos exploitations et donc le tissu socioéconomique de nombre de nos communes rurales où le légume reste l'une des valeurs sures de l'activité agricole. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Mme Gisèle Gautier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Murat.
M. Bernard Murat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le secteur des fruits et légumes subit depuis plusieurs années des crises régulières, plus ou moins fortes, plus ou moins destructrices.
De fait, la situation des fruits et légumes de France est aujourd'hui sérieuse, je dirais même grave, voire désespérée, alors que les enjeux de ce secteur d'activité pour notre pays sont, en termes d'emplois, de territoires, de santé publique, clairement identifiés.
Cette situation de crise quasi permanente depuis plus de dix ans, qui touche, comme cela a été signalé, 12,5 % de la production agricole et qui a été aggravée par l'été caniculaire 2003, est révélatrice, certes, d'un environnement international et communautaire en pleine mutation, générateur de concurrence, dans lequel nos producteurs « ne jouent pas à armes égales », mais aussi d'un certain nombre de handicaps de la filière dont la résolution dépend pour partie de l'action des producteurs, mais aussi de l'environnement économique et politique.
Je pense bien évidemment, à cet égard, aux relations avec les centrales d'achat de la grande distribution. Sur ce dossier, c'est au politique de prendre ses responsabilités, ce qu'il a fait dernièrement, afin d'assainir et de rationaliser ces relations.
Je me félicite donc, ce soir, que M. Soulage, M. le président du Sénat et le M. le président de la commission des affaires économiques aient pris l'initiative d'organiser ce débat qui nous permettra, je l'espère, de tirer les enseignements de ces années difficiles et d'offrir aux producteurs quelques perspectives d'avenir encourageantes.
En préambule, je voudrais attirer votre attention, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur l'importance que représente la filière des fruits et légumes pour les territoires ruraux dans leur ensemble, qu'ils appartiennent ou non aux grandes régions productrices.
En Corrèze, département naturellement tourné vers les productions bovines et plus particulièrement vers le veau élevé sous la mère, les productions de fruits et légumes jouent un effet de levier économique irremplaçable pour les exploitations Leur intérêt n'est plus à démontrer. Imaginez-vous, monsieur le ministre, le marché de Brive-la-Gaillarde...
M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité. Il est superbe !
M. Bernard Murat. ... privé de ses fruits et légumes de qualité, sans ses maraîchers écoulant chaque samedi leurs produits frais pour la plus grande joie et la santé de leurs acheteurs...
M. Bernard Murat. Dans l'intérêt de nos territoires, et pour leur défense, la survie de cette filière est donc primordiale. Je tenais simplement à le rappeler et à insister sur le fait que nous sommes tous concernés par cette question, car la production des fruits et légumes, au-delà des productions intensives, est un élément incontestable d'équilibre financier pour les productions agricoles multiformes.
Dans un premier temps, je souhaiterais revenir sur les dispositions adoptées la semaine dernière dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, car elles répondent concrètement aux préoccupations des professionnels de la filière. Leur adoption va en effet permettre de donner suite rapidement aux réflexions menées en matière de relations commerciales dans le domaine agricole. Je sais, monsieur le ministre, combien vous avez oeuvré pour qu'il en soit ainsi, et nous vous en remercions.
Autoriser les annonces de prix pour les fruits et légumes frais intervenant dans une courte durée précédant la période de validité de l'annonce, conditionner les remises, ristournes et rabais à la signature d'un contrat écrit incluant des clauses sur le principe du « prix plancher », prévoir une responsabilité en cas de pratique de prix abusivement bas, organiser un encadrement des marges sont autant de mesures qui vont permettre une certaine régulation du marché des fruits et légumes. Nous ne pouvons que nous en féliciter !
Je voudrais aussi revenir sur l'adoption par le Sénat de l'amendement de mon collègue Daniel Soulage, que j'ai d'ailleurs cosigné, instaurant la mise en place du mécanisme du coefficient multiplicateur.
J'ai bien entendu les arguments du Gouvernement, en particulier ses arguments juridiques ; mais pour redonner confiance aux producteurs, il fallait une mesure forte, d'autant plus qu'elle était réclamée et attendue depuis longtemps.
Nous ignorons encore ce qu'il en adviendra, mais elle pourrait répondre aux situations de crise observées ces derniers temps en permettant de corriger les freins à la consommation liés à des prix excessifs au détail au regard du prix de production.
Je voudrais aussi saluer l'initiative du Gouvernement qui, face à l'ampleur sans précédent de la crise de cet été, a débloqué un certain nombre d'aides financières destinées à soutenir la filière durement touchée.
S'agissant des aides de l'ONIFLHOR, vous me permettrez de signaler que le taux de spécialisation imposé pour en bénéficier est toujours de 50 %. Cela élimine d'office les exploitants qui ont joué, souvent pour survivre et équilibrer leurs revenus, la carte de la diversification de leurs productions. Tel est le cas, si l'on exclut la pomiculture, de nombreuses exploitations corréziennes : seuls vingt dossiers sont actuellement éligibles, soit moins de 10 % des producteurs.
Afin d'élargir la base d'éligibilité des dossiers, un abaissement du taux de spécialisation à 30 % paraîtrait opportun. Cet abaissement avait été envisagé, semble-t-il, pour être ensuite abandonné. Peut-être pourrez-vous nous fournir quelques précisions sur cette question aujourd'hui, monsieur le ministre ?
Parer à la crise de ces derniers mois, telle était l'urgence. Mais gérer le présent ne suffit pas, car il faut aussi préparer l'avenir.
L'un des axes fondamentaux sur lesquels nous devons centrer notre action concerne les facteurs de compétitivité des entreprises de la filière.
Je me contenterai d'évoquer le problème des charges et du coût de la main-d'oeuvre de ces entreprises, ainsi que les difficultés rencontrées par ces dernières pour recruter des emplois saisonniers de ressortissants français.
Créateur de centaines de milliers d'emplois, le secteur des fruits et légumes se caractérise par un coût de main-d'oeuvre très élevé. Il constitue en réalité l'élément majeur des coûts de production du secteur. Le phénomène s'est d'ailleurs accentué ces dernières années du fait de la réduction du temps de travail, de l'augmentation du smic, des problèmes liés au recrutement et à la fidélisation de cette main-d'oeuvre.
Il est donc aujourd'hui nécessaire de trouver des solutions pour permettre aux coûts de main-d'oeuvre en France de s'aligner sur ceux de nos concurrents intracommunautaires ou extracommunautaires.
En effet, différentes études montrent combien les producteurs de fruits et légumes subissent de plein fouet les distorsions de concurrence des autres producteurs européens, puisque de forts écarts ont été constatés concernant la valeur des salaires minimaux, le taux des cotisations sociales, la durée du travail et les conditions d'accès à la main-d'oeuvre étrangère.
Ces graves distorsions de concurrence nuisent à la compétitivité et expliquent en partie la crise actuelle du secteur.
Très attentif aux attentes des professionnels sur ce volet, le Gouvernement a d'ores et déjà annoncé un certain nombre de mesures spécifiques. Des groupes de travail étudient encore cette problématique essentielle et d'une brûlante actualité. Puis-je me permettre, monsieur le ministre, de vous demander quel est l'état d'avancement de leurs travaux ?
Peut-être pourrait-on envisager une harmonisation sociale européenne ? Je n'entrerai pas dans le détail des dispositions qui pourraient être prises en la matière, car elles vont des allégements de charges pour les producteurs à la mise en place « d'un contrat cueillette » ou d'une période transitoire à la libre circulation des travailleurs. Mais il pourrait à mon avis s'agir là d'orientations fortes de nature à rassurer la filière.
Ce n'est d'ailleurs là qu'une d'une toute petite partie du plan à mettre en oeuvre afin de rendre cette filière compétitive. Ce plan devra être complet et doté de moyens financiers garantissant l'efficacité des mesures prises. Je sais que vous en avez conscience, monsieur le ministre, et votre présence parmi nous ce soir le prouve. Je crois que nous pouvons à l'évidence vous faire confiance à cet égard.
Puisque nous sommes encore dans la période des voeux, permettez-moi, à titre personnel, de formuler le souhait que les réponses que vous apporterez aux producteurs de fruits et légumes de France prennent toute la mesure des enjeux de cette filière, afin de favoriser le développement de stratégies gagnantes-gagnantes pour la société, pour les consommateurs, pour nos territoires ruraux et, bien sûr, pour la filière elle-même, créatrice d'emplois. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Gautier.
Mme Gisèle Gautier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre collègue Daniel Soulage a évoqué les différents problèmes que connaît la filière des fruits et des légumes.
Je veux pour ma part attirer l'attention de M. le ministre sur une question qui nous préoccupe particulièrement. En effet, au même titre que les autres employeurs de la production agricole, les chefs d'entreprise de maraîchage bénéficient de taux réduits de cotisations patronales sur les salaires lors de l'emploi de travailleurs occasionnels et autres personnes visées par le décret n° 95-703 du 9 mai 1995 modifié : il s'agit notamment de tous ceux qui participent, par exemple, à la cueillette du muguet ou à la récolte de la mâche dans la région nantaise où je réside, ou à des récoltes de tomates ou de fruits dans d'autres régions françaises. Ces taux réduits sont appliqués dans la limite d'une durée de cent jours.
A la suite de cette période d'application de taux réduits, lorsque le salarié est encore présent dans l'entreprise - c'est souhaitable, pour éviter la précarité -, l'employeur, dans les conditions prévues par le décret en question, acquitte les cotisations en bénéficiant de la réduction générale des cotisations de sécurité sociale créée par la loi n° 2003-17 du 17 janvier 2003, communément appelée « allégement Fillon ».
Or, se fondant sur un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation, relatif à une association intermédiaire et ayant donc une autre nature qu'une exploitation agricole, la MSA, organisme collecteur des cotisations, a décidé que les exploitants n'avaient pas droit à l'allégement Fillon lorsqu'ils avaient bénéficié dans l'année des réductions de taux prévues par le décret du 9 mai 1995.
Pour nous tous, il s'agit là d'une interprétation du principe du non-cumul des allégements inscrit dans la loi que l'on peut qualifier d'« abusive », la notion de cumul intégrant celle de simultanéité des faits générateurs et n'interdisant pas leur succession.
De plus, ne se satisfaisant pas de l'application immédiate d'une décision préjudiciable, les caisses de la MSA ont décidé, au lieu d'appliquer l'allégement Fillon, de recalculer les charges des entreprises sur la base des taux pleins, rétroactivement sur l'année 2004 et sur une partie de l'année 2003.
Ces dispositions manquent de loyauté au regard des employeurs qui ont réglé leurs cotisations sur la base des appels de la MSA. Elles vont encore aggraver la situation des entreprises du maraîchage qui, fortement employeuses de main-d'oeuvre - cela a été dit à plusieurs reprises -, sont durement touchées par les distorsions sociales européennes.
Ce sont les travailleurs qui seront bien évidemment les victimes de ces mesures condamnant les employeurs à ne pas dépasser les cent jours de travail par salarié et à maintenir des emplois précaires !
Monsieur le ministre, J'aimerais connaître votre position à l'égard de cette « interprétation » de la MSA, laquelle me paraît quelque peu incohérente, en tout cas avec l'esprit du texte de la loi Fillon que je viens d'évoquer en matière d'allégement. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question qui nous est posée aujourd'hui a trait à l'aide aux producteurs de fruits et légumes, particulièrement éprouvés en 2004 sur la quasi-totalité de leurs productions. Cette question interpelle naturellement le Gouvernement sur ses intentions en matière d'aide aux producteurs, les décisions précédentes n'ayant eu que très peu d'effets.
La question s'élargit ensuite à la nécessaire réforme de l'Organisation commune de marché et à la mise en place d'un véritable dispositif de gestion de crise à l'échelon européen.
Malgré l'urgence de décisions efficaces, cette question est un round de préparation aux lois à venir ayant trait à la modification de la loi Galland, dans le cadre de la loi Jacob, ainsi qu'à la future loi d'orientation agricole. Disons qu'au mieux nous pouvons espérer l'amorce de l'esquisse de propositions à la fin de l'année 2005 ou au début de l'année 2006.
C'est une question qui intervient à un moment privilégié, dans la mesure où nous débattons actuellement du développement des territoires ruraux et où la notion de coefficient multiplicateur vient d'être adoptée par le Sénat.
Espérons d'ailleurs que cet amendement relatif au coefficient multiplicateur en cas de crise survivra à la commission mixte paritaire. Nous y serons très attentifs, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, d'autant que M. le secrétaire d'Etat à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et à la ruralité a affirmé que le dispositif du coefficient multiplicateur disparaîtrait de toute façon.
La crise que nous vivons touche toutes les régions de France, tout particulièrement les régions du sud de la France et du nord de la Bretagne - Côtes d'Armor, Finistère et Ille-et-Vilaine - où la récente crise du chou-fleur a montré, une fois de plus, les contradictions du système économique libéral en place.
Cette crise se distingue par son ampleur et sa durée. Selon l'INSEE, les prix des fruits et légumes en juillet 2004 étaient en recul de 26,5 % par rapport à 2003. La perte pour les producteurs sur le plan national est estimée à 600 millions d'euros par an, et cette crise dure et s'accentue depuis plusieurs années.
Souvent mises en avant, les causes conjoncturelles des crises sont multiples et servent à cacher le vrai mal qui se situe dans les causes structurelles de l'organisation même du marché. L'abondance de l'offre, ou surproduction, et la faiblesse de la demande sont souvent évoquées pour masquer la réalité des importations abusives à bas prix et celle d'une France qui ne produit que 65 % de sa consommation.
La faiblesse de la demande a elle-même ses causes qui s'appellent baisse du pouvoir d'achat et défaut d'incitation des pouvoirs publics à la consommation de ces produits naturels.
Le défaut d'organisation des producteurs face à la grande distribution, lui aussi souvent évoqué, soulève le problème de la faiblesse des aides gouvernementales à l'Organisation commune de marché et son laxisme à l'égard des pratiques scandaleuses des grandes et moyennes surfaces, les GMS, et des centrales d'achat. Rappelons également que ces productions ne bénéficient pas des aides de la politique agricole commune.
A propos des aléas climatiques, les effets de ces derniers peuvent être contraires : à titre d'exemple, la douceur du climat breton a favorisé la production des choux-fleurs et avancé leur arrivée sur le marché ; le tout bien combiné avec des importations massives de choux-fleurs de Pologne, il en est résulté une belle crise ! A contrario, le mauvais temps, le gel et la neige font parfois flamber les prix de produits difficiles à extraire du sol.
Cela pose en grand la nécessité d'avancer vite en matière d'assurance récolte et de calendriers d'importation, national, communautaire et extracommunautaire.
Les causes les plus profondes des crises sont purement structurelles.
Elles s'appellent : « Racket des GMS et pratiques mafieuses des marges arrière, rabais, ristournes, déréférencement ».
Elles s'appellent : « importations abusives et distorsions de concurrence intracommunautaire et extracommunautaire » en vue du dumping économique.
Elles s'appellent : « découplage des aides » dans la nouvelle PAC et permettent de produire autre chose que le produit pour lequel des primes sont perçues. Pourquoi ne pas produire des fruits et légumes en lieu et place des céréales ? C'est la « désorganisation organisée » du marché qui se met en place.
Parlons maintenant des effets dévastateurs de ces crises qui frappent avant tout des femmes, des hommes, des familles.
En région Provence-Alpes-Côte d'Azur, 250 producteurs sont au bord du dépôt de bilan, ce qui signifie la disparition de milliers d'exploitations sur le plan national et des dizaines de milliers de nouveaux chômeurs dont la reconversion est très compliquée. Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, la spéculation foncière et immobilière s'en trouve stimulée.
La crise frappe durement les plus petits producteurs, mais elle n'épargne pas les entreprises maraîchères de taille respectable, plombées par leurs investissements.
La crise frappe aussi l'emploi des saisonniers dont le statut, déjà précaire, est peu enviable. Les emplois saisonniers sont également menacés à terme par la directive Bolkestein qui s'apprête à fournir légalement en France une main-d'oeuvre très bon marché, dépendant de la législation sociale de son pays d'origine.
La crise, ce sont aussi des économies régionales mises à mal, un affaiblissement de la biodiversité végétale par les standards imposés des GMS. Enfin, à terme, c'est l'indépendance alimentaire du pays qui est menacée.
Face à cette crise, le Gouvernement n'a pas eu grand-chose à mettre sur la table, préférant l'austérité budgétaire à toute autre considération qui serait pourtant vitale pour notre pays. Certes, 10 millions d'euros ont été dégagés, à la fin de l'été 2004, en aides directes de trésorerie, 50 millions d'euros en prêts de consolidation - à rembourser ultérieurement - et 10 millions d'euros à venir en direction de l' ONIFLHOR, le tout agrémenté par quelques mesures en faveur de la publicité hors des lieux de vente, l'utilisation des médias et des dispositions fiscales en direction des salariés.
Pour être objectif, il faut rapprocher ces dispositions des 600 millions d'euros de perte annuelle de la profession ou des 530 millions d'euros de cadeaux à la grande distribution et à la boucherie dans le cadre de la suppression de la taxe d'équarrissage.
Quant au grand coup de bluff de M. Sarkozy sur la baisse des prix à la consommation, les consommateurs ne l'ont pas ressentie. En revanche, les producteurs ont affiché une nette baisse de leurs prix. Il a été fréquemment constaté cet été que les fruits et légumes étaient nettement moins chers sur les marchés locaux que dans la grande distribution.
Les dispositions proposées et adoptées par le Gouvernement dans le cadre du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux ne suffiront pas si le dispositif du coefficient multiplicateur n'est pas validé. Je rappelle que ce dispositif présente un double avantage : d'un côté, en évitant les pratiques de marges abusives de la grande distribution, il tire vers le haut les prix à la production, ce qui permet aux producteurs, en particulier aux petits producteurs, d'afficher des prix rémunérateurs. De l'autre côté, il tire vers le bas les prix à la consommation en préservant ainsi le pouvoir d'achat des consommateurs.
Ce type d'indexation des prix d'achat aux producteurs et des prix aux consommateurs permet non seulement d'éviter les comportements prédateurs de la distribution, mais aussi de favoriser la transparence en matière de fixation des prix !
Nous savons bien que les prix à la consommation des fruits et légumes sont parfois trop élevés et créent des difficultés d'écoulement et des surproductions sur certains marchés. Mais, dans la majorité des cas, ce niveau trop élevé des prix est le résultat des ponctions opérées par la grande distribution, par le biais de marges abusives et par des importations à des prix bradés, véritables prix de dumping.
Dès lors, dans le contexte actuel de crise de la filière fruits et légumes, comment ne pas s'étonner de l'analyse menée par la commission Canivet, laquelle voit dans l'insuffisante baisse des prix des produits de grande consommation des obstacles à la libre concurrence ?
Ainsi, tout en prenant en compte la spécificité des produits agricoles, le rapport rejette les propositions du coefficient multiplicateur et des prix minima parce que contraires aux règles européennes.
Dans les cent trente pages du rapport, il n'y a pas un mot sur les conditions de travail et de rémunération des employés des grands magasins ni sur les milliers de petits paysans surexploités, qui n'arrivent pas à vivre de leur travail et qui sont de plus en plus acculés à la faillite. Faire abstraction de ces données et croire que l'on peut, grâce à la libre concurrence et donc à la suppression de la législation et de la réglementation actuelles, relancer la consommation au moyen de la baisse des prix est non seulement un leurre, mais également une grave erreur.
La remise en cause de la loi Galland, de la loi Raffarin et de la loi relative aux nouvelles régulations économiques mérite plus ample réflexion.
Certes, la loi Raffarin de 1996 n'a pas ralenti le rythme de disparition du petit commerce qu'elle était censée protéger et elle n'a pas freiné l'extension et la concentration des grandes enseignes. Entre autres facteurs explicatifs, la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat, la TACA, n'a-t-elle pas été détournée des objectifs pour lesquels elle avait été créée, à savoir l'aide au maintien du petit commerce ?
L'interdiction de revente à perte instituée par la loi Galland constitue, au final, un dispositif protecteur pour les fournisseurs, et c'est la raison pour laquelle les agriculteurs ont toujours protesté d'en être exclus.
Avec la suppression de ces lois, ce sont autant de dispositions comme les seuils de revente à perte, les obligations de transparence et de non-discrimination dans les relations entre fournisseurs et distributeurs, le gel administratif d'implantation de nouvelles surfaces de vente supérieure à 300 mètres carrés qui disparaîtraient.
Les propositions du Gouvernement qui ont été avancées dans le cadre du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux et celles qui sont notamment relatives aux dispositifs de sanction prévus en cas de pratique de prix abusivement bas ne sont-elles pas bien pâles et beaucoup moins protectrices face à l'interdiction de vente à perte qu'il aurait fallu étendre aux agriculteurs plutôt que la supprimer ?
Ce sont les centrales d'achat et les grandes et moyennes surfaces qui n'ont eu de cesse de contourner la législation, entraînant le développement des marges arrière qui représentent jusqu'à 30 % du prix officiel affiché sur les factures des fournisseurs, ce qui constitue au fond un véritable « racket organisé ».
M. François Marc. Eh oui !
M. Gérard Le Cam. Or, la commission Canivet propose ni plus ni moins de légaliser ces pratiques de marges arrière, en les transformant progressivement en marges avant, et de fixer le seuil de revente à perte au prix dit « triple net », c'est-à-dire déduit des ristournes, remises, rabais et coopération commerciale.
Après ces constats et remarques, il convient d'avancer un certain nombre de propositions concrètes et efficaces dans un contexte où, depuis 1992, l'agroalimentaire et la grande distribution ont bénéficié d'un transfert de valeur ajoutée en provenance de l'agriculture à hauteur de 12 milliards d'euros par an.
La grande distribution est la première bénéficiaire des réformes de la politique agricole commune de 1992 et de l'Agenda 2000.
Les agriculteurs ont perdu 12 milliards d'euros par an sur la vente globale de leurs produits ; en retour, ils n'ont perçu que 2 milliards d'aides compensatoires. Ils ont donc été volés de 10 milliards d'euros par an.
Les consommateurs et contribuables n'ont pas bénéficié de la baisse des prix à la consommation ; ils ont déboursé, pour leur part, 2 milliards d'euros par an pour financer les aides compensatoires européennes.
Il est nécessaire de prendre des dispositions volontaristes : seuls des prix rémunérateurs sont à même de permettre une agriculture sereine et pérenne. Cela passe par de nombreuses mesures qui, comme l'indiquent nos ministres, sont souvent contraires à l'esprit communautaire, mais sont indispensables au nom de la subsidiarité et de l'intérêt national.
Le coefficient multiplicateur doit être gravé dans la loi française et appliqué, dans un premier temps, aux périodes de crise, puis, dans un second temps, d'une manière permanente.
La préférence communautaire, l'harmonisation des charges et l'unicité des prix, qui sont aujourd'hui absentes du projet de Constitution européenne, doivent y figurer. Il en va de même de l'encadrement des pratiques des GMS au moyen de l'interdiction des marges arrière et autres pratiques de rabais, remises et ristournes ainsi que de l'instauration, produit par produit, d'un prix minimum et d'un prix rémunérateur de référence.
D'autres mesures, telles que le calendrier d'importations - encadrement des productions par régime et par pays -, l'orientation vers les conserves et l'appertisation, devraient également permettre de réguler l'offre et de maintenir des prix rémunérateurs.
La consommation des fruits et légumes mérite également d'être resituée dans la société de consommation qui nous est imposée. Indispensables à notre santé, les fruits et légumes méritent d'être promus sur le plan médiatique, afin d'inciter nos concitoyens à les consommer, notamment en dehors des produits préparés à très forte valeur ajoutée.
En conclusion, ce sujet, qui a fait l'objet d'un débat aujourd'hui, appelle des mesures radicales et urgentes, qui sont certes souvent contraires à l'esprit communautaire. Cet esprit libéral qui fait tant de mal doit donner à réfléchir à chacune et à chacun d'entre nous avant d'aller nous perdre dans les choux ... de Bruxelles, bien sûr ! (Sourires. - Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos, qui complètera l'excellente intervention de notre collègue François Marc, portera sur deux points.
J'aborderai tout d'abord la question de la reconnaissance des difficultés de production des fruits et légumes en région de montagne, puis celle de la réglementation française en matière d'agriculture biologique, qui est beaucoup plus restrictive que la réglementation européenne.
S'agissant du premier point, et tout particulièrement de l'arboriculture, il paraît tout à fait légitime et équitable, compte tenu des fortes contraintes pesant sur les départements de montagne - altitude moyenne de ces départements, relief accidenté qui les caractérise généralement avec, le plus souvent, des plantations sur coteaux, structure même des exploitations avec de très petites parcelles et des faibles rendements liés à ces conditions particulières -, que l'indemnité compensatoire de handicap naturel, l'ICHN, soit appliquée sur le terrain avec une plus grande souplesse dans ces départements et sur l'ensemble des départements savoyards, et ce si possible sans distinction de zone.
Par ailleurs, pour que les arboriculteurs puissent vivre de leur production, dans un contexte économique national et international difficile, et au regard des moindres tonnages à l'hectare qui sont réalisés en montagne, la profession souhaite que le prix de vente soit calculé à partir du prix de revient, quitte à proposer une transparence totale des charges du producteur et du distributeur.
En ce qui concerne le maraîchage dans ces départements, là aussi les exploitations sont de petite taille. Eu égard au climat et au relief, les contraintes sont fortes, avec des exploitations faiblement mécanisables, ce qui entraîne forcément un coût de main-d'oeuvre élevé.
Ces éléments expliquent les forts écarts de prix de revient avec d'autres zones de production et justifieraient l'établissement d'une aide pour « zone difficile » dans les départements concernés.
De plus, pour pouvoir valoriser leur production, les maraîchers d'altitude se sont fortement tournés vers la vente directe, ce qui augmente de façon très sensible le temps de travail ; l'aide que je viens de proposer viendrait, pour partie, compenser ce surcroît de travail.
Par ailleurs, s'agissant des deux filières arboricole et maraîchère, j'attire votre attention, monsieur le ministre, sur le fait que, d'une façon globale - ce n'est en effet pas exclusivement le cas dans les territoires où les emprises foncières sont faibles -, la pression foncière menace directement les exploitations. On touche là à la problématique du périurbain.
En effet, les meilleures terres sont en plaine ; les coteaux ensoleillés qui entourent nos agglomérations sont propices non seulement à l'agriculture, mais également au développement de l'habitat ; on privilégie une meilleure précocité en plaine pour les cultures qui sont là aussi menacées par le développement de l'urbanisation ; l'accessibilité à l'eau pour l'irrigation y est aussi plus facile ; enfin, l'importance de la proximité des bassins de consommation est un élément important qu'il ne faut pas négliger.
Il est donc indispensable de conserver une place aux maraîchers et aux arboriculteurs dans les aménagements des zones périurbaines pour éviter leur disparition pure et simple. Cela passe par une attention particulière et continue durant la phase d'élaboration des documents prospectifs en matière d'urbanisme, tel que le schéma de cohérence territoriale créé par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, de la part de tous les acteurs appelés à contribuer au contenu de ces schémas de référence, qu'il s'agisse des élus, des chambres consulaires, de l'Etat, ou des personnes qualifiées amenées à contribuer à cette élaboration.
Cela passe aussi par la mobilisation de moyens dont ne disposent pas toujours les collectivités territoriales pour la maîtrise foncière, laquelle conditionne le maintien de l'agriculture périurbaine. Comment l'Etat peut-il répondre à cet objectif ?
Par ailleurs, comment peut-on faire évoluer le rôle des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, les SAFER, pour que celles-ci concourent à pérenniser les productions de proximité de fruits et légumes et à favoriser ainsi les circuits courts tout en ayant une activité qui ne se cantonne plus uniquement à une mission agricole ?
Au moment où se créent, sur le territoire national, des établissements publics fonciers locaux, comment pouvons-nous mutualiser les moyens pour favoriser une complémentarité de ces outils fonciers ?
Le second volet de mon intervention concerne la réglementation relative à l'agriculture biologique.
J'ai suggéré tout à l'heure que puissent être reconnus, dans les prix de vente, les produits de la filière fruits et légumes de montagne. A cet égard, je souhaite vous faire part de certaines interrogations des professionnels appartenant à ces deux filières en matière de réglementation française de la production agricole biologique, laquelle est aujourd'hui beaucoup plus restrictive que la réglementation européenne.
En effet, sur le marché, nombreux sont les produits agréés par le règlement CEE n° 2092/91 de l'agriculture biologique et non autorisés en France. Ces produits sont pourtant systématiquement utilisés dans les autres pays de l'Union européenne dans le domaine de l'arboriculture fruitière.
La non-homologation des produits que je viens de citer est très certainement liée au coût très élevé des homologations françaises au regard du marché que représente aujourd'hui, sur notre territoire, l'agriculture biologique. Cette absence d'homologation est certainement également due au fait que les produits utilisables dans l'agriculture biologique proviennent de procédés biologiques de production, telles les fermentations, qui ne peuvent garantir des teneurs toujours parfaitement identiques en « matières actives », condition incontournable pour obtenir une homologation en France.
De fait, cette situation crée une distorsion de concurrence évidente en matière de production, qui est doublée d'une distorsion de concurrence économique puisque les produits des autres pays de l'Union européenne, conformes au règlement européen, sont librement mis sur le marché en France. Il s'agit là d'un sujet tout particulièrement sensible dans les départements producteurs frontaliers.
Aussi me semble-t-il urgent, notamment après en avoir discuté avec des producteurs de fruits arboricoles, de mettre la réglementation française en adéquation avec le règlement européen en matière de production de l'agriculture biologique, tout en restant bien évidemment vigilant en termes de sécurité alimentaire.
En effet, je remets en cause la distorsion évidente de concurrence entre les pays de l'Union européenne, mais je n'ai pas les moyens d'apprécier les politiques de sécurité alimentaire des autres pays de l'Union européenne. Toutefois, je n'ai pas de raison de penser que nos voisins allemands, par exemple, prennent des risques inconsidérés dans ce domaine, eux qui plébiscitent une alimentation saine à partir de produits issus de l'agriculture biologique, à l'instar d'ailleurs d'un pays voisin qui ne fait pas partie de la Communauté économique européenne, la Suisse, pays pionnier en la matière.
Monsieur le ministre, j'attends que vous répondiez aux interrogations et aux craintes des producteurs maraîchers et des producteurs de la filière arboricole. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Mortemousque.
M. Dominique Mortemousque. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat a adopté plusieurs amendements tendant à instituer un mécanisme de régulation des prix des fruits et légumes. Je tiens tout particulièrement à vous remercier, monsieur le ministre, de la rapidité avec laquelle les recommandations formulées par la commission Canivet et régissant les rapports entre fournisseurs et distributeurs ont pu être appliquées.
De surcroît, je le sais, vous allez travailler en étroite collaboration avec Christian Jacob pour élaborer un certain nombre de mesures.
S'agissant des problèmes relatifs aux fruits et légumes, l'essentiel a été dit, mais j'aimerais toutefois attirer votre attention sur deux points.
Je parlerai tout d'abord de l'aspect commercial. Sincèrement, je crois que tout le monde doit apporter sa contribution. La profession doit mieux s'organiser pour avoir une meilleure approche de l'offre.
En tant qu'agriculteur, j'ai pu constater - et je l'ai aussi remarqué lorsque j'ai exercé des responsabilités au sein des chambres d'agriculture et ailleurs - que la situation s'est améliorée chaque fois que la profession a identifié ses produits. A cet égard, je prendrai plusieurs exemples.
S'agissant, par exemple, des choux-fleurs, filière qui a déjà été évoquée tout à l'heure, l'organisation n'est pas efficiente. Mais dans le secteur du lait, qui a connu avant 1984 d'importantes difficultés et qui en connaît certes encore, je constate que des progrès significatifs ont été enregistrés. Il en est de même pour la betterave sucrière et, dans ma région, pour les pruneaux d'Agen. Le simple fait de disposer d'une organisation interprofessionnelle permet d'engager les discussions, ce qui est une bonne solution. On peut encore le vérifier dans la filière du tabac, qui connaît aujourd'hui une situation particulièrement difficile.
Il faut réussir à remettre sur pied ce processus. Ce n'est pas simple, et il faut que vous nous aidiez, monsieur le ministre, à faire en sorte que les choses soient transparentes. La notion de marges arrière n'est vraiment pas concevable ; on ne peut imaginer des mécanismes aussi peu transparents. Il faut donc parvenir à faire cesser ces procédés pour que les opérations se pratiquent dans des conditions correctes et que les amendements qui ont été proposés, tel le coefficient multiplicateur par exemple, puissent trouver leur application.
Par ailleurs, je remercie Daniel Soulage d'avoir accepté de conduire le groupe fruits et légumes, créé au sein de la commission des affaires économiques du Sénat ; je travaille à ses côtés.
Je développerai maintenant le second volet de mon intervention, qui concerne la main-d'oeuvre.
Comme Daniel Soulage et d'autres collègues l'ont souligné, le coût de la main-d'oeuvre pose aujourd'hui problème. Mon collègue Gérard Le Cam a fait état d'une situation qui peut évoluer.
Mais les chiffres sont têtus. L'année dernière, l'heure de ramassage des fruits coûtait 6,15 euros en Allemagne, contre 8,30 euros en France. Comment expliquer ce décalage à un producteur en difficulté ?
En outre, et je le dis notamment à ceux qui sont peut-être moins investis dans ces productions sensibles, nous devons nous préoccuper dans cette assemblée des problèmes de souplesse en termes d'emplois.
Je prendrai un exemple typique dans mon département, celui de la fraise, qui est un produit extrêmement sensible. Sans doute ne savez-vous pas, mes chers collègues, que le revenu de la fraise se joue quelquefois en l'espace de trois ou quatre jours. La réactivité doit alors être extrêmement forte : il faut mobiliser des gens qui acceptent de ramasser ces produits. Imaginez qu'il faille, le soleil faisant son oeuvre, un vendredi soir ou un samedi, veille du week-end de la Pentecôte, trouver trente ramasseurs. Les procédures légales sont telles que je vous mets au défi de voir des cueilleurs dans les champs de fraises avant le mardi midi ou le mercredi ! Et les fraises sont perdues ! Là est tout le problème.
Il ne s'agit pas de faire de l'esclavagisme, mais il nous faut trouver une solution à la fois extrêmement souple et respectueuse des intérêts des cueilleurs. En effet, c'est ce manque de souplesse qui a fait passer la production de fraises dans mon département de 25 000 tonnes - voilà vingt ans, il était le premier département français producteur de fraises - à 6 000 tonnes aujourd'hui. Si vous visitez quelques fermes, vous verrez que les problèmes de main-d'oeuvre ne se posent plus : il n'y a plus d'activité !
Je déplore d'autant plus cette situation que je connais la valeur de ce fruit rouge, l'importance qu'il peut avoir et les frais qu'engagent la profession et l'Etat pour développer des recherches sur les variétés. Mais les producteurs ont perdu confiance et sont plongés dans une situation difficile.
J'espère que nous trouverons des voies meilleures. Cette situation dure depuis vingt ans. Je ne prends pas particulièrement le gouvernement actuel en défaut. Sur ce volet-là, tout le monde a échoué !
Monsieur le ministre, comment comptez-vous remédier à ces différents dysfonctionnements afin que les producteurs reprennent confiance et que d'autres perspectives soient offertes à notre pays ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons eu, grâce à Daniel Soulage, un débat de grande qualité. Je le remercie donc d'avoir posé cette question orale.
Vous avez les uns et les autres évoqué les préoccupations d'une filière qui jouit par ailleurs auprès de nos concitoyens d'une image forte et sympathique, ce qui constitue indéniablement un atout. J'apporterai donc, mesdames, messieurs les sénateurs, des éléments de réponse à vos interrogations et propositions en distinguant trois orientations : d'abord, les dispositions adoptées pour faire face à la crise de 2004 ; ensuite, au-delà de cette action conjoncturelle, le développement de dispositifs communautaires pérennes - beaucoup d'entre vous ont en effet évoqué les politiques européennes - ; enfin, l'amélioration des perspectives économiques de la filière.
La crise étendue de la filière en 2004 a nécessité des réponses d'urgence. Les mesures adoptées recouvrent des dispositions de nature financière, répondent à la volonté d'établir un dialogue entre l'amont et l'aval de la filière et, enfin, permettent de relancer une consommation atone.
D'abord, en ce qui concerne les mesures ciblées de nature financière, mon prédécesseur, Hervé Gaymard, a annoncé le 7 octobre dernier une série d'actions ciblées : 10 millions d'euros consacrés à des aides directes de trésorerie ; une enveloppe exceptionnelle de 50 millions d'euros de prêts de consolidation permettant d'étaler sur cinq ans, à coût réduit, les échéances bancaires des producteurs de fruits et légumes en difficulté financière ; l'échelonnement, voire la prise en charge partielle, de leurs cotisations à la Mutualité sociale agricole.
Je vous remercie d'avoir souligné que ces mesures ont été mises en place dans des délais très brefs. Vous savez, pour bien connaître le terrain, que les premiers paiements sont d'ores et déjà intervenus.
Par ailleurs, la déduction pour aléas, la DPA, a été aménagée de manière pérenne. En outre, je m'emploie à accélérer la finalisation de la mise en oeuvre des remboursements partiels en faveur des exploitants de la taxe intérieure sur les produits pétroliers et de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel, mesures destinées à atténuer le poids de la hausse des prix de l'énergie qui avaient été annoncées par Nicolas Sarkozy et moi-même.
Ensuite, des mesures destinées à apporter une réponse partenariale associant l'amont et l'aval de la filière ont été prises. Chacun d'entre vous sait que le marché des fruits et légumes dépend très largement de ces relations. Sous l'égide des ministres de l'agriculture et du commerce, l'ensemble des partenaires de la filière est parvenu à un accord qui a été signé durant l'été 2004 et qui précise les pratiques commerciales régissant les relations distributeurs-producteurs, notamment en cas de crise, comme celle qui est survenue l'an dernier.
Enfin, des mesures visant à promouvoir la consommation des fruits et légumes ont été prises. C'est fondamental ! Les moyens du ministère de l'agriculture ont été mobilisés dès le début du mois d'août dernier par Hervé Gaymard, associés à ceux de l'interprofession et de la Commission européenne, pour lancer une opération de promotion radiophonique des fruits et légumes. Le ministère s'est également investi auprès des producteurs, en particulier les producteurs de tomates, pour relancer le marché.
Des moyens budgétaires supplémentaires étaient naturellement nécessaires.
Au-delà de ces mesures conjoncturelles, je souhaite accélérer la définition, par les différents partenaires de la filière, d'un plan de 10 millions d'euros mis en place par l'Office interprofessionnel des fruits, des légumes et de l'horticulture, l'ONIFLHOR, afin d'engager des actions structurantes.
La loi de finances pour 2005 que vous avez votée récemment prévoit, dans le budget du ministère de l'agriculture, une augmentation de l'enveloppe de l'ONIFLHOR, qui s'élève à 59 millions d'euros en 2005. Cette disposition montre également le soutien déterminé de mon ministère en faveur de la filière fruits et légumes.
Deux chantiers restent à traiter à l'échelon communautaire. Au-delà de ces mesures d'urgence pour 2004, une réponse aux difficultés rémanentes doit être élaborée, pour partie, dans un cadre européen. C'est pourquoi je porterai devant les instances européennes deux dossiers, et j'ai d'ailleurs commencé à le faire lors du conseil des ministres de l'agriculture et de la pêche qui s'est tenu lundi dernier à Bruxelles : le dossier des mécanismes de gestion de crise et celui de l'adaptation de l'Organisation commune de marché.
J'attire votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, sur l'importance du dossier de la gestion des crises et des risques. Vous vous souvenez que, lors de l'accord de Luxembourg de juin 2003, la Commission s'était engagée à déposer avant la fin de l'année 2004 un rapport suggérant des mesures relatives à la gestion des risques, crises et catastrophes naturelles lorsqu'elles surviennent à l'échelle nationale.
J'ai évoqué ce sujet à l'occasion des deux conseils des ministres de l'agriculture et de la pêche auxquels j'ai participé depuis ma nomination comme lors d'autres entretiens avec la nouvelle commissaire européenne, l'ancienne ministre danoise de l'agriculture, Mme Fischer Boel. J'ai senti des réserves de sa part, comme de la part de certains Etats membres. J'ai naturellement cherché à engager le dialogue avec mes collègues européens, en particulier à trouver une position commune avec l'Espagne, dont les préoccupations sont proches des nôtres. L'Italie pourrait s'associer à cette démarche. L'Allemagne, même si elle n'est pas demandeuse, adoptera, je l'espère, une position de neutralité.
Je dois dire devant la Haute Assemblée que la position de la Commission européenne n'est pas encore connue, Mme Fischer Boel ne m'ayant pas donné d'informations précises lundi dernier. Elle ne le sera qu'avec la présentation de son rapport devant le prochain conseil des ministres de l'agriculture et de la pêche, le 28 février prochain à Bruxelles, c'est-à-dire, vous le voyez, avec un certain retard malheureusement.
Par ailleurs, nous sommes confortés dans notre position par le fait que le cadre fixé par la présidence pour la réforme de l'Organisation commune de marché réaffirme notamment la nécessité de déterminer de nouvelles options en matière de gestion des crises et de simplifier l'utilisation des fonds opérationnels.
Ce dossier de gestion des crises et des risques est très important, et nous en avons besoin. En effet, dans le cadre de la réforme de la PAC, il n'existe plus d'instruments nationaux ou européens. Il nous faut donc un instrument autorisé par l'Europe dans ce domaine.
Parallèlement à ce traitement communautaire, le Gouvernement - Daniel Soulage en a parlé, et vous l'avez rappelé les uns et les autres -, a entrepris d'apporter une réponse aux risques naturels à travers le mécanisme de l'assurance-récolte, Daniel Soulage en a parlé. Ce mécanisme sera amplifié, conformément aux préconisations de M. Christian Ménard, député du Finistère. Le Gouvernement a décidé la mise en oeuvre progressive de ce dispositif, entre 2005 et 2007, en y consacrant spécifiquement, dès cette année, 10 millions d'euros. Un comité de suivi accompagnera sa mise en oeuvre et préfigurera l'Agence de gestion des risques dont le Président de la République a annoncé la création à Murat et que je souhaite inscrire dans le futur projet de loi d'orientation agricole.
Il faut également redessiner l'Organisation commune de marché afin qu'elle prévoie des outils spécifiques de gestion de crise pour ce secteur. Elle pourrait être articulée autour de deux orientations : d'une part, le soutien aux associations ou aux regroupements d'organisations de producteurs ; d'autre part, l'inscription dans son règlement des dispositions de gestion ou d'anticipation des crises spécifiques au secteur.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le calendrier actuellement prévu par la Commission fixe une première échéance pour les fruits frais en septembre prochain, et pour les fruits transformés à la fin de l'année 2005.
Je tiens aussi à rassurer les producteurs qui ont connu des modifications de la réglementation communautaire en 1999, en 2001 et en 2003. J'ai à l'esprit le besoin de sécuriser sur le plan réglementaire les organisations de producteurs dans cet environnement particulièrement complexe. Comme l'a souligné Daniel Soulage, nous travaillons avec les professionnels pour encourager les investissements des exploitations dans le futur plan de développement rural national, le PDRN.
Le développement de la filière fruits et légumes est étroitement lié à trois questions : l'organisation économique de la filière et du marché des fruits et légumes ; la compétitivité économique, qui dépend notamment du coût du travail ; la valorisation de la production.
En ce qui concerne l'organisation économique, et Gérard Le Cam l'a rappelé, l'extrême diversité des producteurs parallèlement à la forte concentration des distributeurs pèse sur le revenu des producteurs et suscite leur exaspération en raison d'un rapport de force déséquilibré sur les marchés. C'est pourquoi il convient de stimuler une nouvelle organisation économique et commerciale plus efficace, qui pourrait prendre cinq directions.
Premièrement, il faut favoriser l'émergence de structures commerciales puissantes. Je suis convaincu que, tout en laissant vivre la diversité des circuits, qui est inhérente à ce secteur, il faut encourager la concentration de l'offre sur un plan commercial, conformément aux préconisations du rapport de M. Mordant. Tout cela est d'ailleurs un gage d'efficacité.
Deuxièmement, il faut rééquilibrer les relations avec la distribution. S'appuyant sur certaines recommandations du rapport Canivet, une réflexion est menée par Luc-Marie Chatel, député de la Haute-Marne, sur l'initiative de Christian Jacob, pour définir les modalités d'une relation plus équilibrée entre producteurs agricoles et distributeurs.
A cet effet, la Haute Assemblée a voté, la semaine dernière, un éventail d'outils et de mécanismes. Le Gouvernement souhaitait une telle adoption, dans un souci d'efficacité et avant que ne surgissent de nouvelles difficultés. Plusieurs d'entre vous l'ont rappelé, le Gouvernement a proposé un dispositif complet et cohérent de quatre articles, préparés en concertation avec les professionnels. Ce dispositif répond d'ores et déjà à un certain nombre de leurs préoccupations en proposant un encadrement des marges par un mécanisme de cliquet.
Ce dispositif est proche, monsieur Soulage, dans sa finalité, du mécanisme du coefficient multiplicateur, qui était au coeur de votre amendement. Le Gouvernement n'a pas été favorable à votre proposition lors de sa présentation dans le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux - je parle sous le contrôle du président de la commission des affaires économiques, M. Jean-Paul Emorine - en raison de son rejet par le rapport Canivet et de la contrainte communautaire.
J'ajoute que la proposition du sénateur Thierry Repentin visant à lier le prix de vente au prix de revient souffre des mêmes inconvénients.
Christian Jacob et moi-même serons très attentifs au bon fonctionnement du dispositif que vous avez voté, et qui respecte nos engagements communautaires. J'ai bien noté l'attente forte de tous ceux qui se sont exprimés sur ce point.
Troisièmement, la loi d'orientation agricole qui sera présentée au Parlement cette année pourra à mon avis être utilement mise à profit pour actualiser les missions des comités de bassin.
Quatrièmement, il convient d'associer les producteurs indépendants à l'organisation économique.
Les services du ministère de l'agriculture et l'ONIFLHOR ont, en association avec les professionnels, commencé à intégrer cette ouverture dans les différentes circulaires. En ce qui concerne les aides cofinancées par l'Europe, la Commission a d'ores et déjà été informée de cette évolution.
Par ailleurs, le soutien de la filière par l'Office connaît un nouvel élan. Ainsi, la rénovation du verger, à l'instar de l'aide aux serres, pourra bénéficier, non seulement de l'augmentation du budget de l'ONIFLHOR - j'ai rappelé les chiffres tout à l'heure - mais également d'un financement du plan de développement rural national à hauteur de 25 % de l'aide, conformément à l'accord obtenu par la France auprès de la Commission européenne.
Cinquièmement, il faut fortifier les interprofessions. J'ai bien noté la détermination de M. Dominique Mortemousque sur ce point.
Le rôle des interprofessions est au centre des débats relatifs à l'évolution de la législation actuelle et - je vous l'indique d'ores et déjà - sera abordé lors de la discussion du projet de loi d'orientation agricole, car le renforcement de ces interprofessions est indispensable. Il devra bien évidemment se faire après un dialogue préalable avec ces dernières.
Sur un plan un peu plus pragmatique, je souhaite la simplification de la procédure d'extension des accords interprofessionnels et la réduction, dans la mesure du possible, des délais de leur mise en oeuvre.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez tous abordé le sujet de la compétitivité et de l'emploi.
La question de l'organisation professionnelle a déjà été évoquée. L'amélioration de la compétitivité de ce secteur passe par des dispositions fiscales portant à la fois sur la gestion des aléas et le coût du travail.
S'agissant du traitement des aléas, des dispositions relatives à la déduction pour aléas, la DPA, ont été adoptées : allongement du délai de réintégration fiscale des sommes épargnées au titre de la déduction pour aléas et aménagement de la DPA en faveur des secteurs fortement utilisateurs de main-d'oeuvre.
En ce qui concerne les coûts du travail - vous avez, les uns et les autres, en particulier M. Bernard Murat, cité des exemples intéressants, dont certains posent de réelles difficultés -, le Gouvernement a pris des mesures visant principalement à alléger les cotisations sociales dues par les producteurs de fruits et légumes.
Par ailleurs, s'agissant des distorsions de concurrence entre les coûts de main-d'oeuvre dans les différents pays, que ces derniers appartiennent ou non à l'Union européenne, M. Jacques Le Guen, député du Finistère, missionné par le Premier ministre, doit remettre un rapport d'évaluation et de proposition avant la fin du premier semestre. Cette mission permettra également d'examiner les conditions dans lesquelles une extension du contrat de vendanges à d'autres travaux de cueillette et de récolte pourrait être réalisée, notamment à partir d'un bilan dudit contrat. Je m'adresse là plus particulièrement à Mme Gisèle Gautier.
D'ores et déjà, j'ai, en collaboration avec mon collègue M. Gérard Larcher, donné des instructions claires et nettes sur l'introduction de la main-d'oeuvre saisonnière étrangère. Elles seront applicables pour la campagne 2005.
J'indique également à Mme Gautier qu'un employeur dont le salarié perdrait le bénéfice de l'allégement accordé aux travailleurs occasionnels se verrait appliquer automatiquement l'allégement général, dit « allégement Fillon ». Je veillerai, madame le sénateur, à ce que la MSA informe les employeurs de cette règle de non-cumul.
Enfin - vous l'avez rappelé, les uns et les autres -, la valorisation de la production des fruits et légumes est indispensable et doit structurer notre action.
Elle doit prendre deux orientations essentielles : d'une part, la recherche et l'affichage de la qualité des produits français, non seulement pour répondre à la contrainte de la compétition internationale, mais aussi pour attirer les consommateurs ; d'autre part, l'affirmation du rôle des fruits et légumes dans une alimentation équilibrée - M. Daniel Soulage l'a indiqué à juste titre - et donc la promotion de leur consommation et de leurs bienfaits pour la santé, notamment dans l'optique de la lutte contre l'obésité, au moment où ce problème est posé de manière publique.
S'agissant de la recherche et de l'information sur la qualité, le secteur des fruits et légumes dispose encore de potentialités pour faire reconnaître la qualité de certains de ses produits. A ce jour, seules quinze dénominations géographiques concernent les fruits et légumes, et moins de 2 % des surfaces sont concernées, par exemple, par la mention « agriculture biologique ».
C'est pourquoi j'ai demandé que le plan national relatif à l'agriculture biologique soit l'occasion de relancer la production biologique et de rapprocher les cahiers des charges français et communautaires, pour éviter d'éventuelles distorsions de concurrence. Ce point a été soulevé par M. Thierry Repentin.
Dans la promotion des bienfaits d'une alimentation équilibrée, donc comportant des fruits et légumes, l'éducation joue un rôle primordial qui doit être renforcé : tel est l'un des axes du programme national nutrition-santé mobilisant les ministères de l'agriculture et de la santé.
Sur un plan pragmatique, des propositions ont été formulées pour encourager et rendre plus régulière la consommation de fruits et légumes.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en conclusion, je retiendrai de ce débat quatre axes d'action pour le ministère de l'agriculture, axes qui devront trouver une traduction concrète et précise dans la loi d'orientation agricole : la gestion des aléas traitée sur le plan européen avec, notamment, la perspective de l'assurance récolte, l'amélioration de l'organisation économique du secteur, le renforcement de la compétitivité de ce dernier, en particulier à travers le coût du travail, la gestion de la qualité et la valorisation de la production.
Cette question des fruits et légumes nous mobilisera certainement à nouveau au cours des mois à venir, que ce soit lors de débats conjoncturels, de débats européens, ou à l'occasion de la préparation de la loi d'orientation agricole. Je vous remercie en tout cas, mesdames, messieurs les sénateurs, de l'avoir abordée aujourd'hui de façon concrète. Nous allons, si vous le voulez bien, travailler ensemble à apporter les réponses attendues. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de la séance de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures cinquante.)
M. le président. La séance est reprise.
6
Développement des territoires ruraux
Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxième lecture
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion en deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif au développement des territoires ruraux (nos 27 et 138).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 55 quinquies A.
Article 55 quinquies A
La section 2 du chapitre II du titre II du livre IV du code de l'environnement est ainsi rédigée :
« Section 2
« Réserves de faune sauvage
« Art. L. 422-27. - Les réserves de faune sauvage ont vocation à :
« - protéger les populations migratrices d'oiseaux d'eau, conformément aux engagements internationaux ;
« - assurer la protection de certains milieux indispensables à la sauvegarde d'espèces menacées ;
« - constituer des territoires de référence pour la mise au point d'outils de gestion des espèces de faune sauvage et de leurs habitats ;
« - insérer la chasse dans le développement durable des territoires ruraux.
« Elles sont organisées sous la responsabilité générale de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage en un réseau national géré pour le compte de l'État par des établissements publics, et en réseaux départementaux dont les collectivités territoriales, avec l'appui des fédérations départementales des chasseurs, sont chargées de la mise en place et de la gestion.
« Un décret en Conseil d'État précise les conditions de mise en oeuvre et de gestion de ces différents réseaux. »
M. le président. L'amendement n° 30, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
I. Avant le premier alinéa de l'article L. 422-27 du code de l'environnement, il est ajouté huit alinéas ainsi rédigés :
« Les réserves de chasse et de faune sauvage ont vocation à :
« - protéger les populations d'oiseaux migrateurs conformément aux engagements internationaux ;
« - assurer la protection des milieux naturels indispensables à la sauvegarde d'espèces menacées ;
« - favoriser la mise au point d'outils de gestion des espèces de faune sauvage et de leurs habitats ;
« - contribuer au développement durable de la chasse au sein des territoires ruraux.
« Elles sont créées par l'autorité administrative à l'initiative du détenteur du droit de chasse ou de la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs lorsqu'il s'agit de conforter des actions d'intérêt général.
« Les réserves nationales de chasse et de faune sauvage sont organisées en un réseau national sous la responsabilité de l'office national de la chasse et de la faune sauvage et de la fédération nationale des chasseurs.
« Les autres réserves peuvent être organisées en réseaux départementaux dont la coordination est assurée par les fédérations départementales ou interdépartementales des chasseurs.
II. La section 2 du chapitre II du livre IV du code de l'environnement est ainsi rédigée :
« Section 2
« Réserves de chasse et de faune sauvage »
La parole est à M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. A l'Assemblée nationale, nos collègues députés ont inséré un article additionnel, fruit du travail de Pierre Lang et du rapport que ce dernier avait remis au Gouvernement au sujet de l'évolution des réserves de chasse.
Bien que cet article ait été rédigé de manière un peu précipitée, vous aviez, monsieur le ministre, émis un avis favorable. Toutefois, je crois que vous-même et vos services n'aviez pas eu le temps de travailler suffisamment longuement sur cette rédaction.
C'est la raison pour laquelle je propose un certain nombre de modifications.
D'abord, nous vous suggérons de corriger l'intitulé de ces réserves pour que le mot chasse continue d'y figurer. Ensuite, nous apportons quelques corrections sur la vocation de ces réserves, en précisant notamment qu'il leur incombe de protéger l'ensemble des espèces d'oiseaux migrateurs, et non pas seulement les oiseaux d'eau migrateurs.
Nous réaffirmons également le principe selon lequel ces réserves sont créées par l'autorité administrative, sur l'initiative des titulaires du droit de chasse, qu'il s'agisse de réserves volontaires ou obligatoires pour les ACCA, les associations de chasse communales agréées.
Cet amendement vise également à supprimer l'intervention des collectivités territoriales en tant que gestionnaires du réseau départemental, dans la mesure où celles-ci n'ont pas réellement compétence à intervenir en matière de chasse.
Nous proposons enfin de maintenir l'alinéa de l'article L. 422-27 du code de l'environnement disposant que les conditions d'institution et de fonctionnement des réserves de chasse sont fixées par décret en Conseil d'Etat, de même que l'alinéa spécifique relatif à la chasse.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable. Je souscris totalement aux propos de M. le rapporteur, tant en ce qui concerne la dénomination des réserves que la définition des objectifs poursuivis au travers de leur création.
Il était nécessaire que la rédaction de cet article additionnel soit précisée, ainsi que l'a dit M. le rapporteur.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable.
M. le président. En conséquence, l'article 55 quinquies A est ainsi rédigé.
Article 55 quinquies
I. - L'article L. 423-1 du code de l'environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le caractère valable du permis de chasser résulte, d'une part, du paiement des redevances cynégétiques et du droit de timbre mentionnés à l'article L. 423-12 et, d'autre part, du paiement des cotisations prévues à l'article L. 423-13 ainsi que des participations prévues à l'article L. 426-5 et de la cotisation nationale instituée à l'article L. 421-14 lorsqu'il s'agit de la chasse du grand gibier. »
II. - Le deuxième alinéa de l'article L. 423-2 du même code est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« A l'exclusion des personnes visées par l'article L. 423-25, l'autorisation de chasser est délivrée par l'autorité administrative, gratuitement, pour un an et une fois par personne :
« - aux mineurs de plus de quinze ans ayant satisfait à un examen théorique ;
« - aux majeurs ayant bénéficié d'une formation pratique élémentaire délivrée par l'Office national de la chasse et de la faune sauvage ou par la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs. »
M. le président. L'amendement n° 161 rectifié, présenté par Mmes Henneron, Bout et Rozier et M. Lecerf, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le I de cet article pour compléter l'article L. 423-1 du code de l'environnement par deux alinéas ainsi rédigés :
« La Fédération nationale des chasseurs détermine chaque année en assemblée générale le montant de la participation dénommée Oiseau d'eau qui est due à la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs par tout propriétaire d'une installation fixe de chasse de nuit déclarée pour l'exercice de la chasse du gibier d'eau de nuit entre l'heure légale du coucher du soleil et celle de son lever.
« La Fédération nationale des chasseurs gère dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat l'emploi du fonds ainsi constitué afin de mettre en place une procédure d'étude sur les oiseaux d'eau ainsi que des programmes d'action visant à la conservation et à l'utilisation durable des oiseaux d'eau dans leur aire de répartition en collaboration avec des organismes de recherche à caractère international »
La parole est à Mme Janine Rozier.
Mme Janine Rozier. Cet amendement nous a été suggéré par les huttiers propriétaires d'une installation fixe de chasse de nuit. En effet, ces derniers considèrent que la connaissance des populations d'oiseaux migrateurs à l'échelle de leur aire de répartition permet une bonne gestion et conditionne l'utilisation durable de cette ressource naturelle.
Le présent amendement a pour objet de créer une cotisation fédérale qui serait assise sur les installations fixes de chasse de nuit du gibier d'eau, déclarées et immatriculées dans les départements concernés par cette pratique.
Cette cotisation alimenterait un fonds affecté à l'étude de ces oiseaux via des organismes de recherche à caractère international compétents sur leur aire de répartition.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Le rapporteur que je suis est un peu gêné : autant le souhait des auteurs de l'amendement est fondé, autant la forme et le moment ne nous semblent pas bons.
En effet, alors même que l'on a supprimé le timbre « gibier d'eau », qu'acquittaient uniquement les chasseurs de gibier d'eau, on « rechargerait la barque » en taxant ceux d'entre eux qui chassent à la hutte.
Je ne suis pas certain que ce soit une très bonne chose !
Cela dit - et c'est la raison pour laquelle je considère qu'il est fondé -, cet amendement émane de l'association nationale des chasseurs de gibier d'eau, l'ANCGE, qui, notamment à travers l'organisme « Oiseaux migrateurs du paléarctique occidental », l'OMPO, réalise des analyses de l'évolution et du comportement de ces oiseaux migrateurs d'eau.
Au-delà de cet amendement, le problème réside dans l'insuffisance des moyens mis à la disposition de l'OMPO.
Je crois qu'il faut être vigilant en la matière. Récemment, des moyens complémentaires ont été accordés. Le conseil d'administration de la fédération nationale des chasseurs, la FNC, vient ainsi d'accorder il y a quelques jours 120 000 euros à l'OMPO pour mener des études supplémentaires.
Un autre problème réside dans le fait que les études réalisées par l'OMPO n'ont pas toujours une valeur scientifique reconnue par tous. A l'avenir, il faudra donc, si l'on donne des moyens financiers supplémentaires à l'OMPO, vérifier que ces études ne sont pas contestées, ne serait-ce que pour pouvoir fournir des arguments au ministre ou aux chasseurs, notamment vis-à-vis de Bruxelles.
Cet amendement a pour objet de taxer le chasseur de nuit de gibier d'eau à la hutte. Je ne suis pas sûr que ce soit très adroit !
Par ailleurs, le mécanisme proposé ne semble pas bon : la fédération nationale déterminerait le montant de la participation due aux fédérations départementales et le produit de cette dernière serait géré par la fédération nationale, qui pourrait ensuite l'utiliser pour mener des études.
C'est la raison pour laquelle, chère collègue, je vous demande de retirer votre amendement. Précisez cependant à ceux avec qui vous avez travaillé sur ce sujet que nous serons vigilants, afin que l'OMPO dispose de moyens financiers à l'avenir.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Serge Lepeltier, ministre. Cet amendement a pour objet d'imposer par la voie législative une participation financière supplémentaire aux chasseurs.
Son assiette est cependant mal définie, ainsi que ses conséquences. Cette cotisation créerait une inégalité dans la mesure où seuls les propriétaires d'installations fixes seraient tenus de financer des études portant sur l'ensemble des gibiers d'eau.
Par ailleurs, tout en étant gérée par la fédération nationale, cette cotisation serait due par le propriétaire à sa fédération départementale. Ce serait une source de contentieux !
Je rappelle que le Sénat avait lui-même voté la suppression de la redevance cynégétique « gibier d'eau » lors de l'examen de la loi de finances rectificative pour 2002. Plutôt que de multiplier les impositions et les études concurrentes, il conviendrait plutôt de coordonner les travaux de recherche conduits tant par les fédérations que par l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, l'ONCFS.
C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Carrère. Je souscris à l'esprit et au fond de l'amendement. En revanche, je ne suis pas favorable à ce qu'une structure nationale puisse mener ce genre d'études au moyen d'un prélèvement qui serait opéré dans le dos des fédérations. Il faut faire très attention !
A cet égard, la réponse du rapporteur est très juste. Certes, il faut que cette structure puisse disposer des moyens lui permettant de conduire un certain nombre d'études, mais la solution proposée à cette fin ne nous convient pas.
C'est pour cette raison que je m'associe à la demande de retrait formulée par M. le rapporteur.
M. le président. Madame Rozier, l'amendement n° 161 rectifié est-il maintenu ?
Mme Janine Rozier. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 161 rectifié est retiré.
L'amendement n° 31, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le II de cet article :
II - Le deuxième alinéa de l'article L. 423-2 du même code est ainsi rédigé :
« A l'exclusion des personnes visées par l'article L. 423-25, l'autorisation de chasser est délivrée par l'autorité administrative, gratuitement, pour un an et une fois par personne, aux mineurs de plus de quinze ans et aux majeurs, ayant bénéficié d'une formation pratique élémentaire délivrée par la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs, avec le concours de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage. »
La parole est à M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cet amendement concerne la formation des chasseurs accompagnés, c'est-à-dire des jeunes chasseurs débutants.
Nos collègues de l'Assemblée nationale avaient ajouté un paragraphe à l'article issu du vote du Sénat, afin d'élargir la délivrance d'une autorisation de chasser accompagné aux majeurs dès lors qu'ils ont bénéficié d'une formation pratique élémentaire délivrée par l'ONCFS.
C'est une bonne idée, mais pourquoi la réserver aux majeurs ? Par cet amendement, je propose donc que l'on utilise le même système de formation pour les chasseurs accompagnés, qu'ils soient majeurs ou mineurs.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Serge Lepeltier, ministre. La chasse accompagnée est un bon moyen de faire découvrir la pratique cynégétique à un non-chasseur et il serait judicieux que cela concerne aussi bien les adultes que les mineurs à partir de quinze ans.
En outre, une formation théorique et pratique semble suffisante pour accéder à la chasse accompagnée alors qu'en l'état actuel du texte l'examen théorique du permis est requis, procédure relativement lourde pour accéder à une pratique de pure initiation.
Le Gouvernement souhaite que davantage de non-chasseurs puissent s'initier à ce loisir proche de la nature, à l'heure où la démographie des chasseurs laisse prévoir une réduction assez rapide de leur nombre.
C'est la raison pour laquelle je suis très favorable à l'amendement proposé.
M. le président. Je mets aux voix l'article 55 quinquies, modifié.
(L'article 55 quinquies est adopté.)
Article 56
IA. - Le premier alinéa de l'article L. 423-4 du code de l'environnement est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L'autorité administrative informe l'Office national de la chasse et de la faune sauvage des inscriptions au fichier national automatisé nominatif des personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes prévu à l'article 19-2 du décret-loi du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions. »
I. - Non modifié.
II. - L'article L. 423-11 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 423-11. - Ne peuvent obtenir la délivrance d'un permis de chasser :
« 1° Les personnes âgées de moins de seize ans ;
« 2° Les majeurs en tutelle, à moins qu'ils ne soient autorisés à chasser par le juge des tutelles ;
« 3° Ceux qui, par suite d'une condamnation, sont privés du droit de port d'armes ;
« 4° Ceux qui n'ont pas exécuté les condamnations prononcées contre eux pour l'une des infractions prévues par le présent titre ;
« 5° Tout condamné en état d'interdiction de séjour ;
« 6° Ceux qui n'ont pu produire le certificat médical prévu à l'article L. 423-6 ;
« 7° Les personnes ayant formé l'opposition prévue au 5° de l'article L. 422-10 ;
« 8° Les personnes privées, en application de l'article L. 428-14, du droit de conserver ou d'obtenir un permis de chasser ;
« 9° Ceux qui sont inscrits au fichier national automatisé nominatif des personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes prévu à l'article 19-2 du décret-loi du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions.
« Sous les peines encourues pour le délit prévu par l'article 441-6 du code pénal, toute personne demandant la délivrance d'un permis de chasser doit déclarer qu'elle n'est pas dans l'un des cas d'incapacité ou d'interdiction prévus ci-dessus.
« Le permis de chasser délivré sur une fausse déclaration est nul de plein droit. Dans ce cas, il doit être remis au préfet à sa demande. Il peut être fait application des peines prévues contre ceux qui ont chassé sans permis valable. »
III. - L'article L. 423-15 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 423-15. - Ne peuvent obtenir la validation de leur permis de chasser :
« 1° Les mineurs non émancipés âgés de plus de seize ans, à moins que la validation ne soit demandée pour eux par leur père, mère ou tuteur ;
« 2° Les majeurs en tutelle, à moins qu'ils ne soient autorisés à chasser par le juge des tutelles ;
« 3° Ceux qui, par suite d'une condamnation, sont privés du droit de port d'armes ;
« 4° Ceux qui n'ont pas exécuté les condamnations prononcées contre eux pour l'une des infractions prévues par le présent titre ;
« 5° Tout condamné en état d'interdiction de séjour ;
« 6° Les personnes atteintes d'une affection médicale ou d'une infirmité, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État, rendant dangereuse la pratique de la chasse ;
« 7° Les personnes ayant formé l'opposition prévue au 5° de l'article L. 422-10 ;
« 8° Les personnes privées, en application de l'article L. 428-14, du droit de conserver ou d'obtenir un permis de chasser, ou dont le permis est suspendu en application de l'article L. 428-15 ;
« 9° Ceux qui sont inscrits au fichier national automatisé nominatif des personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes prévu à l'article 19-2 du décret-loi du 18 avril 1939 précité.
« Sous les peines encourues pour le délit prévu par l'article 441-6 du code pénal, toute personne demandant la validation d'un permis de chasser doit déclarer qu'elle n'est pas dans l'un des cas d'incapacité ou d'interdiction prévus ci-dessus.
« En cas de fausse déclaration, la validation du permis de chasser est nulle de plein droit. Dans ce cas, le document de validation doit être, à sa demande, remis au préfet. Il peut être fait application des peines prévues contre ceux qui ont chassé sans permis valable.
« En cas de doute sur la déclaration relative aux affections mentionnées au 6°, le préfet peut demander un certificat médical. »
IV à VII. - Non modifiés.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 279 rectifié, présenté par M. Pintat, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le IA de cet article :
IA - L'article L. 423-4 du code de l'environnement est ainsi rédigé :
« Art. L. 423-4 - I. Il est constitué un fichier central à caractère national des permis délivrés, des validations et des autorisations de chasser dont la gestion est confiée à la Fédération nationale des chasseurs sous le contrôle de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage.
« Les fédérations départementales et interdépartementales des chasseurs transmettent chaque année au gestionnaire du fichier la liste de leurs adhérents titulaires du permis de chasser, d'une validation et d'une autorisation de chasser.
« L'autorité judiciaire informe l'ONCFS et renseigne le fichier central visé au premier alinéa sur les peines prononcées en application des articles L. 428-14 et L. 428-15 ainsi que des retraits du permis de chasser prononcés en vertu des articles 131-14 et 131-16 du code pénal. L'autorité administrative informe l'Office national de la chasse et de la faune sauvage et renseigne le fichier central sur les inscriptions au fichier national automatisé des personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes prévu à l'article L.2336-6 du code de la défense.
« II- Un décret en Conseil d'Etat pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés précise les modalités d'application du présent article »
Cet amendement n'est pas soutenu.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je le reprends au nom de la commission, monsieur le président.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 279 rectifié bis.
Je vous donne la parole, monsieur le rapporteur, pour présenter cet amendement.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je reprends cet amendement, qui traite d'un sujet sur lequel M. Pintat a beaucoup travaillé et qui a suscité des contacts et des travaux importants avec vos services, monsieur le ministre.
Je me suis moi-même intéressé à ce problème du fichier national, qui est important parce que c'est aussi le fruit d'un rapprochement réussi entre l'Office national de la chasse et de la faune sauvage et la Fédération nationale des chasseurs, qui n'entretenaient pas de très bonnes relations auparavant. Les tensions se sont cependant apaisées, les uns et les autres se sont rapprochés et parviennent désormais à travailler ensemble.
Je souscris tout à fait à l'objectif de cet amendement, qui est d'instaurer une nécessaire coopération entre la FNC et l'ONCFS pour la tenue à jour de ce fichier. Il convient d'être vigilant sur cet équilibre.
Certains chasseurs ont la réputation d'être hostiles à l'ONCFS. Etant un peu considéré comme le représentant des chasseurs, je tiens à dire très clairement devant vous, monsieur le ministre que l'ONCFS est investi des missions régaliennes de l'Etat en matière de chasse et de missions techniques et scientifiques tendant à améliorer la connaissance et le bon état de conservation de la faune sauvage, du gibier en particulier.
La FNC doit également pouvoir justifier de missions de service public, et la tenue de ce fichier central des validations y répond parfaitement, pour des raisons de sécurité publique.
Le dispositif proposé par cet amendement, s'agissant de l'accès aux renseignements relatifs aux sanctions ayant donné lieu à retrait de permis de chasser ou interdiction d'acquisition et de détention d'arme, a été corrigé par M. Pintat sur mes recommandations ainsi que sur celles de vos services, monsieur le ministre.
En effet, la Fédération nationale des chasseurs, en tant que gestionnaire du fichier central, ne doit pas avoir accès à des données nominatives sur ces condamnations : il suffit que le fichier central soit renseigné et déclenche un signal d'interdiction au moment de son interrogation par une fédération départementale qui délivre une validation annuelle.
Il faut enfin noter que ce fichier central ne concerne en rien la délivrance du volet permanent du permis de chasser, qui doit rester de la compétence de l'autorité administrative.
Je crois, monsieur le ministre - et sans doute allez-vous nous le confirmer -, que votre ministère n'est pas le seul concerné, le ministère de l'intérieur l'étant également.
Cette nouvelle rédaction est l'aboutissement d'une première rédaction et d'un sous-amendement de la commission, qui ont l'une et l'autre disparu et se trouvent ainsi rassemblées. Je crois d'ailleurs savoir que le ministère de l'intérieur approuverait cette nouvelle rédaction !
M. le président. L'amendement n° 428, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. A la fin du texte proposé par le IA de cet article pour compléter le premier alinéa de l'article L. 423-4 du code de l'environnement, remplacer les mots :
prévu à l'article 19-2 du décret-loi du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions
par les mots :
visé à l'article L. 2336-6 du code de la défense
II. En conséquence, procéder à la même modification dans le dixième alinéa (9°) du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 423-11 du même code et dans le dixième alinéa (9°) du texte proposé par le III de cet article pour l'article L. 423-15 du même code.
La parole est à M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination qui, si l'amendement n° 279 rectifié bis est adopté, sera pour une large part satisfait. Je le rectifierai donc, le cas échéant, en conséquence.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Serge Lepeltier, ministre. D'une certaine manière, la proposition qui nous est faite à travers l'amendement n° 279 rectifié bis va dans le sens souhaité par le Gouvernement d'un rapprochement des chasseurs et de l'ONCFS. Toutefois, elle pose quelques problèmes que je voudrais évoquer.
En premier lieu, je souhaite attirer votre attention sur le fait que de nombreuses questions resteront à résoudre lors de la rédaction du décret d'application : faire gérer par une association de droit privé des éléments personnels nécessitera des précautions conduisant à un encadrement strict afin d'éviter d'attenter aux libertés publiques.
Je ne citerai que quelques exemples.
La simple comparaison avec les fédérations sportives n'est évidemment pas pertinente puisque leur licence atteste de la cotisation et du respect des règles fédérales et, éventuellement, de l'assurance. En effet, le permis de chasser confère, bien au-delà du simple droit de pratiquer une activité de loisir, l'autorisation d'acheter, de détenir et d'utiliser certaines armes dans des lieux publics et non pas simplement dans des stands de tir fermés.
Pour prendre une autre comparaison, le fichier du permis de conduire n'est pas géré par l'Automobile club de France ou d'autres clubs.
Dans l'état actuel du droit, l'autorisation administrative informe l'ONCFS des inscriptions au fichier national automatisé nominatif des personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes pour des motifs qui, le plus souvent d'ailleurs, ne concernent pas la chasse.
Certes, la validation annuelle des permis est effectuée par les fédérations départementales des chasseurs, mais le volet permanent est établi par le préfet à partir du certificat de réussite à l'examen établi par l'ONCFS.
Enfin, le permis de chasser est aussi assimilé à une pièce d'identité officielle, admise pour justifier de son identité lors des élections. Nous n'avons donc pas affaire - j'insiste sur ce point - à la gestion d'un fichier tout à fait anodin.
En second lieu, le Gouvernement demeure profondément attaché à la restauration durable de relations apaisées entre les fédérations de chasseurs et l'Office national de la chasse et de la faune sauvage. A cet égard, un dispositif d'échange entre l'ONCFS et la FNC est déjà prévu par la loi sur le fichier national.
On peut attendre que ce dispositif soit jugé sur ses effets dans le cadre d'un Office aujourd'hui en plein renouvellement, et d'ailleurs plus proche des fédérations départementales des chasseurs.
Vous souhaitez aller plus loin et plus vite en anticipant sur le contrat d'objectif de l'Office en cours de discussion. Celui-ci ne pourra de toute façon être mis en oeuvre que dans le cadre de relations totalement apaisées.
Voter cet amendement serait incontestablement donner un signe fort de la volonté du législateur de voir l'Office et les fédérations s'engager résolument dans cette voie, aplanir les difficultés et renoncer aux contentieux qui pourraient subsister.
On voit bien, en examinant l'ensemble de ces arguments, que certains d'entre eux vont dans le sens de l'amendement et que d'autres s'y opposent. C'est la raison pour laquelle je m'en remets à la sagesse du Sénat sur les amendements nos 279 rectifié bis et 428. Les avantages et les inconvénients peuvent dans tous les cas s'équilibrer.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote sur l'amendement n° 279 rectifié bis.
M. Jean-Louis Carrère. Je ne suis pas défavorable à cet amendement, qui me semble toutefois prématuré, je le dis très sincèrement.
Je n'ai pas le tropisme de défendre les ministres de l'écologie quand il s'agit de chasse, mais là, en toute objectivité, le bon sens doit nous incliner à penser que cet amendement est vraiment prématuré. Même les arguments que vous avez donnés, monsieur le rapporteur, laissant penser qu'on mettrait de l'ordre dans la saisine de tous les éléments par les fédérations ne me rassurent pas complètement et ne me convainquent pas de voter cet amendement.
Je suis donc plutôt réservé. Je souhaiterais, monsieur le rapporteur, que vous retiriez cet amendement, que je serai prêt le moment venu à adopter, lorsque l'Office aura un peu progressé dans cette évolution à laquelle vient de faire allusion M. le ministre.
M. le président. La parole est à M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Loin de vouloir retirer cet amendement, je souhaiterais au contraire convaincre mon collègue Jean-Louis Carrère de s'y rallier.
Cela n'est pas prématuré ! Le succès du guichet unique, auquel 80 % des départements français se sont ralliés, le prouve. Cela signifie que ce n'est plus l'organisme administratif de l'Etat qui délivre les validations annuelles, mais que ce sont dorénavant les fédérations départementales des chasseurs. Le moment est donc opportun.
Monsieur le ministre, vous le savez - ce n'est d'ailleurs pas un secret -, l'Office national de la chasse et de la faune sauvage a beaucoup travaillé sur ce sujet avec la Fédération nationale des chasseurs. L'Office s'est beaucoup investi dans ces travaux, mais si la Fédération - elle ne peut certes qu'obéir à vos ordres -, au cours des séances de travail, a approuvé cette rédaction, c'est en respectant totalement la mission que vous lui avez confiée et dont elle ne s'est pas écartée. C'est pourquoi je pense au contraire que c'est le bon moment pour adopter ce texte, qui tient compte de la réalité du terrain.
Monsieur le ministre, je vais même plus loin : si cet amendement est adopté et que se trouvent ainsi confortées les bonnes relations entre la FNC et l'ONCFS, je souhaite que soient définitivement clos les contentieux juridiques qui existent encore entre ces deux protagonistes. Si cette mesure, qui est bien sûr fortement souhaitée par la FNC puisqu'elle conforterait sa mission de service public, était adoptée, je demanderais officiellement à la FNC et à l'ONCFS de faire l'effort de se rapprocher pour accélérer la clôture de ces contentieux juridiques C'est mon souhait profond, qui sera renforcé par l'adoption de cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 279 rectifié bis.
M. le président. La parole est à M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Monsieur le président, ainsi que je vous l'ai laissé entendre, je rectifie l'amendement n° 428 afin de tenir compte de l'adoption de l'amendement n° 279 rectifié bis.
M. le président. L'amendement n° 428 rectifié, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
I. - Dans le 9° du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 423-11 du même code, remplacer les mots:
prévu à l'article 19-2 du décret-loi du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions
par les mots:
visé à l'article L. 2336-6 du code de la défense
II. - Dans le 10° du texte proposé par cet article pour l'article L. 423-15 du même code, remplacer les mots:
prévu à l'article 19-2 du décret-loi du 18 avril 1939 précité
par les mots:
visé à l'article L. 2336-6 du code de la défense
Je mets cet amendement aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 32, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après le I de cet article, insérer un I bis ainsi rédigé :
I bis - Le premier alinéa de l'article L. 423-6 du code de l'environnement est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Pour l'inscription à l'examen du permis de chasser, le candidat doit présenter à l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, un certificat médical attestant que son état de santé physique et psychique est compatible avec la détention d'une arme.
« Il est également perçu un droit d'examen dont le montant est fixé dans la limite de 16 euros, par arrêté du ministre chargé de la chasse et du ministre chargé du budget. »
La parole est à M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. C'est un amendement de cohérence.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 348 rectifié, présenté par M. Cazeau, Mme Herviaux, M. Besson et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après le dixième alinéa (9°) du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 423-11 du code de l'environnement, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ... ° Toute personne ayant été condamnée pour non-respect des règles régissant les missions de service public confiées aux fédérations pour une durée de trois à six ans fixée par le préfet. »
La parole est à M. Jean-Louis Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Cet amendement a pour objet de permettre au préfet, qui assure la tutelle des fédérations de chasse, de s'opposer à la délivrance d'un permis de chasser à un chasseur qui a commis des fautes graves en qualité de gestionnaire cynégétique et qui a été condamné pour de tels faits.
La réglementation actuelle comporte une lacune qui, selon mon ami Bernard Cazeau, est source d'une iniquité flagrante : celui qui braconne un lapin peut voir son permis suspendu par le juge, alors que celui qui aurait commis des fautes graves en qualité de gestionnaire cynégétique et qui aurait été condamné pour de tels faits pourrait continuer à chasser.
Aucun texte ne prévoit actuellement que le préfet, qui assure la tutelle des fédérations de chasse, puisse suspendre le permis de ces personnes. Pour ces raisons, l'amendement déposé par M. Cazeau, Mme Herviaux et M. Besson mérite d'être examiné avec attention et approuvé.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable car, en visant spécifiquement les responsables des fédérations départementales de chasseurs, cet amendement fait montre d'une certaine méfiance à l'encontre tant des élus de ces fédérations que des agents techniques qui y travaillent.
S'agissant de la modification technique souhaitée par M. Carrère, le 4° de l'article L. 423-11 du code de l'environnement dispose que « ceux qui n'ont pas exécuté les condamnations prononcées contre eux pour l'une des infractions prévues par le présent titre » ne peuvent obtenir la délivrance d'un permis de chasser : l'amendement est donc totalement satisfait. Cette disposition est suffisante et présente l'avantage de ne pas contenir de connotation défavorable aux fédérations départementales.
C'est la raison pour laquelle, mon cher collègue, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Monsieur Carrère, l'amendement n° 348 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Louis Carrère. Ne souhaitant pas donner cette connotation à mon amendement, j'accepte de le retirer.
M. le président. L'amendement n° 348 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 56, modifié.
(L'article 56 est adopté.)
Article 57
I. - 1. Les deux derniers alinéas de l'article L. 424-3 du code de l'environnement sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
« Dans ce cas, les dispositions des articles L. 425-4 à L. 425-14 ne sont pas applicables et la participation aux frais d'indemnisation des dégâts de gibier prévue à l'article L. 426-5 n'est pas due.
« II. - Les établissements professionnels de chasse à caractère commercial peuvent être formés de territoires ouverts ou de terrains clos au sens du I du présent article. Ils possèdent cette qualité par l'inscription au registre du commerce ou au régime agricole. Leur activité est soumise à déclaration auprès du préfet du département et donne lieu à la tenue d'un registre.
« Dans ces établissements, les dates de chasse aux oiseaux d'élevage sont fixées par arrêté du ministre chargé de la chasse. »
2. Le premier alinéa du même article est précédé de la mention : « I. - ».
3. Le sixième alinéa (5°) de l'article L. 413-4 du même code est ainsi rédigé :
« 5° Les établissements professionnels de chasse à caractère commercial visés à l'article L. 424-3. »
II. - L'article L. 424-4 du même code est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le jour s'entend du temps qui commence une heure avant le lever du soleil au chef-lieu du département et finit une heure après son coucher. » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Il donne également le droit de chasser le gibier d'eau à la passée, à partir de deux heures avant le lever du soleil et jusqu'à deux heures après son coucher, dans les lieux mentionnés à l'article L. 424-6. » ;
2° bis Au troisième alinéa, les mots : « l'alinéa précédent » sont remplacés par les mots : « le premier alinéa »
3° Il est inséré, après le troisième alinéa, un alinéa ainsi rédigé :
« Tous les moyens d'assistance électronique à l'exercice de la chasse, autres que ceux autorisés par arrêté ministériel, sont prohibés. » ;
3° bis Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les gluaux sont posés deux heures avant le lever du soleil et enlevés avant onze heures. » ;
4° Le dernier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Toutefois, le déplacement en véhicule à moteur d'un poste de tir à un autre est autorisé dès lors que l'action de chasse est terminée et que l'arme de tir est démontée ou placée sous étui.
« Par dérogation aux dispositions de l'alinéa précédent, pour la chasse au chien courant, le déplacement en véhicule à moteur d'un poste de tir à un autre peut être autorisé dans les conditions fixées par le schéma départemental de gestion cynégétique dès lors que l'arme de tir est démontée ou placée sous étui. »
II bis. - Supprimé.
III. - Non modifié.
IV. - L'article L. 424-8 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 424-8. - I. - Le transport, la vente, la mise en vente, la détention pour la vente et l'achat des animaux vivants d'espèces dont la chasse est autorisée ou des animaux licitement tués à la chasse sont :
« 1° Libres toute l'année pour les mammifères ;
« 2° Interdits pour les oiseaux et leurs oeufs, sauf pour :
« - leur transport à des fins non commerciales, y compris le transport des appelants et des escaps ;
« - les espèces dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la chasse.
« II. - Toutefois, des restrictions peuvent être apportées par l'autorité administrative à ces dispositions pour prévenir la destruction ou favoriser le repeuplement du gibier.
« III. - Le transport, la vente, la mise en vente, la détention pour la vente et l'achat des animaux vivants ou morts d'espèces dont la chasse est autorisée et qui sont nés et élevés en captivité sont libres toute l'année.
« IV. - Nonobstant les dispositions des I et III, la vente, le transport pour la vente, la mise en vente, la détention pour la vente et l'achat des animaux licitement tués à la chasse ou morts provenant d'élevages visés au III sont autorisés s'ils respectent les dispositions relatives à la traçabilité des produits prévues aux articles L. 232-1, L. 232-1-1, L. 232-2 et L. 232-3 du code rural et si les animaux ont fait l'objet d'une inspection sanitaire conformément aux articles L. 231-1, L. 231-2 et L. 231-3 du code rural.
« V. - Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application du présent article. »
V. - L'article L. 424-9 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 424-9. - Le grand gibier tué accidentellement et en tout temps à la suite d'une collision avec un véhicule automobile peut être transporté sous réserve que le conducteur prévienne, avant de le sortir de son véhicule, les services de la gendarmerie nationale ou de la police nationale. »
VI et VII. - Non modifiés.
M. le président. L'amendement n° 349 rectifié, présenté par M. Cazeau, Mme Herviaux, M. Besson et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
I - Dans le premier alinéa du texte proposé par le 1 du I de cet article pour l'article L. 424-3 du code de l'environnement, supprimer les mots :
et la participation aux frais d'indemnisation des dégâts de gibier prévue à l'article L. 426-5 n'est pas due.
II - Dans la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le 1 du I de cet article pour remplacer les deux derniers alinéas de l'article L. 424-3 du code de l'environnement, après le mots :
formés
supprimer les mots :
de territoires ouverts ou
La parole est à M. Jean-Louis Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. J'ai conscience que cet amendement soulève plus de problèmes qu'il n'en résout, mais je souhaite attirer l'attention du Sénat, et en particulier de M. le rapporteur et de M. le ministre, sur le problème des dégâts provoqués par le grand gibier à proximité immédiate des enclos.
En effet, les grands animaux, surtout les cervidés, mus par l'instinct, s'approchent des enclos en période de reproduction, essaient d'en franchir les clôtures et, ce faisant, causent des dégâts importants. Le problème est que ces dégâts, qui affectent des espaces situés à l'extérieur des enclos, sont imputés aux fédérations de chasseurs.
Cet amendement tend à faire en sorte que les fédérations de chasseurs, qui ne peuvent être tenues pour responsables des espaces situés à proximité des enclos de chasse, ne soient pas seules à rembourser les dégâts causés par ces animaux attirés par la présence de gibier captif à l'intérieur des enclos.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je remercie M. Carrère d'avoir exposé très honnêtement la situation et j'abonde dans son sens : la concentration de gibier autour des enclos pose un vrai problème. En effet, au moment du rut, les cerfs, attirés par les biches enfermées dans l'enclos, se rassemblent et cherchent à s'en approcher !
On pourrait songer à imputer la responsabilité de ces dégâts aux propriétaires des enclos. Or ceux-ci ne peuvent être considérés comme responsables puisque leurs animaux, enfermés à l'intérieur des enclos, n'ont pas pu provoquer de dégâts à l'extérieur.
Bien que M. Carrère ait très bien résumé ce problème de terrain, que nous connaissons tous, la commission a émis un avis défavorable sur sa double proposition. Je lui demande donc de bien vouloir retirer son amendement. D'avance, je l'en remercie.
M. le président. Monsieur Carrère, l'amendement n° 349 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Louis Carrère. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 349 rectifié est retiré.
L'amendement n° 373, présenté par M. Desessard, Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery, est ainsi libellé :
Supprimer le dernier alinéa du texte proposé par le 1 du I de cet article pour remplacer les deux derniers alinéas de l'article L. 424-3 du code de l'environnement.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. M. Poniatowski a réussi à nous dérider en faisant allusion au rut des cervidés. J'espère que la séance continuera à se dérouler dans cette ambiance sereine et conviviale !
M. Jean-Louis Carrère. Il n'y a pas d'enclos ici ! (Sourires.)
Mme Dominique Voynet. Cet amendement tend à prévenir l'apparition d'une chasse à deux vitesses et à éviter que ne soient favorisées les chasses commerciales. La chasse doit rester avant tout un loisir populaire.
La fixation de dates d'ouverture et de fermeture différentes pour les établissements commerciaux de chasse et pour la chasse en milieu naturel est injuste vis-à-vis du chasseur qui pratique une chasse populaire. C'est surtout une aberration, car rien n'empêche des animaux sauvages, en l'occurrence ici surtout des oiseaux, de se trouver sur ces territoires. Comment distinguer, sur un territoire, un colvert d'élevage d'un colvert sauvage ?
D'un point de vue éthique, il est également scandaleux d'encourager le développement de la chasse des oiseaux d'élevage, car les chasseurs, dans ces conditions, n'auraient plus besoin de concourir à la protection des populations sauvages.
Enfin, le gibier d'élevage étant incapable de se défendre contre les prédateurs sur ces territoires de chasse, il devient nécessaire d'éradiquer ces prédateurs, ce qui retarde d'autant la mise en place d'un équilibre naturel.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.
Je ferai quelques remarques à propos de cet amendement et des huit autres qui vont suivre.
Parmi les auteurs de ces amendements, trois d'entre eux n'étaient pas sénateurs lors de l'examen en première lecture de ce projet de loi et le sont devenus lors du renouvellement de la Haute Assemblée en septembre dernier. Ils ouvrent donc à nouveau ce débat, ce qui est parfaitement leur droit.
M. Paul Blanc. Bis repetita non placent !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je serai bref, d'autant que l'alinéa visé, ainsi que la quasi-totalité de l'article 57, a été adopté en termes identiques par l'Assemblée nationale, à l'unanimité, et par le Sénat, à une très grande majorité.
Par cet amendement, vous souhaitez, madame Voynet, remettre en cause le dispositif que nous avions proposé s'agissant des règles applicables aux établissements professionnels de chasse à caractère commercial. Il s'agissait d'une demande ancienne, formulée dans de nombreux départements.
Nous avions trouvé, avec l'administration et les professionnels qui pratiquent ou qui organisent ce type de chasse, une solution. Ce dispositif n'est pas mauvais et je ne souhaite pas le remettre en cause.
L'avis de la commission est donc défavorable sur ces différents amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Serge Lepeltier, ministre. Le projet de loi a prévu que les dispositions relatives au plan de chasse, aux prélèvements maximum autorisés et à l'indemnisation des dégâts de grand gibier ne s'appliqueraient pas aux enclos, dans la mesure où les populations de gibier sont gérées en dehors de toute communication avec l'extérieur.
La chasse en enclos est soumise à des conditions restrictives puisque le territoire chassé doit être, d'une part, entouré d'une clôture étanche au passage de tout mammifère chassé et, d'autre part, attenant à une habitation. Une discussion avait d'ailleurs eu lieu à l'Assemblée nationale sur cette dernière notion, qui est restrictive.
Ces conditions limitant d'ores et déjà le développement de ce type de chasse, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Carrère. J'avais participé, avec un certain nombre de mes collègues, au débat en première lecture portant sur les territoires ruraux et la chasse. Nous avions alors, comme l'a rappelé M. le rapporteur, longuement discuté de cet article.
Ces amendements nouveaux tendent à remettre en cause des dispositions qui, selon nous, tenaient compte des équilibres existants. La partie du groupe socialiste que je représente s'abstiendra donc sur ces amendements.
M. le président. L'amendement n° 374, présenté par M. Desessard, Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery, est ainsi libellé :
Supprimer le 1° du II de cet article.
L'amendement n° 375, présenté par M. Desessard, Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le 2° du II du présent article pour le deuxième alinéa de l'article L. 424-4 du code de l'environnement, remplacer les mots :
deux heures avant le lever
par les mots :
une heure avant le lever
et remplacer les mots :
deux heures après son coucher
par les mots :
une heure après son coucher
L'amendement n° 376, présenté par M. Desessard, Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery, est ainsi libellé :
Supprimer le 3° du II de cet article.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. S'il est parfaitement exact que je n'ai pas eu le plaisir et l'honneur de participer à la discussion de ce projet de loi en première lecture, je tiens cependant à faire remarquer à M. Poniatowski, qui nous a dit qu'il opposerait un refus global à tous nos amendements, que je ne suis pas ici pour mener une guérilla illusoire et inutile, mais que j'ai pris part à suffisamment de discussions sur ce même sujet pour résumer mon argumentation à l'essentiel.
L'amendement n° 374 a pour objet de supprimer le 1° du II de l'article 57.
Selon la jurisprudence et le bon sens, l'interdiction de chasser la nuit s'applique dès lors que l'on ne peut plus distinguer les couleurs, ce qui correspond en général aux horaires suivants : une demi-heure après le coucher du soleil et une demi-heure heure avant son lever. La modification proposée autorise donc, de fait, la chasse de nuit.
Par ailleurs, en zone montagneuse, il fait souvent nuit sur les versants à l'ombre bien avant l'heure légale de coucher du soleil et bien après son lever.
Cette disposition constitue donc une atteinte grave à la sécurité des personnes et augmente les risques de tirer une espèce protégée.
D'un point de vue pratique, elle rendra nécessaire la publication de toutes les heures de lever et de coucher du soleil pour toutes les préfectures pendant la période de chasse, soit du 1er juin au 28 février.
L'amendement n° 375 vis à restreindre la durée de chasse autorisée avant le lever et après le coucher du soleil, dans les mêmes conditions que pour l'amendement précédent : il s'agit de réduire les risques d'erreur et de revenir à une définition plus sobre et plus stricte de la chasse de nuit.
L'amendement n° 376 vise à supprimer le 3° du II de cet article. Cet habile alinéa tend en effet à autoriser, par arrêté ministériel, l'utilisation d'un véritable arsenal de chasse électronique. Cette disposition équivaut à permettre de fait le recours à des moyens d'assistance électronique actuellement interdits. Cette assistance, outre le danger qu'elle induit, supprime la relation, revendiquée par les chasseurs, qui existe entre la nature et l'homme et crée une dépendance technologique qui confine au ridicule. (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 374 et 375.
Nous avons eu un long débat sur la question des heures de lever et de coucher du soleil à partir desquelles la chasse est autorisée ou non. La mesure adoptée à l'article 57 comporte certes un risque, mais c'est une solution logique et qui répond aux particularités du terrain, puisque ces heures ne sont pas les mêmes en Alsace et en Bretagne.
Le Sénat, en adoptant à l'unanimité cette disposition - à laquelle se sont ralliés les députés -, a retenu sinon la solution idéale, du moins la plus logique, la plus souple et celle qui tient le mieux compte de la réalité du terrain.
Il est vrai qu'en définissant une heure nationale d'ouverture et de fermeture, de lever et de coucher du soleil, on aurait probablement évité d'éventuels procès-verbaux dressés par les gardes fédéraux contre les chasseurs. En effet, si l'heure fixée est différente entre le Loiret ou le Loir-et-Cher, par exemple, on peut imaginer que tel garde fédéral qui serait en mauvais termes avec tel chasseur pourrait vouloir le piéger...
Quoi qu'il en soit, je crois que nous avons trouvé une bonne solution et je souhaite qu'elle ne soit pas remise en cause. C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur les amendements nos 374 et 375.
J'en viens à l'amendement n° 376.
Ma chère collègue, c'est à croire que vous n'avez pas lu les débats qui ont eu lieu en première lecture ! En effet, si nous vous suivons, que va-t-il se passer ?
M. Jean-Louis Carrère. Il y aura un problème !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. En effet ! Si l'on en revient à la réglementation actuelle, tous les instruments d'assistance électronique seront autorisés, sauf interdiction édictée par voie réglementaire.
Vous souhaitez que l'on vous suive, madame Voynet ? Soit, allons-y ! Et l'on ne manquera pas de vous dire que c'est vous, Mme Voynet, qui avez décidé de revenir à la solution précédente, qui autorisait l'utilisation de tous les instruments d'assistance électronique, à l'exception de ceux dont l'emploi serait jugé abusif par les services du ministère de l'environnement.
Soit vous avez soit mal lu le 3° du II de l'article 57, soit vous avez mal mesuré les conséquences de votre proposition !
Plutôt que d'émettre un avis défavorable, je vous incite donc à retirer purement et simplement cet amendement. Je n'irai pas jusqu'à émettre un avis favorable : ce vote vous exposerait, en effet, aux railleries de la presse demain.
M. le président. Madame Voynet, suivez-vous le conseil de M. le rapporteur ?
Mme Dominique Voynet. Je retire d'autant plus volontiers cet amendement que ses conséquences m'avaient effectivement échappé. Mais je me dois d'interroger M. le rapporteur : comment diable, dans un projet de loi antérieur, une disposition aussi laxiste avait-elle échappé à la vigilance des parlementaires ?
M. le président. L'amendement n° 376 est retiré.
La parole est à M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je tiens à répondre à la question que vient de poser Mme Voynet : le système précédent était régi par voie réglementaire, ce qui me convenait tout à fait. D'ailleurs, lors de la première lecture, j'avais dit au ministre, en des termes assez fermes, qu'il était inutile de soulever le problème, la voie réglementaire étant toujours beaucoup plus souple.
M. Paul Raoult. Match nul ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 374 et 375 ?
M. Serge Lepeltier, ministre. Je dirai simplement pour mémoire, au sujet de l'amendement n° 376, que nous avons en effet eu un débat très long et très nourri sur cette question en première lecture.
S'agissant des amendements nos 374 et 375, je rejoins M. le rapporteur pour souligner qu'au terme des très nombreuses discussions engagées sur ce thème nous sommes parvenus à des résultats qui garantissent un véritable équilibre.
On peut évidemment avoir tel ou tel point de vue. Mais il n'est pas souhaitable de modifier l'équilibre sur lequel repose le projet de loi. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 374 et 375.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 374.
Mme Annie David. Pour avoir assisté à la première lecture de ce texte, je ne crois pas, monsieur le rapporteur, que tous les amendements et articles concernant la chasse aient été votés à l'unanimité. En effet, je me suis abstenue sur une grande partie d'entre eux, car je n'acceptais pas leur philosophie.
Je tenais à faire ce rappel : tout n'a pas été voté à l'unanimité en première lecture.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Beaucoup de dispositions l'ont été !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 377, présenté par M. Desessard, Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery, est ainsi libellé :
Supprimer le 3 bis du II de cet article.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Je rappelle que les gluaux sont interdits par la convention de Berne et que, loin de la bonhomie littéraire de Marcel Pagnol, la réalité de ce type de chasse apparaît particulièrement cruelle.
En supprimant le 3 bis du II de cet article, on pourrait éviter d'incluredans la loi des dispositions de nature réglementaire qui apparaissent au demeurant contraires aux engagements européens et nationaux de la France.
M. le président. L'amendement n° 139, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le 3° bis du II de cet article pour insérer un alinéa après le troisième alinéa de l'article L. 424-4 du code de l'environnement, remplacer les mots :
deux heures
par les mots :
une heure
La parole est à M. le ministre.
M. Serge Lepeltier, ministre. Cette pratique de chasse traditionnelle qu'est la pose des gluaux à partir de l'heure légale de la chasse nécessite, on le sait, un temps de préparation avant l'acte de chasse.
Néanmoins, la pose des baguettes chargées de glu dans la végétation constitue le commencement de l'acte de chasse et doit respecter, de ce fait, l'heure légale de la chasse telle qu'elle est définie au premier alinéa de l'article L. 424-4 du code de l'environnement, soit une heure avant le lever du soleil.
Rien ne justifie une disposition dérogatoire pour ce type particulier de chasse.
Par ailleurs, monsieur le président, je vous indique d'ores et déjà que le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 377.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cette chasse traditionnelle est surtout pratiquée en région Provence-Alpes-Côte-d'Azur, et plus particulièrement dans les départements des Bouches-du-Rhône et du Var.
Je pense qu'il faut respecter les traditions. Les remettre en cause serait une erreur.
La commission est donc favorable à l'amendement n° 139 et défavorable à l'amendement n° 377.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l'amendement n° 377.
M. Pierre-Yves Collombat. Je ne voterai pas cet amendement. La rédaction initiale, adoptée sur l'initiative d'un député du Var, département où cette chasse est traditionnellement pratiquée, me convenait mieux. Elle permettait de se prémunir contre les querelles et risques de contestation quant à la légalité de l'heure du début de la chasse.
M. le président. L'amendement n° 378, présenté par M. Desessard, Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery, est ainsi libellé :
Supprimer le dernier alinéa du texte proposé par le 4° du II de cet article pour remplacer le dernier alinéa de l'article L.424-4 du code de l'environnement.
L'amendement n° 379, présenté par M. Desessard, Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery, est ainsi libellé :
Supprimer le IV de cet article.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. L'amendement n° 378 vise à supprimer le dernier alinéa du texte proposé par le 4° du II de cet article pour remplacer le dernier alinéa de l'article L. 424-4 du code de l'environnement.
Vous vous en souvenez certainement, l'un de nos collègues - qui ne l'était pas encore au moment des faits -, s'était rendu célèbre par ses exploits cynégétiques motorisés.
M. Josselin de Rohan. De qui s'agit-il ?
Mme Dominique Voynet. Il avait ainsi occupé les premières pages des gazettes et provoqué des gorges chaudes dans les cafés.
Il n'y a aucune raison de prévoir des dérogations à l'utilisation de véhicules à moteur pour faciliter l'action de chasse, et ce d'autant moins que la rhétorique communément mobilisée par les chasseurs pour invoquer leur passion de la nature et leur soif de marche à pied, de grand air et de remise en forme, en serait altérée.
Quant à l'amendement n° 379, il tend à supprimer le IV de cet article 57, qui me semble aberrant dans la mesure où le commerce est l'une des raisons essentielles du braconnage.
Il est impossible d'effectuer des contrôles efficaces pour distinguer si le gibier a été ou non élevé en captivité ! De plus, le transport d'oiseaux sauvages vivants prévu dans cet article constitue un risque dans la mesure où les animaux sauvages porteurs de virus sont alors mis en contact avec les animaux domestiques. Cela peut notamment être le cas avec ceux qui jouent le rôle d'appelants.
M. le président. L'amendement n° 33, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I - Compléter le texte proposé par le 4° du II de cet article pour remplacer le dernier alinéa de l'article L. 424-4 du code de l'environnement par un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes souffrant d'un handicap moteur peuvent faire usage d'un véhicule à moteur pour se rendre à leur poste. Elles ne peuvent tirer à partir de leur véhicule qu'après avoir mis leur moteur à l'arrêt. »
II - En conséquence, dans le onzième alinéa (4°) du II de cet article, remplacer les mots :
deux alinéas
par les mots :
trois alinéas
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre cet amendement et donner l'avis de la commission sur les amendements nos 378 et 379.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. L'amendement n° 33 est un simple amendement rédactionnel qui tend à rectifier une erreur matérielle.
S'agissant de votre amendement n° 378, madame Voynet, franchement, je regrette ce que vous avez dit ! En effet, vous avez donné une image caricaturale de la chasse et vous avez utilisé pour cela des arguments politiques qui sont ceux de votre parti. La réalité ne correspond absolument pas à votre description !
L'utilisation de véhicules concerne la chasse aux chiens courants. Il s'agit, sur de vastes territoires de mille ou deux mille hectares, de pouvoir, pendant l'acte de chasse, récupérer les chiens et de les faire monter dans un véhicule pour les emmener plus loin.
M. Jean-Louis Carrère. Oui, pour éviter les accidents !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Il n'est en aucun cas question de laisser un chasseur utiliser son arme pour tirer à partir d'un véhicule de type 4x4 ! Même dans l'hypothèse de reprise de chiens pendant l'acte de chasse, le seul qui monte à l'intérieur du véhicule, c'est le maître des chiens. Il a le devoir de respecter la législation, c'est-à-dire de casser son arme ou de la remettre dans son étui. Arrêtons de donner cette image caricaturale du chasseur qui tire à travers la vitre de son véhicule ! C'est ridicule !
Mme Dominique Voynet. Ce n'est pas moi qui l'ai dit !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Quoi qu'il en soit, je suis totalement opposé à l'amendement n° 378 et je vous rappelle que nos deux assemblées ont voté conforme la bonne mesure que nous avions établie ici, respectueuse d'une tradition qui demeure vive dans trois grandes régions du Sud de la France : le Languedoc-Roussillon, le Midi-Pyrénées et l'Aquitaine. La chasse aux chiens courants est d'ailleurs également beaucoup pratiquée en Bretagne, comme dans de nombreuses autres régions. Il ne faudrait surtout pas la remettre en cause !
La commission est donc totalement défavorable à cet amendement.
Je vous prie de bien vouloir m'excuser de m'être exprimé avec quelque passion, mais, comme je n'aime pas la présentation caricaturale qui a été faite, je tenais à y répondre un peu fermement.
Mme Dominique Voynet. C'est le sénateur en question qui a été caricatural !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Non, c'est le sénateur qui connaît la chasse qui s'est permis de s'exprimer en ces termes. Cette chasse-là, je ne la pratique pas, je ne chasse pas dans les zones où l'on chasse aux chiens courants, mais cela ne m'empêche pas de défendre cette chasse, qui est pratiquée par de nombreuses personnes.
J'en viens à l'amendement n° 379. Le IV de l'article 57 est le fruit de la réflexion d'un groupe de travail qui réunissait à la fois des représentants du ministère de l'environnement et les professionnels de la chasse commerciale, et la rédaction proposée me paraît bonne.
Dans ces conditions, nous avons émis un avis défavorable sur l'amendement n° 379.
Monsieur le ministre, je profite de l'occasion qui m'est offerte pour attirer votre attention sur un point très important. Les règles que nous avons établies dans cet article reposent sur une obligation de traçabilité et sur son corollaire, l'intervention de l'inspection sanitaire imposée par les règlements communautaires, notamment le règlement n° 853 du 29 avril 2004.
Ce dernier prévoit expressément que les prescriptions qu'il édicte ne s'appliquent pas aux chasseurs qui approvisionnent directement le commerce de détail local en fournissant le consommateur final en petites quantités de gibier sauvage ou de viande de gibier sauvage.
Il est indispensable qu'au niveau réglementaire cette exception soit bien reprise, sauf à voir interdire des pratiques de commercialisation de faibles quantités par les chasseurs eux-mêmes.
Je souhaiterais être éclairé sur les intentions du Gouvernement sur cette question.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Serge Lepeltier, ministre. L'amendement n° 378 concerne la chasse aux chiens courants et la possibilité d'utiliser un véhicule.
Cette disposition avait fait l'objet d'un large débat en première lecture, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, et il me semble que le texte auquel nous sommes parvenus est satisfaisant.
Cette mesure dérogatoire figurant à l'article L. 424-4 du code de l'environnement autorise limitativement la pratique des déplacements en véhicule au cours de l'action de chasse, lorsqu'elle est justifiée, comme cela vient d'être dit, par l'étendue des territoires de chasse.
Elle pose parallèlement une condition stricte, pour la sécurité des chasseurs et des non-chasseurs lors de ces déplacements : il ne s'agit évidemment pas d'autoriser la chasse à partir d'une voiture.
C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Il est en revanche favorable à l'amendement de rectification n° 33, présenté par la commission.
En ce qui concerne l'amendement n° 379, je précise qu'aujourd'hui la lutte contre le braconnage ne repose plus sur la seule limitation du transport et de la commercialisation du gibier, comme c'était le cas précédemment. Grâce aux outils de gestion, plans de chasse ou plans de gestion cynégétique, et grâce à la traçabilité de la venaison prévue au IV de l'article L. 424-8 tel qu'il a été voté par le Sénat en première lecture et par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, il ne paraît plus nécessaire de maintenir de telles contraintes. Celles-ci pourraient constituer, au demeurant, une difficulté supplémentaire pour commercialiser la venaison et réaliser des plans de chasse.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
Enfin, j'ai bien enregistré le souhait de M. le rapporteur en ce qui concerne la traçabilité : il correspond tout à fait à notre volonté et nous en tiendrons naturellement compte au niveau règlementaire.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote sur l'amendement n° 378.
M. Jean-Louis Carrère. Cet amendement n° 378 me paraît être le fruit d'une incompréhension.
Nous avons l'habitude de pratiquer la chasse aux chiens courants, et cette chasse me semble beaucoup plus dangereuse lorsque l'on n'a pas, précisément, la possibilité d'utiliser un véhicule afin de récupérer les chiens.
Quand on chasse le lapin, tout le monde sait que la quête est courte, qu'il n'y a pas de risque de non-maîtrise des chiens courants. Mais, lorsqu'il s'agit d'un lièvre, la quête peut être longue. Si le lièvre n'est pas arrêté par le chasseur, les poursuites sont susceptibles de s'étendre sur plusieurs kilomètres et les chiens peuvent donc couper des routes à moyenne ou grande circulation.
L'utilisation à cette fin - et à cette fin seulement - d'un véhicule justifie l'amendement que nous avons voté en première lecture. En effet, au cours de la chasse des grands cervidés ou des sangliers, qui suivent une trajectoire beaucoup plus linéaire, il est fréquent que nous récupérions des chiens courants à des distances de plusieurs dizaines de kilomètres.
Bien évidemment, ni mon groupe ni moi-même n'aurions voté un amendement qui eût permis la chasse à l'aide de véhicules !
Vivant dans un département de grandes propriétés forestières, il m'est arrivé de voir, même si je ne les pratique pas, des chasses à courre et, alors que les textes ne l'autorisaient pas, j'ai pu remarquer que des véhicules récupéraient les équipages de chiens, là aussi pour des raisons de sécurité.
Il me semble que, si elle est bien contrôlée, cette possibilité de récupération est effectivement le gage d'une sécurité accrue dans les chasses aux chiens courants.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 380, présenté par M. Desessard, Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery, est ainsi libellé :
Supprimer le paragraphe V de cet article.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. La formulation du paragraphe V de l'article 57 me paraît étrange. M. le rapporteur l'a d'ailleurs lui aussi constaté, puisqu'il propose également de la modifier, mais d'une façon qui ne me rassure pas totalement.
Ce paragraphe prévoit que les autorités doivent être averties de l'accident avant même que le gibier ne soit sorti du véhicule, c'est-à-dire le plus souvent au domicile de la personne qui a chargé le gibier, en un lieu où il est exclu de pénétrer sans l'autorisation d'un juge.
Comment, dès lors, confirmer que le gibier a bien été heurté par accident, comment exclure qu'il ait pu être tiré ?
Quant au paragraphe VII de l'article 57, il me semble offrir trop de possibilités de fraude, d'abus, ce qui est contraire à la protection du gibier. Je vous propose donc de le compléter en adoptant l'amendement n° 381. La rédaction actuelle des articles L. 424-10 et L. 424-11 me paraît plus protectrice, plus appropriée.
Vous me permettrez par ailleurs, monsieur le président, de dire à Jean-Louis Carrère mon irritation - néanmoins bienveillante - face à ses arguments : il invoque l'incompréhension de ceux qui ont rédigé les amendements précédents. Mais il ne s'agit pas d'incompréhension ! Nous avons bien compris de quoi il s'agissait, mais nous sommes en désaccord avec lui. Gardons-nous donc, dans ce débat qui est courtois et digne, de toute manifestation paternaliste : nous ne nous en porterons que mieux.
M. le président. L'amendement n° 34, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le V de cet article pour l'article L. 424-9 du code de l'environnement, remplacer les mots :
prévienne, avant de le sortir de son véhicule
par les mots :
en ait préalablement prévenu
La parole est à M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Défendre cet amendement, monsieur le président, c'est le moyen d'expliquer pourquoi nous avons émis un avis défavorable sur l'amendement n° 380, qui lui est contraire.
Je voudrais revenir chronologiquement sur le problème du transport du grand gibier tué accidentellement sur les routes par un véhicule, ce qui, avec l'augmentation de la densité du grand gibier, se produit assez régulièrement.
Que prévoit la réglementation actuelle ?
Lorsque vous tuez un sanglier ou un chevreuil sur la route, vous êtes dans l'obligation de le laisser sur place : vous devez continuer votre route, si toutefois votre véhicule n'a pas trop été abîmé, car parfois vous ne pouvez que repartir à pied.
Nous avons proposé, en première lecture, que soit autorisé le transport du gibier par le conducteur, à condition que ce dernier en ait préalablement prévenu les services de la gendarmerie ou de la police nationale. Cette proposition était logique : il s'agissait d'éviter le braconnage.
Qu'on fait ensuite nos collègues députés ? Certains de nos collègues solognots ont expliqué que, dans certaines zones de Sologne, les téléphones portables ne passent pas. Ils ont, de ce fait, proposé que l'on ne prévienne personne, que l'on charge le gibier dans sa voiture, et que l'on appelle la gendarmerie ou la police nationale une fois de retour chez soi.
Nous savons que la couverture du territoire n'est pas totale, mais nous considérons que cette proposition de l'Assemblée nationale est une incitation au braconnage.
C'est pourquoi, par l'amendement n° 34, nous vous suggérons de revenir à notre texte de première lecture. En commission mixte paritaire, nos collègues députés seront certainement d'accord avec nous, même si je suis conscient du léger problème que cela pourra poser tant que la couverture du territoire en matière de téléphonie mobile ne sera pas totale. Je préfère cependant cette formule à celle qui nous est proposée et qui favoriserait le braconnage.
J'indique par ailleurs à Mme Voynet que l'amendement n° 381 est en totale contradiction avec la disposition adoptée par le Sénat en première lecture, sur proposition de la commission : il s'agissait de ne soumettre à autorisation préfectorale que l'introduction dans le milieu naturel de grands gibiers et de lapins, seules espèces responsables des dégâts causés aux cultures et aux exploitations forestières.
Je vous rappelle d'ailleurs que cette disposition a été votée conforme à l'Assemblée nationale.
L'amendement n° 381 prévoit, en fait, non une interdiction, mais une très sérieuse remise en cause de toute chasse au lâcher de faisans ou de perdreaux. Les ACCA qui existent dans 10 000 communes de France protesteraient vigoureusement si cette disposition était adoptée ! Ces lâchers sont en effet courants, et il est hors de question de les remettre en cause.
La commission est donc défavorable à cet amendement, et j'y suis personnellement très défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Serge Lepeltier, ministre. Je voudrais tout d'abord vous confirmer que les téléphones portables ne passent pas dans toutes les zones de Sologne, mais j'imagine que d'excellents parlementaires - que je connais bien - vont défendre ce dossier de façon à ce que ce ne soit plus le cas à l'avenir. Cela pose un vrai problème, mais le territoire sera progressivement couvert.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 34, qui tend à revenir aux dispositions adoptées par le Sénat en première lecture.
En effet, le texte voté par les députés en deuxième lecture légalise le transport du grand gibier sans bracelet, ce qui contrevient au plan de chasse, outil de gestion des populations de chevreuils, de cerfs et de sangliers, et rend plus difficile la lutte contre le braconnage.
Le Gouvernement est donc favorable à l'amendement de la commission, qui rétablit l'obligation, en cas de chargement d'un gibier accidenté dans un véhicule, de prévenir préalablement la gendarmerie ou la police.
Puisque le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 34, il émet un avis défavorable sur l'amendement n° 380.
En ce qui concerne l'amendement n° 381, l'objectif de l'actuel article L. 424-11 est de mieux encadrer les gibiers susceptibles de causer des dégâts aux cultures - les grands gibiers, par exemple -, rompant ainsi artificiellement l'équilibre agro-sylvo-cynégétique dont nous avons tant discuté.
Il ne serait cependant pas souhaitable d'étendre la réglementation et d'imposer la délivrance d'autorisations pour tous les gibiers qui, traditionnellement, ne provoquent pas de difficultés significatives : M. le rapporteur a eu raison de souligner que cela poserait des difficultés majeures à de nombreuses ACCA, pour un bénéfice en réalité nul.
Pour éviter aux chasseurs cette inutile contrainte supplémentaire, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 381, présenté par M. Desessard, Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le VII de cet article pour l'article L. 424-11 du code de l'environnement par un alinéa ainsi rédigé :
« L'introduction et le prélèvement dans le milieu naturel d'animaux vivants d'espèces dont la chasse est autorisée sont soumis à autorisation préfectorale, dans des conditions et selon des modalités fixées par un arrêté conjoint du ministre chargé de la chasse et du ministre chargé de l'agriculture. »
Cet amendement a été défendu.
Je le mets aux voix.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 57, modifié.
(L'article 57 est adopté.)
Article 58
I. - Les sections 1 et 2 du chapitre V du titre II du livre IV du code de l'environnement deviennent les sections 3 et 4.
Les articles L. 425-3, L. 425-3-1 et L. 425-5 du même code deviennent respectivement les articles L. 425-8, L. 425-9 et L. 425-14.
Les articles L. 425-2 et L. 425-4 du même code sont abrogés.
II. - Non modifié.
III. - L'article L. 425-1 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 425-1. - Un schéma départemental de gestion cynégétique est mis en place dans chaque département. Ce schéma est établi pour une période de six ans renouvelable. Il est élaboré par la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs, en concertation notamment avec la chambre d'agriculture, les représentants de la propriété privée rurale et les représentants des intérêts forestiers. Il prend en compte le document départemental de gestion de l'espace agricole et forestier mentionné à l'article L. 112-1 du code rural ainsi que les orientations régionales de gestion et de conservation de la faune sauvage et de ses habitats mentionnées à l'article L. 414-8. Il est approuvé, après avis du conseil départemental de la chasse et de la faune sauvage, par le préfet, qui vérifie notamment sa compatibilité avec les principes énoncés à l'article L. 420-1 et les dispositions de l'article L. 425-4. »
IV à VII. - Non modifiés.
VIII. - Après la section 1 du chapitre V du titre II du livre IV du même code, il est rétabli une section 2 ainsi rédigée :
« Section 2
« Equilibre agro-sylvo-cynégétique
« Art. L. 425-4. - L'équilibre agro-sylvo-cynégétique consiste à rendre compatibles, d'une part, la présence durable d'une faune sauvage riche et variée et, d'autre part, la pérennité et la rentabilité économique des activités agricoles et sylvicoles.
« Il est assuré, conformément aux principes définis à l'article L. 420-1, par la gestion concertée et raisonnée des espèces de faune sauvage et de leurs habitats agricoles et forestiers.
« L'équilibre agro-sylvo-cynégétique est recherché par la combinaison des moyens suivants : la chasse, la régulation, la prévention des dégâts de gibier par la mise en place de dispositifs de protection et de dispositifs de dissuasion ainsi que, le cas échéant, par des procédés de destruction autorisés. La recherche de pratiques et de systèmes de gestion prenant en compte à la fois les objectifs de production des gestionnaires des habitats agricoles et forestiers et la présence de la faune sauvage y contribue. L'indemnisation mentionnée à l'article L. 426-1 peut contribuer à cet équilibre.
« L'équilibre sylvo-cynégétique tend à permettre la régénération des peuplements forestiers dans des conditions économiques satisfaisantes pour le propriétaire, dans le territoire forestier concerné. Il prend en compte les principes définis à l'article L. 1er du code forestier ainsi que les dispositions des orientations régionales forestières.
« Art. L. 425-5. - L'agrainage et l'affouragement sont autorisés dans des conditions définies par le schéma départemental de gestion cynégétique. »
IX. - A la section 3 du chapitre V du titre II du livre IV du même code, sont insérés les articles L. 425-6, L. 425-7 et L. 425-10 à L. 425-13 ainsi rédigés :
« Art. L. 425-6 et L. 425-7. - Non modifiés.
« Art. L. 425-10. - Non modifié.
« Art. L. 425-11. - Lorsque le bénéficiaire du plan de chasse ne prélève pas le nombre minimum d'animaux qui lui est attribué, il peut voir sa responsabilité financière engagée pour la couverture des frais supportés pour l'indemnisation mentionnée à l'article L. 426-1 et la prévention des dégâts de gibier mentionnée à l'article L. 421-5.
« Il en est de même pour les personnes ayant formé l'opposition prévue au 5° de l'article L. 422-10 et qui n'ont pas procédé sur leur fonds à la régulation des espèces de grand gibier.
« Lorsqu'un peuplement forestier a été endommagé de façon significative par une espèce de grand gibier soumise à un plan de chasse et que le fonds sur lequel se trouve le peuplement forestier ne fait pas l'objet d'une location de chasse par son propriétaire, le titulaire du droit de chasse qui n'a pas prélevé le nombre minimum d'animaux lui ayant été attribué au titre du plan de chasse est tenu de verser au propriétaire, dont le peuplement est géré conformément à l'un des documents de gestion visés à l'article L.4 du code forestier, qui en fait la demande circonstanciée, une indemnité forfaitaire dont le montant à l'hectare est fixé par arrêté préfectoral pris après avis de la commission départementale compétente en matière de chasse et de faune sauvage.
« Art. L. 425-12. - Lorsque l'équilibre sylvo-cynégétique est fortement perturbé, le propriétaire qui n'exerce pas son droit de chasse ou qui ne tire pas de revenus de son droit de chasse peut demander le remboursement de tout ou partie des dépenses de protection indispensables qu'il a engagées pour assurer la pérennité des peuplements forestiers :
« a) Au détenteur du droit de chasse bénéficiaire d'un plan de chasse sur les parcelles endommagées, si celui-ci n'a pas réalisé le minimum du plan de chasse ;
« b) Supprimé. ;
« c) A l'Etat si la décision d'attribution du plan de chasse prise par l'autorité administrative est inférieure aux demandes du propriétaire ou de son mandataire, ou de la fédération départementale des chasseurs, dans la mesure où ces demandes étaient compatibles avec le schéma départemental de gestion cynégétique.
« Art. L. 425-13. - Non modifié. »
X à XIII. - Non modifiés.
M. le président. L'amendement n° 441, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit les deux derniers alinéas du I de cet article :
Les articles L. 425-3 et L. 425-5 du même code deviennent respectivement les articles L. 425-8 et L. 425-14
Les articles L. 425-2, L. 425-3-1 et L. 425-4 du même code sont abrogés.
La parole est à M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination et de « nettoyage », si je puis m'exprimer ainsi.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 382, présenté par M. Desessard, Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery, est ainsi libellé :
Après la troisième phrase du texte proposé par le III de cet article pour l'article L. 425-1 du code de l'environnement, insérer une phrase ainsi rédigée :
Il s'appuie sur les études scientifiques disponibles sur la faune, la flore et les écosystèmes.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Cet amendement vise à préciser que le schéma départemental de gestion cynégétique devra tenir compte des données scientifiques.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La précision souhaitée par Mme Voynet me paraît inutile. En outre, elle ne relève pas du domaine législatif.
Il est d'ailleurs prévu que le schéma départemental de gestion cynégétique prendra en compte les orientations régionales de gestion et de conservation de la faune sauvage et de ses habitats. Or celles-ci s'appuient sur des études scientifiques relatives à la faune, à la flore et aux écosystèmes.
C'est la raison pour laquelle je préconise le retrait de cet amendement. A défaut, la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Serge Lepeltier, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, pour les mêmes raisons que la commission.
Comme vient de le préciser M. le rapporteur, il est déjà prévu que le schéma départemental de gestion cynégétique tiendra compte des orientations régionales de gestion et de conservation de la faune sauvage et de ses habitats. Or ces orientations intègrent et reformalisent les éléments scientifiques nécessaires, qui sont rarement, il faut bien le dire, disponibles au seul échelon départemental.
M. le président. Madame Voynet, l'amendement est-il maintenu ?
Mme Dominique Voynet. Je suis sans illusions quant aux chances d'adoption de cet amendement. Je dois dire que, pour l'essentiel, les dispositions du VIII de l'article 58 me paraissent relever moins du domaine législatif que du domaine réglementaire. Cela étant, j'accepte bien volontiers de retirer l'amendement.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je vous remercie !
M. le président. L'amendement n° 382 est retiré.
L'amendement n° 35, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la dernière phrase du texte proposé par le III de cet article pour l'article L. 425-1 du code de l'environnement, remplacer les mots :
du conseil départemental de la chasse et de la faune sauvage
par les mots :
de la commission départementale compétente en matière de chasse et de faune sauvage
La parole est à M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Il s'agit d'un amendement purement rédactionnel et de coordination, mais je voudrais profiter de cette occasion pour vous interroger, monsieur le ministre, sur le texte en préparation concernant la composition de la nouvelle commission départementale compétente en matière de chasse et de faune sauvage : qu'en sera-t-il du poids respectif des différentes catégories d'intervenants représentées en son sein, notamment des chasseurs, et plus particulièrement de leurs fédérations départementales ?
Il s'agit là d'un point essentiel en vue de l'application effective du dispositif que nous nous proposons d'instaurer en matière d'équilibre agro-sylvo-cynégétique ou encore d'indemnisation des dégâts en forêt.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Serge Lepeltier, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, puisqu'il tend à prendre en compte la nouvelle organisation mise en place en application de l'ordonnance de simplification de juillet 2004, qui prévoit le remplacement des diverses commissions départementales s'occupant de chasse par une commission unique, appelée « commission départementale compétente en matière de chasse et de faune sauvage ».
Quant à la question posée par M. le rapporteur sur sa composition, je ne puis y apporter de réponse, car cette matière relève de l'échelon interministériel.
M. le président. L'amendement n° 350 rectifié, présenté par M. Cazeau, Mme Herviaux, M. Besson et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le III de cet article pour l'article L. 425-1 du code de l'environnement par une phrase ainsi rédigée :
Le schéma cynégétique départemental définit pour chaque département la notion de territoire de chasse en fonction des modes et types de chasse pratiquées et des espèces chassées.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Certaines choses vont sans dire, mais elles vont encore mieux en les disant !
Il s'agit ici de compléter le dispositif, afin de prendre en compte la diversité des situations, des modes de chasse et des espèces chassées.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, qui vise à apporter une précision à mon sens inutile.
En effet, le schéma départemental de gestion cynégétique sera un instrument assez souple. Il sera ce qu'en feront ceux qui l'élaboreront, c'est-à-dire les chasseurs, les agriculteurs, les propriétaires agricoles et forestiers, les associations quelles qu'elles soient, qui comprendront ou non des scientifiques.
Par conséquent, inscrire dans le texte la disposition présentée par les auteurs de l'amendement ne paraît guère justifié.
De plus, il convient de souligner que la notion de territoire de chasse n'a pas de valeur juridique. Il serait donc difficile d'y faire référence dans un article de loi.
Toutefois, j'espère bien que l'on prendra en considération cette question des territoires, ne serait-ce que parce que les schémas seront départementaux et que certains territoires s'étendent sur plusieurs départements. Il faudra donc que les acteurs de l'élaboration des schémas de gestion cynégétique aient l'intelligence de tenir compte des territoires, même si c'est une notion qui n'a pas d'existence juridique.
En tout état de cause, je souhaite le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Serge Lepeltier, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, car nous pensons qu'il n'est pas souhaitable d'alourdir le texte organisant les schémas départementaux de gestion cynégétique. L'initiative doit rester aux acteurs locaux en matière d'organisation de ces schémas, qui pourront évoluer dans le temps.
Par ailleurs, la notion de territoire de chasse est ambiguë.
M. le président. Monsieur Collombat, l'amendement est-il maintenu ?
M. Pierre-Yves Collombat. Puisque, apparemment, il est entendu que les schémas seront élaborés à l'échelon local, nous nous contenterons de la rédaction actuelle du texte.
Par conséquent, je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° 350 rectifié est retiré.
L'amendement n° 206 rectifié, présenté par MM. du Luart et Vasselle, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par le VIII de cet article pour l'article L. 425-4 du code de l'environnement :
« L'équilibre agro-sylvo-cynégétique consiste à permettre la présence durable d'une faune sauvage variée et aussi riche que possible compte tenu de la nécessaire garantie de la pérennité des écosystèmes et de la rentabilité économique des activités agricoles et sylvicoles.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 383, présenté par M. Desessard, Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery, est ainsi libellé :
Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 425-4 du code de l'environnement, après les mots :
la chasse,
insérer les mots :
la limitation des prélèvements, la création de réserves de faune, la favorisation de l'installation de milieux appropriés pour les espèces, l'introduction de prédateurs,
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Dans sa rédaction actuelle, le VIII de l'article 58 prévoit que l'équilibre agro-sylvo-cynégétique sera recherché par la combinaison des moyens suivants : la chasse, la régulation, la prévention des dégâts de gibier par la mise en place de dispositifs de protection et de dispositifs de dissuasion ainsi que, le cas échéant, par des procédés de destruction autorisés.
On tend donc à considérer qu'une faune abondante constitue un obstacle à l'équilibre agro-sylvo-cynégétique, ce qui n'est pas toujours le cas. A l'inverse, l'insuffisance de la faune peut d'ailleurs elle aussi rompre cet équilibre.
Il me semble que la chasse ou la destruction ne sont pas les seules possibilités de limiter les populations animales. On peut également recourir, par exemple, aux prédateurs naturels : la pullulation des herbivores et du grand gibier est due aussi à la disparition de leurs prédateurs.
Notre amendement vise donc à étendre la liste des moyens permettant d'aboutir à l'équilibre agro-sylvo-cynégétique, en mentionnant la limitation des prélèvements, la création de réserves de faune, la favorisation de l'installation de milieux appropriés pour les espèces, l'introduction de prédateurs.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.
Je ne suis pas sûr que l'introduction de prédateurs soit le meilleur moyen d'assurer l'équilibre agro-sylvo-cynégétique, même si, je le reconnais, madame Voynet, votre proposition allait au-delà de ce seul aspect.
Quoi qu'il en soit, il est évident que cet amendement ne correspond pas à l'objectif de la commission, qui est de privilégier un développement équilibré des territoires ruraux sans multiplier les espaces de non-chasse - ce qui risquerait de se produire si l'amendement était adopté -, ni favoriser la réintroduction artificielle de prédateurs.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Serge Lepeltier, ministre. J'objecterai à M. le rapporteur que l'introduction de prédateurs peut parfois être un moyen d'atteindre l'équilibre agro-sylvo-cynégétique, même si c'est un moyen particulier...
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. C'est une proposition dangereuse !
M. Serge Lepeltier, ministre. Cela étant, la liste des moyens concourant à l'obtention d'un équilibre entre l'agriculture, la forêt et la chasse pourrait être allongée à souhait. Cependant, je ne suis pas certain qu'une longue énumération aide beaucoup à résoudre les difficultés rencontrées sur le terrain.
C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.
Mme Dominique Voynet. Avec beaucoup de modestie et de simplicité, je conseillerai à M. le rapporteur de lire plus attentivement les discours du Président de la République.
En effet, lors de la récente conférence internationale sur la biodiversité qui s'est tenue à Paris, M. Chirac a longuement évoqué la nécessité de mettre en place des moyens de protection adaptés pour permettre aux grands prédateurs, et plus généralement aux espèces vivantes, de vivre dans leur milieu naturel. Ce discours était magnifique, je vous en recommande instamment la lecture ! (Sourires.)
M. Josselin de Rohan. C'est une néo-chiraquienne !
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 286, présenté par M. Le Grand, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le dernier alinéa du texte proposé par le VIII de cet article pour l'article L. 425-4 du code de l'environnement :
« L'équilibre sylvo-cynégétique tend à permettre la régénération des peuplements forestiers sans recourir à des protections artificielles sauf, dans des conditions précisées par le schéma départemental de gestion cynégétique, pour certaines essences sensibles sur des zones localisées. Dans ce cas, la régénération des peuplements forestiers doit se faire dans des conditions économiques satisfaisantes pour le propriétaire, dans le territoire concerné. Il prend en compte les principes définis à l'article L. 1er du code forestier ainsi que les dispositions des orientations régionales forestières. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 122 rectifié, présenté par MM. Leroy, Vasselle, Gaillard et du Luart, est ainsi libellé :
Remplacer la première phrase du dernier alinéa du texte proposé par le VIII de article pour l'article L. 425-4 du code de l'environnement par deux phrases ainsi rédigées :
L'équilibre sylvo-cynégétique tend à permettre la régénération des peuplements forestiers sans recourir à des protections artificielles sauf, dans des conditions précisées par le schéma départemental de gestion cynégétique, pour certaines essences sensibles sur des zones localisées. Dans ce cas, la régénération des peuplements forestiers doit se faire dans des conditions économiques satisfaisantes pour le propriétaire, dans le territoire concerné.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 351 rectifié, présenté par M. Cazeau, Mme Herviaux, M. Besson et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après les mots :
les principes définis
rédiger comme suit la fin de la dernière phrase du dernier alinéa du texte proposé par le VIII de cet article pour l'article L. 425-4 du code de l'environnement :
à l'article L. 420-1
La parole est à M. Jean-Louis Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. L'équilibre sylvo-cynégétique, tel que défini dans le projet de loi, est sensiblement défavorable à la faune sauvage, car seuls les principes de gestion forestière semblent avoir été pris en considération. (Mme Dominique Voynet applaudit.)
Il me semble qu'une certaine compréhension s'installe entre nous, ma chère collègue ! (Sourires.)
Afin de rééquilibrer ce texte, il paraît nécessaire d'y intégrer les principes de gestion du patrimoine faunique, tels que définis à l'article L. 421-1 du code de l'environnement.
M. le président. L'amendement n° 384, présenté par M. Desessard, Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du dernier alinéa du texte proposé par le VIII de cet article pour l'article L. 425-4 du code de l'environnement, après les mots :
code forestier
insérer les mots :
, les données scientifiques disponibles
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Je reprendrai l'argumentation que j'ai développée à propos de l'amendement n° 382 : je souhaite que soient prises en compte, aux côtés des préoccupations économiques et anthropiques, les considérations scientifiques.
Cela étant, je crois déjà entendre M. le rapporteur m'expliquer qu'une telle précision est inutile et que les données scientifiques seront bien évidemment prises en considération. Cependant, dans la mesure où l'on énumère les autres catégories de préoccupations, il me semble nécessaire de préciser que l'on prendra très au sérieux les données scientifiques.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. En ce qui concerne l'amendement n° 351 rectifié, je ne pense pas que la précision qu'il est proposé d'apporter soit utile, dans la mesure où la rédaction actuelle du texte l'englobe déjà implicitement, l'équilibre sylvo-cynégétique n'étant qu'une sous-catégorie de l'équilibre agro-sylvo-cynégétique.
A cet égard, je voudrais renvoyer les auteurs de l'amendement à l'article L. 425-4 du code de l'environnement, qui traite précisément de l'équilibre agro-sylvo-cynégétique, et plus particulièrement à son quatrième alinéa, qui prend bien en compte les principes définis à l'article L. 420-1 du même code, s'agissant notamment de la gestion concertée et raisonnée des espèces de faune sauvage et de leurs habitats agricoles et forestiers.
Je pense donc que M. Carrère est satisfait par la rédaction actuelle de l'article 58. C'est la raison pour laquelle je lui suggère de retirer l'amendement n° 351 rectifié.
Quant à la précision apportée par l'amendement n° 384, il est inutile de la faire figurer dans la loi, d'autant que la définition de l'équilibre sylvo-cynégétique doit déjà prendre en compte les principes de gestion forestière définis à l'article L. 1 du code forestier ainsi que les orientations régionales forestières, qui sont notamment élaborées à partir des données scientifiques disponibles.
Vous n'avez donc pas de crainte à avoir, madame Voynet. C'est pourquoi je vous suggère de retirer cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 351 rectifié est-il maintenu, monsieur Carrère ?
M. Jean-Louis Carrère. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. Et l'amendement n° 384, madame Voynet ?
Mme Dominique Voynet. Je le retire également, monsieur le président,
M. le président. Les amendements nos 351 rectifié et 384 sont retirés.
L'amendement n° 36 rectifié, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le dernier alinéa du texte proposé par le IX de cet article pour l'article L. 425-7 du code de l'environnement :
« Les propriétaires mentionnés au précédent alinéa peuvent recourir aux dispositions de l'article L. 247-8 du code forestier. »
La parole est à M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Vous avez reçu, mes chers collègues, de nombreux courriers émanant des fédérations nationales et départementales de chasseurs, des représentants des associations communales de chasse agréées, les ACCA, ainsi que des représentants des propriétaires forestiers.
La commission, avec cet amendement, est parvenue à obtenir un équilibre entre les propriétaires forestiers et les chasseurs. Bien sûr, cet équilibre ne satisfait pas totalement tout le monde, mais, pour aboutir à un compromis, chacun doit faire un pas vers l'autre.
Le dispositif proposé permettra de tenir compte de la situation du propriétaire forestier qui possède une surface insuffisante pour disposer d'un droit de chasse dans les zones relevant d'une ACCA et qui ne peut donc tirer aucun bénéfice de cette activité, puisqu'il ne peut pas louer son terrain, alors que ce dernier peut être soumis à des dégâts importants.
Avec le dispositif qui est introduit dans le texte, on reconnaît dans la loi française la possible indemnisation des dégâts forestiers, ce qui n'existait pas auparavant, à l'encontre des chasseurs qui chassent sur les territoires concernés.
Il fallait trouver une formule qui permette aux ACCA, qui ne disposent pas de ressources au-delà des cotisations de leurs membres, de se procurer quelques moyens financiers pour améliorer leur situation.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Serge Lepeltier, ministre. L'ordonnance du 2 juillet 2004 modifie le régime des associations syndicales de propriétaires en élargissant leur objet à la prévention des dégâts de gibier.
La modification rédactionnelle proposée par cet amendement ne nuira pas à la meilleure défense des forêts contre les dégâts de gibier. Ce souci se traduit d'ailleurs déjà dans d'autres dispositions du projet de loi que nous examinons.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 36 rectifié.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 36 rectifié.
Mme Dominique Voynet. Je m'abstiens.
M. le président. L'amendement n° 269, présenté par MM. Le Cam, Billout et Coquelle, Mmes Didier, Demessine et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le IX de cet article pour l'article L. 425-11 du code de l'environnement, après les mots :
nombre minimum d'animaux qui lui est attribué
insérer les mots :
et qu'il est prouvé une carence dans la bonne exécution du plan de chasse
L'amendement n° 268, présenté par MM. Le Cam, Billout et Coquelle, Mmes Didier, Demessine et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le IX de cet article pour l'article L. 425-11 du code de l'environnement, remplacer les mots :
couverture des
par les mots :
participation aux
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Les amendements nos 269 et 268 ont pour objet de limiter la responsabilité financière des bénéficiaires de plans de chasse afin que celle-ci ne soit engagée que partiellement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Avec l'amendement n° 269, M. Le Cam nous propose d'atténuer le mécanisme de responsabilité adopté par l'Assemblée nationale et par le Sénat en ne le faisant jouer qu'en cas de faute du bénéficiaire du plan de chasse.
Cette restriction ne semble pas devoir être retenue, d'autant qu'au niveau réglementaire il sera bien évidemment tenu compte des cas de force majeure, telles les intempéries, qui empêcheraient le bénéficiaire de remplir son plan de chasse.
C'est la raison pour laquelle je demande à M. Le Cam de retirer cet amendement.
En revanche, la commission est favorable à l'amendement n° 268. Les mots ne sont pas innocents ! En effet, quand on parle de « participation » au lieu de « couverture », cela laisse entendre qu'il ne s'agit pas d'une participation à 100 %, mais que le détenteur du droit de chasse ne paiera qu'une partie des frais en cas de dégâts.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Serge Lepeltier, ministre. Les dispositions actuelles prévoient que, lorsque le bénéficiaire du plan de chasse ne prélève pas le nombre minimum d'animaux attribués, sa responsabilité financière peut être engagée pour la couverture des frais d'indemnisation.
Il s'agit bien d'une simple possibilité et le décret en Conseil d'Etat prévu par le futur article L. 425-13 du code de l'environnement déterminera les conditions précises de la participation totale ou partielle du bénéficiaire du plan de chasse.
En conséquence, le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements, puisque le texte actuel prévoit de répondre aux préoccupations exprimées par leurs auteurs.
M. le président. Les amendements nos 269 et 268 sont-ils maintenus, monsieur Le Cam ?
M. Gérard Le Cam. Je retire le premier, monsieur le président.
En revanche je maintiens l'amendement n° 268, car il me semble qu'il clarifie le texte sans être superfétatoire.
M. le président. L'amendement n° 269 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 268.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 385, présenté par M. Desessard, Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery, est ainsi libellé :
Supprimer les deux derniers alinéas du texte proposé par cet article pour l'article L. 425-11 du code de l'environnement.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Il est fréquent que les personnes qui s'opposent à la chasse sur leur territoire soient accusées de faciliter les dégâts causés par le grand gibier. Pourtant, ces personnes n'encouragent généralement pas la multiplication des animaux par leur comportement, elles ne pratiquent pas l'agrainage, par exemple, et elles ne nourrissent pas les animaux. Il n'est donc pas nécessaire de les mettre à contribution.
A ce sujet, il serait intéressant, monsieur le ministre, de procéder à un bilan des dispositions mises en place par la loi du 26 juillet 2000 relative la chasse, qui prévoit un droit de non-chasse. On constaterait alors que rares sont les personnes qui ont réellement fait usage de ce droit et qu'il n'est pas nécessaire de mettre en place des dispositions qui pourraient conduire à cibler leur choix d'une façon trop précise.
M. le président. L'amendement n° 37, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer le dernier alinéa du texte proposé par le IX de cet article pour l'article L. 425-11 du code de l'environnement.
La parole est à M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel destiné à clarifier le dispositif proposé par l'article 58 en ce qui concerne l'indemnité des dégâts causés par le grand gibier.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 385 ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cet amendement est en contradiction avec la disposition adoptée par le Sénat en première lecture selon laquelle les personnes qui ont formulé une objection cynégétique à leur maintien dans une ACCA et qui refusent de réguler le grand gibier présent sur leur propriété peuvent être tenus de participer aux dépenses d'indemnisation des dégâts supportées par les fédérations de chasseurs.
Néanmoins, je ne suis absolument pas hostile, madame Voynet, à ce qu'un bilan soit établi afin de déterminer le nombre de propriétaires qui ont fait usage de leur droit de retrait dans le territoire d'une ACCA. En attendant, ne touchons pas au dispositif actuel !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
M. Serge Lepeltier, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 385, qui remet pratiquement en cause l'équilibre du texte.
En revanche, il est favorable à l'amendement n° 37.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 38 rectifié bis, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par le IX de cet article pour l'article L. 425-12 du code de l'environnement :
« Art. L. 425-12. - Lorsque l'équilibre sylvo-cynégétique est fortement perturbé sur un territoire forestier géré conformément à l'un des documents de gestion visés à l'article L. 4 du code forestier, le bénéficiaire du droit de chasse qui n'a pas prélevé le nombre minimum d'animaux lui ayant été attribué au titre du plan de chasse est tenu de verser au propriétaire, qui n'est pas titulaire du droit de chasse ou qui ne loue pas, et qui en fait la demande circonstanciée :
« - soit le montant de tout ou partie des dépenses de protection indispensables qu'il a engagées pour assurer la pérennité des peuplements,
« - soit, si le peuplement forestier a été endommagé de façon significative par une espèce de grand gibier soumise à un plan de chasse, une indemnité forfaitaire dont le montant à l'hectare est fixé par arrêté préfectoral pris après avis de la commission départementale compétente en matière de chasse et de faune sauvage, dans le respect d'un barème interministériel défini conjointement par les ministres chargés de la chasse et de la forêt. »
La parole est à M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cet amendement a pour objet de réécrire complètement le texte proposé pour l'article L. 425-12 du code de l'environnement.
Notre intention est de distinguer l'indemnisation des dégâts agricoles, qui est traitée par l'article L. 425-11, de celle des dégâts forestiers, qui est prise en compte par l'article L. 425-12.
Il s'agit, en outre, de modifier le texte adopté par l'Assemblée nationale afin d'éviter tout cumul entre les différentes indemnisations que devra supporter le titulaire de la chasse en cas de dégâts forestiers.
Le dégât forestier pourra ainsi être réglé par le titulaire de la chasse soit à hauteur du montant de tout ou partie des dépenses de protection indispensables, soit par une indemnité forfaitaire.
M. le président. Le sous-amendement n° 343 rectifié, présenté par MM. Pastor, Piras, Raoul, Raoult, Dussaut et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I - Compléter le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n°38 pour l'article L. 425-12 du code de l'environnement par les mots :
après avis de la commission départementale compétente en matière de chasse et de faune sauvage
II - A la fin du dernier alinéa du même texte, supprimer les mots :
pris après avis de la commission départementale compétente en matière de chasse et de faune sauvage
Le sous-amendement n° 419, présenté par MM. Pastor, Piras, Raoult et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par l'amendement n° 38 pour l'article L. 425-12 du code de l'environnement par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois l'indemnité forfaitaire n'est pas due lorsque le propriétaire forestier a perçu des aides publiques ou des collectivités territoriales. »
La parole est à M. Jean-Marc Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Il nous semble opportun d'adapter le texte aux propositions faites par le Gouvernement.
La création d'une commission départementale compétente en matière de chasse et de faune sauvage doit réunir l'ensemble des partenaires concernés, qu'il s'agisse des chasseurs ou des différentes personnes concernées par la protection de l'environnement et de la faune sauvage.
A partir du moment où l'indemnisation crée litige, il nous semble opportun de saisir cette commission, afin de la faire vivre.
Le sous-amendement n° 419 se situe dans le droit-fil du sous-amendement n° 343 rectifié, que je viens de défendre.
En effet - et le cas s'est déjà produit -, lorsque des propriétaires forestiers sont indemnisés par des financements publics pour la plantation ou la replantation de leur parcelle, il nous semble opportun qu'une vérification ait lieu afin d'éviter que les chasseurs aient à compléter ce financement.
M. le président. L'amendement n° 332, présenté par Mme Herviaux, MM. Pastor et Piras, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par le IX de cet article pour l'article L. 425-12 du code de l'environnement :
« Art. L. 425-12. - Lorsqu'un peuplement forestier, géré conformément à l'un des documents de gestion visés à l'article L. 4 du code forestier, a été endommagé au moins à 70 % par une espèce de grand gibier soumise à un plan de chasse, le propriétaire de ce fonds qui n'est pas titulaire du droit de chasse ou qui ne le loue pas peut demander au titulaire du droit de chasse qui n'a pas prélevé le nombre minimum d'animaux lui ayant été attribué au titre du plan de chasse :
« - soit le remboursement de tout ou partie des dépenses de protection indispensables qu'il a engagées pour la pérennité des peuplements,
« - soit le versement d'une indemnité forfaitaire dont le montant à l'hectare est fixé par arrêté préfectoral pris après avis de la commission départementale compétente en matière de chasse et de faune sauvage. »
La parole est à M. Jean-Marc Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Dans le même esprit, nous considérons que le peuplement forestier doit être endommagé à 70 % au moins pour enclencher le processus d'indemnisation.
Dans la mesure où il s'agit toujours de situations litigieuses, le versement de l'indemnité sera, bien entendu, fixé après avis de la commission départementale à laquelle nous accordons notre confiance.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Monsieur Pastor, je crains que le sous-amendement n° 343 rectifié n'ait pour conséquence d'alourdir le mécanisme mis en place, qui privilégie la confrontation directe entre le propriétaire et le titulaire du plan de chasse.
De plus, il importe que la définition du montant de l'indemnité forfaitaire fixée par l'arrêté préfectoral ne se fasse qu'après avis de la commission départementale, au sein de laquelle sont représentés tous les intérêts, qu'ils soient forestiers, agricoles ou cynégétiques. Il s'agit d'un problème de délai.
C'est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir retirer votre sous-amendement ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.
Pour ce qui est du sous-amendement n° 419, le non-cumul semble logique. Cependant, il ne doit pas être érigé en règle systématique. En effet, il ne semble pas qu'il soit applicable lorsque le propriétaire forestier décidera de replanter après avoir subi des dégâts.
Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, il faudra rassurer les auteurs de ce sous-amendement en empêchant, par voie réglementaire, qu'il puisse y avoir une sorte de troisième dédommagement qui consisterait à cumuler une indemnité et une aide.
Cette proposition est donc très bonne, mais la question ne doit pas être réglée par la voie législative. C'est pourquoi, monsieur Pastor, je vous demande de bien vouloir retirer également votre second sous-amendement. Toutefois, peut-être vaudrait-il mieux auparavant entendre l'avis du Gouvernement...
Concernant l'amendement n° 332, je considère qu'il est toujours très délicat, de façon générale, de fixer un seuil, notamment dans le cadre législatif. Ainsi, celui qui est proposé présente l'inconvénient de ne faire jouer le mécanisme d'indemnisation ou de prise en charge d'une partie des dépenses de protection que si des dégâts importants ont été constatés.
Mon cher collègue, je vous demande donc de bien vouloir retirer également cet amendement, car il est en contradiction avec l'amendement n° 38 rectifié bis, qui permet de réaliser un équilibre. Vous êtes donc en partie satisfait, sinon techniquement, du moins sur le fond.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Serge Lepeltier, ministre. On le sait bien, l'équilibre agro-sylvo-cynégétique n'est pas facile à trouver. Je tiens donc à remercier M. le rapporteur d'avoir su l'approcher par l'amendement n° 38 rectifié bis.
Cet amendement reprend, en fait, deux mesures qui ont été adoptées par l'Assemblée nationale en deuxième lecture en octobre dernier : d'abord, l'article L. 425-11, qui prévoir le versement d'une indemnité forfaitaire au propriétaire forestier qui a subi des dégâts de grand gibier lorsque le chasseur n'a pas réalisé son plan de chasse ; ensuite, l'article L. 425-12, qui concerne le remboursement des dépenses de protection des peuplements forestiers par le chasseur qui n'a pas réalisé le minimum de son plan de chasse.
Ces mesures sont, bien évidemment, indispensables si l'on veut réduire les dégâts de gibier en forêt et assurer l'avenir des forêts françaises. Seuls les propriétaires n'exerçant pas le droit de chasse et justifiant d'une garantie de bonne gestion forestière sont concernés. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis très favorable sur cet amendement.
Le sous-amendement n° 343 rectifié prévoit la consultation de la commission départementale compétente en matière de chasse et de faune sauvage. Cette consultation alourdirait la procédure et risquerait de la rallonger considérablement. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement n'y est pas favorable.
Aux termes du sous-amendement n° 419, l'indemnité forfaitaire des dégâts ne serait pas due lorsque des aides publiques ont été versées. Comme l'a dit M. le rapporteur, on peut difficilement généraliser une telle proposition. Ainsi, ce sous-amendement ne prévoit pas la prise en compte de subventions qui sont souvent partielles. En outre, il reste à déterminer ce que l'on entend par aides publiques : comment seront-elles définies ? Le montant pris en compte sera-t-il partiel ou total ?
Ce sujet est compliqué, et cette précision ne ressortit d'ailleurs pas au domaine législatif. Il faudra donc veiller, dans le cadre réglementaire, à ce que l'on ne puisse pas cumuler une indemnité et une aide. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
L'amendement n° 332 complète l'amendement de la commission en indiquant qu'un peuplement forestier doit être endommagé à au moins 70 % par une espèce de grand gibier afin que le propriétaire puisse demander réparation. Mais que signifient ces 70 % ? C'est assez imprécis, et ce seuil ne peut être retenu. S'agit-il du pourcentage de tiges endommagées, de la surface de la parcelle, ou de la propriété concernée par les dégâts ?
Par ailleurs, fixer arbitrairement un seuil unique d'éligibilité à l'indemnisation forfaitaire des dégâts sylvicoles paraît contestable. Une analyse approfondie de l'impact écologique et économique des dégâts sylvicoles en fonction des différentes situations rencontrées s'impose. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet également un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 343 rectifié.
M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le ministre, je constate que le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 38 rectifié bis - je n'y suis d'ailleurs pas défavorable moi-même - car sa rédaction lui paraît précise, alors qu'il émet un avis défavorable sur l'amendement n° 332, qui lui semble flou.
Ainsi, la formule : « si le peuplement forestier a été endommagé de façon significative » vous semble plus précise que la formule : « si le peuplement forestier a été endommagé au moins à 70 % ». Cela me laisse perplexe ! Vous devriez parfois faire attention à votre argumentation, car elle ne me semble pas très bonne en la circonstance.
Cela étant, je voterai l'amendement n° 38 rectifié bis. La raison en est simple : je vis dans les Landes, département où la chasse est populaire et qui compte des ACCA dans quasiment toutes les communes. Dans les grandes propriétés forestières que l'on trouve chez nous dans certaines zones, il n'y a pratiquement pas de chasse enclose, et le droit de chasse est accordé gratuitement aux ACCA.
Dès lors, je vois mal comment on pourrait refuser de ne pas participer à un certain niveau à l'indemnisation des dégâts de gibier. Il faut donc trouver un équilibre.
L'amendement n° 38 rectifié bis me paraît donc parfaitement adapté à la situation que connaît la région dans laquelle je vis. Mais je ne parle pas ici, bien sûr, pour l'ensemble du territoire national, que je ne connais pas aussi bien.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. La semaine dernière, le Gouvernement considérait que le mot « significatif » voulait dire quelque chose. Nous lui avions demandé quel sens il lui donnait. Il nous a répondu : 10 % !
Avec l'amendement n° 332, le mot « significatif » voudrait dire 70 %. Je ne puis donc qu'être d'accord avec M. Carrère : l'expression « de façon significative » devrait être définie par la loi si l'on veut qu'elle ait un sens clair.
Dès lors, monsieur le ministre, tout cela n'est pas significatif pour nous.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 343 rectifié.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38 rectifié bis.
Mme Dominique Voynet. Je vote contre.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 332 n'a plus d'objet.
L'amendement n° 121 rectifié, présenté par MM. Leroy, Pintat, Le Grand, César, Gaillard et Vasselle, est ainsi libellé :
Avant le texte proposé par le IX de cet article pour l'article L. 425-13 du code de l'environnement, insérer un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - La fixation de l'indemnité forfaitaire pour endommagement d'un peuplement forestier prévue à la présente section est déterminée conformément à un barème interministériel qui comporte notamment la liste des dommages causés aux peuplements forestiers pour lesquels le propriétaire peut demander à bénéficier des dispositions d'indemnisation forfaitaire.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 138, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Dans la première phrase du premier alinéa du nouvel article L. 425-8 du code de l'environnement, les mots : « du conseil départemental de la chasse et de la faune sauvage » sont remplacés par les mots : « de la commission départementale compétente en matière de chasse et de faune sauvage », et le second alinéa est supprimé.
La parole est à M. le ministre.
M. Serge Lepeltier, ministre. Cet amendement vise à clarifier la rédaction du code de l'environnement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 58, modifié.
Mme Dominique Voynet. Je vote contre.
M. le président. L'amendement n° 39, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 58, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 422-2 du code de l'environnement est complétée par les mots : "en y affectant les ressources appropriées."
La parole est à M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je ne vais pas trop m'étendre sur le sujet, car je l'ai déjà évoqué tout à l'heure.
Cet amendement contribue à l'équilibre d'ensemble de ce texte. Il vise à permettre aux ACCA d'avoir un peu de ressources et de régulariser certaines pratiques : je ne vous le cache pas, mes chers collègues, cela leur permettrait, de temps en temps, d'autoriser des chasseurs extérieurs à l'ACCA à procéder à des prélèvements de gibier sur leur territoire moyennant une ressource financière...
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Serge Lepeltier, ministre. Pour les raisons développées par M. le rapporteur et en pensant aux ACCA, le Gouvernement émet un avis favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 58.
Article 58 bis A
Le chapitre IV du titre Ier du livre IV du code de l'environnement est complété par une section 3 ainsi rédigée :
« Section 3
« Lieutenants de louveterie
« Art. L. 414-9. - Les lieutenants de louveterie sont nommés par l'autorité administrative et concourent sous son contrôle aux opérations de régulation des animaux qu'elle a ordonnées. Ils sont consultés, en tant que de besoin, par l'autorité compétente, sur les problèmes posés par la gestion de la faune sauvage. »
M. le président. L'amendement n° 40, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article L. 427-1 du code de l'environnement est complété par les mots : « ou ponctuellement aux opérations de régulation des animaux qu'elle a ordonnées. Ils sont consultés, en tant que de besoin, par l'autorité compétente, sur les problèmes posés par la gestion de la faune sauvage ».
La parole est à M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cet amendement vise à compléter l'article L. 427-1 du code de l'environnement actuellement en vigueur afin de prévoir la participation des lieutenants de louveterie à des opérations de régulation d'animaux.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l'article 58 bis A est ainsi rédigé.
Article 58 bis B
L'article L. 427-8 du code de l'environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par exception aux dispositions de l'alinéa précédent, le classement du pigeon ramier comme nuisible est décidé par arrêté conjoint du ministre chargé de l'agriculture et du ministre chargé de la chasse après avis du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage et de la Fédération nationale des chasseurs. Le classement ainsi décidé peut revêtir un caractère régional en fonction des risques de dégâts aux cultures ou de la réalité de ceux-ci dans l'ensemble des départements concernés. L'arrêté détermine les modalités de temps, de lieu et de contrôle ainsi que les quotas selon lesquels s'exerce cette régulation de l'espèce. »
La parole est à M. François Fortassin, sur l'article.
M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite intervenir au sujet du pigeon ramier, cet oiseau extraordinaire que nous appelons palombe dans le Sud-Ouest - ce qui est, bien entendu, beaucoup plus joli - et qui n'a, hormis la couleur, rien à voir avec le pigeon.
La chasse à la palombe, dans le Sud-Ouest, dépasse très largement le cadre de la chasse elle-même : c'est un art de vivre, une manière d'être, une passion. La chasse proprement dite et les prélèvements sont en quelque sorte anecdotiques au regard des heures que passent les chasseurs à préparer la palombière, les tunnels et l'ensemble des équipements nécessaires.
Dans ces conditions, je suis étonné que cet oiseau quasi mythique puisse être classé parmi les nuisibles. Certes, nous n'ignorons pas les dégâts qu'il provoque sur les cultures, mais un tel classement serait pour nous un crève-coeur car, si les prélèvements se révélaient insuffisants, il pourrait alors être empoisonné ou détruit par tout autre moyen.
Nous sommes en faveur de la protection absolue de cet oiseau, même si les prélèvements doivent être régulés.
Cet oiseau migrateur avait l'habitude de survoler l'ensemble des régions françaises, de passer les cols pyrénéens pour hiverner au sud de l'Espagne, au Portugal, voire en Afrique du Nord, jusqu'en Mauritanie ou au Sénégal. Outre les prélèvements dus à la chasse, cette migration opérait une régulation, car elle engendrait naturellement de nombreuses pertes.
Pourquoi a-t-il proliféré ? Parce qu'on a mis en place des réserves massives, qui sont de vrais dortoirs, et que les palombes ne sont plus que 20 % à migrer. Il convient donc de favoriser la migration pour que cet oiseau, qui occasionne effectivement des dégâts sur les cultures, ne soit pas considéré comme nuisible.
C'est pourquoi je demande, au nom des chasseurs - mais aussi au nom de la protection de cet oiseau (Mme Dominique Voynet sourit) -, que, pendant les mois d'octobre et de novembre, c'est-à-dire en excluant la période de nidification au printemps, les réserves disparaissent, afin que ces oiseaux reprennent tout naturellement le chemin de la migration. Sinon, au bout de quelques années, la palombe deviendra un véritable fléau, alors qu'elle a généré une exceptionnelle passion pour de très nombreux chasseurs et, au-delà, pour tous ceux qui sont attachés à cet art de vivre caractéristique du Sud-Ouest.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Je partage le souci de mon ami et complice François Fortassin en matière de chasse à la palombe : je trouve vraiment regrettable que cet oiseau, qui fait partie de notre patrimoine culturel, de notre vie, soit classé parmi les espèces nuisibles.
Beaucoup d'entre vous le savent, la vie s'arrête au mois d'octobre dans les villages de la Haute Soule - notamment -, qui sont pris dans une sorte de fièvre bleue.
Comme le dit François Fortassin, les prélèvements sont devenus anecdotiques, mais l'histoire et les modes de vie liés au climat et aux phénomènes migratoires font de la palombe un oiseau de passion. Par conséquent, nous récusons l'idée même d'un tel classement.
Certes, nous ne vous demanderons pas, parce que nous sommes sérieux, de réduire la culture maïsicole. Pourtant, si la palombe ne migre plus, c'est évidemment dû aux grandes étendues de maïs, qui constituent des dortoirs.
Les grues, installées dans ces grandes réserves, sont acceptées ; on demande même aux producteurs de laisser du maïs dans les champs afin qu'elles se nourrissent.
Pour les palombes, nous vous demandons simplement, monsieur le rapporteur, d'accepter certains amendements prévoyant la suppression du classement nuisible de cet oiseau et de réfléchir à une solution qui permettrait, par une moindre protection dans les réserves de faune et de flore, la reprise de la migration.
Il en va de notre passion, mais aussi de la protection de l'espèce !
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 92 est présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste-UDF.
L'amendement n° 137 est déposé par le Gouvernement.
L'amendement n° 342 rectifié bis est présenté par MM. Pastor, Piras, Raoul, Raoult, Dussaut et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 386 est déposé par M. Desessard, Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L'amendement n° 92 n'est pas soutenu.
La parole est à M. le ministre, pour présenter l'amendement n° 137.
M. Serge Lepeltier, ministre. L'article 58 bis B, adopté en deuxième lecture par l'Assemblée nationale et dont nous proposons la suppression, vise à ce que le classement comme nuisible du pigeon ramier soit désormais opéré au niveau national.
Actuellement, chaque préfet, en fonction des spécificités locales, et notamment de la réalité des dégâts occasionnés aux cultures agricoles dans chaque secteur du département, statue chaque année sur ce sujet.
Tel qu'il est libellé, l'article 58 bis B générerait, sans rien apporter de plus, d'indéniables lourdeurs administratives peu propices à une bonne gestion de l'espèce, notamment à une limitation rapide et pertinente des nuisances qu'elle est susceptible de causer aux cultures. Les informations sur les dommages potentiels ou constatés sur les cultures agricoles devront en effet parvenir aux ministères chargés de l'environnement et de l'agriculture avant que les zones où le pigeon ramier pourrait être détruit ne soient délimitées.
Par ailleurs, le nécessaire arrêté conjoint des deux ministres serait évidemment un facteur d'allongement des délais, alors que la procédure actuelle est rapide et répond aux besoins en la matière.
La majorité des pigeons ramiers est sédentaire en France ; c'est sur ces populations sédentaires que la procédure administrative de classement comme nuisible doit être fondée. A cet égard, je précise que les tribunaux administratifs français ont régulièrement sanctionné de tels classements fondés sur d'autres considérations, en particulier s'agissant de vols de pigeons migrateurs en hiver lorsque, à l'évidence, aucune culture n'est concernée.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour présenter l'amendement n° 342 rectifié bis.
M. Jean-Marc Pastor. Bien des choses ont été dites à propos du pigeon ramier. Je ne vous cache d'ailleurs pas qu'il m'a fallu engager des recherches pour m'apercevoir que c'était bien la palombe qui était visée ici, ainsi que nous l'a dit notre collègue François Fortassin. (Sourires.)
Je ne reviendrai pas sur les arguments qui ont été avancés. Si nous pensons qu'il faut protéger la palombe, de grâce, ne créons pas de contraintes supplémentaires qui la rendraient nuisible sur l'ensemble du territoire national ! Laissons le soin à l'autorité déconcentrée, dans chaque département, d'apprécier le bien-fondé d'une éventuelle action spécifique contre la palombe.
Je vous l'avoue franchement, je ne suis pas chasseur, mais, tous les ans, à la même époque, j'accompagne des amis chasseurs de palombe dans leurs cabanes. Quel plaisir d'être au milieu de la nature ! Quel plaisir d'observer l'intelligence de l'homme qui essaie d'appeler la palombe, mais aussi celle de l'oiseau qui parfois se détourne, percevant une cacherie !
Ce jeu-là est un plaisir, un beau moment, et il manque quelque chose dans la vie de ceux qui ne l'ont jamais connu. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement de suppression. (M. Bernard Piras applaudit.)
M. le président. Monsieur Pastor, vous nous donnez envie d'aller vivre dans vos départements !
La parole est à Mme Dominique Voynet, pour présenter l'amendement n° 386.
M. François Fortassin. Mme Voynet va devoir aller voir un psychiatre ! (Sourires.)
Mme Dominique Voynet. Il y a beaucoup de motifs pour aller voir les psychiatres, monsieur Fortassin !
Nous avons également déposé un amendement de suppression de cet article, afin que l'autorité administrative puisse prendre des décisions adaptées aux conditions locales.
Tous les arguments ont été développés par le ministre de l'écologie.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La commission a émis un avis de sagesse plutôt favorable sur ces amendements de suppression.
Toutefois, ne mélangeons pas les problèmes ! En l'occurrence, il s'agit de se prononcer non pas sur la chasse au pigeon ramier ou à la palombe, mais sur une nouvelle rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, que je considère pour ma part comme mauvaise.
Le pigeon ramier devient nuisible quand des milliers d'entre eux descendent sur les cultures : c'est excessif ! Mais il vaut beaucoup mieux que la décision de le décréter nuisible, c'est-à-dire de prolonger la période de chasse, soit prise au niveau départemental plutôt qu'au niveau national ou régional.
M. Jacques Blanc. Très bien !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. C'est la raison pour laquelle je suis hostile à la rédaction proposée par l'Assemblée nationale.
Bien entendu, il n'est pas ici répondu à la question de la chasse à la palombe, évoquée notamment par MM. Fortassin et Carrère et qui apparaît en filigrane derrière ces amendements. J'invite d'ailleurs chacun d'entre vous, mes chers collègues - même ceux d'entre vous qui ne chassent pas-, à assister au moins une fois à une chasse à la palombe, qui se déroule effectivement dans des conditions assez extraordinaires.
Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, la grande injustice, pour les chasseurs de palombe, est de se trouver à quelques mètres de chasseurs espagnols qui, eux, sont autorisés à chasser près de trois mois supplémentaires. Il y a là une véritable injustice, que nous ne prétendions cependant pas résoudre aujourd'hui. (Mme Dominique Voynet s'exclame.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 137, 342 rectifié bis et 386.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 58 bis B est supprimé.
Article 58 bis
Après la section 4 du chapitre V du titre II du livre IV du code de l'environnement, il est inséré une section 5 ainsi rédigée :
« Section 5
« Plan de gestion cynégétique
« Art. L. 425-15. - Sur proposition de la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs, le préfet inscrit, dans l'arrêté annuel d'ouverture ou de fermeture de la chasse, les modalités de gestion d'une ou plusieurs espèces de gibier lorsque celles-ci ne relèvent pas de la mise en oeuvre du plan de chasse. »
M. le président. L'amendement n° 284, présenté par M. Le Grand, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 425-15 du code de l'environnement :
« Art. L. 425-15. - Le plan de gestion cynégétique est élaboré par un ou plusieurs détenteurs de droits de chasse. Il est approuvé par le préfet après avis de la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs et avis des représentants des intérêts agricoles et forestiers. Le préfet vérifie sa conformité avec le schéma départemental de gestion cynégétique.
« Il définit les objectifs et les moyens nécessaires à la protection, à l'amélioration et à l'exploitation rationnelle de la population d'une ou de plusieurs espèces et de son habitat.
« Dans son arrêté annuel d'ouverture de la chasse, le préfet peut prendre des dispositions particulières pour les territoires couverts par le plan de gestion cynégétique. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 58 bis.
(L'article 58 bis est adopté.)
Article 59
I. - La section 1 du chapitre VI du titre II du livre IV du code de l'environnement est ainsi modifiée :
1° Son intitulé est ainsi rédigé : « Procédure non contentieuse d'indemnisation des dégâts causés par le grand gibier aux cultures et aux récoltes agricoles » ;
2° L'article L. 426-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 426-1. - En cas de dégâts causés aux cultures ou aux récoltes agricoles soit par les sangliers, soit par les autres espèces de grand gibier provenant d'une réserve où ils font l'objet de reprise ou d'un fonds sur lequel a été exécuté un plan de chasse, l'exploitant qui a subi un dommage nécessitant une remise en état ou entraînant un préjudice de perte agricole peut en réclamer l'indemnisation à la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs. » ;
2° bis Le dernier alinéa de l'article L. 426-3 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il en va de même lorsque la victime des dégâts a refusé les modes de prévention qui lui ont été proposés par la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs. » ;
3° Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cas où le montant du préjudice déclaré par l'exploitant est plus de dix fois supérieur à celui de l'indemnité avant abattement, les frais d'expertise sont déduits de cette indemnité. » ;
4° L'article L. 426-5 est ainsi modifié :
a) La dernière phrase du premier alinéa est remplacée par quatre phrases ainsi rédigées :
« Une Commission nationale d'indemnisation des dégâts de gibier fixe chaque année, pour les principales denrées, les valeurs minimale et maximale des prix à prendre en compte pour l'établissement des barèmes départementaux. Elle fixe également, chaque année, aux mêmes fins, les valeurs minimale et maximale des frais de remise en état. Lorsque le barème adopté par une commission départementale ne respecte pas les valeurs ainsi fixées, la Commission nationale d'indemnisation en est saisie et statue en dernier ressort. Elle peut être saisie en appel des décisions des commissions départementales. » ;
b) La dernière phrase du deuxième alinéa est supprimée ;
c) Le troisième alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Dans le cadre du plan de chasse mentionné à l'article L. 425-6, il est institué, à la charge des chasseurs de cerfs, daims, mouflons, chevreuils et sangliers, mâles et femelles, jeunes et adultes, une contribution par animal à tirer destinée à assurer une indemnisation aux exploitants agricoles dont les cultures ou les récoltes ont subi des dégâts importants du fait de ces animaux. Le montant de ces contributions est fixé par l'assemblée générale de la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs sur proposition du conseil d'administration.
« Lorsque le produit des contributions visées à l'alinéa précédent ne suffit pas à couvrir le montant des dégâts à indemniser, la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs prend à sa charge le surplus de l'indemnisation. Elle en répartit le montant entre ses adhérents ou certaines catégories d'adhérents. Elle peut notamment exiger une participation personnelle des chasseurs de grand gibier et de sanglier ou une participation pour chaque dispositif de marquage ou une combinaison de ces deux types de participation. Ces participations peuvent être modulées en fonction des espèces de gibier, du sexe, des catégories d'âge, des territoires de chasse ou unités de gestion. » ;
d) Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les propriétaires des territoires constituant un habitat de grand gibier et ne donnant pas lieu à acte de chasse au grand gibier sont tenus d'acquitter à la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs une contribution financière à l'indemnisation des dégâts de grand gibier dont les montants sont fixés à l'hectare par la commission départementale compétente en matière de chasse et de faune sauvage. »
II et III. - Non modifiés.
IV. - Supprimé.
M. le président. L'amendement n° 354 rectifié, présenté par M. Cazeau, Mme Herviaux, M. Besson et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le 2° du I de cet article pour l'article L. 426-1 du code de l'environnement par les mots :
ou au bénéficiaire du plan chasse concerné
La parole est à M. Jean-Marc Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Cet amendement a pour objet de tenter de responsabiliser les sociétés locales. En matière d'indemnisation, de responsabilité, il conviendrait en effet que les fédérations départementales de chasseurs ne soient pas toujours montrées du doigt.
A travers cet amendement, nous souhaitons que les chasseurs et les sociétés locales prennent leurs responsabilités.
M. le président. L'amendement n° 136, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Avant le a) du 4° du I de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
... ) Dans la deuxième phrase du premier alinéa, les mots : « une commission départementale d'indemnisation des dégâts de gibier » sont remplacés par les mots : « la commission départementale compétente en matière de chasse et de faune sauvage ».
L'amendement n° 140, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Avant le b) du 4° du I de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
... ) Dans la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « des commissions départementales d'indemnisation des dégâts de gibier » sont remplacés par les mots : « des commissions départementales compétentes en matière de chasse et de faune sauvage ».
La parole est à M. le ministre, pour présenter les amendements nos 136 et 140.
M. Serge Lepeltier, ministre. Par ces amendements de cohérence, il s'agit de tenir compte de l'ordonnance de simplification du 1er juillet 2004 qui a modifié la dénomination des commissions départementales.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. En ce qui concerne l'amendement n° 354 rectifié, monsieur Pastor, vous avez raison de vouloir responsabiliser les chasseurs, et non pas simplement les fédérations. Je considère toutefois que cet objectif est déjà atteint, notamment au travers du premier alinéa de l'article L. 425-11 du code de l'environnement tel que proposé par l'article 58 du projet de loi, qui précise que le bénéficiaire du plan de chasse ne prélevant pas le nombre d'animaux qui lui est attribué peut voir sa responsabilité engagée.
Par conséquent, vous avez satisfaction et, en tous cas, vous n'avez aucune crainte à avoir. C'est la raison pour laquelle je vous suggère de retirer cet amendement.
Par ailleurs, la commission est favorable aux amendements nos 136 et 140 du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 354 rectifié ?
M. le président. Monsieur Pastor, l'amendement n° 354 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Marc Pastor. A partir du moment où la commission et le Gouvernement me confirment que l'amendement n° 354 rectifié est satisfait, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 354 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 136.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'amendement n° 140.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 135 est présenté par le Gouvernement.
L'amendement n° 195 rectifié est présenté par MM. Vasselle, Ginoux et du Luart.
L'amendement n° 387 est présenté par M. Desessard, Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le d) du 4° du I de cet article.
La parole est à M. le ministre, pour présenter l'amendement n° 135.
M. Serge Lepeltier, ministre. Cet amendement est loin d'être anodin.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a adopté, avant qu'une analyse approfondie ait pu être conduite sur ce sujet, une disposition dont la portée est très générale et les modalités d'application mal définies.
Cette mesure serait très mal comprise et très mal acceptée par une large majorité de nos concitoyens, qui y verraient indubitablement la création d'une sorte d'impôt de non-chasse très défavorable à l'image même de la chasse.
En effet, le versement, par des territoires ne donnant pas lieu à acte de chasse du grand gibier, d'une contribution aux fédérations de chasseurs pour l'indemnisation des dégâts de grand gibier s'apparente à l'institution d'une sorte de nouvelle taxe foncière.
Cette taxe serait instituée au profit d'une association oeuvrant dans le domaine du loisir et non, comme c'est le cas pour le financement des chambres d'agriculture, d'un établissement public.
Cette nouvelle taxe foncière toucherait de multiples territoires, depuis les réserves de chasse et de faune sauvage et les autres types de réserves, les parcs nationaux, les terrains militaires, jusqu'aux propriétés de surface insuffisante pour bénéficier d'un plan de chasse et de nombreux parcs et jardins appartenant à des collectivités ou des particuliers, lesquels se verraient ainsi redevables sans en comprendre la raison.
Les conséquences de l'assiette extrêmement large de ce prélèvement n'ont pas été préalablement étudiées.
Outre ses autres inconvénients, un tel dispositif pourrait nuire à une meilleure prise en compte de cette question par les moyens réglementaires déjà existants - bonne gestion des plans de chasse, battues - en reportant la résolution des problèmes sur une augmentation indéfinie de la taxe.
Il convient donc de supprimer cette disposition, qui me paraît extrêmement dangereuse.
M. le président. La parole est à M. Georges Ginoux, pour présenter l'amendement n° 195 rectifié.
M. Georges Ginoux. Cet amendement est défendu.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour présenter l'amendement n° 387.
Mme Dominique Voynet. Cet amendement a le même objet que l'amendement présenté par le Gouvernement et mon argumentation sera sensiblement la même.
Cet alinéa pose le principe de l'engagement d'une responsabilité a priori, sans même qu'une faute ait été commise.
On ne peut admettre l'idée que cette réparation soit préventive : ce serait contraire au droit.
Cette taxe s'appliquerait forcément à des communes qui disposent de vastes espaces naturels riches en faune sauvage, classés ou réservés en zone centrale de parc, par exemple. Or ces communes ne disposent pas nécessairement de ressources financières importantes.
J'évoquerai aussi les terrains qui appartiennent au ministère de la défense, au Conservatoire du littoral, etc.
Il me paraît donc nécessaire de supprimer cet alinéa.
M. le président. L'amendement n° 123 rectifié, présenté par MM. Leroy, Le Grand, Gaillard et du Luart, est ainsi libellé :
Au début du texte proposé par le d) du 4° du I de cet article pour insérer un alinéa avant le dernier alinéa de l'article L. 426-5 du code de l'environnement, remplacer les mots :
Les propriétaires des territoires constituant un habitat de grand gibier et ne donnant pas lieu à acte de chasse au grand gibier
par les mots :
Les propriétaires, titulaires du droit de chasse et en mesure de l'exercer sur des territoires constituant un habitat de grand gibier ne donnant pas lieu à acte de chasse faute pour ces propriétaires d'avoir adressé une demande de plan de chasse ou de battue administrative à l'autorité compétente
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Dans mon rapport, je m'étais interrogé sur la légalité, sur l'étendue du champ d'application et sur les conséquences de ce dispositif proposé par l'Assemblée nationale, notamment sur ses conséquences juridiques. Je considère en effet qu'elles n'ont pas été suffisamment étudiées et que cela justifie la suppression de ce dispositif.
Néanmoins, monsieur le ministre, il faut que le débat sur la nécessité de gérer la faune sauvage sur tout le territoire - et éventuellement de la réguler - se poursuive. En effet, il y a abondance de gibier, et ce gibier peut provoquer des dégâts hors de ses territoires, sur les cultures, voire dans les forêts. Et qui paie les dégâts ? Les chasseurs !
N'évacuons donc pas trop vite le problème, même si je suis favorable à la suppression du dispositif proposé par l'Assemblée nationale.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Carrère. Je voterai en faveur de ces amendements.
Je veux simplement apporter une précision. En tant que citoyen d'un département forestier, j'acquitte l'impôt qui permet de financer la défense de la forêt contre l'incendie, la DFCI, bien que ne résidant pas dans la zone forestière. Je ne risque pourtant pas d'être brûlé dans les incendies de forêt !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 135, 195 rectifié et 387.
M. le président. Je mets aux voix l'article 59, modifié.
(L'article 59 est adopté.)
Article additionnel après l'article 60
M. le président. L'amendement n° 429, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 60, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l'environnement est ainsi modifié :
I - Dans le troisième alinéa de l'article L. 428-7, les mots : « de licences de chasse » sont remplacés par les mots : « d'autorisation de chasser ».
II - Après l'article L. 428-7, il est inséré un article L. 428-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 428-7-1. -I.- Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal des délits définis au présent titre.
« II.- Les peines encourues par les personnes morales sont :
« 1° L'amende suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal ;
« 2° Les peines mentionnées aux 8° et 9° de l'article 131-39 du code pénal. »
III - 1°) Au premier alinéa de l'article L. 428-12, les références aux articles L. 423-14 et L. 423-19 sont remplacées par la référence à l'article L. 423-19.
2°) Le premier alinéa de l'article L. 428-12 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le président de la juridiction, après le prononcé de la peine, avertit le condamné lorsqu'il est présent, des conséquences qu'entraîne cette condamnation sur le paiement de ces cotisations et redevances. »
3°) Le dernier alinéa de l'article L. 428-12 est supprimé.
IV - Le II de l'article L. 428-15 est supprimé et, au début du I du même article, la référence : « I. - » est supprimée.
V - L'article L. 428-18 est ainsi rédigé :
« Art. L. 428-18. - Les personnes coupables des infractions définies aux articles L. 428-1, L. 428-4, L. 428-5 et L. 428-5-1 encourent également la suspension pour une durée de trois ans au plus du permis de conduire, lorsque l'infraction a été commise en faisant usage d'un véhicule à moteur. Cette suspension peut être limitée à la conduite en dehors de l'activité professionnelle. »
VI - L'article L. 428-32 est ainsi rédigé :
« Art. L. 428-32. - Sont seuls habilités à appréhender les auteurs des infractions définies au présent chapitre :
« 1° Les officiers et agents de police judiciaire dans les conditions prévues par le code de procédure pénale,
« 2° En cas de délit flagrant, les agents mentionnés au 1° et au 2° de l'article L. 428-20, sous réserve de la conduite des personnes appréhendées devant l'officier de police judiciaire le plus proche. »
VII - L'article L. 428-33 est ainsi rédigé :
« Art. L. 428-33. - En cas de chasse sur le terrain d'autrui sans le consentement du propriétaire, la poursuite d'office ne peut être exercée par le ministère public, sans une plainte de la partie intéressée, qu'autant que l'infraction a été commise dans un terrain clos, suivant les termes de l'article L. 424-3, et attenant à une habitation, ou sur des terres non encore dépouillées de leurs fruits. »
VIII - La sous-section 4 de la section 4 du chapitre VIII du titre II du livre IV du même code est abrogée.
La parole est à M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Il s'agit en quelque sorte de « nettoyer » le code pénal s'agissant des infractions en matière de chasse.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Serge Lepeltier, ministre. Au travers de cet amendement, M. le rapporteur propose la modification de plusieurs dispositions pénales relatives à la chasse.
Je le remercie vraiment d'avoir repris, en l'améliorant, l'essentiel de l'amendement que j'avais déposé lors de l'examen de ce texte par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.
J'émets donc un avis favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 60.
Article 60 ter
Si les dommages sont encore constatables, et qu'une estimation n'a pu être réalisée avant la récolte des cultures agricoles endommagées, une demande d'estimation ou d'expertise judiciaire peut éventuellement être recevable après la récolte des cultures agricoles endommagées.
M. le président. L'amendement n° 41, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cet article additionnel adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture élargit les conditions dans lesquelles il doit être procédé à l'estimation des dégâts causés aux cultures par le grand gibier.
Il faut remarquer que cet article n'est pas inséré dans le code de l'environnement, ce qui le prive quasiment de tout effet juridique.
S'il devait l'être, et comme il concerne le droit local d'Alsace-Moselle, il remettrait en cause l'article L.429-32 du code de l'environnement, modifié et adopté conforme au travers de l'article 60 bis du projet de loi.
Selon la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, cet article est donc irrecevable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l'article 60 ter est supprimé.
Article 60 quater
Le montant des indemnités visées au premier alinéa de l'article L. 429-32 du code de l'environnement est arrêté selon un barème départemental.
M. le président. L'amendement n° 42, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je présenterai exactement la même explication que pour l'amendement précédent.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l'article 60 quater est supprimé.
Article 61 bis
L'article L. 428-21 du code de l'environnement est ainsi rédigé :
« Art. L. 428-21. - I. - Les gardes-chasse particuliers assermentés constatent par procès-verbaux les infractions aux dispositions du présent titre qui portent préjudice aux détenteurs de droits de chasse qui les emploient ; leurs procès-verbaux font foi jusqu'à preuve du contraire.
« Ils peuvent achever un animal blessé.
« II. - A la demande des propriétaires et détenteurs de droits de chasse, une convention peut être passée entre eux et la fédération départementale des chasseurs dont ils sont membres pour que la garderie particulière de leurs terrains soit assurée par des agents de développement de cette fédération. Les agents ainsi nommés dans cette fonction par la fédération sont agréés par le représentant de l'Etat dans le département ; ils bénéficient des dispositions du I du présent article dans les limites des territoires dont ils assurent la garderie.
« Les gardes-chasse particuliers qui n'entrent pas dans le cadre de la convention mentionnée à l'alinéa précédent bénéficient d'une formation pratique élémentaire, dispensée par l'Office national de la chasse et de la faune sauvage ou par la fédération départementale des chasseurs. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 43, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
La deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article L. 421-5 du code de l'environnement est complétée par les mots : « et, le cas échéant, des gardes-chasse particuliers. »
La parole est à M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cet article, introduit par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, modifiait initialement en profondeur les compétences des gardes-chasse particuliers en les autorisant à fouiller les carniers des chasseurs.
Ces gardes n'ayant aucune assermentation judiciaire, cette mesure est profondément attentatoire aux libertés publiques. Nous vous proposons donc de la supprimer.
La seule modification que je vous propose de conserver concerne, sur sa demande, la formation de cette garderie. Celle-ci doit pouvoir être assurée par les fédérations départementales des chasseurs - mais pas exclusivement - et sous contrôle de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage.
M. le président. L'amendement n° 355, présenté par M. Cazeau, Mme Herviaux et M. Besson, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article L. 428-1 du code de l'environnement est ainsi rédigé :
« Art. L. 428-1. I - Les gardes-chasse particuliers assermentés, recherchent et constatent les infractions aux dispositions du présent titre qui portent préjudices aux détenteurs de droits de chasse au groupement d'intérêt cynégétique qui les emploient. Ils peuvent achever un animal mortellement blessé avec l'accord préalable de la personne qui les a commissionnés. Leurs procès-verbaux font foi jusqu'à la preuve contraire.
« II - A la demande des détenteurs des droits de chasse affiliés à la fédération départementale des chasseurs selon ses statuts, un contrat de service pourra être passé par des agents de développement assermentés par la fédération. Ces agents sont agréés par le Préfet pour la durée de leur contrat au sein de la fédération : ils bénéficient des dispositions des deux premiers alinéas du présent article. Les gardes-chasse particuliers visés au premier alinéa bénéficient d'une formation dispensée par la fédération départementale des chasseurs avant leur agrément préfectoral de leur commission. Cet agrément est renouvelable tous les cinq ans. Leur tenue est définie par un article ministériel. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 388, présenté par M. Desessard, Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery, est ainsi libellé :
Supprimer le II du texte proposé par cet article pour l'article L. 428-21 du code de l'environnement.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Il y a quelques années, je me suis longuement battue devant vous, mes chers collègues, pour assurer une réelle indépendance de la garderie à l'égard des présidents de fédérations.
Le transfert de la garderie à l'ONCFS et la mise en place d'un corps de gardes à l'Office a constitué, selon moi, un pas en avant important.
Revenir sur cette disposition, mettre en place à nouveau des garderies de fédérations de chasse ne me paraît pas souhaitable.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Il ne s'agit pas de mettre en place des garderies de fédérations de chasse, madame Voynet. Il s'agit simplement de la garderie privée et de sa formation.
Pour ce qui est de la formation des gardes-chasse particuliers, votre amendement est satisfait par l'amendement n° 43 de la commission, qui ne fait plus que mentionner la possibilité, pour les fédérations, de développer des actions de formation des gardes-chasse particuliers, et rien d'autre.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Serge Lepeltier, ministre. Le Gouvernement élabore actuellement un décret relatif au commissionnement, à l'agrément et à l'assermentation des gardes particuliers, commun aux domaines de la chasse, de la forêt, de la pêche.
L'objectif est d'harmoniser les règles qui leur sont applicables.
C'est pourquoi il n'est pas opportun que remonte au niveau législatif le cas des gardes-chasse particuliers, comme le prévoyait l'article 61 bis adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.
En revanche, la possibilité pour les fédérations départementales des chasseurs de conduire des actions d'information et d'appui technique à l'intention des gardes-chasse particuliers est cohérente avec le projet de décret du Gouvernement pour l'harmonisation des différents gardes particuliers.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 43 de la commission et défavorable à l'amendement n° 388.
M. le président. En conséquence, l'article 61 bis est ainsi rédigé et l'amendement n° 388 n'a plus d'objet.
Chapitre V
Dispositions relatives aux espaces, sites et itinéraires relatifs aux sports de nature
Article 61 ter
L'article 50-2 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives est ainsi modifié :
1° Dans le deuxième alinéa, après le mot : « comprend », est inséré le mot : « notamment » ;
2° Dans le sixième alinéa, les mots : « de loi, de décret ou » sont supprimés ;
3° A la fin du dernier alinéa, les mots : « précise la composition de cette commission et les modalités de son fonctionnement » sont remplacés par les mots : « fixe les conditions d'application du présent article ».
M. le président. L'amendement n° 44, présenté par M. Emorine, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I - Supprimer cet article
II - En conséquence, supprimer la division "chapitre V" et son intitulé.
La parole est à M. Jean-Paul Emorine, rapporteur.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques et du Plan, rapporteur. Cet article additionnel, précédé d'une division nouvelle, a été introduit par l'Assemblée nationale en deuxième lecture pour modifier la composition et le rôle de la commission départementale des espaces, sites et itinéraires de sports de nature créée par l'article 50-2 de la loi du 16 juillet 1984, afin de faciliter son fonctionnement.
L'article 17 de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit, résultant d'un amendement adopté par le Sénat, prévoit déjà de telles modifications et tire les conclusions du transfert aux départements de la compétence en matière de promotion des sports de nature et des activités physiques.
En conséquence, il vous est proposé de supprimer cet article additionnel ainsi que la division qui l'introduisait.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Carrère. Je voterai cet amendement.
Puisqu'il s'agit du dernier amendement relatif à la chasse, je veux en profiter pour demander à M. le ministre d'examiner de plus près - et avec un peu de bienveillance - la demande d'étude concernant le bruant ortolan lancée par la fédération départementale des chasseurs des Landes.
Mme Dominique Voynet. Il est incorrigible ! (Sourires.)
M. Jean-Louis Carrère. Nous attendons vraiment une réponse, monsieur le ministre, car nous ne pourrons pas nous battre pour cette espèce si aucune étude scientifique ne nous permet de faire le point sur son état de conservation.
M. le président. En conséquence, l'article 61 ter, la division « chapitre V » et son intitulé sont supprimés.
TITRE V
DISPOSITIONS RELATIVES À LA MONTAGNE
Chapitre Ier
Objectifs et institutions de la politique de la montagne
Article 62 A
I. - Le cinquième alinéa de l'article 2 de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique est ainsi rédigé :
« Sur certains cours d'eau ou sections de cours d'eau, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État, ne peuvent être autorisés que des petits ouvrages, dits "microcentrales", réalisés à l'initiative d'une commune ou d'un groupement de communes sous réserve de satisfaire aux prescriptions environnementales du II de l'article L. 211-1 du code de l'environnement, d'être conformes, le cas échéant, aux contrats de rivière ou aux orientations de l'agence de bassin et de disposer, si besoin est, d'aménagements permettant le passage des poissons. Les durées d'amortissement des équipements sont fixées par décret en Conseil d'Etat. »
II. - Après la première phrase du dernier alinéa de l'article 2 de la loi du 16 octobre 1919 précitée, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« L'avis d'ouverture de l'enquête publique doit être publié au plus tard un an après la transmission de la demande et la décision doit être prise dans un délai maximum de vingt-quatre mois après la transmission de la demande. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 45, présenté par M. Emorine, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer le I de cet article
La parole est à M. Jean-Paul Emorine, rapporteur.
M. Jean-Paul Emorine, rapporteur. Nos collègues députés, qui ont introduit cette disposition dans le projet de loi, ont souhaité modifier les critères de classement des cours d'eau pour favoriser le développement de petites installations hydroélectriques, dites microcentrales, en allégeant leur régime d'autorisation.
La commission des affaires économiques du Sénat a quant à elle considéré que ces modifications étaient source d'insécurité juridique, en raison notamment de l'imprécision des termes retenus dans le corps du texte proposé.
Sachant que le Gouvernement prévoit de remettre à plat cette législation dans le cadre du projet de loi sur l'eau, la commission vous propose de supprimer le I de cet article.
M. le président. L'amendement n° 227 rectifié, présenté par MM. Vial, Faure, Hérisson, Émin, Belot et Fournier, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa du I de cet article, remplacer les mots :
contrats de rivière
par les mots :
schémas d'aménagement et de gestion des eaux
et les mots :
de l'agence de bassin
par les mots :
des comités de bassin
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 389, présenté par M. Desessard, Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le I de cet article pour le cinquième alinéa de l'article 2 de la loi du 16 octobre 1919 par une phrase ainsi rédigé :
Le non-respect des prescriptions environnementales du II de l'article L. 211-1 du code de l'environnement entraîne automatiquement le retrait de l'autorisation et l'interdiction pour la commune ou le groupement de communes concerné, de déposer une nouvelle demande pendant une période de cinq ans.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Nous sommes, bien sûr, favorables aux microcentrales. Toutefois, lorsqu'elles assèchent les cours d'eau, cela pose problème. Cet amendement vise donc à les sanctionner en cas d'assèchement des cours d'eau et de non-respect de l'environnement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 389 ?
M. Jean-Paul Emorine, rapporteur. Nous avons eu l'occasion d'aborder ce sujet en commission, M. Desessard le sait.
Nous souhaitons qu'un débat global ait lieu sur les microcentrales et la protection des cours d'eau. L'examen du projet de loi sur l'eau sera propice à ce débat. Le Gouvernement pourra alors nous faire des propositions.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Serge Lepeltier, ministre. Comme M. le rapporteur vient de le rappeler, le I de cet article, voté en deuxième lecture par l'Assemblée nationale contre l'avis du Gouvernement, atténuerait très fortement la portée des dispositions de protection des cours d'eau et pourrait même remettre en cause les efforts de restauration des cours d'eau et des milieux aquatiques entrepris depuis plus de vingt ans.
Les principaux objectifs de ces dispositions étaient en effet de préserver les dernières parties de cours d'eau proches d'un état naturel tout comme les axes faisant l'objet d'importants efforts de restauration afin de faciliter le retour des poissons migrateurs.
Une réforme de ce dispositif est certes nécessaire afin de parvenir à un meilleur équilibre entre protection de la qualité écologique des eaux et des milieux aquatiques et développement nécessaire des énergies renouvelables.
C'est pourquoi, après de larges consultations durant tout l'été 2004 avec les élus et les représentants des usagers de l'eau, j'ai intégré le principe de cette réforme dans le projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques. Ce texte, qui est en cours d'examen par le Conseil d'Etat, sera présenté en conseil des ministres au début du mois de mars prochain et soumis au Sénat à la fin de ce même mois.
Pour ces raisons, je suis donc évidemment favorable à l'amendement n° 45.
En revanche, pour la même raison que celle qui a été avancée par M. le rapporteur, je suis défavorable à l'amendement n° 389.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 389 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 62 A, modifié.
(L'article 62 A est adopté.)
Article 62 B
Au début de la première phrase du premier alinéa de l'article 16 bis de la loi du 16 octobre 1919 précitée, sont insérés les mots : « Les sociétés d'économie mixte autorisées et ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 46, présenté par M. Emorine, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Paul Emorine, rapporteur.
M. Jean-Paul Emorine, rapporteur. Dans le même esprit, la commission des affaires économiques propose de supprimer l'article 62 B. En effet, ce dernier donne les mêmes prérogatives de puissance publique - comme la possibilité d'imposer des servitudes ou d'exproprier - aux sociétés d'économie mixte exploitant des microcentrales qu'aux régies des collectivités locales qui gèrent des installations hydroélectriques.
La commission a estimé que ce sujet devait être débattu dans le cadre du projet de loi sur l'eau. Par ailleurs, il lui semble qu'il pourrait être problématique de donner de telles prérogatives à des SEM, qui agissent dans un cadre juridique privé et, en l'espèce, dans un secteur concurrentiel.
M. le président. L'amendement n° 228 rectifié, présenté par MM. Vial, Faure, Hérisson, Émin, Belot et Fournier, est ainsi libellé :
Après les mots :
Les sociétés d'économie mixte autorisées
rédiger comme suit la fin de cet article :
, notamment, et les entreprises autorisées, aménagées et exploitées directement par les collectivités locales ou leurs groupements.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 46 ?
M. Serge Lepeltier, ministre. Les explications données par M. le rapporteur sont tout à fait complètes.
Actuellement, la possibilité d'imposer des servitudes sur les propriétés privées pour la construction de microcentrales est accordée en cas de déclaration d'utilité publique pour les travaux effectués dans le cadre d'une concession accordée par l'Etat ou pour ceux qui sont réalisés par une collectivité territoriale.
Il est évident que l'extension de cette prérogative à une société d'économie mixte qui, je le rappelle, relève du droit privé même si la majorité des parts est détenue par des collectivités territoriales, pose des problèmes de principe et, sans doute, de constitutionnalité.
C'est la raison pour laquelle je suis favorable à l'amendement n° 46.
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.
M. Thierry Repentin. Je suis prêt à voter l'amendement n° 46, mais pas au motif que les sociétés d'économie mixte sont des sociétés de droit privé. Certes, c'est juridiquement vrai, mais ces sociétés sont souvent situées dans de toutes petites communes de montagne : aujourd'hui, on trouve des SEM hydroélectriques dans les Pyrénées, dans les Alpes, dans des petites communes ayant eu besoin d'un peu de capital parce qu'elles ne parvenaient pas, seules, à faire face aux problèmes qui se posaient à elles. Mais les SEM demeurent tout de même des outils d'aménagement du territoire, et sont dirigées en général par les maires.
Je ne souhaite pas non plus que l'on fasse un amalgame entre les SEM et les sociétés anonymes « classiques ». Si je vote la suppression de l'article, c'est donc uniquement avec l'espoir, compte tenu de l'engagement qui a été pris, que l'on revienne sur ce sujet à l'occasion du projet de loi sur l'eau qui nous sera soumis dans quelques semaines.
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc, pour explication de vote.
M. Jacques Blanc. Je partage la position de M. Repentin et, comme lui, je compte pouvoir discuter de ce sujet à l'occasion de l'examen du projet de loi sur l'eau.
M. le président. En conséquence, l'article 62 B est supprimé.
Article 65 bis AC (priorité)
Après l'article L. 113-1 du code rural, il est inséré un article L. 113-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 113-1-1. - Dans les territoires de montagne traditionnellement dédiés au pastoralisme, il est institué des zones d'exclusion des prédateurs. Dans ces zones d'exclusion, l'abattage ou le prélèvement des prédateurs est autorisé, à la demande des communes après délibération du conseil municipal, par le préfet du département, dès lors que plus de trois attaques ayant donné lieu à perte d'animaux ont été recensées dans l'année sur le territoire communal. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 51 est présenté par M. Emorine, au nom de la commission.
L'amendement n° 396 est présenté par M. Desessard, Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Paul Emorine, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 51.
M. Jean-Paul Emorine, rapporteur. Cet article additionnel, adopté par l'Assemblée nationale contre l'avis de sa commission des affaires économiques et du Gouvernement, définit des zones d'exclusion des prédateurs dans les territoires de montagne dédiés au pastoralisme.
Dans ces zones, l'abattage des loups serait autorisé par le préfet sur demande de la commune dès lors que sur le territoire de cette dernière seraient recensées dans l'année plus de trois attaques ayant donné lieu à perte d'animaux.
La commission en a bien conscience, il est nécessaire de répondre aux attentes angoissées des éleveurs confrontés à ces attaques de loups contre leurs troupeaux, et l'indemnisation du cheptel tué ne suffit pas.
Mais la commission relève également que le Gouvernement a d'ores et déjà mis en place un arsenal de mesures préventives, et surtout un dispositif autorisant la régulation de ces prédateurs et répondant aux conditions fixées par les engagements internationaux et communautaires que nous avons ratifiés.
En revanche, on peut légitimement s'interroger sur la légalité et l'efficacité réelle de l'article 65 bis AC tel qu'adopté par l'Assemblée nationale.
La délimitation de zones d'exclusion, sans limitation du nombre d'animaux à abattre, n'est-elle pas trop générale au regard de l'obligation de maintien de l'espèce dans un état de conservation favorable ?
En outre, le mécanisme proposé semble induire d'emblée que, dans ces zones, aucune autre solution satisfaisante que le prélèvement n'est envisageable.
Enfin, le choix d'une approche par zonage ne résout en rien la situation des éleveurs situés en dehors de ces zones de prélèvement, alors même que, par nature, le loup est une espèce opportuniste et très mobile, capable de parcourir des distances considérables.
Pour toutes ces raisons, il vous est proposé de supprimer cet article.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 396.
M. Jean Desessard. Nous sommes d'accord avec M. le rapporteur. Je m'en réjouis, même si je ne sais pas si cela influera sur le vote. Nous n'avons en effet pas eu beaucoup de chance depuis le début de la soirée !
L'article 65 bis AC est contraire aux textes internationaux fondamentaux et met en péril la survie de plusieurs espèces protégées.
Outre le fait que cet article conduirait à l'éradication déguisée des grands prédateurs, alors que d'autres pays européens nous ont montré qu'il était possible, souhaitable, et parfois économiquement intéressant de vivre en cohabitation avec eux, il est tout simplement en opposition criante avec la convention de Berne et avec la directive européenne Habitat naturel.
Cette mesure vise l'ours, en voie d'extinction dans les Pyrénées et dont les dégâts de prédation ne représentent que 0,03 % du cheptel domestique du massif, ainsi que le lynx et le loup, ce dernier faisant l'objet depuis l'automne 2004 d'un plan d'action cosigné par les ministres de l'écologie et de l'agriculture et prévoyant déjà des modalités encadrées de prélèvement, après avis du Conseil national de la protection de la nature.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Serge Lepeltier, ministre. L'institution de zones d'exclusion dans les zones de montagne fréquentées par les prédateurs n'apporterait pas, en réalité, de réponse satisfaisante et opérationnelle au problème des attaques de troupeaux.
S'agissant du loup, qui est, comme on le sait, une espèce très mobile, capable de parcourir chaque jour des distances tout à fait considérables, la délimitation de zones d'où il serait exclu ne donnerait, à supposer que cette disposition soit légale au regard de nos engagements internationaux, qu'une illusion de solution.
En outre, la réflexion sur le zonage spatial a déjà montré toutes les difficultés que pose ce type d'approche. Comment l'Etat pourrait-il accepter que certains éleveurs restent soumis à la pression de prédateurs sans bénéficier d'autorisations de prélèvement au motif qu'ils seraient hors de la zone d'exclusion, tandis que ceux qui seraient situés dans cette zone, eux, en bénéficieraient ?
En tout état de cause, le prélèvement de loups est d'ores et déjà légalement possible, sous réserve de respecter les principes et les modalités définis par la convention de Berne et la directive Habitat.
Les décisions que vise l'article 65 bis AC demeureraient soumises dans tous les cas, même à l'intérieur de ces zones, à ces contraintes de droit.
Si la convention de Berne et la directive 92/43/CEE, dite « Habitat », prévoient des dérogations à la protection dont bénéficient l'ours, le loup et le lynx, celles-ci doivent garantir le maintien de l'espèce dans un état de conservation favorable et ne doivent être accordées que s'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante.
L'application d'un tel dispositif à la délimitation des zones d'exclusion n'est pas acceptable. En effet, le nombre d'animaux sauvages susceptibles d'être abattus dans ces zones est illimité. Ce dispositif ne répond donc pas à la première condition de maintien dans un état de conservation favorable.
Ce dispositif ne satisfait pas non plus à la seconde condition, puisque l'on considérerait d'emblée qu'il n'y a pas d'autre solution satisfaisante, sur une zone donnée, que le prélèvement, alors même que les moyens de protection des troupeaux n'auraient pas été mis en oeuvre.
Un plan d'action sur le loup vient d'être finalisé pour la période 2004-2008, après les travaux d'un groupe national réunissant toutes les parties concernées. Auparavant, vous le savez, a été autorisé, au titre de l'année 2004, le prélèvement par le tir de quatre loups, ce qui correspond à 10 % de la population réellement dénombrée. Deux animaux ont d'ores et déjà été abattus, mais cette autorisation n'avait été donnée que pour l'année 2004.
Intervenir sur les populations de loups est donc bien l'un des objectifs du plan d'action - tout en prévoyant naturellement l'augmentation de leur nombre sur la durée -, mais cette intervention doit se faire conformément à nos engagements communautaires et internationaux.
C'est la raison pour laquelle je suis favorable à ces amendements de suppression.
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.
M. Thierry Repentin. Lors de la discussion générale, j'avais interrogé les deux secrétaires d'Etat présents au moment de mon intervention pour connaître la position de la France à l'égard de la demande formulée par la Suisse en novembre 2004 et tendant à la révision du contenu de la convention de Berne. La Suisse a souhaité tout simplement que soit déclassifié ou « reclassifié » - chacun retiendra l'expression qui lui convient - le loup pour faire passer cette espèce animale de l'annexe 2 de la convention de Berne, concernant les animaux totalement protégés, à l'annexe 3, qui vise les animaux protégés.
Ni l'un ni l'autre des secrétaires d'Etat n'a pu me répondre. Or il est très important d'obtenir une réponse sur ce point pour pouvoir examiner utilement ces deux amendements de suppression ainsi que celui que je vais défendre dans quelques instants.
Je ne veux faire preuve, sur cette question, ni d'angélisme béat ni de dogmatisme. Je considère seulement qu'on ne peut pas laisser les citoyens qui sont sur le terrain, agriculteurs en charge de troupeaux ou élus des communes de montagne concernées, affronter les difficultés liées à la présence du loup sans que l'Etat central adopte une position claire, relayée par le préfet du département. En l'absence d'une telle prise de position, en effet, on laisse s'opposer sur place les tenants de la biodiversité et du laisser-faire, selon qui la situation se régulera naturellement, et les fervents adeptes des battues destinées à éradiquer cet animal.
Je pense qu'il est possible d'adopter une position ne relevant, encore une fois, ni de l'angélisme ni du dogmatisme.
Aujourd'hui, aucune prise de position n'a été enregistrée, à l'exception, vous avez eu raison de le souligner, monsieur le ministre, d'un arrêté autorisant le prélèvement de quatre individus de l'espèce en question.
Cette décision n'est pas en contradiction avec la convention de Berne puisque celle-ci n'interdit pas de procéder à des prélèvements ; sinon, les tirs sélectifs n'auraient pas pu être effectués. Je constate, par conséquent, que ladite convention permet aux Etats de prendre des mesures de régulation des meutes de loups.
L'arrêté autorisant l'abattage de quatre loups pris par le Gouvernement avait donc pour objet de faire comprendre à la population que l'Etat se préoccupe de ce dossier sensible, dans l'attente d'une solution de plus long terme, car le tir sélectif d'un certain nombre d'animaux ne suffit pas à répondre aux attentes.
L'été dernier, pendant la campagne électorale, les maires de toutes les communes de montagne de la Maurienne et de la Tarentaise que j'ai traversées m'ont fait part de leurs craintes quant à l'avenir de leur territoire, tout particulièrement ceux des toutes petites communes de montagne où l'activité pastorale est la seule qui permette de préserver l'environnement de l'invasion des broussailles, laquelle peut être catastrophique au regard non seulement du tourisme, mais aussi des risques d'avalanche.
Monsieur le ministre, selon que vous êtes favorable ou opposé à la demande de la Suisse, les réponses à apporter sur le terrain seront très différentes.
Si vous y êtes opposé, autrement dit si vous voulez que le loup soit moins protégé, un certain nombre de mesures pourront être adoptées en collaboration avec les gardes de l'ONC, avec des lieutenants de louveterie, pour que la régulation se fasse sous le contrôle de l'Etat.
Si, au contraire, vous ne souhaitez pas que le loup soit déclassifié, l'activité pastorale devra être réorganisée. Pourquoi pas ? Mais alors, il faut le dire.
Une telle réorganisation impliquerait d'abord que les gardiens de troupeaux achètent davantage de patous, seuls chiens de berger aujourd'hui capables de tenir le loup à l'écart des troupeaux. Elle supposerait ensuite soit que des parcages soient mis en place - dans nos massifs, en effet, l'activité pastorale ne connaît pas la tradition du parcage de nuit - soit que le Gouvernement prenne un arrêté autorisant de nouveaux tirs contingentés.
Monsieur le ministre, quelles que soient nos positions respectives personnelles, nous ne pouvons pas accepter que le Gouvernement ne nous donne pas d'orientation claire sur ce dossier.
En tout cas, pour l'heure, de votre réponse dépendent le vote du groupe socialiste sur ces amendements de suppression et le sort que nous réserverons à notre amendement suivant.
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Monsieur le ministre, quitte à prélever des loups, plutôt que d'en tuer, ne serait-il pas préférable d'en envoyer un certain nombre dans le parc à loups de Sainte-Lucie, en Lozère, où je permets d'ailleurs de vous inviter ? Des loups seraient ainsi sauvés et ce magnifique parc s'en trouverait enrichi.
M. Jean-Louis Carrère. Moi, je ne voudrais pas être loup dans ce parc ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Serge Lepeltier, ministre. Monsieur Repentin, la France s'est opposée à la demande de la Suisse.
Je vous rejoins tout à fait quant à la nécessité de se garder tant de l'angélisme que du dogmatisme. En effet, l'écologie défend à la fois le prédateur et le pastoralisme, tant il est vrai que, si l'élevage disparaissait des montagnes, disparaîtraient du même coup non seulement les pâturages, au profit des broussailles et des bois, mais aussi une partie de la faune.
Par la mise en oeuvre d'une politique appropriée, le Gouvernement souhaite rendre compatible la présence du loup et l'activité humaine, ce qui n'est certes pas simple. Le groupe de travail « loup » mis en place à l'échelon national et les groupes de travail constitués dans différents départements ont pour objectif d'élaborer, dans un esprit de concertation et avec l'aide du Gouvernement, des mesures propres à soutenir l'activité pastorale.
Dans les Alpes, la « mesure T », destinée à soutenir financièrement l'achat de chiens, l'équipement en cabanes de berger et le gardiennage des troupeaux, est progressivement mise en place.
Monsieur Blanc, je comprends votre suggestion, mais elle ne répond pas à la problématique posée en termes de biodiversité. Si nous souhaitons, sur le long terme, protéger la présence du loup, en vertu de la convention de Berne, c'est bien parce que nous nous obligeons à défendre la nature qui lui permet de vivre.
Bien entendu, pour autant, les parcs animaliers peuvent être aussi très utiles à la sensibilisation de la population à la vie animale, et je me rendrai volontiers à votre invitation, qui, je l'espère, s'adressait aussi à d'autres membres du Gouvernement.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 51 et 396.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 65 bis AC est supprimé.
Article additionnel après l'article 65 bis AC (Priorité)
M. le président. L'amendement n° 325, présenté par MM. Domeizel, Besson, Boulaud, Charasse, Collombat et Dreyfus-Schmidt, Mme Hurel, MM. Krattinger, Marc, Piras, Sutour, Repentin, Todeschini et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l'article 65 bis AC, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans l'article L. 427-9 du code de l'environnement, les mots : « tout propriétaire ou fermier peut repousser ou détruire, même avec des armes à feu, mais à l'exclusion du collet et de la fosse, les bêtes fauves qui porteraient dommages à ses propriétés », sont remplacés par les mots : « tout propriétaire ou fermier, ainsi que tout employé agissant pour leur compte, peut repousser ou détruire, même avec des armes à feu, mais à l'exclusion du collet et de la fosse, les bêtes fauves et les loups et les chiens errants qui porteraient dommages à ses propriétés ».
La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Dans la suite logique du débat qui vient d'avoir lieu, je suis amené à défendre cet amendement, qui a trait à la régulation de la population de loups.
Le code de l'environnement autorise tout propriétaire ou fermier à repousser ou détruire des « fauves » qui viendraient attaquer ses troupeaux.
En revanche, il ne permet pas à un employé du propriétaire, autrement dit un berger, de se protéger contre une attaque de loups ou de chiens errants.
Cet amendement vise à prévoir cette possibilité dans le code de l'environnement, de manière à instituer une sorte de légitime défense pour les bergers qui doivent assurer la protection des troupeaux durant l'estivage.
Nous avons souhaité viser précisément, outre les fauves, les loups et les chiens errants, car nous n'ignorons pas que des troupeaux sont détruits chaque année par ces derniers, quasiment retournés à l'état sauvage. Ne serait-ce que l'été dernier, plusieurs milliers de moutons ont été victimes d'attaques de loups ou de chiens errants : certains ont été égorgés, d'autres ont déroché, d'autres encore ont dû être abattus après avoir été blessés.
En adoptant les deux amendements précédents, nous venons de supprimer la seule disposition qui faisait référence à la protection contre de telles attaques. Au demeurant, je les ai votés parce que j'estime que l'article 65 bis AC était inapplicable.
Avant de conclure mon propos, je signale que, au col de Luz-la-Croix-Haute, au mois d'août dernier, et à Chambéry, au mois de septembre, plusieurs centaines de bergers se sont réunis, accompagnés par des maires des différents départements de la chaîne des Alpes, toutes tendances politiques confondues, pour manifester les attentes d'une profession qu'angoisse déjà la perspective de la prochaine saison estivale. Aujourd'hui, dans certaines vallées des Alpes, nous ne savons pas si les troupeaux de moutons reviendront pour la transhumance.
Si nous ne donnons pas, avec cet amendement, la possibilité aux bergers de se défendre, en attendant un nouveau système de défense issu du groupe de travail auquel vous faisiez référence, monsieur le ministre, ils ne bénéficieront d'aucune protection efficace. Je ne vois pas comment, vis-à-vis des élus de montagne, des propriétaires de troupeaux et des bergers, nous pourrions nous dispenser de compléter ce texte d'un tel dispositif.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Emorine, rapporteur. Cet amendement est en contradiction avec la convention de Berne. Il convient d'en rester au dispositif réglementaire mis en place par le Gouvernement. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Serge Lepeltier, ministre. Pour les mêmes raisons, l'avis du Gouvernement est également défavorable.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Nous nous sommes efforcés, jusqu'à présent, d'adopter des décisions équilibrées, et nous y avons souvent réussi. Or, en l'espèce, ce n'est manifestement pas le cas : le déséquilibre est flagrant.
En effet, s'il est nécessaire de protéger le loup, il est non moins nécessaire de protéger les bergers et le pastoralisme en général, qui assurent une présence humaine et une activité économique dans nos montagnes.
Il est tout de même difficilement admissible que, en vertu de la convention de Berne, les bergers ne puissent pas user d'un droit de légitime défense pour se protéger ! Franchement, je ne comprends pas la position du Gouvernement et de la commission sur cette mesure qui permettrait simplement au berger de se défendre au cas où il serait attaqué.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Il y a un point sur lequel je suis d'accord avec Thierry Repentin : dans une majorité des situations, c'est aux chiens errants - et non aux loups - qu'il faut attribuer la responsabilité des dégâts causés aux troupeaux. On le sait de manière plus sûre depuis qu'on a commencé à procéder à des analyses génétiques pour savoir exactement quelles étaient les bêtes qui étaient à l'origine de ces dégâts.
Cela dit, je ne connais pas d'exemple où des humains aient en quelque sorte pris le loup en flagrant délit, où ils se soient trouvés en situation de répondre à son attaque avec une arme, que ce soit pour se défendre eux-mêmes ou pour défendre leur troupeau.
C'est en l'absence d'humains que se produisent les attaques, parce que les troupeaux ne sont pas suffisamment surveillés, parce qu'il n'y a pas assez de chiens, parce que les pratiques traditionnelles de l'élevage ne sont plus constamment respectées.
Les solutions sont à chercher du côté des pistes que Thierry Repentin a d'ailleurs spontanément évoquées, même si ces solutions sont imparfaites, comme l'a dit M. le ministre de l'écologie : les éleveurs ne seront que très partiellement rassurés et beaucoup de problèmes demeureront sur le terrain.
Mais cela n'a aucun sens de voter des textes dont on sait très bien que leur adoption ne changerait en aucune façon la donne sur le terrain. On ne répondra à aucune situation d'angoisse ou de mise en danger par l'adoption de cet amendement. (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Nous voterons l'amendement présenté par M. Repentin et le groupe socialiste pour que les bergers ne se sentent pas complètement abandonnés par la représentation nationale.
Le « plan loup » proposé par le Gouvernement ne sera pas suffisant pour résoudre l'ensemble des problèmes auxquels est actuellement confronté le métier de berger.
Comme je l'avais dit en première lecture, les bergers vivent les plus grandes difficultés dans nos alpages : il est de la responsabilité du Gouvernement et du Parlement de leur venir en aide. Même si nous n'avons pas déposé d'amendement sur ce point en deuxième lecture, nous pensons qu'il est indispensable de faire un geste fort en direction de cette profession. D'ailleurs, vous l'avez souligné vous-même, monsieur le ministre, nos alpages seront bien plus en danger s'il n'y a plus d'éleveurs pour y faire paître leurs troupeaux.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Amoudry.
M. Jean-Paul Amoudry. Je voterai l'amendement proposé par notre collègue Thierry Repentin et je veux simplement me faire l'écho d'une expérience de terrain.
Je préside un organisme départemental qui s'occupe de pastoralisme et qui, depuis trente à trente-cinq ans, s'efforce de réimplanter une présence animale dans les montagnes ; la tâche est loin d'être aisée, car, comme la paix, le résultat n'est jamais définitivement acquis.
Quoi qu'il en soit, cela m'amène à être régulièrement en contact avec un berger, homme d'une grande expérience, qui pratique depuis l'enfance les transhumances entre la Camargue et les sommets des Alpes. Il a vu arriver le prédateur avec beaucoup de philosophie, se disant simplement qu'il devait intégrer ce nouveau phénomène. Il a donc acheté de quoi parquer ses troupeaux. Voyant ensuite le loup se rapprocher, il a acheté des patous, puis, ceux-ci ne semblant pas suffire, un chien d'Anatolie, lequel, se mêlant aux moutons, permet d'avoir une double garde : une à l'extérieur du troupeau et une à l'intérieur.
Malgré tout ce dispositif installé à grands frais, des dizaines de brebis sont malheureusement mortes l'été dernier du fait du loup.
Pardonnez-moi, madame Voynet, mais les faits sont là. Vous dites qu'il manque des chiens, que les usages traditionnels se perdent, etc. Or cet exemple montre que, malgré le professionnalisme du berger, malgré des mesures de protection maximale, on ne peut empêcher ce prédateur de causer des dommages.
Je comprends bien le sens de la convention de Berne, mais je pense que, si nous ne voulons pas que cette profession subisse rapidement des dégâts incommensurables, nous avons le devoir, en tant que parlementaires, de lui adresser un signal très fort.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Nous sommes sensibilisés à la réintroduction du loup. Nous sommes également sensibilisés à la survie du pastoralisme et à tout ce qu'il induit de positif dans les zones de moyenne et de haute montagne.
Une fois n'est pas coutume, j'ai été convaincu par l'argumentation de Mme Voynet ! Elle nous a expliqué que le loup n'était jamais pris en flagrant délit. Mais alors, où est le risque d'autoriser le berger à défendre son troupeau s'il est attaqué ? Je crois que Mme Voynet n'a pas nécessairement tort et, si elle n'a pas tort, il n'y aura pas d'excès.
Cela étant, cette affaire de réintroduction du loup ou d'autres fauves revêt des aspects psychologiques qu'on ne peut pas ignorer.
Permettre au berger d'user de ce droit de légitime défense pour lui-même et son troupeau correspond certainement à une attente. Nous verrons bien, au fil du temps, si cette possibilité est utilisée ou non. Si elle ne l'est pas ou si elle l'est sans excès, pourquoi ne perdurerait-elle pas ?
Voilà pourquoi je voterai cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. La sénatrice Verte et le sénateur Vert sont en complète opposition avec leurs camarades socialistes et leurs camarades communistes.
Tout d'abord, monsieur Collombat, il ne s'agit pas ici de la légitime défense du berger. Votre amendement est tout de même un peu plus mesuré puisqu'il ne fait mention que des animaux « qui porteraient dommages à ses propriétés ». Ce n'est pas la même chose ! S'il y avait effectivement eu des agressions de bergers, on pourrait évidemment voir les choses autrement. Là, vous êtes allé très loin.
Je voudrais surtout savoir dans quelle France vous souhaitez vivre. Est-ce une France où on ne réintroduit pas d'espèces sauvages, où l'on refuse la biodiversité, où l'on construit partout, où tout sera parfaitement réglé, la nature sauvage étant renvoyée ailleurs ?
M. Pierre-Yves Collombat. Je suis pour la biodiversité humaine !
M. Jean Desessard. Bien sûr, la biodiversité pose des problèmes ; le Gouvernement, les rapporteurs et nous-mêmes en convenons. Mais, des problèmes, vous en aurez de toute façon dans les villes et dans les banlieues !
Et puis d'autres pays européens pourraient adopter l'attitude que vous préconisez. Chez eux aussi, des troupeaux sont attaqués et à eux aussi cela pose des problèmes ! Ainsi, en Europe, à terme, du fait de l'accroissement démographique, il n'y aura plus d'espèces sauvages et il n'y aura plus de biodiversité !
Ensuite, ce sera le tour de l'Afrique et de l'Asie. Je rappelle au passage qu'en Inde les tigres attaquent les animaux domestiques et même les personnes, mais que les tigres y sont néanmoins protégés !
Si vous considérez que la biodiversité et ses ennuis sont réservés aux pays pauvres et que la France doit être épargnée, dites-le ! A moins que vous n'estimiez que c'est de toute la planète que doivent être éliminées les espèces sauvages et la biodiversité !
Dites-nous clairement ce que vous pensez à ce sujet, chers collègues des groupes socialiste et communiste !
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. On est là au coeur d'une discussion...
M. Jean-Louis Carrère. Passionnante !
M. Pierre-Yves Collombat. Passionnée !
M. Jacques Blanc. ...difficile, car nous sommes tous animés par la volonté de sauver le pastoralisme, de donner aux bergers des signes forts, de leur montrer que l'on a compris leur situation, mais nous ne devons pas pour autant prendre des orientations qui seraient incompatibles avec le respect de la biodiversité.
C'est au fond la clé du développement durable que de savoir concilier des objectifs qui apparaissent parfois contradictoires.
Monsieur le ministre, vous nous avez dit tout à l'heure que vous aviez mis en place un groupe de travail pour préparer un « plan loup ». Pouvez-vous nous assurer que, dans ce plan loup, le problème de la sécurité des bergers et de leurs troupeaux sera prioritaire et que vous nous apporterez des propositions susceptibles de concilier cette double exigence de sécurité et de respect de la biodiversité ? C'est en fonction des réponses données que, pour ce qui me concerne, je me déterminerai.
Je dois dire que, lorsque nous nous sommes rendus dans les Pyrénées dans le cadre de la mission montagne, nous avons été frappé par l'angoisse d'un certain nombre de bergers. Nous sommes donc très attentifs à cette situation.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Serge Lepeltier, ministre. Il apparaît clairement que nous sommes là au coeur d'un débat important sur un sujet que nous ne saurions négliger puisqu'il s'agit de la relation de l'homme à la nature.
Mais, au coeur de ce débat, je tiens à rappeler que nous sommes en train de faire oeuvre législative et que loi n'a pas pour objet d'envoyer des signes. La loi doit être opérante et, dès lors que nous reconnaissons qu'un amendement n'est pas opérant, le voter n'a aucun sens.
Or je peux affirmer que l'amendement n° 325 n'est pas opérant, car, s'il était voté, le prélèvement de loups, c'est-à-dire le tir de loups, ne serait possible que sous réserve d'être effectué dans le respect des principes et des modalités définis par la convention de Berne et par la directive 92/43/CEE dite directive « habitats ».
La convention de Berne prime évidemment sur la loi. Dès lors, les possibilités de destruction ouvertes par l'amendement n° 325 demeureraient dans tous les cas soumises à ces contraintes de droit.
La convention de Berne et la directive « habitats » prévoient, certes, des dérogations à la protection dont bénéficie le loup, mais ces dérogations ne peuvent être accordées que si le maintien dans un état de conservation favorable est garanti et que s'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante.
M. Jean-Louis Carrère. Il n'y en a pas !
M. Serge Lepeltier, ministre. A l'évidence, cet amendement ne satisfait pas à ces conditions.
J'ajoute, répondant par là même à M. Jacques Blanc, que je me suis très clairement engagé, dans le cadre du groupe national de travail sur le loup, à gérer l'expansion de la population de loups, ce qu'aucun ministre avant moi n'avait fait : je suis le premier ministre de l'écologie à avoir engagé une politique permettant d'encadrer, de gérer l'expansion de la population de loups à laquelle nous assistons. J'ai pris mes responsabilités en autorisant le prélèvement de quatre loups et en indiquant qu'il fallait réduire la pression qu'exercent ces animaux sur les élevages concernés lorsqu'elle devient trop forte.
Cette position répond, dans des situations très précises, aux préoccupations qui sont les vôtres, ce que ne fait pas l'amendement.
La sécurité des bergers et des troupeaux est au coeur de la politique que nous définissons actuellement au sein du « groupe loup », politique que nous avons d'ailleurs commencé à mettre en place - en témoignent les mesures relatives au gardiennage des troupeaux, à l'achat de chiens patous et à la mise en place de clôtures de protection - et que nous entendons naturellement renforcer.
Vos préoccupations, monsieur Blanc, sont donc bien prises en compte dans le cadre des travaux du « groupe loup ».
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.
M. Thierry Repentin. Monsieur le ministre, vous êtes le premier à avoir pris une décision en vue de la régulation de la population de loups, je vous en donne acte, mais, si vous êtes le premier, c'est aussi parce que le phénomène est relativement récent. La population de loups a beaucoup crû au cours des trois dernières années et elle s'est déplacée, notamment en traversant notre frontière avec l'Italie.
Il ne s'agit pas là d'un débat d'ordre politique et il ne me viendrait pas à l'idée de dire que vous êtes responsable du développement de la présence du loup sur le territoire national ! C'est une donnée nouvelle, qui s'impose à vous, monsieur le ministre, comme elle s'impose à nous, élus des territoires qui doivent accueillir ce prédateur.
C'est le premier point.
Deuxième point : si, comme beaucoup d'entre nous, je n'ai jamais vu de loup, nous sommes en revanche nombreux à avoir dû gérer les effets collatéraux de sa présence. Vous vous souvenez sans doute, monsieur le ministre, que des loups ont été pendus devant le casino d'Allevard. Des loups morts - parfois décapités, la tête servant de trophée - ont également été trouvés par des lieutenants de louveterie ou par des agents de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage.
Cela signifie bien que des loups sont capturés et, pour moi qui suis un élu respectueux de la loi, c'est une deuxième raison de souhaiter qu'un cadre soit défini et appliqué afin que nous n'ayons plus à gérer ce type de dérives. Ces dérives sont condamnables, mais elles sont en somme le fait de gens qui, dans l'attente de mesures décidées par les pouvoirs publics, organisent eux-mêmes la régulation. C'est inacceptable, et pourtant c'est bien ce qui se passe dans nos territoires ! Je pense donc qu'il faut répondre aux attentes.
Troisième point : je suis pour la biodiversité, mais je crois qu'elle doit être organisée (M. Jean Desessard s'esclaffe), car elle ne s'établit pas automatiquement d'elle-même. Malheureusement, c'est un peu comme le libéralisme : il n'y a pas de main invisible qui régule à la fois les prédateurs et les troupeaux !
Monsieur le ministre, je m'engage à présenter, dans le cadre d'une future discussion, un amendement de suppression des dispositions que nous proposons si les mesures qui découleront des conclusions de votre groupe de travail se révèlent efficaces, y compris dans des territoires de montagne très escarpés qui couvrent plusieurs milliers d'hectares.
Cela étant, mes chers collègues, la commission mixte paritaire se réunit la semaine prochaine et je préférerais que l'article additionnel soit voté, car au moins nous pourrions continuer à en discuter !
Mme Annie David. Exact !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Serge Lepeltier, ministre. Monsieur Repentin, vous venez d'utiliser un mot qui va me servir d'argument et me permettre de vous convaincre si vous êtes logique avec vous-même, ce dont je ne doute pas.
En évoquant certaines « dérives », vous avez fait apparaître que vous défendiez un texte constituant avant tout un signe adressé à des personnes de manière qu'elles puissent, sinon en toute bonne conscience, du moins dans le respect apparent de la loi, adopter un comportement dont on sait qu'il est et restera, pour les raisons que j'ai dites, contraire au droit.
M. Jean Desessard. Voilà !
M. Serge Lepeltier, ministre. « Dérives » est bien le mot qui convient, car, en tendant à justifier ce comportement, votre amendement risque en effet de donner lieu sur le terrain à des dérives extraordinairement graves : les bergers vont tout simplement se poster armés de fusils autour des troupeaux !
Les dérives mises à part, votre amendement n'est pas opérant : le dispositif de destruction des loups par les bergers que vous proposez n'est pas acceptable parce que très général. Le nombre d'animaux susceptibles d'être abattus en application de votre amendement est illimité et la première condition posée par la convention de Berne, à savoir le maintien dans un état de conservation favorable, n'est donc pas remplie.
La deuxième condition ne l'est pas non plus puisque adopter cet amendement reviendrait à considérer d'emblée qu'il n'y a pas d'autre solution satisfaisante que le prélèvement,...
M. Jean-Louis Carrère. Pour l'instant, il n'y en a pas !
M. Serge Lepeltier, ministre. ...alors même que les moyens de protection des troupeaux n'auraient pas été mis en oeuvre.
Le problème est là et c'est bien dans ce contexte que j'ai pris la décision d'autoriser des prélèvements pour gérer l'expansion des loups : cette décision est fonction des moyens que nous mettons en oeuvre puisque nous donnons aux bergers les moyens financiers de se doter de protections.
Sur l'amendement, ce n'est donc même plus un avis défavorable que j'émets, mais une demande de retrait, car les arguments que vous m'avez vous-même fournis, monsieur Repentin, montrent que le vote de votre amendement aboutirait sur le terrain à des dérives que, vraisemblablement, nous ne pourrions pas gérer.
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Puisque nous avons été interpellés sur la question de la biodiversité, je tiens à dire que, si, aux yeux de certains, sans doute assez nombreux, les loups, les ours, les lynx que l'on introduit dans la nature sont des loulous, des nounours et des gros minous, il s'agit en réalité de fauves, de prédateurs de bout de chaîne.
D'après leurs défenseurs, ces fauves vont permettre à la faune de s'autoréguler et il n'y aura sans doute même plus besoin de la chasse demain !
M. Jean Desessard. Ce n'est pas ce que nous avons dit !
M. Gérard Le Cam. C'est avec de telles politiques qu'on a laissé proliférer les cormorans ou les phoques, qui consomment une quantité gigantesque de poissons à l'échelle de la planète, au risque de mettre en péril l'alimentation humaine.
M. Jean Desessard. Il y a trop d'humains, c'est évident ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Gérard Le Cam. Aujourd'hui, nous vivons dans un monde où l'homme occupe sa place. Il faut certes conserver les espèces, mais sans aller jusqu'à inverser les priorités, comme certains ont tendance à le faire aujourd'hui.
Fixons le nombre de loups que nous pouvons supporter dans le massif alpin, le nombre d'ours que nous pouvons supporter dans le massif pyrénéen, et les choses iront beaucoup mieux ! Sinon, dans dix ans, nous aurons 200 ou 300 loups, voire davantage, dans les Alpes françaises. Avec la politique qui est aujourd'hui menée et qui consiste à prélever deux loups une année, trois la suivante, et à préserver particulièrement les femelles, on va à la catastrophe.
Je crois que la question de la biodiversité se pose aussi autrement et je n'accepte pas l'attaque dont nous faisons l'objet de la part de certains de nos collègues : au parti communiste, nous n'avons pas de leçon de ce type à recevoir !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 325.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 75 (priorité)
I. - Il est créé un établissement public national à caractère industriel et commercial placé sous la haute protection du Président de la République et sous la tutelle de l'État dénommé « Domaine national de Chambord ».
Cet établissement a pour mission de préserver, gérer, mettre en valeur et assurer le rayonnement national et international les biens constitutifs du domaine national de Chambord. A ce titre, il est notamment chargé de :
1° Conserver, restaurer, présenter au public et animer le château et ses dépendances bâties et non bâties ;
2° Gérer, dans le respect des principes mentionnés à l'article L. 1er du code forestier, la forêt et les milieux associés, en apportant une attention particulière à la conservation des habitats naturels ;
3° Gérer les activités cynégétiques et la faune sauvage du domaine national de Chambord ;
4° Gérer l'ensemble des biens appartenant à l'État, définis par arrêté des ministres chargés de la culture, du budget, de la chasse et de la forêt, situés sur le territoire de Chambord et des communes limitrophes ;
5° Veiller, sur le domaine national de Chambord, au respect de la réglementation relative à la chasse, à la pêche et aux sites prévue par le code de l'environnement. A cet effet, ses agents peuvent être commissionnés et assermentés en application des dispositions des articles L. 428-20 et L. 437-1 du code de l'environnement. Il peut également bénéficier du concours de fonctionnaires relevant des articles 22 et 28 du code de procédure pénale, commissionnés et assermentés pour constater les infractions en matière forestière, de chasse ou de pêche, détachés ou mis à sa disposition.
II. - L'établissement public est administré par un conseil d'administration et dirigé par un directeur général, commissaire du domaine national de Chambord.
Le conseil d'administration est composé de représentants de l'État et des collectivités territoriales intéressées, de représentants des établissements publics nationaux compétents dans les domaines d'activité de l'établissement, de personnalités qualifiées et de représentants élus du personnel.
Le président du conseil d'administration et le directeur général sont nommés par décret.
Les ressources de l'établissement sont constituées par des subventions de l'État, des collectivités territoriales et de tout organisme public ou privé, des droits d'entrée, des redevances pour services rendus, le produit des ventes, des locations et des conventions ainsi que par des emprunts, dons et legs et recettes diverses.
III. - Les biens constitutifs du domaine national de Chambord sont remis en dotation à l'établissement public. Les affectations et les attributions à titre de dotation sont effectuées à titre gratuit.
Les voies du domaine national de Chambord ouvertes à la circulation publique à la date d'entrée en vigueur du décret prévu au IX du présent article sont également remises en dotation à l'établissement public à titre gratuit. Le directeur général de l'établissement public exerce les pouvoirs de police afférents à leur gestion, notamment en ce qui concerne la circulation sur ces voies, sous réserve des pouvoirs dévolus au maire de la commune de Chambord sur les voies de communication situées à l'intérieur de l'agglomération en application de l'article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales.
L'établissement public gère la forêt conformément au document d'aménagement prévu à l'article L. 133-1 du code forestier. Par dérogation à cet article, ce document est arrêté par le ministre chargé de la forêt après accord du conseil d'administration de l'établissement.
L'Office national des forêts assure l'élaboration et le suivi du document d'aménagement, la vente et l'exploitation des coupes ou produits de coupes de la forêt ainsi que la police forestière, conformément aux articles L. 134-1 à L. 136-4 et L. 152-1 à L. 152-8 du code forestier. L'Office national des forêts assure également, en tant que de besoin, à la demande du Domaine national de Chambord, les études, opérations et travaux strictement nécessaires à la gestion de la forêt. Les conditions de réalisation de ces actions sont précisées dans une convention passée entre l'État, le Domaine national de Chambord et l'Office national des forêts.
IV. - 1. A compter de la date d'entrée en vigueur du décret prévu au IX et pour une durée de six mois, les fonctionnaires et les agents non titulaires de droit public de l'État et de ses établissements publics qui, à cette date, exercent leurs fonctions dans les services ou parties de services transférés au Domaine national de Chambord pour l'exercice des missions prévues au I, sont mis à la disposition de l'établissement public à titre individuel.
2. Les fonctionnaires de l'État et de ses établissements publics mis à la disposition du Domaine national de Chambord en application du 1 peuvent demander à continuer d'exercer leurs fonctions dans cet établissement à l'issue de la période de mise à disposition.
Ils disposent d'un délai de quatre mois à compter de la date d'entrée en vigueur du décret prévu au IX pour présenter cette demande.
Les fonctionnaires qui optent dans ces conditions pour leur maintien auprès du Domaine national de Chambord ou qui, à l'expiration du délai précité, n'ont pas fait part de leur choix à l'administration, sont placés auprès de l'établissement public, au besoin d'office, dans une position conforme aux dispositions législatives et réglementaires dont ils relèvent.
3. Les agents non titulaires de droit public de l'Etat et de ses établissements publics mis à disposition du Domaine national de Chambord en application du 1 sont recrutés de plein droit par l'établissement public à l'issue de leur mise à disposition. Ils se prononcent auparavant sur les conditions de leur recrutement en optant pour la conclusion soit d'un contrat de droit privé leur garantissant le bénéfice de leur rémunération antérieure, soit d'un contrat de droit public qui leur conserve le bénéfice des stipulations de leur contrat initial ainsi que des avantages individuels acquis en vertu des dispositions collectives applicables aux agents non titulaires de leur établissement ou administration d'origine.
Ce droit d'option s'exerce dans un délai de quatre mois à compter de la date d'entrée en vigueur du décret prévu au IX.
V. - Non modifié........................................................................
VI. - Supprimé...........................................................................
VII et VIII. - Non modifiés........................................................
IX. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article, notamment les modalités d'organisation et de fonctionnement de l'établissement, de conservation du château et de gestion de la forêt.
Les dispositions du présent article prennent effet à la date d'entrée en vigueur du décret prévu à l'alinéa précédent et au plus tard le 1er juillet 2005.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 275, présenté par MM. Renar et Le Cam, Billout et Coquelle, Mme Beaufils, M. Coquelle et Mme Didier et Demessine et les membres du Groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
L'amendement n° 277, présenté par MM. Renar et Le Cam, Mme Beaufils, M. Coquelle, Mme Didier et les membres du Groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
I. - Rédiger comme suit le 2. du IV de cet article :
2. Les agents contractuels de droit public qui exercent leurs fonctions dans les services transférés au domaine national de Chambord sont, sur leur demande, mis à disposition de l'Etablissement public.
II. - En conséquence, supprimer le 3. du IV de cet article.
La parole est à Mme Annie David, pour présenter ces deux amendements.
Mme Annie David. Je me contenterai de rappeler que le maintien de l'article 75 signifie, à nos yeux, la fin du Centre des monuments nationaux et de ses missions, auxquelles nous sommes attachés.
Nous ne nous faisons cependant pas d'illusions sur le sort de notre amendement de suppression et nous avons déposé un amendement de repli, qui vise à permettre aux agents contractuels de droit public qui exercent leurs fonctions dans les services transférés au domaine national de Chambord d'être, sur leur demande, mis à disposition de l'établissement public.
M. le président. L'amendement n° 397, présenté par M. Desessard, Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery, est ainsi libellé :
Dans le 3° du I de cet article, remplacer les mots :
et la faune sauvage
par les mots :
, la faune et la flore sauvage
L'amendement n° 398, présenté par M. Desessard, Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du 5° du I de cet article, avant les mots :
à la chasse
insérer les mots :
à la protection de la nature,
L'amendement n° 399, présenté par M. Desessard, Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery, est ainsi libellé :
Compléter le III de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
L'Office national de la chasse et de la faune sauvage assure l'élaboration et le suivi du schéma cynégétique, l'organisation des chasses ainsi que la police de la chasse. L'Office national de la chasse et de la faune sauvage assure également, en tant que de besoin, à la demande du Domaine national de Chambord, les études, opérations et travaux strictement nécessaires à la gestion de la faune, de la flore et des activités cynégétiques. Les conditions de réalisation de ces actions sont précisées dans une convention passée entre l'Etat, le Domaine national de Chambord et l'Office national de la chasse et de la faune sauvage.
La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter ces trois amendements.
M. Jean Desessard. L'objet de l'amendement n°397 est très simple : la flore sauvage doit, tout autant que la faune sauvage, être préservée.
J'en viens à l'amendement n° 398. S'il est logique de confier le respect de la législation de la chasse et de la pêche à l'établissement public, il n'y a aucune raison d'exclure de sa compétence la législation relative à la protection de la nature.
S'agissant de l'amendement n° 399, il tend à maintenir - dans un souci de symétrie avec l'intervention de l'ONF, qui est reconnue et maintenue - l'intervention de l'ONCFS, qui remplit actuellement ses missions à la satisfaction de tous et avec une haute compétence.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Nos collègues du groupe CRC avaient déjà déposé en première lecture un amendement tendant à la suppression de l'article 75, qui a pour objet de créer un établissement public. La commission reste défavorable à cette suppression.
L'amendement n° 397 pourrait être retiré. En effet la précision qu'il apporte est inutile dès lors qu'à l'alinéa précédent il est précisé qu'à Chambord : « la forêt et les milieux associés » doivent être gérés « en apportant une attention particulière à la conservation des habitats naturels », ce qui inclut, bien sûr, la prise en compte de la faune et de la flore sauvages.
L'amendement n° 398 est de ceux qui, comme je l'ai dit en commission, relèvent du « droit bavard » et ne servent pas à grand-chose : ils ne font pas de mal, mais ils n'apportent rien ! La commission a donc émis un avis de « sagesse inutile », si j'ose dire.
S'agissant de l'amendement n° 399, je rappelle que cet article a pour objet de créer une unité de gestion du domaine de Chambord à travers la constitution d'un établissement public autonome. Il serait donc contradictoire de réintroduire ensuite, au niveau législatif, différents intervenants semblant remettre en cause cette unité de gestion. En revanche, la mention de l'ONF au niveau législatif s'impose du fait de l'existence de la forêt domaniale de Chambord.
En outre, il serait exagéré de confier exclusivement à l'ONCFS la police de la chasse, cette dernière pouvant être également assurée par la gendarmerie ou par les agents de l'ONF, comme cela se fait sur l'ensemble du territoire national.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
Enfin, madame David, vous avez souligné que l'amendement n° 277 était un amendement de repli. La commission, défavorable à l'amendement n° 275, l'est également à l'amendement n° 277.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Serge Lepeltier, ministre. Le Gouvernement propose la création d'un établissement public à caractère industriel et commercial afin de rationaliser la gestion éclatée d'un domaine unique.
Actuellement, le domaine national de Chambord est géré par trois ministères - le ministère de l'agriculture, le ministère de l'écologie et le ministère de la culture - et se trouve placé sous l'autorité d'un commissaire à l'aménagement.
Comme cela a été largement expliqué en première lecture, la création de cet établissement devrait améliorer le fonctionnement du domaine national de Chambord. C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable sur l'amendement n° 275.
La précision apportée par l'amendement n° 397, n'apparaît pas nécessaire dans la mesure où les forêts, les milieux associés et habitats naturels visés au 2° de l'article couvrent déjà la flore. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 398 parce qu'il ne semble pas nécessaire de prévoir, au niveau législatif, l'exercice de cette mission de protection de la nature sur le domaine de Chambord : il suffit que les agents demandent à être assermentés au titre de l'article L. 415-1 du code de l'environnement pour qu'ils puissent exercer cette mission.
Enfin, j'émets un avis défavorable sur l'amendement n° 277.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l'amendement n° 275.
M. Jean Desessard. Dans la mesure où nous sommes favorables à la création d'un établissement public chargé de gérer le domaine de Chambord, nous voterons contre cet amendement.
J'ajoute que nous retirons nos trois amendements.
M. le président. Les amendements n°S 397, 398 et 399 sont retirés.
Je mets aux voix l'amendement n° 275.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
7
DÉPÔT DE PROJETS DE LOI
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 156, distribué et renvoyé à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2004-1199 du 12 novembre 2004 prise pour la transposition de la directive 2002/49/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 juin 2002 relative à l'évaluation et à la gestion du bruit dans l'environnement.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 157, distribué et renvoyé à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
8
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président. J'ai reçu de Mme Michelle Demessine, MM. Gérard Le Cam, Yves Coquelle, Mme Evelyne Didier, MM. Michel Billout, François Autain, Mmes Eliane Assassi, Marie-France Beaufils, M. Pierre Biarnès, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Robert Bret, Mme Annie David, MM. Guy Fischer, Thierry Foucaud, Robert Hue, Mmes Hélène Luc, Josiane Mathon, MM. Roland Muzeau, Jack Ralite, Ivan Renar, Bernard Vera et Jean-François Voguet, une proposition de loi tendant à permettre le versement des aides personnelles au logement.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 155, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
9
TRANSMISSION D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président. J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à prévenir le surendettement.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 153, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
10
DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président. J'ai reçu de M. André Dulait un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant statut général des militaires (n° 126, 2004-2005).
Le rapport sera imprimé sous le n° 154 et distribué.
11
ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, jeudi 27 janvier 2005 :
A dix heures trente :
1. Suite de la discussion en deuxième lecture, du projet de loi (n° 27, 2004-2005), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif au développement des territoires ruraux.
Rapport (n° 138, 2004-2005) fait par MM. Jean-Paul Emorine et Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques et du Plan.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
À quinze heures et, éventuellement, le soir :
2. Questions d'actualité au Gouvernement.
3. Discussion des conclusions du rapport (n° 152, 2004-2005) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
M. Paul Blanc, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.
4. Éventuellement, suite de l'ordre du jour du matin.
Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements
Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur le spectacle vivant ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : Lundi 31 janvier 2005, à dix-sept heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant statut général des militaires (n° 126, 2004-2005) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : Lundi 31 janvier 2005, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : Lundi 31 janvier 2005, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 27 janvier 2005, à une heure vingt.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD