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nomination d'un membre d'UN organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle que la commission des affaires économiques a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Yannick Texier membre titulaire du Conseil national de l'information statistique.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures trente-cinq, sous la présidence de M. Roland du Luart.)
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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DÉCÈS D'UN ANCIEN SÉNATEUR
M. le président. Mes chers collègues, j'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Georges Berchet, qui fut sénateur de la Haute-Marne de 1974 à 2001.
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RAPPELs AU RÈGLEMENT
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, pour un rappel au règlement.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, nous regrettons que chaque intervenant ne dispose que de cinq minutes pour intervenir dans la discussion d'un budget portant sur des crédits d'un montant atteignant plusieurs dizaines de milliers d'euros et qui concerne des milliers de salariés dont l'avenir est en jeu.
Par ailleurs, il est tout de même paradoxal que le Premier ministre fasse des annonces relatives aux 35 heures, au compte épargne-temps, aux heures supplémentaires, toutes mesures qui tendent à démanteler les 35 heures et, de ce fait, à ramener la législation du travail soixante ans en arrière, le jour où le Sénat examine le budget consacré à l'emploi et à la formation professionnelle. Ce n'est bon ni pour le Parlement, ni pour l'image du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Je tiens à élever la plus vive protestation contre l'attitude du Gouvernement, qui, le 5 novembre dernier, a pris des engagements dans cette enceinte lors de la discussion d'un amendement alors qu'ultérieurement, à l'Assemblée nationale, il a laissé la voie libre aux exigences du patronat, singulièrement à celles des patrons de presse.
Ce propos vise l'amendement défendu par M. de Broissia et par Mme Hermange relatif aux horaires définissant le travail de nuit. Personne ne doit être dupe : cet amendement, définitivement adopté par la commission mixte paritaire hier, résulte d'une requête dictée par les dirigeants de la Socpresse notamment.
Au bénéfice d'intérêts privés, une disposition essentielle du code du travail vient de disparaître. C'est inacceptable.
Lors des débats, vous indiquiez, monsieur Larcher : « je rappelle que le Gouvernement s'en est remis à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 174 rectifié quater de M. Dassault, qui a trait à la formation et qui ne présente d'ailleurs par un caractère obligatoire. » Je dénonçais pour ma part cette disposition. Vous poursuiviez, monsieur le ministre : « Par ailleurs, le Gouvernement a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 183 rectifié. Cela étant, monsieur Muzeau, nous avons le bonheur d'être dans un régime bicamériste. Or, sur ce sujet du travail de nuit, j'ai décidé de consulter les partenaires sociaux. Je vous renvoie donc au Journal officiel de l'Assemblée nationale ! »
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, précisait quant à lui : « tout en indiquant que la commission est défavorable à cette seconde délibération, j'en profite pour dire que je désapprouve l'adoption par le Sénat de l'amendement n° 183 rectifié sur le travail de nuit. Je souhaite donc que l'on revienne sur cette disposition, qui n'est pas normale. »
Lors de l'interruption de la séance, M. Borloo m'a indiqué que cette disposition n'apparaîtrait plus après les débats à l'Assemblée nationale. Or, comme je viens de vous le dire, la commission mixte paritaire a, hier, définitivement entériné ces avantages anormaux et cette casse du code du travail. Je tiens à préciser que M. Dassault n'est pas étranger à cette prise de décision.
Monsieur le ministre, je vous demande de déposer, au nom du Gouvernement, un amendement de suppression de cette disposition particulière lors de l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire la semaine prochaine. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur celles du groupe socialiste.)
M. le président. Je vous donne acte de vos rappels au règlement, madame Printz, monsieur Muzeau. .
Je vous rappelle, mes chers collègues, que l'organisation de nos travaux est décidée par la conférence des présidents, dont je suis chargé d'appliquer les conclusions.
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Loi de finances pour 2005
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale.
Travail, santé et cohésion sociale (suite)
i. - emploi et travail
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le travail, la santé et la cohésion sociale : I. - Emploi et travail.
J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a opté pour la formule expérimentale fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des groupes.
Ainsi, M. le ministre répondra immédiatement et successivement au rapporteur spécial, puis aux deux rapporteurs pour avis, et enfin à chaque orateur des groupes.
Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de discussion.
Chacune des questions des orateurs des groupes ne devant pas dépasser cinq minutes, le Gouvernement répondra en trois minutes à chaque orateur, ce dernier disposant d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
J'invite chaque intervenant à respecter l'esprit de la procédure, qui repose sur des questions précises et en nombre limité, et les temps de parole impartis.
La parole est à M. Serge Dassault, rapporteur spécial.
M. Serge Dassault, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les crédits affectés à l'emploi et au travail, quasiment reconduits à l'identique pour 2005, s'élèvent à plus de 32 milliards d'euros. C'est le troisième budget de 1a France après celui de l'éducation nationale et le service de la dette. C'est dire l'importance qu'il représente. Compte tenu d'un changement de périmètre, il marque une hausse de 1,8 %, en totale conformité avec la norme « zéro volume ».
Je vous rappelle qu'en 2004 ces crédits avaient doublé en raison de la suppression du Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le FOREC, au travers duquel la compensation des allégements généraux de charges auprès de la sécurité sociale avait été largement débudgétisée.
Je souhaite vous faire part de quelques observations que m'inspire ce budget de l'emploi et du travail pour 2005.
Tout d'abord, malgré les énormes moyens financiers mis en oeuvre, le taux de chômage ne diminue pas. Depuis 2001, la situation de l'emploi s'est largement détériorée. Elle a fini par se stabiliser au premier semestre 2004, s'établissant à un taux de 9,9 %. La France entretient ainsi, en sa défaveur, un différentiel de près de 1,5 point avec l'Union européenne à quinze.
La stagnation observée au premier semestre 2004 n'a malheureusement pas empêché une nouvelle dégradation du chômage des moins de vingt-cinq ans, qui affiche le taux impressionnant de 21,5 %.
En vérité, nous souffrons d'un chômage structurel très élevé, qui appelle des réformes impératives pour que les entreprises acceptent de réembaucher.
En effet, avec les 35 heures imposées, la rigidité de l'emploi, un dollar trop bas, ce qui n'arrange rien pour les exportations, des charges sur salaires trop élevées, les chefs d'entreprise, qui acquittent des impôts qu'ils sont les seuls à supporter en Europe, sont obligés de sous-traiter de plus en plus à l'étranger pour rester compétitifs.
Ces remarques appellent ma deuxième observation.
Le budget pour 2005 s'inscrit dans le cadre du plan de cohésion sociale, qui cherche à s'orienter vers le modèle danois de « flex-sécurité ». Ce modèle condamne de façon absolue le traitement social du chômage que nous pratiquons et qui, en réalité, ne crée que peu d'emplois.
Au Danemark, où le taux de chômage est inférieur à 6 %, les deux piliers de la « flex-sécurité » sont, d'une part, un marché de l'emploi libéralisé, avec la liberté d'embaucher et de licencier ainsi que l'absence de salaire minimum et de durée légale du travail, et, d'autre part, une assurance chômage généreuse en contrepartie d'un renforcement des obligations en matière de recherche d'un travail.
Ce modèle d'efficacité est exemplaire. En effet, ce n'est pas dans l'entreprise que les salariés peuvent trouver une véritable protection en matière d'emploi, c'est au dehors.
Si l'on persiste à croire que la garantie de l'emploi consiste à rigidifier l'emploi, on se trompe lourdement. En effet, si une entreprise qui manque de travail dispose d'un personnel surabondant qu'elle ne peut pas licencier, elle n'embauche plus et risque de disparaître avec tous ses salariés. C'est pour cela que le chômage augmente en France.
Le rapport Virville a proposé un contrat de projet permettant d'embaucher du personnel pour l'exécution d'une mission. Sa mise en place serait très utile. Ce dispositif serait bien préférable aux actuels contrats à durée déterminée. Le personnel ainsi embauché sait qu'il restera en poste tant que la charge de travail demeurera. C'est d'ailleurs ce qui se passe pour les vendangeurs embauchés pour la durée des vendanges.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous éclairer sur l'assouplissement du contrat de travail résultant de la mise en place du contrat de projet, qui me paraît être une excellente mesure ?
J'en viens à ma troisième observation.
Dans le cadre du plan de cohésion sociale, le budget pour 2005 traduit une simplification bienvenue des aides aux publics prioritaires. Sept dispositifs succéderont aux quatorze actuels.
Pour les jeunes, un contrat de professionnalisation unique, exonéré totalement de charges sur salaires pour les moins de vingt-cinq ans, coexiste désormais avec le contrat d'apprentissage et le contrat jeune en entreprise.
S'agissant des publics en difficulté, les chômeurs de longue durée disposeront, pour le secteur non marchand, du contrat d'accès à l'emploi, qui succède aux contrats emploi-solidarité et aux contrats emplois consolidés.
Pour le secteur marchand, la dénomination du contrat initiative-emploi est conservée, mais ce contrat fait l'objet d'améliorations sensibles, qui, comme pour le contrat d'accès à l'emploi, vont dans le sens d'une meilleure adaptabilité aux particularités locales.
En outre, contrat initiative-emploi et contrat d'accès à l'emploi seront gérés à l'échelon régional au moyen d'une enveloppe fongible. Par ailleurs, le revenu minimum d'activité, le RMA, est recentré sur le secteur marchand tandis qu'un contrat d'avenir, pendant du RMA pour le secteur non marchand, est mis en place.
Le Gouvernement souhaite ainsi relancer l'accès à l'emploi pour les minima sociaux. Cependant, je ne partage pas tout à fait son optimisme sur l'efficacité de la réinsertion dans un secteur non marchand qui ne participe pas à la croissance et ne conduit pas le bénéficiaire à une véritable activité professionnelle.
Enfin, les différents stages « occupationnels », peu efficaces pour le retour à l'emploi, sont heureusement en voie d'extinction.
En tout état de cause, 415 000 entrées dans les différentes formes de contrats aidés destinés aux publics en difficulté sont prévues en 2005. Toutefois, il faut savoir que ces plans coûtent chers à notre budget : 17 milliards d'euros.
Je regrette que ce projet de budget, très généreux pour réduire les coûts de fonctionnement des entreprises en prévoyant le paiement à leur place des charges qui pèsent sur les salaires, ne crée que peu d'emplois marchands. Par ailleurs, rien n'est prévu pour faciliter les investissements nécessaires des entreprises et pour permettre la création d'activités nouvelles et d'emplois marchands : ni aides au financement de la modernisation des installations industrielles, ni aides à la recherche et au développement de nouveaux produits, ni aides à l'exportation, ni aides remboursables.
Il est à noter que de telles aides ne sont pas récurrentes, c'est-à-dire qu'elles sont octroyées une fois pour toutes, alors que les aides à l'emploi, les aides au fonctionnement, sont malheureusement récurrentes et répercutées chaque année.
Il est certain que l'affectation de tout ou partie des 17 milliards d'euros que j'ai évoqués précédemment à des aides à l'investissement serait bien plus productive en termes de création d'emplois que les aides au fonctionnement récurrentes.
J'en viens à ma quatrième observation.
L'optimisation du marché du travail se poursuit. Ce marché devrait s'améliorer avec une action sur la formation.
Cette action est d'abord qualitative. L'apprentissage est relancé et facilité, avec un crédit de 600 millions d'euros de moyens nouveaux dès 2005. Je rappelle par ailleurs que l'âge des apprentis sera abaissé. L'article 75 rattaché tend cependant à mettre fin aux exonérations de charges au moment de l'obtention du diplôme, et non à la fin du contrat, ce qui serait pourtant préférable.
Cette action est ensuite quantitative. Est prévu le financement des charges liées aux hausses du SMIC programmées par la loi Fillon, hausses qui interviennent malheureusement sans augmentation d'horaires. Par ailleurs, il est mis fin au « SMIC hôtelier », dispositif très coûteux pour l'Etat et pour les entreprises.
La suppression des dispositifs de préretraite favorise la poursuite de l'activité des personnes âgées de plus de cinquante-cinq ans. De ce point de vue, en effet, la France se situe en retrait par rapport à la moyenne européenne et très en retrait par rapport aux objectifs fixés lors du Conseil européen de Lisbonne. La préretraite, si elle permet de libérer des emplois, a pour grave inconvénient de priver les entreprises d'un personnel qualifié et compétent, d'une culture et d'un savoir indispensables. La suppression de ces dispositifs est donc une excellente décision.
D'une façon générale, la forte augmentation des minima salariaux sans contrepartie d'augmentation des horaires a eu des conséquences très négatives sur le budget de l'Etat, qui s'est obligé à en payer une partie aux entreprises. Ces charges ont encore aggravé notre déficit budgétaire.
L'article 74 rattaché tend à réduire le champ des rémunérations qui donneront lieu à réduction de charges sociales, d'une fourchette allant de 1 à 1,7 fois le SMIC horaire à une fourchette allant de 1 à 1,6 fois le SMIC horaire. L'économie attendue en 2005 est estimée à 1,2 milliard d'euros. Ce montant est proche du surcoût entraîné par la mise en oeuvre du plan de cohésion sociale pour 2005 - 681 millions d'euros - et de l'aide à l'emploi dans la restauration -550 millions d'euros. Il serait judicieux de poursuivre cette diminution en 2006, en 2007 et en 2008 en passant progressivement de 1,6 à 1,4,...
Mme Raymonde Le Texier. Les salariés devraient travailler gratuitement et dire « Merci, patron ! ».
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. ... à 1,3, 1,2 ou 1,1 fois le SMIC. Les économies ainsi réalisées pourraient être utilisées autrement.
Le marché du travail devrait s'améliorer grâce à une meilleure information sur l'offre et la demande, avec la rénovation du service public de l'emploi. Le plan de cohésion sociale remédie heureusement à l'éclatement de l'actuel dispositif d'intervention, dispersé en direction des chômeurs et des entreprises, par la création de maisons de l'emploi. Cette excellente initiative permettra d'aider les chômeurs à trouver plus rapidement un emploi, grâce à un « guichet unique ».
En contrepartie de cette amélioration des prestations offertes aux demandeurs d'emplois, les obligations des chômeurs en matière de recherche d'emploi et les moyens de contrôle sont redéfinis. Par ailleurs, il est heureusement mis fin au « monopole de placement » de l'ANPE, qui était du reste fortement érodé.
J'en viens à ma cinquième observation.
Plus de 60 % des moyens du budget de l'emploi concernent les allégements de charges.
En 2004, les moyens dévolus aux différents dispositifs d'exonération de charges sociales avaient augmenté de 7 %, dépassant ainsi le seuil de 60 % du budget du travail. Pour 2005, la progression des moyens, calculée à périmètre constant, s'établit encore à plus de 4 %. Cela représente la modique somme d'environ 20 milliards d'euros.
Les 35 heures augmentent nos coûts de production, diminuent notre compétitivité et coûtent à notre budget - il ne faut pas l'oublier - 10 milliards d'euros, ce qui me paraît excessif.
Voici, mes chers collègues, en résumé, comment se répartit notre budget, qui s'établit à 32 milliards d'euros : 17 milliards d'allègements de charges générales, 3 milliards d'allègements de charges spéciales, 12 milliards de fonctionnement, pour l'ANPE, la formation professionnelle, les contrats aidés marchands et non marchands.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de vous faire remarquer que le traitement social du chômage, qui consiste pour l'Etat à financer une partie des charges pesant sur les salaires, non seulement ne permet pas d'atteindre le but recherché - créer des emplois -, mais représente une dépense énorme dans notre budget et creuse notre déficit budgétaire à un moment où nous n'en avons vraiment pas besoin.
En vérité, tant que la rigidité de l'emploi empêchera les entreprises d'adapter leur personnel à leur charge de travail, celles-ci n'embaucheront pas. C'est une réalité que personne ne peut contester, même si cela ne plaît pas à tout le monde ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Roland Muzeau. Ah non ! Cela ne plaît pas, je vous l'assure !
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Mais si on ne change rien, le chômage continuera de s'aggraver. Il faut savoir ce que l'on veut : ou réduire le chômage par la flexibilité, ou l'augmenter par la rigidité.
Il est un fait que nos entreprises sous-traitent de plus en plus à l'étranger,...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. ...où les coûts de production sont, comme en Pologne, trois à quatre fois moins élevés, voire, comme en Chine, trente fois moins élevés. Seul le système danois de « flex-sécurité » permettrait de réduire le chômage.
C'est pourquoi je vous propose, monsieur le ministre, de réduire peu à peu, sur cinq ans, le montant élevé - 17 milliards d'euros - des allégements généraux, à raison d'environ 3 milliards d'euros par an.
Il faudrait commencer de réduire ces aides pour l'emploi dès le projet de loi de finances pour 2006.
Mme Gisèle Printz. Mais il faut bien payer les gens !
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. L'Etat disposerait ainsi de recettes supplémentaires qu'il pourrait utiliser soit pour réduire son déficit, soit pour financer des investissements, soit pour réduire les impôts des entreprises.
Ainsi, associer une réduction progressive des aides à l'emploi à une mise en oeuvre de la « flex-sécurité » et à une réduction des impôts sur les sociétés permettrait de relancer réellement l'emploi tout en réduisant les dépenses de l'Etat. Il n'y a pas trente-six façons de procéder. Quel accueil réserverez-vous à ces propositions, monsieur le ministre ?
En ce moment critique de graves difficultés financières et de dettes trop élevées, il est de la plus haute importance que l'Etat réduise ses dépenses.
Ceux qui en profitent doivent comprendre qu'il n'est plus possible de continuer ainsi. L'endettement de l'Etat est considérable. Il convient de tout faire pour le réduire, et chacun doit comprendre qu'il faut faire les sacrifices nécessaires.
Mme Gisèle Printz. Pour qui les sacrifices?
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Dans un environnement de concurrence internationale et alors que les coûts de production sont plus élevés en France qu'ailleurs, travailler moins est suicidaire, de même que démotiver les cadres et les entreprises par une fiscalité confiscatoire ou des contraintes administratives et syndicales.
M. Roland Muzeau. Supprimez donc les syndicats au Figaro !
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Il vaut mieux que l'Etat supprime des impôts que paient les entreprises plutôt que de payer à leur place les dépenses qui leur incombent.
Dépenser 32 milliards d'euros pour ne pas créer d'emplois marchands, ou très peu, alors que le déficit budgétaire est de 45 milliards d'euros me semble déraisonnable.
Mme Gisèle Printz. Quelle ringardise !
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Il me semble suicidaire de ne pas oser supprimer la rigidité de l'emploi et mettre en oeuvre la « flex-sécurité ». Alors que le taux de chômage augmente, que nos exportations diminuent, que nos coûts de production sont trop élevés, que le dollar baisse, l'hypothèse d'un taux de croissance de 2,5 % ne sera malheureusement pas tenue, et le déficit risque d'augmenter.
M. Roland Muzeau. Enfin une vérité !
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Il faut sortir du cercle vicieux dans lequel nous nous trouvons, c'est une question de volonté. Il n'y a qu'à suivre l'exemple de ceux qui réussissent au lieu de poursuivre dans l'erreur. Cela devient dramatique : nous ne pouvons pas éternellement ne pas travailler, ne pas produire, ne pas vendre, dépenser plus qu'on ne gagne, (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) ...
M. Roland Muzeau. Mais qui met les gens au chômage ?
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. ...alors que notre déficit s'aggrave chaque année, que la dette devient insupportable, que les dispositifs fiscaux démotivent ceux qui produisent et qui embauchent.
Tel est, monsieur le ministre, le tableau, pessimiste mais factuel, que je souhaitais vous présenter. Je vous ai tout de même soumis une proposition qui devrait vous faire plaisir, à savoir économiser progressivement jusqu'à 17 milliards d'euros à partir de l'année prochaine et mettre en place les contrats de projet qui ne coûtent rien.
J'ai constaté néanmoins des points positifs dans votre politique : la rationalisation des instruments de la politique de l'emploi, la perspective d'un assouplissement du code du travail,...
M. Roland Muzeau. Cela, ça marche !
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. ...la création des maisons de l'emploi et l'élimination progressive du problème des 35 heures ; tout cela est en effet porteur d'espoir.
Toutes les oppositions fondées sur des idéologies dépassées ne changeront rien.
M. Roland Muzeau. Et les dogmes patronaux ?
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Nous resterons comme nous sommes et nous ne résoudrons rien, ou bien nous ferons comme les autres...
M. Roland Muzeau. C'est qui, les autres ?
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. ...et nous avancerons. Mais il faut abandonner les idées qui ne marchent pas.
Mes chers collègues, je vous propose, au nom de la commission des finances, d'adopter ce projet de budget.
M. Roland Muzeau. On a cru que c'était : au nom du MEDEF ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. A titre personnel, je souhaite que le projet de loi de finances pour 2006 tienne compte, si possible, des propositions que j'ai faites. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail, et de la cohésion sociale. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la présentation du projet de budget de l'emploi et du travail intervient alors que le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale vient d'être examiné en commission mixte paritaire.
A l'évidence, le projet de budget qui vous est soumis tient compte du plan de cohésion sociale, dont il assure le financement intégralement, à l'euro près. Le Gouvernement, comme le Parlement, ont parfaitement respecté les engagements qui ont été pris à l'égard de la nation.
S'il a été nécessaire de mettre en oeuvre un plan de cohésion sociale, c'est parce que notre dispositif général, qui est relativement lourd par rapport à ceux des autres pays européens puisqu'il absorbe plus de 30 % de notre PIB, qui est très consommateur d'un point de vue budgétaire, n'a eu qu'une efficacité à peu près normale pour ceux qui en avaient légèrement besoin et une efficacité extrêmement défaillante pour ceux qui en avaient véritablement besoin.
Finalement, le plan de cohésion sociale n'est qu'un énorme dispositif de rattrapage républicain en direction des femmes et des hommes, des jeunes et des séniors, d'un certain nombre de nos territoires qui en avaient le plus besoin.
Nous ne pouvons en effet nous contenter de constater que le RMI a triplé en quinze ans sans préparer l'avenir, d'autant que, nous le savons tous, notre pays doit s'attendre à un important choc démographique, et, pour ma part, je ne fais pas partie de ceux qui pensent que les départs à la retraite entraînent mécaniquement le retour à l'emploi de ceux qui en sont éloignés.
Tout est affaire d'organisation, de préparation, d'adaptation des ressources humaines, et c'est l'objet du plan de cohésion sociale que ce projet de budget vise à mettre en oeuvre pour la première année.
Vous avez manifesté, monsieur le rapporteur spécial, votre satisfaction quant à la simplification des aides, tant aux contrats privés qu'aux contrats publics. C'est évidemment une façon d'optimiser notre dispositif.
Vous avez également souligné la grande évolution que constituait la mise en place des maisons de l'emploi, sujet sur lequel il y avait, voilà encore quelques semaines, un peu de flou. Parce que ces maisons de l'emploi destinées à fédérer les compétences reposent par principe sur la souplesse et sur le volontariat, elles ont, en effet, parfois suscité des interrogations, voire des inquiétudes.
Aujourd'hui, alors que nous avions prévu d'en financer 300 ou 350, nous avons reçu 750 demandes sur tout le territoire national. Il va donc nous falloir être extrêmement professionnels pour nous assurer que l'implantation d'une maison de l'emploi correspond bien aux besoins locaux et permet d'assurer l'intégration de toutes les fonctions, la formation, la prévision des besoins, l'accueil, la mise en relation entre demandeurs d'emploi et entreprises, etc.
Vous avez déclaré soutenir en termes budgétaires les orientations du projet de loi, monsieur le rapporteur spécial. Mais en fait c'est une question plus large, de politique économique et de politique sociale, que vous soulevez.
Vous le savez, les exonérations, les soutiens, les crédits remboursables à l'innovation ou à l'exportation, toutes ces aides qui sont à la fois ponctuelles et nécessaires à l'activité ne ressortissent pas au budget du ministère de l'emploi et des affaires sociales mais au budget du ministère de l'économie et des finances. J'observe qu'un certain nombre de dispositifs sont prévus cette année, sauf en ce qui concerne l'export. Le Sénat le sait pour en avoir d'ores et déjà délibéré, un effort a été accompli en faveur des contrats spécifiques à l'export de trois ans.
En définitive, la question plus large qui se pose est la suivante : que reste-t-il à faire dès lors que les efforts préalables de cohésion sont engagés et sachant que nous sommes confrontés à la compétition mondiale ?
Nous devons en fait résoudre deux problèmes.
Le premier est d'assurer l'adaptation nécessaire tout en respectant les talents des collaborateurs des entreprises concernées par des mutations. C'est bien là la question de fond. Aujourd'hui, quand il y a licenciement, il y a en général isolement, et le « retour » dans le monde du travail, des compétences est rarement suffisamment rapide. Voilà la difficulté en même temps que la cause de la forte rigidité de notre système et des limites des procédures qui ont été mises en place.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement s'est attaché à chercher, avec les partenaires sociaux et les dirigeants de plusieurs entreprises, une formule qui permette aux collaborateurs licenciés de recommencer rapidement à exercer leurs talents. Les entreprises de leur secteur ont besoin d'eux et, parallèlement, cela permettra d'éviter des situations extrêmement douloureuses.
Cette formule porte pour l'instant un nom technique impropre, à savoir « contrat intermédiaire ». Nous allons continuer à y travailler, car il n'y aura pas de développement économique sans optimisation des talents, compétences et ressources humaines de ce pays.
Le second problème tient à ce que le modèle français fait peser sur le contrat de travail l'ensemble du dispositif ; c'est en effet un sujet qui appelle une réflexion plus large.
En fait, si l'on considère l'ensemble du dispositif, il va de la protection sociale au logement. Dans le domaine du logement, nous avons déjà fait des avancées spectaculaires.
Je me permets de rappeler que c'est bien sur le contrat de travail que reposait le financement du logement conventionné puisque le bénéfice du dispositif du 1 % logement était réservé aux salariés des entreprises éventuellement fédérées par branche d'activité et relevant de l'UESL, l'Union d'économie sociale pour le logement. Un tel mode de financement du logement social « marche » bien en période de plein emploi, mais on voit bien qu'il ne fonctionne plus quand 4,5 millions de personnes ne sont plus en situation d'emploi et sont donc purement et simplement écartées du dispositif, d'où la crise du logement social ou conventionné que nous avons connue.
La loi du 1er août 2003 a réformé en profondeur notre système. Elle a à la fois porté sur la gouvernance des organismes et sur l'utilisation des fonds. L'aide n'est plus réservée aux seuls titulaires de contrat de travail à proprement parler, mais accordée à tous les salariés ou ex-salariés qui en ont besoin en France. C'est donc une évolution profonde.
La question est de savoir si on peut envisager une assiette plus large que celle qui découle du seul contrat de travail pour d'autres éléments de la protection sociale au sens large. Plusieurs sénateurs et plusieurs présidents de commission y réfléchissent, le Gouvernement également. L'ancien ministre des finances a lancé une piste et engagé un travail d'études sur cette question. Notre ministère y travaille également. Nous devons examiner objectivement les conséquences de cette évolution que l'internationalisation des échanges et la compétitivité rendent probablement nécessaire.
En résumé, monsieur le rapporteur spécial, nous nous attachons à apporter une double réponse aux problèmes auxquels nous sommes confrontés : d'une part, rendre le système social plus performant pour aller vers ceux qui en ont vraiment besoin, car il n'est plus tenable que, dans ce pays, les difficultés s'accumulent toujours sur les mêmes ; d'autre part, assurer une forme de sécurité des parcours, mieux utiliser les compétences professionnelles, adapter nos entreprises, mener une réflexion approfondie pour redéfinir l'assiette sur laquelle doit reposer l'ensemble de notre système de protection sociale.
Nous travaillons dans ce sens et nous continuerons à le faire. Le contrat intermédiaire devrait constituer une première avancée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Louis Souvet, rapporteur pour avis.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour le travail et l'emploi. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de budget du travail pour 2005 représente un volume de crédits tout à fait considérable, supérieur à 32 milliards d'euros, ce qui en fait le troisième poste de dépenses de l'Etat, derrière l'éducation nationale et la défense. Même en excluant les crédits de la formation professionnelle, les crédits s'élèvent encore à plus de 27 milliards d'euros.
Avant d'analyser les principaux aspects de ce projet de budget, je voudrais brièvement rappeler le contexte dans lequel il s'inscrit.
Après une année 2003 particulièrement difficile, marquée par la perte de 80 000 emplois salariés, l'économie française a renoué en 2004 avec les créations d'emploi. Cette amélioration, soutenue par la reprise économique, n'a cependant pas été suffisante pour faire baisser le taux de chômage, qui s'est maintenu au niveau élevé de 9,9 % de la population active, taux supérieur à celui des grands Etats comparables.
On sait néanmoins que l'emploi suit toujours la croissance avec retard, ce qui permet d'envisager l'année 2005 avec plus d'optimisme. Le Gouvernement en attend une baisse de 10 % du taux de chômage. Cet objectif ambitieux n'est pas irréaliste, surtout si l'on tient compte des futurs contrats d'avenir, qui permettront de ramener vers l'emploi les chômeurs de longue durée.
Le contexte étant posé, j'aimerais maintenant concentrer mon intervention sur deux thèmes : l'impact du plan de cohésion sociale sur les crédits de l'emploi, d'une part, et la politique d'allégement des charges sociales, d'autre part.
Tout d'abord, je vous confirme que ce projet de budget permet de financer l'ensemble des mesures du plan de cohésion sociale. C'est suffisamment rare, monsieur le ministre, pour que nous nous en réjouissions avec vous.
Il arrive même - c'est le cas pour la dotation du fonds départemental pour l'insertion - que les crédits inscrits en loi de finances aillent au-delà des engagements du plan de cohésion sociale.
Le projet de loi de finances anticipe la réforme des contrats aidés prévue par le projet de loi de cohésion sociale.
L'économie qui résultera de la baisse du nombre d'emplois-jeunes permettra de financer les mesures nouvelles proposées par le Gouvernement, en particulier les contrats d'avenir.
Les contrats emploi-solidarité et les contrats emploi consolidé vont être remplacés par le contrat d'accompagnement vers l'emploi, qui offrira un meilleur suivi des chômeurs.
Des contrats déjà existants seront rénovés.
Le contrat initiative-emploi deviendra le seul contrat aidé dans le secteur marchand et son régime sera assoupli afin qu'il puisse s'adapter aux situations locales.
Le contrat d'insertion-revenu minimum d'activité, qui n'a pas pour l'instant répondu aux attentes, sera désormais ouvert aux titulaires de l'allocation spécifique de solidarité et les droits sociaux des bénéficiaires seront renforcés.
Enfin, le contrat d'insertion dans la vie sociale, ou CIVIS, ne comportera plus de volet « emplois d'utilité sociale ».
Je voudrais m'attarder un instant sur le volet « accompagnement » du CIVIS pour rappeler que le Sénat a voté, lors de l'examen du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, un amendement qui transfère la gestion du CIVIS des régions vers l'Etat. Cette mesure vise à sauvegarder un instrument que les régions semblent peu enclines, et c'est le moins que l'on puisse dire, à utiliser.
M. Roland Muzeau. Surtout après les élections !
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. Si ce transfert devait être confirmé dans le texte définitif, il faudrait en tirer les conséquences sur le plan budgétaire. En effet, une dotation de plus de 110 millions d'euros est inscrite dans le projet de loi de finances pour permettre aux régions de financer ce dispositif.
J'aimerais que le Gouvernement nous indique, dans cette éventualité, à quel usage il compte réaffecter ces crédits.
Par ailleurs, la mesure phare du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale reste la création du contrat d'avenir, qui s'adresse aux bénéficiaires de minima sociaux.
Il s'agit d'un contrat d'une durée maximale de trois ans, signé avec des employeurs du secteur non marchand. Il comprend un accompagnement personnalisé pour son bénéficiaire et débouche sur une qualification. Dans le projet de budget, 383 millions d'euros sont inscrits pour financer cette mesure.
La seconde mesure centrale du plan de cohésion sociale porte sur la création des Maisons de l'emploi. Elles doivent favoriser la coordination entre les différents acteurs du service public de l'emploi, l'ANPE, l'UNEDIC, les missions locales, l'AFPA, etc.
En 2005, 75 millions d'euros seront consacrés au fonctionnement de ces nouvelles structures, notamment pour assurer le recrutement de 7 500 agents supplémentaires, et 45 millions d'euros seront affectés aux investissements nécessaires à leur mise en place.
L'autre nouveauté de ce projet de budget réside dans le recentrage du dispositif d'allégements de charges sociales, qui absorbe plus de la moitié des crédits disponibles.
La politique d'allégement du coût du travail peu qualifié, menée depuis une dizaine d'années, a produit des résultats positifs. Les estimations varient, mais l'on peut estimer qu'au bas mot 250 000 emplois ont été créés ou sauvegardés grâce à cette politique.
La loi « Fillon » du 17 janvier 2003 lui a donné une nouvelle impulsion en créant un mécanisme d'allégement dégressif de cotisations sociales pour les salaires compris entre 1 et 1,7 SMIC. Ce dispositif a permis d'atténuer de 60 % l'impact de l'augmentation rapide du salaire minimum, décidée par le Gouvernement, pour sortir du système, que l'on peut qualifier d'aberrant, des SMIC multiples. La convergence des SMIC sera achevée l'an prochain : le SMIC horaire aura, au total, progressé de 18 % en trois ans.
Il n'est pas question de remettre en cause aujourd'hui cette orientation, mais simplement de recentrer le dispositif sur sa cible privilégiée, c'est-à-dire sur les plus basses rémunérations. L'expérience comme la théorie montrent en effet que c'est pour les postes les moins qualifiés, rémunérés autour du SMIC, que le coût du travail est un facteur déterminant de la création d'emplois.
Le projet de loi de finances prévoit donc de limiter le bénéfice de l'allégement de cotisations aux rémunérations inférieures à 1,6 SMIC, au lieu de 1,7 SMIC actuellement. Cette mesure permettra à l'Etat d'économiser 1,2 milliard d'euros.
J'ajoute que la charge supplémentaire qui en résultera pour les entreprises sera compensée par d'autres mesures, notamment la suppression de la majoration de l'impôt sur les sociétés décidée en 1995.
Toujours dans le but de mieux cibler la politique d'allégement du coût du travail, le Gouvernement a décidé de consacrer 550 millions d'euros à une nouvelle aide à l'emploi destinée aux secteurs de l'hôtellerie, des cafés et de la restauration. Ces secteurs rencontrent en effet des difficultés de recrutement particulièrement aiguës en raison de la faiblesse des rémunérations et de la dureté du travail.
Cette mesure n'est que transitoire, dans l'attente d'une dérogation européenne pour appliquer un taux réduit de TVA à ces entreprises. Je serais heureux, monsieur le ministre, que le Gouvernement puisse nous apporter quelques indications sur l'état d'avancement de ces négociations.
Pour terminer mon propos, je souhaiterais évoquer la maquette budgétaire que le Gouvernement a présentée pour préparer l'entrée en vigueur, l'an prochain, de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF.
Les crédits du travail seront répartis en cinq « programmes », eux-mêmes subdivisés en une vingtaine « d'actions ». Ils seront accompagnés de plusieurs dizaines d'indicateurs de performance, qui doivent nous permettre de mieux évaluer l'efficacité des politiques publiques.
A ce propos, j'aimerais vous faire part de quelques commentaires.
D'abord, la variété des indicateurs retenus permet bien de couvrir l'ensemble des politiques de l'emploi et du travail. Ils sont à la fois quantitatifs, fondés sur des données statistiques, et qualitatifs, construits à partir « d'enquêtes-qualité », menées régulièrement auprès des usagers du service public. Quelques-uns, toutefois, seront difficiles à interpréter, comme celui, par exemple, mesurant le pourcentage d'emplois situés dans les secteurs « délocalisables ». L'idée est séduisante, mais de multiples facteurs, notamment fiscaux, entraînant la délocalisation, il sera malaisé d'isoler l'impact propre de la politique de l'emploi.
Ensuite, certains indicateurs sont davantage des indicateurs de moyens que des indicateurs de performance : il est utile d'informer les parlementaires du nombre de maisons de l'emploi, mais, pour juger de la bonne utilisation des crédits, il serait plus instructif de connaître le taux de retour vers l'emploi des personnes concernées.
Ces quelques réserves ne ternissent cependant pas le jugement globalement positif que la commission a porté sur cette maquette budgétaire. Les quelques défauts de jeunesse que j'ai pu discerner pourront sans doute être corrigés d'ici à la présentation du prochain budget.
Au total, messieurs les ministres, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur l'adoption des crédits du travail pour 2005, ainsi que sur les articles 75 et 76 qui y sont rattachés, sous réserve, pour le second, de l'adoption d'un amendement que je vous présenterai à l'issue de la discussion générale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis.
Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la formation professionnelle. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis l'ouverture de cette session budgétaire, j'ai observé avec satisfaction la part essentielle qu'occupent la formation professionnelle et l'apprentissage dans la politique de l'emploi du Gouvernement.
Plusieurs de ses membres, le Premier ministre lui-même, sont venus à cette tribune témoigner de l'importance qu'ils attachent à la formation et qui s'est traduite par l'adoption de nombreux textes, sans compter le projet de loi pour la cohésion sociale actuellement en cours d'examen.
Ces textes ont permis de clarifier la répartition des compétences au profit des régions, d'améliorer la formation en alternance grâce au contrat de professionnalisation, de surveiller les organismes de formation ou d'assainir les sources de financement et de collecte des fonds de la formation.
En analysant ce projet de budget pour 2005, je vais essayer de vous présenter de la façon la plus claire possible - le Gouvernement reconnaît lui-même qu'une grande confusion règne dans la présentation des crédits - tous les espoirs que je mets dans le développement de la formation professionnelle, élément majeur de notre cohésion sociale. Nous espérons que l'entrée en vigueur de la LOLF rendra plus lisibles les lignes budgétaires, grâce à leur présentation par missions, programmes et actions, même si, d'ores et déjà, je me demande pourquoi le programme 3, consacré aux crédits de la formation professionnelle s'intitule « accompagnement des mutations économiques, sociales et démographiques » et non pas, plus simplement, « formation professionnelle ».
Dans sa présentation actuelle, le budget de la formation professionnelle pour 2005 semble baisser de 3 %. Toutefois, si on l'examine à périmètre constant, il est en hausse de 1,9 % et ouvre 5,1 milliards d'euros de crédits. C'est presque 100 millions d'euros de plus qu'en 2004, ce dont nous pouvons nous féliciter.
Les crédits consacrés à la formation en alternance augmenteront - il faut le souligner - de 27 % et ceux de l'apprentissage de 50 %. Ils sont la traduction budgétaire de l'objectif du plan de cohésion sociale de porter à 500.000 le nombre d'apprentis en cinq ans. Pour les contrats de professionnalisation destinés aux jeunes et aux chômeurs de plus de 45 ans, le Gouvernement prévoit de relever les crédits de 22,5 %.
S'agissant des crédits finançant les formations des demandeurs d'emploi mises en place par l'Etat, leur baisse résulte de transferts de crédits vers le budget du travail. En revanche, et c'est un bon point, les crédits consacrés à l'illettrisme et aux ateliers de pédagogie personnalisée augmenteront sensiblement. La subvention de l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l'AFPA est, quant à elle, reconduite en 2005, étant précisé que cette association évoluera dans un contexte totalement inédit, plus concurrentiel et tourné vers un financement régional.
J'en viens aux dotations que l'Etat accordera en 2005 aux régions dans le cadre de la décentralisation de la formation professionnelle. Elles progresseront de plus de 10 %, en raison des transferts parallèles de crédits pour la prime d'apprentissage, de la création de la contribution au développement de l'apprentissage et du financement du CIVIS, promis d'ailleurs à d'importantes évolutions d'ici à la fin de l'année, comme vient de le souligner mon collègue M. Souvet.
Cet ambitieux programme et les efforts financiers qui l'accompagnent montrent bien que l'emploi est notre principale préoccupation et qu'il requiert une formation initiale, puis continue, tout au long de la vie, pour s'adapter aux nouveaux produits, aux nouvelles pratiques et aux nouvelles technologies.
Je pense, monsieur le ministre, qu'il faut réserver un large écho à toutes ces mesures et notamment changer les mentalités dès l'école, si l'on veut atteindre l'objectif de 500.000 apprentis en cinq ans. Nous attendons beaucoup de ce grand projet sur l'école que prépare le ministre de l'éducation nationale, car l'école est la base de lancement du futur. Il faut savoir dire aux enfants de l'école primaire, comme on l'enseignait autrefois au travers des leçons de morale, que travailler est essentiel dans la vie et qu'on ne se réalise pleinement que dans une tâche noblement accomplie,...
M. Gérard Longuet. Très bien !
Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis ...que travailler de ses mains est aussi gratifiant qu'exercer un métier intellectuel ou scientifique et que nos cathédrales et toutes nos richesses historiques ont été le fruit d'efforts, de volonté, de courage qui ont fait la grandeur de notre pays.
M. Charles Revet. Il y en a beaucoup d'exemples.
Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis. Les enfants ont besoin qu'on leur explique ces choses-là, mais il faut aussi faire changer la mentalité des parents, des enseignants et des éducateurs qui, depuis des décennies, ont dévalorisé le travail manuel et ignoré ou vilipendé le monde des entreprises. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Roland Muzeau. C'est scandaleux !
Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis. Tant pis si cela fait mal : c'est la vérité ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Roland Muzeau. C'est scandaleux d'accuser les enseignants. C'est trop facile !
Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis. II faut faire bénéficier les éducateurs, les formateurs, les enseignants d'une formation continue périodique pour qu'eux aussi s'adaptent aux nouvelles techniques et technologies. D'ailleurs, notre Haute Assemblée a fait une proposition en ce sens dans le texte de cohésion sociale.
Sur le plan financier, monsieur le ministre, votre budget s'accompagne une fois encore d'une pression financière accrue sur les entreprises pour alimenter le fonds d'apprentissage. N'allons-nous pas trop loin ? Le crédit d'impôt de 1 600 euros par apprenti, avec lequel nous souhaitons les appâter, ne doit pas, à mon sens, être affaibli par votre proposition de suspendre les exonérations de cotisations si le diplôme est obtenu rapidement. Nous risquons de décourager les entreprises qui se seront investies dans des référents ou des tuteurs de l'apprentissage et obtenir l'effet inverse du but recherché.
L'apprentissage est une filière de réussite dans laquelle les élèves, notamment ceux qui sont en difficulté scolaire, peuvent trouver une voie valorisante. Il faut encourager cette façon de s'élever par sa compétence et son savoir.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous faire part de notre rencontre, à Orléans, avec les jeunes du centre de formation des apprentis du bâtiment, à laquelle participait M. Laurent Hénart. Une trentaine de ces jeunes sont venus témoigner de leur travail, de leurs espoirs et de la joie que leur procurait leur réussite. Certains étaient là pour apprendre un métier après des études universitaires qui ne leur convenaient pas. Tous ont dit ? et M. le secrétaire d'Etat en était presque agacé ? qu'ils n'avaient pas été écoutés et qu'ils avaient été mal orientés à l'école, uniquement parce qu'ils n'étaient pas de mauvais élèves...
Nous avons également reçu ce même jour le témoignage de la fédération des bâtiments et travaux publics, qui souffrait de besoins criants de main-d'oeuvre et était prête à consentir beaucoup d'efforts pour améliorer la situation matérielle des apprentis, notamment par une adaptation des structures d'accueil pour les filles et par un développement des internats.
Le « Papy boom » va priver la France d'une main- d'oeuvre de qualité. Des milliers d'entreprises vont disparaître faute d'employés formés et motivés. La fédération des BTP, celle de la métallurgie et bien d'autres sont prêtes à s'investir. Ne les démotivons pas. ! Elles souhaitent donner aux hommes de demain la passion de ce qu'ils font et le goût de bien faire.
Bien évidemment, certains de mes collègues ont pu dire que votre réforme, monsieur le ministre, inquiétait les prestataires de formation comme les organismes privés ou l'AFPA. J'ai auditionné les plus hauts responsables de ces structures et, à ma grande surprise, j'ai rencontré des gens attentifs, intéressés, motivés et sereins.
Evidemment, la régionalisation de l'AFPA doit être bien préparée. D'ici à 2008, cette dernière bénéficiera de subventions publiques pour lui permettre de faire face à la concurrence des autres établissements privés. Le climat est, selon ses représentants, « calme et grave » puisqu'ils doivent envisager avec lucidité des licenciements inévitables.
Pour ce qui est de l'ANPE, qui approuve les contrats de professionnalisation, elle souhaite qu'une communication étroite s'installe avec l'UNEDIC, grâce aux technologies informatiques.
S'agissant des nombreuses associations qui gravitent autour de l'emploi, il faudrait établir un contrôle d'efficacité et de rentabilité pour encourager celles qui se mobilisent pour l'emploi et non pas celles qui vivent du manque d'emploi.
Pour conclure, messieurs les ministres, mes chers collègues, je traduirai ici les recommandations de la commission des affaires sociale : aucune insertion durable dans l'emploi ne peut réussir sans un accompagnement et/ou un temps de formation ; les organismes de formation ne doivent pas orienter la demande, mais répondre aux besoins des entreprises, je pense notamment à l'hôtellerie, au bâtiment ; il faut assouplir et revoir la durée et les horaires de travail des apprentis au moment où la branche BTP notamment s'est engagée à relever substantiellement leurs rémunérations ; il faut aussi améliorer la lisibilité des aides et organiser une mise en réseau de l'ensemble des acteurs de la formation et de l'insertion ; il faut que les futures maisons de l'emploi favorisent cette mise en réseau et qu'elles ne soient pas une « maison des chômeurs », mais « une niche pour l'emploi » ; il convient, enfin, de ne pas renforcer la pression financière sur les entreprises, c'est la raison pour laquelle je présenterai un amendement de suppression de l'article 75 rattaché.
Telles sont les inflexions que nous suggérons au projet volontariste que vous soutenez, monsieur le ministre, et auquel vous affectez les moyens financiers nécessaires. Nous gagnerons ainsi la bataille de l'emploi, car celui qui veut et entreprend trouve toujours un moyen, celui qui ne fait rien trouve toujours une excuse. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Roland Muzeau. Quatre millions de chômeurs, cela fait beaucoup d'excuses !
Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis. Pour toutes ces raisons, la commission des affaires sociales a donné un avis favorable sur le budget de la formation professionnelle pour 2005. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Plusieurs des questions qui m'ont été posées touchent, sous des formes différentes, au même problème.
Je répondrai à M. Souvet sur l'utilisation des 110 millions d'euros, et par là même à Mme Rozier qui a déposé un amendement concernant l'apprentissage. Cette somme était affectée initialement à trois volets de notre action : premièrement, au recrutement des référents, à l'implantation des maisons de l'emploi et à l'apprentissage, ce qui est toujours le cas ; deuxièmement, au développement des permanences d'accueil, d'information et d'orientation, les PAIO, ce qui est toujours le cas ; troisièmement, au financement de l'exonération des cotisations sociales entre l'obtention du diplôme et la fin du contrat, ce qui n'est plus le cas.
Certaines dépenses ont dépassé ce qui avait été prévu, le solde global restant identique. En fait, il y a eu un « reclassement » entre les différentes missions.
Concernant les HCR - les hôtels, cafés et restaurants -, monsieur le rapporteur, vous savez que nos propositions tiennent compte des conditions du secteur : conditions de travail, SMIC, conditions de vacances, de formation et de repos hebdomadaire.
Un accord professionnel a été signé, qui répond pour l'essentiel aux attentes liées à ces conditions ; il concerne notamment l'abandon du SMIC hôtelier, donc l'augmentation de la rémunération des personnels de l'hôtellerie.
Cet accord est la contrepartie de l'effort de l'Etat, dans l'attente de la réduction de TVA qui exige une approbation au niveau communautaire. En fait, il n'est pas question d'obtenir une réponse positive ou négative, il s'agit de déterminer parmi les deux niches qu'utilise la France laquelle doit disparaître.
Nous avons obtenu le soutien implicite de nos collègues allemands, et le ministre des finances continue à se battre sur ce front.
En attendant, les efforts réalisés en compensation de charges afin de permettre l'augmentation des salaires dans l'hôtellerie, les cafés et la restauration paraissent avoir d'ores et déjà commencé à produire des effets.
De surcroît, ces efforts ont permis de signer une convention professionnelle fixant le temps global de travail à 39 heures hebdomadaires dans la profession.
Voilà une profession qui était dans l'inquiétude et qui va mieux aujourd'hui, grâce à l'effort de l'Etat.
En ce qui concerne les indicateurs de performance, nous partageons votre avis, monsieur le rapporteur pour avis. Il est exact que les maisons de l'emploi ne constitueront qu'un indicateur « apparent », mais cet indicateur sera suffisant pendant un an. Après cela, c'est la qualité et le nombre des contrats d'avenir, « de sortie » et non pas « d'entrée », qui seront les bons indicateurs de la performance de ce nouvel outil. Je vous remercie d'avoir parlé d'erreur de jeunesse, et nous promettons de grandir dans l'année qui vient. (Sourires.)
Merci, en tous les cas, monsieur le sénateur, de vous être penché personnellement sur ces sujets complexes. Parfois, lorsque l'objectif est de tendre vers plus de simplification et de transparence, il est nécessaire de faire des détours avant d'en arriver aux choses simples.
Je répondrai maintenant plus particulièrement à Mme Rozier, rapporteur pour avis.
S'agissant de la suppression de l'exonération de charges avant le terme du contrat d'apprentissage dès l'obtention du diplôme, je viens de m'en expliquer à l'instant. Elle s'inscrit dans une réorganisation générale. Vous avez déposé un amendement à ce sujet, ce que je comprends, même si je ne peux y donner un avis favorable.
Quand à la formation professionnelle, nous avons appliqué la loi de 2004. L'Etat garde le contrôle des titres et, surtout, celui de la validation des acquis de l'expérience, sujet sur lequel nous avons du retard et éprouvons une incroyable difficulté à faire progresser nos idées.
Chaque fois que nous voulons faire avancer le processus qui permettrait de valider l'acquis de l'expérience, nous avons l'impression de remettre en cause toute la philosophie des diplômes français, secteur par secteur, comme s'il s'agissait d'instituer une sous-qualification. Cette question de la validation des acquis de l'expérience est un véritable problème culturel. Les services de M. Trégouët ainsi que les services de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle y travaillent.
Quant au partenariat, madame le rapporteur pour avis, il s'impose évidemment avec les régions, dans le cadre que nous avons indiqué.
Vous nous avez fait part de vos inquiétudes sur le coût de l'apprentissage pour les entreprises. Nous nous sommes employés à faire en sorte que l'augmentation de la taxe par tiers se fasse sur trois ans alors que l'exonération intégrale est prévue dès la première année. Ce n'était pas, au départ, la position de certains ministères : nous avons tenu bon, pour prendre en compte les réalités microéconomiques, et je ne doute pas que nous serons soutenus par le Sénat sur ce point
Je profiterai enfin de ma présence en cette enceinte pour lancer un appel aux entreprises françaises.
En France, le taux d'apprentis dans les entreprises de plus de vingt salariés est de 0,6 % alors que les Allemands envisagent de faire passer ce taux de 6 % à 8 %, et ce de manière impérative.
Le taux d'emploi des jeunes en Allemagne n'a rien à voir avec le nôtre ; c'est une des grandes réussites allemandes. Nous voulions nous en rapprocher et atteindre 2 %. Le modèle fiscal a été construit sur cette base. Nous avons même envisagé, à une époque, d'imposer ce taux de 2 %, qui aurait dû être atteint en deux ou trois ans ; ce serait resté tout de même l'un des plus faibles d'Europe.
Nous avons préféré la procédure incitative, mais j'en appelle aux entreprises françaises pour qu'elles s'engagent dans la formation en alternance, formation royale pour les jeunes et pour les entreprises, à un moment où la pyramide des âges nous impose de préparer l'avenir.
M. le président. Nous passons aux questions des orateurs des groupes.
Je rappelle que chaque intervenant dispose de cinq minutes maximum pour poser sa question, que le ministre dispose de trois minutes pour répondre et que l'orateur dispose d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
La parole est à M. Georges Mouly.
M. Georges Mouly. Monsieur le ministre, vous avez organisé, en novembre dernier, la Conférence nationale pour le développement des services à la personne, ce qui a abouti à la signature d'une convention entre l'Etat et les principaux représentants du secteur.
L'objectif était de faire de ce secteur un pôle d'excellence, par l'engagement des acteurs en matière de qualité, de diversité et de facilité d'accès des services, mais aussi par l'instauration d'enseignes nationales afin d'offrir au public une meilleure lisibilité, par la valorisation des salariés grâce à la professionnalisation et par l'amélioration des conditions de travail. L'enjeu consistait à casser le déficit d'image et à créer 500 000 emplois en trois ans, sachant que le « gisement » est bien supérieur.
Un programme cadre sera présenté dans quelques semaines. On lui souhaite de réussir, car voilà des années que l'on parle de gisements d'emplois et que la situation n'a pas évolué.
Les quelques responsabilités que j'exerce sur le terrain me permettent de témoigner des difficultés rencontrées. Les réalisations donnent des satisfactions, mais que d'efforts déployés pour faire vivre et développer les services à la personne !
Permettez-moi, monsieur le ministre, à la lumière de cette expérience, de vous poser quelques questions.
Les premières ont trait à l'insertion par l'activité économique. L'agrément, préalable à l'embauche, est délivré pour une période de vingt-quatre mois incompressibles. C'est là un élément trop rigide, inadapté, notamment lorsqu'il s'agit d'insertion en intérim. Cette rigidité est surtout préjudiciable en cas de mauvaise orientation professionnelle.
Pour éviter de pénaliser un parcours d'insertion, il conviendrait d'introduire un peu plus de souplesse en comptabilisant différemment les périodes d'activité en insertion. Ne pourrait-on, par exemple, étendre la durée sur laquelle peut courir l'agrément, garder une période de vingt-quatre mois en activité sur une période de référence de quarante-huit mois, dans certaines conditions ? Cela permettrait de valoriser le parcours d'insertion.
Il existe en effet un réel problème de valorisation des parcours d'insertion. Les dispositifs d'insertion se font concurrence et ne permettent pas toujours une hiérarchisation du parcours. Situation paradoxale parfois quand on constate des retours à 1a case départ.
Dans le secteur marchand, notamment dans les services à la personne, l'entreprise d'insertion est une réelle passerelle, à condition qu'il existe un véritable partenariat autour du demandeur d'emploi. Quelle place peut être réservée à l'insertion par l'activité économique au sein du pôle d'excellence national ?
Une deuxième série de questions concernent les services à la personne. L'image de ces services n'est pas très bonne. L'ambition est de les rendre attractifs, d'offrir un service de qualité et de professionnaliser les acteurs.
Pour illustrer les difficultés rencontrées, je prendrai l'exemple d'un salarié qui intervient chez une personne âgée en qualité d'aide ménagère, chez une autre comme auxiliaire de vie et, chez une troisième, comme garde à domicile : non seulement sa rémunération est variable selon le type d'intervention, mais cette rémunération, même avec cette diversité d'employeurs, n'est pas assurée de façon stable.
Il y a là un manque de lisibilité, auquel s'ajoute des difficultés de formation et un foisonnement des modules. Un bon toilettage s'impose. L'occasion est sans doute donnée de réfléchir au mode de rémunération correspondant à un travail partiel et temporaire.
Enfin, mes dernières questions concernent la formation des personnels, garantie d'un service de qualité. Ce n'est qu'un aspect des choses, certes, mais il est important. Comment intégrer la notion de progression de carrière, de validation de l'expérience ?
Il est sans doute illusoire d'envisager - mais on peut toujours rêver - l'existence d'un statut pour ce genre de personnel, proche de celui qui existe pour les assistants maternels.
Pour les employés de maison, la contribution des employeurs à l'effort de formation continue constitue une difficulté supplémentaire. La multiplicité des employeurs rend la procédure complexe. En effet, une personne âgée n'est pas incitée à autoriser, sous sa seule responsabilité et à ses seuls frais, l'absence pour formation d'une aide à domicile employée de maison, alors que cette dernière partage son temps entre plusieurs employeurs. Il faudrait peut-être mutualiser les contributions, afin de permettre à ces personnes « multi-employées » de prétendre, elles aussi, à la formation continue. Cela contribuerait à rentre le secteur plus attractif.
Voilà une série de questions à plusieurs tiroirs, mais comment faire autrement sur un sujet si important, d'une telle implication humaine et sociale, que le Gouvernement porte, nous le savons, avec conviction.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail. Monsieur Mouly, vous avez souligné que les emplois de proximité représentent 70 000 emplois supplémentaires chaque année et nous savons qu'il existe une réserve importante en la matière. Nous sommes déterminés à faire en sorte que ces emplois soient multipliés par deux chaque année, afin d'atteindre l'objectif de 500 000 emplois créés dans les trois ans à venir.
Une convention nationale sur le développement des services à la personne a été signée le mois dernier, soit six semaines après le lancement de la mission, afin de mieux définir ce secteur qui manquait de reconnaissance et de centrer les projecteurs sur le potentiel qu'il représente.
Vous avez mis l'accent sur les nombreux efforts qui ont dû être faits par les communes et les cantons dans le cadre des centres communaux d'action sociale, les CCAS, et des associations, pour développer ce secteur des services à la personne en dépit du scepticisme qu'il suscite.
La convention structure le plan de développement autour d'un premier programme visant la constitution d'enseignes nationales issues de coopérations entre les différentes catégories de partenaires.
Le second programme touche à la nécessaire réorganisation de l'Etat face à l'enjeu du développement des services.
Nous sommes face à certaines incohérences : par exemple, les délais d'obtention de l'agrément, dispositif très complexe et encore en place aujourd'hui, ne sont pas compatibles avec ceux qui sont prévus par les dispositifs de créations d'entreprise de services à la personne, qui ne sont que de deux mois.
Vous avez évoqué la rigidité des contrats d'insertion et son impact sur les services à la personne.
Nous voulons prolonger la durée de ces contrats au-delà de vingt-quatre mois. La circulaire de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, la DGEFP, en date du 3 octobre 2003, a assoupli les modalités de l'agrément des publics accueillis dans les structures d'insertion. Par ailleurs, l'ANPE a la faculté d'étendre l'agrément. Nous avons là les outils qui devraient permettre de répondre à vos préoccupations, monsieur le sénateur. De plus, mon ministère et le pôle de cohésion sociale se tiennent à votre disposition pour vous aider à résoudre des difficultés que vous pourriez rencontrer à ce sujet.
J'en viens à la question du remplacement des salariés en formation. Les efforts de qualification des salariés du secteur des services à la personne relèvent notamment de la loi du 29 janvier 1996 et de celle du 4 mai 2004, qui ont précisément pour objet de permettre l'accès à la formation professionnelle tout au long de la vie.
Les particuliers employeurs visés sont désormais assujettis au financement de la formation des salariés et soumis à la contribution spécifique de 0,15 % de la masse salariale. La loi de 2004 ne modifie pas ce taux, mais elle précise qu'une contribution complémentaire de 0,10 %, destinée à financer les actions de professionnalisation peut être envisagée si un accord de branche est conclu.
J'ai signé, au début de l'été, un accord avec les fédérations professionnelles et les organisations syndicales afin de mettre en place cette nécessaire formation.
Le remplacement d'un salarié parti en formation est un sujet difficile, qu'il nous faudra approfondir, car nous n'avons pas aujourd'hui de véritable réponse globale au problème que vous posez, monsieur le sénateur.
Tels sont les éléments que je suis en mesure de vous apporter. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Georges Mouly.
M. Georges Mouly. Je vous remercie de vos réponses, monsieur le ministre.
Vous avez qualifié d'ambitieux l'objectif de 500 000 emplois. En réalité, les besoins sont exponentiels, liés à l'évolution démographique, au nombre de personnes âgées ou handicapées. Nous pouvons atteindre cet objectif quantitatif. Le problème est celui de la simplification des procédures.
Vous avez mis l'accent sur quelques éléments essentiels, en particulier sur la coopération entre les partenaires. Cette coopération ne va pas de soi, et je ne sais comment l'encourager. Pourtant, elle est absolument nécessaire si l'on veut éviter une trop grande diversité de situations et des chevauchements. La réorganisation de l'Etat est un vaste programme !
Vous avez insisté sur l'agrément. Deux aspects sont déterminants en la matière : l'un est quantitatif, voire administratif puisqu'il s'agit de la durée de l'agrément, l'autre est qualitatif et c'est le plus délicat. A cet égard, je rends hommage à la volonté manifestée par le Gouvernement et je ne doute pas qu'il réussira, car si cette étape était manquée, les conséquences de l'échec seraient durables dans un domaine essentiel sur le plan social et humain.
M. le président. La parole est à Mme Michèle San Vicente.
Mme Michèle San Vicente. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un contexte de restriction à tous les niveaux, le budget que nous examinons aujourd'hui est supposé recentrer les politiques de l'emploi pour que nos entreprises retrouvent leur compétitivité et leur dynamisme pour embaucher !
Quatre millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté en France ! L'INSEE indique que ce taux est mesuré en fonction des conditions de vie portant sur les contraintes financières des ménages, les retards de paiement, les restrictions à la consommation et, enfin, les difficultés liées au logement, ce que l'on peut lire dans l'exposé des motifs du plan de cohésion sociale.
L'un des objectifs de ce plan est le retour à l'activité de 200 000 personnes par an pendant cinq ans. On dénombre, en effet, près de 1 100 000 RMIstes aujourd'hui : 9 % de plus qu'il y a un an ! Les crédits consacrés aux publics en difficulté s'élèvent à 113 millions d'euros.
La France compte énormément d'emplois non satisfaits. Le nouveau contrat d'avenir est censé y remédier, mais, monsieur le ministre, si ces postes ne sont pas pourvus, c'est parce que la majeure partie d'entre eux sont mal payés ! S'il ne protège toujours pas de la pauvreté, à quoi sert, dès lors, un salaire ?
Cet arsenal de mesures de retour à l'emploi et leurs financements apparaissent, pour les milliers de personnes éloignées du travail, moins comme une nouvelle chance que comme un nouveau dispositif de politique fiscale assez avantageux pour les entreprises. La compensation des allégements de cotisations sociales s'élèvera, dans le projet de budget pour 2005, à 17,7 milliards d'euros, soit plus de la moitié du budget du ministère du travail !
Les abaissements de cotisations sociales sur les bas salaires, qui avaient été prévus par les lois Aubry, ont été transformés par François Fillon, sous couvert de convergence, en dispositif de compensation de la hausse du SMIC. Au passage, ce tour de passe-passe fait économiser à l'Etat 1 milliard d'euros par an, tandis que l'enveloppe budgétaire ajustant cette hausse reste, quant à elle, plafonnée à 17,1 milliards d'euros.
A ce stade du débat, il est intéressant de rappeler les propos de Mme Debonneuil, conseillère technique de M. Borloo, qui déclarait il y a peu : « Au premier rang des difficultés que rencontre notre pays, se trouve la compétitivité, c'est-à-dire la capacité à faire augmenter le revenu par habitant. »
Dans l'un de ses rapports, le Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale, ou CERC, notait que la population au smic d'aujourd'hui n'est plus la même qu'au moment de sa création. A l'époque, le SMIC s'adressait aux salariés les moins qualifiés pour les faire profiter des fruits de la croissance. (...) Le pouvoir d'achat est lié à plusieurs facteurs : le marché du travail, l'évolution du coût de la vie et la politique sociale. »
Des milliers d'emplois sont détruits depuis deux ans, les prix à la consommation flambent et la croissance ne redémarre pas. Malgré cela, le Gouvernement n'hésite pas à inscrire 6 milliards d'euros de prélèvements obligatoires, dont 900 millions d'euros au titre de l'élargissement de la CSG sur les salaires.
Voici ma question : le Gouvernement s'est fixé comme objectif l'austérité budgétaire et l'efficacité économique. Votre ministère fait actuellement la promotion du contrat d'avenir dans la presse : vingt-six heures rémunérés au SMIC, une formation et un suivi. De quel suivi s'agit-il, monsieur le ministre ? Ou, plus précisément, l'ambition sociale qu'exige ce suivi a-t-elle encore de l'avenir ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Madame la sénatrice, votre question recouvre de nombreux sujets.
Tout d'abord, vous avez rappelé que le plan de cohésion sociale représente un budget de plus de 13 milliards d'euros, sans parler des crédits affectés au dispositif de renouvellement urbain sur une durée de cinq ans. Permettez-moi de souligner que jamais un tel effort n'a été fait pour la cohésion sociale de notre pays !
Dans ce budget, nous avons obtenu tous les moyens que nous avions demandés pour mettre en place le plan de cohésion sociale et lui donner la dimension que nous avions souhaitée. Avec 185 000 contrats d'avenir et 115 000 contrats de retour à l'emploi, il ne s'agit pas d'un simple dispositif occupationnel, mais bien d'un parcours de retour à l'emploi. C'est la raison pour laquelle nous avons placé la formation au coeur des contrats d'avenir.
Vous avez souligné un paradoxe : nous comptabilisons 2 400 000 chômeurs alors que plus de 300 000 emplois ne sont pas pourvus. Je me rends au Mans demain pour étudier ce sujet avec l'ANPE.
Dans certains secteurs, il a été nécessaire de faire des efforts en termes d'attractivité financière et de formation. C'est le cas du secteur du bâtiment et je dois rendre hommage aux organisations professionnelles, qui, depuis trois ans, ont revalorisé la formation et les niveaux de rémunérations.
C'est également le cas du secteur HCR - hôtellerie, café, restauration - qui a pris des mesures analogues sur l'initiative du Gouvernement. Je rappelle que la disparition du SMIC hôtelier a conduit à une hausse de 11 % des rémunérations dans un secteur comportant de nombreux emplois disponibles.
Vous avez évoqué la compensation de 17,6 milliards d'euros. Dois-je vous rappeler qu'elle résulte, pour 10 milliards d'euros, de l'application des mesures prises par Mme Aubry ? Il est tout de même singulier de reprocher à ce gouvernement d'honorer les engagements du gouvernement précédent ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste. - Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Nous avons recentré le dispositif sur les bas salaires afin de permettre aux entreprises de faire un effort en matière salariale et de les inciter à créer des emplois. Je vous renvoie à la phrase suivante du rapport de M. Dutheillet de La Mothe : « Le dispositif sur les bas salaires a créé plus d'emplois que les 35 heures n'en avaient transitoirement créés. »
Telles sont, madame la sénatrice, les réponses que je suis en mesure d'apporter à vos questions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Michèle San Vicente.
Mme Michèle San Vicente. Le public de RMIstes auquel vous vous adressez requiert un fort encadrement. Croyez-vous vraiment que, dans le secteur du bâtiment appelé à redémarrer avec le plan de cohésion sociale, des maçons auront la patience de prendre ce public en charge ? Je sais que cela se pratique à Valenciennes, notamment pour la construction du métro.
Mme Michèle San Vicente. Comprenez-moi bien, monsieur le ministre, je ne souhaite pas voir échouer le dispositif. Mais je suis sceptique quant à la capacité des ouvriers ou des employés d'aider ce public à se réinsérer dans la société. Je compte davantage sur les entreprises d'insertion à cet égard.
Par ailleurs, parmi les nombreux RMIstes, certains sont diplômés : les salaires et les contrats d'avenir que vous proposez ne s'adressent pas à eux.
Mon propos est beaucoup plus large et je rejoins à cet égard Mme Printz, qui a souligné, dans son rappel au règlement, que l'on ne pouvait débattre en cinq minutes de masses financières aussi importantes, qui concernent un si grand nombre de concitoyens. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Bernadette Dupont.
Mme Bernadette Dupont. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos et la question qui s'ensuivra concernent particulièrement l'insertion professionnelle des jeunes.
La formation est un gage d'épanouissement professionnel pour le salarié et un outil essentiel du dynamisme économique. Je suis convaincue que, face aux fluctuations accélérées du marché de l'emploi et aux évolutions technologiques qui affectent les méthodes de travail, la compétitivité des entreprises et la protection des salariés dépendront moins d'un foisonnement de textes législatifs, que de la faculté d'adaptation et d'évolution de ces salariés.`
Dans ce cadre, je me félicite que la formation par alternance soit un axe fort de la politique du Gouvernement en matière de formation professionnelle, ainsi que le présent budget l'illustre.
Ainsi, en 2005, des crédits à hauteur de 1,9 milliard d'euros seront mobilisés pour les formations par alternance, soit une hausse de 27 % par rapport à la loi de finances de 2004. Ces crédits seront utilisés pour financer 434 000 contrats en alternance.
L'augmentation significative de ces crédits est à la hauteur des enjeux. En effet, environ 60 000 jeunes sortent chaque année du système éducatif sans aucune qualification ; ils rencontrent donc des difficultés pour s'insérer sur le marché du travail, comme en témoigne hélas ! le taux de chômage très élevé - de l'ordre de 40 % - de cette catégorie de la population. Cette situation est d'autant plus regrettable que nous connaissons, depuis quelques années déjà, des difficultés de recrutement dans certains secteurs d'activité.
M. Borloo a indiqué qu'une éclaircie se dessinait dans le domaine de l'hôtellerie et de la restauration ; je m'en félicite dans la mesure où la question avait été abordée ce matin, lors de l'examen des crédits relatifs au tourisme.
Au demeurant, les pénuries sectorielles et locales que nous rencontrons risquent de s'accentuer si nous ne faisons rien. La formation des jeunes par alternance semble être l'une des meilleures solutions pour veiller à l'adaptation des compétences des jeunes aux besoins présents et futurs.
Parmi les différentes mesures envisagées, le développement de l'apprentissage est certainement l'une des plus intéressantes.
Pour 2005, si l'on intègre toutes les mesures visant à favoriser l'apprentissage, les crédits s'élèveront à 3,12 milliards d'euros. En outre, ainsi que Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, l'a souligné, le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale a prévu trois nouvelles sources de financement de l'apprentissage : la nouvelle contribution sur l'apprentissage, le crédit d'impôt et le produit de la suppression des exonérations.
De fait, les crédits de l'apprentissage sont portés à 4,12 milliards d'euros, soit une augmentation de 20 % par rapport à 2004, augmentation justifiée par le souhait du Gouvernement de porter de 364 000 à 500 000 le nombre d'apprentis en cinq ans.
L'ensemble de cette politique d'insertion professionnelle des jeunes dans le monde économique me semble très encourageante pour l'avenir. Toutefois, je souhaiterais vous faire part de ma perplexité quant à une mesure annoncée dans le plan de cohésion sociale.
Dans le cadre de la hausse des crédits, vous avez prévu, monsieur le ministre, le financement à hauteur de 10 millions d'euros des exonérations de cotisations sociales en faveur du recrutement en apprentissage des jeunes dans la fonction publique territoriale, hospitalière et d'Etat : il s'agit du dispositif PACTE. Dès à présent, vous avez prévu, pour cette filière, 4 000 entrées supplémentaires en apprentissage.
Si l'apprentissage semble avoir vocation à permettre au jeune d'acquérir une formation, un savoir-faire, et d'apprendre un métier auprès d'un tuteur qui le guide dans son apprentissage, je me pose toutefois la question de savoir quelle réponse peut réellement apporter la fonction publique eu égard à l'articulation d'une telle mesure avec le principe d'accès à la fonction publique par le biais de concours. Quel sera alors le statut de ces apprentis dans un cadre qui est déjà très complexe ?
Ce dispositif a fait l'objet d'une négociation le 6 décembre dernier, me semble-t-il, entre le Gouvernement et les organisations syndicales sur les conditions de sa mise en place. Monsieur le ministre, je souhaiterais connaître l'état d'avancement de ces négociations ainsi que les premières pistes envisagées pour mettre en oeuvre ce dispositif. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Madame la sénatrice, je connais votre préoccupation quant à l'entrée des jeunes dans la vie active. Nous ne pouvons en effet nous résoudre à figurer parmi les derniers pays européens pour ce qui concerne le taux d'activité des jeunes ; nous y figurons déjà pour celui des séniors.
Le Gouvernement a donc décidé d'engager sur ces deux fronts une bataille qu'il est nécessaire de livrer pour que nous retrouvions, tant pour les jeunes que pour les séniors, un taux d'activité compatible avec la situation démographique que nous allons connaître dans notre pays. Il s'agit tout simplement de promouvoir des facteurs d'inclusion. Le plan de cohésion sociale ne vise-t-il pas à remédier à toutes les formes d'exclusion de notre société, que ce soit dans le domaine du logement, du travail ou du système éducatif ?
Laurent Hénart, qui, je le dis en passant, rencontre cet après-midi des représentants des missions locales en vue de déterminer comment permettre à des personnes qui ont connu des échecs dans diverses voies de suivre un apprentissage, a fixé, à la demande de M. le Premier ministre et de Jean-Louis Borloo, un objectif de 500 000 apprentis en cinq ans.
Pour ce faire, nous avons souhaité nous inspirer de l'expérience allemande : en Allemagne, la question est de savoir si les entreprises prennent 6 % ou 7 % d'apprentis. Je le rappelle, dans nos très grandes entreprises, les chiffres sont particulièrement bas puisque ce taux est de 0,6 %.
Le plan de cohésion sociale concerne très clairement les trois fonctions publiques - et je ne doute pas que vous apporterez, mesdames, messieurs les sénateurs, votre soutien au texte issu des travaux de la commission mixte paritaire - pour les postes vacants qu'elles offrent, car il ne s'agit pas de créer de nouveaux postes au sein de la fonction publique.
Aujourd'hui, il faut bien le dire, l'accès aux emplois publics des jeunes qui sortent sans qualification du système éducatif est extrêmement difficile, voire impossible, même si l'on a connu, notamment dans la fonction territoriale, un certain nombre d'expériences positives.
Au terme d'une période de formation alternée, pendant laquelle les jeunes auront le statut d'apprenti pour une durée maximale de deux ans, il leur sera proposé d'intégrer la fonction publique en qualité de fonctionnaire par le biais d'un examen professionnel. Il s'agira d'un contrat de droit public ouvert pour des corps et cadres d'emploi de catégorie C. Par ailleurs, ce dispositif ne remet pas en cause le principe de l'égalité d'accès aux emplois publics.
La question était inscrite, voilà trois jours, à l'ordre du jour du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat. Les organisations syndicales ont souhaité poursuivre la concertation sur ce dispositif. L'examen de la proposition législative par le Conseil supérieur interviendra au début de l'année prochaine. Mais je puis vous dire, madame Dupont, la détermination qui est la nôtre de faire en sorte que les fonctions publiques participent à la mise en place de l'alternance.
Après avoir procédé aux concertations nécessaires, nous prendrons des décisions qui bouleverseront peut-être certains cloisonnements, mais qui sont essentielles pour faire en sorte que le défi de l'apprentissage soit relevé aussi bien par le secteur privé que par le secteur public.
M. le président. La parole est à Mme Bernadette Dupont.
Mme Bernadette Dupont. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Toutefois, je tiens à vous dire que les représentants syndicaux et les représentants des personnels qui ont passé les concours de la fonction publique voient arriver d'un mauvais oeil les personnes qui y accèdent par des voies détournées. D'une façon générale, dans la fonction publique territoriale, fonction publique que je connais, on les oblige à passer ces concours.
Monsieur le ministre, j'aimerais savoir si les négociations ont vraiment eu lieu et si les représentants syndicaux se sont exprimés sur ce point. Je pense d'ailleurs que ces discussions ne s'éterniseront pas dans la mesure où chacun se sent suffisamment concerné.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Les discussions sont entamées, madame la sénatrice, et c'est naturel : les instances de concertation sont là pour échanger. Cela dit, madame Dupont, ce qui a été possible à Sciences-Po doit l'être aussi dans la fonction publique territoriale !
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais revenir sur un sujet qui a été très largement au coeur de la discussion budgétaire de l'an dernier : il s'agit des conditions d'attribution de l'allocation de solidarité spécifique, l'ASS.
La réforme proposée dans la loi de finances de 2004 portait sur trois points : elle limitait la durée de versement de l'allocation pour les allocataires âgés de moins de cinquante-cinq ans, elle supprimait l'accès à la majoration de l'ASS à compter du 1er janvier 2004 pour les nouveaux entrants, elle modifiait le barème de l'ASS pour les bénéficiaires vivant en couple et entrés dans le dispositif avant le 1er janvier 1997.
Le groupe UDF, que ce soit à l'Assemblée nationale ou au Sénat, n'avait pas manqué de souligner toute l'injustice qu'il y avait à pénaliser ainsi les chômeurs de longue durée.
La mise en oeuvre de la réforme a provoqué une émotion très forte, et nous avons tous en mémoire l'intervention de M. le Président de la République le 1er avril dernier annonçant la suspension de la « mise en oeuvre de la mesure relative à l'ASS ».
M. Roland Muzeau. C'est vrai !
Mme Valérie Létard. Les Français qui ont entendu cette déclaration ont compris que la réforme de l'ASS était suspendue et, par voie de conséquence, que les trois mesures de restriction que je viens de citer étaient effectivement retirées.
Dans les faits, il apparaît que seule la mesure touchant à la durée d'indemnisation ait été rapportée, les deux autres restant en vigueur.
En conséquence, depuis le 1er janvier 2004, les chômeurs âgés de plus de cinquante-cinq ans ne perçoivent plus la majoration de six euros par jour qui s'ajoutait à l'allocation de base, dont le montant maximum est lui-même de 13,76 euros.
Or, même si le taux d'activité des personnes âgées de cinquante-cinq ans à soixante-quatre ans a cessé de diminuer, ce qui fut constamment le cas jusqu'en janvier 2000, il reste encore faible en France puisqu'il est inférieur de près de quinze points à la moyenne des pays de l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques. Le chômage des salariés âgés est une réalité sociale qui est toujours douloureuse.
Comme l'indiquait dans son rapport sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 mon collègue Dominique Leclerc, « les entreprises demeurent globalement passives face au vieillissement démographique et l'image des séniors n'a guère évolué ».
Dans cet environnement très difficile, la suppression de la majoration de l'ASS représente une pénalisation supplémentaire pour des personnes que leur âge et souvent leur défaut de qualification rendent déjà particulièrement fragiles sur le marché de l'emploi.
Ma question sera triple, monsieur le ministre.
Entendez-vous revenir sur les dispositions de la réforme de l'ASS qui sont restées en vigueur depuis le 1er janvier 2004 malgré l'engagement présidentiel de suspendre cette réforme ?
Comment comptez-vous donner un contenu réel aux déclarations de principe invitant à développer le travail des séniors au moment où le Gouvernement invite les partenaires sociaux à ouvrir une négociation interprofessionnelle sur les relations individuelles et collectives de travail visant à favoriser des pratiques innovantes dans la gestion des ressources humaines ?
Enfin, comment analyser cet objectif lorsque, dans le même temps, le dispositif d'aide public d'appui à l'élaboration des plans de gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences dans les PME, dispositif prévu par la loi de modernisation sociale, n'a fait l'objet d'aucun décret d'application ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Madame la sénatrice, la réforme de l'allocation de solidarité spécifique instaurée par le décret du 30 décembre 2003 limitait la durée de bénéfice de cette allocation à trois ans pour les bénéficiaires en cours et à deux ans pour les nouveaux entrants, mis à part les allocataires âgés de plus de cinquante-cinq ans.
Le Président de la République a demandé au Gouvernement, le 1er avril dernier, de suspendre cette limitation afin de prendre en compte la situation des personnes concernées dans le contexte plus général de la réforme de l'assurance chômage, sujet que nous aborderons au début de l'année prochaine avec les partenaires sociaux. Dans le projet de budget pour 2005, cela représente 500 millions d'euros.
Les autres dispositions du décret restent en vigueur ; il s'agit notamment de l'uniformisation du plafond de ressources et de la majoration de l'ASS.
L'hypothèse retenue dans le projet de loi de finances pour 2005 représente un peu plus de 2,27 milliards d'euros, si l'on tient compte des ressources propres du fonds de solidarité.
Un nouveau décret, qui est actuellement en préparation, sera très prochainement pris pour ce qui concerne la durée de versement de l'ASS.
Dans le cadre du plan de cohésion sociale, le contrat d'avenir et le CIRMA, le contrat d'insertion-revenu minimum d'activité, s'adresse aux « bénéficiaires », si je puis dire, de l'ASS. En effet, nous voulons non pas seulement verser à ces derniers des allocations de solidarité, mais également et surtout les aider à retrouver un emploi.
Demain matin, au Mans, avant de me rendre dans une ANPE innovante en matière d'emplois non pourvus, je participerai à l'un des six séminaires interrégionaux que nous avons organisés pour préparer, non seulement l'ensemble des services, mais également les ANPE et les ASSEDIC à mettre en place ces nouveaux contrats. Quel que soit l'âge des titulaires de l'ASS, il faut les accompagner dans leur démarche de retour vers un emploi.
Vous avez évoqué la négociation interprofessionnelle pour les séniors. Nous allons devoir être innovants et ne pas nous limiter à la question de la pénibilité. Il faut prendre en compte le rôle et la place des séniors dans la transmission de la connaissance, dans le tutorat, et mettre en place un dispositif de cessation progressive d'activité pour qu'ils puissent contribuer à l'accompagnement des jeunes.
La place des séniors dans notre société doit être reconnue. Nous devons mettre fin à cette habitude vieille de trente ans consistant à en faire la variable d'ajustement des plans sociaux ou des restructurations, qui sont monnaie courante dans toutes les économies ouvertes.
Sur ce point, en tout cas, nous partageons votre préoccupation, madame la sénatrice.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Je remercie M. le ministre de sa réponse. Je salue, bien évidemment, le travail et les efforts accomplis en ce domaine, notamment les mesures prises dans le cadre de la loi de cohésion sociale, qu'elles visent à favoriser l'accompagnement des personnes les plus éloignées de l'emploi ou à trouver des solutions pour les ramener dans un dispositif d'insertion professionnelle, et ce quel que soit leur âge.
Il n'en reste pas moins que les bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique, quand cette solution ne leur est pas offerte, ne disposent alors que d'un revenu extrêmement faible. Sont principalement visées par cette mesure les personnes de plus de cinquante-cinq ans, c'est-à-dire celles qui ont le plus de mal à revenir vers l'emploi.
Si le montant de l'ASS pour une personne seule est équivalent à celui du RMI, les droits liés ne sont pas les mêmes.
Ainsi, un bénéficiaire du RMI est exonéré de la taxe d'habitation, alors qu'un bénéficiaire de l'ASS, lui, doit l'acquitter. La disparité entre ces deux situations est énorme : le fait de percevoir six euros quotidiens serait une compensation.
Ce n'est là qu'un exemple parmi d'autres ; je pourrais en citer bien d'autres. La commission des affaires sociales ne manquera pas d'étudier de près ces différents cas. Elle envisage d'ailleurs d'établir un diagnostic global de l'ensemble des minima sociaux et des droits qui y sont liés, afin de lutter contre les trop nombreux effets pervers du système : non seulement il est très malaisé de vivre décemment en ne percevant qu'une allocation minimale, mais, de plus, les droits liés varient selon les allocations, ce qui ne va pas sans entraîner de grandes difficultés. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, ainsi que sur celles du RDSE et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, malgré les apparences - des crédits affichés en hausse et l'engagements du Premier ministre de faire passer le taux de chômage sous la barre des 9 % en 2005 - ce projet de budget ne reflète pas une véritable volonté de mobilisation en faveur d'un plein emploi de qualité. Il est, au contraire, marqué par la « patte » ultralibérale de M. Sarkozy.
Comment prétendre sans rougir vouloir favoriser le pouvoir d'achat des Français et, dans le même temps, augmenter les prélèvements sociaux, en raison, notamment, des contre-réformes des retraites et de la sécurité sociale, tout en développant des solutions de contournement des 35 heures, via le compte épargne-temps ?
Ce dernier a en effet pour objet, non de permettre à ceux qui le désirent de pouvoir travailler plus pour gagner plus, mais d'officialiser, au sein de l'entreprise, l'accomplissement d'heures supplémentaires non majorées et non rémunérées, comme le souhaite le MEDEF.
Aux cadeaux fiscaux déjà prévus en faveur des entreprises ou des familles les plus aisées, le Gouvernement ajoute de nouveaux cadeaux, dont la réduction de l'impôt de solidarité sur la fortune.
En revanche, lorsqu'il s'agit de répondre aux besoins immédiats, quasiment vitaux, des chômeurs, des personnes en situation précaire, des bénéficiaires de minima sociaux, les réactions sont lentes et moins sécurisantes.
L'exemple de la « prime de Noël », d'un montant dérisoire quasiment inchangé depuis 1997, qui n'est accordée qu'aux bénéficiaires de l'ASS, du RMI et de l'allocation de parent isolé, l'API, et qui doit être reconduite chaque année, au bon vouloir des gouvernements, est révélateur.
Monsieur le ministre, les 32 milliards d'euros qu'affiche votre projet de budget ne peuvent nous convaincre que l'emploi a été épargné par la rigueur budgétaire et qu'un infléchissement, un « cap nouveau » sont donnés à la politique de l'emploi.
Comme l'an passé, je remarque que la principale masse de dépenses est constituée par des compensations d'allégements de cotisations sociales, soit 17,6 milliards d'euros ou 54,6 % des crédits.
Si je me réfère au rapport de la commission des finances, après les retraitements opérés, les exonérations de cotisations sociales s'élèveraient, cette année, à 60,6 % des moyens dévolus au travail. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous donner les raisons d'une telle situation ?
J'attends également que vous m'expliquiez pourquoi le Gouvernement a décidé de dispenser l'Etat de respecter l'obligation de compensation intégrale à la sécurité sociale des exonérations consenties au titre de dispositifs nouveaux, en l'occurrence, le contrat d'accompagnement dans l'emploi.
Des précisions quant aux sommes en jeu seraient, elles aussi, les bienvenues.
Votre politique de l'emploi reste centrée sur un seul axe : l'abaissement du coût du travail, dont le bilan est pourtant catastrophique, et qui est responsable, aujourd'hui, du développement de l'emploi faiblement qualifié, sous-rémunéré et complètement précarisé.
Le Premier ministre s'est ému du récent rapport du Secours catholique, soulignant que le travail n'était plus un rempart contre la pauvreté. Il aurait dû lire également celui de Médecins du monde !
Qu'à cela ne tienne ! Vous restez, mes chers collègues de la majorité, dogmatiquement attachés à la baisse du coût du travail, à laquelle vous ajoutez le panel de mesures fiscales dont bénéficieront les entreprises au titre de ce projet de loi de finances ou de la loi de cohésion sociale, mesures qui représentent 1,15 milliard d'euros d'allégements supplémentaires.
Bien décidés à évacuer toute réforme des cotisations sociales pour ne pas toucher à la répartition actuelle des richesses, avec les ultra-libéraux, vous avez relancé le débat sur l'instauration d'une TVA sociale, destinée à remplacer une partie des cotisations patronales, pour, une fois de plus, alléger les « contraintes » pesant sur les entreprises, en vue prétendument de libérer l'emploi.
Si vous rivalisez d'imagination en remettant en scène des contrats aidés, c'est avant tout pour servir la flexibilité du marché du travail, déréguler les normes « classiques » d'emploi, dégonfler les chiffres du chômage et diminuer, par là même, les dépenses sociales d'indemnisation.
J'évoquerai, à titre d'illustration, le nouveau contrat initiative-emploi, qui devrait permettre de réduire d'un quart à un tiers le coût du travail par rapport au droit commun, représenté par le SMIC avec « allègement Fillon ».
J'en viens à la seconde raison de fond motivant notre rejet du présent projet de budget.
En traduisant financièrement le plan de cohésion sociale, les crédits de votre ministère, monsieur le ministre, confortent un concept dangereux, celui de la « flex-sécurité », d'inspiration danoise, reposant sur un compromis bancal entre les exigences de fluidité, de souplesse, et une pseudo-sécurité économique des individus.
M. Dassault, rapporteur spécial, s'en félicite, appelant de ses voeux d'autres réformes structurelles visant, dans la logique des rapports Cahuc-Kramanz, Camdessus ou Marimbert, à expliquer « le décrochage français par les rigidités du droit du travail ».
Nous nous inquiétons, quant à nous, des mesures coercitives en passe d'être mises en oeuvre à l'encontre, notamment, des chômeurs, et de celles qui sont à l'étude concernant l'instauration d'un contrat de travail unique.
Nous ne pouvons pas non plus passer sous silence les articles inclus dans la loi de cohésion sociale dont l'objet est d'accélérer les licenciements tout en déchargeant les employeurs de leurs responsabilités.
Le constat sans appel d'une croissance en berne et d'un chômage en hausse, frisant les 10 %, justifiait d'autres choix économiquement plus efficaces, socialement plus justes, et moins dévastateurs.
Pourtant, vous persévérez à agir dans le même sens, entretenant le cercle infernal de l'exclusion.
Voilà un an, votre prédécesseur lançait la réforme de l'ASS. Je ne reviens pas sur les développements judiciaires. Je rappellerai simplement que, lors de la manifestation de samedi dernier, les associations de chômeurs et de personnes en situation précaire ont déploré l'absence de parole ou le double langage du Gouvernement.
Nonobstant l'annulation du décret visant à limiter dans le temps le versement de l'ASS aux personnes de moins de cinquante-cinq ans ou à revoir les conditions de ressources, le plafond aurait été abaissé et la majoration de 40 % versée sous certaines conditions aux chômeurs de plus de cinquante-cinq ans aurait été bel et bien supprimée. Monsieur le ministre, qu'en est il exactement ?
Allez-vous enfin mettre un terme à ces injustices et décider d'agir en faveur d'une renégociation positive de la convention d'assurance chômage ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Monsieur le sénateur, je vais apporter quelques éléments de réponse aux questions que vous m'avez posées.
Vous avez évoqué le compte épargne-temps. M. le Premier ministre a annoncé, ce matin, que son utilisation serait assez libre, la possibilité étant ouverte aux bénéficiaires de ce compte de choisir entre, soit sa monétarisation annuelle, soit l'utilisation de passerelles en direction du plan d'épargne pour la retraite collectif, le PERCO, ou du plan d'épargne entreprise, soit l'accumulation du temps, sans plafond de vingt-deux jours par an, ni limitation à cinq ans. Ceux qui le souhaiteraient pourraient ainsi prendre un congé sabbatique ou s'accorder un temps de formation. De toute façon, cette mesure sera soumise à l'examen du Parlement.
Avec le compte épargne-temps, les entreprises comme les salariés peuvent être gagnants. Tel est bien l'état d'esprit qui a présidé à notre réflexion.
Il est inexact de prétendre que ce serait une manière de faire faire aux salariés des heures supplémentaires qui ne seraient pas rémunérées comme telles, puisque, si les jours de RTT sont, en quelque sorte, rachetés à la demande de l'employeur, les dispositifs de rémunération relatifs aux heures supplémentaires s'appliqueront.
M. Alain Gournac. Bien sûr !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le député Pierre Morange a d'ailleurs déposé une proposition de loi sur ce sujet.
J'en viens à la politique du Gouvernement en faveur des bas salaires.
Pardonnez-moi de vous rappeler que la convergence sur les SMIC, réalisée en moins de trois années,...
M. Alain Gournac. Qui l'a fait ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. ...c'est le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin qui l'a mise en place !
M. Alain Gournac. C'est vrai !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Cela équivaut, pour ceux qui étaient à l'échelle basse, au versement d'un réel treizième mois.
Et l'amplification de la prime pour l'emploi, elle a été décidée, elle aussi, par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin !
En ce qui concerne les moyens financiers, je répéterai ce que M. Borloo n'a eu de cesse de dire, à savoir que nous disposons des moyens de mettre en oeuvre le plan de cohésion sociale, et ce dès le projet de budget pour 2005. Si nous y ajoutons les crédits de l'ANRU, c'est une véritable explosion du chiffre total sur cinq ans ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
A propos de l'ANRU, j'ajouterai que jamais autant de crédits n'ont été mobilisés pour le logement sous les gouvernements précédents.
Enfin, monsieur le sénateur, vous déplorez une absence de compensation des exonérations attachées aux nouveaux contrats ; il est important que je fasse le point sur ce sujet.
Le contrat d'accompagnement dans l'emploi, le CAE, remplace deux anciens contrats : le contrat emploi solidarité, le CES, et le contrat emploi consolidé, le CEC. Il en reprend les caractéristiques en les rénovant et en les améliorant. L'exonération de cotisations sociales est reprise telle quelle. Elle avait été instituée avant la loi Veil du 25 juin 1994 et ne doit pas être soumise à l'obligation de compensation.
Le contrat d'avenir, quant à lui, s'adresse, en remplacement des CES et des CEC, aux bénéficiaires du RMI, de l'ASS et de l'API. C'est un élément important du dispositif ; il sera techniquement financé par l'activation des minima sociaux, c'est d'ailleurs ce qui a rendu nécessaire de le distinguer des CAE. Pour ce qui est des exonérations, elles sont soumises aux mêmes dispositions que celles du CES et du CEC.
Les erreurs que nous entendons parfois proférées sur cette absence de financement sont dues en fait à la méconnaissance des sources, des origines, des racines de ces nouveaux contrats. Le contrat d'avenir, par exemple, est tout simplement une adaptation renforcée des CES et des CEC.
Monsieur Muzeau, je n'ai pas répondu à l'ensemble de vos questions, mais soyez assuré que nous avons les moyens budgétaires de conduire une politique pour l'emploi et de cohésion sociale digne ce nom. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Le contrat « France 2005 », présenté par le Premier ministre, soulève déjà la réprobation unanime des organisations syndicales de salariés du secteur public comme du secteur privé, cela ne vous aura pas échappé, monsieur le ministre ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
C'est terrible ! Dès que l'on parle des travailleurs dans cette enceinte, on provoque immanquablement vos hurlements, mesdames, messieurs de la droite ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Je sais bien que c'est une catégorie de Français que vous voudriez voir disparaître. (Nouvelles protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. Je croyais que les communistes avaient évolué !
M. Roland Muzeau. Monsieur Gournac, je sais que vous préférez le MEDEF, vous l'avez encore démontré hier soir lors de la réunion d'une commission mixte paritaire !
M. Alain Gournac. Et vous, à la CGT, vous faites quoi ?
M. Roland Muzeau. Vous confirmez, monsieur le ministre, que le droit aux 35 heures est désormais un droit virtuel, comme, d'ailleurs, celui de prendre la retraite à soixante ans ! Vous confirmez que les heures supplémentaires dans les entreprises de moins de vingt salariés seront encore, pour trois ans, sous-rémunérées à seulement 10 %, alors même que le code du travail les valorisait à 25 % !
Vous confirmez que, au lieu d'augmenter enfin les salaires et le pouvoir d'achat des salariés, le Gouvernement a décidé de transformer les jours de repos compensateur en rémunération. A quand les jours de congé payés ?
Le choix sera-t-il possible, comme vous venez de le déclarer, monsieur le ministre ? Bien évidemment, non ! C'est tout simplement une astuce pour faire travailler plus, pour « foutre les 35 heures par terre » !
Vous tablez sur un contexte assez facile, sur les contraintes que subissent les travailleurs et leurs familles qui ont les plus grandes difficultés à boucler leurs fins de mois. Un peu moins de congés payés et un peu moins de repos compensateur leur permettra de gagner un peu plus d'argent et de boucler leurs fins de mois, mais cela sans augmentation de salaire et sans reconnaissance de leurs qualifications. (M. Dassault proteste.)
Monsieur Dassault, vous savez de quoi je parle : vous l'appliquez dans votre entreprise !
Vous confirmez que le nombre d'heures supplémentaires passera de 180 à 220, et que ce quota pourra encore être élargi par un accord collectif dont chacun sait qu'il résulte désormais d'une terrible pression et d'un chantage à l'emploi. A cet égard, vous refusez toujours, monsieur le ministre, de condamner les décisions des grands groupes ou des entreprises qui ont imposé, ces derniers mois, un chantage à l'emploi aux salariés en leur disant qu'ils devaient accepter une baisse de leurs salaires sous peine qu'un certain nombre d'emplois soient supprimés.
Concernant la non-compensation au budget de la sécurité sociale, votre réponse n'est pas acceptable. Je vous renvoie simplement au débat que nous avons eu il y a quelques semaines sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le PLFSS, au cours duquel votre collègue M. Douste-Blazy disait que la compensation était toujours totale. Nous voyons bien qu'il n'en est plus question une fois le projet de loi voté.
La politique choisie par votre Gouvernement est destructrice pour l'emploi et, Mme Létard l'a rappelé, pour tous ceux qui n'en ont pas et qui sont tout de même, je vous le rappelle, quatre millions dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le ministre, alors que la croissance est là et que les entreprises font des bénéfices, le chômage ne diminue pas et le pouvoir d'achat des salariés stagne.
Malgré ce que prétend la doctrine libérale en vogue au Gouvernement, votre politique ininterrompue de baisse des charges sociales en direction des entreprises n'a eu aucune incidence sur la création d'emplois. Il y a pire : vous êtes le premier gouvernement a avoir réalisé l'exploit historique de faire diminuer l'emploi en France. On estime à 70 000 le nombre d'emplois détruits en 2003, ce qui n'était pas arrivé depuis 1993. Mais ce n'est pas fini : en 2004, ce sont 47 000 emplois qui devraient disparaître sous l'effet du recul des emplois industriels et non marchands. Il est normal, dans ces conditions, que l'annonce de M. Raffarin de voir le chômage baisser de 10 % n'ait pas été inscrite au titre des objectifs de ce projet de loi de finances.
Alors que la mise en place des politiques volontaristes en matière d'emploi est plus que jamais une nécessité, le budget de l'emploi ne progresse pas. L'annonce d'une augmentation de 1,8 % - augmentation correspondant à l'inflation - n'a d'impact que sur la communication, et encore. Dans la réalité, l'effet est nul. Ce budget est même en baisse puisque les aides provisoires au secteur de l'hôtellerie et de la restauration ponctionnent 550 millions d'euros.
La baisse de la TVA que le Gouvernement n'a pas réussi à arracher à Bruxelles revient sur le tapis sous l'appellation « fallacieuse » d'aide à l'emploi. Si on peut comprendre le contentement des restaurateurs, qui verront leur marge augmenter, on peut douter des effets de cette mesure sur la relance de l'emploi dans ce secteur, mais vous le savez, monsieur le ministre.
Plus grave encore, le financement des mesures consacrées aux publics prioritaires - jeunes, chômeurs de longue durée et travailleurs précaires - est en baisse de 6,1 %.
Alors que le chômage des moins de 25 ans ne cesse d'augmenter, le budget consacré à l'emploi des jeunes n'est vraiment pas à la hauteur de l'enjeu. Pour mémoire, ce chômage touche 21,2 % des moins de 25 ans et plus de 40 % dans les quartiers sensibles.
Le remplacement des emplois-jeunes par les contrats d'insertion dans la vie sociale, les CIVIS, illustre bien la démarche en trompe-l'oeil du Gouvernement. A l'heure actuelle, si 300 contrats CIVIS ont été conclus, ce sont 100 000 emplois-jeunes qui ont disparu.
Conscient des situations douloureuses auxquelles sont confrontés les jeunes dans leurs tentatives d'accéder au marché du travail, la gauche, par le biais des présidents de région, a choisi de réagir et de compenser le désintérêt de l'Etat en créant des emplois tremplins sous forme de CDI.
Monsieur le ministre, je ne comprends pas la politique du Gouvernement sur ce point particulier. Qu'ils soient diplômés ou non, les jeunes voient aujourd'hui les portes de l'emploi se fermer devant eux. Comment une société moderne peut-elle envisager sereinement son avenir en laissant sa jeunesse sur le bord de la route ? Ce sont eux qui feront des promesses d'aujourd'hui les réalités de demain, ce sont leurs rêves qui enfantent les changements, ce sont leurs aspirations qui portent les réformes et c'est leur idéalisme qui nourrit la justice. Nous ne pouvons pas les laisser face à un futur où la frustration le dispute à l'immobilisme et le découragement à la colère.
Permettre à ces jeunes d'entrer dans le monde adulte en accédant à un emploi, ce n'est pas seulement répondre à leurs besoins, c'est aussi satisfaire aux exigences de la postérité.
Accéder à un emploi, c'est permettre l'accès à un logement. Vous savez bien que, sans emploi, il n'y a pas non plus de logement pour ces jeunes.
C'est la même inconséquence qui est à l'oeuvre sur ce public particulièrement fragile que sont les chômeurs de longue durée et les emplois aidés.
S'agissant des chômeurs longue durée, si leur nombre a augmenté de 3,9 % entre 2003 et 2004, les crédits qui leur sont consacrés ne cessent d'être rognés. En 2002, ces crédits atteignaient 395 millions d'euros ; en 2004, 219 millions d'euros ; en 2005, il ne reste plus que 50 millions d'euros.
Vous me direz, monsieur le ministre, que, grâce à la loi de cohésion sociale, ce public particulier pourra avoir accès aux contrats aidés, type contrat d'avenir. Cette offre ne tient cependant pas compte des situations particulières de ce type de public et ne prévoit pas d'accompagnement adapté à ses besoins ; Mme San Vicente est intervenue longuement à ce propos.
Cette offre a toutefois un énorme avantage : elle fait disparaître des statistiques nombre de chômeurs de longue durée, les noyant dans la masse des aspirants ou des détenteurs de contrats d'avenir. Cette disparition statistique, si elle arrange le Gouvernement, n'améliorera certainement pas le sort des hommes et des femmes concernées.
Face à une telle baisse des moyens, alors même que les besoins augmentent, on est en droit de se demander si ce ne sont pas le monde associatif et surtout les collectivités locales qui devront, une fois encore, pallier le désengagement de l'Etat.
Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous expliquer les raisons des restrictions budgétaires portant sur les catégories les plus fragiles de notre population ? Pouvez-vous nous éclairer quant au manque d'ambition de votre Gouvernement s'agissant de l'emploi des jeunes ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Madame Le Texier, vous avez parlé de pouvoir d'achat. Je ne reviendrai pas sur ce qu'a dit Gérard Larcher. Cependant, la répétition étant le nerf de l'enseignement, je rappellerai qu'une augmentation de 18 % du SMIC constitue plus qu'un treizième mois ; c'est presque un quatorzième mois, après la stagnation dramatique du pouvoir d'achat des salaires les moins élevés pendant 5 ans !
En ce qui concerne les hôtels, cafés et restaurants, je trouve un peu fort que vous repreniez la rengaine bien classique selon laquelle la mesure va augmenter les marges de profit des restaurateurs. N'avez-vous donc pas lu le texte ? Il s'agit, madame Le Texier, d'une compensation de charges salariales sur l'augmentation des salaires et de l'amélioration des conditions de travail des salariés de la branche ; il n'est pas question d'une augmentation des marges de la profession.
Vous devriez au moins vous féliciter que les nombreux salariés de ce secteur, qui vivent dans des conditions difficiles, bénéficient d'une amélioration de leurs conditions de travail, ce qui, par ailleurs, rendra plus attractive la profession et a vocation à concourir à l'emploi.
Que vous critiquiez une mesure dont le principe même est d'instaurer un SMIC exceptionnel, au-dessus du SMIC national, me paraît stupéfiant de la part d'un très honorable sénateur du parti socialiste.
Enfin, vous affirmez qu'il n'y a pas de logement sans emploi. Vous avez raison, mais permettez-moi d'ajouter qu'il n'y a pas d'emploi sans logement. Dois-je vous rappeler que 1999 a été une année historique avec une diminution de 39 000 logements sociaux en France pour un besoin national de 80 000 ? Multipliez par cinq ans de retard, vous obtenez la plus grande crise que l'on ait connue depuis 1954. Dois-je aussi vous rappeler que, dès cette année, nous avons augmenté la production de 40 % ?
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le ministre, vous êtes très convaincant ; néanmoins, vous ne m'avez pas convaincue. Cependant, je vous remercie de m'avoir répondu.
J'ai été sensible à vos arguments au sujet du SMIC, mais, vous le savez aussi bien que moi, le montant du SMIC brut s'élève à 7,61 euros. Que peut-on faire avec cela une fois que l'on a payé son loyer ? Vous l'avez augmenté, c'est une très bonne chose, mais on peut aller encore plus loin.
J'ai écouté attentivement vos arguments sur les restaurateurs. Je souhaite que vous ayez raison et que la mesure se traduise par une amélioration des conditions de travail des personnes concernées. Je n'en suis pas sûre, mais je suis persuadée que nous en reparlerons bientôt, au vu d'une analyse objective de ce qui se sera passé.
M. le président. La parole est à M. Jackie Pierre.
M. Jackie Pierre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget du travail pour 2005 s'élève à 32,2 milliards d'euros, ce qui représente une augmentation de 1,8 % à périmètre constant.
Les crédits du travail pour 2005 permettront de mettre en oeuvre une politique de l'emploi dynamique, illustrée par un dispositif de retour à l'emploi plus volontariste - comme en témoignent les évolutions du service public de l'emploi et la création des maisons de l'emploi - ainsi que par une meilleure lisibilité des outils existants, avec la simplification très attendue des contrats aidés.
Cette dernière est mise en place dans le projet de loi de programmation relatif à la cohésion sociale, auquel ce budget participe à hauteur de 681 millions d'euros.
Les CES, les CEC, les CIVIS « emplois d'utilité sociale », les SIFE, les SAE sont ainsi appelés à disparaître. Pour autant, le Gouvernement a prévu une période transitoire afin de ne pas rompre les parcours d'insertion déjà engagés au moment de l'entrée en vigueur de la réforme des contrats aidés.
Ainsi, pour répondre aux inquiétudes de leurs bénéficiaires, il était important que les conventions CES et CEC en cours puissent aller jusqu'à leur terme. Le projet de loi de finances pour 2005 prévoit fort opportunément 630 millions à cette fin.
Concernant le CIVIS, outre les crédits de 2004 qui n'ont pas été entièrement consommés, 13 millions d'euros sont prévus en 2005 afin de financer les conventions en cours d'exécution.
S'agissant des SAE et des SIFE, des crédits sont prévus pour la mise en oeuvre de ceux qui ont été signés avant la fin de l'année 2004, à hauteur de 50 millions d'euros.
Ces dispositifs disparaissent pour être remplacés par des formules plus souples, offrant un meilleur suivi de leurs bénéficiaires. Elles présentent surtout la caractéristique indispensable d'être axées sur la formation.
D'une part, le projet de loi de cohésion sociale crée de nouveaux contrats : le contrat d'accompagnement dans l'emploi, le CAE, et le contrat d'avenir. D'autre part, le contrat d'insertion RMA, le CIRMA et le contrat initiative-emploi, le CIE, sont aménagés afin de leur conférer une plus grande efficacité.
Cette réforme était indispensable devant le nombre et la complexité des dispositifs proposés.
Les entreprises, comme les demandeurs d'emploi, pourront enfin mieux se situer en fonction de leurs besoins.
A partir de l'an prochain, les crédits relatifs aux SIFE, SAE, CIE, CES et CEC et aux nouveaux contrats CAE et CIE rénové vont donc être regroupés dans une enveloppe unique gérée, au niveau régional, par le préfet, assisté par les services de l'emploi.
Les nouveaux crédits prévus à cet effet en 2005 se montent à 438,6 millions d'euros, à répartir entre les régions en fonction de différents critères : l'âge des demandeurs d'emploi et leur ancienneté dans le chômage, le nombre de bénéficiaires de minima sociaux et l'état du marché du travail.
Les crédits figurant dans cette enveloppe régionale seront fongibles, ce qui signifie que les gestionnaires pourront affecter la part qu'ils souhaitent à tel ou tel outil. Notre excellent rapporteur Louis Souvet nous a indiqué, dans son rapport écrit, l'intérêt d'une telle politique, à savoir faciliter l'adaptation de la politique de l'emploi aux contextes locaux. Je considère effectivement que l'idée de permettre une telle souplesse est excellente.
Pour autant, nous manquons d'informations sur la répartition des crédits au sein d'une région entre les différents contrats aidés, notamment entre le secteur marchand et le secteur non marchand.
Monsieur le ministre, je souhaiterais que vous puissiez éclaircir ce point, d'autant que l'enjeu est important puisque 230 000 nouveaux contrats seront créés dès 2005.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Monsieur le sénateur, je vous remercie d'insister sur l'idée de souplesse. Dès qu'il est question de souplesse, on se demande quelle forme elle doit prendre ! C'est le propre même des systèmes souples.
Nous avons voulu rapprocher l'ensemble du dispositif d'aide des spécificités du terrain, et ce grâce à une ligne budgétaire unique, laquelle est entre les mains des préfets. Il fallait bien faire un choix. Toutefois, cela ne signifie pas que ce sont les préfets qui la gèrent. Cette gestion se fera dans le cadre d'un dialogue permanent avec les maisons de l'emploi et les partenaires locaux pour trouver, chaque fois, la solution adéquate. En effet, la situation est forcément différente à Nice et à Limoges, avec la porcelainerie, dans le Grand-Ouest et le Nord-Pas-de-Calais.
Le dispositif d'aide est un dispositif chiffré de financement. L'adaptation des 240 000 nouveaux contrats, comme des autres d'ailleurs, se fera sur le terrain par le dialogue.
Dans un monde parfait où tout se mettrait en place plus rapidement, la philosophie générale serait que, un jour, les maisons de l'emploi, largement installées en partenariat sur tout le territoire national, finissent par gérer elles-mêmes, sous contrôle public, l'ensemble de ces dispositifs.
M. Jackie Pierre. Je vous remercie, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le ministre, vous nous présentez un budget consacré à la lutte pour l'emploi et pour l'insertion professionnelle des jeunes. C'est donc un budget très important.
Parmi les moyens prévus pour lutter contre le chômage figure l'apprentissage, dont on sait qu'il peut être un outil efficace. En effet, seulement 10 % des apprentis sont sans emploi trois ans après la fin de leur formation. La relance de l'apprentissage est donc une idée intéressante, d'autant qu'elle affiche des objectifs ambitieux : 500 000 apprentis par an d'ici à 2009 contre 350 000 actuellement.
Malheureusement, aucune précision ne nous a été donnée ni sur les moyens qui seront mis en oeuvre ni sur la méthode. Et l'on peut s'interroger, monsieur le ministre, quand on voit que votre budget pour 2005 ne prévoit que 15 000 entrées supplémentaires en apprentissage, soit 250 000, au lieu des 235 000 programmées en 2004, ce qui correspond davantage à la réalité des dotations budgétaires.
Comment le Gouvernement entend-il atteindre cet objectif, et où va-t-il trouver les crédits nécessaires ?
Les entreprises embauchant des apprentis bénéficieront d'un crédit d'impôt de 1 600 euros pour chacun d'eux. Ce montant sera porté à 2 200 euros pour un jeune sans qualification. Parallèlement, votre budget prévoit une augmentation de 0,06 % de la taxe d'apprentissage, sous la forme d'une contribution spécifique au développement de l'apprentissage au profit des régions. On peut se demander si ce système sera décisif pour amener les entreprises à augmenter de manière significative leur nombre d'apprentis.
Si tel est le cas, la multiplication du nombre d'apprentis, sans qu'aient été prévus de moyens pour le suivi et l'évaluation des maîtres d'apprentissage, risque d'avoir un effet pervers : l'exploitation des jeunes dans des emplois sous-payés, sans contrôle. Le risque d'un effet d'aubaine, lié au recrutement de jeunes diplômés en contrat d'apprentissage, est à craindre.
C'est pourquoi nous souhaitons savoir si le diplôme sera pris en compte dans le calcul de la rémunération et quel sera le montant de celle-ci pour des apprentis diplômés.
Par ailleurs, si les entreprises recrutent massivement des apprentis, les capacités d'accueil des CFA seront-elles suffisantes ? Les enseignants seront-ils assez nombreux pour assurer les cours ? Comment comptez-vous pallier les manques ?
Concernant le statut et la rémunération des apprentis, l'objectif est de valoriser l'apprentissage et de réduire sensiblement le nombre de résiliations de contrats, qui reste très élevé dans certains secteurs comme l'hôtellerie. Si nombre de ruptures sont liées à des problèmes d'adaptation de certains jeunes, il n'en reste pas moins que des entreprises utilisent au mieux la législation, notamment la période d'essai, pour se doter d'un personnel à faible coût dans des périodes de forte activité et s'en séparer ensuite sans formalité. Comment le Gouvernement entend-il mettre fin à ces abus ?
Lors de la première lecture du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, le Sénat a adopté un amendement de M. Serge Dassault tendant à autoriser le préapprentissage en entreprise aux jeunes dès l'âge de 14 ans. Il s'agit là d'une remise en cause de facto du principe de la scolarité obligatoire jusqu'à 16 ans. En outre, ces jeunes pourront constituer une main-d'oeuvre bon marché. Bien évidemment, nous sommes contre.
Actuellement, deux tiers des entreprises ayant recours à des apprentis comptent moins de dix salariés. L'objectif affiché est de faire passer à 2 % de l'effectif le nombre d'apprentis dans les entreprises de plus de cent personnes. Comment le Gouvernement entend-il procéder pour atteindre cet objectif ?
Je l'ai dit au début de mon intervention : les objectifs sont ambitieux, mais votre budget confirme les craintes que nous avions exprimées dès l'examen du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale. En effet, il n'est pas à la hauteur des ambitions affichées. Témoigne-t-il, en-dehors le l'effet d'annonce, d'une véritable réflexion sur l'apprentissage ?
Telles sont, monsieur le ministre, les questions que je souhaitais vous poser. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Madame Printz, vous avez raison : si le programme concernant l'apprentissage se résumait simplement à des moyens budgétaires - peu importe le montant -, il ne résoudrait pas le problème auquel nous sommes confrontés !
Vous n'ignorez pas que trois livres blancs, regroupant tous les partenaires - le Parlement, les chambres de métiers, les collecteurs, les branches professionnelles, les partenaires sociaux -, ont été élaborés et aboutissent à peu près aux mêmes conclusions. Le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale répond précisément à tous ces sujets, à l'exception de l'un d'entre eux.
Premièrement, nous n'avons pas de système de référent en France, ce qui est regrettable. C'est la raison pour laquelle le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale prévoit de mettre en place - vous l'avez voté ; tout au moins, vous avez assisté au vote ! - les nécessaires référents qui encadreront le jeune jusqu'à la sortie de son contrat d'apprentissage, et ce jusqu'à la réussite définitive de ce plan.
Deuxièmement, la rémunération des apprentis n'a pas été indiquée dans le projet de loi pour les raisons que vous savez. Depuis le mois de mai 2004, en effet, cette rémunération est fixée par négociation entre les partenaires sociaux, qui sont saisis de la question. Néanmoins, comme nous souhaitons que cette rémunération augmente - souhait qui, je crois, est partagé par tous - nous avons prévu dans le projet de loi, madame, la compensation des charges sociales liées à l'augmentation de la rémunération des apprentis.
Troisièmement, en ce qui concerne les rémunérations interstitielles, vous savez que les temps d'apprentissage et les temps de vie du jeune ne sont pas exactement les mêmes. Des périodes entières d'abandon existaient, qui créaient des situations un peu paradoxales. Ce point est réglé dans le plan de cohésion sociale qu'a présenté Laurent Hénart.
Quatrièmement, et en ce sens vous interpellez d'une certaine manière votre collègue Raymonde Le Texier, qui m'a interrogé tout à l'heure sur l'hôtellerie, les cafés et la restauration, la fidélisation des apprentis, c'est-à-dire le taux de réussite, année après année, puis la fidélisation à l'entreprise, sont très élevées en France, sauf dans ce secteur. Les raisons principales tiennent évidemment à la rémunération des maîtres d'apprentis, à l'attrait de la profession, mais surtout à la rémunération et aux conditions de travail.
M. Roland Muzeau. Eh oui !
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Le taux d' « infidélité professionnelle », si vous m'autorisez cette expression, est de 71 %.
C'est la raison pour laquelle nous avons procédé à l'augmentation du SMIC horaire dans l'hôtellerie, les cafés et la restauration, et que nous avons soutenu la sortie du SMIC dérogatoire hôtelier.
Cinquièmement, enfin, nous mettons en oeuvre une procédure de crédit d'impôt et d'exonération fiscale très élevés. Je rappelle que le plan de cohésion sociale prévoyait initialement un crédit d'impôt de 360 euros par apprenti, qui a été porté à 1 600 euros et à 2 200 euros pour un apprenti sans qualification aucune. Vous êtes suffisamment experte, madame, pour savoir que le mécanisme d'exonération fiscale n'apparaît pas en dépenses budgétaires, du moins pas dans cette partie-là. Néanmoins, vous observerez que la dépense budgétaire globale, qui intègre les compensations, les référents, etc., augmente. Le financement s'appuie en grande partie sur une moindre recette et c'est pourquoi cela n'apparaît pas dans le projet de loi de finances.
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. La réponse de M. le ministre m'a en partie convaincue. Je reviendrai toutefois sur un point.
Vous le savez, l'apprentissage et les jeunes sont des sujets qui me tiennent à coeur. Notre souci est, bien sûr, que les jeunes sortent du chômage et trouvent du travail. Mais pour cela, ils ne doivent pas être exploités. L'apprentissage, s'il est choisi, ne doit pas aboutir à une nouvelle précarisation et à faire de ces jeunes garçons et filles de futurs « travailleurs pauvres ».
L'apprentissage a ses lettres de noblesse : il doit être dispensé dans les conditions les meilleures pour que l'apprenti réussisse au mieux son premier ancrage professionnel. Il ne doit toutefois pas survenir trop tôt. L'apprentissage à 14 ans - c'est sur ce point que vous ne m'avez pas répondu, monsieur le ministre - est un non-sens.
J'appartiens à cette génération où de nombreux jeunes issus de familles modestes ont été enrôlés dans le préapprentissage pour servir de main-d'oeuvre bon marché. Je veux croire que ces temps sont révolus.
M. le président. La parole est à Mme Adeline Gousseau.
Mme Adeline Gousseau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Président de la République a déclaré l'année dernière que l'égalité professionnelle était une priorité, car « c'est une exigence de justice. C'est un puissant facteur de dynamisme, de croissance et d'emplois. Dans les domaines de l'égalité de rémunération et de promotion professionnelle, nous devons rattraper notre retard... »
Ainsi, madame la ministre, depuis près de deux ans, vous avez montré votre détermination à faire progresser une idée simple : « l'économie moderne a besoin de tous ses talents, qu'ils soient portés par les hommes ou les femmes, et l'égalité professionnelle est facteur de performance économique et de cohésion sociale. »
L'image du travail des femmes se modifie progressivement. Le salaire des femmes n'est plus systématiquement considéré comme un revenu d'appoint pour le ménage. Leur activité professionnelle est davantage perçue comme un épanouissement personnel, mais également comme une garantie en termes de revenus et de retraite.
Cependant, des obstacles demeurent. La maternité ne doit plus être ressentie comme un réel handicap en termes d'embauche comme de progression de carrière, privant les femmes d'une légitime ambition professionnelle. De plus, l'égalité des salaires à même niveau de compétence doit être recherchée.
La société évolue, le regard sur le travail des femmes également. Toutefois, ce changement a encore besoin d'être dynamisé.
Pour ce faire, madame la ministre, vous avez engagé une action sans précédent autour de trois axes : donner des signaux forts aux femmes d'aujourd'hui en conduisant une véritable offensive en termes de formation ; soutenir les entreprises dans leur effort de changement pour réconcilier parentalité et emploi ; développer la création d'activités et l'autonomisation des droits.
En effet, comme vous l'avez déjà affirmé : « L'égalité professionnelle ne peut plus être considérée seulement comme une préoccupation des femmes. C'est désormais celle de la société tout entière. »
Tel est l'esprit de l'engagement pris par les partenaires sociaux, dans l'accord national interprofessionnel du mois de mars dernier, signé à l'unanimité, visant à lutter prioritairement contre toutes formes de stéréotypes qui fondent les discriminations auxquelles nous avons à faire face.
La charte de l'égalité entre les hommes et les femmes est un document réalisé en partenariat, par lequel toutes les composantes de la société française s'engagent en faveur des droits des femmes et de leur égalité effective avec les hommes. Dans ce document de référence, chacun s'est appliqué à formuler des propositions d'actions qu'il s'engage à réaliser au cours des trois prochaines années pour bâtir une société plus égalitaire. II s'agit là d'un outil extraordinaire que chacun doit s'approprier.
Cette approche transversale et partenariale de l'égalité repose sur le constat que toute politique, tout dispositif, toute mesure, loin d'être neutres dans leurs effets, sont susceptibles d'avoir des incidences différentes sur la situation des hommes et sur celle des femmes, compte tenu des rôles sociaux et familiaux qui sont souvent dévolus aux uns et aux autres dans la société.
Dès lors, la préoccupation de l'égalité entre les hommes et les femmes doit être intégrée non seulement dans toutes les politiques publiques, à l'échelon national comme à l'échelon régional et local, mais aussi irriguer tous les secteurs, politique, économique, social.
A cette occasion, je regrette qu'il n'existe pas de document budgétaire retraçant l'ensemble de la politique que vous menez en faveur de l'égalité professionnelle. Les crédits afférents sont en effet répartis entre les différents budgets de manière transversale et sans document de synthèse ; ils sont donc très difficiles à évaluer. Le « jaune » budgétaire, dont nous disposons tous les deux ans, est insuffisant. Pensez-vous, madame la ministre, que la réforme de la loi organique relative aux lois de finances pourra remédier à cette difficulté ?
Sur le fond, nous nous félicitons également qu'un label « égalité professionnelle » soit créé, avec le soutien du ministère délégué à l'industrie, afin de valoriser la prise en compte de la mixité et de l'égalité professionnelle par les entreprises, les administrations ou tout autre organisme générant une activité.
Elaboré avec les partenaires sociaux, il doit permettre de reconnaître la promotion de la mixité et de l'égalité professionnelle dans la gestion des ressources humaines et dans l'organisation de l'activité ou de la production par les organismes qui en auront fait un élément fort de leur engagement en termes de responsabilité sociale et de développement durable.
Ce label doit participer à la sensibilisation des acteurs socio-économiques et faciliter la diffusion de bonnes pratiques. Il repose sur l'évaluation d'une conduite du changement, qui doit faire l'objet d'une démarche intégrant la qualité du dialogue social et la question de l'égalité professionnelle.
La mise en place de ce label doit maintenant se concrétiser sur le terrain. Je souhaiterais donc connaître les initiatives que vous avez prises dans ce sens, madame la ministre.
Plus généralement, quelles actions comptez-vous entreprendre pour poursuivre avec autant de dynamisme la politique que vous menez en faveur de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Madame la sénatrice, vous avez raison de le rappeler, l'égalité professionnelle est une chance pour la France ; c'est une chance pour l'économie moderne, qui a besoin de tous ses potentiels ; c'est une chance pour la démocratie, puisque l'on souhaite concilier - le débat de ce jour l'illustre assez bien - l'idée de justice, la cohésion sociale et la dynamique de croissance.
S'il fallait définir l'égalité professionnelle, je dirais que c'est l'innovation sociale au service de l'emploi, mais aussi la réussite du dialogue social.
J'insisterai sur ce dernier point car, depuis 1989, les partenaires sociaux ne s'étaient pas réunis dans un esprit aussi positif que celui qui a prévalu à la conclusion de l'accord du printemps 2004. Celui-ci permet d'ouvrir une étape nouvelle dans cette démarche concertée, partagée, qui est avant tout une responsabilité collective.
En effet, aujourd'hui, la France s'engage sur l'égalité professionnelle. Notamment, vous l'avez rappelé, j'ai pris l'initiative d'un « tour de France de l'égalité professionnelle », qui nous a d'ores et déjà conduits dans une douzaine de villes de France, et qui, je l'espère, ne va pas en rester là. Ce tour de France permettra de faire la preuve que, dans des domaines où la seule impulsion émanant du sommet de l'Etat ne suffit évidemment pas, c'est aussi sur le terrain que la démarche doit se vérifier.
Nous nous sommes dotés de nouveaux outils : d'une part, l'accord national interprofessionnel, signé à l'unanimité et qui est notre référence ; d'autre part, le « label égalité », qui est la marque distinctive des entreprises résolument engagées sur cette idée simple mais formidablement moderne, fondée sur une dynamique nouvelle entre les hommes et les femmes dans l'entreprise pour créer de nouveaux atouts de performance, de compétitivité, d'efficacité économique.
Ce « label égalité », qui a été présenté par le Premier ministre au mois de juin dernier, sera décerné pour la première fois à des entreprises dès le mois de janvier prochain. Je me réjouis du succès remporté par cette démarche, gérée par les partenaires sociaux et par l'AFAC, l'organisme certificateur, notamment, des normes ISO 9000.
Ce « label égalité », c'est aussi la traduction des nouvelles valeurs de l'entreprise : la qualité et la sécurité, bien entendu, mais aussi, de plus en plus, l'environnement social et le facteur humain. C'est si important, me semble-t-il, au moment où nous retrouvons la croissance, où nous entrons dans une véritable culture de la compétence et dans l'économie du capital humain !
Pour conforter cette analyse, j'évoquerai le revirement démographique qui va priver la France de centaines de milliers de compétences dans les années qui viennent, qui rend nécessaire une nouvelle approche de la compétence et de la richesse des hommes et des femmes qui constituent notre pays.
Ce label va donc marquer l'exemplarité gagnante et permettre à tous de discerner les entreprises qui, en France, petites et grandes, font le jeu de cette diversité des compétences et de cet enrichissement.
Cette démarche s'inscrit d'ailleurs pleinement dans le « contrat 2005 » que vient d'exposer le Premier ministre. Si elle est aujourd'hui bien engagée, elle doit néanmoins, vous avez raison de le souligner, être approfondie sur des thèmes aussi sensibles que l'égalité salariale ou bien la réconciliation de la maternité et de l'emploi.
Sachons le dire tout net, aujourd'hui, la maternité n'est pas véritablement vécue comme une valeur ajoutée, alors qu'elle représente à la fois un enrichissement exceptionnel de la nation tout entière, un épanouissement personnel, et qu'elle devrait être considérée comme un élément positif au sein même de l'entreprise.
Mais l'égalité professionnelle ne repose pas seulement sur les entreprises, vous l'avez d'ailleurs évoqué, madame la sénatrice. C'est à la société tout entière de trouver les facilités, les solutions neuves qui permettent aux femmes et aux hommes de trouver dans l'entreprise un contexte d'investissement positif, durable, dans un rapport de productivité mais aussi de justice sociale. La notion d'« ergonomie sociale » pourrait être invoquée, car il convient de progresser au sein même de la société sur cette question.
Nous avons donc des progrès à faire en matière d'éducation, de culture générale. Tout ce qui concourt à la lutte contre les discriminations et les violences sert naturellement cette démarche.
C'est tout le défi de l'éducation, de la culture, l'enjeu des valeurs sur lesquelles fonder notre société. Ces valeurs sont celles du respect, de l'affirmation de soi, de la valorisation de la différence qui doit être perçue comme un enrichissement et non plus comme un facteur d'exclusion.
Enfin, je veux vous dire combien je suis sensible au fait que le modèle français, dans le domaine de l'égalité professionnelle, offre à des femmes des perspectives résolument plus en rapport avec leurs compétences, mais leur permet aussi d'avoir des enfants. Car la France a l'un des meilleurs taux de natalité européens, avec 1,9 enfant par femme.
Eh bien, ce modèle peut être affirmé et inspirer l'Europe moderne. Nous devons en être fiers et, bien qu'il y ait encore beaucoup de progrès à réaliser, nous avons aussi de bonnes raisons d'espérer. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre soutien. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Bernard Seillier. Merci pour vos propos !
M. le président. La parole est à Mme Adeline Gousseau.
Mme Adeline Gousseau. Au nom des femmes, je remercie Mme la ministre, et j'espère que nous rattraperons le retard que nous avons pris !
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant le travail, la santé et la cohésion sociale : I. - Emploi et travail..
ETAT B
Titre III : 137 104 835 €.
M. le président. L'amendement n° II-89, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Majorer les crédits du titre III de 2 640 931 euros.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Le Gouvernement présente deux amendements d'ajustements aux titres III et IV.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Sur l'initiative du Sénat, le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale est revenu sur la compétence attribuée aux régions en matière d'accompagnement et d'insertion professionnelle.
Le présent amendement procède donc au « rapatriement » des crédits correspondants, qui étaient inscrits dans la dotation de décentralisation.
La commission des finances n'a pas examiné les deux amendements présentés par le Gouvernement. Ceux-ci tirent logiquement les conséquences de modifications apportées au projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, modifications confirmées par la commission mixte paritaire qui s'est réunie hier.
J'y suis évidemment favorable.
M. le président. Je mets aux voix, modifiés, les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
Titre IV : moins 254 748 074 €.
M. le président. L'amendement n° II-88, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Augmenter cette réduction de 2 640 931 euros.
En conséquence, porter le montant des mesures nouvelles négatives à moins 257 389 005 euros.
La parole est à M. le ministre.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix, modifiés, les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
Etat C
Titre V. - Autorisations de programme : 16 291 000 € ;
Crédits de paiement : 8 998 000 €.
M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
Titre VI. - Autorisations de programme : 366 050 000 €,
Crédits de paiement : 74 877 000 €.
M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J'appelle en discussion les articles 74 à 76, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits affectés au travail.
Travail, santé et cohésion sociale
I. - Emploi et travail
Article 74
I. - Dans la troisième phrase du troisième alinéa du III de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, le taux : « 70 % » est remplacé par le taux : « 60 % ».
II. - La dernière phrase du premier alinéa du I de l'article 10 de la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« Ce coefficient devient nul pour une rémunération horaire égale au montant de ce rapport majoré de 70 % jusqu'au 31 décembre 2004. Le taux de cette majoration est ramené à 60 % pour les gains et rémunérations versés à compter du 1er janvier 2005. »
M. le président. L'amendement n° II-45, présenté par Mmes Printz, San Vicente et Le Texier, M. Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Michèle San Vicente.
Mme Michèle San Vicente. L'article 74 a pour objet de ramener le montant maximal du salaire auquel sont applicables les allégements généraux de cotisations sociales patronales à 1,6 SMIC et non plus à 1,7 SMIC. Le Gouvernement en attend, comme je l'ai dit précédemment, 1,2 milliard d'euros d'économies.
Cet article pose d'abord le problème de l'efficacité des allégements de cotisations sociales patronales sur les bas salaires et les emplois non qualifiés. Le Gouvernement et le MEDEF - M. Dassault aussi ! - affirment en effet que le coût du travail est trop élevé dans notre pays, particulièrement pour les emplois peu qualifiés, et que ce fait est largement responsable du chômage. Telle est donc la racine principale de la généralisation de l'allégement des cotisations sociales patronales instaurée par la loi Fillon du 17 janvier 2003.
On constate néanmoins une apparente contradiction dans cette politique puisque le Gouvernement, d'une part, généralise l'allégement et, d'autre part, réduit l'assiette de 1,7 à 1,6 SMIC. Ce faisant, non seulement il va à l'encontre de son premier mouvement dans un but d'économie, mais il s'apprête à exercer une pression à la baisse sur les salaires, puisqu'il ne faudra pas dépasser le seuil de 1,6 SMIC, et non plus de 1,7 SMIC, pour bénéficier de l'allégement. Les employeurs seront donc poussés dans cette voie.
Finalement, ce dispositif profite au Gouvernement, qui réalise ainsi une économie substantielle, et aux employeurs, que l'on incite à ne pas augmenter les salaires. En revanche, les salariés en sont véritablement les victimes, puisque c'est à nouveau sur eux seuls que va peser la pression !
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous demande, mes chers collègues, d'adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Cet amendement tend à supprimer l'article 74, qui réduit le champ des rémunérations donnant lieu à réduction des charges sociales, d'une fourchette allant de 1 à 1,7 fois le SMIC à une fourchette allant de 1 à 1,6 fois le SMIC.
La commission des finances n'a pas examiné cet amendement.
Les mesures d'allégement des cotisations sociales sont d'autant plus efficaces sur l'emploi qu'elles sont resserrées autour des bas salaires.
La décision de recentrer « l'aide Fillon » là où elle est la plus efficace, c'est-à-dire sur les salaires situés entre 1 et 1,6 fois le SMIC, ne devrait avoir qu'un effet négligeable sur l'emploi...
Mme Michèle San Vicente. Je n'ai pas dit autre chose !
M. Serge Dassault, rapporteur spécial....et la dynamique des rémunérations les plus basses.
L'économie attendue est importante puisqu'elle est estimée à 1,2 milliard d'euros, ce qui correspond à peu près au surcoût entraîné par le plan de cohésion sociale - 650 millions d'euros - et par l'aide à l'emploi dans la restauration, que vous réclamiez tout à l'heure - 550 millions d'euros - et qui est donc financée.
Ces mesures, très efficaces pour l'emploi, justifient largement le maintien de l'article 74. L'avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Tout d'abord, il convient de rappeler que l'amendement déposé, dès lors qu'il accroît les charges de l'Etat sans prévoir une économie d'un montant correspondant, est irrecevable car il ne respecte pas l'équilibre général du projet de loi de finances.
Sur le fond, rassurez-vous, il n'y a pas de contradictions. Moi, en revanche, j'ai un peu de mal à vous suivre. Ce n'est pas vous qui avez augmenté le SMIC, c'est nous. Et nous l'augmentons fortement, de 5,3 % et même de 5,8 % ! L'Etat continue à compenser une partie de l'exonération des charges ; simplement, la compensation est limitée aux salaires de 1 à 1,6 fois le SMIC.
Je vous croyais favorable à l'augmentation du SMIC ; si c'est le cas, vous vous contredisez ! L'Etat augmente l'aide mais, comme il faut être raisonnable, il la recentre.. Les compensations de charges représentent un effort massif de l'Etat qui ne pèse pas sur la rémunération des salariés.
M. le président. L'amendement n°II-45 est-il maintenu, madame San Vicente ?
Mme Michèle San Vicente. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'article 74.
(L'article 74 est adopté.)
Article 75
I. - Le premier alinéa de l'article L. 118-6 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L'Etat prend en charge les cotisations sociales patronales jusqu'à la date de l'obtention du diplôme ou du titre de l'enseignement technologique préparé. »
II. - L'article 18 de la loi n° 87-572 du 23 juillet 1987 modifiant le titre Ier du livre Ier du code du travail et relative à l'apprentissage est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'Etat prend en charge les cotisations sociales patronales jusqu'à la date de l'obtention du diplôme ou du titre de l'enseignement technologique préparé. »
III. - Le VI de l'article 20 de la loi n° 92-675 du 17 juillet 1992 portant diverses dispositions relatives à l'apprentissage, à la formation professionnelle et modifiant le code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'Etat prend en charge les cotisations sociales patronales jusqu'à la date de l'obtention du diplôme ou du titre de l'enseignement technologique préparé. »
M. le président. L'amendement n° II-10, présenté par Mme Rozier, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis.
Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis. Comme je l'ai dit lors de la présentation de mon rapport, je propose la suppression de l'article 75, qui tend à réviser le dispositif des exonérations de cotisations patronales au titre des salaires versés aux apprentis.
Actuellement, les entreprises qui emploient des apprentis bénéficient de ces avantages jusqu'à l'expiration du contrat d'apprentissage. Or, celui-ci peut prendre fin avant le terme initialement fixé, sur l'initiative de l'apprenti s'il a obtenu le titre ou le diplôme préparé. Dès lors, l'exonération ne se justifie plus. Le Gouvernement propose, par conséquent, d'interrompre l'exonération consentie au moment de l'obtention du diplôme.
Si cette mesure repose sur une intention louable - faire une économie budgétaire - , elle présente, selon moi, moins d'avantages que d'inconvénients J'en relève au moins cinq.
Premier inconvénient, elle accroît les prélèvements sur les entreprises. Si le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale a prévu une mesure importante de crédit d'impôt, il a aussi accru les charges qui pèsent sur les entreprises, par exemple en supprimant de nombreuses exonérations de taxe d'apprentissage et en relevant cette même taxe de 0,18 %. Par conséquent, le gain net pour les entreprises reste à vérifier. Celles qui embauchent des apprentis pourront, sans doute, être gagnantes, mais celles qui ne le font pas verront leurs prélèvements croître. Or, si les entreprises n'embauchent pas d'apprentis, ce n'est pas toujours parce qu'elles ne le veulent pas, c'est souvent parce qu'elles ne le peuvent pas, par exemple, à cause de l'absence de centres de formation d'apprentis.
Deuxième inconvénient : la suppression de l'exonération prévue s'apparente à une mesure de redistribution, avec tous les risques d'effets pervers que cela comporte.
Troisième inconvénient : cette interruption implique un coût administratif supplémentaire pour l'entreprise, qui devra informer l'URSSAF de la date d'obtention du diplôme par le jeune. Les petites entreprises et les artisans seront démotivés par ces contraintes de secrétariat très lourdes. C'est aussi une contrainte de plus pour l'administration, qui devra gérer ces informations et procéder à des contrôles.
Quatrième inconvénient : cette mesure introduit une incertitude de gestion pour l'employeur, qui, lors de l'embauche, ne saura pas quand il perdra le bénéfice de cette exonération.
Cinquième inconvénient : elle découragera les maîtres d'apprentissage, qui ont pourtant fait la preuve de leur capacité à conduire rapidement leurs apprentis à un emploi.
L'ensemble de ces raisons a conduit la commission des affaires sociales à vous proposer, mes chers collègues, la suppression de cet article 75.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. La commission des finances n'a pas examiné cet amendement. ( Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Gisèle Printz. Mais que faites-vous donc en commission !
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Les députés ont adopté un amendement de suppression de l'article 75, qui a été rétabli en seconde délibération sur l'initiative du Gouvernement.
Les arguments opposés à l'article 75 sont les suivants : le dispositif complexifie la gestion des contrats d'apprentissage pour les entreprises ; il serait paradoxal que le succès de l'apprenti prive l'entrepreneur d'un avantage alors que son échec lui permettrait d'en conserver le bénéfice ; enfin, les entreprise seraient tentées de raccourcir les contrats de deux mois, de telle sorte que leur terme coïncide avec la date d'obtention habituelle du diplôme, privant ainsi l'Etat de l'économie escomptée.
Mes chers collègues, cette mesure se situe dans le contexte beaucoup plus général d'une relance de l'apprentissage, à laquelle je suis vivement attaché, et se traduit notamment par la création d'un crédit d'impôt minimal de 1 600 euros par apprenti, disposition qui figure dans le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale présenté par M. Borloo. Ainsi, les nouvelles mesures prises en faveur de l'apprentissage procureront aux entreprises un allégement fiscal net de 152 millions d'euros en 2005. Or, donner et retenir ne vaut.
Il me semble donc que le présent dispositif, dans le seul but d'afficher un budget du travail en croissance zéro, conduit, pour un bénéfice finalement assez théorique, à une complexification préjudiciable à la relance de l'apprentissage.
La commission des finances est donc favorable à cet amendement.(Sourires.)
M. Jean Desessard. Je croyais qu'elle ne s'était pas prononcée...
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Roland Muzeau. Esprit, es-tu là ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Je reconnais bien volontiers qu'il serait plus heureux que le parcours qui va du diplôme au contrat bénéficie jusqu'au bout de l'exonération.
Le dispositif proposé à l'article 75 peut paraître paradoxal quand le diplôme est obtenu deux mois avant le terme du contrat et que l'embauche est définitive. En outre, il sera probablement assez difficile de l'appliquer.
Pour vous rassurer, madame Rozier, je dirai que, en l'absence d'apprentis, ce qui représente un certain nombre de cas, le problème ne se pose pas ! Nous savons tous que des entreprises souhaitent embaucher des apprentis et que des jeunes souhaitent entrer en apprentissage, mais que cela n'est pas toujours possible, par exemple, parce que le centre de formation est trop éloigné ou qu'il n'est pas assez doté.
Je rappelle que le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale a prévu l'instauration d'un fonds de modernisation de l'apprentissage doté de 215 millions d'euros, dont 150 millions d'euros dès cette année, justement pour faire face à ces difficultés dans le cadre d'une convention entre l'Etat déconcentré et les différentes régions en charge de la question.
Nous avons donc les moyens de résoudre le problème que vous soulevez sur les trois ans, sachant que l'augmentation de la taxe, ou sa modification, interviendra, elle aussi, en trois ans. Par conséquent, la première année, l'entreprise est largement bénéficiaire de l'énorme effort global qui est consenti en faveur de l'apprentissage.
Cela dit, la difficulté est réelle, je le concède volontiers.
Dans un plan d'ensemble où les arbitrages ont été largement favorables à l'apprentissage, j'ajoute que, pour les entreprises de moins de six salariés, le bénéfice est intégral, puisque l'exonération est complète ; il n'y a aucune taxe. Pour la grande partie des maîtres d'apprentissage, c'est vraiment un cadeau, justifié par les efforts qu'ils consentent.
Dans le cadre de l'accord général, nous avons beaucoup obtenu pour l'apprentissage. J'aurais préféré qu'il en soit autrement sur le point que vous évoquez. Néanmoins, compte tenu de l'enveloppe générale, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L'amendement n°II-10 est-il maintenu, madame Rozier ?
Mme Janine Rozier. Oui, monsieur le président.
M. le président. En conséquence, l'article 75 est supprimé.
Article 76
I. - Au premier alinéa de l'article L. 314-4 du code de l'action sociale et des familles, les mots : « par le montant limitatif inscrit à ce titre dans la loi de finances initiale de l'exercice considéré » sont remplacés par les mots : « par le total du montant limitatif inscrit à ce titre dans la loi de finances de l'année de l'exercice considéré et, à titre complémentaire, s'agissant des établissements et services mentionnés au a du 5° du I de l'article L. 312-1, des crédits inscrits à ce titre dans le budget du même exercice de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie ».
II. - La dernière phrase du second alinéa de l'article L. 323-31 du code du travail est ainsi rédigée :
« Ils peuvent recevoir des subventions en application des conventions passées avec l'Etat, les départements, les communes, les organismes de sécurité sociale ou la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-46, présenté par Mmes Printz, San Vicente et Le Texier, M. Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. L'article 76 a pour objet de permettre à la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, créée par la loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, d'apporter son concours au financement des centres d'aide par le travail et des ateliers protégés, à hauteur, selon les montants annoncés, de 48 millions d'euros.
Ce faisant, il tend à affecter les sommes obtenues au moyen de la journée de travail supplémentaire, imposée aux salariés, d'une manière qui n'est pas conforme aux orientations communiquées à l'opinion publique.
En effet, la journée de travail supplémentaire, même si elle était dans les projets du MEDEF et du Gouvernement depuis plusieurs années, a été présentée à nos concitoyens comme une conséquente directe et fortuite du drame de la canicule, comme le moyen de protéger les personnes âgées dépendantes d'un nouveau drame sanitaire.
Aujourd'hui, on observe que les sommes ainsi prélevées sont, en réalité, affectées à plusieurs actions parmi lesquelles la dépendance mais aussi le comblement du déficit de la sécurité sociale et l'apport de moyens supplémentaires pour les centres d'aide par le travail et les ateliers protégés.
Nul ne peut contester la nécessité d'augmenter les moyens de la politique d'insertion des personnes handicapées. Néanmoins, il n'est pas convenable de présenter la politique gouvernementale comme volontariste et innovante dans ce domaine, sans y consacrer des moyens nouveaux.
Or, les crédits proposés par la loi de finances initiale ne sont que la simple reconduction des crédits ouverts en 2004. Les seules mesures nouvelles sont obtenues dans leur intégralité par le prélèvement sur le travail et le salaire des Français alors même que ceux-ci croient que la journée de travail supplémentaire et la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie sont consacrées au financement des soins afférents à la dépendance.
Cette manipulation n'est pas sans rappeler ce que fut, en son temps, la vignette automobile ou, plus récemment, le hold up sur les finances de l'association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées afin de financer la garantie de ressources.
Elle est, de plus, particulièrement malvenue, l'opinion croyant que la question du handicap est un chantier prioritaire du Président de la République alors que la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a été examinée par le Parlement.
Notre amendement a plusieurs objets : appeler l'attention sur ce procédé, demander au Gouvernement de dégager véritablement les moyens d'une amélioration de la politique en faveur des personnes handicapées en augmentant directement les dotations et faire preuve de plus de clarté sur le sort réservé aux sommes prélevées sur la journée supplémentaire de travail des salariés.
Il est à craindre, comme c'est devenu une habitude en matière sociale, que cette manipulation ne soit que le début d'un nouveau désengagement de l'Etat et d'un délestage sur les collectivités territoriales, dans un domaine particulièrement sensible.
M. le président. L'amendement n° II-11, présenté par M. Souvet, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. Au titre de l'exercice 2005, la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie peut participer au financement des centres d'aide par le travail et des ateliers protégés.
II. Le montant limitatif prévu à l'article L. 314-4 du code de l'action sociale et des familles s'entend, pour 2005, comme la somme des crédits inscrits au titre des centres d'aide par le travail en loi de finances initiale et de la contribution de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie mentionnée au I.
La parole est à M. Louis Souvet, rapporteur pour avis.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. Le présent article ouvre la possibilité, pour la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, de financer les centres d'aide par le travail et les ateliers protégés.
Bien évidemment, la commission n'est pas opposée à cette mesure, mais l'amendement tel qu'il est rédigé pose un problème. Il vise, en effet, des articles du code de l'action sociale et des familles et du code du travail qui sont simultanément modifiés par le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
C'est pourquoi il nous paraît préférable d'adopter ici une simple mesure transitoire, autorisant le financement des centres d'aide par le travail et des ateliers protégés par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie pour le seul exercice 2005. De plus, il nous paraît préférable de renvoyer les modifications de fond des différents codes au projet de loi spécifiquement consacré au handicap, afin d'éviter les risques de contradiction entre ces textes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. La commission est défavorable à l'amendement n° II-46 et favorable à l'amendement n° II-11.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° II-46, car les budgets de financement globaux sont maintenus et ils sont, en ce qui concerne l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés, dans ce budget que vous votez vous-mêmes, en augmentation de 56,4 millions d'euros.
En revanche, le Gouvernement est très favorable à la pertinente rédaction proposée par M. Souvet.
M. le président. En conséquence, l'article 76 est ainsi rédigé.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je voudrais exprimer ma satisfaction à l'issue de ce débat extrêmement riche.
J'ai bien noté l'ambition et la pugnacité qui animent le ministre chargé de l'emploi ; la commission des finances partage totalement sa préoccupation.
Il n'est pas facile, monsieur le ministre, d'examiner votre budget et de discuter les dispositions fiscales ; vous y avez fait référence. En effet, notre modèle fiscal et, plus globalement, notre modèle de prélèvements obligatoires ont un impact direct sur l'attractivité du territoire et l'employabilité de ces femmes et de ces hommes que nous souhaitons voir entrer dans le monde du travail afin que la France se dirige le plus vite possible vers le plein emploi.
Tout à l'heure, nous avons eu une discussion, sur un amendement de Mme Printz, à propos de l'exonération des bas salaires. Je voudrais dire, une nouvelle fois, à quel point cette mesure a été utile en son temps, mais elle a progressivement créé des trappes à bas salaires dont il est très difficile de sortir.
Nous devons aller plus loin afin d'être attentifs à la corrosivité que peut avoir l'impôt de production ;c'est le sens de la réflexion que la commission des finances a proposée lors du débat sur les prélèvements obligatoires.
L'impôt de production, c'est la taxe professionnelle, ce sont les charges sociales qu'acquittent les employeurs. Cela nous impose d'imaginer un autre modèle fiscal et social. Sans doute faudra-t-il aller vers la fiscalisation des ressources de l'assurance maladie comme de la politique familiale et, alors, imaginer d'asseoir, au moins en partie, un impôt de solidarité sur la consommation ; c'est l'idée de TVA sociale que nous défendons.
Je voudrais également me réjouir du vote de l'amendement de la commission des affaires sociales, relatif à l'apprentissage. Nous avons ainsi fait disparaître une disposition qui aurait freiné sa montée en puissance.
Naturellement, cela coûte quelques fonds publics, mais nous faisons confiance au ministre du travail pour redéployer, à l'intérieur de son budget substantiel, les moyens dont il dispose afin que, au total, cela ne coûte pas un euro supplémentaire à l'Etat. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'emploi et le travail.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures quarante.)
M. le président. La séance est reprise.