Article 9
Il est ajouté, après l'article L. 224-2 du code de l'aviation civile, un article L. 224-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 224-3. - Sous réserve, pour ceux des aérodromes n'appartenant pas à l'Etat, de l'accord du signataire de la convention prévue à l'article L. 221-1 du code de l'aviation civile, l'exploitant d'un aérodrome établi sur le domaine public peut percevoir des redevances domaniales auprès des tiers autorisés à occuper ou utiliser le domaine considéré au-delà des limites des services publics aéroportuaires mentionnés à l'article L. 224-2 et du droit d'usage qui appartient à tous. Ces redevances peuvent tenir compte des avantages de toute nature procurés à l'occupant ou au bénéficiaire du domaine. Les taux de ces redevances peuvent être fixés par l'exploitant d'aérodrome, sous réserve, pour les aérodromes n'appartenant pas à l'Etat, de l'accord du signataire de la convention susmentionnée. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 25, présenté par MM. Billout et Coquelle, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Aux termes de cet article, l'exploitant d'un aérodrome appartenant à une société privée gestionnaire mais établi sur le domaine public peut percevoir des redevances domaniales de la part de compagnies aériennes.
Il s'agit de l'application particulière des principes retenus pour les aérodromes régionaux situés sur les terrains appartenant aux collectivités territoriales. Ainsi, des sociétés privées pourraient recouvrer des redevances pour l'occupation du domaine public, domaine dont les aéroports régionaux ne sont pas propriétaires.
Tout cela signifie, finalement, que serait reconnu un droit de sous-location au profit de sociétés privées exploitantes de l'aérodrome.
Quelles conséquences cela aurait-il en ce qui concerne le droit de regard des collectivités locales sur l'aménagement de leur territoire ? Quelles conséquences cela aurait-il sur leurs ressources ?
Ce sont là autant de zones d'ombre qui méritent des précisions de la part du Gouvernement.
La décentralisation a déjà lourdement pénalisé les collectivités locales. Il ne faudrait pas encore aggraver leurs difficultés à trouver des ressources suffisantes pour la mise en oeuvre des services de plus en plus nombreux dont elles ont la charge.
Enfin, il faut veiller à ce que l'ensemble des ressources issues de ces redevances, quelle qu'en soit l'origine, soient bien affectées à l'unique mise en oeuvre de services aéroportuaires.
Pour ces raisons, nous proposons la suppression de cet article.
M. le président. L'amendement n° 58, présenté par MM. Reiner, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter la deuxième phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 2243 du code de l'aviation civile par les mots :
, sans que leur montant ne puisse porter atteinte au bon accomplissement des missions de service public
L'amendement n° 57, présenté par MM. Reiner, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 2243 du code de l'aviation civile par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, doit être approprié aux services rendus le montant des redevances dues par les entreprises dont l'activité est directement liée au transport aérien et qui sont autorisées à occuper ou à utiliser, au-delà des limites des services publics aéroportuaires mentionnés à l'article L. 2242 et du droit d'usage qui appartient à tous, soit le domaine public des aéroports, soit les terrains, ouvrages et installations aéroportuaires appartenant la société Aéroports de Paris ».
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Nous souhaitons limiter la portée de l'article 9. En effet, il s'applique aux titulaires de baux qui exercent des activités commerciales, mais aussi aux transporteurs aériens.
Il ne faudrait pas que le montant fixé pour les activités de l'aéroport directement liées au transport aérien le soit à un niveau que l'on pourrait qualifier de prohibitif. Il faut en effet garantir le bon accomplissement des missions de service public. Il convient donc de faire la différence entre les activités qui sont liées directement au transport aérien et celles qui n'y sont pas liées.
Si l'aéroport a été choisi par telle ou telle activité, c'est parce que c'est un lieu où l'on peut toucher beaucoup de monde, mais la prestation fournie n'est pas forcément directement liée au transport proprement dit.
Cette modification pourrait conduire à un alourdissement des charges pesant sur les compagnies aériennes et sur les entreprises, notamment sur les prestataires d'assistance en escale, dont l'activité est directement liée au transport aérien.
Les compagnies aériennes sont la source même du développement de l'activité aéroportuaire et, contrairement aux commerces qui sont installés dans les aérogares, les entreprises dont l'activité est directement liée au transport aérien n'ont pas d'autre choix que d'occuper ou d'utiliser les locaux mis à leur disposition par les exploitants des aérodromes.
Par ailleurs, cet article 9 n'est pas applicable aux redevances qui seront payées à la société Aéroports de Paris, puisque l'essentiel des terrains et des ouvrages lui sont attribués en pleine propriété.
Là encore, il convient de prévoir que, pour les entreprises dont l'activité est directement liée au transport aérien, le montant des redevances dues en raison de l'occupation ou de l'utilisation des terrains, ouvrages et installations aéroportuaires appartenant à la société Aéroports de Paris doit continuer à être approprié aux services rendus.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 25.
Je voudrais saluer l'esprit constructif dont ont fait preuve Daniel Reiner et ses collègues à travers les amendements qu'ils ont déposés, en dépit des divergences qui nous ont opposés.
Pour autant, les amendements nos 58 et 57 me laissent quelque peu perplexe.
Ainsi, avec l'amendement n° 58, nous sommes dans le cas d'une redevance domaniale et non pas dans celui de l'exécution d'un service public. Je suis donc défavorable à cet amendement, même si je comprends le souci qui vous anime, monsieur Reiner.
M. Daniel Reiner. Cela reste un problème !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Vous avez raison de le souligner.
L'amendement n° 57 tend, quant à lui, à établir un lien entre une perception de redevance aéroportuaire justifiée par les services rendus et le montant des redevances domaniales dues pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public. Il me paraît difficile d'ajuster ces deux paramètres et d'établir un lien logique entre ces deux catégories. Par conséquent, la commission émet également un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Le Gouvernement ne peut qu'être défavorable à l'amendement de suppression n° 25. En effet, l'article 9 permettra de sécuriser et de maintenir les redevances domaniales.
Cette sécurisation des ressources domaniales concerne l'occupation du domaine public pour des activités autres que celles qui relèvent du service public aéroportuaire. Les redevances appliquées aux transporteurs aériens pour leurs locaux d'exploitation n'entrent donc pas dans le champ de cet article. C'est pourquoi l'amendement n° 58 n'a aucune portée. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Par ailleurs, rien ne justifie que certaines entreprises bénéficient de conditions plus avantageuses que d'autres occupants. Ce serait pourtant le cas si l'amendement n° 57 était adopté. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement y est également défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 9.
(L'article 9 est adopté.)
Article 10
Il est ajouté au code de l'aviation civile, après l'article L. 123-3, un article L. 123-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 123-4. - En cas de non-paiement ou de paiement insuffisant des redevances aéroportuaires, de la redevance de route ou de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne, l'exploitant d'aérodrome ou l'autorité administrative de l'Etat compétente peuvent, après avoir mis le redevable en demeure de régulariser sa situation, requérir la saisie conservatoire d'un aéronef exploité par le redevable ou lui appartenant auprès du juge du lieu d'exécution de la mesure.
« L'ordonnance du juge de l'exécution est transmise aux autorités responsables de la circulation aérienne de l'aérodrome aux fins d'immobilisation de l'aéronef. L'ordonnance est notifiée au redevable et au propriétaire de l'aéronef lorsque le redevable est l'exploitant.
« Les frais entraînés par la saisie conservatoire sont à la charge du redevable.
« Le paiement des sommes dues entraîne la mainlevée de la saisie conservatoire. »
M. le président. L'amendement n° 26, présenté par MM. Billout et Coquelle, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Il s'agit d'un amendement de conséquence. Il en ira de même pour tous les amendements de notre groupe restant en discussion. Je considère par conséquent que tous ont été défendus.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. La commission émet un avis défavorable. .
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Quel que soit le statut d'Aéroports de Paris, cet article est nécessaire. Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 10.
(L'article 10 est adopté.)
Article 11
Il est ajouté au code de l'aviation civile, après l'article L. 213-2, un article L. 213-2-1 rédigé comme suit :
« Art. L. 213-2-1. - Les agents civils et militaires de l'Etat, ainsi que les personnels des entreprises agissant pour le compte et sous le contrôle de l'administration et habilités à cet effet par l'autorité administrative, vérifient que les entreprises ou organismes installés sur les aérodromes respectent les mesures de prévention en matière de sécurité du transport aérien et de sûreté. A cet effet, ils ont accès à tout moment aux locaux et terrains à usage professionnel. »
M. le président. L'amendement n° 27, présenté par MM. Billout et Coquelle, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a été défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 11.
(L'article 11 est adopté.)
Article 12
Il est ajouté au titre Ier du livre II du code de l'aviation civile un chapitre VI ainsi rédigé :
« CHAPITRE VI
« SERVICES D'ASSISTANCE EN ESCALE
« Art. L. 216-1. - Sur les aérodromes dont le trafic excède un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat, les activités d'assistance en escale sont exercées par les transporteurs aériens, les exploitants d'aérodromes et les entreprises agréés à cet effet. Le même décret précise les conditions qui leur sont imposées, ainsi que les conditions dans lesquelles l'administration peut limiter leur nombre. »
M. le président. L'amendement n° 28, présenté par MM. Billout et Coquelle, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a été défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 12.
(L'article 12 est adopté.)
TITRE IV
DISPOSITIONS FINALES
Article 13
Les articles L. 251-4, L. 251-5, L. 251-6 et L. 252-1, le deuxième alinéa de l'article L. 282-6 et le deuxième alinéa de l'article L. 282-7 du code de l'aviation civile sont abrogés.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 29 est présenté par MM. Billout et Coquelle, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 59 est présenté par MM. Reiner, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L'amendement n° 29 a été défendu.
La parole est à M. Daniel Reiner, pour présenter l'amendement n° 59.
M. Daniel Reiner. Amendement de coordination.
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. Le Grand, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Rédiger cet article comme suit :
Les articles L. 251-4 à L. 251-6 et l'article L. 252-1 du code de l'aviation civile sont abrogés. Le deuxième alinéa de l'article L. 282-6 et le deuxième alinéa de l'article L. 282-7 du même code sont supprimés.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques nos 29 et 59 ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements ?
M. Gilles de Robien, ministre. Avis défavorable sur les amendements identiques nos 29 et 59.
Avis favorable sur l'amendement n° 9.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 29 et 59.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 13 est ainsi rédigé.
Article 14
Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés les actes réglementaires, décisions, accords, contrats et marchés passés par l'établissement public Aéroports de Paris avant le 1er janvier 2003, en tant qu'ils seraient contestés par le moyen qu'ils auraient été pris ou conclus sans que leur signataire ait bénéficié d'une délégation régulièrement donnée et publiée.
M. le président. L'amendement n° 30, présenté par MM. Billout et Coquelle, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a été défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 14.
(L'article 14 est adopté.)
Article 15
L'ensemble des opérations résultant de l'application du titre Ier de la présente loi est, sous réserve des dispositions de son article 2 et de son article 3, réalisé à titre gratuit et ne donne lieu au paiement d'aucun impôt, rémunération, salaire ou honoraire au profit de l'Etat, de ses agents ou de toute autre personne publique.
M. le président. L'amendement n° 31, présenté par MM. Billout et Coquelle, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a été défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 15.
(L'article 15 est adopté.)
Article 16
Les dispositions du titre Ier et des articles 13 et 15 de la présente loi entrent en vigueur le 1er janvier 2005, ainsi que celles du titre III en tant qu'elles visent la société Aéroports de Paris.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 32 est présenté par MM. Billout et Coquelle, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 60 est présenté par MM. Reiner, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L'amendement n° 32 a été défendu.
La parole est à M. Daniel Reiner, pour présenter l'amendement n° 60.
M. Daniel Reiner. Amendement de coordination.
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par M. Le Grand, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Les dispositions du titre Ier, des articles 13 et 15, ainsi que celles du titre III en tant qu'elles visent la société Aéroports de Paris, entrent en vigueur à la date de publication du décret en Conseil d'Etat prévu au I de l'article 5.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Le calendrier d'examen du projet de loi ne permet pas d'envisager son entrée en vigueur au 1er janvier 2005. Il s'agit donc de rédiger l'article 16 en conséquence.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques nos 32 et 60 ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements ?
M. Gilles de Robien, ministre. Avis défavorable sur les amendements identiques nos 32 et 60.
La proposition contenu dans l'amendement n° 10 est vraiment réaliste au regard du calendrier probable d'examen du projet de loi malgré la rigueur et la rapidité du débat. Le Gouvernement y est donc favorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 32 et 60.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Daniel Reiner, pour explication de vote.
M. Daniel Reiner. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne pouvons être satisfaits dans la mesure où aucun de nos amendements n'a été retenu. Il s'agissait pourtant d'amendements de fond de grande valeur. Je vois d'ailleurs une preuve de leur qualité dans leur non-adoption ! (Rires.)
Nous avons déjà témoigné de notre opposition globale à ce projet de loi, et ce tant sur la forme que sur le fond.
Je maintiens notre opposition sur la forme tout en espérant, monsieur le ministre, que, dans l'élaboration des décrets vous serez attentif aux différents intéressés.
Nous retiendrons de ce débat votre engagement à maintenir une participation majoritaire publique dans Aéroports de Paris, même si nous aurions souhaité que ce soit inscrit plus fermement dans le projet de loi.
Cela étant, ce projet de loi présente la bizarrerie d'établir une distinction assez injuste entre les aérodromes de province et les aérodromes parisiens : les premiers demeurent la propriété de personnes publiques alors que les seconds ouvrent leur capital et vendent leurs terrains à des actionnaires privés.
Certes, nous ne nous sommes pas attardés sur la situation des aérodromes de province, car nous avons compris que les chambres de commerce et les collectivités territoriales étaient d'accord pour entrer dans leur capital. En effet, toutes considèrent sans doute que ces aéroports sont des outils de développement économique qu'il est intéressant de maîtriser en partie, et ce dans leur propre intérêt.
Pour autant, le Gouvernement se défausse clairement sur les collectivités locales. Depuis la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales, il en est déjà ainsi pour les petits aéroports. Pour les grands, dès lors que le Gouvernement n'assurera plus la garantie due aux chambres de commerce, ce sont les collectivités territoriales qui supporteront ce transfert financier. C'est dans l'ordre actuel des choses.
Or, en vendant les terrains des pistes et des aérogares des aéroports de Roissy - Charles-de-Gaulle et de Paris - Orly, votre Gouvernement, monsieur le ministre, va à rebours de toutes les politiques d'infrastructure qui sont menées par nos partenaires. Nous l'avons répété, les plus libéraux reconnaissent l'inefficacité d'une telle mesure : les Etats-Unis eux-mêmes ont décidé que les aéroports demeureraient des propriétés publiques.
Mme Hélène Luc. Eh oui !
M. Daniel Reiner. Vous avez pris l'exemple de l'aéroport d'Amsterdam, mais le gouvernement hollandais revient en quelque sorte sur la position qu'il avait prise initialement et cherche à ce que l'Etat soit présent...
M. Daniel Reiner. C'est exact, mais ce dernier relève de l'autorité d'un Land et la France n'est pas, à ma connaissance, une République fédérale. La situation est tout de même un peu différente.
Il est clair que l'Etat perdra une partie de sa capacité à faire respecter le cahier qu'il s'imposait en termes d'obligation de service public et de cohésion territoriale.
Bref, ce projet de loi s'inscrit dans le droit-fil de l'action du Gouvernement. Nous craignons fort, d'une part, que cela n'accentue les inégalités d'accès en matière de transports en octroyant aux sociétés exploitantes la capacité de décider seules d'une augmentation de redevance, même dans le cadre d'un plan quinquennal, d'autre part, que cela n'ouvre la voie à une hausse des tarifs au seul bénéfice des actionnaires des compagnies.
Une telle hausse des coûts peut pourtant pénaliser les utilisateurs, non seulement les usagers du transport aérien, mais également les compagnies aériennes - vous devinez sans doute à laquelle je pense tout particulièrement - au risque de fragiliser ces dernières.
Par ailleurs, ce projet de loi amplifiera une sorte de « spirale baissière » entre les aérodromes de province. Le risque est grand que ces derniers ne se lancent dans une concurrence acharnée et que certains d'entre eux, à terme, ne disparaissent, et ce au détriment de l'aménagement du territoire.
Telles sont les raisons qui nous conduisent, monsieur le ministre, vous l'aviez compris depuis le début de ce débat, à nous opposer à ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une page décisive de notre histoire est en train de se tourner. Quelques heures de débat auront suffi pour que soit engagé le processus d'ouverture de capital, puis de privatisation d'Aéroports de Paris et pour que nous perdions, à terme, la maîtrise publique de nos grands aéroports régionaux.
En effet, c'est bien de cela qu'il s'agit ! Vos démentis sur les privatisations à venir ne sont guère convaincantes et ne résistent pas à l'analyse des faits, monsieur le ministre.
Vous continuez d'affirmer que, malgré l'ouverture du capital d'ADP, le fait d'inscrire dans le projet de loi que l'Etat restera majoritaire serait la preuve qu'il n'y a aucune volonté de privatiser. Dont acte. Nous prenons rendez-vous. Je vous rappelle toutefois qu'une simple fusion entre Air France et KLM aura suffi à diluer le capital de l'Etat pour le faire passer sous la barre des 51 %.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. C'était prévu dans la loi de 1993 !
M. Michel Billout. Une loi a ensuite permis d'entériner cet accord de fusion et la privatisation de fait d'Air France !
Aéroports de Paris, dont le patrimoine extrêmement important offre d'alléchantes perspectives de rendement, ne sera-t-il pas rapidement convoité par des intérêts, nécessairement internationaux, du moins européens, dans la perspective de la réalisation d'un espace aérien européen ?
Dans un tel cas de figure, les garanties que ce texte apporterait aux personnels d'ADP, soit près de 8 200 salariés, voleraient vite en éclat et seraient, de fait, caduques.
Vous affirmez que la modernisation des grands aéroports régionaux n'entraînera pas un désengagement de l'Etat, alors que ce projet de loi prévoit l'ouverture du capital des nouvelles sociétés gestionnaires. La recherche de la rentabilité les conduira à sacrifier des aéroports. On doit s'attendre à ce que des regroupements d'aéroports régionaux conduisent, à terme, au maintien de seulement cinq grandes unités aéroportuaires régionales. Ce sera, pour nos régions, un désastre économique et social et, d'une manière générale, une atteinte à l'aménagement de notre territoire.
Modification du régime des redevances, abandon de la domanialité publique : voilà deux dispositions phares de ce texte qui sont objectivement fort contestables et qui risquent de remettre en cause l'avenir de l'entreprise Air France.
Avec de telles dispositions, c'est le hub d'Air France qui est en effet menacé, alors que cette compagnie a su jusqu'à maintenant traverser sans trop d'encombres les turbulences qu'a connues le secteur aérien ces dernières années. Jusqu'où irons-nous dans la casse de notre outil industriel et de nos services publics ?
Tout au long du débat, nous avons tenté de vous démontrer que ce que nous défendions à travers le maintien du statut d'établissement public mis en place en 1945, c'étaient, avant tout, les valeurs démocratiques qui privilégient l'intérêt national, mais aussi des principes économiques qui ont prouvé leur pertinence.
Le choix d'un établissement public permettait précisément de soustraire aux logiques purement marchandes un secteur essentiel à notre pays, en l'espèce celui des service publics aéroportuaires.
Monsieur le ministre, votre politique est celle du renoncement face à l'idéologie libérale dominante, qui impose, dans le cadre de la déréglementation européenne et de l'AGCS, que le secteur public se réduise comme peau de chagrin, remettant en cause nos services publics essentiels à la cohésion même de notre société.
Le groupe communiste républicain et citoyen refuse d'entériner un tel choix de société, qui lamine nos services publics. C'est la raison pour laquelle il s'est opposé, au cours de ce débat, à la déréglementation d'un secteur aussi vital pour nos économies nationales et régionales et il votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Gérard César.
M. Gérard César. L'heure n'est plus ni aux a priori idéologiques ni aux atermoiements de circonstance. Le temps de l'immobilisme est révolu, contrairement à ce que pense l'opposition.
A ce titre, monsieur le ministre, nous tenons à saluer votre pragmatisme, de même que celui qu'a manifesté le Gouvernement à travers les choix qu'il fait pour nos grands établissements publics.
Ainsi, dans un contexte économique qui change, tant à l'échelon européen qu'au niveau mondial, vous nous avez chaque fois proposé des solutions spécifiques, adaptées au secteur concerné, à la situation particulière de l'entreprise, à ses perspectives d'évolution. J'en veux pour preuve les choix que vous avez effectués pour les sociétés d'autoroutes ainsi que nos récents débats relatifs à Air France, à EDF et à GDF ; il en va de même, aujourd'hui, pour ADP et les grands aéroports régionaux.
En effet, pour que nos opérateurs historiques puissent se développer, il est indispensable de faire évoluer leur statut. Au nom de la commission des affaires économiques, Jean-François Legrand l'a démontré avec clarté, grâce à sa compétence habituelle, doublée d'un grand talent.
Le texte que vous nous soumettez, monsieur le ministre, enrichi par les amendements que nous avons adoptés, nous semble prévoir les modalités adéquates pour atteindre cet objectif. Sans rupture avec le passé, les principaux intervenants en matière d'infrastructures aéroportuaires se voient dotés des moyens juridiques assurant leur développement économique, source d'attractivité, de richesse et d'emploi.
C'est pourquoi le groupe UMP vous accorde son entier soutien et votera le présent texte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Monsieur Billout, il n'est pas intellectuellement honnête de comparer Air France et ADP. La société Air France était inscrite dans la loi de privatisation de 1993. Vous avez soutenu un gouvernement qui, pendant cinq ans, n'a jamais remis en cause la loi en question ni la privatisation d'Air France. C'est même un ministre issu de vos rangs qui a diminué la part de l'Etat dans le capital d'Air France !
Mme Hélène Luc. Non !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Cela étant dit, je tiens à adresser des remerciements tout d'abord à la commission des finances et à son rapporteur, M. Collin. Je souligne une fois de plus, pour m'en féliciter, les excellentes relations qu'entretiennent nos deux commissions. Leurs contributions réciproques à l'élaboration de ce projet de loi doivent être saluées.
Je remercie également nos collègues, notamment ceux qui déposé des amendements, y compris ceux dont les amendements étaient d'une trop grande qualité pour être retenus. (Sourires.) Cette boutade reflète d'ailleurs parfaitement l'esprit qui règne au sein de la commission des affaires économiques : nos divergences sur certains sujets ne retire rien à notre capacité d'humour et de travail en commun.
Je remercie aussi tous nos collaborateurs, qui ont fait, comme d'habitude, un excellent travail.
Monsieur le ministre, je m'associe, à titre personnel, aux propos qu'a tenus M. Gérard César à votre égard et au sujet du travail du Gouvernement.
Je vous remercie d'avoir choisi de déposer en première lecture devant le Sénat ce texte si important pour le transport aérien et les aéroports, le troisième dans notre histoire législative de l'aviation, après la loi de 1933 et celle de 1945. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. J'ai encore en mémoire l'excellent débat relatif aux infrastructures que nous avons eu dans cette enceinte. Je sais combien les sénateurs sont attachés aux territoires et à leur desserte. Ce débat laissait présager la qualité de celui de ce soir.
Je remercie les commissions du travail très positif qu'elles ont réalisé avec le Gouvernement. Ce n'est pas parce qu'on est le gouvernement qu'on a la science infuse et qu'on élabore un texte parfait ! Le présent projet de loi, précisément, a été amélioré par le travail qui a été mené avec les parlementaires.
J'ai retenu les arguments avancés par les membres de l'opposition qui ont voulu établir une comparaison avec Air France. Cependant, mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition, lorsque nous avons examiné le projet de loi relatif à Air France, vous souteniez que les mesures proposées reviendraient à faire baisser le cours de l'action. Ce cours, qui s'établissait alors à 7 euros, atteint ces jours-ci 14 euros ! Ce chiffre montre qu'Air France se porte très bien.
Dans la conjoncture très difficile que connaît l'ensemble du secteur aérien, grâce à la loi adoptée, Air France a pu réaliser la fusion avec KLM : le groupe Air France-KLM est devenu la première compagnie mondiale et il est, de surcroît, bénéficiaire, ce qui n'est pas négligeable. Cette situation résulte des initiatives qui ont été prises, du talent des agents et de la direction d'Air France, mais aussi du statut de la société.
Je remercie chaleureusement la majorité de bien vouloir voter ce projet de loi et je suis persuadé que, dans quelques mois, dans quelques années, nous aurons l'occasion de nous féliciter des dispositions adoptées, de la bonne santé d'ADP, du développement de l'emploi autour de ses plateformes, de la présence, en France, de touristes plus nombreux. Nous pourrons aussi constater, dans les régions, un certain développement autour des aéroports régionaux, avec des effets évidemment positifs en termes d'emploi. Tout cela permettra à la France de conserver sa place de pays non seulement d'accueil mais aussi de transit, même si elle est située dans la partie occidentale d'une Europe qui s'élargit à l'est.
La vocation de la France est, en effet, de rester la première destination touristique et, en même temps, d'être un pays à travers lequel on peut circuler vite et bien.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'espère que vous êtes définitivement rassurés puisque le projet de loi prévoit que l'Etat restera majoritaire. On parle, non plus de privatisation, mais d'un nouveau statut sous forme de société anonyme. Gageons que, avec le travail effectué ce soir, nous n'aurons qu'à nous louer des décisions que nous aurons prises.(Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme Hélène Luc. On en reparlera d'ici peu !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)