M. le président. Je suis saisi par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mmes Didier et Terrade, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° 12, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire (164, 2003-2004). »
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, auteur de la motion.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis en première lecture vise à habiliter le Gouvernement à transposer par voie d'ordonnances, partiellement ou en totalité, une vingtaine de directives ainsi que deux règlements.
Il nous est donc demandé, dans un délai très bref, de nous prononcer, par un vote unique, sur un ensemble de textes d'une très grande variété concernant tout aussi bien la consommation, l'environnement, les domaines économique et financier que les transports et l'harmonisation des diplômes.
Ainsi, les directives que l'on soumet à transposition ne feront pas l'objet d'un débat parlementaire classique. Le Parlement se voit donc privé de la possibilité de débattre des sujets traités par ces directives, sujets dont il ne faudrait pas négliger l'importance. Il est question, par exemple, des nuisances sonores et de leur mesurabilité ; cela concerne la vie de tous nos concitoyens, je partage le sentiment de M. Reiner sur ce point. Il s'agit également de la transparence des relations financières entre Etats membres et entreprises publiques à l'égard desquelles l'on fait régner la suspicion, alors que se multiplient les défaillances de grandes entreprises comme Enron ou Parmalat, révélant l'opacité d'une gestion privée. Mais tout cela n'est, bien souvent, qu'une arme pour attaquer le service public à la française.
Les directives traitent aussi de la mise en place d'un marché de quotas d'émission de gaz à effets de serre ou, comme certains le qualifient déjà, d'un marché de véritables « droits à polluer », ou encore de la construction d'un réseau transeuropéen ferroviaire par le biais de la réalisation de l'interopérabilité technique, sans que l'on puisse débattre des moyens financiers nécessaires ni même des questions sociales liées à ce projet.
Les directives visent enfin la modification des conditions de travail dans les transports.
Cela ne peut nous convenir !
Une telle procédure de transposition de directives ne respecte pas les droits de la représentation nationale et court-circuite le processus démocratique normal en ne permettant pas au Parlement de débattre.
Les dangers pour le fonctionnement même de notre démocratie sont réels, surtout si le recours à une telle procédure devait se répéter, comme cela semble se profiler dans un horizon proche.
Les arguments invoqués dans l'exposé des motifs pour justifier la procédure de l'article 38 de la Constitution ne sont guère convaincants. La charge de travail qui pèse sur les assemblées est essentiellement liée à une véritable boulimie gouvernementale qui se traduit par la production de textes visant à casser rapidement les acquis de notre République, plutôt que de réfléchir en profondeur sur l'amélioration de ce qui existe.
Quant au retard accumulé en matière de transposition et le risque, pour la France, d'être exposée, en cas de dépassement des délais de transposition, à des procédures de pré-contentieux ou de contentieux et à des sanctions pécuniaires, de tels arguments, bien que recevables, ne peuvent suffire, ils sont même d'un bien faible poids par rapport aux exigences formulées par le Conseil constitutionnel et rappelées par le rapporteur de la commission des affaires économiques, M. Texier. Rappelons, à ce titre, que le Gouvernement doit indiquer avec précision la finalité des mesures qu'il se propose de prendre.
Nous ne pouvons donc admettre une telle procédure, qui prive le Parlement de ses propres droits, d'autant que nous ne disposons pas des éléments nécessaires pour apprécier le contenu des ordonnances et leur impact.
Même si des précisions ont été, ici ou là, apportées par nos rapporteurs, il n'empêche qu'il s'agit bien d'un dessaisissement du législateur.
De surcroît, par nombre de ces directives, et ce fut signalé en commission, le délai de transposition n'est pas dépassé ou il n'y a pas une telle urgence qu'il faille recourir aux ordonnances.
Ne doit-on pas s'interroger sur cette procédure, et sur ses effets, comme le faisait M. Daniel Hoeffel, à la fin de l'année 2000, sous le gouvernement de gauche ? Ayant à rapporter pour la commission des lois un texte de transposition de directive du même type, il nous expliquait que c'était un peu notre démocratie qui était en cause. Il poursuivait : « On peut parfois se demander si l'inscription d'une multitude de textes à l'ordre du jour des assemblées parlementaires n'est pas, à la limite, le meilleur instrument inventé par les pouvoirs exécutifs pour pouvoir gouverner en toute tranquillité. »
J'ai l'impression qu'il décrit exactement la situation que nous vivons depuis plusieurs mois, de séances extraordinaires en séances extraordinaires, de textes en textes discutés à la va-vite, sans pouvoir prendre le temps d'en apprécier véritablement le contenu. Tel est le cas de ce texte également, et nous n'avons pu disposer des rapports, particulièrement imposants, que très tardivement.
Sur l'utilisation de cette procédure, nous n'avons pas changé d'attitude, qui demeure identique à celle que nous défendions lorsque le gouvernement de gauche l'avait employée. Je tiens d'ailleurs encore à souligner que nous n'étions pas les seuls à regretter vivement qu'un gouvernement puisse recourir aux ordonnances pour transposer nombre de directives.
L'alternance changerait-elle la vision que certains avaient hier de cette procédure ? Nous pouvons nous interroger, encore que j'aie entendu tout à l'heure quelques remarques qui me semblaient aller dans le même sens.
Ainsi ai-je bien pris note de ce que notre collègue Denis Badré, rapporteur pour avis de la commission des finances, précisait sur le texte soumis au Parlement à la fin de l'année 2000 : « Même si, à titre personnel, je préfère voir les Européens dire toujours oui à l'Europe, il est bon qu'il leur soit de temps en temps rappelé qu'ils peuvent dire non. C'est précisément cette liberté de dire non qui donne toute sa force à leur oui ; c'est cette liberté qui construit l'Europe des peuples. Encore faut-il que les peuples aient la parole, que leurs parlements puissent jouer leur rôle. » Belle citation, n'est-ce pas ?
M. Denis Badré, rapporteur pour avis. Ce n'était pas mal, en effet ! Merci de cette citation, et je suis prêt à réitérer ces propos ! (Sourires.)
Mme Marie-France Beaufils. C'était effectivement une bonne raison pour critiquer le recours aux ordonnances dans le cas de la transposition de directives. C'est en tout cas une bonne raison de rejeter cette procédure, surtout si ces directives sont l'occasion d'une remise en cause des droits sociaux et engagent une régression sociale. J'aurai l'occasion d'y revenir.
Nous avons besoin aujourd'hui d'un réel débat sur la construction européenne. Celui-ci pourrait être engagé à l'occasion de l'examen de directives dont les conséquences sont lourdes, particulièrement en termes sociaux.
Quant aux arguments qui reviennent à mettre en avant le caractère « technique » de ces directives, ils ne résistent guère plus à l'analyse.
Faut-il rappeler ce que disait M. Philippe Richert, alors rapporteur de la commission des affaires culturelles d'un projet de loi d'habilitation identique, déposé sous le gouvernement Jospin ? « Le Gouvernement souligne le caractère technique des mesures à transposer et estime que leur portée ne justifierait pas un véritable débat parlementaire. Je crois que nous devons tous nous élever fermement contre cette interprétation inédite et pour le moins surprenante de la compétence législative ! A ma connaissance, le technique n'évacue pas le politique ! » Cette citation montre également tout l'intérêt du débat parlementaire.
On peut ici se demander si, sous prétexte de technicité des textes, on ne cherche pas précisément à évacuer le politique, pour ne pas avoir à justifier des choix de société que l'on est en train de mettre en oeuvre à travers un texte présenté, au fond, comme anodin et ne nécessitant pas de débat parlementaire.
On peut d'ailleurs s'étonner que deux projets de loi, le texte n° 426 déposé au Sénat et concernant la transparence financière et le texte n° 1 044 déposé à l'Assemblée nationale, sur les transports, n'aient pas été soumis à nos assemblées, alors qu'ils y ont été enregistrés en juillet 2003. Ils concernent les mêmes directives que celles qui nous sont présentées aujourd'hui. La grande différence, c'est que, dans le cadre d'un projet de loi, nous aurions pu amender le texte, l'ordonnance est, elle, maîtrisée par le seul Gouvernement.
En commission, M. Dominique Braye s'interrogeait sur l'étendue du pouvoir des parlements nationaux. M. César reconnaissait qu'il était limité. Mais la procédure de transpostion par ordonnances réduit encore plus la capacité d'action du Parlement, d'autant que le Gouvernement peut tout à fait élargir le champ de l'habilitation - disons « l'adapter », pour ne pas être trop désagréable - au-delà de la simple transposition. On l'a vu notamment il y a quelques temps, pour la directive « gaz ».
L'extension du champ de l'habilitation au-delà de la stricte transposition de directives pose en tout cas de réels problèmes. Elle relève de choix politiques lourds de conséquences en matière sociale, particulièrement à l'article 6.
Il ne peut en aucun cas être fait référence aux justifications douteuses précédemment invoquées. C'est même d'un véritable déficit d'arguments qu'il faut parler pour certaines des habilitations plus larges.
Nous ne disposons, par ailleurs, d'aucune information précise sur le contenu réel des ordonnances permettant ces extensions du champ de l'habilitation.
L'inquiétude suscitée par l'article 6 de ce projet de loi montre bien que ce choix de transposition par ordonnances n'est pas le bon. Le rapporteur de la commission des affaires sociales, M. Geoffroy, soulignant qu'il ne disposait pas d'informations précises sur les mesures envisagées, a lui-même souhaité proposer de restreindre le champ de l'habilitation qu'aucune considération d'urgence particulière ne permettait de justifier.
Les syndicats routiers tiennent d'ailleurs à préserver leur législation plutôt que de s'aligner sur une réglementation européenne moins favorable à la sécurité et à la santé des chauffeurs routiers et de nos populations.
Ainsi, le Gouvernement redonne vie à une procédure, l'ordonnance, qu'il entend par la même occasion utiliser pour tailler dans le système de protection sociale des Français !
De la même façon, l'article 7 prend abusivement appui sur deux directives dont les objets sont bien circonscrits, puisqu'il s'agit, pour l'une, de la réception des déchets dans les ports et, pour l'autre, du chargement et déchargement des vraquiers, pour tenter d'imposer un choix politique d'une tout autre ampleur et d'une tout autre portée !
En effet, on tente ici de reprendre l'attaque contre les statuts spécifiques des travailleurs portuaires qui vient de subir pourtant un échec retentissant au niveau européen. Ainsi, le Gouvernement réintroduit certains aspects de la directive sur la libéralisation des services portuaires que le Parlement européen a rejetée en novembre dernier. Les grèves récentes des travailleurs portuaires et des dockers, coordonnées à l'échelle européenne, ainsi que les manifestations à Rotterdam et à Barcelone regroupant des milliers de dockers de plusieurs pays, ont montré l'opposition de tous les intéressés. Cette réaction a permis le rejet du compromis passé entre la Commission et le Parlement européen. Le gouvernement français prendrait donc le relais, avec notamment comme objectif le libre accès aux services d'assistance aux navires comme le remorquage et le lamanage.
Cela se ferait, comme semble l'indiquer M. Texier dans son rapport, pour assurer « un niveau de sécurité élevé dans les ports ». Or les mouvements sociaux avaient précisément pour motif les risques pour la sécurité qu'entraîneraient de telles pratiques d'auto-assistance, en faisant régner la loi du pavillon.
Nous avons déposé un amendement de suppression de cet article, car il témoigne de la réelle volonté politique du Gouvernement d'avancer plus encore dans la voie de la déréglementation sociale.
Les intéressés n'ont même pas été avertis !
On reconnaît bien là la méthode d'un gouvernement qui prône sans cesse le dialogue social et la concertation sans que la pratique vienne jamais corroborer le discours.
Notre amendement de suppression ne contrarie nullement l'adoption des deux directives permettant de renforcer la sécurité maritime, renforcement indispensable après les différentes catastrophes maritimes, depuis l'Amoco Cadiz jusqu'au Prestige, qui, par leur répétition et l'ampleur des dégâts causés, appelaient des mesures nouvelles et de grande portée.
Sont en cause ici les aspects sociaux de ce genre d'habilitation plus large. Car il s'agit bien d'une nouvelle attaque contre les droits sociaux, ces droits que l'on tente de tirer vers le bas, malgré les garanties affirmées, qui semble avérée. Cette réintroduction sur le plan national de dispositions qui avaient suscité un mouvement social important est particulièrement inquiétante.
Ce mouvement social aurait dû conduire l'ensemble des formations politiques à s'interroger sur la société que nous propose l'Europe en construction, et sur les valeurs qui devraient présider au fondement même de la société que nous voulons construire pour nos enfants et nos petits-enfants.
Ce que contestent ces multiples mouvements sociaux, ce sont précisément les coûts humains de la construction européenne : chômage croissant, régression sociale d'une Europe laissée à la régulation par le marché, notamment par les marchés financiers. Cette contestation est significative également du refus d'accorder une légitimité démocratique à la nature de la construction européenne ; elle est significative d'un refus d'une Europe purement libérale. Et, sans légitimité démocratique, l'Europe ne peut être prise au sérieux et peser de tout son poids à l'échelle internationale.
En d'autres termes, on peut réellement se demander si l'idée d'un risque de perte de crédibilité de la France sur la scène européenne, comme le disait le rapporteur de notre commission, ne serait pas plutôt à rechercher de ce côté-là !
Ce qui nous fait cruellement défaut, madame la ministre, j'y insiste, c'est un réel débat sur la construction européenne, et donc sur les textes législatifs qui la fondent. Et ce n'est pas la façon dont l'élaboration du projet de Constitution européenne s'est déroulée pour le moment qui peut nous convaincre de l'existence d'une réelle volonté de faire débattre nos concitoyens de notre avenir, et donc de celui de l'Europe.
Nous pouvons cependant nous féliciter que des directives aient finalement été retirées, sous l'impulsion des présidents de bureau de nos assemblées, pour être soumises aux procédures habituelles. Il aurait, en effet, été dommageable de se passer d'un débat sur le « paquet télécom » ou sur les dispositions protégeant les inventions végétales, par exemple.
Le retrait d'une dizaine de textes est ainsi appréciable. Cela va dans le bon sens. Pour autant, pourquoi ne pas impliquer davantage l'ensemble des groupes parlementaires sur des procédures aussi importantes, qui court-circuitent les droits de nos parlements ? Lors du débat de la fin de l'année 2000, déjà mentionné, nous avions fait, face à l'accumulation des textes communautaires, une proposition que nous renouvelons aujourd'hui. Il s'agirait de mettre en place une nouvelle procédure d'adoption et de transposition, c'est-à-dire une procédure de vote sans débat, ou avec débat restreint, uniquement réservée à l'examen des transpositions véritablement techniques, et de soumettre à un débat plus large, disons « traditionnel », tout projet de transposition dont au moins un président de groupe aurait jugé les conséquences importantes pour notre pays.
Sont fondamentalement en cause aujourd'hui les extensions démesurées du champ des habilitations que contient ce texte, comme c'est d'ailleurs fréquemment le cas, ces derniers temps, pour les transpositions de directives.
C'est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à adopter cette motion tendant à opposer la question préalable, sur laquelle je demande au Sénat de se prononcer par scrutin public. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant de donner l'avis de la commission sur cette motion tendant à opposer la question préalable, je souhaiterais remercier les quatre rapporteurs du travail sérieux et approfondi qu'ils ont accompli. Je ferai une mention particulière pour deux d'entre eux qui ont subi leur baptême du feu : André Geoffroy, rapporteur de la commission des affaires sociales, et Yannick Texier, rapporteur de notre commission.
Cela étant dit, je me dois de souligner la cohérence des membres du groupe communiste républicain et citoyen, qui ont repris aujourd'hui l'argumentation qu'ils avaient développée à la fin du mois d'octobre 2000 lorsqu'ils s'étaient opposés, dans les mêmes conditions, à l'examen du projet de loi du gouvernement Jospin, devenu loi le 3 janvier de l'année suivante.
Cette loi avait exactement le même objet que le présent texte. Il s'agissait en effet de transposer par ordonnances un certain nombre d'actes communautaires en raison d'impératifs de délais - nous étions et nous sommes encore, d'ailleurs, les derniers de la classe, mais, madame la ministre, vous allez améliorer tout cela très rapidement - que le recours à la voie législative habituelle ne permettait pas de satisfaire en raison de l'encombrement de l'ordre du jour des assemblées parlementaires.
Mais que cet hommage que je rends à la constance du groupe CRC me permette d'espérer en retour la même reconnaissance de notre propre cohérence.
En effet, à l'automne 2000, la majorité du Sénat avait accepté le principe de l'habilitation législative, même si divers éléments l'avaient conduite à critiquer les modalités retenues alors. Vous avez d'ailleurs, mes chers collègues, évoqué à plusieurs reprises quelques moments de ce débat : M. Badré a été cité un nombre incalculable de fois ; même M. Braye, à qui je ne manquerai pas de le faire savoir, a été cité lui aussi.
Quelles étaient donc les modalités qui avaient encouru nos critiques ?
D'abord, le nombre d'actes à transposer était très important : il y en avait 60 ; aujourd'hui, ils ne sont que 22.
Plusieurs directives présentaient alors bien plus qu'un simple caractère technique. Aujourd'hui, le texte que nous examinons résulte d'un débat avec les assemblées suscité il y a quelques mois par le Premier ministre afin d'être sûr que la transposition des directives politiquement importantes ferait bien l'objet d'un débat parlementaire sur le fond.
Toutes les commissions permanentes de l'Assemblée nationale et du Sénat ont pu donner leur avis - j'ai pour ma part consulté le bureau de la commission sur ce sujet. Cet avis a été scrupuleusement suivi par le Gouvernement dans la rédaction de son texte. J'en veux pour preuve la discussion du paquet télécoms, qui aurait pu être transposé dans ce projet de loi, ce que nous n'avons pas souhaité et qui fera l'objet d'un débat parlementaire.
Je rappelle que l'urgence avait été déclarée à l'époque, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Par ailleurs, les délais de transposition prévus, qui étaient excessifs, avaient été raccourcis par le Sénat, sur proposition de sa commission des lois. Le présent projet de loi reprend exactement ce qu'avait alors décidé le Parlement.
Ainsi, mes chers collègues, comment pourrions-nous refuser aujourd'hui, à ce Gouvernement, ce que nous avions accordé hier au précédent gouvernement, alors que les contraintes de transposition sont similaires, que les problèmes d'encombrement d'ordre du jour sont globalement identiques et que le texte même du projet de loi est beaucoup plus circonscrit au plan politique, tant quantitativement que qualitativement ?
Dans ces conditions, il nous semble que la cohérence est du côté de la commission des affaires économiques. Je suis donc amené à demander au Sénat de rejeter la motion tendant à opposer la question préalable déposée par nos collègues du groupe CRC. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée. Je ferai tout d'abord à Mme Beaufils une observation de droit : le recours aux ordonnances est prévu par l'article 38 de la Constitution et le projet de loi qui est soumis au Sénat tient compte, dans son intégralité, de la jurisprudence constante et maintenant bien établie du Conseil constitutionnel qui encadre le recours à cette procédure et fait notamment obligation au Gouvernement de préciser avec soin la finalité des mesures qu'il se propose de prendre.
Ces conditions sont respectées ; je dirais même que le Gouvernement, soucieux des prérogatives des assemblées parlementaires, a souhaité aller plus loin. D'où la concertation que vient d'évoquer à l'instant le président Gérard Larcher, texte par texte, au cas par cas, à laquelle le Gouvernement a procédé pour établir la liste définitive des directives concernées par la loi d'habilitation. L'exemple du paquet télécom est, à cet égard, probant.
Au-delà de la stricte transposition, le champ de l'habilitation, a été étendu par quelques articles additionnels. En effet, il fallait absolument, mettre un terme à des situations d'incompatibilité entre le droit national et certaines dispositions européennes et reprendre notamment des dispositions figurant dans deux projets de loi portant diverses dispositions d'adaptation communautaire qui n'ont pu être inscrits à l'ordre du jour.
Permettez-moi enfin de rappeler, au-delà des débats qui se tiennent très souvent dans cette Haute Assemblée et ailleurs sur la finalité de la construction européenne, que le droit communautaire est construit par les Etats membres, et non à leur insu, et qu'il incombe à chaque Etat d'organiser, au plan interne, la manière dont les parlements nationaux sont associés à l'élaboration des textes.
Actuellement, ce sont les dispositions de l'article 88-4 de la Constitution qui organisent cette participation, article selon lequel le Gouvernement soumet aux assemblées parlementaires tout projet ou proposition d'acte communautaire comportant des dispositions de nature législative. Comme je l'indiquais tout à l'heure, ce sont ainsi 317 textes qui ont été transmis au Sénat en 2003.
En outre, le Sénat peut, vous le savez, adopter toute résolution qu'il estime utile pour orienter la position du Gouvernement dans la négociation, et c'est d'ailleurs ce qu'il a fait à six reprises durant l'année 2003.
Quant aux idées que vous avez évoquées concernant une éventuelle réforme des modalités de discussion des transpositions de directives, elles sont intéressantes. Elles rejoignent d'ailleurs diverses propositions faites par vos rapporteurs et qui pourront être discutées à l'occasion d'une éventuelle révision du règlement du Sénat.
Compte tenu de tout ce qui précède, le Gouvernement n'est pas favorable à l'adoption de la motion déposée par le groupe CRC.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 12, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du
scrutin n° 148
:
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 237 |
Majorité absolue des suffrages | 119 |
Pour | 23 |
Contre | 214 |
NOMINATION DE MEMBRES
D'UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
M. le président. Je rappelle que la commission des affaires étrangères a proposé deux candidatures pour un organisme extraparlementaire.
La présidente n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame M. Robert Del Picchia membre titulaire et Mme Monique Cerisier-ben Guiga membre suppléant du conseil d'administration de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président. La séance est reprise.
DÉCÈS D'UN SÉNATEUR
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, j'ai le profond regret de vous faire part du décès, survenu ce jour, de notre collègue Michel Pelchat, sénateur de l'Essonne depuis 1995.
Je prononcerai ultérieurement son éloge funèbre, mais je tiens d'ores et déjà à saluer sa mémoire et à présenter en notre nom à tous, à son épouse ainsi qu'à toute sa famille, nos condoléances émues et attristées.
Je vous invite à observer, dans cette circonstance, une minute de silence. (M. le Premier ministre, Mmes et MM. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et observent une minute de silence.)
QUESTIONS D'ACTUALITÉ
AU GOUVERNEMENT
M. le président. L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Conformément à la règle posée à l'unanimité par la conférence des présidents, je rappelle que l'auteur de la question et le ministre qui lui répond disposent, chacun, de deux minutes trente.
Chaque intervenant aura à coeur, par courtoisie, de respecter le temps de parole qui lui est imparti, afin que toutes les questions et toutes les réponses puissent bénéficier de la retransmission télévisée.
M. le président. La parole est à M. Jack Ralite.
M. Jack Ralite. Je n'ai pas « 100 minutes pour convaincre », seulement trois...
Plusieurs sénateurs de l'UMP. Deux minutes et demie !
M. Jack Ralite... pour interroger et porter plainte.
Hier, était adopté ici par la majorité un projet de loi sur le dialogue social, avec malmenage du droit du travail, c'est-à-dire mutilation des métiers, de leurs pratiques, de leur contenu, de la pensée des hommes et des femmes qui les exercent.
C'est ce qui arrive au métier de journaliste à Radio France, à RFI et à France 2 (Exclamations sur les travées de l'UMP), expliquant la longue grève ici, la profonde défiance là.
Que demandent ces journalistes ? Rien d'autres que ce qui est prévu dans le service public de l'audiovisuel : à travail égal, salaire égal, ce qui leur a été reconnu par le rapport Servat. Il leur est répondu : à travail égal, salaire inégal !
Que demandent les journalistes de France 2 ? Tout simplement, la possibilité de ne pas seulement savoir, mais de pouvoir vraiment penser, de faire véritablement « rédaction » ! Or il leur est répondu : information managériale, évangéliste, hégémonique, audience, scoops, rêve pragmatique, TF1 ! Dans les deux cas, c'est du berluconisme à la française ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) C'est une mise en cause du service public empruntant des voies différentes de celles de la défunte Cinq et de la courtisée TF1.
Il faut stopper ces processus à petite ou grosse touche. Dans l'immédiat, il faut attribuer les moyens financiers nécessaires pour que les journalistes de Radio France et de RFI puissent exercer vraiment leur métier, pour que soit instauré un véritable service public d'information, j'allais dire pour qu'il soit restauré pensant aux 1,5 milliard d'euros offerts aux restaurateurs ! Il faut me répondre là-dessus, monsieur le ministre !
Ne pas donner d'argent, c'est organiser le pourrissement, et avec quelles arrière-pensées ?
M. le président. Posez votre question, monsieur Ralite !
M. Jack Ralite. Dans l'immédiat, il faut garantir l'initiative et le pluralisme dans les équipes journalistiques du service public. C'est l'affaire urgente des directions, le devoir éthique du Conseil supérieur de l'audiovisuel, la responsabilité publique et nationale du Gouvernement.
Cette grave situation du secteur public de l'audiovisuel rejoint celle que l'on peut constater en matière de justice, de recherche, de psychiatrie, d'archéologie, de médecine, de culture et d'arts, et aussi dans les usines. N'oublions jamais, en effet, que le travail abîmé dans l'entreprise voit, dans la foulée, les métiers intellectuels et artistiques également abîmés.
M. le président. Votre question ! Vite !
M. Jack Ralite. Les agios humains, sociaux et culturels qu'engendrent ces situations sont considérables et inacceptables ! (La question ! sur les travées de l'UMP.)
Il est donc temps de contribuer à faire grandir un mouvement pour l'exception culturelle ! Les journalistes de Radio France, de RFI et de France 2 illustrent avec courage et honneur la toujours ardente nécessité de cette revendication. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, je pourrais souscrire à la quasi-totalité de votre intervention. Le service public de la radio et de la télévision, nous y croyons ! Le service public de la radio et de la télévision, nous le soutenons !
Vous avez certainement noté, lors du vote du budget de l'audiovisuel public, que Radio France avait bénéficié pour 2004 d'une augmentation de sa dotation de 2,9 %, contre 2,3 % en moyenne pour les autres sociétés de l'audiovisuel public.
Aujourd'hui, Radio France est en effet confrontée à une situation grave et préoccupante. Une grève s'est développée et dure depuis un trop grand nombre de jours. La revendication porte sur des questions salariales.
Je n'ai cessé de dire, d'une part, qu'il était de la responsabilité de la direction de Radio France d'engager le dialogue social avec les syndicats et les personnels - car l'entreprise est le cadre normal du dialogue syndical - et, d'autre part, qu'il appartenait à la direction, évidemment dans le respect de la convention collective - mais, en l'occurrence, elle est respectée - de prendre toutes les dispositions que lui permet la réalité de ses moyens budgétaires.
Monsieur le sénateur, je souhaite une nouvelle fois affirmer que sont absolument infondées toutes les spéculations qui ont cours ici ou là quant à une possible remise en cause, un démantèlement, une privatisation du service public. Le Gouvernement respecte le service public de la radio et de la télévision et il en attend également beaucoup. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. René-Pierre Signé. Ce n'est pas convaincant !
Mme Nicole Borvo. Vous n'avez pas répondu, monsieur le ministre !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Mais il n'y avait pas de question !
ALLÉGEMENTS DE CHARGES
DANS LE SECTEUR DE LA RESTAURATION
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Schosteck.
M. Jean-Pierre Schosteck. Monsieur le Premier ministre, vous avez reçu ce matin M. Daguin, président de l'Union des métiers de l'industrie de l'hôtellerie, pour fixer les modalités de réduction des charges accordées aux restaurateurs. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Raymond Courrière. Ils ont déjà beaucoup d'argent !
M. Paul Loridant. Surenchère !
Mme Nicole Borvo. C'est honteux !
M. Jean-Pierre Schosteck. La majorité sénatoriale plaide depuis longtemps en faveur d'une réduction du taux de TVA dans le secteur de la restauration traditionnelle.
Mme Nicole Borvo. Merci pour les chercheurs et pour les enseignants !
M. Jean-Pierre Schosteck. Pendant cinq ans, le précédent gouvernement - et vous auriez alors pu crier, chers collègues de gauche - s'est retranché derrière la Commission de Bruxelles pour justifier sa propre inaction, pour ne pas dire son propre refus. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste. - Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Serge Lagauche. Et les Restos du coeur ?
M. Jean-Pierre Schosteck. Si l'Europe est parfois un obstacle juridique, elle ne doit pas être un prétexte politique. C'est bien ce que montre l'action de votre gouvernement, monsieur le Premier ministre. Fidèle aux engagements qui ont été pris lors des dernières élections nationales, vous avez en effet présenté une demande officielle à l'Union européenne en faveur du taux réduit de TVA...
M. Jacques Mahéas. Echec total !
M. Jean-Pierre Schosteck. ... ce qui n'avait pas été fait auparavant.
M. Robert Del Picchia. Exactement !
M. Jean-Pierre Schosteck. Vous êtes ensuite parvenu à convaincre la Commission européenne.
L'Allemagne s'oppose aujourd'hui à cette mesure.
M. Raymond Courrière. Il faut lui déclarer la guerre ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Schosteck. C'est son droit, mais le devoir de la France est de ne pas renoncer.
Là encore, le Gouvernement fait le choix de l'action (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC) en annonçant un plan d'allégement des charges des restaurateurs dans l'attente d'un accord européen sur la baisse du taux de TVA, pour lequel il continuera de se battre.
M. René-Pierre Signé. Avant les élections !
M. Jean-Pierre Schosteck. L'ampleur financière et le caractère immédiat de ce plan traduisent une volonté politique forte de soutenir le secteur de la restauration et, à travers lui, l'emploi et l'aménagement du territoire.
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Roland Muzeau. Et combien pour la recherche ?
Mme Nicole Borvo. On voudrait les voir, les emplois !
M. Jean-Pierre Schosteck. Monsieur le Premier ministre, pourriez-vous donner des précisions sur les modalités d'application de ce plan après la réunion de ce matin avec M. Daguin et les professionnels de l'industrie hôtelière ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Sueur. C'est téléphoné ! Architéléphoné !
M. René-Pierre Signé. Tout pour la recherche... gastronomique ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez au Gouvernement de s'associer à l'hommage qui est dû à Michel Pelchat, aujourd'hui disparu, et d'exprimer ses condoléances à sa famille, à la Haute Assemblée, en particulier aux membres du groupe auquel il appartenait. Nous avons, dans ces circonstances, pour le sénateur défunt, le souvenir que mérite l'action qu'il a menée.
Monsieur Schosteck, vous soulevez une question tout à fait sérieuse puisque 40 000 emplois sont en jeu. (Mme Nicole Borvo s'esclaffe.)
M. Raymond Courrière. On attend de les voir !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Nous préparons, en effet, des dispositions permettant la création de 40 000 emplois, et un projet de loi de mobilisation pour l'emploi vous sera proposé, à la demande de M. le Président de la République, au cours du premier semestre de l'année 2004, par le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, ici présent, M. François Fillon. Ce texte contiendra effectivement des mesures d'allégement de charges qui prendront effet au 1er juillet 2004 et dont l'objectif, partagé par le Gouvernement et par la profession, est la création de 40 000 emplois. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Raymond Courrière. Avant les élections !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Je sais que certains se moquent de cette mobilisation pour l'emploi. Moi, c'est mon combat : la priorité de mon gouvernement, c'est l'emploi ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
En l'occurrence, il s'agit d'un emploi enraciné, dans un secteur intéressant tous les territoires de France, d'un emploi irriguant l'amont et l'aval, créant donc d'autres emplois, dans des métiers hautement respectables, riches en savoir-faire.
C'est aussi un secteur d'activité qui a été fortement perturbé par les 35 heures. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
C'est, en tout cas un secteur d'activité qu'il nous faut développer dans l'intérêt de l'ensemble de l'économie de notre pays.
C'est pourquoi nous avons souhaité répondre par des mesures franco-françaises au débat qui se déroule actuellement au niveau européen.
Cela étant, des possibilités restent ouvertes sur ce plan. Nous avons en effet obtenu que la Commission européenne prévoie une directive incluant la proposition de la France, c'est-à-dire la baisse de TVA à 5,5 %. Nous avions demandé une dérogation. L'Allemagne n'a pas cru devoir nous soutenir. Nous lui avons exprimé notre sentiment. Il reste une autre voie européenne. J'estime que cette perspective pourrait déboucher dans les dix-huit mois prochains.
M. René-Pierre Signé, Vous perdrez les élections !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. D'ici là, nous voulons consentir un effort important pour l'emploi grâce à un allégement significatif des charges. Ainsi, pour un salaire mensuel moyen, qui est aujourd'hui dans ce domaine d'activité d'environ 1 700 euros, nous visons un allégement des charges d'au moins 400 euros. Cela permettra de créer des emplois.
Mme Nicole Borvo et M. Paul Loridant. C'est faux !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. En effet, 400 euros d'allégement de charges sur un salaire mensuel de 1 700 euros, cela va permettre de créer des emplois mais aussi d'augmenter l'emploi des salariés, et c'est un point important pour cette profession.
Nous discutons actuellement avec la profession des modalités techniques.
M. Paul Raoult. Pendant ce temps-là, les pauvres vont dans les Restos du coeur !
Mme Hélène Luc. Et ils n'ont pas toujours de la place !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. La mesure sera ciblée sur les activités de restauration soumises au taux de TVA de 19,5 %. Il va de soi que ceux qui bénéficient déjà du taux de 5,5 % ne seront pas concernés par cet allégement de charges. Le total d'allégement de charges représentera donc, sur cette période transitoire de dix-huit mois, 1,5 milliard d'euros, ce qui permettra de créer 400 000 emplois. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Je voulais dire 40 000 ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) C'est un bon investissement public, en tout cas pour ceux dont l'objectif est l'emploi. Je constate que, dans cette assemblée, ce n'est pas un objectif partagé par tous, mais c'est celui du Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo. Bientôt, il y aura 4 millions d'emplois dans la restauration !
M. Paul Raoult. Et pourquoi pas 40 millions ?
M. René-Pierre Signé. Cela tourne à la farce !
M. le président. La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Après plusieurs mois de crise politique, Haïti bascule aujourd'hui dans la guerre civile. Après Gonaïves, jeudi dernier, c'est Cap-Haïtien, la seconde ville du pays, qui était menacée hier par les rebelles du Front de résistance révolutionnaire de l'Artibonite. Ceux-ci tiennent déjà une demi-douzaine de villes et les affrontements, en une semaine, ont fait au moins quarante-deux victimes.
La tentative de médiation de la Communauté des Caraïbes, la CARICOM, peu avant cette explosion de violence, n'a pu altérer le climat d'extrême défiance entre Aristide, qui refuse de démissionner avant la fin de son mandat, en février 2006, et l'opposition politique, qui ne voit d'autre solution que le départ du président.
Face à cette énième décomposition du pouvoir haïtien et à cette révolte anarchique et sanglante, l'ONU, les Etats-Unis et la France réagissent, pour le moment sans agir.
Le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, annonce que les Nations unies vont « très prochainement » accroître leur engagement en Haïti, sans donner davantage de précisions. Les Etats-Unis, à travers le porte-parole du département d'Etat, M. Richard Boucher, accuse le gouvernement Aristide de contribuer à la violence.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est vrai !
M. Georges Othily. La France, quant à elle, est plus laconique, appelant « à l'arrêt immédiat des violences d'où qu'elles viennent et au respect des règles de droit ».
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il est temps !
M. Georges Othily. Je serais heureux que vous nous indiquiez, madame la ministre, les initiatives qu'entend prendre la France pour assurer la consolidation concomitante d'une nation solidaire et d'un Etat de droit fiable en Haïti.
Pour conclure, j'aimerais vous dire que les départements français voisins confrontés à une immigration croissante et clandestine - sachez qu'un quart de la population guyanaise est déjà haïtienne - seront très attentifs à l'attitude de la France dans cette affaire. Toute myopie chauvine ferait peu de cas des populations d'outre-mer. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur Othily, vous l'avez signalé, la situation en Haïti s'est dégradée au point de devenir insurrectionnelle,...
M. René-Pierre Signé. Oui !
Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée. ... comme c'est notamment le cas dans la ville de Gonaïves, où le pouvoir n'a pas rétabli son autorité.
Ce pays souffre et la flambée de violence de cette dernière semaine s'est traduite par des actes de barbarie inhumains que la communauté internationale ne peut accepter. Cette situation fait, par ailleurs, peser sur les populations civiles le risque d'une très grave crise humanitaire.
Vous l'avez indiqué, malgré des nombreuses tentatives de médiation de la communauté internationale, le président Aristide ne respecte pas les nombreux engagements qu'il a déjà pris en vue de créer les conditions d'un dialogue, selon nous indispensable, avec l'opposition et la société civile.
De son côté, l'opposition demande la démission du président Aristide, dont le mandat se termine, en principe, en 2006, comme vous l'avez indiqué. De plus, faute d'élections législatives, il n'y a plus, depuis le 12 janvier dernier, d'Assemblée nationale.
Quelle est la position de la France ?
Pour sa part, elle n'a cessé d'appeler à l'arrêt immédiat de toutes les violences, de tous les actes de barbarie, et elle entend, croyez-le bien, les membres de l'opposition haïtienne lorsqu'ils condamnent dans la même ligne les violences commises par des bandes armées incontrôlées.
Nous restons néanmoins convaincus que le dialogue entre les parties reste la voie qui peut permettre de parvenir à un règlement de cette crise d'une exceptionnelle gravité et nous considérons, à ce stade, que la résolution 822 de l'Organisation des Etats américains, l'OEA, constitue encore un cadre approprié.
Dans ces conditions, selon nous, les efforts de la communauté des Etats de la Caraïbe, la CARICOM, en vue de mettre en oeuvre cette résolution doivent être soutenus et, dans le cadre des Nations unies, avec nos principaux partenaires, notamment les Etats-Unis, nous nous mobilisons activement pour parvenir à un règlement de cette crise.
M. René-Pierre Signé. Ce n'est pas encore une réussite !
Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée. Nous n'avons pas l'intention de ne pas oeuvrer dans cette voie. Il est bien entendu que, si les violences actuelles se perpétuaient, une aide humanitaire d'urgence serait consentie sans délai par la communauté internationale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
SITUATION DES PRODUCTEURS DE LAIT
M. le président. La parole est à M. Henri de Raincourt. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Henri de Raincourt. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture.
M. Henri de Raincourt. La filière laitière française traverse une crise sévère.
M. René-Pierre Signé. Luc Guyau !
M. Henri de Raincourt. Or son importance dans l'économie agricole, ainsi que pour l'ensemble de nos territoires, est déterminante.
Les producteurs sont inquiets, tant à court terme avec la dénonciation par les transformateurs, fin 2003, de l'accord sur le prix du lait, qu'à moyen terme en raison de la réforme de la politique agricole commune. Une forte incertitude pèse sur leur avenir.
Depuis plusieurs jours, des manifestations se déroulent ici et là,...
M. René-Pierre Signé. Oui !
M. Henri de Raincourt. ... devant les laiteries. Les producteurs en appellent au Gouvernement, et notamment à vous, monsieur le ministre de l'agriculture.
Lors d'une table ronde qui s'est tenue hier et qui réunissait l'ensemble des acteurs de la filière, vous avez présenté un certain nombre de mesures. Pourriez-vous aujourd'hui, devant le Sénat, apporter des précisions sur ces propositions d'action ?
Nous savons que les défis qui devront être relevés par cette filière sont importants et nous souhaitons, monsieur le ministre, que vous vous engagiez dans une démarche d'adaptation ambitieuse et volontaire, comme vous l'avez déjà fait dans d'autres secteurs tels que ceux de la production avicole ou, plus récemment, de la filière porcine. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Je vous remercie, monsieur de Raincourt, d'avoir respecté le temps qui vous était imparti.
La parole est à M. le ministre.
M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur le sénateur, la filière laitière est en effet très importante pour notre pays : 110 000 exploitants laitiers, 400 000 emplois directs et indirects (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste),...
M. Jacques Mahéas. Et la restauration ?
M. Hervé Gaymard, ministre. ... mais aussi 2 milliards d'euros d'excédent de la balance commerciale, soit le quart de l'excédent agroalimentaire.
Il est vrai que, depuis maintenant trois ans, notre filière laitière connaît des difficultés à la fois sur le court et le moyen terme.
Sur le court terme, l'accord national interprofessionnel sur le prix du lait, qui avait été conclu en 1997, a été dénoncé par les transformateurs laitiers le 31 décembre dernier. Les négociations continuent, mais aucun accord n'a été conclu à ce jour.
J'ai dit aux différents partenaires, avant-hier, qu'il fallait absolument obtenir une clause de paix au cours du premier semestre 2004...
M. Raymond Courrière. Oui : avant les élections !
M. Hervé Gaymard, ministre. ... sur le prix du lait, afin de maintenir un prix rémunérateur pour les producteurs.
Pendant cette période, il convient d'élaborer un nouvel accord tenant compte de la pondération des produits industriels, poudre et beurre, ainsi que ce que l'on appelle les produits de grande consommation tels que les yaourts et le fromage, qui sont mieux valorisés que les produits industriels.
J'en appelle donc de nouveau à la sagesse pour que soit fixé un prix du lait rémunérateur pour les producteurs.
J'en viens à la question de l'avenir de la filière par rapport aux décisions européennes. Je rappelle que ces dernières ont été prises à Berlin en 1999 (Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP) et que l'année dernière, à Luxembourg, nous avons obtenu la prolongation des quotas laitiers de 2008 à mars 2015, ce qui est extrêmement important.
M. René-Pierre Signé. Qui était le Président de la République ? Ce n'est pas vous qui avez négocié à Bruxelles !
M. Hervé Gaymard, ministre. Je vais lancer, avec l'aide des partenaires concernés, un plan d'adaptation et de modernisation de la filière. J'ai déjà annoncé une somme de 20 millions d'euros, tant pour la production que pour la transformation, et plusieurs groupes de travail en place devraient remettre d'ici au mois de mai des conclusions qui seront immédiatement opérationnelles.
M. René-Pierre Signé. Après les élections !
M. Hervé Gaymard, ministre. Monsieur le sénateur, nous sommes évidemment très soucieux de la pérennité de cette filière, essentielle pour l'avenir de l'agriculture, de l'économie et de l'emploi dans notre pays. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Etant donné sa gravité, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
M. René-Pierre Signé. Il ne répond pas à nos questions !
M. Jacques Mahéas. L'hiver est rude pour les plus démunis. Des associations comme les Restos du Coeur ou Emmaüs tirent la sonnette d'alarme.
Je connais particulièrement bien leur travail de terrain : Neuilly-sur-Marne, dont je suis le maire, a connu la première construction de l'abbé Pierre et les premiers Restos du Coeur de la Seine-Saint-Denis. Or ces associations constatent une augmentation de 10 % à 30 % des demandes d'aide alimentaire et une crise du logement sans précédent.
Médecins du Monde dénonce de son côté de graves inégalités d'accès aux soins, tandis que les chiffres confirment cette précarisation croissante.
Le chômage, en hausse continue, atteint un taux de 9,7 %. Les dossiers de surendettement augmentent de 13,8 %, et ce chiffre est plus élevé encore en Seine-Saint-Denis.
De plus en plus nombreux sont nos concitoyens qui empruntent pour manger, se loger, se soigner... Votre politique creuse les inégalités (Exclamations sur les travées de l'UMP),...
M. Jean-Pierre Schosteck. Evidemment, vous, vous n'y êtes pour rien ! Balayez donc devant votre porte !
M. Jacques Mahéas ... engendre toujours plus d'exclusion et aggrave la précarité : recours plus facile aux licenciements secs, suppression des emplois-jeunes,...
M. Jean-Pierre Schosteck. C'est faux !
M. Raymond Courrière. C'est la vérité !
M. Jacques Mahéas. ... réduction drastique des contrats emploi-solidarité et contrats emplois consolidés, comme de la dotation destinée au programme TRACE, le trajet d'accès à l'emploi, pour la formation des jeunes, remplacement du RMI par le sous-contrat du RMA, transformation des chômeurs de longue durée en RMIstes, suppression plus rapide de l'allocation spécifique de solidarité, hausses du gazole, des tarifs des mutuelles, des impôts locaux - il faut bien compenser les désengagements de l'Etat ! - ...
M. Alain Fouché. Avant, c'était le paradis !
M. Jacques Mahéas. ... augmentation de la consultation des médecins généralistes et du forfait hospitalier, déremboursement de médicaments, démantèlement de la couverture maladie universelle et de l'aide médicale d'Etat, diminution du budget logement de 8,8 %, baisse des aides personnelles au logement.
M. le président. Veuillez poser votre question !
M. Jacques Mahéas. Je n'ai pas utilisé mes deux minutes et demie ! (Mais si ! sur les travées de l'UMP.)
Et cette liste n'est pas exhaustive...
Le seul domaine où les plus démunis semblent prioritaires est la répression : si vous êtes sans domicile fixe, insultez le ministre de l'intérieur - ce qui, en soi, est évidemment répréhensible -, cela vous conduira très vite en prison pour un mois.
Monsieur le Premier ministre, n'allez surtout pas évoquer devant nous des mesures « gadget » comme la tenue en juin d'une hypothétique conférence nationale contre les exclusions.
M. le président. Votre question, monsieur Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Après vingt et un mois de régression sociale, ne pensez-vous pas qu'il est grand temps...
M. René-Pierre Signé. ... de partir !
M. Jacques Mahéas. ... de tendre avant juin la main aux plus démunis et de répondre à l'inquiétude sans précédent des acteurs de terrain par des mesures à la hauteur de la gravité de la situation ? En effet, 1,5 milliard d'euros en faveur de la restauration...
M. le président. Votre temps de parole est épuisé, monsieur Mahéas !
M. Jacques Mahéas. Monsieur le Premier ministre, c'est...
M. le président. C'est terminé ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le sujet que vous évoquez est suffisamment grave, monsieur le sénateur, pour que vous ne vous livriez pas à une caricature de la politique du Gouvernement (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC) caricature qui n'a pas d'autre objectif que de faire oublier que, pendant les années de croissance exceptionnelle que nous avons connues, la pauvreté dans notre pays a continué d'augmenter. Et, si vous êtes proche, monsieur Mahéas, d'associations comme Emmaüs, vous le savez parfaitement.
L'honnêteté d'un dirigeant politique est de reconnaître la réalité des choses. Or la réalité des choses c'est que le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a augmenté de manière substantielle les bas salaires, en particulier le SMIC. (Mme Nicole Borvo rit.)
La réalité, c'est de reconnaître que le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a cherché à donner aux jeunes de vrais emplois avec de vrais contrats...
Mme Nicole Borvo. C'est la méthode Coué !
M. François Fillon, ministre. ... quand vous les aviez enfermés dans des impasses qui ont conduit à des catastrophes sur le plan professionnel. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mais puisque vous avez évoqué, monsieur le sénateur, la question du surendettement, vous devriez reconnaître que, si le nombre de dossiers progresse autant dans notre pays, c'est parce que les dispositifs qui ont été mis en place pour lutter contre ce phénomène sont inefficaces.
M. René-Pierre Signé. C'est parce qu'il n'y a pas de croissance !
M. François Fillon, ministre. Et vous devriez reconnaître aussi que le ministre chargé de la ville a eu bien raison de proposer au Parlement, qui l'a voté, un texte sur le surendettement dont les décrets seront publiés dans quelques jours et qui permettra à plus de 20 000 familles françaises, aujourd'hui complètement submergées par leur endettement,...
M. René-Pierre Signé. C'est parce qu'il y a du chômage !
M. François Fillon, ministre. ... de voir immédiatement suspendus toutes les poursuites et tous les remboursements. Ils sont aujourd'hui 60 000, et plus d'un tiers d'entre eux seront concernés par le texte de Jean-Louis Borloo sur la procédure de rétablissement personnel, qui permettra de donner une nouvelle chance à des familles qui étaient dans la difficulté. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Raymond Courrière. Les restaurateurs vont les aider !
M. François Fillon, ministre. Vous êtes peut-être très forts pour commenter la situation ; nous, nous essayons d'y apporter des réponses ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations redoublées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. René-Pierre Signé. La situation est catastrophique !
Mme Nicole Borvo. Un emploi, un logement, mais pas de fichage !
CAMPAGNE DE DÉSINFORMATION
M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard.
M. Yann Gaillard. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Il est de fait que les indices économiques sont toujours contestés par une partie de l'opinion. Tout semble pourtant indiquer que...
M. René-Pierre Signé. ... tout va bien ! (Sourires sur les travées socialistes.)
M. Yann Gaillard. ... la croissance est revenue au second semestre 2003, qu'elle s'est accélérée en fin d'année : 0,4 % au troisième trimestre, 0,4 % au quatrième trimestre,...
M. René-Pierre Signé. Où a-t-il vu cela ?
M. Yann Gaillard. ... et il semble, d'après la Banque de France - confirmant ainsi les chiffres de l'INSEE -, que cette tendance se maintienne en début d'année...
M. René-Pierre Signé. Il n'y a que le chômage qui augmente !
M. Yann Gaillard. ... puisqu'il est prévu une croissance de 0,5 % au premier trimestre 2004, soit 2 % en rythme annuel.
On sait aussi que le nombre de créations d'entreprise, qui est très symptomatique, a marqué une envolée au mois de janvier 2004. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Il s'agit de chiffres publiés par des organismes officiels, que l'on n'a donc pas de raison de mettre en doute !
Malgré cela, plane dans l'opinion un doute qui est entretenu par certains,...
M. René-Pierre Signé. C'est la vérité !
M. Yann Gaillard. ... et c'est de cela que je voudrais vous parler, monsieur le Premier ministre.
M. Raymond Courrière. Ça y est ! C'est la faute de la gauche !
M. Yann Gaillard. Que pensez-vous de la campagne engagée par un grand organisme de distribution collective, qui va jusqu'à écrire que le pouvoir d'achat a baissé de 1,1 % ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
On sait très bien que, derrière ce genre de campagne se cachent, d'une part, des luttes commerciales entre certains groupes - ceux qui veulent le « consommer mieux » et ceux qui veulent le « consommer moins cher » - et, d'autre part, la volonté de revenir sur certaines dispositions législatives qui peuvent ennuyer tel ou tel groupe : je pense à certaines dispositions de la loi Galland.
M. René-Pierre Signé. Il n'y a qu'à supprimer la TVA !
M. Yann Gaillard. Monsieur le Premier ministre, je vous demande, en premier lieu, ce que vous pensez de ce type de campagne et, en second lieu, si vous envisagez, effectivement, de revenir sur certaines dispositions législatives que cette campagne a pour objet d'abroger. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur Gaillard, je pense du mal de cette campagne. Elle est malhonnête et ses promoteurs cherchent à induire les Français en erreur.
M. René-Pierre Signé. C'est ce que vous faites tous les jours !
M. Francis Mer, ministre. Il s'agit d'amener les Français, avec les arrière-pensées commerciales que vous avez évoquées, à percevoir la réalité de manière différente de ce qu'elle est.
L'INSEE est un organisme reconnu internationalement et la définition du pouvoir d'achat fait l'objet de nombreuses discussions au sein des instances internationales.
M. Raymond Courrière. Ce n'est pas vrai !
M. René-Pierre Signé. Vous êtes des menteurs !
Mme Nelly Olin. Oh, mais ce n'est pas possible ! Taisez-vous, monsieur Signé !
M. Francis Mer, ministre. C'est pourquoi, lorsque l'INSEE considère que le pouvoir d'achat a augmenté de 1,2 %, je trouve scandaleux que quelqu'un, à travers une vague étude portant sur un sous-ensemble modeste de la consommation, essaie de convaincre les Français que leur pouvoir d'achat a baissé. La consommation française, l'année dernière, a augmenté.
M. René-Pierre Signé. Super-menteur ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Francis Mer, ministre. En outre, l'épargne française s'est maintenue à un niveau élevé, elle n'a pas baissé. Et, comme il n'y a pas de miracle dans la vie, cela se traduit obligatoirement par une augmentation du pouvoir d'achat.
M. Jacques Mahéas. Les fonctionnaires ont été augmentés en 2003 ?
M. Francis Mer, ministre. Il est clair que, derrière cette campagne, qui est fausse et malhonnête, je le répète, se cachent des arrière-pensées commerciales.
Je ne peux pas, ici, entrer dans les détails, mais pour répondre à la question que vous avez posée, je tiens à vous dire que nous travaillons sur ce sujet depuis un certain temps afin de savoir dans quelle mesure les règles qui organisent actuellement la distribution - pour ne pas la nommer -, ont besoin d'être remises à jour, aussi bien dans l'intérêt du consommateur, cela va de soi, que dans l'intérêt du système économique.
M. René-Pierre Signé. Et dans l'intérêt du Gouvernement !
M. Francis Mer, ministre. Nous n'avons pas de projet précis actuellement, mais nous sommes prêts, y compris à la suite de ce genre d'initiative malheureuse, à réagir vertueusement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
MISE EN OEUVRE DE LA TARIFICATION
À L'ACTIVITÉ DANS LES HÔPITAUX
M. le président. La parole est à M. Jean-Léonce Dupont.
M. Jean-Léonce Dupont. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, le groupe de l'Union centriste et moi-même avions fait part de nos inquiétudes concernant les conditions de mise en oeuvre de la tarification à l'activité dans les hôpitaux publics.
Plus de deux mois après l'adoption de cette importante réforme, les inquiétudes que nous exprimions alors semblent malheureusement plus que jamais d'actualité.
Nous sommes tout à fait d'accord pour considérer que le passage à la tarification à l'activité est une réforme d'envergure, ambitieuse et attendue. Elle intervient dans le double contexte alarmant du déficit vertigineux de l'assurance maladie et de la crise prononcée du secteur hospitalier, crise aggravée par la législation sur les 35 heures, appliquée de façon absurde dans un contexte de pénurie de certains personnels.
Cette nouvelle tarification peut être l'un des outils les plus efficaces susceptibles de permettre une véritable maîtrise médicalisée des dépenses de santé.
M. René-Pierre Signé. Non !
M. Jean-Léonce Dupont. Je dis bien « peut-être », car tout dépendra de la manière dont cette réforme sera mise en place. Or ses modalités d'application suscitent justement un grand nombre d'interrogations et d'inquiétudes chez beaucoup d'élus locaux et de gestionnaires des établissements.
Lors du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous avions insisté sur le fait qu'une application très progressive et très prudente de la tarification à l'activité nous paraissait s'imposer. Nous avions également fait remarquer que l'expérimentation préalable nous semblait insuffisante. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Par ailleurs, contrairement à ce que nous avions réclamé, la réforme est mise en oeuvre sans qu'il ait été procédé préalablement à un rebasement des budgets des hôpitaux. Alors que 50 % des hôpitaux ont aujourd'hui de sérieux problèmes budgétaires et recourent à des reports de charges, expression poétique pour parler de déficits cumulés, la tarification à l'activité pourrait aggraver considérablement leur situation.
En l'absence d'une mise à plat des budgets, des mécanismes de compensation doivent intervenir, et ce, d'autant plus que les mécanismes de péréquation bénéficiant aux établissements des régions les moins favorisées sont peu à peu démantelés.
Enfin, la coexistence de deux modes de tarification risque d'engendrer des difficultés de trésorerie importantes pour les hôpitaux.
M. René-Pierre Signé. Il fallait y penser avant de voter la loi !
M. Jean-Léonce Dupont. Lors de la discussion du PLFSS, vous nous avez donné l'assurance, monsieur le ministre, que ces difficultés de trésorerie ne seraient pas négligées.
Ma question est double : premièrement, afin d'aider les établissements hospitaliers à assumer sur le court terme le coût de la réforme, avez-vous l'intention d'augmenter de plus de 4 % la dotation hospitalière ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Deuxièmement, le Gouvernement envisage-t-il de mettre en place des structures de vigilance chargées d'effectuer une application adaptée de la tarification à l'activité, fondée sur l'analyse des besoins de terrain et des évaluations précises et fréquentes, afin d'éviter une logique exclusivement financière de certains établissements qui n'accepteraient plus alors de traiter que certains types de pathologies permettant de toucher les financements importants correspondants ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, ainsi que sur celles de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Monsieur le sénateur,...
M. Raymond Courrière. Tout va bien !
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. ... dans le cadre du plan Hôpital 2007, le Gouvernement met en oeuvre une profonde adaptation du fonctionnement hospitalier. La dotation globale a ses limites. Le Gouvernement en tire les enseignements en mettant en place la tarification à l'activité. L'objectif est simple : il s'agit de répondre mieux aux besoins des patients, de tenir compte de l'évolution médicale et de mettre fin aux effets de la dotation globale qui laisse subsister des rentes tout en organisant la pénurie.
Aucun système n'est toutefois vertueux en soi.
La tarification à l'activité doit s'accompagner d'une exigence renforcée de la qualité des soins pour éviter toute dérive.
M. René-Pierre Signé. Et les pathologies !
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. C'est le juste soin qui doit être financé et non pas l'acte de soin.
Monsieur le sénateur, les patients ont droit à une pratique médicale, toujours conforme à l'état des connaissances scientifiques et techniques...
M. René-Pierre Signé. Il n'y a plus de recherche !
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. ... et exécutée dans des conditions optimales de sécurité.
Mme Nicole Borvo. M. Douste-Blazy nous a dit le contraire !
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. A condition de répondre à ces exigences, la tarification à l'activité, rompant avec la logique de financement administré, est une chance pour l'hôpital...
M. René-Pierre Signé. Pas pour les malades !
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. ... et participe à sa modernisation.
Je citerai un exemple : en 2004, soixante molécules innovantes coûteuses, principalement en cancérologie, sont prises totalement en charge, sans restriction budgétaire, sous le seul contrôle de leur bon usage.
M. René-Pierre Signé. Il en a toujours été ainsi !
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. La limitation du budget global sur ces molécules était moralement insupportable et générait de lourds reports de charges.
Enfin, pour répondre très précisément à vos questions, monsieur le sénateur, je vous indique que la progression des dépenses autorisées pour les hôpitaux en 2004 est de 4,5 %.
Par ailleurs, je rappelle que, lors de l'examen par le Parlement du projet de loi de financement de la sécurité sociale, M. Jean-François Mattei a annoncé la mise en place d'un comité d'évaluation de la tarification à l'activité, la T2A...
M. Claude Domeizel. Cela ne coûte pas cher !
M. René-Pierre Signé. Et rien pour la canicule !
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. ... comprenant des représentants de l'Etat et des établissements hospitaliers, ainsi que des personnalités qualifiées en matière de qualité de soins. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Francis Grignon.
M. Francis Grignon. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, le Gouvernement a engagé une politique courageuse de réformes structurelles et de baisse des impôts et des charges qui commence à porter ses fruits (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC)...
M. Jean Chérioux. C'est la vérité !
M. René-Pierre Signé. Les fruits sont en train de tomber, oui !
M. Francis Grignon. ... puisque la croissance annoncée par l'INSEE au quatrième trimestre de 2003 est très encourageante. Ne vous en déplaise, les faits sont têtus !
Je me réjouis que la France soit enfin sur le chemin de la reprise.
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas une question, mais une déclaration !
M. Francis Grignon. Cela montre que le Gouvernement a fait les bons choix en matière économique, sociale et budgétaire. (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Le cap est bon et il doit être tenu, d'autant plus que cette stratégie a été validée lors de votre dernière réunion du G 7, monsieur le ministre.
Il reste néanmoins un point noir (Ah ! sur les travées du groupe socialiste)...
M. René-Pierre Signé. Il est lucide !
M. Francis Grignon. ... largement évoqué lors de ce même G 7, à savoir le mouvement désordonné des taux de change (Exclamations sur les mêmes travées)...
M. René-Pierre Signé. Cela inquiète les chômeurs et les RMIstes !
M. Francis Grignon. ... qui pénalise notre commerce extérieur et qui pourrait perturber fortement la reprise économique en France et en Europe !
En tant que rapporteur du groupe de travail de la commission des affaires économiques du Sénat sur les délocalisations des industries de main-d'oeuvre, je suis particulièrement attentif à l'évolution de la parité euro-dollar. Je pense qu'il en est de même pour mes collègues de l'opposition !
La reprise internationale est là. Vous conviendrez qu'elle doit profiter à tout le monde, aux Européens comme aux Américains.
Monsieur le ministre, ma question est simple et comporte trois volets.
Premièrement, quels enseignements tirez-vous du consensus que vous avez obtenu au G 7 sur la volatilité des taux de change ?
Deuxièmement, quelles mesures concrètes seront prises pour traduire ces bonnes résolutions dans les faits ?
Enfin, troisièmement, pensez-vous que l'Europe parviendra demain à mieux faire valoir son point de vue (Exclamations sur les travées du groupe socialiste)...
M. Raymond Courrière. Mais oui !
M. Francis Grignon. ... et ainsi à mieux défendre ses intérêts, ses entreprises et ses emplois ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. René-Pierre Signé. Les applaudissements sont maigres ; ils ne vont pas révolutionner l'hémicycle !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le sénateur, il est incontestable que la reprise s'annonce et commence à être perceptible à travers les chiffres.
Nous les découvrons toujours avec un temps de retard puisqu'il faut attendre au moins un mois pour savoir ce qui s'est passé au cours du trimestre précédent, mais nous sommes tous d'accord, je le pense, pour dire que l'année 2004 aura un profil d'activité nettement plus satisfaisant que l'année 2003. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Sauf pour les élections !
M. Francis Mer, ministre. Dans ce contexte, le point de fragilité, celui de la volatilité des changes, a été souligné lors de la réunion du G 7 en Floride.
M. René-Pierre Signé. C'est le début de la fin !
M. Francis Mer, ministre. Si nous avons réussi à le souligner, à faire partager l'intérêt que nous aurions tous à ce que cette volatilité diminue, c'est d'abord parce que, quelques jours auparavant, nous avions pris une position très claire à l'échelon européen, en total accord avec la Banque centrale européenne. C'est la première fois depuis très longtemps que les Européens, à travers une position uniforme, ont réussi, non pas à imposer, mais à faire partager leur point de vue par leurs collègues.
Les problèmes de déséquilibre, qui entraînent des fluctuations monétaires désordonnées, découlent de la vitesse à laquelle le monde se globalise.
Nous vivons une période historique que, par hypothèse, nous n'avons jamais connue, puisque l'histoire se bâtit tous les jours. Il en résulte, en termes de vitesse de changement, des phénomènes que nous devons maîtriser, le moins mal possible, en tenant compte cependant du contexte « gagnant-gagnant » que vous avez évoqué. Autrement dit, toutes les économies se développent. La moitié du monde connaît une croissance de 8 % à 9 % par an.
M. René-Pierre Signé. Pas nous !
M. Francis Mer, ministre. C'est vrai pour les pays qui partent d'un niveau bas...
M. René-Pierre Signé. Nous ne sommes pas du bon côté !
M. Francis Mer, ministre. ... mais au terme d'une période de dix ans, une croissance de 8 % ou 9 % signifie, vous le savez, le doublement du niveau de vie.
En même temps, les pays développés, européens et américains, doivent comprendre comment ils peuvent continuer à tirer leur épingle du jeu en termes d'activité, donc de niveau de vie.
M. René-Pierre Signé. C'est passionnant !
M. Francis Mer, ministre. Cela passe non seulement par une certaine maîtrise des taux de change...
M. René-Pierre Signé. On écoute avec attention !
M. Francis Mer, ministre. ... mais surtout, pour ce qui concerne la France, par la compréhension par toutes les entreprises de l'intérêt évident d'exporter plus.
Soyons clairs : les entreprises françaises, hormis les plus grandes, ne sont pas les championnes de l'exportation. Comparez avec ce qui se passe en Allemagne !
C'est un phénomène qui tient à l'histoire de la France, c'est vrai, mais il appartient au Gouvernement d'expliquer aux entreprises que leur devenir dépend, non pas uniquement du marché français, mais aussi du marché mondial. Petit à petit, elles s'y feront.
Par ailleurs, les entreprises doivent comprendre également que c'est en investissant dans la matière grise,...
MM. Jacques Mahéas et Daniel Raoul. C'est pour cela qu'il faut développer la recherche !
M. Francis Mer, ministre. ... les qualifications et le développement qu'elles continueront à tenir leur place dans le commerce international et dans une production de plus en plus concurrentielle. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
BAISSE DU NOMBRE DE POSTES
M. le président. La parole est à Mme Danièle Pourtaud. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Danièle Pourtaud. Ma question s'adresse à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
Monsieur le ministre, toute la communauté scolaire est en émoi face à la situation qui se dessine dans les écoles, les collèges et les lycées pour la rentrée 2004.
Monsieur le ministre, vous venez d'annoncer une baisse en 2004 de 30 %, soit de presque un tiers, des postes ouverts au CAPES et à l'agrégation externe : la diminution est, ainsi, de 24 % pour le CAPES de lettres modernes, de 37 % pour celui de philosophie, sans parler de celle de 70 %, en moyenne, pour les concours spécifiques aux lycées techniques ?
Bref, le nombre de nouveaux postes d'enseignants en 2004 n'a jamais été aussi faible depuis vingt-cinq ans !
A Paris, deux cents suppressions d'emplois sont annoncées, notamment dans les lycées professionnels, alors que l'on attend deux cents élèves de plus.
Mme Nicole Borvo. Dans les lycées professionnels techniques !
Mme Danièle Pourtaud. Pourtant, vous le savez, l'éducation nationale va devoir faire face à des départs massifs à la retraite d'enseignants. Votre audit, commandé en 2002, avait conclu d'ailleurs à la nécessité de recruter un minimum de 15 800 enseignants par an dans l'enseignement secondaire, en tenant compte de la chute des effectifs sur la période de 2004 à 2008. Or vous n'en recruterez que 12 500 en 2004.
La situation n'est pas meilleure dans l'enseignement primaire. Votre budget pour 2004 permettra certes de recruter 1 500 professeurs des écoles, mais cette hausse est totalement insuffisante pour accueillir les 55 000 enfants supplémentaires à la rentrée prochaine et pour faire face à l'afflux des élèves dans les années à venir.
Là encore, permettez-moi de prendre un exemple parisien : quatre-vingt-trois fermetures de classes, c'est sans précédent !
Monsieur le ministre, vous avez déjà diminué de 10 500 le nombre d'adultes présents dans les établissements scolaires (Exclamations sur les travées de l'UMP)...
M. Alain Fouché. C'est faux !
M. Jean-Pierre Sueur. C'est vrai !
Mme Danièle Pourtaud. ... avec la suppression des surveillants, des emplois-jeunes, des conseillers principaux d'éducation.
M. Claude Domeizel. Eh oui !
M. Alain Fouché. C'est faux !
Mme Danièle Pourtaud. Certes, il est question d'affecter par-ci, par-là, des policiers dans les établissements scolaires !
Vous allez casser la cohérence des équipes éducatives en maintenant le transfert des personnels administatifs, techniciens, ouvriers et de service, ATOS, aux régions. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Aujourd'hui, vous diminuez le nombre d'enseignants.
Monsieur le ministre, les parents d'élèves et les enseignants savent ce que cette baisse du taux d'encadrement signifie, en termes de violence dans les établissements et de lutte contre l'échec scolaire, deux des thèmes majeurs ressortant de votre grand débat pour l'école.
Monsieur le ministre, ma question est simple (Exclamations sur les travées de l'UMP), très simple : quand allez-vous cesser de démanteler l'éducation nationale (Rires sur les travées de l'UMP), avec une politique qui sacrifie l'avenir de la jeunesse de notre pays à de petits calculs budgétaires ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Madame la sénatrice, comme vous le savez, le budget de l'éducation nationale augmente de 2,8 % cette année.
Le problème se pose de savoir comment répartir à l'intérieur de cette enveloppe les différentes lignes budgétaires, s'agissant notamment des créations de postes.
En ce qui concerne les concours qui auront lieu en juin pour la rentrée de 2005, nous ne prenons pas nos décisions au hasard. Nous fondons notre réflexion sur quatre critères.
Le premier que vous avez indiqué concerne les départs à la retraite. Dans l'enseignement du second degré, 16 500 départs à la retraite sont prévus à la rentrée 2005.
Le deuxième critère a trait à l'évolution démographique des élèves. Devant l'augmentation significative du nombre d'élèves dans l'enseignement du premier degré, nous avons décidé d'ouvrir 13 000 postes aux concours pour la rentrée de 2005, contre 12 000 l'année dernière. En revanche, nous prévoyons une baisse de 100 000 élèves au cours des trois ans à venir, ce qui représente une réduction des besoins de près de 4 000 postes pour la rentrée 2005.
Par conséquent, compte tenu des 16 500 départs à la retraite et de la diminution des besoins de 4 000 postes, on obtient un nombre exact de 12 500 postes inscrits au budget.
Le troisième critère important que nous prenons en compte est lié à la sélectivité des concours. Il faut éviter de décourager les étudiants tout en conservant la qualité du recrutement. La sélectivité des concours est moins dure pour les étudiants aujourd'hui qu'elle ne l'était en 1999. Mais il ne faut pas non plus aller trop loin dans l'autre sens, recruter n'importe qui à n'importe quel prix !
Le quatrième critère que nous retenons est le maintien des taux d'encadrement, c'est-à-dire du nombre d'élèves par classe.
La prise en compte de ces quatre critères démontre qu'il faut augmenter le recrutement d'enseignants dans le premier degré, c'est ce que nous faisons, et bien évidemment le diminuer dans le second degré.
Comment pourrais-je justifier, devant la commission des finances du Sénat, le recrutement de professeurs d'éducation physique et sportive ou d'espagnol alors qu'ils sont déjà en surnombre et que les académies n'en veulent pas ?
Ce choix s'explique par une raison très simple : j'ai besoin de cet argent pour financer d'autres projets, par exemple pour créer 300 classes d'accueil pour les enfants handicapés dans le second degré. Il serait totalement irresponsable, par simple démagogie, parce que c'est la seule chose que l'on regarde, de faire de l'affichage en termes de postes alors que l'on a besoin d'argent ailleurs.
Telle est la réponse que je souhaitais vous apporter, monsieur le sénateur. Je peux vous assurer que les élèves seront bien accueillis. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
DIALOGUE SOCIAL DANS LA FONCTION PUBLIQUE
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Dominique Braye. Ma question s'adresse à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.
Monsieur le ministre, comme vous l'avez souvent affirmé à juste titre, la réforme de l'Etat dont vous avez la charge ne peut être envisagée et conduite avec succès sans prendre appui sur celles et ceux qui se consacrent au service public. Il importe donc que soient associés à cette oeuvre réformatrice les partenaires sociaux et l'ensemble des fonctionnaires.
Le groupe UMP du Sénat soutient sans réserve votre volonté de mener avec eux un dialogue constructif. Certes, un tel dialogue n'est pas toujours aisé et il comporte souvent son lot d'obstacles et de ruptures, quel que soit d'ailleurs le gouvernement. La difficulté majeure à laquelle ce dialogue peut se heurter réside, me semble-t-il, dans le paradoxe que la réforme est considérée par tous comme indispensable et souhaitable, mais que les changements qu'elle induira sont cependant craints et redoutés par beaucoup.
Parce que la passion ne doit pas l'emporter sur la raison, comme nous avons parfois pu le déplorer lors du débat sur la réforme des retraites, il apparaît judicieux de créer de nouveaux outils de régulation sociale. C'est là votre vision d'un dialogue serein et constructif, et notre groupe la partage pleinement.
La rénovation de ce dialogue exige l'invention d'une nouvelle méthodologie permettant son adaptation aux exigences d'une réforme attendue, tant par nos concitoyens que par les fonctionnaires eux-mêmes.
M. Claude Domeizel. Votre question !
M. Dominique Braye. Après une période de politique de la chaise vide pratiquée par les partenaires sociaux, la sagesse l'a emporté et le dialogue a repris dans la fonction publique au cours du mois de janvier.
M. Jacques Mahéas. Vous avez méprisé les fonctionnaires !
M. Dominique Braye. Il n'a pas cessé depuis, puisque vous avez réuni, encore ce matin, les organisations syndicales de la fonction publique.
Pouvez-vous nous informer, monsieur le ministre, des sujets que vous avez abordés avec les syndicats et nous éclairer sur vos objectifs et votre calendrier de travail ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, vous avez raison : dans notre pays, nous sommes tous favorables au changement, à condition qu'il ne nous concerne pas. Dès que nous sommes pour la réforme, nous la considérons systématiquement comme une nécessité de rupture, jamais comme un mouvement.
Le Gouvernement a au contraire la volonté d'être clair dans ses objectifs ; il a vocation à faciliter la participation des agents de la fonction publique à la réforme des structures de cette dernière.
M. Raymond Courrière. Il est très clair !
M. Jean-Paul Delevoye. ministre. Toutefois, il est vrai que nous n'avons pas les outils de la gestion sociale qui nous permettent d'être à la hauteur de ces réformes.
M. Jacques Mahéas. Nous n'avons pas les sous !
M. Jean-Paul Delevoye. ministre. C'est la raison pour laquelle, au cours d'une discussion très franche, riche et extrêmement fertile qui s'est tenue ce matin, nous avons défini les réflexions des prochaines semaines sur le périmètre, le champ d'application, la validité des accords, les moyens à donner aux organisations syndicales, ainsi que sur la modernisation des commissions administratives paritaires, les CAP, et des comités techniques paritaires, les CTP. Nous avons donc fixé un plan de travail qui sera mis en place dès cet après-midi.
Ce schéma n'a pas pour objet d'occulter les autres sujets, comme la formation et la nécessité de mettre en place une nouvelle refondation salariale, avant d'entreprendre des négociations qui, si nous ne changeons pas les paramètres, nous conduisent systématiquement à l'échec.
Nous refusons la logique de la confrontation. Nous voulons mettre en place une logique de responsabilisation. C'est là notre marque de confiance dans les agents de la fonction publique. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Daniel Hoeffel.)