Articles additionnels après l'article 14

Art. 14 et annexe (précédemment réservés)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la politique de santé publique
Seconde délibération

M. le président. L'amendement n° 221, présenté par Mme Blandin, M. Chabroux, Mme Campion, MM. Cazeau et Godefroy, Mme Printz, M. Vantomme et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Après le 7° de l'article L. 1323-2 du code de la santé publique, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Procède à l'évaluation des risques sanitaires relatifs à la consommation des divers adjuvants alimentaires tant séparément qu'en interaction. »

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement met l'accent sur de nouvelles causes de pathologies, qui vont devenir de plus en plus fréquentes. Dans les sols, dans les nappes phréatiques, on découvre des phénomènes de toxicité liés à des interactions de sels, de métaux lourds. Dans le corps, on constate également une interaction de molécules de certains médicaments. Dans nos aliments, certains adjuvants ne cohabitent pas de façon inerte : leur conjugaison se révèle source de pathologies potentielles, alors que, isolés, ils avaient été reconnus acceptables.

Nous demandons simplement que soit spécifiée, dans les missions de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'évaluation des risques sanitaires relatifs à l'interaction de divers adjuvants alimentaires.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Francis Giraud, rapporteur. Cet amendement a fait l'objet d'un débat au sein de la communauté scientifique. Le Gouvernement présentera prochainement un plan « nutrition » - le ministre s'y est déjà engagé -, au sein duquel la question que vous soulevez, madame la sénatrice, trouvera des éléments de réponse qui devraient être de nature à vous satisfaire.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Mattei, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.

Le ministère de l'agriculture nous a signifié que cela figurait déjà dans les missions de l'AFSSA et qu'il n'y avait donc pas lieu de retenir cet amendement, qui est redondant.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 221.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 266, présenté par Mme Blandin, est ainsi libellé :

« Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« I. - L'article L. 1323-2 du code de la santé publique est ainsi modifié :

« 1° Après le 11°, il est inséré un 12° ainsi rédigé :

« 12° Détermine, suite à l'accomplissement de ses missions 8° et 9°, par catégories de produits alimentaires, la teneur souhaitable et la teneur maximale autorisée en chlorure de sodium et autres éléments sodés. La mise en vente de produits alimentaires dépassant la teneur limite autorisée donne lieu au retrait de vente et au prélèvement d'une taxe telle que prévue à l'article L. 1323-10, 2°. La mise en vente de produits alimentaires dépassant la teneur souhaitable en éléments sodés, mais inférieure à la teneur autorisée d'un prélèvement peut donner lieu à la perception d'une taxe dans les conditions prévues à l'article L. 1323-10, 2°. La propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur du sel ou de produits sodés dont la teneur est supérieure à la teneur souhaitable, ainsi que toute distribution gratuite sont interdites. »

« 2° Les 12° et 13° deviennent les 13° et 14°.

« II - Au premier alinéa de l'article L. 1323-3 du même code, les mots : "8° et 9°" sont remplacés par les mots : "8°, 9° et 12°". »

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement est, lui aussi, relatif au sel. Lorsque, au mois de janvier, nous nous souhaitons une bonne santé, nous souhaitons à chacun de ne pas tomber malade. Cet amendement concerne une substance non toxique, le chlorure de sodium, indispensable à la vie en quantité raisonnable, mais dangereuse à doses trop élevées.

Aujourd'hui, toutes les études convergent pour donner l'alerte. Les plats cuisinés, en particulier, sont trop salés. Nous savons que des efforts sont accomplis : les boulangers ont accepté de diminuer progressivement la quantité de sel qu'ils utilisent. Mais la gravité des conséquences d'une alimentation trop salée mérite que la loi soit exigeante en la matière. Cette rigueur est d'autant plus nécessaire que, comme l'évoquait notre collègue Michel Dreyfus-Schmidt, ce sont les mêmes groupes qui vendent les plats pour lesquels l'adjonction de sel est trop importante et qui donnent soif et les boissons.

Il ne suffit donc plus d'alerter sur les graves pathologies induites par une alimentation trop salée : il faut prévenir et protéger les consommateurs ; il faut sévir ; il faut mener une campagne contre la surconsommation de sel ; il faut prévoir des dispositifs légaux efficaces.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Francis Giraud, rapporteur. Même avis que pour l'amendement précédent.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Mattei, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 266.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous avons achevé l'examen des articles du projet de loi.

Seconde délibération

Art. additionnels après l'art. 14 (précédemment réservés)
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Art. 17

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-François Mattei, ministre. Monsieur le président, en application de l'article 43, alinéa 4, du règlement, le Gouvernement demande qu'il soit procédé à une seconde délibération de l'article 17.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cette demande de seconde délibération ?

M. Francis Giraud, rapporteur. La commission y est favorable.

M. le président. Je consulte le Sénat sur la demande de seconde délibération, acceptée par la commission.

La seconde délibération est ordonnée.

Nous allons procéder à la seconde délibération.

Je rappelle au Sénat les termes de l'article 43, alinéa 6, du règlement : « Dans sa seconde délibération, le Sénat statue seulement sur les nouvelles propositions du Gouvernement ou de la commission, présentées sous forme d'amendements et sur les sous-amendements s'appliquant à ces amendements. »

Seconde délibération
Dossier législatif : projet de loi relatif à la politique de santé publique
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 17

I. - Non modifié.

II. - Supprimé.

III (nouveau). - Après l'article L. 3323-4 du même code, il est inséré un article L. 3323-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 3323-4-1. - Toutes les unités de conditionnement des boissons alcoolisées portent, dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la santé, un message à caractère sanitaire mentionnant les dangers que représente la consommation excessive d'alcool et préconisant l'absence de consommation par les femmes enceintes. »

M. le président. L'amendement n° A 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

« Supprimer le III de cet article. »

La parole est à M. le ministre.

M. Jean-François Mattei, ministre. Cet amendement du Gouvernement tend à supprimer l'obligation de faire figurer un message sanitaire sur les bouteilles d'alcool. En effet, la réflexion sur ce sujet n'est pas encore suffisamment avancée, et nous n'avons clarifié ni le type de message ni le mode de présentation.

Cet amendement a été, adopté me semble-t-il, parce qu'il correspond à un désir réel d'adresser un message de santé publique, mais, dans la pratique, ce n'est pas opérationnel.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement souhaite que l'on revienne sur ces dispositions en adoptant son amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Francis Giraud, rapporteur. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Gérard César, pour explication de vote.

M. Gérard César. Après l'intervention de notre collègue Mme Payet et celle de M. le ministre, je voudrais vous remercier, monsieur le ministre, de demander une seconde délibération sur l'amendement n° 207 rectifié ter. Je ne doute pas qu'elle sera votée par la Haute Assemblée !

Que constatons-nous aujourd'hui ? Nous observons une baisse de la consommation de vin qui s'accentue ces dernières années puisqu'elle est tombée à cinquante-sept litres par an et par habitant. Par ailleurs, des messages passant à la radio et à la télévision pratiquent l'amalgame entre deux verres de vin, de bière ou d'alcool. Je m'étonne, à cet égard, que la télévision ait présenté non pas une bouteille d'alcool, mais une bouteille de vin ressemblant étrangement à une bouteille de Bordeaux.

Je rappelle que la viticulture est une réalité économique et culturelle. Elle représente un atout important pour le développement du tourisme et des échanges internationaux. Cette filière est, en outre, un important employeur de main-d'oeuvre, directement ou indirectement.

Mes collègues Gérard Delfau et Roland Courteau et moi-même avons montré, dans un rapport d'information sur l'avenir de la viticulture française, que la forte concurrence des vins du Nouveau Monde s'appuie sur une politique de communication massive. A la suite de ces travaux, nous avons organisé, en novembre 2002, un colloque au Sénat sur le thème « Vin, santé et alimentation », avec la participation de scientifiques et de professeurs de médecine français et étrangers, qui ont démontré qu'une consommation modérée de vin est recommandée, surtout pour la prévention des maladies cardio-vasculaires et la terrible maladie d'Alzeihmer.

La situation de nos vins est aujourd'hui aggravée par les mesures contraignantes sur les exportations de vin, adoptées par les Etats-Unis, au nom de la lutte contre le bioterrorisme, qui apparaissent comme des mesures protectionnistes.

Pour en revenir à l'amendement de notre collègue Mme Payet, je rappelle que la loi Evin a obligé à apposer sur toute publicité concernant l'alcool la mention : « L'abus d'alcool est dangereux pour la santé. » Mais il serait excessif et très coûteux pour la filière de devoir apposer sur toutes les unités de conditionnement, et notamment sur les étiquettes des bouteilles, une mise en garde sanitaire de ce type.

Outre le fait que cette méthode n'a pas prouvé son efficacité - regardez la prohibition aux Etats-Unis ! -, elle entache systématiquement nos produits d'une connotation négative. Je m'oppose d'ailleurs formellement à la confusion qui est souvent faite entre le vin et l'alcool.

Lors de notre colloque au Sénat, nous avons tous été favorables à la prévention et à l'éducation des consommateurs par rapport au danger que représente une consommation abusive d'alcool. Cependant, nous ne pouvons accepter que le produit « vin » soit systématiquement dénigré.

Ce message que l'on voudrait mettre sur les bouteilles est, par son coût et son effet potentiel, totalement inacceptable pour la filière viticole, qui, chacun le sait, connaît d'importantes difficultés.

En outre, en ce qui concerne le vin, cette mesure n'est pas de nature à éviter les risques d'accident qui menacent les jeunes conducteurs lors de leurs sorties du samedi soir, car ce sont plutôt des alcools blancs, des mélanges du type TGV - tequila, gin, vodka - ou d'autres produits qui sont consommés dans ces occasions.

Pour finir, je soutiens la nouvelle délibération, en souhaitant qu'elle aboutisse à la suppression des dispositions présentées dans l'amendement n° 207 rectifié ter et je remercie M. le ministre d'être à l'origine de cette initiative, bien sûr soutenue par le président de la commission et par notre excellent rapporteur Francis Giraud. (Bravo ! sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet pour explication de vote.

Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous faire part de ma profonde déception en apprenant que vous aviez l'intention de demander une seconde délibération, afin de rejeter l'amendement n° 207 rectifié ter, que le Sénat a adopté et dans lequel je plaçais tant d'espoir.

En m'adressant à vous, voilà quelques jours, je faisais appel au ministre que vous êtes, bien sûr, mais aussi au médecin pleinement conscient du problème que je soulevais. Mais ce n'est pas le médecin qui m'a écouté, hélas ! La réponse que j'ai obtenue était une réponse de ministre. C'est normal, me direz-vous : dans cet hémicycle, vous êtes avant tout ministre ! J'attendais tout de même un avis de sagesse, mais vous avez émis un avis défavorable. Cependant, mes collègues présents ce jour-là ont fait preuve de sagesse - c'est la qualité première du Sénat - en adoptant mon amendement. Je les en remercie.

Monsieur le ministre, je ne comprends pas votre motivation. La France se laisse dépasser par d'autres pays. Les Etats-Unis et le Canada sont les leaders en matière de prévention de l'alcoolisation des femmes enceintes. En 1981, le ministre américain de la santé prônait l'abstinence pendant la grossesse et recommandait d'accélérer l'éducation du public. En 1983, il déterminait des objectifs prioritaires à réaliser en sept ans : éduquer aux dangers de l'alcool les femmes américaines en âge de procréer et réduire de 25 % le nombre de cas de syndrome d'alcoolisation foetale. En 1985, il organisait un sondage national sur la question. En 1989, il ordonnait l'inscription de l'information suivante sur toutes les bouteilles de boissons alcoolisées, y compris la bière : « Les femmes enceintes ne doivent pas consommer de boissons alcoolisées pendant la grossesse à cause des risques de malformations chez leur nouveau-né. »

Beaucoup d'Etats ont accompagné cette mesure de la pose de placards d'information à la devanture des magasins et des débits de boissons.

En France, les informations et les recommandations émises par des épidémiologistes, des médecins, des chercheurs et des pédiatres lors de différents congrès ont peu sensibilisé les responsables de la santé publique dans les années quatre-vingt.

Paul Lemoine, un médecin nantais, a réalisé un important travail de recherche, accueilli avec scepticisme et hostilité et qui ne paraîtra que dans une revue locale, l'Ouest médical. Ignoré en France, le Dr Lemoine reçoit aux Etats-Unis, en 1984, le prix Jellinek, qui récompense les meilleurs travaux mondiaux sur l'alcoolisme. Ce n'est pas ainsi que nous lutterons contre la fuite des cerveaux !

Monsieur le ministre, je ne comprends pas pourquoi vous hésitez à faire passer aujourd'hui aux femmes enceintes un tel message, qui est diffusé depuis la nuit des temps, puisqu'il figure dans la Bible, et qui est passé dans l'oubli.

Il n'est question ni de rétablir la prohibition, ni de ternir la réputation des vins français, ni de nuire aux viticulteurs, mais simplement d'avertir les femmes du danger et de leur demander de ne pas boire pendant les neuf mois de leur grossesse.

Les femmes ont besoin d'être alertées. Je vais vous montrer, monsieur le ministre, à quel point l'information est nécessaire.

Je m'entretenais sur ce sujet, il y a quelques jours, avec de jeunes étudiantes de niveau bac + 6, dans la salle de conférence. Elles ne savaient pas que, dans un verre de bière, de vin, de cognac ou dans une coupe de champagne, il y a le même volume d'alcool. Je ne veux pas leur jeter la pierre : moi non plus je ne le savais pas voilà quelques années. L'information est nécessaire pour tous et pas seulement pour les illettrés ou pour ceux qui n'ont pas suivi de longues études. Les femmes ne connaissent pas suffisamment les dangers auxquels elles sont exposées, surtout lorsque le manque d'information se mêle à la désinformation.

En 2003, un ouvrage intitulé La Grossesse en douceur, publié aux éditions Hachette, en partenariat avec la chaîne thématique Santé-vie et le laboratoire Arkopharma, et actuellement distribué en pharmacie, suggère qu'une consommation de deux à trois verres de vin par jour pour les femmes enceintes serait anodin, ce qui est médicalement une aberration. Nous sommes, en effet, depuis longtemps en pleine certitude scientifique sur ce sujet.

J'aimerais, monsieur le ministre, que vous preniez aujourd'hui l'engagement de stopper la distribution de ce document qui diffuse des informations mensongères et dangereuses. Des études ont montré, en effet, que même une consommation modérée peut être fatale au nouveau-né.

Par ailleurs, les dispositions impératives et pénalement sanctionnées du code de la consommation - il s'agit de l'article L.213-1 - imposent à tout producteur d'attirer l'attention du consommateur sur les précautions d'emploi et les risques inhérents à l'utilisation du produit. Cet argument va bien au-delà du principe de précaution, qui impose à l'Etat de prendre toutes mesures propres à éviter, en cas de doute, tout risque pour la santé publique.

Pour donner la mesure de l'importance de ces dispositions, et à titre d'illustration, j'ajoute que, dans une note de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, il est recommandé, sous peine de poursuites pénales, à tout producteur de produits cosmétiques revendiquant une vertu hydratante de mentionner que leurs produits n'hydratent que les couches superficielles de l'épiderme. Il me semble complètement aberrant et incohérent qu'une précision aussi anodine soit obligatoire et que, a contrario, le consommateur ne puisse pas être informé de l'existence d'un risque de malformation congénitale dans certain cas.

L'alcoolisation foetale est l'une des rares causes de handicap évitable, si nous agissons. Nous devons nous donner les moyens de réduire le nombre de cas de syndrome d'alcoolisation foetale. Le problème existe depuis trop longtemps pour que nous refusions de l'examiner et de trouver des solutions.

S'agit-il d'un problème de surcoût ? Si tel est le cas, je me dois de vous dire que des études ont montré que chaque enfant présentant un syndrome d'alcoolisation foetale sévère coûte à l'Etat 1 million d'euros. J'apporte cette précision non pour marginaliser davantage les enfants en souffrance mais simplement parce que l'estimation a été faite.

Je conçois, monsieur le ministre, que l'inscription de ce message de santé sur les bouteilles d'alcool n'aurait pas suffi à lui seul. Mais je me réjouissais de cette étape primordiale, de ce premier pas, qui est souvent le plus difficile, dit-on. Mon bonheur a été, hélas ! de courte durée. Il est inhumain de remettre à plus tard, aux calendes grecques, les décisions qui pourraient faire reculer ce fléau difficile à combattre.

Qui plus est, tous les producteurs d'alcool ne sont pas opposés à la prévention.

M. Alexis Capitant, délégué général de l'association des producteurs d'alcool « Entreprise et prévention », a déclaré très clairement aux journalistes de France 2 qu'il était favorable à la diffusion d'un message de prévention du syndrome d'alcoolisation foetale, si l'Etat le souhaitait. Il affirme lui-même que la « consommation d'alcool pendant la grossesse est inappropriée et à risque ». Il recommande « une abstinence totale pendant toute la grossesse » et ne comprend pas l'attitude du ministère de la santé.

Nous ne devons pas manquer l'occasion d'apporter une lueur d'espoir à toutes les femmes alcoolo-dépendantes, à tous les professionnels - médecins, infirmiers, assistantes sociales - qui se penchent sur ce problème et qui se sentent abandonnés, car les gouvernements qui se sont succédé sont restés indifférents, sourds à leurs cris d'alarme, préférant mettre en avant des considérations économiques.

Monsieur le ministre, puisque vous tenez à faire tomber mon amendement, prenez au moins l'engagement de présenter un rapport sur ce sujet au Parlement dans les mois qui viennent. Permettez-moi également de vous dire de façon solennelle, au nom de toutes ces femmes et de ces enfants qui souffrent, que je préférerais que vous renonciez à toute nouvelle délibération. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.

M. Roland Courteau. Jeudi dernier, lors de l'examen de plusieurs amendements sur l'article 17, j'ai cru devoir préciser que bien criminel serait celui, ou celle, qui se refuserait à combattre l'abus de boissons alcooliques, et donc à lutter contre l'alcoolisme. Notre accord était total sur ce point, et c'est dans l'approche relative à la santé publique que nous divergions.

Nous avons toujours considéré qu'il fallait distinguer entre le vin et les alcools durs...

M. Gérard César. Oui !

M. Roland Courteau. ... mais également entre une consommation excessive et une consommation modérée. J'avais même rappelé les résultats scientifiques de nombreux chercheurs - tels que les professeurs Renaud, Orgogozo ou Weil et le Danois Cronbaek -, qui démontrent qu'une consommation modérée est bénéfique à la santé. Mes amis Gérard César et Gérard Delfau, qui sont membres du même groupe d'étude viticole que moi au Sénat, le rappelleront vraisemblablement tout à l'heure.

Le Sénat nous a donc suivis jeudi dernier, en votant trois amendements identiques déposés par la commission et par plusieurs d'entre nous, visant à éviter que l'on ne cible les consommations modérées dans les messages sanitaires qui accompagnent les publicités.

Or, quelques instants plus tard, un second amendement était adopté, relatif non plus au support publicitaire mais aux unités de conditionnement, autrement dit les bouteilles.

Que prévoit cet amendement n° 207 rectifié ter ? Dans l'exposé des motifs, Mme Payet écrit : « De même qu'il est désormais obligatoire d'indiquer sur les paquets de cigarettes que fumer peut nuire à la santé ou mener à la mort, des indications similaires doivent figurer sur les bouteilles de boissons alcoolisées. »

La prise de position du Sénat sur cet amendement était pour le moins contradictoire avec celle qu'il avait adoptée sur la proposition précédente.

Une telle position, qui fait l'amalgame entre le vin et les alcools durs, nie l'ensemble des recherches scientifiques qui démontrent les bienfaits sur la santé d'une consommation modérée de vin.

Qu'y a-t-il de commun entre la consommation d'un ou de deux verres de vin au cours d'un repas et l'absorption d'alcools tels que whisky, gin, vodka, et autres alcools durs ?

Quelle est la part du vin dans l'alcoolisme du samedi soir ou chez les jeunes ? Il est démontré qu'à défaut de connaître le vin les jeunes se tournent vers les alcools durs.

Comment expliquer l'augmentation de l'alcoolisme en France quant on sait que la consommation de vin a baissé de 50 % en vingt-cinq ans tandis que celle de spiritueux progressait de 15 % ?

En ce qui concerne la comparaison avec le tabac, un représentant de la Commission européenne déclarait, le 14 janvier 1998, qu'il n'y a pas de lien entre le tabac et les boissons alcooliques, dans la mesure où il est établi que le premier est nuisible pour le fumeur et son entourage - les consommateurs passifs - alors que l'alcool - je dirai plutôt le vin - consommé en quantité modérée a des effets bénéfiques sur la santé.

Enfin, cet amendement se heurte, à mon avis, aux contraintes juridiques du règlement communautaire du 1er mars 2003, et je serais tenté de dire : n'en rajoutons pas en ce domaine.

Aussi longtemps qu'en France, contrairement à l'Espagne, nous persisterons, mes chers collègues, à refuser de faire la distinction entre les vins et les alcools durs, nous rencontrerons les mêmes difficultés dans l'approche de la santé publique.

Lors du débat, vous avez démontré, monsieur le ministre, que vous n'établissiez pas plus de différences entre abus et usage modéré qu'entre vin et alcool dur, tout en précisant qu'éventuellement vous auriez aimé aller dans la direction de Mme Payet si des contraintes juridiques ne vous en avaient pas empêché. Il est évident que la coercition paraît plus facile à mettre en oeuvre qu'une politique de santé publique qui s'attaquerait aux causes profondes de l'alcoolisme.

On peut aussi se demander si l'adoption de mesures maximalistes, pour ne pas dire « semi-prohibitionnistes » dans ce domaine, n'est pas la marque d'une certaine réticence à financer des mesures de prévention d'envergure, ciblées sur les causes de la surconsommation et orientées vers des actions éducatives.

Je considère, ce sera ma conclusion, qu'il y a d'autres moyens que ceux qui ont été exposés par Mme Payet pour faire face aux problèmes qu'elle a évoqués, dans un deuxième temps, mais surtout en termes de prévention, d'information et d'action socio-éducative. J'ai essayé de le démontrer et c'est pourquoi il me paraît souhaitable d'adopter l'amendement visant à supprimer les dispositions introduites par Mme Payet.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, il est des domaines qui suscitent le lyrisme et qui mobilisent tous les groupes politiques. J'adopterai, quant à moi, un ton très serein : j'ai voté l'amendement de Mme Payet avec plusieurs de mes collègues et je ne changerai pas d'avis.

J'ai bien noté la difficulté juridique qui se pose, mais, vous savez, jadis, quand on voulait noyer son chien, on disait qu'il avait la rage ! Maintenant, quand on veut se débarrasser de quelque chose, on dit que cela est contraire à la réglementation européenne ou qu'une directive devant prochainement intervenir on peut différer la décision. Mais l'argument ne vaut pas pour tout, alors je me méfie !

En outre, vous ne nous avez pas dit la même chose la semaine dernière, monsieur le ministre. Ainsi, il n'y aurait pas de service juridique le vendredi et il y en aurait un le lundi ? J'ajoute que nous sommes fortement déstabilisés par le fait qu'on nous demande de délibérer de nouveau sur un amendement un jour où le Sénat n'a pas coutume de siéger. Nous ne sommes pas tous présents...

M. Gérard César. Nous avons été prévenus !

Mme Marie-Christine Blandin. Nous n'avons pas tous été prévenus qu'allait être rééxaminé précisément l'amendement de Mme Payet. Par conséquent, je refuse le procédé.

Quant au fond, nous mesurons bien l'émotion viticole qui traverse toutes les travées. Rassurez-vous, mes chers collègues, on ne va pas rétablir la prohibition ! Rassurez-vous, personne n'a l'intention de fragiliser les filières ! Rassurez-vous, nous aimons le vin et nous en consommons comme vous, c'est-à-dire modérément !

Mais, sans vouloir faire pleurer dans les chaumières, dans une région comme la mienne qui n'est pas viticole mais qui produit d'autres alcools et d'autres boissons peu alcoolisées telles que la bière, il faut avoir vu un tout petit bébé, un tout petit prématuré peu viable, parfois mal formé, pour comprendre la légitimité de l'amendement de Mme Payet, qui est très ciblé puisqu'il concerne le risque pour les femmes enceintes uniquement.

M. Roland Courteau. Il n'est pas ciblé du tout !

Mme Marie-Christine Blandin. Il est ciblé. Mme Payet sait très bien ce qui se passe dans son département.

Si j'évoque le cas de ces enfants, en particulier des prématurés, c'est parce que vous m'y avez fait penser en parlant du tabac et de ses conséquences sur les fumeurs passifs. Or les enfants sont parfois des consommateurs passifs d'alcool parce que leur mère boit trop. Cela existe, il faut le dire, c'est un message de pédagogie.

Par conséquent, je le dis sereinement : je soutiens l'amendement de Mme Payet et, tout comme le lobby viticole traverse tous nos rangs, il me semble que cette émotion consistant à faire de la pédagogie sur les boissons alcooliques devrait, elle aussi, parcourir l'hémicycle !

M. Gérard César. Il n'y a pas de lobby !

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, pour explication de vote.

M. Gérard Delfau. Tout le monde le sait, cet amendement avait provoqué un émoi considérable dans les régions viticoles. On peut d'ici percevoir cette situation avec quelque indifférence - ce n'est pas votre cas, madame Payet - mais on doit se souvenir que ces régions vivent depuis plusieurs années un double phénomène : une baisse constante et très importante de la consommation de vin - je ne parle pas des alcools, c'est une autre affaire - et, plus récemment, une concurrence de plus en plus agressive et de plus en plus efficace des pays dits du nouveau monde. Dans le cadre du rapport que Gérard César, Roland Courteau, moi-même et plusieurs de nos collègues avons élaboré, nous nous sommes rendus sur place. Nous avons pu constater à quel point cette pression pouvait, en quelques années, asphyxier, puis faire disparaître ce qui est à la fois une filière économique de première importance et un élément de notre civilisation.

Ma chère collègue, je vois bien que vous avez cherché à limiter l'impact de votre amendement, tout en restant le plus près possible de la préoccupation de santé publique qui vous anime. Je conçois que vous ne compreniez pas que les professionnels et, au-delà, toutes les régions viticoles ne voient dans ce que vous proposez qu'une façon d'ouvrir la porte à des réglementations qui, progressivement, à l'image de ce qui se passe dans certains pays nordiques, deviendraient tellement contraignantes qu'elles en seraient presque prohibitionnistes.

Or justement, chère collègue, ces pays du Nord aux législations si contraignantes sont aussi des pays où l'alcoolisme fait des ravages considérables.

Plusieurs sénateurs de l'UMP. Oui, c'est sûr !

M. Gérard Delfau. C'est là finalement que réside le point de désaccord permanent dans les échanges que nous avons depuis de longues années avec vous, madame Payet, mais aussi avec un certain nombre d'autres personnalités. Nous essayons d'expliquer que prendre des mesures de plus en plus dures contre le vin ne fait pas baisser l'alcoolisme, mais engendre au contraire une autre forme d'éthylisme sur la base d'une consommation d'alcools forts, en général industriels. C'est sur ce point précisément que réside l'incompréhension entre nous, chère collègue. Vous parlez d'alcool et nous parlons de vin. Nous voudrions qu'enfin ce débat puisse être ouvert.

M. Gérard César. Et séparer les deux !

M. Gérard Delfau. Ce n'est pas la même chose ; les catégories sociales et les régions concernées ne sont pas les mêmes. Si nous pouvions mettre ce problème à plat, en parler posément, peut-être alors nous serait-il possible d'aller dans votre sens puisque nous aurions l'assurance que vous ne vous livrez pas à une attaque oblique contre la profession viticole, ou, plus exactement, contre la civilisation viticole. (Approbations sur les travées de l'UMP.) Mais, chaque fois que ce débat a lieu, les productions viticoles sont assimilées au gin ou au whisky,...

M. Gérard César. A la vodka !

M. Gérard Delfau. ... ou - excusez-moi, ma chère collègue du Nord - à la bière. Ce ne sont ni les mêmes consommations ni les mêmes produits.

Nous avons fait collectivement un effort considérable de réflexion. Les professionnels viticoles ont eux-mêmes accompli une reconversion extraordinaire...

M. Gérard César. Qualitative !

M. Gérard Delfau. ... en recommandant une consommation modérée du vin.

Si nous adoptions cet amendement, nous risquerions de faire régresser une culture qui est en train de se développer et de passer d'une viticulture de qualité, qui n'est en rien nuisible à la santé, à une croisade contre une boisson qui, en étant ravalée au niveau de tous les autres alcools, disparaîtrait pour le plus grand profit des marchands de gin, de vodka et de whisky. Or ce n'est pas ce que vous souhaitez, me semble-t-il. Pour notre part, nous ne le voulons pas et nous nous battons sans faire partie, ma chère collègue, du lobby viticole.

Je remercie donc M. le ministre de nous avoir proposé cet amendement, que, bien évidemment, je voterai, mais je lui demande par ailleurs de nous aider à mener cet indispensable débat.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° A 1.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)


M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 129 :

Nombre de votants242
Nombre de suffrages exprimés242
Majorité absolue des suffrages122
Pour228
Contre14

M. Paul Blanc. Voilà qui s'arrose !

M. le président. Je mets aux voix l'article 17, modifié.

(L'article 17 est adopté.)