M. le président. L'amendement n° 6 rectifié, présenté par M. Le Grand, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Avant l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Il est créé après le chapitre VII du titre II du livre II du code de l'aviation civile, un chapitre VIII ainsi rédigé :
" Chapitre VIII
" Commission de conciliation aéroportuaire
"Art. L. 2281. I. La Commission de conciliation aéroportuaire comprend sept membres nommés pour une durée de six ans par décret pris sur le rapport du ministre chargé de l'aviation civile.
"II. Elle se compose de :
"1° Trois membres ou anciens membres issus respectivement du Conseil d'Etat, de la Cour de cassation, de la Cour des Comptes ;
"2° Deux personnalités choisies en raison de leur compétence en matière de transport aérien et d'aviation civile ;
"3° Un membre de l'Assemblée nationale ;
"4° Un membre du Sénat.
"III. Le président est nommé parmi les membres ou anciens membres du Conseil d'Etat, de la Cour de cassation ou de la Cour des Comptes.
"IV. Le mandat des membres de la Commission de conciliation aéroportuaire est renouvelable une fois.
"Art. L. 2282. Est déclaré démissionnaire d'office par le ministre tout membre qui n'a pas participé, sans motif valable, à trois séances consécutives. Tout membre de la commission doit informer le président des intérêts qu'il détient ou vient à acquérir dans le domaine du transport aérien et de l'aviation civile.
"En cas de partage égal des voix, la voix du président est prépondérante.
"Art. L. 2283. La Commission de conciliation aéroportuaire adresse au ministre de l'aviation civile des avis motivés relatifs à la conformité des décisions des exploitants des aérodromes mentionnés à l'article L. 2512 et à l'article 7 de la loi n° du relative aux aéroports aux objectifs définis à l'article L. 2284 et aux dispositions de l'article L. 2242.
"Elle est saisie à la même fin par les compagnies aériennes et leurs organisations, les organisations professionnelles et syndicales, les chambres de métiers ou les chambres de commerce et d'industrie de toute question relative à l'application du cahier des charges prévu à l'article L. 2512.
"Art. L. 2284. La Commission de conciliation aéroportuaire peut être saisie par les exploitants d'aérodromes en cas de non paiement ou de paiement insuffisant par un usager des redevances aéroportuaires. Après vérification de l'absence ou de l'insuffisance du paiement, elle en informe les exploitants des aérodromes, leurs usagers, les associations agrées de consommateurs, les organismes représentant les agences de tourisme. "
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Cet amendement tend à créer une commission de conciliation aéroportuaire. Il vise à insérer un nouveau chapitre et à introduire quatre articles supplémentaires dans le code de l'aviation civile.
Sans rentrer dans le détail de ces articles, qui figure dans le texte de l'amendement, j'indique simplement qu'ils tendent respectivement à prévoir la composition de la commission, à en préciser les règles de fonctionnement. L'article 228-3, qui est probablement l'élément principal du dispositif, confie à cette commission un rôle de médiation dans les litiges.
Quelle pourrait être la nature de ces litiges ? L'évolution des plateformes aéroportuaires peut conduire les compagnies aériennes à se retrouver dans un tête-à-tête avec les gestionnaires d'aéroports.
S'il y a fort à parier que, la plupart du temps, les choses se passent bien et que tout aille dans le bon sens, il pourrait néanmoins surgir des situations de conflit dues à une divergence d'appréciation sur les propositions concernant le montant de la redevance ou sur les orientations retenues en matière d'investissements dans les plateformes aéroportuaires, l'orientation marchande ou l'orientation « transport aérien ».
La commission a pensé qu'il était nécessaire que ce tête-à-tête puisse trouver une issue, par le haut, d'où sa proposition de création d'une commission de conciliation.
Elle constitue également un outil supplémentaire pour l'Etat. Il faut rappeler en effet que l'Etat est actionnaire majoritaire de ADP - et ce sera acté dans la loi si elle est votée -, qu'il est également actionnaire de Air France et de ADP. Etant actionnaire dans les trois acteurs présents dans le transport aérien, il se pourrait qu'il soit en conflit avec lui-même, autrement dit qu'il ne puisse trancher certains problèmes ou apporter un avis complètement désintéressé.
La commission de conciliation aurait une double mission. Elle serait chargée d'organiser la conciliation - nous y reviendrons tout à l'heure - et, en cas de réussite, il y aurait lieu de se féliciter de son aboutissement. Par ailleurs, elle pourrait être également saisie pour avis, ce qui représenterait un plus, en particulier lors de la négociation des contrats pluriannuels.
Je ne m'étendrai pas davantage sur ce point ; j'y reviendrai à l'occasion de l'examen du sous-amendement n° 70 rectifié du Gouvernement.
Je rappelle que la commission avait émis un avis plutôt défavorable sur le sous-amendement initial. Le Gouvernement l'a rectifié et il rejoint maintenant la philosophie de la commission.
Je suis persuadé, monsieur le ministre, que nous trouverons ensemble une issue commune, favorable et créative, pour doter le transport aérien d'un outil supplémentaire permettant à ce secteur d'être protégé dans toutes ses dimensions et ses orientations et aux plateformes aéroportuaires de continuer à envisager des projets d'investissements normaux et nécessaires. Ces dispositions me paraissent donc aller dans le bon sens.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Yvon Collin, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je tiens à exprimer le soutien total que la commission des finances apporte à cet amendement.
Il nous paraît en effet tout à fait opportun d'instaurer une autorité de concertation qui, sans revenir sur la politique du Gouvernement, pourrait être saisie par les acteurs du transport aérien.
Je souligne, même si cela a été dit, que l'Etat se trouve tout à la fois régulateur, actionnaire de ADP et actionnaire de Air France. Il est évident que ces trois entités ont intérêt à ce que l'activité aéroportuaire se développe, mais des arbitrages délicats pourront s'avérer nécessaires. La commission de conciliation pourra utilement éclairer le Gouvernement.
En conséquence, elle constitue à l'évidence une avancée extrêmement positive et donne plus de lisibilité au système.
M. le président. Le sous-amendement n° 70 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par l'amendement n° 6 rectifié pour l'article L. 228-3 du code de l'aviation civile:
« Art. L. 2283. - La Commission de conciliation aéroportuaire adresse au ministre chargé de l'aviation civile des avis motivés sur les programmes d'investissement et sur les projets d'évolution pluriannuelle des redevances proposés par les exploitants des aérodromes mentionnés à l'article L. 2512 et à l'article 7 de la loi n° du relative aux aéroports, dans le cadre de la conclusion des contrats mentionnés au II de l'article L. 2242.
« Elle est saisie à la même fin par les exploitants d'aérodromes, les compagnies aériennes et leurs organisations professionnelles.
La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. Avant de présenter ce sous-amendement, permettez-moi, monsieur le président, de saluer l'initiative de la commission des affaires économiques visant à créer une commission de conciliation pour le travail exceptionnel qu'elle a accompli. sur le plan législatif
Par l'amendement n° 6 rectifié, la commission prévoit un dispositif qui doit apporter - et qui apportera - au Gouvernement un éclairage important sur la question essentielle des redevances. L'esprit de cette proposition me semble répondre à la logique du Gouvernement, qui consiste à engager une concertation sur l'évolution des redevances en amont de la conclusion des règles pluriannuelles.
Si le Gouvernement propose un sous-amendement, c'est tout simplement parce qu'il lui semble nécessaire de bien cibler le rôle de cette commission sur le sujet central : l'évolution pluriannuelle des redevances.
Tel est le travail très complémentaire qui a été réalisé par les commissions et par le Gouvernement, dont je me félicite.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 70 rectifié ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Je veux tout d'abord remercier mon excellent collègue Yvon Collin du travail qu'il a accompli, au nom de la commission des finances, ainsi que du soutien qu'il a apporté à l'initiative de la commission des affaires économiques.
Monsieur le ministre, comme je l'ai laissé entendre tout à l'heure, le sous-amendement n° 70 rectifié améliore la rédaction de l'amendement n° 6 rectifié. De plus, il se situe dans le droit-fil de nos réflexions.
La commission des affaires économiques ne s'étant pas prononcée, c'est donc à titre personnel que j'exprime un avis favorable sur ce sous-amendement, qui vise à équilibrer l'amendement de la commission. Ce dernier doit bien entendu être créatif, mais il doit surtout être fonctionnel.
Nous avions été plutôt défavorables au sous-amendement tel qu'il avait été initialement présenté par le Gouvernement, mais la modification apportée me permet de dire qu'il aurait maintenant reçu un avis favorable.
A titre personnel, je vous invite donc à l'adopter, mes chers collègues.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 70 rectifié.
M. Jean Desessard. Je voudrais faire remarquer à M. le rapporteur que la commission des affaires économiques s'est réunie ce matin. Nous avons examiné ce sous-amendement gouvernemental, qui vise à remplacer une personnalité de la Cour de cassation par une autre personne.
La commission a, me semble-t-il, voté contre cette proposition, monsieur le rapporteur. Je ne comprends donc pas votre position.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Monsieur Desessard, nous avons examiné ce matin le sous-amendement initial déposé par le Gouvernement. J'ai bien dit tout à l'heure que la commission y avait été défavorable. Cela étant, la rectification apportée par le Gouvernement rejoint, je le répète, la philosophie d'ensemble de la commission.
M. le président. La parole est à M. Gérard César, pour explication de vote.
M. Gérard César. J'ai assisté ce matin à la réunion de la commission des affaires économiques et je confirme les propos de M. le rapporteur.
La commission a suivi toutes ses propositions et, dans sa majorité, elle le suivra en votant le sous-amendement n° 70 rectifié.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 70 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 8.
Article 8
Il est ajouté, après l'article L. 224-1 du code de l'aviation civile, un article L. 224-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 224-2. - I. - Les services publics aéroportuaires donnent lieu à la perception de redevances pour services rendus fixées conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 410-2 du code de commerce.
« Le montant des redevances tient compte de la rémunération des capitaux investis, ainsi que, le cas échéant, de dépenses, y compris futures, liées à la construction d'infrastructures ou d'installations nouvelles avant leur mise en service.
« Il peut faire l'objet, pour des motifs d'intérêt général, de modulations limitées tendant notamment à réduire ou compenser les atteintes à l'environnement, améliorer l'utilisation des infrastructures ou diminuer leur encombrement.
« Le produit global des redevances ne peut excéder le coût des services rendus sur l'aéroport.
« II. - Pour la société Aéroports de Paris et pour les exploitants des aérodromes civils appartenant à l'Etat, les conditions de l'évolution des tarifs des redevances aéroportuaires sont déterminées par des contrats pluriannuels d'une durée maximale de cinq ans, conclus avec l'Etat, qui fixent pour la période considérée une évolution maximale en tenant compte notamment des prévisions de coûts, de recettes, d'investissements ainsi que d'objectifs de qualité des services publics rendus par l'exploitant d'aérodrome. Ces contrats s'incorporent, le cas échéant, aux contrats de concession d'aérodrome conclus par l'Etat.
« Faute pour un tel contrat d'être conclu, les tarifs des redevances aéroportuaires sont déterminés sur une base annuelle dans des conditions fixées par décret.
« III. - Un décret en Conseil d'Etat arrête les modalités d'application du présent article, notamment les catégories d'aérodromes qui en relèvent, les règles relatives au champ, à l'assiette et aux modulations des redevances, les principes et les modalités de fixation de leurs tarifs, ainsi que les sanctions administratives susceptibles d'être infligées à l'exploitant en cas de manquement à ses obligations en la matière.
L'autorité administrative peut, en particulier, prononcer une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement et aux avantages qui en sont tirés, sans pouvoir excéder 1 % du chiffre d'affaires hors taxe du dernier exercice clos de l'exploitant. »
M. le président. Je suis saisi de onze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 23, présenté par MM. Billout et Coquelle, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. L'article 8 vise à introduire la possibilité de moduler les redevances versées par ADP et les aéroports régionaux en contrepartie des services aéroportuaires rendus, et ce sans l'accord de l'Etat et sans consultation préalable des usagers.
Il s'agit là d'une remise en cause des fonctions régaliennes de l'Etat, à savoir répartir les fonds publics perçus par le biais d'une redevance au regard des services d'intérêt général qu'il rend.
Dans le second alinéa, l'article 8 introduit une nouveauté puisqu'il permet d'intégrer dans le calcul de la redevance la rémunération des capitaux investis. Il s'agit encore une fois de satisfaire à l'impératif de rentabilité des investissements qui seront réalisés par une entreprise privée, alors même que le fondement de cette redevance reste l'exécution de missions de service public. Comment peut-on confier à une entreprise privée la mise en oeuvre de l'intérêt général ?
Ces modulations, précise-t-on dans le troisième alinéa, ne seront acceptées que si elles tiennent à un motif d'intérêt général, comme la préservation de l'environnement, l'amélioration de l'utilisation des infrastructures et la diminution de leur encombrement. Autant dire que ces motivations n'auront pas besoin d'une grande précision.
Nous pouvons craindre que cet article, qui modifie substantiellement le régime des redevances aéroportuaires, ne soit la porte ouverte à de nouvelles pratiques, au détriment de la qualité du service rendu aux usagers.
En effet, cette mesure permet au Gouvernement de se soustraire non seulement au principe d'égalité devant les charges publiques, principe énoncé à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, mais aussi au principe d'égalité de traitement des usagers du service public, notamment pour ce qui concerne l'utilisation du domaine public.
De plus, pour accroître leur bénéfice, et ainsi satisfaire leurs actionnaires, les gestionnaires d'aéroports pourraient être tentés de fixer les redevances à un niveau plus élevé pendant les périodes de pointe du trafic. A l'aéroport Charles-de-Gaulle, une telle pratique pénaliserait fortement l'entreprise d'intérêt national Air France, qui possède un hub et propose des vols, tant en heures creuses qu'en heures de pointe, pour répondre à l'ensemble des besoins et donc remplir ses missions de service public.
Cette nouvelle mesure va aussi tendre à accroître la concurrence entre les compagnies aériennes pour obtenir les aérogares les plus économiques. Quels seront alors les critères d'attribution ?
De plus, les risques de mise en place de traitements différents sont élevés. Ainsi, on pourrait faire payer plus les compagnies « traditionnelles » comme Air France et diminuer les tarifs pour les compagnies low cost qui offrent un service moindre.
Cette mesure pourrait se traduire par la mise en oeuvre d'une activité aéroportuaire à deux vitesses en fonction des revenus des usagers et risquerait aussi de porter atteinte aux normes de sécurité.
Vous avez dit, monsieur le ministre, que vous reteniez le système de caisse unique ; nous nous en félicitons et nous espérons que vous tiendrez ces engagements.
Par ailleurs, les exigences de rentabilité immédiate et de réduction des coûts font peser de lourdes inquiétudes quant aux conditions d'accueil des usagers et à la sécurité des locaux.
Enfin, toutes les dispositions relatives aux modalités d'application de cet article - catégorie des aérodromes, assiette et taux de modulation des redevances, modalité de fixation des tarifs - sont renvoyées, une fois de plus, à un décret en Conseil d'Etat, ce qui constitue un véritable chèque en blanc donné à l'exécutif.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l'article 8.
M. le président. L'amendement n° 53, présenté par MM. Reiner, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le deuxième alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 2242 du code de l'aviation civile :
« Le montant des redevances tient compte le cas échéant, de dépenses, y compris futures, liées à la construction sur le même aéroport d'infrastructures ou d'installations nouvelles avant leur mise en service.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Nous retirons cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 53 est retiré.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 24 est présenté par MM. Billout et Coquelle, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 55 est présenté par MM. Reiner, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 64 est présenté par M. Soulage.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Compléter le deuxième alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 2242 du code de l'aviation civile par une phrase ainsi rédigée :
« Ce montant tient compte en outre de l'excédent des recettes procurées à l'exploitant de l'aéroport par les activités non aéronautiques, y compris les plus-values foncières constatées lors de cession de terrains.
La parole est à M. Michel Billout, pour présenter l'amendement n° 24.
M. Michel Billout. L'article 8 suscite de nombreuses inquiétudes, qu'elles émanent d'une grande compagnie aérienne comme Air France - son président a écrit à M. le ministre -, qui craint de voir ses propres redevances fortement augmenter, ou des usagers et des collectivités locales riveraines des aéroports, qui craignent de subir les effets négatifs liés à l'introduction du dispositif de modulation.
Jusqu'à présent la compagnie Air France a su tirer son épingle du jeu concurrentiel, et ce sur fond de faillite d'autres grandes compagnies aériennes. Mais qu'en sera-t-il, à terme, avec l'intensification de la concurrence des compagnies low cost qui se satisfont de structures d'accueil a minima et qui tirent vers le bas l'ensemble des coûts des services aéroportuaires ?
Quelle politique de modulation sera mise en place par l'exploitant face à ces deux catégories d'usagers ?
Ce sont autant de questions qui méritent une réponse.
Monsieur le rapporteur, vous affirmez que « la modulation ne constitue donc pas une source d'accroissement des ressources de l'exploitant, mais une incitation à une répartition des redevances plus profitable à la collectivité ». Permettez-moi d'avoir des doutes.
A partir du moment où l'exploitant est privé, l'introduction de cette modulation devient pour le moins périlleuse, et je redoute que le dispositif tel qu'il est conçu n'apporte aucune garantie. On peut dès lors légitimement craindre, dans le contexte actuel de mise en concurrence des aéroports, que la modulation ne soit utilisée comme un avantage concurrentiel visant à intensifier le trafic.
Cela étant, l'amendement n° 24 a pour objet de réaffirmer le principe selon lequel l'ensemble des ressources générées par un aéroport doivent être affectées à une caisse unique.
Dans le cas contraire, les services aéroportuaires seraient rapidement privés des ressources nécessaires non seulement à leur équilibre financier, mais également au financement de leur développement.
Cet amendement de repli vise donc à ce que les activités commerciales, immobilières et autres permettent de réduire le niveau des redevances.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 55.
M. Jean Desessard. Le principe selon lequel l'ensemble des ressources d'un aéroport doit être affecté dans une caisse unique doit être affirmé par le législateur.
En effet, le développement d'un aéroport et l'ensemble des recettes qu'il perçoit trouvent leur origine dans le trafic aérien. Il en résulte que l'excédent des ressources nées des activités extra-aéronautiques, c'est-à-dire des activités commerciales, hôtelières, logistiques ou immobilières, doit permettre de réduire le niveau des redevances aéronautiques.
Selon la théorie économique, ce principe de la caisse unique est fondé sur l'existence d'une complémentarité entre les demandes satisfaites par les activités commerciales et celles portant sur les services aéronautiques.
Dans la pratique, ce principe est aujourd'hui respecté par la plupart des grands aéroports internationaux. Il est appliqué notamment au Royaume-Uni, en particulier dans les aéroports londoniens. Il est, en outre, préconisé par l'Organisation de l'aviation civile internationale.
Afin de donner une traduction législative à ce principe, il convient de mentionner que le montant des redevances dues par les transporteurs aériens pour les services aéroportuaires qui leur sont rendus tient compte de l'excédent des recettes procurées à l'exploitant de l'aéroport par toutes les activités qui ne sont pas aéronautiques, y compris le produit des éventuelles plus-values foncières dégagées par l'aéroport lors de la cession de terrains.
M. le ministre a bien confirmé le principe de la caisse unique, mais M. le rapporteur pour avis de la commission des finances indique que le dispositif proposé n'est pas, à strictement parler, une caisse unique. Lorsqu'il évoque la position d'ADP, il qualifie, à la page 44 de son rapport, cette caisse de « caisse unique aménagée ».
En clair, il semblerait que ADP veuille diminuer les redevances sur les commerces pour que celles-ci subventionnent moins, de fait, les activités aéronautiques.
Nous aimerions avoir des éclaircissements sur ce point, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. Daniel Soulage, pour présenter l'amendement n° 64.
M. Daniel Soulage. Par cet amendement, je réaffirme le principe selon lequel l'ensemble des ressources d'un aéroport doit être affecté dans une caisse unique.
J'ai déjà abordé le problème ce matin lors de la discussion générale. M. le ministre a répondu à deux reprises à mes interrogations. Ses explications me convenant parfaitement, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 64 est retiré.
L'amendement n° 65, présenté par M. Soulage et les membres du groupe de l'Union Centriste, est ainsi libellé :
Après le mot :
tendant
rédiger comme suit la fin du troisième alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 2242 du code de l'aviation civile :
à réduire ou compenser les atteintes à l'environnement, améliorer l'utilisation des infrastructures, diminuer leur encombrement, favoriser la création de nouvelles liaisons ou répondre à des impératifs de continuité et d'aménagement du territoire.
La parole est à M. Daniel Soulage.
M. Daniel Soulage. L'amendement n° 65 vise à préciser exactement le champ de la modulation. Le législateur ne peut pas ouvrir sans limitations ni précisions ce champ.
Nous proposons donc de compléter le texte du Gouvernement en prévoyant des modulations visant à favoriser le développement de nouvelles liaisons ou à promouvoir certaines activités ayant des retombées socioéconomiques particulières sur un aéroport donné.
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Le Grand, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Au troisième alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 224-2 du code de l'aviation civile, supprimer le mot :
notamment
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Il s'agit de préciser le champ de la modulation. Il est, en effet, nécessaire de ne pas ouvrir sans limitations ni précisions ce champ.
M. le président. L'amendement n° 67 rectifié, présenté par MM. Laffitte, Pelletier, Barbier, A. Boyer, Fortassin, Marsin, Seillier et Mouly, est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 2242 du code de l'aviation civile, remplacer les mots :
des redevances
par les mots :
de ces redevances
La parole est à M. Pierre Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Il s'agit d'un amendement de précision.
M. le président. L'amendement n° 56, présenté par MM. Reiner, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I - Compléter in fine le I du texte proposé par cet article pour l'article L. 2242 du code de l'aviation civile par un alinéa ainsi rédigé :
« Le montant des redevances, leurs modulations éventuelles, leur produit global et leurs évolutions annuelles et pluriannuelles sont fixés à l'issue d'une concertation organisée entre l'exploitant de chaque aéroport et ses usagers ».
II - En conséquence, dans le premier alinéa du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 2242 du code de l'aviation civile, après les mots :
les principes et les modalités de fixation de leurs tarifs
insérer les mots :
, les modalités de la concertation organisée entre l'exploitant de chaque aéroport et ses usagers
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. La fixation du montant des redevances aéroportuaires fait actuellement l'objet, dans le cadre des commissions consultatives économiques prévues par les articles R. 224-2 et D. 252-1 du code de l'aviation civile, d'une consultation préalable des usagers.
En contrepartie de la plus grande liberté accordée par le projet de loi aux exploitants des aéroports pour fixer le tarif des redevances, il est indispensable que le principe de concertation préalable entre l'exploitant et les usagers soit affirmé par la loi.
Lorsque l'aéroport conclut un contrat pluriannuel pour déterminer les conditions d'évolution des redevances, cette concertation doit intervenir avant la conclusion du contrat, puis chaque année pendant son exécution.
Pour les aéroports qui n'ont pas conclu un tel contrat, la concertation doit être organisée annuellement.
A la différence de la proposition de M. le rapporteur, la nôtre consiste non pas à instaurer une régulation en aval, mais à maintenir un dispositif de concertation en amont, du type de celui qui existe aujourd'hui, organisé autour de la commission consultative économique. Nous estimons indispensable que tous les acteurs soient autour de la table, car les décisions ne doivent pas être prises par les seuls aéroports. En effet, toute modification du niveau des redevances peut avoir un impact sur la situation des compagnies aériennes.
M. le président. L'amendement n° 54, présenté par MM. Reiner, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter in fine le premier alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 2242 du code de l'aviation civile par une phrase ainsi rédigée :
Si le bon accomplissement des missions de service public l'exige, ces contrats peuvent être renégociés avant leur terme.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Par cet amendement, il est proposé d'inclure une clause de révision des contrats quinquennaux fixant le montant des redevances si le bon accomplissement des missions de service public l'exige.
Nous souhaiterions savoir, monsieur le ministre, si ce genre de clause figurera dans les contrats.
M. le président. L'amendement n° 8, présenté par M. Le Grand, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Au second alinéa du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 224-2 du code de l'aviation civile, supprimer les mots :
en particulier
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les amendements affectant l'article 8.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Par l'amendement n° 8, nous souhaitons préciser dans la loi qu'il n'y a pas de sanctions administratives autres que les sanctions pécuniaires, en supprimant les mots « en particulier ».
La commission est favorable à l'amendement n° 23.
S'agissant des amendements nos 24 et 55, je demande à leurs auteurs de bien vouloir suivre M. Soulage, qui a retiré l'amendement n° 64 ; les explications que M. le ministre a données sur ce sujet sont totalement satisfaisantes, et ces amendements n'ont plus lieu d'être. J'émettrai, sinon, un avis défavorable.
Avec l'amendement n° 65, M. Soulage propose d'améliorer encore la rédaction de l'amendement n° 7 de la commission ; j'émets donc un avis favorable, et je remercie notre collègue de sa contribution.
Sur l'amendement n° 67 rectifié, l'avis de la commission est favorable : cet amendement rédactionnel a son importance.
L'amendement n° 56 est satisfait, puisque l'amendement n° 6 vis à créer une commission de conciliation aéroportuaire, qui sera saisie pour avis lors de l'élaboration des contrats pluriannuels. Sera-ce en aval ou en amont ? Ce sera en tout cas au bon moment, just at time, comme on dit en bon français. (Sourires.) Il ne s'agit, de ma part, ni d'une astuce ni d'un effet de manche. J'estime sincèrement que nos collègues sont satisfaits, et je leur suggère donc de retirer cet amendement.
Sur l'amendement n° 54, mon avis est le même, puisqu'il s'agit de permettre la renégociation des contrats quinquennaux. Or un contrat est un accord libre entre deux parties, qui peuvent toujours, à tout moment, choisir de le renégocier. Cela allant sans dire, ce n'est pas la peine de l'écrire !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Yvon Collin, rapporteur pour avis. Je tiens à répondre à la question de M. Desessard concernant le principe de la caisse unique et le renvoyer à la page 41 de mon rapport : il y lira que je suis non pas en faveur d'une double caisse, mais simplement d'une plus grande vérité des prix : « Une telle logique, si elle était appliquée, pourrait se traduire par des hausses considérables des redevances, ce qui se ferait à l'évidence au détriment des compagnies aériennes et, in fine, de l'aéroport, puisque, le prix des billets augmentant, il est probable que moins de passagers utiliseraient les services d'ADP. »
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. S'agissant de l'amendement n° 23, d'une part, il est, pour moi, nécessaire de prévoir des bases solides pour garantir les ressources qui financent le service public ; d'autre part, il ne faut pas confondre les modulations de redevances et les redevances à bas prix : ces dernières sont adaptées à des services à bas prix, ce qui est légal et ne fait pas l'objet de notre débat.
Je rappelle que l'article 8 est absolument nécessaire, la réforme proposée visant à conforter et à renforcer la sécurité juridique des ressources du service public aéroportuaire et n'induisant pas la mise en place d'un système de double caisse.
Je confirme mon attachement au système de la caisse unique, comme je l'ai déjà indiqué ce matin.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 23.
Sur l'amendement n° 24, l'avis du Gouvernement est également défavorable, puisque je tiens au principe de la caisse unique.
Par ailleurs, cet amendement couvre imparfaitement le principe de la caisse unique, que le Gouvernement s'engage clairement à maintenir au niveau réglementaire pour les aéroports relevant de sa compétence.
Par ailleurs, la mesure proposée irait à l'encontre du principe de la libre administration des collectivités territoriales, qui doivent prendre en charge les aéroports à vocation régionale ou locale en application de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales.
Sur l'amendement n° 55, le Gouvernement a également émis un avis défavorable, pour les mêmes raisons.
J'ajoute qu'il n'y aucune volonté, de la part du Gouvernement, de diminuer les recettes qui proviennent des commerces. La notion de caisse unique aménagée, visée par MM. les rapporteurs, vise à exclure de cette caisse les activités à risques que pourrait développer la société ADP.
Je suis également défavorable à l'amendement n° 55, pour les mêmes raisons.
En revanche, je suis favorable l'amendement n° 65, car il vis à compléter la liste des motifs d'intérêt général susceptibles de justifier des modulations de redevances.
Je suis favorable à l'amendement n° 7, dans la mesure où je le suis à l'amendement n° 65.
Il en est de même pour l'amendement n° 67 rectifié, qui est un amendement rédactionnel tout à fait intéressant.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 56 : ce sujet a été traité de manière plus approfondie et avec plus de rigueur dans l'amendement n° 6.
Je suis défavorable à l'amendement n° 54, la disposition proposée ne relevant pas du domaine législatif.
Enfin, je suis favorable à l'amendement n° 8, car il s'agit d'un amendement rédactionnel tout à fait intéressant.
M. le président. Monsieur Desessard, l'amendement n° 55 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. M. le rapporteur nous a demandé de le retirer, au prétexte que ce que nous proposions figurait déjà dans le texte de loi.
Puisqu'il est d'accord avec nous, qu'il nous donne entièrement satisfaction et qu'il vote avec nous cet amendement ! Les choses seront plus claires !
M. le président. Monsieur Billout, l'amendement n° 24 est-il maintenu ?
M. Michel Billout. Je le maintiens !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 24 et 55.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 7 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 67 rectifié.
(L'amendement est adopté.)