Articles additionnels après l'article 62
M. le président. L'amendement n° II-96 rectifié, présenté par MM. Laffitte et Othily, est ainsi libellé :
« Après l'article 62, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le II de l'article 163 bis-G du code général des impôts, est inséré un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... Les sociétés qualifiées de jeunes entreprises innovantes visées à l'article 44 sexies-0 A peuvent attribuer aux membres de leur conseil de surveillance ou de leur conseil d'administration ou de leurs organes de direction, dans le cas des sociétés par actions simplifiées, des bons de souscription de parts de créateur d'entreprise dans les conditions du II, les dispositions des 2 et 3 du II n'étant toutefois pas applicables dans ce cas. »
La parole est à M. Pierre Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Cet amendement est le complément de certaines dispositions prévues par l'article 6 du projet de loi de finances pour 2004, dont j'ai déjà évoqué l'importance fondamentale puisqu'elles consistaient à créer les jeunes entreprises innovantes.
Il s'agit d'inciter des scientifiques et des dirigeants industriels expérimentés à entrer dans les instances de gouvernance des jeunes entreprises innovantes, en leur proposant des participations dans l'entreprise.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission est favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Le dispositif proposé par Pierre Laffitte dénaturerait le dispositif fiscal en lui faisant perdre beaucoup de sa pertinence.
Je rappelle que l'attribution des bons de souscription par une société éligible est réservée aux salariés et aux dirigeants qui sont soumis au régime fiscal des salariés. Il s'agit en effet d'intéresser au développement de l'entreprise les seuls acteurs qui participent activement et étroitement à la valorisation de ces titres.
Sans méconnaître le rôle et l'importance des administrateurs et des membres du conseil de surveillance, le Gouvernement considère que leur implication dans la gestion de l'entreprise n'est pas comparable à celle des salariés ou des dirigeants salariés. Dès lors, il est justifié que seuls ces derniers aient accès aux bons de souscription.
Cette explication, je l'espère, vous aura montré, monsieur le sénateur, à la fois la bonne volonté du Gouvernement et la limite à ne pas dépasser, sauf à dénaturer le principe même du dispositif ; je sollicite donc de votre part le retrait de cet amendement. A défaut, je demanderai au Sénat de bien vouloir le rejeter.
M. le président. Monsieur Laffitte, l'amendement est-il maintenu ?
M. Pierre Laffitte. Je n'ai pas la moindre intention de dénaturer l'action du Gouvernement dans ce domaine puisque je la trouve excellente. Je regrette simplement qu'on se limite à cela, car cette incitation aurait tout de même eu quelque intérêt. Néanmoins, compte tenu de la demande de M. le ministre et malgré l'avis favorable de la commission, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° II-96 rectifié est retiré.
L'amendement n° II-99, présenté par M. Laffitte, est ainsi libellé :
« Après l'article 62, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« A. - Le premier alinéa du I de l'article 199 terdecies-0 A du code général des impôts est complété par les mots : "et égale à 12,5 % des souscriptions en numéraire au capital initial ou aux augmentations de capital de sociétés cotées sur le nouveau marché."
« B. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant du paragraphe A sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Pierre Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Cet amendement est motivé par une comparaison avec la Grande-Bretagne où, pour le marché des petites capitalisations, l'épargne investie dans le marché bénéficie d'avantages fiscaux. Je conçois toutefois cet amendement comme un amendement d'appel.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Je rappelle que le dispositif dit « Madelin », qui a été mis en place en 1994, a pour objectif de drainer l'épargne de proximité vers les fonds propres des PME. Or vous conviendrez avec le Gouvernement, cher Pierre Laffitte, que son extension à des sociétés qui ont accès aux marchés financiers ne correspondrait pas à l'esprit initial du dispositif, étant précisé au demeurant qu'il n'est pas possible d'en réserver les bénéfices au marché français.
Cela étant, la relance du nouveau marché passe probablement par d'autres voies que la création d'une nouvelle niche fiscale.
Tout en ayant bien compris vos préoccupations, je souhaite que ces explications vous convainquent de retirer votre amendement, faute de quoi je serai contraint d'émettre à son sujet un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Laffitte, l'amendement est-il maintenu ?
M. Pierre Laffitte. J'ai tout de suite précisé qu'il s'agissait d'un amendement d'appel visant à attirer l'attention sur un point qui me paraît fondamental, car le dynamisme des nouveaux marchés conditionne très fortement les apports de liquidités des capitaux-risqueurs et, par conséquent, la santé du système de l'innovation dans son ensemble.
Cela étant, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° II-99 est retiré.
L'amendement n° II-100, présenté par M. Laffitte, est ainsi libellé :
« Après l'article 62, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 80 B du livre des procédures fiscales est complété par un 4° ainsi rédigé :
« 4° Lorsque l'administration n'a pas répondu de manière motivée dans un délai de deux mois à un contribuable de bonne foi qui a demandé, à partir d'une présentation écrite précise et complète de la situation de fait, si son entreprise constitue une jeune entreprise innovante au sens de l'article 44 sexies-0 A du code général des impôts. Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent alinéa concernant les documents et informations qui doivent être fournis. »
La parole est à M. Pierre Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Cet amendement a pour objet d'étendre la procédure de « rescrit fiscal » pour apporter aux entreprises une plus grande sécurité juridique en s'assurant qu'elles remplissent les critères de la jeune entreprises innovante.
Ce mécanisme ne peut être efficace que si une réponse est apportée dans un bref délai. A cette fin, il est proposé d'encadrer la procédure de rescrit applicable aux jeunes entreprises innovantes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pierre Laffitte souhaite une réduction à deux mois du délai de six mois prévu par l'article 6 du présent projet de loi de finances. S'il acceptait de rectifier son amendement pour adopter une durée intermédiaire de quatre mois, la commission s'en remettrait à la sagesse du Sénat.
M. le président. Monsieur Laffitte, acceptez-vous de rectifier votre amendement en ce sens ?
M. Pierre Laffitte. Bien volontiers !
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement, n° II-100 rectifié, présenté par M. Laffitte, et ainsi libellé :
« Après l'article 62, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 80 B du livre des procédures fiscales est complété par un 4° ainsi rédigé :
« 4° Lorsque l'administration n'a pas répondu de manière motivée dans un délai de quatre mois à un contribuable de bonne foi qui a demandé, à partir d'une présentation écrite précise et complète de la situation de fait, si son entreprise constitue une jeune entreprise innovante au sens de l'article 44 sexies-0 A du code général des impôts. Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent 4° concernant les documents et informations qui doivent être fournis. »
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Le 5° de l'article 6 du projet de loi de finances que le Sénat a adopté en des termes identiques à ceux qui ont été votés par l'Assemblée nationale donne déjà la possibilité aux entrepreneurs de s'assurer auprès de l'administration qu'ils remplissent les conditions requises pour bénéficier des avantages fiscaux prévus en faveur des jeunes entreprises innovantes.
Sur le fond, le texte que vous proposez, monsieur Laffitte, ne diffère pas de celui qui a été adopté, sauf sur la durée du délai au terme duquel le silence de l'administration vaut accord. Vous souhaiteriez que ce délai soit réduit de six mois à deux mois ou, désormais, à quatre mois puisque vous venez de rectifier votre amendement. Le délai de deux mois n'était de toute façon pas suffisant pour permettre à l'administration de se prononcer en connaissance de cause, d'autant que les services fiscaux doivent se rapprocher des services de la recherche et que l'avis de l'administration fiscale vaut également pour les exonérations sociales.
Cela étant, le Gouvernement souhaite oeuvrer de manière positive avec vous. Je souhaite que cette voie fiscale puisse prospérer. Faisons donc en sorte de ne pas l'enfermer dans des délais qui nuiraient à sa réputation. M. le rapporteur général vient de vous inviter à porter le délai à quatre mois, mais, si cette voie assortie d'un délai de quatre mois s'avère ne pas être de nature à favoriser un examen aussi complet que nous pouvons le souhaiter, la Haute Assemblée aura une part de responsabilité dans la critique que le dispositif lui-même pourrait encourir.
Pour que vous ne doutiez pas de ma très bonne volonté, je m'en remets à la sagesse du Sénat, mais je vous demande de prendre en considération le fait qu'il s'agit là de voies fiscales modernes et prometteuses qu'il ne faut pas trop déformer dès le départ, car nous risquerions de leur faire perdre beaucoup de leurs effets.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-100 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 62.
L'amendement n° II-97, présenté par M. Laffitte, est ainsi libellé :
« Après l'article 62, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« A titre expérimental et pour une période ne pouvant excéder trois ans, le contrôle des dépenses engagées par les établissements publics à caractère scientifique et technologique est effectué a posteriori.
« Le contrôleur d'Etat de ces établissements participe à toute réunion stratégique de leur direction comportant engagements de dépenses. »
La parole est à M. Pierre Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Je vous prie d'excuser cette kyrielle d'amendements, mes chers collègues, mais M. le président de la commission a bien voulu y voir tout à l'heure une preuve d'imagination et d'innovation...
Cet amendement n° II-97 vise à proposer de substituer, à titre expérimental, un contrôle a posteriori au contrôle a priori, en renforçant d'ailleurs le rôle du contrôleur d'Etat auprès des établissements publics de recherche à caractère scientifique et technologique.
La participation du contrôleur d'Etat aux réunions de direction permettrait, à mon sens, de mieux encadrer les responsabilités des directeurs d'établissement, alors que le contrôle d'Etat, pour toute une série de raisons, est actuellement relativement inefficace et conduit de plus à déresponsabiliser d'une certaine façon le responsable d'un projet dans le cadre d'un budget fixé. Le principe de subsidiarité conduirait au contraire à déléguer l'ordonnancement des dépenses à ce même responsable, qui est tout de même le meilleur juge de son opportunité.
Je rappelle que la mesure est proposée à titre expérimental. J'ajoute que le contrôle a posteriori renforcé implique une bonne connaissance des objectifs stratégiques, et donc la participation du contrôleur d'Etat à l'évaluation des stratégies.
Les avantages de la mesure seront considérables, car les milieux scientifiques, qui estiment être trop absorbés par des tâches diminuant leur productivité, pourront en être déchargés, ce qui sera une source d'amélioration du fonctionnement de l'Etat.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission souhaite entendre le Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Le contrôle des dépenses engagées ne représente qu'une contrainte faible sur la gestion des établissements, puisque le contrôleur financier ne vise qu'un nombre limité d'actes, essentiellement les mesures de personnel et les marchés publics.
La mise en oeuvre du nouveau cadre budgétaire et comptable des EPST, les établissements publics de recherche à caractère scientifique et technologique, permettra aux établissements de recherche de bénéficier, à compter de 2005, d'un cadre budgétaire et comptable rénové, qui va leur garantir une souplesse accrue dans leur fonctionnement, notamment grâce à une fongibilité très large de leurs crédits.
Dans ce nouveau cadre, un assouplissement du contrôle financier pourrait être envisagé, à la condition toutefois que les établissements disposent d'instruments de suivi et de comptes rendus fiables, qui sont la contrepartie nécessaire de leur responsabilisation.
Je peux prendre l'engagement auprès de Pierre Laffitte de rester attentif à la mise en oeuvre du dispositif, quitte à ce que l'on introduise le moment venu, si nécessaire, une souplesse supplémentaire mais je pense que, au stade où nous sommes, il n'est pas possible de le faire.
C'est la raison pour laquelle je sollicite le retrait de l'amendement tout en comprenant l'objectif.
L'expérience devrait nous permettre de déterminer ce qui pourrait être utilement ajusté, mais, en l'état actuel des choses, je ne crois pas que l'on puisse aller plus loin.
M. le président. Monsieur Laffitte, l'amendement est-il maintenu ?
M. Pierre Laffitte. Monsieur le ministre, je comprends, d'après votre argumentation, que vous partagez mon point de vue puisque vous évoquez la possibilité d'une évolution et d'une diminution des contraintes de fonctionnement des établissements publics concernés.
Je rappelle d'ailleurs à cette occasion que les EPIC, les établissements publics à caractère industriel ou commercial, ne sont pas soumis à un contrôle financier a priori. Or, de façon générale, je ne crois pas qu'il y ait des errements inadmissibles dans leur gestion. Mais il est en effet probablement nécessaire de donner à l'évolution le temps de se faire, et, compte tenu des explications données par M. le ministre, je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° II-97 est retiré.
L'amendement n° II-98, présenté par M. Laffitte, est ainsi libellé :
« Après l'article 62, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« La validité du label de l'Agence nationale de valorisation de la recherche est attribuée pour une durée de cinq ans pour les sociétés innovantes qui poursuivent une activité de recherche. »
La parole est à M. Pierre Laffitte.
M. Pierre Laffitte. C'est souvent après trois ans que les sociétés ont besoin de faire appel à un nouveau tour de financement. La durée actuelle du label de l'ANVAR, l'Agence nationale de valorisation de la recherche, qui est de trois ans, est donc trop courte. L'objet de cet amendement est de la porter à cinq ans, mesure qui n'a aucune incidence fiscale.
M. le président. Quel est donc l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission souhaiterait connaître l'opinion du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Le Gouvernement souscrit à l'objectif, qui anime le Sénat et l'auteur de l'amendement en particulier, d'améliorer les conditions de financement de l'innovation. C'est d'ailleurs tout l'objet des FCPI, les fonds communs de placement dans l'innovation, qui sont des véhicules d'investissements intermédiés orientés vers l'innovation et qui répondent à une logique d'appel public à l'épargne pour le financement d'entreprises innovantes. Mais l'octroi d'une réduction d'impôt à la souscription d'un FCPI pour les investisseurs est justifié par le risque encouru.
Votre proposition, qui vise à porter à cinq ans la durée de validité du label de l'ANVAR, ne peut pas être acceptée par le Gouvernement, monsieur Laffitte. En effet, elle diminuerait le risque encouru par les souscripteurs en permettant de retenir dans le quota d'investissement de 60 % du FCPI des sociétés plus matures. Dès lors, elle ne justifierait plus une réduction d'impôt aussi importante pour les souscripteurs.
Elle créerait de plus un effet d'éviction pour les autres entreprises innovantes, plus jeunes, susceptibles de bénéficier du financement des FCPI.
Le Gouvernement a cependant comme vous la volonté de drainer les capitaux vers les entreprises innovantes, raison pour laquelle il vous a proposé, à l'article 6 du projet de loi de finances, un statut fiscal très avantageux en faveur des jeunes entreprises innovantes et, à l'article 62, un renforcement du crédit d'impôt recherche.
Enfin, il proposera au Sénat, à l'article 64, d'adopter un statut spécifique pour les business angels.
Nous partageons donc les mêmes objectifs, mais je crois qu'on ne peut pas multiplier les outils. Ils sont déjà nombreux dans cette loi de finances, ce qui devrait vous amener à considérer que nous faisons déjà beaucoup et à accepter de retirer votre amendement.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Laffitte ?
M. Pierre Laffitte. Je ne comprends pas très bien le lien entre la durée du label de l'ANVAR et les obligations des FCPI, qui correspondent à un investissement de leurs parts dans des sociétés innovantes dans un délai fixé. Cela n'a pas de rapport avec la durée du label de l'ANVAR, qui est souvent jugé indispensable par les capitaux-risqueurs quelle que soit leur nature, et pas uniquement par les sociétés.
Je ne veux pas risquer un avis défavorable du Gouvernement et je retire l'amendement, mais je souhaiterais que la question soit étudiée par vos services, monsieur le ministre, car il me semble qu'il y a là une certaine confusion.
M. le président. L'amendement n° II-98 est retiré.
I. - Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L'article 220 sexies ainsi rédigé :
« Art. 220 sexies. - I. - Les entreprises de production cinématographique soumises à l'impôt sur les sociétés qui assument les fonctions d'entreprises de production déléguées peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de production mentionnées au III correspondant à des opérations effectuées en France en vue de la réalisation d'oeuvres cinématographiques de longue durée agréées et pouvant bénéficier du soutien financier de l'industrie cinématographique prévu à l'article 57 de la loi de finances pour 1996 (n° 95-1346 du 30 décembre 1995).
« II. - Les oeuvres cinématographiques mentionnées au I doivent être réalisées dans les conditions suivantes :
« 1° Les oeuvres cinématographiques de fiction ainsi que les oeuvres cinématographiques documentaires doivent être réalisées avec le concours :
« a) De techniciens collaborateurs de création ainsi que d'ouvriers de la production qui sont soit de nationalité française, soit ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne, d'un Etat partie à la convention européenne sur la télévision transfrontière du Conseil de l'Europe ou d'un Etat tiers européen avec lequel la Communauté européenne a conclu des accords ayant trait au secteur audiovisuel, et pour lesquels les cotisations sociales sont acquittées auprès des organismes régis par le code de la sécurité sociale. Les étrangers, autres que les ressortissants européens précités, ayant la qualité de résidents français, sont assimilés aux citoyens français ;
« b) D'industries techniques de la cinématographie qui sont établies en France et qui y effectuent personnellement les prestations liées au tournage ainsi que les prestations de post-production. Ces industries techniques doivent être titulaires de l'autorisation prévue à l'article 14 du code de l'industrie cinématographique lorsque celle-ci est obligatoire ;
« 2° Les oeuvres cinématographiques d'animation doivent être réalisées avec le concours :
« a) De techniciens collaborateurs de création ainsi que de collaborateurs chargés de la préparation et de la fabrication de l'animation qui sont soit de nationalité française, soit ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne, d'un Etat partie à la convention européenne sur la télévision transfrontière du Conseil de l'Europe ou d'un Etat tiers européen avec lequel la Communauté européenne a conclu des accords ayant trait au secteur audiovisuel, et pour lesquels les cotisations sociales sont acquittées auprès des organismes régis par le code de la sécurité sociale. Les étrangers, autres que les ressortissants européens précités, ayant la qualité de résidents français, sont assimilés aux citoyens français ;
« b) De prestataires spécialisés dans les travaux de préparation et de fabrication de l'animation qui sont établis en France et qui effectuent personnellement ces travaux ;
« c) D'industries techniques de la cinématographie qui sont établies en France et qui effectuent personnellement les prestations de post-production. Ces industries techniques doivent être titulaires de l'autorisation prévue à l'article 14 du code de l'industrie cinématographique lorsque celle-ci est obligatoire ;
« 3° Le respect des conditions prévues au 1° et au 2° est apprécié au moyen d'un barème de points attribués aux personnels et aux prestations mentionnés aux a et b du 1° et aux a, b et c du 2° répartis en groupes de professions et d'activités. Ce barème est fixé par décret.
« III. - A. - Le crédit d'impôt, calculé au titre de chaque exercice, est égal à 20 % du montant total des dépenses suivantes correspondant à des opérations effectuées en France :
« 1° Pour les oeuvres cinématographiques de fiction ainsi que pour les oeuvres cinématographiques documentaires :
« a) Les salaires et charges sociales afférents aux techniciens et ouvriers de la production cinématographique engagés par l'entreprise de production et pour lesquels les cotisations sociales sont acquittées auprès des organismes régis par le code de la sécurité sociale ;
« b) Les dépenses liées à l'utilisation de studios de prises de vues, y compris la construction de décors, d'effets spéciaux de tournage, ainsi que les dépenses de costumes, de coiffure et de maquillage ;
« c) Les dépenses de matériels techniques nécessaires au tournage ;
« d) Les dépenses de post-production, y compris les effets spéciaux ;
« e) Les dépenses de pellicules et autres supports d'images et les dépenses de laboratoires ;
« 2° Pour les oeuvres cinématographiques d'animation :
« a) Les salaires et charges sociales afférents aux techniciens de la production cinématographique et aux collaborateurs chargés de la préparation et de la fabrication de l'animation engagés par l'entreprise de production et pour lesquels les cotisations sociales sont acquittées auprès des organismes régis par le code de la sécurité sociale ;
« b) Les dépenses liées au recours à des prestataires spécialisés dans les travaux de préparation et de fabrication de l'animation ;
« c) Les dépenses de matériels techniques nécessaires à la mise en images ;
« d) Les dépenses de post-production, y compris les effets spéciaux ;
« e) Les dépenses de pellicules et autres supports d'images et les dépenses de laboratoires.
« B. - Pour les dépenses correspondant aux prestations mentionnées au A, les prestataires auxquels fait appel l'entreprise de production doivent être établis en France et y effectuer personnellement ces prestations.
« C. - Les dépenses ouvrent droit au crédit d'impôt à compter de la délivrance par le directeur général du Centre national de la cinématographie d'un agrément à titre provisoire attestant que l'oeuvre cinématographique remplira les conditions prévues au II. Cet agrément est délivré sur la base de pièces justificatives, comprenant notamment un devis détaillé des dépenses de production individualisant les dépenses prévues en France ainsi que la liste nominative des salariés, industries techniques et prestataires spécialisés, précisant leur nationalité. Pour les salariés mentionnés au a du 1° et au a du 2° du II, l'entreprise de production doit également fournir copie de la déclaration prévue à l'article L. 320 du code du travail et du document en accusant réception par l'organisme destinataire.
« IV. - Les subventions publiques non remboursables reçues par les entreprises et directement affectées aux dépenses visées au III sont déduites des bases de calcul du crédit d'impôt.
« V. - La somme des crédits d'impôt calculés au titre d'une même oeuvre cinématographique ne peut excéder 500 000 EUR pour une oeuvre cinématographique de fiction ou une oeuvre cinématographique documentaire et 750 000 EUR pour une oeuvre cinématographique d'animation.
« En cas de coproduction déléguée, le crédit d'impôt est accordé à chacune des entreprises de production, proportionnellement à sa part dans les dépenses exposées. » ;
2° Après l'article 220 E, il est inséré un article 220 F ainsi rédigé :
« Art. 220 F. - Le crédit d'impôt défini à l'article 200 sexies est imputé sur l'impôt sur les sociétés dû par l'entreprise au titre de l'exercice au cours duquel les dépenses définies au III de l'article précité ont été exposées. Si le montant du crédit d'impôt excède l'impôt dû au titre dudit exercice, l'excédent est restitué.
« La part du crédit d'impôt obtenu au titre de dépenses relatives à des oeuvres cinématographiques n'ayant pas reçu, dans un délai maximum de huit mois à compter de la délivrance du visa d'exploitation, l'agrément à titre définitif du directeur général du Centre national de la cinématographie attestant que l'oeuvre cinématographique a rempli les conditions visées au II de l'article 220 sexies fait l'objet d'un reversement. Cet agrément est délivré sur la base de pièces justificatives, comprenant notamment un document comptable certifié par un expert comptable indiquant le coût définitif de l'oeuvre, les moyens de son financement et faisant apparaître précisément les dépenses engagées en France, ainsi que la liste nominative définitive des salariés, industries techniques et prestataires spécialisés, précisant leur nationalité. Pour les salariés mentionnés au a du 1° et au a du 2° du II de l'article 220 sexies, l'entreprise de production doit également fournir copie des bordereaux récapitulatifs des cotisations mentionnés à l'article L. 244-3 du code de la sécurité sociale et de la déclaration annuelle des données sociales visée à l'article 87.
« Il en est de même de la part du crédit d'impôt obtenu au titre de dépenses relatives à des oeuvres cinématographiques n'ayant pas reçu de visa d'exploitation dans les deux ans qui suivent la clôture de l'exercice au titre duquel le crédit d'impôt a été obtenu. » ;
3° Le 1 de l'article 223 O est complété par un g ainsi rédigé :
« g. Des crédits d'impôt dégagés par chaque société du groupe en application de l'article 220 sexies ; les dispositions de l'article 220 F s'appliquent à la somme de ces crédits d'impôts. »
II. - Un décret fixe les conditions d'application du I et notamment les obligations déclaratives incombant aux entreprises concernées.
III. - Ces dispositions du I s'appliquent aux dépenses exposées pour la production d'oeuvres cinématographiques dont les prises de vues commencent à compter du 1er janvier 2004.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, sur l'article.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Cet article 62 bis institue un crédit d'impôt en faveur du cinéma afin d'encourager les réalisateurs à tourner les films sur le territoire national.
L'inspiration est certainement judicieuse, mais cet article doit nous inciter à faire, si j'ose ainsi m'exprimer, un examen de conscience fiscale.
Je me demande parfois si le législateur n'est pas parfois sujet à une sorte de schizophrénie dont le crédit d'impôt en faveur du cinéma serait un symptôme.
Dans le même projet de loi de finances, d'un côté on instaure un nouvel avantage fiscal en faveur du cinéma, secteur certes important mais dont on peut dire qu'il bénéficie déjà de régimes fiscaux dérogatoires, de l'autre, à la suite, notamment, du rapport du Conseil des impôts, on proclame une nette volonté de limiter l'importance et le nombre des niches fiscales ou, à tout le moins, de mieux en apprécier l'impact.
Tel est l'objet de l'article 71 bis, introduit par les députés sur l'initiative de leur commission des finances, soucieuse donc de limiter le nombre et l'importance des niches fiscales et qui s'est inquiétée de l'impact des dispositions que le Parlement adopte, parmi lesquelles les dispositions de la loi relative au mécénat du 1er août 2003.
Le dispositif qui nous est proposé se défend tout à fait, et je ne suis pas là pour le contester. Dans son commentaire, M. le rapporteur général justifie amplement la nécessité d'une mesure de ce type, compte tenu des difficultés que rencontrent les industries techniques du cinéma. On pourrait y ajouter les difficultés que connaît l'audiovisuel. En effet, chacun a présent à l'esprit le triste fait divers de Vilnius, au début du mois d'août. Le président de la commission des finances a d'autant moins de raisons de trouver à redire à ce dispositif que ce dernier faisait partie des propositions du rapport d'information de nos collègues Yann Gaillard et Paul Loridant, intitulé Revoir la règle du jeu, dans lequel ils s'efforçaient d'évaluer l'efficacité des aides publiques au cinéma.
Pourtant, je m'interroge. S'agissant du fond, je ne peux qu'être sensible, bien sûr, à l'idée qui consiste à mettre en place un crédit d'impôt destiné à aider à la localisation sur le territoire français d'activités qui ont tendance à être délocalisées, en raison de coûts élevés et de l'existence de phénomènes de concurrence fiscale. En effet, nos partenaires considèrent moins le cinéma comme un produit culturel qu'il convient d'encourager, pour des raisons de prestige et de rayonnement culturel, que comme une activité industrielle créatrice d'emplois et de richesses.
Mon propos a trait à la méthode : dans quelle mesure est-il légitime de créer un nouvel avantage fiscal sans s'être interrogé sur l'efficacité des mesures existantes ? La moindre des choses serait, en effet, de se demander s'il est légitime de cumuler cette nouvelle niche avec celle que constitue déjà le système des SOFICA, les sociétés de financement de l'industrie cinématographique et de l'audiovisuel, dont l'efficacité a été mise en cause par plusieurs rapports administratifs, même si le dernier d'entre eux, celui du conseiller d'Etat M. Jean-Pierre Leclerc, préconisait la rénovation de ce dispositif.
En définitive, je voudrais simplement signaler que l'on ne pouvait ajouter à la dépense fiscale des SOFICA, évaluée par le fascicule des voies et moyens à 20 millions d'euros, une nouvelle dépense fiscale de l'ordre de 20 à 30 millions d'euros sans se poser la question de la remise à plat de l'ensemble de notre système d'aides, y compris, le cas échéant, celui des aides directes attribuées par le compte de soutien aux industries cinématographiques, sur l'efficacité duquel nos deux collègues Yann Gaillard et Paul Loridant se sont interrogés.
Cette mesure antidélocalisation nous fait mesurer le caractère presque pathétique de ces phénomènes. Ce soir, nous avons eu une discussion sur le crédit d'impôt-recherche appliqué à la confection, aux industries textiles. S'agissant des industries du meuble, un amendement avait été préparé, que nous n'avons pas examiné.
Monsieur le ministre, il faudra, je crois, aller loin dans la redéfinition des politiques économiques, mais aussi sans doute des politiques sociales, pour essayer de contenir ces phénomènes de délocalisation qui aujourd'hui s'accélèrent.
Je comprends bien que le cinéma mérite un sort particulier. Cependant ayons un instant à l'esprit la situation mais aussi l'inquiétude et l'angoisse d'hommes et de femmes qui participent à d'autres activités économiques et qui se trouvent aujourd'hui menacés par la concurrence internationale, par les mesures que prennent d'autres Etats et qui, d'une certaine façon, mettent en péril la cohésion sociale et sans doute le retour de la croissance.
Voilà les deux observations que je souhaitais faire à l'occasion de l'introduction, dans le code général des impôts, d'un nouveau dispositif, sans doute utile mais qui ne va pas totalement dans le sens de la simplification et à propos duquel il y a, me semble-t-il, matière à réfléchir s'agissant de l'efficacité de l'ensemble des mesures que la puissance publique met à la disposition du cinéma et de l'audiovisuel.
M. le président. Sur l'article 62 bis, je suis saisi de deux amendements.
L'amendement n° II-55, présenté par M. Gaillard, est ainsi libellé :
« I. - Dans le 1° du II du texte proposé par le 1° du I de cet article pour l'article 220 sexies du code général des impôts, après le mot : "réalisées", insérer le mot : "essentiellement".
« II. - Dans le 2° du II du même texte, après le mot : "réalisées", insérer le mot : "principalement". »
L'amendement n° II-54 rectifié, également présenté par M. Gaillard, est ainsi libellé :
« Après le premier alinéa du texte proposé par le 2° du I de cet article pour l'article 220 F du code général des impôts, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'excédent de crédit d'impôt constitue au profit de l'entreprise une créance sur l'Etat d'un montant égal. Cette créance est inaliénable et incessible, sauf dans les conditions prévues par les articles L. 313-23 à L. 313-35 du code monétaire et financier. »
La parole est à M. Yann Gaillard, pour présenter ces deux amendements.
M. Yann Gaillard. Je ne m'attendais pas à cette sortie du président de la commission des finances en prélude à deux amendements, d'ailleurs très chétifs et très techniques, qui ne sont absolument pas à la mesure de son propos aussi éclairé.
Puisqu'il m'a tendu la perche, je vais, à mon tour, faire un peu de schizophrénie, car nous sommes tous un peu schizophrènes. (Sourires.) Il est vrai que l'on commence à s'interroger sur l'efficacité profonde de notre système d'aides au cinéma. Je rappelle, à cet égard, l'ouvrage extraordinairement remuant et provocateur de notre ancien collègue, éminent secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences morales et politiques, Jean Cluzel, Propos impertinents sur le cinéma français, qu'il a d'ailleurs présenté dans la salle René-Coty. Décidément, on ne quitte pas véritablement la niche sénatoriale, si je puis dire ! (Sourires.) M. Paul Loridant et moi avons initié un peu cette idée du crédit d'impôt, non pas pour le cinéma dans son ensemble, mais pour les industries techniques de tournage, dont la situation actuelle est effectivement très difficile.
J'en viens aux amendements, qui sont mineurs.
L'amendement n° II-55 tend, par l'insertion des adverbes « essentiellement » et « principalement », à donner un peu de mou à la production cinématographique s'agissant du choix des prestataires. Il est vrai que, quand on tourne un film, certaines spécialités peuvent ne pas exister sur le sol français.
Quant à l'amendement n° II-54 rectifié, il vise à permettre aux bénéficiaires du crédit d'impôt-cinéma de s'aligner sur le régime du crédit d'impôt-recherche - vous le constatez, nous sommes de plus en plus schizophrènes ! (Sourires) - en les autorisant à céder la créance représentée par un excédent de crédit d'impôt conformément aux dispositions du code monétaire et financier, lorsqu'ils n'ont pas pu imputer la totalité de ce trop généreux crédit d'impôt.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je ne sais pas si ces amendements sont chétifs. Sans doute sont-ils techniques. En tout cas, la commission considère que ces propositions sont réalistes et utiles. C'est pourquoi elle émet un avis favorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Comme M. Yann Gaillard, le Gouvernement a entendu les paroles de M. le président de la commision des finances et continue de les méditer ; il n'est pas sûr de pouvoir être à la hauteur de la portée que celui-ci leur a donnée.
Monsieur le président de la commission des finances, je n'ai pas de conseils à vous donner mais, puisque j'ai eu la chance et l'honneur d'exercer vos fonctions, permettez-moi de vous dire que c'est votre rôle de rappeler en permanence à tous les Français que, lorsque le Gouvernement est amené à prévoir des dispositifs particuliers d'aide dans un domaine, cela signifie purement et simplement que nos prélèvements fiscaux et sociaux ont atteint un niveau beaucoup trop élevé.
Si nous voulons maintenir l'activité économique et l'emploi dans notre pays, il faut avoir des niveaux de prélèvements moins élevés et, pour ce faire, il faut dépenser moins, encore dépenser moins, toujours dépenser moins. Il faudrait copier cette phrase cent fois chaque matin pour nous en souvenir et ne jamais proposer un euro de dépenses supplémentaires. Si nous tenions à l'euro près les budgets de tous nos comptes publics pendant dix ans, nous aurions guéri la France de la maladie dont elle souffre, c'est-à-dire son excès de dépenses. Puisque vous nous avez invités à la méditation, monsieur le président de la commission des finances, j'en resterai là.
J'en viens aux amendements présentés par M. Gaillard. Je ne sais pas s'ils sont chétifs ou non. En tout cas, ils ont le mérite de la précision.
L'amendement n° II-55 vise à ne pas priver du dispositif des oeuvres cinématographiques pour lesquelles certaines dépenses ne peuvent pas être exposées en France. Ces dépenses doivent bien sûr rester accessoires, mais c'est, je crois, l'esprit qui a animé M. Gaillard. La circonstance pour laquelle elles ne sont pas exposées en France doit être justifiée par des raisons de force majeure ou par des nécessités artistiques. Cela étant dit, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
Quant à l'amendement n° II-54 rectifié, il a pour objet de conférer de la souplesse aux conditions d'utilisation du crédit d'impôt-cinéma. Le Gouvernement émet également un avis favorable sur cet amendement.
M. Roland du Luart. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote sur l'amendement n° II-55.
M. Jack Ralite. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de dire quelques mots sur l'amendement relatif au crédit d'impôt, je voudrais donner mon sentiment sur l'intervention de M. le président de la commission des finances.
Bien évidemment, il faut toujours examiner les choses avec sérieux et équilibre. Mais il reste que la situation du cinéma français est actuellement préoccupante. La concurrence des Etats-Unis est de plus en plus forte : ce pays, qui se dit non protectionniste, pratique, dans ce domaine, la politique la plus protectionniste et cachée qui soit. Sur le plan du crédit d'impôt, nous sommes, malgré cette initiative, en deçà de nos pays amis de l'Europe. Et la France subit, s'agissant du financement du cinéma, les conséquences de l'affaire Messier, avec l'ébranlement du financement essentiel qui était celui de Canal Plus. Si on retenait la proposition du président de la commission des finances, on abîmerait, je le crains, l'actuelle situation du cinéma français, et on porterait atteinte, pour reprendre une expression que l'on entend souvent à l'heure actuelle, au « coeur du métier » de la culture et de la création d'image dans un pays comme le nôtre.
J'ai lu les propos de M. Cluzel, et dernièrement, je l'ai entendu à la radio. Certes, il a évoqué la nécessité de faire des économies, mais sur l'aide sélective, c'est-à-dire sur l'aide au cinéma d'auteur, dimension que la France s'est toujours honorée d'assumer dans le domaine de la création, c'est-à-dire l'auteur, la dimension culturelle, sans ignorer l'aspect industriel mais en ne faisant pas ce dernier l'élément déterminant.
En ce qui me concerne, je suis pour ce crédit d'impôt. C'est une idée intéressante, une bonne chose pour les entreprises de production cinématographique qui travaillent en France. On sait en effet dans quelle situation elles se trouvent aujourd'hui, notamment avec les délocalisations. En 2002, 18 % de tournages supplémentaires ont eu lieu à l'étranger. Au surplus, la prise en compte de la spécificité du cinéma d'animation est aussi une innovation heureuse. « C'est une vraie bouffée d'oxygène pour rapatrier les savoir-faire en France », a commenté un professionnel.
Mais je tiens à faire un certain nombre de remarques. A mon avis, il aurait été sans doute opportun de conditionner l'octroi de crédits au respect de la dimension sociale du travail dans ces industries, en prenant en compte, par exemple, les conventions collectives ou le droit du travail. En effet, trop souvent, chez nous, les avantages fiscaux sont offerts sans la moindre garantie.
Je dis cela comme un principe qui devrait être intangible, mais, surtout, je pense que les entreprises de l'audiovisuel auraient dû pouvoir bénéficier de ce crédit d'impôt - quand on songe, par exemple, que les épisodes du Commissaire Maigret produits par le service public, sont tournés en République tchèque -, mais avec un droit de regard des pouvoirs publics sur les pratiques des employeurs de l'audiovisuel, notamment par rapport à l'intermittence, pour contribuer à régler la question des abus, qui touche particulièrement le monde de l'audiovisuel.
Le crédit d'impôt devra, quand cela sera fait - et le plus tôt, me semble-t-il, sera le mieux - venir à bout de l'intermittence au profit de la permanence. J'ajouterai qu'au Sénat s'est tenu récemment un colloque sur le cinéma d'animation. Outre ce qui y a été pris en compte, avait été évoquée, dans le cadre du crédit d'impôt, la prise en compte des auteurs. Cela n'a pas été fait. Ce point mérite sans doute réflexion. Mais il faudra y revenir un jour.
Enfin, il faut surtout que ce crédit d'impôt soit toujours considéré comme « en plus » par rapport à ce qui est et doit rester, à savoir le soutien aux oeuvres. Or, aujourd'hui, ce soutien me paraît entamé par diverses mesures. Par exemple, l'enveloppe du compte sélectif a été réduite de 11,3 %.
Par ailleurs, le ministère prépare une réforme du compte de soutien, ce qui, en soi, n'est pas anormal, car il existe depuis un certain nombre d'années et doit être adapté. Mais cette réforme pénalisera les programmes audiovisuels modestes par leur financement, ceux qui bénéficient d'un apport horaire d'une chaîne inférieur à 6 000 euros par heure. Ces programmes ne sont plus sûrs de toucher leur compte de soutien : ils devront d'abord tenter d'obtenir l'agrément de la commission sélective. Celle-ci va ainsi se trouver confrontée à une masse de travail considérable. Pourra-t-elle, sans renforcement, continuer de traiter correctement les dossiers qui lui seront soumis ? De toute façon, le Centre national du cinéma vient d'annoncer que la somme octroyée aux producteurs concernés sera soumise à un coefficient de 0,5, c'est-à-dire divisée par deux. Les producteurs de ces oeuvres faiblement capitalisées, qui sont souvent des producteurs en régions, seront donc soumis à ce que l'on pourrait appeler « une double peine ».
Je ne terminerai pas ce court propos, qui n'est pas étranger à l'intermittence, sans mentionner que, cet après-midi, j'ai participé à une manifestation de plusieurs milliers d'intermittents, dont certains sont venus des régions, sur l'initiative de très nombreuses organisations culturelles, manifestation qui est allée du Panthéon au ministère des affaires sociales. En outre, j'ai participé, ce matin, à l'Assemblée nationale, à une conférence de presse d'intermittents,...
M. Jean Bizet. Quel programme !
M. Jack Ralite. ... en présence de parlementaires des deux assemblées, afin de soutenir l'initiative qui a été prise d'envoyer un courrier à M. le Président de la République, pour lui demander de débloquer la situation actuelle.
M. Philippe Marini, rapporteur général. On est un peu en dehors du sujet !
M. Jack Ralite. Toutes les sensibilités étaient représentées : il y avait des parlementaires socialistes, Verts, communistes, UDF, et un parlementaire UMP a même exprimé sa solidarité par courrier. (Exclamations sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. Jean Chérioux. Des noms !
M. Jack Ralite. Selon moi, à quelques jours de Noël, ce crédit d'impôt, que nous allons voter, devrait être accompagné d'un geste démocratique du Gouvernement : la réouverture des négociations de l'accord du 26 juin, d'autant que nombre de solutions ont été proposées depuis lors, tant par la CGT que par les coordinations et les organisations culturelles, et qu'existe toujours l'accord FESAC qui avait été signé notamment par la CFDT et les employeurs et qui, de manière incompréhensible, a été laissé de côté. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-55.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-54 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 62 bis, modifié.
(L'article 62 bis est adopté.)