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DÉCision du conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date du 9 décembre 2004, le texte de la décision rendue par le Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi portant diverses dispositions relatives au sport professionnel.
Acte est donné de cette communication.
Cette décision du Conseil constitutionnel sera publiée au Journal officiel, édition des lois et décrets.
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Loi de finances pour 2005
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale.
Travail, santé et cohésion sociale (suite)
III. ville et rénovation urbaine
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le travail, la santé et la cohésion sociale : III. - Ville et rénovation urbaine.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget qu'il nous est proposé d'adopter pour l'année 2005 est le premier qui suivra le vote de la loi de programmation pour la cohésion sociale et le second depuis la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine du 1er août 2003.
C'est dire, mes chers collègues, s'il est logique de constater l'augmentation sensible des crédits du budget de la ville, puisque ceux-ci passeront de 344 millions d'euros en 2004 à 423 millions d'euros en 2005, soit une progression de 23 %, alors que la règle budgétaire édictée pour l'année 2005 est bien le « zéro volume », je dirais même le « nécessaire zéro volume » ; cela suffit à démontrer la volonté qu'a le Gouvernement de tenir ses engagements.
Si certains d'entre vous doutaient encore du bien-fondé de cette proposition d'augmentation, qui n'est que la conséquence du vote par le Parlement des deux lois de programmation, je les renverrai à la lecture du rapport que vient de faire paraître l'observatoire des zones urbaines sensibles, tout récemment créé.
Ce rapport montre, de manière très claire, combien l'écart entre la situation des populations vivant en ZUS et celle des populations n'y vivant pas s'est accentué entre 1990 et le début des années 2000. Il démontre, chiffres à l'appui, que les dispositifs mis en oeuvre depuis plus de dix ans n'ont fait que freiner la lente mais certaine dérive de ces quartiers difficiles.
Les 13 milliards d'euros sur cinq ans prévus par la loi Borloo, dont nous commençons à voir la traduction budgétaire dans ce projet de loi de finances, doivent permettre de stopper la dérive de ces parts importantes du territoire national où vivent plusieurs millions de nos concitoyens.
L'ambition de ce plan est bien d'inverser le cours des choses et de faire revenir ces territoires, autant que faire se peut, dans la moyenne nationale.
Voilà, mes chers collègues, ce qu'un sénateur de Seine-Saint-Denis, département ô combien emblématique de ces problèmes, souhaitait rappeler en préambule à nos débats.
Revenons maintenant aux chiffres et voyons tout d'abord comment s'expliquent ces 23 % d'augmentation, qui correspondent à 78 millions d'euros supplémentaires pour 2005, sachant que ce chiffre doit être relativisé puisque le budget que j'ai l'honneur de rapporter devant vous ne représente qu'une petite part des crédits publics relatifs à la politique de la ville, qui s'élèvent maintenant à plus de 6,3 milliards d'euros.
Les principales variations pour ce budget 2005 concernent tout d'abord les crédits destinés à l'éducation, qui passeraient de 20 millions à 60 millions d'euros, soit un solde net de 40 millions d'euros.
Cela résulte principalement de la création des différents « dispositifs de réussite éducative » prévus dans le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale. Pour ce faire, la ligne « programme de réussite éducative », telle qu'elle est intitulée dans le projet de loi de finances pour 2005, se voit dotée de 62 millions d'euros.
Cette somme permettra de financer la création des premières « équipes de réussite éducative », prévue par l'article 55 du projet de loi, et de renforcer l'encadrement des jeunes accueillis dans des internats ou des structures d'accueil équivalentes, tel que le prévoit l'article 56 de ce même texte.
Je me dois cependant de noter que cette inscription de 62 millions d'euros ne permettra qu'une montée en charge très progressive de ces nouveaux dispositifs puisque, selon ce que notre collègue Paul Girod nous avait indiqué dans son rapport, il faudrait 750 millions d'euros pour financer les 750 équipes prévues par le projet de loi, soit un million d'euros par équipe. Mais, là aussi, il convient de relativiser ce chiffre puisqu'il s'agira d'un cofinancement entre l'Etat et ses partenaires. Ces 62 millions d'euros sont donc un premier pas significatif.
Les autres crédits en augmentation sensible sont ceux destinés à financer l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU, puisqu'ils passeraient de 57 millions d'euros en 2004 à 128 millions d'euros en 2005, soit plus qu'un doublement.
Cependant, malgré cet accroissement important, la totalité des crédits n'augmenterait que de 17 millions d'euros, compte tenu du phénomène de vases communicants entre le budget du logement et celui de la ville, qui contribuent tous les deux aux dotations de l'Etat à l'ANRU.
Les crédits de l'ANRU passeraient, en fait, de 210 millions d'euros en 2004 à 227 millions d'euros en 2005, montant inférieur, je me dois de le souligner, à celui de 465 millions d'euros prévu par la loi de programmation de 2003, que le Gouvernement a manifestement décidé d'interpréter en autorisations de programme plutôt qu'en crédits de paiement.
M. Gérard Delfau. Hélas !
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Par ailleurs, même en autorisations de programme, la dotation de l'ANRU pour 2005 serait inférieure à ce chiffre de 465 millions, puisqu'elle serait de 415 millions d'euros.
Il convient cependant de tempérer ce propos puisque l'article 58 du projet de loi de finances rectificative prévoit de majorer de 100 millions d'euros la dotation de l'ANRU pour 2005.
M. Roger Karoutchi. Et voilà !
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Ces précisions étant apportées, il faut tout de même rappeler que les objectifs fixés par la loi de programmation sont volontaristes et ambitieux, notamment pour les opérations de démolition-reconstruction, qui sont par nature difficiles à mettre en oeuvre.
Rien ne servirait d'inscrire des crédits s'ils n'étaient pas consommés, mais il faudra donc, dans les années à venir, une accélération sensible du rythme de ces opérations ainsi qu'une augmentation des crédits de paiements pour tenir les objectifs annoncés.
Voilà, mes chers collègues, pour ce qui est des augmentations, bien réelles, prévues dans ce budget. Toutefois, elles seront compensées en partie, mais en partie seulement, par la diminution ou la suppression d'autres crédits.
A cet égard, la mesure la plus importante concerne les crédits destinés aux communes en grand projet de ville, ou GPV, qui connaissent des difficultés financières particulièrement aiguës et qui bénéficiaient, depuis 1999, d'une dotation exceptionnelle qui s'élevait encore à 20 millions d'euros l'année dernière, mais dont le montant avait déjà sensiblement diminué depuis 2003.
Cette dotation serait supprimée à partir de 2005. Cette mesure est présentée par le ministère, à juste titre, me semble-t-il, comme la contrepartie de la réforme de la DSU qui va permettre une hausse très importante de cette dernière pour les villes concernées.
Voilà, monsieur le ministre, mes chers collègues pour ce qui est des crédits en diminution.
Cela étant dit, l'arbre ne doit pas cacher la forêt : le budget que nous examinons est en hausse très sensible pour l'année 2005 de même que l'ensemble des crédits consacrés à la politique de la ville, qui progresseront de près de 400 millions d'euros cette année pour atteindre 6,4 milliards d'euros.
J'en viens maintenant à la deuxième partie de mon intervention, relative à la mise en oeuvre de la LOLF.
Il y a un an, le précédent rapporteur spécial, notre collègue Eric Doligé, vous expliquait à quel point cette mise en oeuvre était difficile. On peut dire, cette année, que des progrès considérables ont été accomplis, puisqu'elle se fait maintenant dans des conditions satisfaisantes.
Tout d'abord, comme cela n'aura pas échappé, mes chers collègues, à ceux d'entre vous qui ont consulté le « bleu », les crédits destinés aux moyens des services quadruplent presque.
Ce quadruplement résulte d'un simple redéploiement interne qui a pour objet d'expérimenter trois budgets opérationnels de programme, ou BOP. Ces BOP concerneraient trois régions : Bretagne, Nord-Pas-de-Calais et Rhône-Alpes. Concrètement, cela signifie que certains crédits de la future mission « ville et logement » seront gérés directement par les préfets de région concernés dès 2005.
Autre sujet de satisfaction, le Gouvernement a suivi les préconisations de la commission des finances pour ce qui est de la structuration de la mission « ville et logement ». En effet, le projet de constituer une vaste mission interministérielle uniquement consacrée à la politique de la ville et qui aurait regroupé la quasi-totalité des crédits du « jaune », soit environ 6 milliards d'euros, a été abandonné, non pas à cause du montant de ces crédits, mais du fait de l'impossibilité de les identifier précisément.
Après l'abandon de ce projet de mission interministérielle, le Gouvernement avait ensuite envisagé, dans ses propositions de janvier 2004, la constitution d'une mission ministérielle « ville » stricto sensu, dotée seulement de 650 millions d'euros. Ce faible montant avait amené le président de la commission des finances et son rapporteur général, dans leur rapport d'information relatif à la mise en oeuvre de la LOLF, à juger ce projet de mission inapproprié.
Aussi, conformément aux préconisations de notre commission, le Gouvernement propose désormais de mettre en place une mission ministérielle « ville et logement », dotée d'environ 7 milliards d'euros, qui joindrait aux principaux crédits de la politique de la ville les principaux crédits de celle du logement.
Cette mission réunirait quatre programmes.
Les deux principaux, intitulés « aide à l'accès au logement » et « développement et amélioration de l'offre de logement », porteraient sur plus de 6 milliards d'euros.
Les deux autres programmes, intitulés « équité sociale et territoriale et soutien » et « rénovation urbaine » porteraient sur environ 1 milliard d'euros.
Ces programmes sont globalement satisfaisants, tant par leur structuration que par les objectifs et les indicateurs retenus.
On peut simplement regretter que certaines préconisations de notre collègue Eric Doligé ne soient pas mises en oeuvre. En effet, il suggérait que soient pris en compte, dans le cadre de la mise en oeuvre de la LOLF, les « indicateurs globaux » et l'objectif de « réduction progressive des écarts constatés avec les autres villes ou quartiers, et de retour au droit commun », inscrits, sur son initiative, dans la loi d'orientation et de programmation pour la ville du 1er août 2003.
Or ces indicateurs globaux ne figurent pas dans l'avant-projet annuel de performances, et, contrairement à ce que suggérait notre collègue, l'objectif précité ne fait l'objet d'aucune « finalité d'intérêt général ».
Il me semble, monsieur le ministre, que la mise en oeuvre de ces préconisations apporterait une plus grande clarté aux objectifs visés par la politique de la ville.
Mais, sur ce point aussi, si quelques remarques doivent être faites, nous notons avec satisfaction que les principales propositions de la commission des finances ont été suivies.
J'en viens maintenant au troisième et dernier point de mon intervention, qui concerne le zonage de la politique de la ville et le financement de la péréquation.
Vous le savez, mes chers collègues, la politique de la ville stricto sensu repose sur deux zonages concurrents.
Le premier est celui des zones urbaines sensibles, les ZUS, des zones de revitalisation urbaine, les ZRU, et des zones franches urbaines, les ZFU. Le second est celui, plus large, des quartiers prioritaires des contrats de ville.
A ce double zonage de la politique de la ville vient s'ajouter celui de la DSU et l'on pourrait également évoquer, dans un autre registre, mais en termes de moyens financiers il n'est pas neutre, celui qui est propre à l'éducation nationale, avec les zones d'éducation prioritaire, les ZEP, ou les zones de remplacement, les ZRE, qui se superposent encore, sans toujours coïncider, aux précédents.
Dans son rapport de 2002 relatif à la politique de la ville, la Cour des comptes estime que cette coexistence de deux zonages « n'améliore pas la lisibilité du dispositif pour les citoyens ».
Outre les problèmes de délimitation de territoire, le zonage ZFU est déjà ancien puisqu'il repose sur le recensement de 1990 et sur les conditions économiques et sociales de 1996, qui ne sont plus celles d'aujourd'hui. Il me semble donc que tous ces zonages, difficiles à comprendre, devraient faire l'objet, dans les années qui viennent, d'une réforme d'ensemble.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Un autre sujet sur lequel, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais revenir concerne les mécanismes de péréquation.
Le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale prévoit de porter la DSU, qui est d'environ 600 millions d'euros aujourd'hui, à 1,2 milliard d'euros en 2009. C'est une très bonne chose en soi.
Cela étant, cette réforme ne concerne pas les conditions d'éligibilité à la DSU. Il me semble, monsieur le ministre, que ces conditions sont peut-être aujourd'hui trop peu restrictives puisque, rappelons-le, les trois quarts des communes de plus de 10 000 habitants sont éligibles à la DSU. Cela signifie, par contrecoup, que c'est sur le quart restant que l'on fait porter l'effort, puisque le doublement de la DSU d'ici à 2009 sera financé, entre autres, par une progression de la DGF notoirement inférieure à l'inflation.
Peut-on sérieusement estimer, que dans notre pays, trois quarts des villes de plus de 10 000 habitants seraient en difficulté alors qu'un quart d'entre elles seraient suffisamment riches pour être mises à contribution ? Si tel était le cas, la notion de moyenne aurait purement et simplement disparu de nos manuels de mathématiques, ce qui serait pour le moins surprenant !
Il faut bien évidemment aider les villes en difficulté - et la loi que vous proposez permet de le faire - parce qu'elles supportent des charges importantes en matière sociale, mais les critères d'éligibilité à la DSU doivent être revus.
Et pour démontrer la justesse de mon propos, permettez-moi, une nouvelle fois, de faire état de ma qualité de sénateur de Seine-Saint-Denis, département où trente-trois communes sur quarante sont éligibles à la DSU et vont voir, en cinq ans, celle-ci progresser de 28 % pour certaines jusqu'à 455% pour celles les plus en difficulté, ce qui est normal.
Parmi ces trente-trois communes éligibles, monsieur le ministre, je relève une poignée de noms que je suis surpris de trouver dans la liste. En effet, connaissant bien ces villes, connaissant leur urbanisme, leur sociologie et, surtout, leurs ressources, notamment en matière de taxe professionnelle, je ne peux comprendre qu'elles figurent dans la liste des communes dont il était urgent d'augmenter la DSU !
Il faudrait se livrer à cet exercice, département par département, et je suis certain que nous trouverions bien d'autres exemples.
Je suis entré au Sénat voilà à peine plus de deux mois. On m'a dit à plusieurs reprises, et j'ai constaté que cela était vrai, qu'il régnait dans cette assemblée une grande liberté de parole. Alors, permettez-moi d'en faire usage, monsieur le ministre, pour vous demander de revoir ces mécanismes de péréquation qui ne sont pas véritablement équitables.
M. Gérard Delfau. Il a raison !
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. A mon sens, il conviendrait, à tout le moins, de classer les communes en trois catégories : d'abord, celles qui sont en difficulté parce qu'elles ont des quartiers difficiles et des ressources faibles ne leur permettant pas d'y faire face, et qu'il faut aider par une DSU fortement accrue ; ensuite, les communes qui sont dans la moyenne, pour lesquelles les dotations de l'Etat devraient progresser au rythme de l'inflation afin de ne pas les mettre en difficulté au fil du temps ; enfin, celles dont les ressources sont au-dessus de la moyenne, en tenant compte de leurs charges, et qui doivent nécessairement contribuer à aider financièrement les communes en difficulté.
Le système actuel crée des injustices flagrantes qu'il faudra, à mon sens, rapidement faire disparaître, d'autant qu'en cas de baisse de la croissance, ce que personne ne souhaite bien évidemment, les communes ne percevant que la part forfaitaire seraient encore plus pénalisées.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, comme cela a été réclamé par beaucoup d'élus lors de la discussion de l'article 29 du projet de loi de finances mais aussi lors de l'examen de la loi Borloo, il faut remettre à plat les mécanismes de péréquation.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les quelques observations que m'a inspirées ce budget.
Pour en revenir directement à ce qui nous préoccupe, je vous propose, au nom de la commission des finances, en raison de l'ambition affichée par le Gouvernement en matière de politique de la ville, ambition traduite dans les chiffres, d'adopter le budget de la ville et de la rénovation urbaine. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Pierre André, rapporteur pour avis.
M. Pierre André, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plans. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les zones urbaines sensibles comptent trois fois plus de ménages pauvres que le reste de l'espace urbain, trois fois plus de logements sociaux et un taux de chômage qui atteint 20 % de la population active, soit le double du taux national.
C'est à la lumière de ce constat, mes chers collègues, que je vous invite à examiner le projet de budget qui nous est soumis. Plus que jamais, en effet, la politique de la ville est sollicitée pour résorber la fracture territoriale et ramener dans les quartiers en difficulté une cohésion sociale qui fait aujourd'hui encore défaut.
Nous avons collectivement, depuis deux ans, pris la mesure de ce constat et mis en place les outils d'une refondation de la politique de la ville, sous l'impulsion de Jean-Louis Borloo, et nous sommes heureux aujourd'hui, monsieur Daubresse, que vous preniez la suite et que l'on vous ait confié, outre la politique de la ville, celle du logement. Nous n'oublions pas que vous avez été un brillant rapporteur de la politique de la ville à l'Assemblée nationale. Nous allons donc pouvoir travailler dans la continuité.
Le premier volet de cette refondation est un effort financier conséquent de la part de l'Etat, dans un contexte budgétaire difficile, comme cela a été rappelé par le rapporteur spécial de la commission des finances.
Au-delà de ces chiffres, nous pouvons saluer l'effort de rationalisation accompli, puisque les crédits d'investissement sont privilégiés par rapport aux crédits de fonctionnement. Cette évolution nous permet d'engager des moyens importants.
Il convient de bien souligner cet effort en faveur de la rénovation urbaine. Ainsi, les crédits de paiement sont en augmentation de 123 %. En outre, ce sont bien 465 millions d'euros qui sont inscrits en autorisations de programme : 415 millions d'euros au titre de l'ANRU et 50 millions au titre du fonds de restauration urbain. Nous veillerons, quand l'agence aura atteint son régime de croisière, à ce que les crédits de paiement rejoignent les autorisations de programme.
Toutefois, notre principale préoccupation aujourd'hui n'est pas de nature financière. Elle concerne plutôt l'aptitude des services déconcentrés à prendre la mesure du changement de culture que représente l'ANRU. Faites en sorte, monsieur le ministre, que l'ensemble de vos services s'attachent à simplifier et à fluidifier les procédures de mise en oeuvre des projets.
Le deuxième volet de la refondation concerne le ciblage des crédits sur les zones les plus en difficulté.
Le saupoudrage des crédits est un écueil qu'il faut éviter, surtout dans le domaine de la politique de la ville. Certes, on pourra toujours épiloguer pour savoir si tel ou tel quartier a droit ou n'a pas droit aux crédits. Cependant, il existe des critères objectifs d'attribution.
Nous pouvons nous réjouir que quarante et une nouvelles zones franches urbaines soient créées et que la réforme de la dotation de solidarité urbaine, la DSU, recentre l'effort de la collectivité nationale sur les villes les plus en difficulté, celles dont les besoins sont les plus grands.
Le troisième volet de cette refondation, bien que situé à un stade embryonnaire, revêt pourtant une importance capitale si nous voulons que les efforts en faveur de la ville atteignent leur pleine efficacité. Il s'agit des procédures de mise en oeuvre de la politique de la ville. En effet, cette mise en oeuvre constitue aujourd'hui, monsieur le ministre, le talon d'Achille de cette politique.
Une réflexion doit être rapidement menée sur la simplification des procédures. La multiplication des études préalables, parfois redondantes, et la lourdeur des procédures d'appel d'offres sont autant de facteurs qui freinent la réalisation des projets.
Comme l'avait montré le rapport que la Cour des comptes avait consacré en 2002 à la politique de la ville, les associations sont également victimes de la complexité des procédures et des mesures de régulation budgétaire, qui affectent la disponibilité des crédits. Le manque de lisibilité des procédures et la complexité des démarches à accomplir sont des sources de déperdition financière.
C'est un fait que les associations manquent de moyens. Je pense notamment à celles oeuvrant dans les domaines de l'insertion, de l'immigration ou de la promotion sociale. Dans le même temps, nous ne savons pas utiliser le fonds social européen, le FSE.
Monsieur le ministre, je pense qu'il est temps, dans ce domaine comme dans d'autres, de prendre des mesures.
Dans cette perspective, la commission des affaires économiques m'a chargé de mener une réflexion sur les contrats de ville. Ceux-ci s'apparentent trop souvent à des usines à gaz.
Enfin, ma dernière interrogation porte sur les fonds structurels européens, qui ne sont pas et ne seront pas neutres sur la politique de la ville. Ils feront l'objet, dans le cadre de la nouvelle programmation, et dans le contexte de l'élargissement de l'Union européenne, d'une profonde réforme. A cet égard, il serait intéressant de connaître, dans les semaines à venir, la position du Gouvernement sur l'avenir des fonds structurels et, surtout, sur leur utilisation au plan national. Quel sera le principe de subdélégation retenu et quelle sera la part des crédits consacrée à la politique de la ville ?
En conclusion, consciente des restrictions budgétaires qui affectent, de manière générale, les marges de manoeuvre de l'Etat, la commission des affaires économiques a émis un avis très favorable à l'adoption des crédits de la ville pour 2005. Nous souhaitons qu'ils servent à régler les problèmes de ceux qui sont le plus en difficulté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis.
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la politique de la ville est enfin dotée, cette année, des moyens d'agir en faveur des quartiers les plus défavorisés. Après trois années de stagnation et une baisse de 7 % en 2004, son budget s'élève en effet à 423 millions d'euros, soit une hausse de 23 %.
Ce budget est un peu particulier, car les crédits qui y sont spécifiquement consacrés ne constituent qu'une petite fraction - 6 % seulement - de l'ensemble des fonds publics. D'autres ministères, les fonds européens, les collectivités territoriales, la Caisse des dépôts et consignations et la DSU contribuent aussi, chacun pour sa part, à la politique urbaine. En conséquence, le ministère de la ville ne dispose que d'une marge de manoeuvre réduite pour mettre en oeuvre une politique globale dans les quartiers.
Vous nous avez indiqué, monsieur le ministre, quels étaient les points saillants de ce budget. Ce sont notamment la hausse sensible de la DSU prévue par le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, destinée à donner aux communes les plus défavorisées les moyens de cofinancer des actions de la politique de la ville sur leur territoire ; la relance des zones franches urbaines ; la préparation de l'entrée en vigueur de la LOLF, qui rassemblera, à partir de 2006, les crédits de la ville et du logement en une mission unique, l'objectif étant de réinsérer les zones urbaines sensibles dans la dynamique des agglomérations auxquelles elles appartiennent.
Cette mission comprendra quatre programmes, dont deux intéressent plus particulièrement la politique de la ville : le programme « rénovation urbaine », qui inclura la participation de l'Etat à l'agence nationale de rénovation urbaine, l'ANRU, et le programme « équité sociale et territoriale », qui a pour objectif de réduire la vulnérabilité sociale et économique des habitants des quartiers. Ce dernier programme fera l'objet d'une première expérimentation en 2005 dans les régions Nord-Pas-de-Calais, Bretagne et Rhône-Alpes.
La politique de la ville soutiendra, en 2005, trois priorités : la mise en oeuvre du plan de cohésion sociale, les actions de rénovation urbaine et la revitalisation économique des quartiers.
Nous avons étudié récemment le plan de cohésion sociale. Il a notamment pour objectif de lutter contre l'échec scolaire, qui frappe plus particulièrement les élèves des zones urbaines sensibles, les ZUS, où près d'un tiers des habitants déclare ne posséder aucun diplôme.
Ce plan prévoit la création de dispositifs de réussite éducative, rassemblant, autour des enseignants, les différents professionnels de l'enfance. Sur la période 2005-2009, 1,5 milliard d'euros leur seront affectés, dont 62 millions d'euros budgétés pour 2005.
Ce plan réforme également la DSU. D'une part, il prévoit un nouveau mode de calcul, plus favorable aux communes situées en territoire prioritaire de la politique de la ville ; d'autre part, il abonde exceptionnellement et temporairement cette dotation de 120 millions d'euros par an pendant cinq ans. En contrepartie, les crédits de fonctionnement des grands projets de ville, les GPV, sont supprimés, car les villes qui en bénéficient actuellement seront celles qui, demain, seront éligibles à la nouvelle DSU.
Je souhaiterais tout de même faire une remarque concernant l'avenir des contrats de ville. Il ne faudrait pas, en effet, que l'année 2006 sonne la fin du financement de ces contrats.
J'ai bien entendu la remarque de M. André, que je partage totalement : il sera important de veiller à ce que les contrats de ville soient bien cadrés et suivis. En effet, ces crédits visent à l'accompagnement social des populations concernées par l'ANRU. Pour cette raison, leur mission est essentielle.
Il faut voir ce à quoi doit servir ce dispositif. N'oublions pas, en effet, les régies de quartier, l'accompagnement scolaire et les dispositifs de réussite éducative, ainsi que toute une série d'autres actions, telles que les fonds de participation des habitants ou les fonds de travaux urbains. Ce sont des outils essentiels pour l'accompagnement des populations dans la proximité et au quotidien.
Je considère vraiment qu'un chantier doit être ouvert dans ce domaine avant que le contrat de ville soit supprimé purement et simplement, car c'est une population fragile qui habite les quartiers renouvelés. Vous vous y attelez sans doute actuellement, monsieur le ministre.
M. Roland Muzeau. Très bien !
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis. Il serait particulièrement dommageable que l'accompagnement de l'ingénierie acquise par les communes ou les autres collectivités locales dans le cadre de ces maîtrises d'oeuvre urbaines et sociales liées au contrat de ville soit trop brutalement ou trop rapidement abandonné. Ces collectivités, qui sont en contrat de ville, ne sont pas nécessairement en ANRU, et moins encore en GPV puisque ceux-ci sont intégrés à l'ANRU.
Aussi, il faudrait être attentif à ce qu'une petite part de l'accompagnement puisse être maintenue pour ne pas les laisser tomber du jour au lendemain.
Les crédits d'investissement de ces mêmes GPV ont été majoritairement versés à l'ANRU depuis 2004. Ce transfert n'est pas illogique dès lors que ces deux dispositifs concernent les mêmes territoires. C'est pourquoi notre commission souhaite une montée en puissance plus rapide de l'ANRU, afin que toutes les villes aujourd'hui en GPV bénéficient des financements de l'agence pour leurs projets de rénovation urbaine.
En effet, depuis la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, la politique de la ville est très majoritairement orientée vers le financement d'opérations de renouvellement urbain via l'ANRU.
Cette agence a été créée pour la période 2004-2008 et elle devait être dotée, par ses différents partenaires, de 6 milliards d'euros, soit 1,2 milliard par an. Or sa mise en oeuvre ayant été très lente, il est rapidement apparu qu'elle devrait poursuivre son activité au-delà de son terme initial. C'est la raison pour laquelle le Sénat a reporté cette date à 2011, lors de l'examen du projet de loi de cohésion sociale. A cette même occasion, la contribution globale de l'Etat au programme de rénovation urbaine a été portée à 4 milliards d'euros.
Pour l'instant, en effet, la dotation de l'Etat est restée bien inférieure au minimum prévu. Toutefois, il semble que ces crédits ont suffi au financement des besoins véritables de 1'ANRU pour sa première année d'existence, en raison du temps pris par la sélection et la mise en oeuvre de dossiers souvent complexes.
A ce propos, j'aimerais recevoir l'assurance que le goulet d'étranglement, conséquence de l'examen au compte-gouttes des dossiers, sera rapidement résorbé par un renforcement de l'ingénierie de l'ANRU. Nous comprenons bien que, au niveau national, cette montée en puissance des dossiers déposés pose problème et nécessite des moyens supplémentaires. Cependant, il faut prendre garde de trop concentrer les dossiers en fin de programme au motif qu'il est difficile de les instruire au fur et à mesure, car l'on porterait préjudice au dispositif.
M. Roland Muzeau. Très bien !
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis. De la même manière, il me semble que, au niveau régional, pour aider les collectivités concernées à monter leurs dossiers dans les meilleurs délais, un soutien serait nécessaire.
Dès 2005, toutefois, les financements vont augmenter. La participation de l'Etat devrait alors atteindre 173 millions d'euros en crédits de paiement, dont 74,5 millions pour le budget de la ville.
Enfin, ultime priorité, la politique de la ville sera largement orientée vers la revitalisation économique des quartiers qui présentent systématiquement un taux de chômage élevé, notamment chez les jeunes. Des tentatives d'encouragement à l'économie et au commerce dans les quartiers ont été lancées, mais sans réelle efficacité.
Les efforts seront donc désormais concentrés sur les zones franches urbaines, dont le bilan est largement positif grâce à un régime d'exonérations sociales avantageux. Cela a conduit la loi du 1er août 2003 à prévoir la création de quarante et une nouvelles zones à compter du 1er janvier 2004.
Ces orientations favorables de la politique de la ville ont conduit la commission des affaires sociales à émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la ville et de la rénovation urbaine pour 2005. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le ministre, après les interventions extrêmement denses et clarificatrices du rapporteur spécial et des deux rapporteurs pour avis, je voudrais, au nom de la commission des finances, vous poser une question tout en saluant la promptitude de votre communication.
Nous débattons véritablement en temps réel puisque, dès hier, vous avez fait connaître aux élus le montant de la DSU pour la période 2005-2009 et avez indiqué quel serait son taux de progression.
Cependant, nous rencontrons une difficulté d'ordre technique, liée au fait que le projet de loi pour la cohésion sociale était examiné hier en commission mixte paritaire et reviendra en ultime lecture dans quelques jours devant l'Assemblée nationale et le Sénat.
La semaine dernière, examinant les dispositions du projet de loi de finances relatives à la dotation de solidarité urbaine, nous avons privilégié le potentiel financier, alors que les simulations que vous avez rendues publiques prennent appui sur le potentiel fiscal, comme vous le précisez dans la note qui accompagne cette information.
J'émets pour ma part l'hypothèse que les écarts seront marginaux. Il serait cependant opportun que soient mis rapidement en relation les services informatiques du ministère de l'intérieur, de la DGCL, la direction générale des collectivités locales, et de vos services, afin que nous puissions faire connaître aux intéressés le montant de la DSU sur la base du potentiel financier, et non pas du potentiel fiscal, et ce pour éviter des déconvenues.
J'ai en effet pris conscience qu'il n'était pas toujours facile pour le Parlement, et notamment pour le Sénat, qui est pourtant le grand Conseil des collectivités territoriales, d'accéder en temps réel à ces simulations.
M. Gérard Delfau. Hélas !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je réitère donc le souhait que j'ai formulé la semaine dernière à l'occasion du débat relatif à l'affectation des recettes de l'Etat aux collectivités territoriales : il serait bon que le Sénat puisse disposer de la banque de données des collectivités territoriales, répertoriant leurs ressources tant financières que fiscales.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il y a urgence ! Certes, le Comité des finances locales accomplit sa tâche excellemment mais, encore une fois, le grand Conseil des collectivités territoriales, c'est le Sénat !
Monsieur le ministre, lorsque vous répondrez aux différents intervenants, je vous saurais gré de nous indiquer si vous disposez de telles simulations et, dans ce cas, si vous avez connaissance d'écarts éventuels résultant de la substitution du potentiel financier au potentiel fiscal, sinon, dans quel délai vous estimez être en mesure de nous en faire part.
Mais en tout état de cause, monsieur le ministre, je salue votre capacité à communiquer en temps réel et rapidement, presque plus rapidement que le vote de la loi !
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 33 minutes ;
Groupe socialiste, 21 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 7 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Roger Madec.
M. Roger Madec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons en cette fin d'après-midi le volet « ville et rénovation urbaine » du projet de loi de finances pour 2005.
Mes propos seront moins teintés d'optimisme que ceux de mes prédécesseurs même si, par moment, j'aurais pu reprendre à mon compte ce qu'a dit Mme Létard. Hélas ! il ne s'agissait que d'un « grand écart », puisqu'elle appelle à voter ce projet de budget.
Celui-ci est à l'image de la politique du Gouvernement qui, en dépit des effets d'annonce, préconise un désengagement substantiel de l'Etat. En effet, à l'exception des crédits affectés aux grands projets de ville, les GPV, sur lesquels je reviendrai tout à l'heure, l'ensemble des postes budgétaires sont en baisse.
Vous le savez, monsieur le ministre, la politique de la ville repose sur le principe de la géographie prioritaire en faveur des quartiers en difficulté, pour lesquels des moyens exceptionnels doivent être mis en oeuvre. Pour être efficace, cette politique doit être globale et transversale, et comprendre un volet urbain important, car l'image négative qui « colle à la peau » de certaines cités a un effet dévastateur et est facteur d'inertie.
Dans ce contexte, la démolition de tours et de barres d'immeubles, mais aussi la réhabilitation ou la résidentialisation, font partie intégrante de la politique de la ville.
Celle-ci comprend également un volet social important, que vous semblez sous-estimer. En effet, l'action sur l'urbanisme ne se suffit pas à elle-même. Cette politique peut certes permettre de changer l'image d'un quartier que la précarité et l'abandon ont conduit à la dégradation et au « mal vivre », mais, sans accompagnement humain et social fort, cela équivaut à un pansement sur une gangrène.
Il faut donc porter l'effort parallèlement sur l'insertion professionnelle, la prévention, notamment sanitaire, le développement des services publics, l'éducation et les loisirs.
Or force est de constater que votre projet de budget ne prend pas suffisamment en compte ces éléments. Il est regrettable que vous sembliez réduire les effets de votre politique à un simple traitement « par le béton », au détriment de l'accompagnement social des habitants. Il faut en effet rappeler que ceux-ci sont pris en charge par les associations, qui pâtissent de votre politique, et par les services publics locaux.
Je prendrai l'exemple de Paris, un département que je connais bien et que je représente. Il peut paraître paradoxal de parler de la politique de la Ville à Paris ; pourtant, certains quartiers y sont en grande difficulté. Je rappelle que les crédits consacrés aux associations dans ces quartiers difficiles passent de 2,2 millions d'euros à 1,1 million d'euros.
Paris, qui compte 100 000 demandeurs de logements, ne peut se permettre de détruire des immeubles. Du reste, la politique de la table rase n'est pas toujours la meilleure, car elle est souvent traumatisante pour les habitants, qui ont vécu parfois une grande partie de leur vie dans ces bâtiments.
L'action coordonnée d'une réhabilitation urbaine et d'un accompagnement social volontariste permet de maintenir les habitants dans leurs quartiers et d'améliorer sensiblement leur environnement.
Les crédits en faveur des dispositifs « adultes-relais » et les opérations « ville-vie-vacances », qui avaient été les seuls crédits préservés l'année dernière, sont en diminution. Les interventions relatives au lien social et aux services publics sont fortement réduites et l'accompagnement humain, qui devrait être la pierre angulaire de ce projet de budget, est largement oublié.
Revenons d'une manière plus précise aux crédits affectés à la rénovation urbaine. La loi du 3 août 2003 avait fixé la contribution annuelle minimale de l'Etat à 465 millions d'euros. Votre projet de budget porte aujourd'hui sur 415 millions d'euros, ainsi répartis : 223 millions au titre du volet « logement » et 192 millions au titre de la ville. Le compte n'y est donc pas. Même si cette loi précise qu'il s'agit d'un engagement pluriannuel, il me semble important que l'Etat respecte ses engagements, et ce dès la première année.
La création de l'ANRU devait marquer une nouvelle étape de la politique de la ville. Quant au dispositif du guichet unique, c'était a priori une bonne idée. Mais cet outil au service de la simplification administrative s'est vite transformé en un instrument de désengagement de l'Etat.
Alors que vous escomptiez la signature de 150 conventions, seuls 60 projets ont été validés par le comité national d'engagement. De plus, des dossiers qui avaient été actés localement seront désormais refusés en bloc, au motif qu'ils ne correspondent pas aux critères de l'ANRU. A cet égard, dois-je vous rappeler que ces critères n'ont toujours pas été portés à la connaissance du public puisque le règlement intérieur de l'Agence doit être publié prochainement ?
Nous serons attentifs à ces critères. En effet, comme vous le savez, monsieur le ministre, l'ancien label « politique de la ville », retenu dans le contrat de ville, permettait de prendre en charge un quartier en difficulté dans sa globalité. Aujourd'hui, avec l'ANRU, seul le périmètre ZUS, qui est beaucoup plus réduit, sera pris en compte.
Par ailleurs, les représentants de l'Etat ont déjà fait savoir qu'un projet de rénovation urbaine ne prévoyant pas de démolition ne serait pas éligible à l'ANRU, à de rares exceptions près.
Cette suppression déguisée des crédits pénalisera certains quartiers en difficulté et créera une distorsion entre les communes en très grande difficulté et celles qui dépassent très peu ce seuil, ce qui risque, dans dix ans ou quinze ans, de nous placer au même niveau de débat.
Ce projet de budget fait donc apparaître une reconcentration de la politique de la ville. En outre, le désengagement financier en matière d'accompagnement humain et social va contraindre in fine les acteurs locaux à se tourner vers les collectivités territoriales qui, comme dans d'autres domaines, seront sollicitées pour prendre le relais de l'Etat, là où celui-ci se désengage de façon importante.
Pour toutes ces raisons, et sur la base des arguments que mes collègues Mme Michèle San Vicente et M. Thierry Repentin présenteront dans quelques instants, le groupe socialiste votera contre ce projet de budget.
M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck. Monsieur ministre, je souhaite tout d'abord saluer l'ampleur de la tâche que vous avez accomplie depuis que vous avez pris vos fonctions, le 10 avril dernier. Je suis en effet, comme Philippe Dallier, issu du département de la Seine-Saint-Denis, et je dois dire que vous avez redonné de l'espoir aux élus.
Cet espoir n'est pas seulement d'ordre philosophique. Il ne repose pas que sur des mots, il est également soutenu par des moyens et des actions. Et lorsque les élus retrouvent le moral, les familles qui vivent dans les quartiers difficiles reprennent aussi espoir.
Par ailleurs, vous avez eu la volonté d'associer tous les élus, quelle que soit leur tendance politique, à votre action et vous n'avez pas souhaité faire de la politique de la ville un enjeu politicien, ce que je trouve très positif.
Monsieur le ministre, je partage tout à fait votre façon d'aborder les problèmes des quartiers difficiles et de leurs habitants. J'en veux pour exemple le concours « Talents des cités », qui a réuni, le 20 novembre dernier, dans cet hémicycle, plus de trois cents jeunes issus des quartiers difficiles.
Au côté de sénateurs de toute tendance, vous avez remis des trophées pour aider des jeunes qui souhaitaient créer une entreprise. Vous avez ainsi souhaité démontrer que, malgré les difficultés qui existent dans ces cités - car les problèmes existent, il ne faut pas se voiler la face -, des jeunes femmes et des jeunes gens qui en sont issus avaient envie de travailler. Au-delà de la question de l'urbanisme, la preuve existe que, dans les cités, des personnes veulent se sortir de leurs difficultés et y parviennent.
Ma question, monsieur le ministre, a pour point de départ une constatation : dans notre pays, il existe, d'une part des cités ou des quartiers en très grande difficulté, pour lesquels on injecte beaucoup d'argent - 400 millions d'euros de plus cette année - et, d'autre part, les autres quartiers qui, par définition, sont censés bien se porter.
Maire d'une ville de 18 000 habitants, je souhaite évoquer le cas de ces quartiers intermédiaires, c'est-à-dire de ces cités gérées soit par des sociétés d'HLM, soit par des copropriétés et qui, au fur et à mesure du temps qui passe, ne parviennent plus vraiment à réhabiliter le bâti existant, faute de moyens suffisants. Je crains que ces quartiers ne deviennent à leur tour, avec le temps, des cités totalement ingérables, comme celles dont vous tentez de régler les problèmes actuellement.
Certes, il y a l'ANAH et les OPAC, mais, parfois, cela ne suffit pas.
Monsieur le ministre, je sais que les contraintes budgétaires auxquelles vous êtes soumis sont importantes, et je ne vous demande des crédits supplémentaires. Mais, partant du principe qu'il vaut mieux prévenir que guérir, ne pourrait-on prévoir qu'une somme soit réservée, dans le cadre du budget qui vous est alloué, pour ces quartiers intermédiaires qui risquent de dégénérer ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en nous présentant le volet « ville et rénovation urbaine » du projet de budget pour 2005, le Gouvernement a particulièrement insisté sur la prétendue « énorme » augmentation de 22,7 % de ce budget. Pour être plus réaliste, il faudrait relativiser les chiffres, ce que quelques-uns des rapporteurs ont fait tout à l'heure, avec beaucoup d'honnêteté.
Tout d'abord, cette hausse intervient après une baisse de 7 % du même budget, l'année dernière. Par ailleurs, cette augmentation des crédits est plus une compensation qu'une réelle attribution de nouveaux moyens : si, d'un côté, les crédits spécifiques de la ville augmentent de 78,22 millions d'euros, de l'autre, les crédits des autres ministères baissent de 34,68 millions d'euros.
A cela, il faut ajouter les nombreuses diminutions budgétaires qui, étrangement, ne bénéficient pas de la même publicité : en effet, le fonds d'intervention pour la ville, le FIV, passe de 131,6 millions d'euros à 83,1 millions d'euros, les grands projets de villes inscrits au budget du logement baissent d'environ 54 millions d'euros, les crédits pour les dispositifs « adultes-relais » de 17 %, et les crédits alloués aux opérations « ville-vie-vacances » de 22 %.
Quoi qu'il en soit, qu'il y ait ou non augmentation, le budget du volet « ville et rénovation urbaine », par sa minceur et son étroitesse, ne reste qu'un budget d'affichage. A titre de comparaison, le budget alloué aux dépenses fiscales et aux compensations, essentiellement composé d'exonérations fiscales pour les entreprises, est presque deux fois supérieur.
Transversale et interministérielle par essence, la politique de la ville proprement dite devrait associer l'Etat, les collectivités locales et les associations. Dans les faits, une énorme confusion règne. A titre d'exemple, le dernier comité interministériel des villes, expression la plus évidente de la transversalité, s'est réuni en 2001 ! Et les associations, comme dans mon département des Hauts-de-Seine et dans ma ville, souffrent de graves retards, voire aujourd'hui de diminutions de subventions, notamment dans le cadre du fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations. Comment concevoir que des associations puissent vivre avec une année de retard de subventions ?
Pourtant, les problèmes sociaux que doit prendre en charge ce projet de budget sont massifs !
Sur les conditions de logement, par exemple : vous avez annoncé, l'année dernière, 200 000 démolitions et 200 000 réhabilitations. Avec seulement 26 000 constructions et 29 000 démolitions réalisées, vous êtes bien loin du compte ! De plus, vous créez un solde négatif de 3 000 logements, ce qui ne fait qu'empirer les choses.
Il en va de même du programme de réussite éducative, que vous avez doté d'un budget de 62 millions d'euros : ce programme ne pèse pas lourd, en termes tant budgétaires que de qualité de service public, face aux graves reculs que constituent notamment la disparition de milliers de postes d'aides éducateurs et d'enseignants du secondaire, et le manque évident de personnel péri-éducatif, de travailleurs sociaux, de médecins ou d'infirmiers scolaires.
En matière d'emploi, les quartiers populaires, qui ont été les derniers à ressentir les effets bénéfiques de la décrue du chômage entre 1998 et 2001, sont aujourd'hui en première ligne pour affronter sa recrudescence. Or l'aggravation du chômage, avec un taux voisin de 10 %, la fin des emplois- jeunes, la réduction de plusieurs mois des droits à l'assurance chômage, ainsi que les mesures facilitant les licenciements, fragilisent encore la situation de centaines de milliers de personnes parmi les plus modestes et empêchent, par conséquent, de résoudre les problèmes qui devraient être pris en charge par ce budget.
Nous voterons donc contre ce projet de budget qui, malgré sa présentation flatteuse, s'inscrit dans une politique globale ne pouvant qu'aggraver la situation des quartiers populaires et de leurs habitants.(Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Michèle André.)