Chapitre V
Des biens des époux
I. - L'article 1096 du même code est ainsi rédigé :
« Art. 1096. - La donation de biens à venir faite entre époux pendant le mariage sera toujours révocable.
« Les donations faites entre époux de biens présents ou de biens à venir ne sont pas révoquées par la survenance d'enfants. »
II. - A l'article 1442 du même code, la phrase : « Celui auquel incombe à titre principal les torts de la séparation ne peut obtenir ce report. » est supprimée.
III. - Le second alinéa de l'article 1450 du même code est remplacé par les dispositions suivantes :
« Lorsque la liquidation porte sur des biens soumis à la publicité foncière, la convention doit être passée par acte notarié. »
IV. - L'article 1518 du même code est ainsi modifié :
A. - Après le mot : « survie » sont ajoutés les mots : « sous réserve de l'article 265. »
B. - Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« L'époux au profit duquel le préciput a été stipulé peut exiger une caution de son conjoint en garantie de ses droits. »
M. le président. L'amendement n° 14, présenté par M. Gélard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 1096 du code civil, insérer un alinéa rédigé comme suit :
« La donation de biens présents faite entre époux ne sera révocable que dans les conditions prévues par les articles 953 et suivants. »
L'amendement n° 15, présenté par M. Gélard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après le II de cet article, insérer un paragraphe additionnel rédigé comme suit :
« II bis. - Dans le premier alinéa de l'article 265-2 du même code tel qu'il résulte de l'article 6, les mots : "de la communauté" sont remplacés par les mots : "de leur régime matrimonial". »
L'amendement n° 16, présenté par M. Gélard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après le III de cet article, insérer un paragraphe additionnel rédigé comme suit :
« III bis. - Dans le premier alinéa de l'article 1451 du même code, les mots : "ainsi passées" sont remplacés par les mots : "passées en application de l'article 265-2". »
L'amendement n° 17, présenté par M. Gélard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le IV de cet article :
« IV. - Dans l'article 1518 du même code, les mots : "à moins que les avantages matrimoniaux n'aient été perdus de plein droit ou révoqués à la suite d'un jugement de divorce ou de séparation de corps, sans préjudice de l'application de l'article 268" sont remplacés par les mots : "sous réserve de l'article 265". »
L'amendement n° 18, présenté par M. Gélard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Compléter cet article par un V ainsi rédigé :
« V. - L'article 1477 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« De même, celui qui aurait dissimulé sciemment l'existence d'une dette commune doit l'assumer définitivement. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard, rapporteur. L'amendement n° 14 est un amendement de précision. En effet, le projet de loi prévoit que la donation de biens à venir faite entre époux pendant le mariage sera toujours révocable, mais ne dit rien de la donation de biens présents. Cela peut prêter à confusion, même si l'irrévocabilité des donations constitue le principe. Il s'agit donc de préciser le contenu de la loi.
S'agissant de l'amendement n° 15, actuellement, l'article 1450 du code civil prévoit que les époux peuvent, pendant l'instance en divorce, passer toutes conventions pour la liquidation et le partage de la communauté. Cette disposition est particulièrement intéressante. Cet amendement tend donc à étendre cette possibilité aux régimes de séparation de biens, ce qui était déjà prévu par le décret du 4 janvier 1955. Il est donc préférable de le préciser dans le code civil.
L'amendement n° 16 est un amendement de coordination avec l'article 1450 du code civil.
L'amendement n° 17 est un amendement de coordination avec les dispositions de l'article 265 modifié.
En ce qui concerne l'amendement n° 18, l'article 1477 du code civil prévoit que celui des époux qui aurait diverti ou recelé quelques effets de la communauté est privé de sa portion dans lesdits effets. Cet amendement tend à compléter ces dispositions en prévoyant que l'époux ayant dissimulé sciemment l'existence d'une dette commune doit l'assumer définitivement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. Ces amendements clarifient à l'évidence le sort des donations de biens présents faites entre les époux, en leur appliquant le régime de droit commun. Ces donations seront donc, à l'instar de toutes les autres donations entre vifs, irrévocables en principe.
Le Gouvernement est favorable aux amendements n°s 14, 15, 16, 17 et 18 dans la mesure où ils permettent un renforcement de la sécurité juridique des donations faites entre époux.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le groupe socialiste vote cet amendement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 21, modifié.
(L'article 21 est adopté.)
Articles additionnels avant l'article 22
M. le président. L'amendement n° 29 rectifié, présenté par M. About et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :
« Avant l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 144 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 144. - Nul ne peut contracter mariage avant dix-huit ans révolus. »
La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Le présent amendement tend à prévoir un âge minimal unique de mariage pour les hommes et les femmes.
Actuellement, les femmes peuvent se marier dès quinze ans, tandis que les hommes ne peuvent se marier qu'à dix-huit ans.
Du point de vue de l'égalité des sexes, une telle différence ne présente aucune justification dans la société contemporaine. Elle en présente d'autant moins que des dérogations à l'âge minimal légal peuvent toujours être accordées par le procureur de la République.
Telle est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. Cet amendement soulève une question que j'ai abordée dans mon rapport en estimant que nous devrions la traiter à l'avenir.
Mais nous débattons en ce moment d'un texte sur le divorce, et non pas sur le mariage. S'il est vrai qu'aucune justification ne permet de maintenir cette différence d'âge minimal de mariage entre les jeunes filles et les jeunes hommes, je pense qu'une concertation s'impose préalablement à la révision de la loi sur le mariage, qui devrait intervenir dans un proche avenir.
M. Jean Chérioux. Exactement !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Je pense donc que la question soulevée est bonne, mais qu'elle n'a pas sa place dans le cadre de cette réforme du divorce et qu'elle est sans doute un peu prématurée compte tenu du fait que nous ne disposons pas d'études d'impact ni d'études globales sur le sujet. Il vaudra mieux profiter d'autres textes, notamment de celui qui est relatif au mariage qu'ont annoncé M. le garde des sceaux et M. le ministre délégué à la famille, pour l'évoquer.
Par conséquent, mon cher collègue, tout en étant d'accord sur le fond avec vous, sur la forme, je préférerais que vous retiriez l'amendement, plutôt que de devoir lui donner un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. Le Gouvernement partage totalement l'analyse que vient d'exposer M. le rapporteur.
Je suis moi aussi, à titre personnel, extrêmement sensible à la question que vous posez, monsieur le sénateur, au nom de l'égalité des sexes, mais il me paraît effectivement inopportun de l'examiner aujourd'hui dans le cadre d'un texte qui n'a pas cet objet.
Aussi, je vous demanderai de retirer l'amendement, afin de nous permettre de réfléchir à ce sujet de manière plus appropriée.
M. le président. Monsieur Nogrix, l'amendement est-il maintenu ?
M. Philippe Nogrix. Oui, monsieur le président, car nous avons tous constaté, lors de nos réflexions, que la société évolue à un rythme de plus en plus rapide. Et il se trouverait que nous, législateurs, refuserions de prendre ce rythme !
Je ne vois pas pourquoi, à l'occasion de l'examen de cette loi sur le divorce, nous ne ferions pas un peu de prévention. Nous savons très bien que de nombreux mariages contractés par des jeunes femmes de quinze ans sont des mariages forcés qui aboutiront, à un moment ou à un autre, compte tenu du texte sur lequel nous allons nous prononcer, à des demandes de divorce.
Il me semblerait donc utile, madame la ministre, monsieur le rapporteur, d'inclure cet amendement dès maintenant dans le projet de loi. C'est la raison pour laquelle je le maintiens.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Selon un adage britannique, le Parlement peut tout, sauf changer un homme en femme.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Ce n'est pas sûr ! (Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je veux bien que l'on défende la parité, mais la parité n'a jamais impliqué que physiquement, physiologiquement, un homme et une femme se trouvent dans la même situation.
M. Jean Chérioux. C'est exact !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Merci !
Dans la mesure où les choses évoluent, on pourrait peut-être penser qu'il faudrait diminuer les âges plutôt que les augmenter.
Mais surtout, et vous le savez bien, nous avons déjà largement discuté d'un amendement qui allait plus loin en prévoyant que ceux qui se seraient mariés avant dix-huit ans puissent à tout moment demander de ce seul fait le divorce. Nous avons donc eu à ce moment-là un débat complet et cet amendement a été retiré. Or il avait l'avantage de contourner la difficulté, alors que celui que vous présentez, mon cher collègue, s'appliquerait en matière de mariage et non pas de divorce.
On dit qu'il y a beaucoup de mariages forcés. Nous avons déjà indiqué qu'il faudrait procéder à des études pour savoir exactement ce qu'il en est. Personnellement, en tant qu'officier d'état civil, je n'en ai jamais constaté.
Nous savons, comme l'a dit hier M. le ministre, que la loi Sarkozy permet aux maires de convoquer les futurs époux et de s'entretenir avec eux pour savoir si leur consentement est libre et éclairé. S'il ne l'est pas, ils peuvent saisir le parquet. Cela doit suffire, me semble-t-il, à calmer vos appréhensions.
Par ailleurs, compte tenu du contexte actuel et des débats sur la laïcité à propos d'un projet de loi relatif au port de signes ostensibles ou visibles, ce n'est peut-être pas le moment d'en rajouter...
Enfin, s'il existe des mariages forcés pour des jeunes gens âgés de moins de dix-huit ans, on ne voit pas pourquoi cette pratique ne concernerait pas les personnes majeures.
Il y a donc toutes les raisons de repousser cet amendement, et je regrette qu'il n'ait pas été purement et simplement retiré.
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.
M. Robert Badinter. Cet amendement, tel qu'il est rédigé, appelle plusieurs observations.
La première touche à l'égalité des droits, non pas à la parité, mais bien à l'égalité des droits entre la femme et l'homme à laquelle nous sommes si attachés. Or celle-ci se traduit toujours dans la législation contemporaine par un accroissement légitime des droits des femmes pour parvenir à une égalité réelle, et non pas, comme il est proposé ici, par une limitation du droit de la femme à se marier.
La deuxième observation concerne les mariages forcés, dont le remède ne peut pas être l'interdiction générale de se marier avant dix-huit ans. Comme l'a évoqué tout à l'heure mon collègue et ami Michel Dreyfus-Schmidt, ainsi d'ailleurs que le ministre de l'intérieur en son temps, il appartient de déceler au cas par cas le mariage forcé, qui appelle des sanctions particulières.
Je rappelle tout de même que la différence d'âge entre les hommes et les femmes, qui est inscrite dans notre droit depuis très longtemps, a été tout simplement instituée par rapport à la question de la jeune fille enceinte.
M. Robert Del Picchia. Absolument !
M. Robert Badinter. Si l'amendement était adopté, celle-ci n'aurait plus le droit de se marier.
M. Robert Del Picchia. Eh oui !
M. Robert Badinter. Dans notre société, il faut bien admettre que les jeunes ont des relations sexuelles de plus en plus tôt. C'est ainsi, et j'avoue que je ne comprends pas pourquoi il est proposé de fermer la porte du mariage.
Je terminerai en rappelant que, sauf erreur de ma part, l'âge de Juliette était d'à peine quinze ans.
M. Robert Del Picchia. Tout à fait !
M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux, pour explication de vote.
M. Jean Chérioux. Il y a effectivement un problème qui se pose pour une certaine partie de la population vivant actuellement en France. Pour autant, il n'est pas de bonne méthode, sous prétexte qu'il existe un tel problème, de vouloir modifier notre législation en fonction de cette partie de la population.
Notre législation est d'ordre général ; elle doit être faite pour tous les Français. Et l'on ne va pas maintenant, comme c'est d'ailleurs le cas pour le port du voile, changer notre législation à chaque fois qu'un problème lié à une certaine catégorie de la population émerge. Ce serait de mauvaise méthode. Sur ce point, je partage tout à fait l'avis de notre ami M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Je vais me permettre d'insister auprès de notre collègue M. Philippe Nogrix pour qu'il retire son amendement. En effet, comme il a pu le constater, le rejet de cet amendement est quasi unanime. Je regretterais qu'il ne recueille que deux ou trois voix, ce dont le Journal officiel rendrait compte, alors qu'il pose une vraie question, qui est importante.
A ce propos, je fais entièrement miennes les observations de l'excellent avocat qu'est Me Dreyfus-Schmidt. Je suis totalement d'accord avec lui sur le fond.
Cette question, Mme le ministre et plusieurs orateurs l'ont dit, ne doit pas être examinée à chaud, dans un contexte qui est tout de même très délicat. N'oublions pas que nous allons devoir examiner le projet de loi sur la laïcité, qui va également soulever certains problèmes.
Aussi, je vous demande, cher collègue Philippe Nogrix, de retirer votre amendement, dont l'examen figurera néanmoins au Journal officiel. Ce retrait serait plus efficace, pour l'avenir, qu'un rejet à l'immense majorité des présents.
M. le président. Monsieur Nogrix, entendez-vous cet appel ?
M. Philippe Nogrix. Je suis d'ores et déjà satisfait que l'examen de cet amendement nous permette de discuter d'un sujet que tout le monde considère comme un sujet de société.
Par ailleurs, n'oublions pas que ce qui est lisible dans cet hémicycle n'est pas forcément audible à l'extérieur et que beaucoup de nos concitoyens se posent encore des questions.
Il est sans doute regrettable d'empêcher les jeunes filles de quinze ans qui attendent un bébé de se marier. Mais il est bien plus regrettable de déresponsabiliser totalement les garçons qui peuvent, eux aussi, avoir des enfants à quinze ans. Ceux-là ne seront ni poursuivis ni mis face à leurs responsabilités. Il est donc nécessaire que nous nous penchions sur ce problème pour y porter un nouveau regard, celui de l'égalité entre les sexes, que nous revendiquons tous.
Monsieur le rapporteur, comme vous, je sais que les lecteurs du Journal officiel seraient fort déçus de voir notre assemblée voter en grande majorité contre un tel amendement. C'est pour cette raison que je le retire, la mort dans l'âme.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il aurait fallu demander un scrutin public !
M. le président. L'amendement n° 29 rectifié est retiré.
L'amendement n° 116, présenté par M. About et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :
« Avant l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 181 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 181. - Dans le cas de l'article précédent, la demande en nullité n'est plus recevable toutes les fois qu'il y a eu cohabitation continuée pendant un an depuis que l'époux a acquis sa pleine liberté ou que l'erreur a été par lui reconnue. »
La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Le vice du consentement est une chose extrêmement grave dans le cadre du mariage, d'autant plus lorsque celui-ci a été obtenu par la violence. Je regrette d'ailleurs d'être obligé de parler ici de violence.
Le délai de six mois nécessaire à l'obtention de l'annulation du mariage ainsi célébré est insuffisant et doit être porté à un an, ce qui permettrait peut-être de donner à la victime de ce vice du consentement le temps de s'occuper de démarches plus urgentes comme la recherche d'un logement distinct de celui de son époux « contraint » ou d'un travail, avant d'entamer une procédure d'annulation, qui nécessite elle-même des préparatifs assez longs.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous proposons cette rédaction de l'article 181 du code civil.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. J'ai bien compris les préoccupations de notre collègue Philippe Nogrix.
Cet amendement, qui tend à porter de six mois à un an le délai nécessaire pour l'introduction d'une demande en annulation d'un mariage vicié, pose tout de même un problème. En effet, au bout d'un an, il ne s'agit plus d'une annulation du mariage, mais d'un divorce.
Par ailleurs, il concerne un point quelque peu éloigné de la préoccupation globale du présent projet de loi.
En outre, je ne suis pas du tout convaincu que le fait de rallonger le délai de six mois changera grand-chose. Je crois, au contraire, que, au bout d'un an, cette procédure risque de ne plus aboutir du tout. Lorsqu'il y a un vice du consentement grave, le mariage doit pouvoir être annulé très vite. On ne va pas attendre un an ! Pourquoi pas deux ans ou trois ans ?
Je pense que l'idée qui est à l'origine de cet amendement est bonne, mais qu'elle est mal exprimée.
Mon cher collègue, je vous demande donc de retirer cet amendement. A défaut, je serai contraint d'émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. J'aurais aimé émettre un avis favorable, mais je partage les arguments développés à l'instant par M. le rapporteur, car la prolongation du délai que vous proposez, monsieur Nogrix, nous paraît tout à fait inadéquate. On touche en effet à l'un des aspects fondamentaux du droit du mariage. Or ce n'est pas l'objet du débat, lequel, je le répète, est consacré au divorce.
Pour des motifs de sécurité juridique, les actions doivent être exercées dans les délais les plus brefs.
Cet amendement ne nous paraît pas acceptable en l'état et je vous demande, monsieur Nogrix, de bien vouloir le retirer.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Nogrix ?
M. Philippe Nogrix. Compte tenu de la première partie de l'argumentation de M. le rapporteur et des arguments de Mme la ministre, je vais retirer cet amendement.
Je pense toutefois que nous devrions réfléchir sur la deuxième partie de l'argumentation de M. Gélard. En effet, il est vrai qu'un délai de six mois est court en période de crise, car le temps s'écoule vite dans ce cas.
Par conséquent, si nous sommes amenés à étudier de nouveau un texte sur ce sujet, nous devrons être vigilants au temps imparti pour revenir sur une décision de ce type.
M. le président. L'amendement n° 116 est retiré.
Chapitre VI
Dispositions diverses
I. - Le troisième alinéa de l'article 220-1 du même code est remplacé par les dispositions suivantes :
« Lorsque les violences exercées par un époux mettent gravement en danger son conjoint, un ou plusieurs enfants, le juge peut statuer sur la résidence séparée des époux en précisant lequel des deux continuera à résider dans le logement conjugal. Sauf circonstances particulières, la jouissance du logement conjugal est attribuée au conjoint qui n'est pas l'auteur des violences. Le juge se prononce, s'il y a lieu, sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale. Les mesures prises sont caduques si, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de leur prononcé, aucune requête en divorce ou en séparation de corps n'a été déposée.
« La durée des autres mesures prises en application du présent article doit être déterminée par le juge et ne saurait, prolongation éventuellement comprise, dépasser trois ans. »
II. - L'article 228 du même code est inséré au titre VI du livre Ier avant le chapitre Ier.
La première phrase du quatrième alinéa de cet article est ainsi rédigée :
« Il est également seul compétent, après le prononcé du divorce, quelle qu'en soit la cause, pour statuer sur les modalités de l'exercice de l'autorité parentale, sur la modification de la contribution à l'entretien et l'éducation des enfants et pour décider de confier ceux-ci à un tiers ainsi que sur la révision de la prestation compensatoire ou de ses modalités de paiement. »
III. - A l'article 245-1 du même code, les mots : « En cas de divorce pour faute, et » sont supprimés.
IV. - A l'article 248-1 du même code, les mots : « aux affaires familiales » sont supprimés.
V. - A l'article 256 du même code, les mots : « Les conséquences de la séparation pour les » sont remplacés par les mots : « Les mesures provisoires relatives aux ».
VI. - A l'article 276-3 du même code, après les mots : « les besoins des parties », sont insérés les mots : « ou de l'une ou l'autre d'entre elles ».
VII. - A l'article 278 du même code, les mots : « demande conjointe » sont remplacés par les mots : « divorce par consentement mutuel ».
VIII. - Au troisième alinéa de l'article 279 du même code :
- les mots : « et les besoins » sont remplacés par les mots : « ou les besoins de l'une ou l'autre » ;
- la référence à l'article 275-1 est remplacée par la référence à l'article 275.
IX. - A l'article 280-2 du même code :
- la première phrase est supprimée ;
- les mots : « de la rente versée au créancier » sont remplacés par les mots : « du montant de la prestation compensatoire transmise aux héritiers, lorsque celle-ci, au jour du décès, prenait la forme d'une rente ».
X. - Sont insérés à l'article 281 du même code, après le mot : « sont », les mots : « , quelles que soient leurs modalités de versement, ».
XI. - A l'article 298 du même code, les mots : « au chapitre II » sont remplacés par les mots : « à l'article 228 ainsi qu'au chapitre II » ;
XII. - A l'article 301 du même code :
- la deuxième phrase est abrogée ;
- les mots : « sur demande conjointe » sont remplacés par les mots : « par consentement mutuel ».
XIII. - A l'article 306, le mot : « trois » est remplacé par le mot « deux ».
XIV. - A l'article 307, les mots : « sur demande conjointe » sont remplacés par les mots : « par consentement mutuel ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 96 rectifié ter est présenté par Mmes Rozier, Bout et Brisepierre, MM. Del Picchia, Doligé et Gournac et Mme Henneron.
L'amendement n° 118 rectifié est présenté par Mme G. Gautier et les membres du groupe de l'Union centriste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« I. Au début du deuxième alinéa du I de cet article, remplacer le mot : "exercées" par les mots : "ou le harcèlement conjugal exercés".
« II. En conséquence, compléter le I de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Le harcèlement conjugal consiste en des agissements répétés d'un époux ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de la vie conjugale susceptible de porter atteinte aux droits de son conjoint ou d'une des personnes de sa famille, à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir. »
La parole est à Mme Janine Rozier, pour présenter l'amendement n° 96 rectifié ter.
Mme Janine Rozier. Le paragraphe I de cet amendement vise à étendre explicitement aux cas de harcèlement le dispositif relatif à la résidence séparée des époux et à l'attribution de la jouissance du logement conjugal à la victime. En effet, les enquêtes sur les violences entre époux mettent en évidence l'importance pratique d'un phénomène de harcèlement conjugal qui est resté depuis trop longtemps tabou.
Le paragraphe II de l'amendement définit le harcèlement conjugal. Sont ainsi visés les agissements répétés d'un époux ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de la vie conjugale susceptible de porter atteinte aux droits ou à la dignité du conjoint ou de l'un des membres de sa famille, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir.
Ce type de harcèlement se traduit concrètement par l'isolement de la victime, par des injures et des violences verbales ; par l'altération de la santé psychique de la victime, qui se manifeste par des périodes de dépression médicalement constatées ; enfin, par la systématisation des vexations pendant une période de plusieurs mois.
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix, pour présenter l'amendement n° 118 rectifié.
M. Philippe Nogrix. Cet amendement est identique au précédent. Je ne peux donc que reprendre ce que vient de dire Mme Rozier.
M. Gélard signale dans son rapport que la commission des lois regrette que les violences ne soient ni définies ni recensées. A mon avis, le harcèlement conjugal mérite d'être défini. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. Je suis tout à fait sensible aux arguments de Mme Rozier et de M. Nogrix, qui sont de bons arguments. Mais le terme de « violences » recouvre celui de « harcèlement ». La définition qu'ils donnent du harcèlement conjugal ne me paraît pas satisfaisante, car elle est à la fois beaucoup trop restrictive et beaucoup trop floue pour permettre véritablement au juge de se prononcer.
Si l'on introduit aujourd'hui la notion de harcèlement conjugal, d'aucuns nous objecteront qu'il faut énoncer toutes les autres formes de violences les unes après les autres. Pour ma part, je préfère de beaucoup le terme générique de « violences », qui permettra en plus au juge d'apprécier les véritables situations et de prendre les mesures qui s'imposent, alors que la définition qui est donnée dans ces deux amendements est à mon avis limitative et aboutira à l'effet exactement inverse de celui que vous recherchez, à savoir la protection du conjoint contre des harcèlements moraux inacceptables. C'est la raison pour laquelle il me paraît souhaitable de retirer ces deux amendements.
De toute façon, comme l'a montré le débat que nous venons d'avoir, et Mme Rozier et M. Nogrix l'ont affirmé comme moi, l'expression « harcèlement moral » est bien comprise dans le terme de « violences ». Par conséquent, lorsque le juge aura à interpréter ce terme, il se référera aux travaux parlementaires et s'apercevra que nous n'avons pas esquivé la question, mais que nous l'avons au contraire prise en compte en précisant que le harcèlement moral est une violence.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. Mesdames, messieurs les sénateurs, avant de répondre précisément sur le fond, je voudrais dire combien je me réjouis que nous puissions ensemble mettre fin à cet anachronisme criant - c'est du moins ce que je souhaite, grâce aux dispositions prévues à l'article 22 - que constituent les violences conjugales qui, effectivement, sont polymorphes.
Permettez-moi de rappeler à cet égard qu'elles touchent en France essentiellement 10 % des femmes.
Ces dispositions permettront, derrière la sécheresse des chiffres, d'apporter des réponses à ces personnes qui sont durablement affectées dans leur dignité et leur intégrité par des violences qui sont incompatibles avec notre conception d'une démocratie en phase avec son temps.
Je voudrais également souligner combien les violences conjugales constituent un problème de santé publique, tant il est vrai que le gâchis humain et social touche directement les victimes mais aussi les témoins de ces violences que sont souvent les enfants.
C'est pourquoi la réponse qui est donnée aujourd'hui au Sénat, grâce à l'intervention du garde des sceaux, qui a souhaité introduire dans un texte aussi important la notion de « violences » - ce qui justifie souvent pleinement la procédure de divorce - peut être considérée comme un progrès. Cela nous permettra d'ailleurs, dans le cadre européen, d'affirmer la volonté de la France de figurer parmi les pays les plus engagés dans la lutte contre les violences.
Je ne reviendrai pas, nous aurons l'occasion de le faire, sur le dispositif qui donnera désormais au juge civil, en l'absence même d'une procédure de divorce, la faculté de prononcer une mesure d'éloignement du conjoint violent. En tant que ministre chargée de l'égalité professionnelle et des droits de la femme, j'attends beaucoup de cette mesure, dans son principe comme dans son application, car progresser c'est naturellement toujours, et d'abord, prendre conscience.
Je remercie Mme Rozier d'avoir déposé cet amendement. Je souhaite néanmoins rejoindre ce que vient de dire M. le rapporteur. Les violences sont multiformes. Elles concernent tout à la fois les violences morales, psychiques, physiques ou sexuelles, et il est très important que nous puissions laisser au juge leur pleine appréciation, de manière à ne pas les enfermer dans une définition qui pourrait être trop précise et parfois réductrice.
Nous aurons sans aucun doute à compléter le dispositif que nous allons adopter, je le souhaite, à l'issue de ce débat, par un certain nombre de mesures qui permettront de renforcer la chaîne de solidarité et de faire en sorte que la sécurisation à la fois juridique, sociale et morale des victimes soit totale.
Mais il me semble qu'à ce stade le fait de conserver la conception la plus large possible des violences - le harcèlement, madame la sénatrice, vous avez parfaitement raison, constitue une forme de violence tout à fait singulière et fréquente, qui est évidemment prise en compte - permettra d'actionner naturellement ce dispositif.
Il me paraît donc tout à fait pertinent de vous demander de retirer cet amendement.
M. le président. Madame Rozier, l'amendement n° 96 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Janine Rozier. Je suis un peu déçue, car cet amendement, qui vise à lutter contre les violences, constituait « l'amendement féminin » par excellence, et j'y étais attachée.
Toutefois, bien sûr, je pense que nous avons fait un grand pas dans la lutte contre les violences en les stigmatisant, même si nous ne les énumérons pas complètement. C'est la raison pour laquelle je vais retirer cet amendement.
Mais, puisque nous avons la chance de pouvoir nous adresser à Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, je voudrais en profiter pour rappeler que nous avons passé beaucoup de temps à réfléchir aux violences conjugales et à la prestation compensatoire, afin d'établir plus de justice et d'équité. Les mesures que nous avons prises vont, je pense, grandement améliorer le sort des femmes, notamment en ce qui concerne la prestation compensatoire, à condition, bien sûr, qu'un capital soit versé.
Mais ce versement sera effectué pendant huit ans seulement. Que vont devenir les autres femmes, celles qui ont consacré leur vie à leur famille, au bien-être de leur mari et de leurs enfants - nous l'avons tous dit et sur tous les tons - et qui, n'ayant pas été salariées, ne percevront pas de retraite ? Bien sûr, elles pourront toujours invoquer telle ou telle procédure pour gagner du temps et ramasser quelques miettes jusqu'à l'âge de la retraite ou le départ des enfants...
L'actuel projet de loi tend à pacifier les procédures et à décharger les tribunaux, mais je crois qu'il nous faudra absolument faire appel à l'équité pour traiter le problème de toutes ces femmes laissées-pour-compte, qui se retrouvent parfois dans une détresse absolue, ce qui constitue aussi une violence.
Peut-être faudrait-il responsabiliser davantage les hommes. Peut-être conviendrait-il d'organiser une sorte de couverture maladie universelle spéciale ? Je vous fais confiance, madame la ministre : étant attachée à défendre les droits des femmes, vous devriez trouver les solutions appropriées.
M. le président. L'amendement n° 96 rectifié ter est retiré.
Monsieur Nogrix, l'amendement n° 118 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Nogrix. Pour ma part, je défendrai et les hommes et les femmes : tous les citoyens ont les mêmes droits.
S'agissant du harcèlement conjugal, je suis surpris que le traitement soit différent de celui qui a été retenu pour le harcèlement moral au travail : il a été défini dans la loi !
Que constatons-nous ? Des gens ignoraient qu'ils étaient harcelés ; ils l'ont découvert et ils ont manifesté en disant que cela ne pouvait pas durer.
Ce que je voulais, par cet amendement, c'était donner un signal à ceux, hommes et femmes, qui subissent un harcèlement quotidien, quel qu'il soit, en leur disant ceci : vous avez le droit de réclamer ; vous êtes des citoyens ; nous sommes là pour vous défendre ; la loi a prévu des mesures.
Mais, bien évidemment, pour les mêmes raisons que tout à l'heure, je ne voudrais pas que notre assemblée se prononce en majorité contre cet amendement. Dans la mesure où l'on me promet que nous rediscuterons de ce point, je suis prêt à retirer mon amendement. Toutefois, je regrette que le harcèlement moral au travail et le harcèlement conjugal soient traités différemment.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, le signal que nous souhaitons tous adresser à ces femmes victimes...
M. Philippe Nogrix. Et aux hommes !
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. ... figure dans le texte que nous vous proposons et que, je l'espère, vous adopterez. Ainsi, toutes les femmes qui sont aujourd'hui victimes de violences - sous toutes leurs formes, j'y insiste, car il n'y a pas que le harcèlement - sauront qu'elles pourront désormais bénéficier de cette troisième voie qui est ouverte auprès du juge civil. Je vous rassure donc pleinement.
Pour en revenir à votre proposition, tous les apaisements vous seront donnés au travers de cette appréhension que nous avons du terme même de « violences ».
M. Philippe Nogrix. Dans ces conditions, je retire l'amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 118 rectifié est retiré.
L'amendement n° 87, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mme M. André, M. Badinter, Mmes Cerisier-ben Guiga et Durrieu, M. Lagauche, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le troisième alinéa de l'article 220-1 du code civil, après les mots : "violences exercées par un époux mettent", supprimer le mot : "gravement". »
La parole est à Mme Michèle André.
Mme Michèle André. Il ne nous semble pas nécessaire de préciser que les violences exercées par un époux sur son conjoint ou un ou plusieurs de ses enfants doivent les mettre « gravement » en danger. Les violences n'ont pas lieu d'être caractérisées ; elles se suffisent à elles-mêmes ! Le juge doit pouvoir apprécier - il le fait très souvent dans les conditions les meilleures - la situation familiale en respectant le principe de la procédure contradictoire. Nous souhaitons donc supprimer le mot « gravement ».
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. Je comprends très bien les préoccupations de Mme André et je les partage. Mais je crains que la suppression du terme « gravement » n'aboutisse à une multiplicité de recours qui, eux, ne seront pas fondés et qui mettront le juge dans une situation très difficile.
Cela dit, la commission a émis un avis défavorable, mais si le Gouvernement donne un autre avis, je m'y rallierai.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. Sagesse.
M. Patrice Gélard, rapporteur. La commission s'y rallie !
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.
M. Robert Badinter. L'article 22 dispose : « Lorsque les violences exercées par un époux mettent gravement en danger... » Or nous sommes là à un niveau de violences qui me paraît suffisant. Le mot « gravement » est inutile et il me paraît donc préférable de le supprimer.
En ce qui concerne la nature des violences - je le dis notamment à l'intention de Mme Rozier -, il est évident que celles-ci sont physiques ou morales. Cela permettra de couvrir le cas du harcèlement, dont la définition n'aurait fait que poser au juge des problèmes considérables.
Je ferai une dernière observation de pure forme. Je demande au Sénat de s'interroger sur la rédaction du texte : « Lorsque les violences exercées par un époux... » Il n'est pas indiqué « un conjoint », ni « un époux ou une épouse ». Or l'époux ne se confond pas avec l'épouse. C'est le terme « conjoint » qui recouvre les deux. Je préférerais donc que le texte soit ainsi rédigé : « Lorsque les violences exercées par un conjoint mettent gravement en danger... » En effet, le mot « époux » laisserait penser que seuls les époux exercent des violences. Ce n'est pas le cas, on le sait ; il me suffira d'évoquer la Mégère apprivoisée, de Shakespeare. (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux. J'ai bien entendu les arguments de M. Badinter et je dépose un amendement dans ce sens.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 133, présenté par le Gouvernement, et qui est ainsi libellé :
« Dans la première phrase du deuxième alinéa du I de l'article 22, remplacer les mots : "un époux" par les mots : "un conjoint". »
Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 133.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 87.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Sur cet amendement, le Gouvernement s'en est remis à la sagesse du Sénat. Or j'ai le sentiment qu'en vérité il y est favorable. Si tel est le cas, afin d'éclairer totalement le Sénat, je demande à Mme la ministre d'aller jusqu'au bout et d'émettre un avis favorable, de manière à éviter les surprises.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Il n'y aura pas de surprises !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Dès lors qu'il y a danger, il importe d'intervenir. Il n'est pas nécessaire que celui-ci soit grave.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. J'émets en effet un avis favorable.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo. Je n'ai rien à ajouter puisque, pour une fois, tout le monde semble d'accord. Toutefois, s'agissant du harcèlement, sujet auquel je suis très sensible, il faut laisser au juge une marge d'appréciation, car le harcèlement fait référence à des faits qui se répètent.
Tout acte de violence exercé par un conjoint doit être laissé à l'appréciation du juge, qui statuera au cas par cas. Il n'est pas nécessaire de préciser que le danger doit être grave.
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix, pour explication de vote.
M. Philippe Nogrix. Je remercie notre collègue d'avoir soulevé ce problème. Il est vrai que, s'agissant de l'enfance maltraitée, très souvent, les juges éprouvent des difficultés à qualifier les faits : sont-ils graves ou non ? En l'espèce, le fait de supprimer l'adverbe « gravement » leur donne la possibilité d'intervenir de façon beaucoup plus directe, sans se poser de question sur la qualité exacte des violences qui ont été exercées à l'encontre de la victime.
Bien évidemment, je voterai cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 87.
(L'amendement est adopté à l'unanimité.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 19 est présenté par M. Gélard, au nom de la commission.
L'amendement n° 88 est présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mme M. André, M. Badinter, Mmes Cerisier-ben Guiga et Durrieu, M. Lagauche, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Dans le deuxième alinéa du I de cet article, après les mots : "peut statuer", insérer les mots : ", selon une procédure contradictoire,". »
L'amendement n° 105, présenté par M. Mercier et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :
« Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le troisième alinéa de l'article 220-1 du code civil, après les mots : "le juge peut", insérer les mots : ", après audition des deux époux dans le respect du principe du contradictoire,". »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 19.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Cet amendement tend à préciser que l'éviction du conjoint violent du domicile conjugal ne peut intervenir qu'après une procédure contradictoire.
Les amendements n°s 88 et 105 ont d'ailleurs le même objet. J'émets donc un avis favorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. La commission des lois souhaite que soit respecté le principe du contradictoire dans le cadre de la nouvelle procédure qui est prévue pour l'article 220-1 du code civil. Naturellement, nous partageons ce souci. Cette procédure peut en effet conduire à l'éviction du conjoint violent du logement familial. Par conséquent, il ne fait pas de doute que celui-ci doit pouvoir se défendre de façon contradictoire.
Néanmoins, cette utile précision ne me paraît pas relever du domaine de la loi. M. le garde des sceaux s'engage à ce qu'elle soit inscrite dans le décret qui sera pris en application de la loi. Compte tenu de cet engagement, nous nous en remettons à la sagesse de votre assemblée.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 88.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. La procédure contradictoire a pour objet de permettre éventuellement à celui qui est accusé de mettre gravement en danger son conjoint, un ou plusieurs enfants, de se défendre, surtout s'il risque d'être évincé du domicile conjugal.
Je suis étonné d'entendre dire qu'il faudrait que cela soit inscrit dans le décret. Tout le monde a pensé que le texte proposé excluait le caractère contradictoire. Je crois même qu'à l'origine tel était l'objectif.
Dans ces conditions, il est absolument indispensable de prévoir dans le texte que la procédure est bien contradictoire.
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix, pour présenter l'amendement n° 105.
M. Philippe Nogrix. Etant donné que cet amendement est identique à celui de la commission, je m'en remets à ce qu'a dit M. le rapporteur.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je souhaite simplement formuler deux remarques.
Chacun ici sait que la procédure civile relève du domaine réglementaire. Je n'en fais pas une affaire de principe, mais, ce matin, on a déploré la confusion entre la loi et le règlement. Or nous sommes en train de vouloir légiférer dans le domaine réglementaire.
En outre, en procédure civile, le principe du contradictoire va de soi. Je m'engage néanmoins à ce que le décret soit explicite sur ce point.
Introduire un tel élément dans la loi serait une mauvaise manière de dire le droit.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Je suis très sensible aux arguments de M. le garde des sceaux et très respectueux de la hiérarchie des normes.
Il était nécessaire d'attirer l'attention du Gouvernement sur une certaine ambiguïté du texte. Mais, à partir du moment où il s'est engagé à ce que le principe du contradictoire figure dans le décret, je retire l'amendement n° 19 et j'émets donc un avis défavorable sur l'amendement n° 88.
M. le président. L'amendement n° 19 est retiré.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, l'amendement n° 88 est-il maintenu ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Les travaux parlementaires feront foi. Cependant, M. Gélard, que nous avons entendu en commission, en tant que rapporteur, savait parfaitement, puisqu'il a eu l'insigne honneur, avec un nombre non négligeable d'autres parlementaires de la majorité, de participer au groupe de travail chargé de la réforme du droit de la famille, que le principe du contradictoire n'était pas assuré du tout dans le projet de loi. Vous nous dites maintenant que cela va de soi, mais tel n'est pas le cas.
L'Assemblée nationale ou la commission mixte paritaire pourront peut-être rechercher une formule en se référant à d'autres textes, de manière que personne n'ait aucun doute sur ce point, en particulier les juges aux affaires familiales.
Par conséquent, l'amendement n° 88 est maintenu.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 88.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Monsieur Nogrix, l'amendement n° 105 est-il maintenu ?
M. Philippe Nogrix. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 105 est retiré.
L'amendement n° 89, présenté par Mme M. André, M. Badinter, Mmes Cerisier-ben Guiga et Durrieu, M. Lagauche, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le troisième alinéa de l'article 220-1 du code civil, remplacer le mot : "trois" par le mot : "six". »
La parole est à Mme Michèle André.
Mme Michèle André. Nous souhaitons que le délai de réflexion laissé à la personne victime de violences avant le dépôt d'une requête en divorce ou en séparation de corps soit porté de trois à six mois. Il nous semble en effet qu'en raison de l'état de faiblesse et de détresse matérielle, morale ou physique dans lequel peut se trouver cette personne, celle-ci a besoin de faire le point et, parfois, de consulter des professionnels qui peuvent la conseiller.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Nous discutons de mesures qui revêtent un caractère d'urgence et qui n'ont pas vocation à perdurer en l'absence de requête en divorce ou en séparation de corps. Ce serait la porte ouverte à des délais qui s'additionneraient les uns aux autres. Il vaut mieux s'en tenir au délai de trois mois.
D'ailleurs, dans ce genre d'affaires, les conjoints sont généralement entourés et aidés par des associations et un délai de six mois serait sans doute néfaste.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. Je vous propose également le rejet de cet amendement.
La disposition prévue n'apparaît pas opportune, car elle risque de prolonger inutilement une situation qui appelle, au contraire, une clarification rapide. Il s'agit en effet d'apporter une réponse urgente à la détresse d'un époux et de l'inciter à engager, le cas échéant, d'autres procédures.
Ce que je retiens de votre intervention, madame André, c'est qu'il est très important de faire en sorte que la sécurisation juridique et morale s'effectue dans de meilleures conditions qu'aujourd'hui, et ce malgré l'extraordinaire dévouement des associations et des services sociaux de police ou de justice. Il nous faut mutualiser les interventions et créer des réseaux de solidarité extrêmement solides, dont la réactivité permettrait de s'adapter à cette durée de trois mois.
M. le président. La parole est à Mme Michèle André, pour explication de vote.
Mme Michèle André. Je me permets d'insister en raison d'un certain nombre de dossiers qui nous ont été soumis et de situations que nous avons pu observer.
Si tous les moments de difficulté ou de violence conjugale se traduisaient par des demandes de divorce, cela se saurait ! Si les personnes victimes de violences - ce sont très souvent des femmes, mais certains hommes sont également concernés - réagissaient immédiatement, nous ne connaîtrions sans doute pas les problèmes qui existent depuis longtemps.
Nous proposons de porter le délai de réflexion à six mois, mais il peut être moindre. En tout cas, la question est récurrente. Certaines personnes engagent une procédure, mais elles ne la mènent pas à son terme, pour diverses raisons : on est au coeur de l'été, personne n'est disponible, etc. J'insiste sur ce point, car on retrouve parfois ces personnes en difficulté à plusieurs reprises.
Mme la ministre pourrait sans doute le confirmer, certaines femmes mettent des années avant de prendre la décision de demander la séparation qui leur permettra de se protéger réellement, physiquement et moralement.
En tout état de cause, un délai de six mois est à mes yeux préférable à un délai de trois mois.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. Pour répondre à Mme André, dont je comprends parfaitement la motivation, je voudrais rappeler que la mesure est reconductible : si ses effets ne sont pas assez visibles au terme des trois mois, il pourra y avoir une nouvelle saisine du juge. En l'état, il convient donc, me semble-t-il, de préserver la rédaction de l'article.
M. le président. Madame André, l'amendement n° 89 est-il maintenu ?
Mme Michèle André. L'argument de la reconductibilité me conduit à le retirer.
M. le président. L'amendement n° 89 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 97 rectifié bis est présenté par Mmes Rozier, Bout et Brisepierre, MM. Del Picchia, Doligé et Gournac, Mme Henneron, M. Moinard, Mmes Payet et G. Gautier.
L'amendement n° 119 est présenté par Mme G. Gautier et les membres du groupe de l'Union centriste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Compléter le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour remplacer le troisième alinéa de l'article 220-1 du code civil, par les dispositions suivantes :
« Dans le but de protéger la victime d'une nouvelle agression, le juge peut enjoindre à l'auteur des violences ou du harcèlement :
« - de se tenir éloigné du domicile conjugal ;
« - de s'abstenir de communiquer, directement ou indirectement avec sa victime. »
La parole est à Mme Janine Rozier, pour défendre l'amendement n° 97 rectifié bis.
Mme Janine Rozier. Je sais que les démarches devant le juge civil n'empêchent pas, bien au contraire, les victimes d'agir de façon plus énergique sur le plan pénal, mais encore faut-il que ces dernières osent intenter une procédure.
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix, pour présenter l'amendement n° 119.
M. Philippe Nogrix. En tant que président du « 119-Allô Enfance Maltraitée », je ne peux pas ne pas soutenir l'amendement n° 119, même s'il est identique au précédent, que notre collègue a fort bien défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. Je comprends très bien les motivations des auteurs de ces amendements. Toutefois, nous sommes là dans le domaine du droit civil. Or les mesures proposées relèvent du juge pénal et nous ne saurions les introduire dans le code civil !
Vous avez très bien dit vous-même, madame Rozier, que rien n'enterdisait de doubler l'action civile d'une action pénale. Le juge pénal pourra imposer à l'époux de se tenir éloigné du domicile conjugal ou de s'abstenir de communiquer directement ou indirectement avec sa victime, mais permettre au juge civil de prendre de telles mesures reviendrait à remettre en cause tout notre édifice juridique et je ne me sens pas de taille à m'engager dans cette voie !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.
M. le président. Madame Rozier, l'amendement n° 97 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Janine Rozier. Je me rends à l'avis de la commission compétente, monsieur le président et je le retire, mais je continue à penser que, dans le désarroi d'un divorce et quand en plus on n'a pas d'argent, on n'envisage pas d'aller au pénal.
M. le président. L'amendement n° 97 rectifié bis est retiré.
Monsieur Nogrix, l'amendement n° 119 est-il maintenu ?
M. Philippe Nogrix. Je le retire, monsieur le président. J'émets toutefois un voeu : que le doyen Gélard donne des cours du soir à ses collègues non juristes ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 119 est retiré.
L'amendement n° 20, présenté par M. Gélard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Compléter le troisième alinéa du II de cet article par les mots : ", et la liquidation et le partage des régimes matrimoniaux". »
L'amendement n° 21, présenté par M. Gélard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans le IV de cet article, remplacer les mots : "article 248-1 du même code", par les mots : "article 245-1 du même code tel qu'il résulte de l'article 6". »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter ces deux amendements.
M. Patrice Gélard, rapporteur. L'amendement n° 20 tend à compléter les attributions du juges aux affaires familiales en prévoyant sa compétence pour le partage et la liquidation du régime matrimonial. En pratique, c'est déjà le cas dans un grand nombre de juridictions et cela permet au juge, lors de la liquidation, d'avoir une meilleur connaissance du dossier.
L'amendement n° 21 est un amendement de précision qui n'appelle aucun commentaire particulier.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. Je comprends naturellement l'intérêt de l'unité procédurale dans le cadre du divorce. Cependant, nous ne pouvons pas être favorable à l'amendement n° 20.
Le contentieux de la liquidation du régime matrimonial est en effet bien différent de la dissolution du lien conjugal. Il recèle des difficultés techniques très particulières qui le rapprochent souvent du contentieux relatif aux opérations de partage judiciaire dans le cadre successoral.
Ainsi, fréquemment, le président du tribunal confie l'examen de l'ensemble de ces dossiers au même magistrat. En la matière, il apparaît donc nécessaire de préserver la liberté du président du tribunal de grande instance dans l'organisation de sa juridiction en fonction de la nature et de la masse du contentieux, mais aussi de la taille et des effectifs de son tribunal. C'est pourquoi je souhaite que cet amendement soit retiré.
S'agissant de l'amendement n° 21, dans la mesure où il corrige une erreur matérielle, il est en revanche tout à fait logique de l'adopter.
M. le président. L'amendement n° 20 est-il maintenu, monsieur le rapporteur ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. Je suis sensible, monsieur le président, aux arguments de Mme la ministre. Je formulerai simplement une remarque : dans la mesure du possible, il serait peut-être souhaitable que les présidents des tribunaux de grande instance favorisent l'unicité des jugements.
Cela étant dit, je retire l'amendement n° 20.
M. le président. L'amendement n° 20 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 21.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 22, modifié.
(L'article 22 est adopté.)