SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
1. Procès-verbal (p. 1).
2. Loi de finances pour 2004. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 2).
Jeunesse, éducation nationale et recherche
I. - JEUNESSE ET ENSEIGNEMENT SCOLAIRE (p. 3)
MM. Roger Karoutchi, rapporteur spécial de la commission des finances ; Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
MM. Pierre Martin, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour la jeunesse ; Philippe Richert, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour l'enseignement scolaire ; Mme Annie David, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour l'enseignement technologique et professionnel ; M. le ministre.
Mme Brigitte Luypaert.
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
M. le ministre.
Mme Annie David, M. le ministre.
MM. André Vallet, le ministre.
MM. Serge Lagauche, le ministre.
MM. Pierre Martin, le ministre.
MM. Ivan Renar, Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire.
MM. Jean-Marc Todeschini, le ministre délégué.
MM. Jean-Louis Carrère, le ministre délégué.
MM. Max Marest, le ministre.
MM. René-Pierre Signé, le ministre délégué.
MM. Laurent Béteille, le ministre.
MM. Christian Demuynck, le ministre délégué.
Crédits du titre III. - Adoption (p. 4)
Crédits du titre IV (p. 5)
M. René-Pierre Signé.
Adoption des crédits.
Crédits des titres V et VI. - Adoption (p. 6)
Article 78. - Adoption (p. 7)
Suspension et reprise de la séance (p. 8)
II. - ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR (p. 9)
MM. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Ivan Renar, Pierre Laffitte, Serge Lagauche, AndréFerrand, Marcel Vidal, Paul Dubrule.
M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
Crédits des titres III à VI. - Adoption (p. 10)
Culture (p. 11)
MM. Yann Gaillard, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication.
MM. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Marcel Vidal, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour le cinéma et le théâtre dramatique ; le ministre.
MM. Pierre Laffitte, le ministre.
MM. Henri Weber, le ministre.
MM. Claude Biwer, le ministre.
MM. Simon Loueckote, le ministre.
MM. Jack Ralite, le ministre.
Mme Danièle Pourtaud, M. le ministre.
M. le président.
MM. Paul Dubrule, le ministre.
MM. Louis de Broissia, le ministre.
Crédits du titre III. - Adoption (p. 12)
Crédits du titre IV (p. 13)
Mme Marie-Christine Blandin, MM. Jack Ralite, le ministre.
Adoption des crédits.
Crédits des titres V et VI. - Adoption (p. 14)
Article additionnel avant l'article 74 ter (p. 15)
Amendement n° II-15 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur spécial, Mme Danièle Pourtaud, MM. Ivan Renar, Pierre Laffitte, vice-président de la commission des affaires culturelles. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Suspension et reprise de la séance (p. 16)
PRÉSIDENCE DE M. Daniel Hoeffel
Communication (p. 17)
MM. Claude Belot, rapporteur spécial de la commission des finances ; Louis de Broissia, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Pierre Laffitte, Mmes Danièle Pourtaud, Anne-Marie Payet, MM. Louis de Broissia, Jack Ralite, Henri Weber, Roger Karoutchi.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication.
Article 59 bis (p. 18)
Amendements n°s II-23 rectifié de M. Claude Belot et II-39 du Gouvernement. - MM. Claude Belot, le ministre, Mme Danièle Pourtaud, M. Louis de Broissia. - Adoption de l'amendement n° II-23 rectifié rédigeant l'article, l'amendement n° II-39 devenant sans objet.
Article 74 ter (p. 19)
Amendements n°s II-21 de M. Ivan Renar et II-22 de M. Louis de Broissia. - MM. Ivan Renar, Louis deBroissia, le rapporteur spécial, le ministre, Pierre Laffitte, Mme Danièle Pourtaud. - Retrait de l'amendement n° II-22 ; rejet de l'amendement n° II-21.
Adoption de l'article.
SERVICES GÉNÉRAUX DU PREMIER MINISTRE (p. 20)
Crédits des titres III à V. - Vote réservé (p. 21)
3. Transmission d'un projet de loi (p. 22).
4. Ordre du jour (p. 23).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures quarante.)
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
LOI DE FINANCES POUR 2004
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2004 (n° 72, 2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 73 (2003-2004).]
Jeunesse, éducation nationale et recherche
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant la jeunesse, l'éducation nationale et la recherche.
I. - JEUNESSE ET ENSEIGNEMENT SCOLAIRE
M. le président. J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a opté pour la formule fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des groupes.
Ainsi, MM. les ministres répondront immédiatement et successivement : au rapporteur spécial, puis aux trois rapporteurs pour avis et, enfin, à chaque orateur des groupes.
Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de discussion.
Chacune des questions des orateurs des groupes ne devra pas dépasser cinq minutes ; le Gouvernement répondra en trois minutes à chaque orateur ; ce dernier disposera d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
J'invite chaque intervenant à respecter tant l'esprit de cette procédure, qui a été acceptée à l'unanimité par le Sénat et qui repose sur des questions précises et en nombre limité, que les temps de parole impartis.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sincérité et maîtrise des dépenses : tels sont sans doute les deux points forts de ce projet de budget.
Il se chiffre pour l'exercice 2004 à un peu plus de 24 milliards d'euros, rassemblant, il est vrai, deux masses de crédits dont les liens sont limités et l'ampleur relative très inégale puisque les crédits de la jeunesse n'en représentent que 0,26 %.
C'est un budget en progression totale de 2,83 %, compte tenu de la prochaine revalorisation du traitement de la fonction publique, ce qui correspond à une augmentation, hors frais de pensions, de 1,6 %.
Je dis « sincérité », monsieur le ministre, car plusieurs mesures permettront une meilleure appréhension des moyens réellement alloués à l'enseignement scolaire : apurement des arriérés de paiement ; révision à la baisse de chapitres faisant traditionnellement l'objet d'annulations en cours d'exercice ; mais aussi financement de la charge non provisionnée que constituait l'indemnisation du chômage des aides éducateurs, malencontreusement omise par vos prédécesseurs.
Tout cela concourt à une meilleure lisibilité de ce budget, lisibilité qu'il nous faut saluer.
Il nous faut également saluer un effort réel de maîtrise des dépenses qui, hors charges de pensions, seront stabilisées en volume, et ce malgré les transferts de charges en provenance du budget des affaires sociales, du travail et de la santé.
Cela se traduit notamment par une adaptation courageuse du nombre d'adultes aux effectifs scolaires au travers du non-remplacement d'un personnel administratif sur deux partant en retraite, ainsi que de la suppression de 2 400 postes de professeur stagiaire de l'enseignement secondaire, cette dernière mesure conduisant à une réduction du nombre de postes proposés aux concours.
Ces deux mesures ne seront sans doute pas de trop pour permettre de répondre aux besoins de notre système scolaire, dont les performances se sont « grippées » depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, et ce malgré un contexte démographique favorable, caractérisé par une hausse sensible des effectifs.
Je citerai brièvement quelques chiffres avant d'en venir à mes questions.
Aujourd'hui, 15 % des élèves entrent en classe de sixième sans maîtriser les acquis fondamentaux.
Nous n'avons toujours pas passé le cap des 70 % d'élèves atteignant le niveau du baccalauréat, malgré les engagements pris à cet égard, et 8 % des élèves quittent encore le système scolaire sans qualification.
La violence ainsi qu'une déscolarisation de plus en plus précoce minent un certain nombre d'établissements.
Les inégalités géographiques persistent et parfois se renforcent.
Ces constats conduisent à s'interroger - c'est le moins que l'on puisse dire ! - sur le collège unique et la démocratisation de l'enseignement secondaire.
Ces évolutions sont d'autant plus inquiétantes qu'elles se sont produites dans un contexte d'augmentation continuelle des dépenses consacrées à l'enseignement scolaire, de la part de l'Etat comme des collectivités locales, et alors que nous y consacrons plus d'argent que les autres pays de l'OCDE.
Il fallait donc mettre un terme à cette logique systématique du « toujours plus de moyens », tant il est vrai qu'il n'y a pas forcément de lien mécanique entre les dépenses et les résultats.
Il fallait également mettre un terme au « harcèlement textuel », à la multiplication stérile de réformes pédagogiques que nous avons connue sous les précédentes législatures et qui a beaucoup nui, notamment en raison du manque de portée desdites réformes.
Je crois que, de ces deux points de vue, votre budget, monsieur le ministre, est encourageant, car il amorce un redéploiement des moyens vers les secteurs qui en avaient le plus besoin.
Ainsi, la priorité accordée à l'école primaire se justifie pleinement : d'abord parce que les effectifs des élèves y sont en augmentation, ensuite et surtout parce que, comme vous le répétez souvent, c'est là que se noue l'échec scolaire.
Nous devons vous féliciter tout particulièrement du recentrage de l'enseignement du premier degré sur l'acquisition des savoirs fondamentaux et sur la priorité accordée à l'expérience de « dédoublement » dans les zones défavorisées, même si les premiers résultats peuvent être discutés.
L'effort en faveur de l'intégration des enfants handicapés dans l'enseignement scolaire doit également être salué. Il se traduit par la création de plus de 6 000 postes d'auxiliaire de vie scolaire, de 100 postes de professeur des écoles spécialisés et l'ouverture de 277 nouvelles unités pédagogiques, soit une augmentation de plus de 86 %.
Tout cela, monsieur le ministre, vous le faites sans accroissement sensible des dépenses, il nous fallait le souligner.
Mais, d'une manière plus générale, il me semble que l'enseignement scolaire va désormais se trouver confronté à trois défis.
En premier lieu, l'approfondissement de la décentralisation et, plus particulièrement celle qui concerne les 96 000 techniciens ouvriers de services, les TOS, constituera assurément un défi pour les départements et surtout pour les régions, dont certaines verront leurs effectifs décupler.
Cet approfondissement, à mon sens, est une chance d'accroître la cohérence du système éducatif. Sa réussite suppose toutefois que l'éducation nationale joue vraiment le jeu de la déconcentration et du partenariat avec les collectivités locales, ce qui n'est pas encore le cas, l'autonomie des établissements demeurant trop limitée par les contraintes administratives.
En deuxième lieu, il nous faudra répondre au défi que constitue la mise en oeuvre de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, qui est une véritable gageure culturelle pour l'éducation nationale.
Nous vous encourageons donc, monsieur le ministre, à poursuivre votre réforme de l'organisation de l'administration centrale mise en oeuvre en 2003, afin d'en améliorer l'efficacité et de permettre, à terme, un meilleur contrôle parlementaire sur les futurs programmes. La LOLF est incontestablement l'outil qui nous permettra de passer enfin à une logique de résultats et d'établir un système d'évaluation fiable des politiques poursuivies.
En troisième lieu, enfin, nous devrons être capables de répondre aux attentes sans cesse grandissantes des parents d'élèves et à la concurrence accrue de l'enseignement privé, qui, soit dit en passant, a largement bénéficié des mouvements sociaux du printemps : il n'est que de voir les inscriptions du début de cette année. Je souhaite donc que le projet de loi de finances s'accompagne à l'avenir d'indicateurs de satisfaction des personnels - cela va de soi -, mais aussi des usagers - cela va nettement moins de soi.
Tous ces points justifient l'organisation du grand débat national sur l'école que vous avez lancé, monsieur le ministre. Je souhaite qu'il affronte sans tabous, comme vous l'avez demandé, les questions relatives au recrutement, aux obligations de service, à l'adaptation des enseignants aux évolutions de leur métier, à la satisfaction des usagers.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances a naturellement émis un avis favorable sur ce projet de budget.
J'en viens ainsi aux trois questions désormais rituelles que je dois vous poser, monsieur le ministre.
La première porte sur les effectifs.
Nous avons constaté les efforts réalisés par votre ministère. Se pose toujours cependant un problème dont la gestion est complexe, mais sur lequel, je le sais, vous travaillez beaucoup. Je veux parler des « sureffectifs disciplinaires ». Chaque année, nos concitoyens sont un peu choqués par des reportages - peut-être excessifs - montrant des professeurs du secondaire payés pour rester chez eux, parfois depuis des années. C'est ainsi que, au cours de l'année scolaire 2002-2003, un peu plus de 2 400 enseignants affectés pour ordre dans les académies n'enseignaient pas.
Pouvez-vous confirmer devant la Haute Assemblée les engagements de réduction de ces sureffectifs que vous avez pris devant la commission des finances, et peut-être réexpliquer une mesure qui a, semble-t-il, été mal comprise du corps enseignant ?
Mes deux autres questions intéressent plus particulièrement les élus locaux que nous sommes tous..., ou presque.
En mai dernier, le Gouvernement a annoncé l'objectif louable de porter à un ordinateur pour trois élèves l'équipement informatique dans les écoles en 2007. Il est actuellement d'environ un pour quinze.
Nous savons bien que le matériel informatique est de plus en plus coûteux. Certes, il est nécessaire, et les parents y tiennent beaucoup, mais c'est une charge qui, au total, repose de plus en plus sur les communes, les départements et les régions, le ministère étant seulement censé fournir les logiciels et former les enseignants.
Qu'entendez-vous faire, monsieur le ministre, pour clarifier les compétences respectives de votre ministère et des collectivités locales en matière d'informatique scolaire ? Ne pourrait-on mettre en place un plan informatique global, défini au travers d'une convention entre l'Etat et les différents niveaux de collectivités locales ?
Enfin, ma dernière question est liée au transfert aux collectivités territoriales des TOS, transfert devant concerner, je le répète, 96 000 personnes. Vous prévoyez, monsieur le ministre, de transférer les moyens actuellement utilisés pour gérer ces personnels, ce qui représente un peu plus de 900 personnes.
Cependant, on a un peu le sentiment que cette décision de transfert du personnel administratif qui gère les TOS est incertaine dans la mesure où, d'une part, il n'y a pas de correspondance stricte entre les académies et les régions et où, d'autre part, les personnels qui gèrent actuellement les TOS peuvent ne pas souhaiter être mis à disposition des collectivités locales.
Dans ces conditions, qu'en sera-t-il de la gestion réelle des TOS ? Devra-t-elle être réalisée totalement par les structures actuelles ?
De même, qu'en sera-t-il, monsieur le ministre, des moyens matériels - locaux, équipement informatique - actuellement affectés aux personnes qui gèrent les TOS ?
Bien entendu, monsieur le ministre, ces trois questions ne remettent nullement en cause l'accord global de notre commission sur l'ensemble du budget. Je crois cependant que, dans cette période où le monde de l'éducation est quelque peu en émoi - il est vrai que cela ne concerne aujourd'hui que l'enseignement supérieur, mais ce que nous avons connu au printemps dernier peu revenir -, elles peuvent vous donner l'occasion de vous livrer une nouvelle fois à ce travail d'explication propre à épargner à la communauté éducative des polémiques stériles. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à remercier vivement M. Karoutchi de la qualité et de l'intelligence du rapport qu'il vient de présenter, car il a très bien su dégager les grands axes de notre budget et décrire les efforts que nous avons accomplis cette année.
Je me permettrai d'indiquer brièvement ce qui a guidé les choix que traduisent les chiffres du budget.
Ce budget repose essentiellement sur une logique de redéploiement, et d'abord à l'intérieur de l'enseignement scolaire, entre secondaire et primaire, en fonction des évolutions démographiques.
Nous avons en effet choisi de supprimer 1 500 postes dans l'enseignement secondaire puisque les effectifs des élèves y sont en diminution constante depuis plusieurs années et que cette tendance va se poursuivre l'an prochain, et, en revanche, d'améliorer la situation de l'enseignement primaire, qui connaît au contraire une augmentation démographique importante.
Le redéploiement concerne également le rapport entre enseignement scolaire et enseignement supérieur, dont nous parlerons cet après-midi. Un rééquilibrage à cet égard est absolument nécessaire et il nous faut d'ores et déjà indiquer le cap qui sera suivi dans les années futures. Nous avons ainsi transféré 100 millions d'euros de l'enseignement scolaire vers l'enseignement supérieur, mais en assortissant cette démarche d'un engagement public du ministère du budget selon lequel il n'y aura pas, l'année prochaine, de régulation sur l'enseignement scolaire. Au total, la transparence y gagne nettement.
Avant de répondre à vos questions, monsieur le rapporteur spécial, je veux encore souligner que nous avons, tout au long de l'année, accompli un travail dont on parle peu - et la tâche n'était pas facile ! -, mais qui explique en très grande partie le fait que la dernière rentrée scolaire ait été la meilleure depuis que le ministère établit des statistiques sur l'affectation des élèves dans les établissements et sur l'affectation de professeurs devant des élèves.
En effet, nous avons travaillé sur le stock et non pas simplement sur le flux. Nous avons décidé dès le mois de décembre 2002 de rééquilibrer le nombre de postes dans les régions en fonction du fait que, pendant des années, certaines avaient été sur-dotées et d'autres, sous-dotées. C'est, là encore, dans le fond, une logique de redéploiement qui est à l'oeuvre. Cela a permis d'obtenir une affectation quasi parfaite des postes et des élèves.
Monsieur Karoutchi, votre première question a porté sur les sureffectifs disciplinaires. Il s'agit, je le rappelle, de professeurs qui, en raison du déficit d'élèves dans leur discipline, se retrouvent sans élève devant eux. Autant dire qu'ils sont payés à rester chez eux, au moins en grande partie.
Cette situation concerne 2 500 équivalents temps plein. C'est évidemment un scandale dont il convient, à défaut de pouvoir y mettre totalement fin, de réduire au moins sensiblement l'ampleur. C'est pourquoi nous nous engageons à réduire de moitié environ, dans les deux ans qui viennent, ces sureffectifs disciplinaires.
Car il faut avoir conscience de la difficulté de l'opération dans les structures actuelles. En effet, pour supprimer totalement les sureffectifs disciplinaires, il faudrait, dans certains cas, assécher les concours de recrutement de l'agrégation et du CAPES pendant plusieurs années, ce qui aurait évidemment pour effet pervers de désespérer les filières universitaires concernées. Sans parler des complications diplomatiques qu'entraînerait le fait d'annoncer que le recrutement de professeurs de telle ou telle langue vivante déficitaire en élèves est gelé pour plusieurs années ! C'est finalement le Quai d'Orsay qui devrait gérer le problème ! Je reçois d'ailleurs souvent des ambassadeurs qui me demandent expressément de maintenir malgré tout quelques postes à l'agrégation ou au CAPES pour ne pas désespérer les étudiants qui suivent un cursus dans leur langue.
Nous allons néanmoins, en deux ans, réduire de moitié, les sureffectifs disciplinaires en jouant essentiellement sur le calibrage du nombre de postes mis aux concours.
Il est évident que la véritable solution consisterait à introduire, sous une forme ou sous une autre - mais c'est un sujet très délicat, sur lequel les organisations syndicales ne se montrent guère enthousiastes -, une certaine bivalence, notamment au collège. On me dira qu'il existe, dans le décret de 1950, la possibilité pour les chefs d'établissements de faire accomplir à un enseignant d'une discipline un complément de service dans une autre discipline.
Cela étant, l'exemple des lettres classiques pourrait servir de modèle : on peut être professeur de français et professeur de latin et de grec. Après tout, est-il inimaginable d'être professeur d'allemand et professeur de français ou professeur d'anglais et professeur de français, comme on est professeur de français, de latin et de grec ?
Je ne veux pas entrer dans le détail, parce que cette question fera partie du grand débat et qu'elle appelle des négociations, mais il est évident qu'une solution de ce type au niveau du collège aurait de très nombreux avantages. Mon prédécesseur Claude Allègre en avait rêvé ; il n'a pas réussi à la faire aboutir. C'est une hypothèse que, en tout cas, le grand débat devrait aborder.
Vous m'avez également interrogé sur les TOS et sur les personnels administratifs qui gèrent les TOS.
En ce qui concerne les TOS, la situation est claire et stabilisée. Deux éléments ont permis de dissiper l'inquiétude profonde des personnels qui ont cessé leur mouvement : tout d'abord, ils conservent le choix, soit d'intégrer directement la fonction publique territoriale, soit de rester dans la fonction publique d'Etat en étant seulement détachés dans la fonction publique territoriale. Ensuite, avec Nicolas Sarkozy, je me suis engagé à faire en sorte qu'un cadre d'emploi d'accueil leur permette que soient garanties leur présence et leur mission dans les établissements. Ces éléments ont profondément rassuré les personnels.
S'agissant des personnels administratifs qui gèrent les TOS, il est difficile de répondre pour l'instant car, vous avez raison de le souligner, monsieur le rapporteur spécial, il demeure un certain flou dans ce domaine. En effet, en raison de la possibilité qui est offerte aux personnels TOS de choisir de rester dans la fonction publique d'Etat ou d'intégrer la fonction publique territoriale, le nombre des personnels administratifs chargés de les gérer sera variable. Toutefois, j'indique qu'ils bénéficieront de la même situation et des mêmes garanties que les TOS.
Au-delà de l'aspect législatif, en termes de transferts réels de personnels, il faudra prendre le temps nécessaire pour que les départements, et surtout les régions, comme vous le disiez à juste titre, aient véritablement les moyens de gérer cet afflux de personnels dans des conditions satisfaisantes pour tous.
Enfin, en matière d'informatique et de nouvelles technologies, les collectivités territoriales ont réalisé un gros effort pour équiper les établissements. Dans deux ans, ces derniers seront tous équipés de façon suffisante. Nous avons mis en place le brevet informatique et Internet, le B2I.
A l'école primaire et au collège, les problèmes qui subsistent sont essentiellement de deux ordres : il s'agit tout d'abord de problèmes de maintenance, qui sont peut-être les plus délicats. D'ailleurs, les assistants d'éducation que nous recrutons dans le second degré, hors surveillants, sont essentiellement affectés à l'informatique et à la maintenance. Nous devons nous fixer un cap et fournir un gros effort à cet égard.
Le second problème, qui est un problème de fond, concerne l'usage pédagogique de ces nouvelles technologies. Il est bon, par rapport à la « fracture digitale », que l'école, service public, remplisse son rôle d'égalisation des conditions au service des élèves, afin que n'apparaisse pas une fracture entre les enfants qui sont privilégiés parce qu'ils ont un ordinateur à la maison et ceux qui n'en disposent pas.
C'est le rôle du service public d'égaliser les chances et les conditions entre les élèves à ce niveau. Mais, en même temps, la question des usages pédagogiques de ces nouvelles technologies reste très largement ouverte. Nous devons encore beaucoup travailler afin d'améliorer cette situation même si, sur le plan matériel - il n'y a pas de doute à ce sujet - l'effort doit être poursuivi.
M. le président. La parole est à M. Pierre Martin, rapporteur pour avis.
M. Pierre Martin, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour la jeunesse. Monsieur le ministre, monsieur le président, mes chers collègues, l'année 2003 a été marquée par une impulsion nouvelle en faveur de la politique de la jeunesse, rattachée depuis 2002 à celles de l'éducation nationale et de la recherche.
On ne peut en effet que se réjouir du lancement de l'opération « Envie d'agir » et espérer, comme vous nous l'annoncez, monsieur le ministre, qu'elle gagnera en envergure en 2004. Elle répond de façon bienvenue et positive au désir d'engagement citoyen des jeunes et contribue, en leur proposant des projets porteurs de sens, à valoriser leur talent et leur inventivité, à les aider à prendre place au sein de notre organisation économique et sociale.
C'est bien là une opportunité de donner à notre jeunesse les moyens de s'accomplir, de se réaliser pleinement dans notre société et de lui accorder des chances supplémentaires pour la préparation de son avenir.
Fort de cette ambition nouvelle, le projet de budget consacré à la jeunesse reste pour 2004 à hauteur de 142 millions d'euros. C'est une dotation modeste, certes, au sein du budget de l'éducation nationale, mais qui, si elle est ciblée sur des actions pertinentes, peut contribuer efficacement à porter des projets partenariaux favorisant l'épanouissement de nos jeunes populations.
Mes deux questions porteront sur le rôle de soutien et d'impulsion assuré par votre ministère dans le cadre de ces partenariats, dont les objectifs sont d'occuper l'espace-temps, souvent délaissé ou mal employé, se situant hors des périodes et des enceintes de classe.
La première concerne les contrats éducatifs locaux, lesquels participent utilement, notamment dans certains quartiers difficiles, à l'encadrement des enfants et des adolescents pendant les temps périscolaires ou extrascolaires, en leur proposant des activités et des loisirs que nous savons enrichissants.
Si ces politiques locales reposent sur l'engagement d'une pluralité d'acteurs et de financeurs, au premier rang desquels les collectivités territoriales, donnant ainsi une nouvelle illustration du nécessaire partage des missions éducatives, l'orientation et le contrôle de votre administration n'en demeurent pas moins essentiels et incontournables.
En ce sens, et en réponse aux observations et recommandations formulées par l'inspection générale de l'éducation nationale dans un rapport de février 2003 sur les politiques éducatives locales, quelles sont les dispositions et les mesures qui sont envisagées, monsieur le ministre, en vue d'assurer une synergie efficiente de ces différents acteurs et de recentrer les objectifs des contrats locaux sur les actions prioritaires de l'Etat comme la prévention de l'illettrisme ou de la violence ?
L'acte II de la décentralisation pourra-t-il être considéré comme l'opportunité de renforcer les partenariats entre l'éducation nationale et les collectivités territoriales en faveur des jeunes générations ?
Ma seconde question concerne le soutien au secteur associatif dans les domaines de la jeunesse et de l'éducation populaire auquel contribue votre ministère, principalement via le fonds national pour le développement de la vie associative, désormais intégré au budget.
M. Jean-Louis Carrère. Ce n'est pas bon !
M. le président. Mon cher collègue, vous estimez que ce n'est pas bon : voulez-vous intervenir ?
M. Jean-Louis Carrère. J'interviendrai tout à l'heure !
M. le président. On ne parle pas en classe ! Vous le savez très bien, vous êtes enseignant ! (Rires.)
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur pour avis.
M. Pierre Martin, rapporteur pour avis. Si l'annonce de la création de quarante postes supplémentaires au titre du fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire, le FONJEP, dans le projet de budget pour 2004, nous satisfait, il convient de reconnaître la réalité du terrain, à savoir la fragilité et la précarité de nombre de petites associations.
Quelles assurances pouvez-vous apporter, monsieur le ministre, à leurs responsables - je me réfère à la création des contrats d'insertion dans la vie sociale - en particulier sur le maintien des personnels actuellement en fonction dans le cadre des emplois-jeunes au sein de leur structure ou de leur organisation ? Je rappelle que leur nombre s'élève à près de 24 000.
Envisagez-vous d'engager, comme le monde associatif l'appelle de ses voeux, une large réflexion nationale sur l'emploi associatif, mais aussi sur la formation des bénévoles en milieu éducatif ?
En effet, si le secteur de la jeunesse repose sur le dynamisme d'acteurs divers, et en premier lieu sur l'enthousiasme et l'énergie des jeunes concernés, l'implication des pouvoirs publics demeure fondamentale.
Faire de la politique de la jeunesse un levier d'actions complémentaires, et non moins essentielles à la réussite des missions prioritaires du système éducatif, est une exigence morale et un devoir collectif.
Vos intentions et vos ambitions sont louables parce qu'elles répondent justement aux évolutions de notre temps. C'est en ce sens que la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la jeunesse pour 2004. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Richert, rapporteur pour avis.
M. Philippe Richert, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour l'enseignement scolaire. Monsieur le ministre, monsieur le président, mes chers collègues, le projet du budget pour l'enseignement scolaire, avec un montant de plus de 55 milliards d'euros pour 2004, marque une progression de l'ordre de 2,83 %.
Mais au-delà de ce constat quantitatif, la commission des affaires culturelles a salué les efforts de modernisation et de rationalisation engagés par le ministère afin de parvenir à une gestion plus efficace et maîtrisée du système éducatif.
En témoignent, parmi d'autres mesures, la volonté de réorganiser l'administration centrale, mais également de s'attaquer de front à certains dysfonctionnements, comme la réduction des surnombres disciplinaires ou l'amélioration du système de remplacement des enseignants absents. Autant de réformes nécessaires, mises au service de la performance de notre système scolaire, à la faveur de la réussite de tous les élèves.
En ce sens, la commission se félicite des efforts de maîtrise des emplois, par la mise en adéquation des moyens et des besoins. Ainsi, le projet de budget prévoit le redéploiement de 1 500 emplois d'enseignants du second degré vers le premier degré, pour accompagner, d'une part, l'évolution des effectifs d'élèves, et, d'autre part, la priorité assignée à la prévention de l'illettrisme. On saluera ce renforcement des moyens au niveau des stades premiers des apprentissages, une première étape de contact avec la lecture et l'écriture, que l'on sait déterminante pour le reste de la scolarité des élèves.
Cet effort s'appuie également, avec un certain courage, sur une réduction du nombre d'enseignants stagiaires, et donc sur une baisse du nombre de postes ouverts aux concours. A ce propos, ma première question sera relative aux enjeux, dans le contexte démographique actuel, du renouvellement du corps enseignant. En effet, une inquiétude particulière pèse d'ores et déjà sur les disciplines scientifiques notamment, pour lesquelles le métier d'enseignant souffre d'un manque d'attractivité.
Allez-vous, dans le cadre de la réflexion engagée sur le métier d'enseignant, prendre en compte la nécessité de rénover les statuts des professeurs du second degré, que l'on s'accorde à trouver trop rigides ? De quels outils disposez-vous aujourd'hui en vue de répondre au défi que représente la mise en oeuvre d'une véritable gestion prévisionnelle des effectifs, en particulier dans les disciplines les plus déficitaires ? Cette interrogation est liée à la réduction du nombre d'enseignants stagiaires.
Ma seconde question s'inscrit autant dans la perspective du grand débat sur l'école, dont l'un des volets concernera le pilotage du système éducatif, qu'au regard du projet de loi sur les responsabilités locales, que le Sénat vient d'adopter en première lecture. Les nouveaux transferts de compétences prévus posent les fondements d'un rapprochement entre les collèges et les lycées et leur collectivité territoriale de rattachement. A n'en pas douter, la triple exigence de proximité, de souplesse et d'efficacité qui sous-tend la logique de décentralisation requiert, en parallèle, un renforcement de l'autonomie des établissements d'enseignement, gage de la performance de l'action éducatrice. Chaque établissement doit en effet bénéficier de marges de manoeuvre suffisantes pour adapter les méthodes pédagogiques à la diversité des publics scolaires qu'il accueille. Or, la surabondance d'instructions et de rigidités a pour effet de brider toute initiative.
Le premier chapitre de la circulaire de préparation de la rentrée 2003, qui s'intitule « Conforter l'autonomie des établissements », va dans le bon sens. Toutefois, au-delà de ces préconisations, dans quel cadre réglementaire, voire législatif, monsieur le ministre, cette autonomie trouvera-t-elle à s'épanouir, en vue d'insuffler une véritable dynamique de projet au sein des établissements scolaires ?
En ce sens, je tiens à souligner le rôle primordial du chef d'établissement, dont les missions gagneraient à être recentrées sur la définition et l'animation d'un projet propre à l'établissement.
M. Adrien Gouteyron. Bravo !
M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. Alors que le plan quadriennal de repyramidage du corps arrive à son terme en 2004, que prévoyez-vous, monsieur le ministre, en vue de revaloriser la fonction de chef d'établissement, celui-ci étant le réel garant de la cohésion de l'ensemble de l'équipe éducative, celle que l'on dénomme bien souvent la « communauté éducative », et donc de l'efficacité de l'action ?
Enfin, en cette fin d'année 2003, qui a été proclamée année nationale du handicap, j'attirerai votre attention sur la scolarisation des enfants handicapés, qui reste encore, à nombre de titres, un défi pour l'école, malgré les progrès réalisés ces dernières années dans le cadre du plan Handiscol. Des lacunes que l'on ne peut guère tolérer sont en attente de réponses, que ce soit pour assurer aux enfants des parcours scolaires sans rupture ou pour leur offrir les solutions qui leur sont le mieux adaptées.
Nous nous réjouissons, bien sûr, que cette cause nationale soit placée cette année au rang des priorités de votre ministère, avec la mise en place, à partir de la présente rentrée, d'un plan quinquennal en faveur de l'intégration des élèves souffrant d'un handicap.
Dans ce cadre, pouvez-vous, monsieur le ministre, nous préciser selon quelles modalités l'expérience et le savoir-faire des associations spécialisées seront prises en compte ? En particulier, la mise à disposition de ces associations de contrats d'insertion dans la vie sociale, les CIVIS, comme vous nous l'avez assuré, suffira-t-elle à assurer leur viabilité ? Enfin, en quoi la loi d'orientation sur le handicap, prévue pour 2004, contribuera-t-elle à concrétiser davantage le principe fondamental du droit à l'éducation, dans le sens des préconisations des récents rapports de la Cour des comptes ou de notre collègue député Yvan Lachaud ?
Sous réserve de ces précisions que vous ne manquerez pas de nous apporter, la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement scolaire pour 2004, année qui marquera, à n'en pas douter, un tournant pour notre système éducatif. La commission a manifesté son soutien à la politique de modernisation de l'éducation nationale que vous engagez et a renouvelé sa volonté de contribuer, comme il se doit, au grand débat qui s'est ouvert ces derniers jours, pour aboutir, nous l'espérons, à l'élaboration d'une nouvelle loi d'orientation qui définira les missions que la nation assigne à son école pour les vingt ans à venir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, rapporteur pour avis.
Mme Annie David, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour l'enseignement technologique et professionnel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la revalorisation de la filière technologique et professionnelle figure cette année encore au rang des priorités du ministère, priorité étroitement associée à la réalisation de l'objectif assigné à notre système éducatif, consistant à mener chaque élève sur la voie de la réussite. La commission des affaires culturelles se réjouit de ces orientations.
En effet, il est à la fois inquiétant et choquant d'observer que, chaque année, un nombre incompressible d'environ 150 000 jeunes quittent le système scolaire sans qualification ni diplôme et éprouvent par la suite les plus grandes difficultés à s'insérer de façon stable et durable sur le marché du travail.
L'enseignement technologique et professionnel peut activement contribuer, tant à répondre aux besoins de notre économie qu'à relever le défi lancé à l'école de réduire la fracture scolaire. Cela suppose encore un changement des perceptions pour que l'orientation vers cette filière apparaisse effectivement comme une véritable alternative aux yeux des élèves et de leurs familles et qu'elle résulte d'un choix mûri, fondé sur un projet personnel solide, élaboré avec les conseils et l'appui des équipes éducatives.
Toutefois, il semble que ce travail d'orientation peine encore à donner ses fruits. En effet, en amont du grand débat sur l'école, les premiers éléments de diagnostic sur le système éducatif font état d'un taux de sortie au niveau V de formation, c'est-à-dire au niveau du certificat d'aptitude professionnelle, le CAP, ou du brevet d'études professionnelles, le BEP, encore beaucoup trop élevé, selon l'avis du Haut conseil de l'évaluation de l'école.
A ce titre, pour que la voie professionnelle devienne véritablement synonyme de voie d'excellence, le ministère souhaite encourager les poursuites d'études en facilitant les passerelles entre les filières.
Or - et c'est l'objet de ma première question -, il se révèle que le succès de telles ambitions repose d'abord sur la mise en place de modules spécifiques d'adaptation et de soutien des élèves. Quelles sont, en ce sens, monsieur le ministre, les modalités prévues pour apporter une aide adéquate aux élèves et les encourager à s'engager dans des études professionnelles ? En particulier, prévoyez-vous d'aménager la classe de première d'adaptation pour la rendre plus efficace et plus attractive ?
La seconde inquiétude sur laquelle je souhaite attirer votre attention porte sur les enjeux du recrutement des enseignants dans les années à venir. Je regrette à ce titre que la volonté de revaloriser l'enseignement professionnel ne se traduise pas par un effort budgétaire significatif.
En effet, le projet de budget pour 2004 prévoit la suppression de 1 500 emplois d'enseignant du second degré et de 2 400 enseignants stagiaires, parmi lesquels sont concernés 300 professeurs de lycées professionnels et 400 professeurs de lycées professionnels stagiaires.
Mais, contrairement au second degré dans son ensemble, les effectifs des lycées professionnels connaissent une hausse, en 2003 et 2004, de 0,4 % environ. Cela traduit d'ailleurs l'impact positif de la politique de revalorisation de la filière menée depuis plusieurs années.
De surcroît, si, dans le contexte démographique actuel, la question du renouvellement se pose dans les mêmes termes pour l'ensemble du corps enseignant, cet enjeu est particulièrement sensible dans les filières professionnelles. Alors que plus de 14 000 professeurs de lycées professionnels partiront à la retraite sur la période 2004-2008 et que, par ailleurs, le taux de précarité, de l'ordre de 9,5 %, est déjà beaucoup plus élevé que dans l'enseignement général, nombre de disciplines sont d'ores et déjà confrontées à des difficultés de recrutement.
Un récent rapport diffusé par l'inspection générale de l'éducation nationale a mis en évidence une situation très préoccupante pour onze disciplines professionnelles.
Or, à la session 2003 du concours externe du certificat d'aptitude au professorat de lycée professionnel, le CAPLP, seuls 2 878 postes ont été pourvus sur les 3 105 postes ouverts, et l'on regrettera en outre que le dispositif de prérecrutement via les cycles préparatoires aux concours mis en place en 2002 ne concerne qu'un nombre limité de candidats.
Aussi, monsieur le ministre, de quelle façon envisagez-vous de répondre, à court et à moyen terme, aux besoins importants de renouvellement du corps enseignant des lycées professionnels, en contrepartie du plan de revalorisation de la filière ? Ne serait-il pas nécessaire d'adapter les concours afin de les rendre plus attractifs pour les candidats potentiels, alors que nombre d'entre eux privilégient soit les emplois équivalents sur le marché du travail, soit le certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement technique, le CAPET, destiné à l'enseignement technologique, dont les exigences sont plus proches des études universitaires ?
En ce sens, pensez-vous encourager le recours à la validation des acquis de l'expérience dans les procédures de recrutement des enseignants des filières professionnelles ? Cela permettrait de valoriser chez les candidats leur connaissance solide et concrète du monde de l'entreprise, qui constitue, à n'en pas douter, une plus-value pour la qualité de l'enseignement, profitable aux élèves.
Je reviendrai pour finir sur le dispositif de validation des acquis de l'expérience, le VAE, en indiquant que le développement de ce dispositif bénéficie de l'unique mesure nouvelle concernant l'enseignement professionnel pour 2004.
La montée en puissance maîtrisée de ce dispositif nécessite qu'un certain nombre d'exigences soient satisfaites, ce qui ne semble pas être encore tout à fait le cas.
Quels moyens, pédagogiques notamment, pensez-vous donc déployer en vue d'apporter un soutien aux candidats dans la constitution de leur dossier, alors que la complexité et la lourdeur de la procédure peuvent décourager nombre d'entre eux ? En outre, ne faudrait-il pas, afin d'assurer la qualité du dispositif, prévoir une formation spécifique pour les enseignants participant aux jurys, ainsi que des décharges de service garantissant leur disponibilité ?
Sous réserve de ces observations, et contre les conclusions de son rapporteur, la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement technologique et professionnel pour 2004.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Luc Ferry, ministre. Cher monsieur Martin, je souhaiterais d'abord évoquer l'opération « Envie d'agir » dont, comme toujours lorsque les choses marchent bien, on parle peu. Cette opération fonctionne vraiment très bien : les 10 000 projets d'engagement que nous avons proposés aux jeunes ont tous trouvé preneur, et il y en aura 20 000 l'an prochain. Je vous invite, à ce propos, à suivre une belle émission en prime time, comme on dit en bon français, sur France 3, le 15 décembre, qui vous permettra de constater que les concours de l'engagement que nous avons organisés, tant en région qu'au niveau national, donnent des résultats véritablement admirables.
Les contrats éducatifs locaux, auxquels nous tenons tout particulièrement, doivent être recentrés sur certains objectifs. La « réconciliation » administrative de la jeunesse et de l'éducation nationale, ces deux compétences étant réunies dans un même ministère, permet un meilleur cadrage des contrats éducatifs locaux, notamment lorsqu'ils portent sur la prévention de l'illettrisme. Ce projet de budget permet d'ailleurs de créer cinquante contrats éducatifs locaux supplémentaires.
En ce qui concerne les emplois associatifs, qui ont été évoqués à deux reprises, je vous rappelle que le ministère des affaires sociales va mettre en place les contrats d'insertion dans la vie sociale, les CIVIS, qui seront financés par l'Etat soit à 66 %, soit à 33 %. Ce dispositif, qui est bien adapté à l'emploi associatif, sera extrêmement utile aux associations qui s'occupent du handicap, avec la fin, que vont connaître certaines d'entre elles, des emplois-jeunes et la mise en place du statut, plus favorable pour les intéressés, des assistants d'éducation, car il ne faudrait pas que cette situation conduise à déshabiller Pierre pour habiller Paul.
En ce qui concerne la question très difficile et profonde posée par M. Richert sur le service des enseignants, nous assistons, en effet, et vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, à une crise des vocations très importante dans le second degré, et, au contraire, à une augmentation des vocations dans le premier degré.
Cela veut dire que le métier d'enseignant dans le second degré n'est plus aussi attractif qu'auparavant.
En particulier, pour dire les choses simplement, un jeune qui a passé le très difficile concours de l'agrégation, qui totalise donc en moyenne cinq années d'études après le baccalauréat, préférera parfois aller travailler dans le privé plutôt qu'être envoyé dans un collège ou un lycée public souvent éloigné de chez lui et où les conditions d'exercice sont difficiles.
Cette situation mérite attention, car elle résulte d'une absence totale d'anticipation ces dernières années, qui a pour conséquence de nous placer devant une réelle difficulté.
Pourquoi l'enseignement secondaire est-il moins attractif que jadis ? Les enquêtes très intéressantes publiées par la SOFRES sur ce sujet en 2002 révèlent que la première difficulté que rencontrent les enseignants est le manque de motivation de leurs élèves. La deuxième est afférente à l'hétérogénéité des classes et la troisième aux questions d'autorité, de sécurité et de violence. En vérité, lorsqu'on analyse ces trois réponses, on se rend compte qu'elles n'en font qu'une.
Que peut-on faire pour rendre le métier plus attractif ?
D'abord, il faut évidemment remettre le cap sur la maîtrise des compétences de base, ainsi que sur la question de l'autorité, de la violence et de l'insécurité dans les établissements. Il faut, ensuite, imaginer de nouvelles approches du service des enseignants.
Une idée extrêmement intéressante et féconde parfois avancée est la possibilité, pour les enseignants qui le souhaitent, de travailler à deux ou à trois dans une configuration moins traditionnelle que celle où l'on est devant sa classe à affronter seul toutes les difficultés.
Les dispositifs qui ont été mis en place, tels que les TPE, travaux personnels encadrés, et les IDD, itinéraires de découverte, participent de cette idée, mais ils ne vont pas assez loin et, par conséquent, tout ce qui permettra aux professeurs de travailler ensemble doit être encouragé.
L'autonomie des établissements est évidemment la réforme clé. En effet, si nous ne donnons pas plus d'autonomie aux établissements, nous rencontrerons toujours la même difficulté, à savoir qu'au niveau national - et l'on peut toujours ironiser à chaque changement de gouvernement - toute réforme un brin audacieuse suscitera des blocages immédiats.
Il me paraît donc important de mener cette réforme de l'autonomie des établissements, car il s'agit en quelque sorte de la réforme des réformes, celle qui en permettra d'autres. Il est possible de régler de nombreuses questions, même celle des surnombres disciplinaires, au niveau des établissements, mais il est quasi impossible de les aborder au plan national sans qu'aussitôt les gens descendent dans la rue. Et l'honnêteté oblige à dire que tous les ministres de l'éducation nationale, de droite comme de gauche, en font l'expérience depuis des années et des années... (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Quel sera le statut de cette réforme clé de l'autonomie des établissements ? Il devra émerger de ce grand débat que nous ouvrons, mais il faudra, comme pour les universités, être vigilant sur ce sujet.
En ce qui concerne la scolarisation des enfants handicapés, je le disais tout à l'heure à Pierre Martin, un effort sans précédent a été consenti par le Gouvernement : 110 millions d'euros, 5 000 auxiliaires de vie scolaire, qui sont recrutés aujourd'hui, contrairement à tout ce qu'on a entendu depuis des mois, qui s'occupent de scolariser les enfants handicapés.
Nous avons également fait un très gros effort quant à la création des UPI, les unités pédagogiques d'intégration, dont le nombre a été multiplié par deux dès la rentrée de 2003.
Ce ne sont pas des mots, ce sont des faits. Il s'agit donc d'un effort extraordinairement important. Toutefois, il est un point sur lequel nous devons être très vigilants : les emplois-jeunes des associations ne doivent pas être recrutés par l'éducation nationale comme assistants d'éducation sans être remplacés par des CIVIS, et je n'ai cessé de militer pour que l'on accélère la création des CIVIS et que ceux-ci soient au maximum affectés dans les associations qui s'occupent de la prise en charge du handicap.
S'agissant de la filière technologique et professionnelle, madame David, je me réjouis de constater encore une fois que nous partageons la même préoccupation de revalorisation de la voie professionnelle.
Vous avez posé une question très précise sur les classes d'adaptation. Elles seront bien évidemment maintenues en première, pour passer des BEP aux voies technologiques, et si possible renforcées, nous y tenons beaucoup. Nous devons encore aller un peu plus loin, en permettant le passage du BAC professionnel au BTS. Il s'agit là d'un enjeu majeur. C'est pourquoi nous devons continuer à inciter les proviseurs des établissements préparant aux BTS à mettre en place des premières années de BTS qui soient de réelles classes d'adaptation pour les bacheliers professionnels.
Quant à la VAE, votre question est là encore parfaitement légitime. Quelquefois, pour certaines personnes qui méritent pleinement de profiter de ce dispositif, la constitution du dossier est plus difficile que l'examen. Il faut donc mettre en place une aide à la constitution du dossier. Il faut aussi avoir conscience que l'organisation des jurys est très lourde. Voilà pourquoi nous avons décidé de débloquer des fonds dans le projet de loi de finances 2004 pour faciliter la mise en place de ces dispositifs de validation des acquis de l'expérience.
Cela dit, la revalorisation de la voie professionnelle passera à mon avis par trois éléments que je rappellerai très rapidement.
Il faut d'abord modifier sur le fond les programmes de technologie des collèges, qui doivent être moins abstraits et mieux prendre en compte la culture professionnelle, celle des métiers. Il faut que tous les enfants, y compris ceux des VIe ou VIIe arrondissements de Paris, aient une idée de la réalité des métiers. Pour l'instant, nous sommes encore très loin de l'objectif, tant il est vrai que les cours de technologie restent extraordinairement abstraits.
Ensuite, la revalorisation de la voie professionnelle se fera - c'est ma conviction - par le développement des dispositifs en alternance au collège.
Enfin, il faut faire clairement apparaître que la voie professionnelle peut être une voie d'excellence. De ce point de vue, le réaménagement que nous avons proposé du lycée des métiers pour permettre que tous les bons lycées professionnels puissent être reconnus comme « lycées des métiers » va tout à fait dans ce sens.
C'est en travaillant à ces trois niveaux, plus qu'au niveau budgétaire, qu'on obtiendra des résultats. Au niveau budgétaire, en effet, la situation des lycées professionnels n'est pas mauvaise. Ces lycées sont bien équipés par les régions et leur problème, depuis des années, malheureusement, est davantage celui d'un déficit démographique.
C'est donc plutôt par d'autres moyens que par le seul renforcement des crédits que l'on valorisera la voie professionnelle. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir reconnu l'efficacité de l'intervention des régions et des départements s'agissant des lycées et des collèges. C'est un point positif.
M. Jean-Marc Todeschini. Grâce aux impôts locaux !
M. le président. Pas toujours !
M. René-Pierre Signé. Pas toujours, mais souvent !
M. le président. Une bonne gestion n'implique pas forcément une augmentation des impôts !
Nous passons aux questions des orateurs des groupes.
La parole est à Mme Brigitte Luypaert.
Mme Brigitte Luypaert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous savons tous que la santé conditionne la réussite scolaire. Aujourd'hui les enseignants constatent avec inquiétude la multiplication de situations qui révèlent une dégradation de la santé des adolescents.
Malheureusement, les chiffres ne font que confirmer ce sentiment : plus de 1 600 décès accidentels par an chez les jeunes en âge d'être scolarisés, dont 228 suicides d'élèves de dix à dix-neuf ans, plus de 16 500 demandes de contraception d'urgence émanant, pour la plupart, de mineures, et plus de 80 % des jeunes mineurs reconnaissent avoir essayé au moins une fois la drogue. La drogue circule et s'échange à la périphérie des établissements scolaires. La situation est très préoccupante pour les parents.
En 2002, 741 dealers et consommateurs ont été arrêtés dans les établissements scolaires. Les enfants et les adolescents sont des proies idéales pour les trafiquants. Aussi, l'école doit respecter le contrat qu'elle a avec l'élève et les parents.
Vous avez écrit, monsieur le ministre, dans la Lettre à tous ceux qui aiment l'école : « L'école est avant tout un lieu de travail, où l'on doit reconnaître le mérite. Trop souvent ces dernières années, une certaine démagogie a voulu faire de l'école autre chose, un lieu de vie, un espace ludique qui bannirait tout effort de l'élève en même temps que disparaîtraient toutes les formes d'acquisition d'un savoir solide... » Cette démagogie a ouvert la porte à un certain laxisme favorisant des attitudes et des comportements qui ont permis à la drogue d'entrer dans l'espace scolaire.
Dans mon département de l'Orne, les établissements scolaires ne sont, bien sûr, pas épargnés. Toutefois, il m'a été signalé par la gendarmerie qu'une forme de non-dit était de mises, et bien peu de plaintes sont déposées. Ne serait-il pas souhaitable d'améliorer la communication, afin de mesurer pleinement l'importance de ce fléau ?
Monsieur le ministre, je vous sais conscient de la situation, et ne doute pas de la sincérité de votre démarche pour enrayer ce fléau. Mais sans trop dramatiser la situation, il faut garder à l'esprit que le lien entre consommation de drogues, comme le cannabis, et échec scolaire est aujourd'hui établi.
Vous avez mis en place une politique de santé en faveur des élèves qui s'articule en trois axes : repérer et suivre les problèmes de santé des élèves sans omettre les souffrances psychiques et favoriser l'accès et le recours aux soins ; assurer tout au long de la scolarité la prévention et l'éducation à la santé ; mobiliser les efforts de tous autour du thème de la santé des élèves.
Concernant plus particulièrement la prévention et l'éducation à la santé, vous avez prévu que l'action soit menée en étroit partenariat avec la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie et, le cas échéant, sur le terrain, avec la justice.
A l'heure actuelle, tout élève surpris à vendre des produits illicites peut faire l'objet d'une procédure disciplinaire immédiate, en vue de son exclusion, accompagnée d'un signalement aux autorités judiciaires.
Pour lutter contre le tabagisme, vous avez donné, monsieur le ministre, des consignes strictes pour que la loi Evin soit appliquée dans les établissements, tant par les élèves que par les personnels.
M. Jean-Louis Carrère. Ils ont seulement augmenté les taxes !
Mme Brigitte Luypaert. Les élèves et les personnels fumeurs qui souhaitent engager une démarche de sevrage peuvent désormais être aidés par les infirmières scolaires autorisées à délivrer, ponctuellement et gratuitement, des substituts nicotiniques. Vous avez ouvert vingt-deux centres d'expérimentation à la rentrée 2003, dans des établissements volontaires qui jouent un rôle de centre de ressources pour l'information et le conseil contre le tabagisme. Selon la commission d'enquête nationale de lutte contre les drogues illicites, l'éducation nationale n'assumerait pas de façon satisfaisante la mission de prévention qu'elle est censée remplir. Les instruments de prévention dont elle dispose sont-ils sous-utilisés et inefficaces ?
Les comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté, créés en 1990, devaient constituer la structure centrale initiant et fédérant l'ensemble des actions de prévention menées dans les établissements scolaires publics, primaires comme secondaires, d'enseignement général comme d'enseignement professionnel. A cet effet, ils regroupent l'ensemble des intervenants, qu'ils soient issus du milieu scolaire ou extérieurs à celui-ci, parents d'élèves, policiers, gendarmes, magistrats, responsables d'associations.
Ils sont financés par la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie et par l'éducation nationale depuis 1995. Ils ont pour objet d'adopter une approche globale des difficultés rencontrées par les jeunes.
La prévention de la violence et celle des dépendances et des conduites à risques constituent les deux axes prioritaires de leur mission. La majorité des établissements en sont dotés, même s'il existe de grandes disparités entre les académies.
Qu'en est-il actuellement, monsieur le ministre, du fonctionnement de ces comités ? Parviennent-ils à remplir leur rôle ? Nous comptons sur vous pour tout mettre en oeuvre afin d'appliquer une politique de prévention à la hauteur de l'enjeu : il en va de la santé de nos enfants, de leur réussité scolaire et de leur avenir. Sachez que notre groupe vous apportera tout son soutien.
(M. Adrien Gouteyron remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
vice-président
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Luc Ferry, ministre. Madame la sénatrice, je vous prie d'excuser l'absence de M. Xavier Darcos, retenu par un comité interministériel, qui, vous le savez, s'occupe plus particulièrement de ces sujets.
Vous avez parfaitement exposé les mesures prises cette année par le ministère, notamment le plan « santé ». Vous avez raison de souligner que la lutte contre le tabagisme et la drogue est au coeur des préoccupations de tous les chefs d'établissement que nous rencontrons, y compris de ceux des lycées dans lesquels il ne semble pas y avoir de difficulté particulière. Je n'en ai pas rencontré un seul, jusqu'à ce jour, qui m'ait dit n'être confronté à aucun problème de ce type.
Nous avons trois grands axes d'action. Tout d'abord, nous collaborons avec le ministère de la santé - c'est une première - pour définir une politique de santé publique dans les établissements, notamment en matière de lutte contre la drogue et le tabagisme.
Ensuite, Mme Claire Brisset, défenseure des enfants, va nous faire très prochainement sur ce sujet - je l'ai reçue la semaine dernière - des propositions en vue d'aider les adolescents, notamment de mieux prendre en charge leur souffrance. Cette souffrance existe, elle est probablement à l'origine de comportements déviants qui ne sont actuellement pas suffisamment pris en considération dans les établissements scolaires.
En ce qui concerne le tabagisme, le professeur David Khayat, chargé du plan « cancer » par la présidence de la République, m'a fait part d'une augmentation foudroyante du nombre de cancers du poumon chez les femmes, en raison du tabagisme croissant observé chez les jeunes filles ces dernières années.
M. René-Pierre Signé. Ce sont des cancers secondaires du poumon, et non pas des cancers primaires fréquents chez les non-fumeurs !
M. Luc Ferry, ministre. Monsieur le sénateur, vous aurez probablement l'occasion d'intervenir sur ce thème que vous connaissez certainement mieux que moi. Je fais pour ma part état des propos de M. Khayat à ce sujet.
On constate l'augmentation de ce type de cancer dans l'ensemble de l'Europe, mais en France, singulièrement, cette situation est dramatique.
M. Marcel Lesbros. C'est un phénomène de société !
M. Luc Ferry, ministre. Nous avons donc décidé que vingt-deux établissements seraient désormais « sans tabac », c'est-à-dire que l'interdiction de fumer s'appliquerait aussi à la salle des professeurs. A l'évidence, il faudra parvenir à étendre le plus rapidement possible cette mesure expérimentale à tous les établissements de France.
M. le président. La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Monsieur le ministre, vous annoncez une hausse de 2,8 % de votre budget. Mais, après avoir retiré l'évolution des rémunérations et des pensions, les mesures acquises en 2003 reportées en 2004 et le financement des postes d'assistant d'éducation, qui sont dorénavant inscrits dans votre budget, il ne reste rien pour les mesures nouvelles. Cette augmentation n'est finalement qu'un leurre.
Monsieur Ferry, vous avez présenté votre budget pour 2004 comme étant « le meilleur du siècle ». Je constate qu'il est en réalité en régression sur les plans éducatif et social, et qu'il se traduit par de lourdes pertes en termes d'effectifs.
M. Jean-Louis Carrère. Il n'a pas dit de quel siècle !
Mme Annie David. Les enseignants, les professeurs et les stagiaires ne seront pas les seuls à subir cette restriction budgétaire ; les personnels administratifs et d'encadrement sont aussi concernés. A cet égard, les maîtres d'internat et surveillants d'externat, les MI-SE, et les aides-éducateurs, je ne le soulignerai jamais assez, ne seront pas tous remplacés par les nouveaux assistants d'éducation, dont le statut entraîne par ailleurs une aggravation de la précarité des étudiants.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
Mme Annie David. Cette réduction de postes d'adultes dans les établissements, alors que les effectifs d'élèves sont globalement en hausse, est incohérente par rapport à la phraséologie gouvernementale concernant la citoyenneté ou l'incivilité, et ce n'est évidemment pas ainsi que vous favoriserez la scolarisation en maternelle des enfants de moins de trois ans !
Les bourses, quant à elles, connaissent une forte diminution dans le second degré, alors que la dégradation de la situation économique précipite un nombre croissant de familles, et donc d'étudiants, dans le besoin.
J'en viens à la jeunesse, sacrifiée elle aussi sur l'autel de la rationalisation comptable, puisque sa part du budget est en baisse de 4 %, fragilisant aussi bien l'emploi que l'encadrement des réseaux associatifs. Après la baisse de 5 % en 2003, il semble évident que la jeunesse, l'éducation populaire et la vie associative restent à l'écart des priorités de votre ministère.
Les postes FONJEP, le fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire, sont eux aussi victimes de ce recul. Après le gel de 100 postes en 2003 et la baisse de la prise en charge par l'Etat à hauteur de 150 euros par poste, on peut craindre le gel de 450 postes, malgré l'annonce de la création de 40 nouveaux postes. A travers cet exemple, je souligne le peu d'aide que vous accordez à l'emploi associatif, après la suppression de 30 400 emplois-jeunes dans le milieu associatif et la diminution de 30 % des subventions aux associations en 2003.
Nos collectivités territoriales auront à supporter ce désengagement de l'Etat. La fiscalité locale, à la charge de l'ensemble des ménages, n'a pas besoin de ces charges supplémentaires.
J'en arrive au fonds national pour le développement de la vie associative, le FNDVA. Le monde associatif est inquiet des conséquences de sa budgétisation, ces crédits étant dorénavant inscrits dans une ligne intitulée « soutien à la vie associative » abondant le titre IV. La meilleure garantie que vous pouvez leur donner est de pérenniser la gestion paritaire de ces crédits.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
Mme Annie David. Les mouvements de jeunesse et les collectivités doivent être soutenus. A terme, ce sont les jeunes, notamment les plus défavorisés d'entre eux, qui pâtiront le plus de ces désengagements de l'Etat.
Enfin, vous avez revendiqué une rentrée scolaire « techniquement réussie », mais cette rentrée fut en réalité celle de la communauté éducative, qui a su faire passer son sens des responsabilités et l'amour de son métier au-dessus de la colère et de la rancoeur qui continuent à l'animer.
La part du budget consacrée à l'éducation ne cesse de baisser en euros constants comme en pourcentage de produit intérieur brut, à l'inverse de celle des ménages et des collectivités territoriales. Elle atteint seulement 3,3 % en 2004 : on est loin de 6,9 % des dépenses totales d'éducation. Or, vous le savez, seules les dépenses effectives de l'Etat garantissent des droits égalitaires sur l'ensemble du territoire.
Votre budget n'est pas uniquement mauvais du fait de la diminution des moyens, il traduit aussi la politique de démantèlement du service public que vous maintenez, malgré les luttes du printemps dernier. Déjà, avec le vote du texte sur les responsabilités locales, vous avez percé une première et importante brèche dans l'unicité des équipes éducatives, en sortant de l'éducation nationale les médecins scolaires et les personnels techniciens ouvriers et de service.
Le report important d'une partie des dépenses vers les collectivités territoriales et la mise en application de la loi organique relative aux lois de finances dans deux académies, sans débat véritable, est le signe annonciateur d'une nouvelle étape de la décentralisation inconsidérée du Gouvernement et du démantèlement des services publics.
La présentation même de ce budget est source d'inquiétudes : pourquoi fournir autant de données ou de statistiques si ce n'est pour mettre en place la « culture du résultat » ? Or ceci est inacceptable lorsqu'il s'agit de l'éducation de nos jeunes.
L'école est la clé du développement économique et social, elle détermine l'avenir et la prospérité de la nation. Elle mérite qu'on lui donne tous les moyens nécessaires à sa mission et ne doit pas répondre à une logique d'entreprise.
M. René-Pierre Signé. Elle a raison !
Mme Annie David. Elle a besoin de moyens, d'ambitions, de démocratisation, de transformation. La commission Thélot semblait incarner ces ambitions, mais votre budget mensonger (M. le rapporteur spécial s'exclame), loin de symboliser une quelconque ambition, augure mal de l'efficacité de cette commission.
Ma question est simple, monsieur le ministre : on sait que la France aura un besoin impérieux de travailleurs hautement qualifiés, n'est-il pas temps de percevoir l'éducation nationale, service public de l'Etat, non pas comme un coût que l'on doit à tout prix diminuer, mais comme un investissement à long terme ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Luc Ferry, ministre. Madame David, je sais que c'est un passage obligé pour vous que de faire ce catalogue de critiques auquel, je pense, vous ne croyez pas vous-même. (Oh si ! sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. René-Pierre Signé. Elle a le sérum de vérité !
M. Luc Ferry, ministre. Il est tout de même difficile de dire d'un budget qui augmente de 2,8 % qu'il est en diminution. Examinons-le honnêtement : même en déduisant les augmentations mécaniques que nous connaissons, vous comme moi, ainsi que la prise en charge intégrale des assistants d'éducation, l'augmentation demeure.
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas une façon de répondre !
M. Luc Ferry, ministre. Je vais vous expliquer précisément en quoi votre raisonnement, qui a d'ailleurs été élaboré dans un tract de la FSU, la fédération syndicale unitaire, puis repris par vos collègues de l'Assemblée nationale, ne tient pas la route.
M. Jean-Marc Todeschini. Quel amalgame !
M. Luc Ferry, ministre. D'un côté, vous enlevez l'effet en année pleine des hausses de l'année antérieure et, de l'autre, vous n'ajoutez que l'effet en tiers d'année des mesures inscrites dans le projet de loi de finances pour 2004. C'est cette argumentation, totalement fallacieuse, qui permet de dire que le budget est en trompe-l'oeil et qu'il n'augmente pas véritablement. Or il augmente évidemment de 2,8 %. Je le répète, même en retirant les augmentations mécaniques, il continue malgré tout d'augmenter.
M. René-Pierre Signé. Et l'inflation ?
Mme Hélène Luc. Sans compter les gels de crédits qui peuvent être décidés, comme l'année dernière !
M. Luc Ferry, ministre. Dans la situation actuelle, ce n'est pas si mal ; cette augmentation marque à tout le moins que le Gouvernement accorde une priorité à cet engagement dans l'éducation nationale.
Vous avez évoqué mille choses, je répondrai sur la question des assistants d'éducation, qui me semble particulièrement importante.
Dès l'année dernière, j'ai reçu de la part d'élus du parti communiste, tant de l'Assemblée nationale que du Sénat, plusieurs demandes, d'ailleurs parfaitement légitimes, pour savoir quand j'envisageais de mettre en place les indemnités de chômage. Or vous savez parfaitement que mon prédécesseur avait tout simplement « oublié » de prévoir les indemnités de chômage des emplois-jeunes en fin de contrat.
M. Pierre Martin, rapporteur pour avis. Il faut le dire !
M. Luc Ferry, ministre. Il a été obligé de téléphoner aux services du ministère pour s'assurer que ce serait fait ! Or cette mesure, inscrite dans le projet de loi de finances pour 2004, coûte 100 millions d'euros ! Franchement, s'il y a un sujet sur lequel le gouvernement précédent a été mauvais, et même archimauvais, c'est bien celui-là ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Hélène Luc. Et les enfants qui ne réussissent pas à l'école ?
M. Luc Ferry, ministre. Alors, une certaine décence voudrait que l'on n'évoque pas trop ce problème ! Vous aviez cinq ans pour prévoir l'avenir des emplois-jeunes.
M. René-Pierre Signé. Vous n'aurez pas cinq ans !
M. Luc Ferry, ministre. Vous pouviez soit les titulariser, soit prévoir leur départ, soit financer leurs indemnités de chômage : rien n'a été fait !
M. Pierre Martin, rapporteur pour avis. Tout à fait !
M. Luc Ferry, ministre. Nous aurons mis en place 20 000 assistants d'éducation d'ici au moins de janvier ; 13 000 postes sont prévus dans le projet de loi de finances pour 2004. C'est dire, je le maintiens, que tous les surveillants seront remplacés, un pour un, et qu'environ un tiers des aides-éducateurs non surveillants sera remplacé.
Il « manquera », si je puis dire, 10 000 jeunes adultes dans les établissements, mais ce déficit sera en grande partie compensé par la possibilité de cumuler un emploi à mi-temps avec des bourses attribuées sur critères sociaux, ainsi que par l'extension, que vous avez combattue, de la durée du service des assistants d'éducation par rapport à celui des surveillants.
Mme Annie David. Les étudiants sont aussi moins disponibles pour suivre leurs études !
M. Luc Ferry, ministre. C'est précisément ce qui permettra, à terme, une présence de jeunes adultes dans les établissements équivalente à celle des emplois-jeunes. Ces derniers relevaient de dispositifs de droit privé qui étaient calamiteux, tout le monde l'a reconnu, auxquels les syndicats eux-mêmes s'étaient opposés.
Par conséquent, sur ce sujet, la décence voudrait que l'on s'abstienne de critiquer l'action de l'actuel gouvernement ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Serge Lagauche. Pas de leçon de morale !
M. le président. La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. M. le ministre n'a absolument pas répondu à ma question, qui était simple. Elle portait sur l'éducation nationale, service public de l'Etat, qu'il convenait de considérer non pas comme un coût mais comme un investissement à long terme.
Monsieur le ministre, le monde de l'éducation n'adhère pas à votre politique, malgré tout ce que vous pouvez nous dire. Il l'a rejetée sans ambiguïté lors des luttes du printemps dernier, comme le font aujourd'hui les étudiants. Et ce ne sont pas les quelques concessions que vous avez faites qui vont apaiser cette situation, parce que votre projet de budget, malgré ce que vous voulez bien nous en dire, affirme et renforce les choix gouvernementaux en matière d'éducation.
M. Luc Ferry, ministre. Heureusement, cela me paraît relever de la plus élémentaire logique ! (Sourires.)
Mme Annie David. Je peux vous en rappeler les grandes lignes, au cas où elles vous auraient échappé : une part plus grande laissée à l'échelon local avec la décentralisation, la précarisation encore aggravée de l'emploi, l'affaiblissement de la formation, la diminution des subventions attribuées aux actions et à la recherche pédagogique.
M. Jean-Louis Carrère. Faites un peu de pédagogie, cela fait du bien !
Mme Annie David. Le système éducatif a vraiment besoin de moyens humains, de moyens pédagogiques, de recherche et de formation ; il a besoin d'une politique volontaire, ambitieuse et même visionnaire. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
J'évoquerai, par exemple, un thème qui n'est jamais abordé dans le grand débat sur l'école : la gratuité. Pourtant, l'école doit offrir les mêmes chances à tous, quels que soient leur lieu de résidence et leurs origines sociales, elle doit permettre à tous de développer leurs talents, elle doit s'attaquer à l'échec des enfants. Enfin, l'éducation nationale doit rester un service public.
La commission Thélot avait ces ambitions et devait même les actualiser. Il s'agit pour nous, non pas de former dans un même moule tous les jeunes, mais bien d'ouvrir sur une culture commune de base permettant un réel choix d'orientation - l'orientation vers l'enseignement professionnel et technique en fait partie -, qui débouche sur une formation citoyenne et, pourquoi pas, mondiale.
Monsieur le ministre, nous n'avons pas été satisfaits de votre réponse et nous ne voterons pas votre budget. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La paroles est à M. André Vallet.
M. André Vallet. Monsieur le ministre, je voulais tout d'abord saluer, au nom de la majorité du groupe du RDSE, votre volonté d'interrompre la dégradation du système scolaire de notre pays. (Bravo ! sur certaines travées de l'UMP.)
Vous avez eu la volonté d'ouvrir un débat national sur l'avenir de l'école. Vous ne voulez plus que l'éducation soit un sujet tabou dans notre pays. Vous avez voulu définir une nouvelle ambition pour l'école. Vous avez refusé l'école éclatée, vous refusez le nivellement et l'égalitarisme. Ce sont des objectifs qui sont les nôtres et la majorité de notre groupe votera le budget que vous nous présentez.
Nous apprécions, sans renoncer à l'ambition méritocratique, sans revenir sur l'objectif d'ouvrir l'école au plus grand nombre, que vous ouvriez de nouvelles pistes, que vous conjuguiez la formation de tous avec l'indispensable formation d'une élite, que vous permettiez aux individus de s'élever dans la hiérarchie nécessaire sans pour autant abandonner quiconque aux marges de la réussite.
Fonder ses hiérarchies sur le mérite et le talent, non sur la naissance et la fortune, voilà ce qui a fait la renommée de notre conception républicaine de l'école ; cela doit en rester le principe. L'école ne doit plus être le nivellement par l'égalitarisme ; la préparation à l'entrée dans la vie ne doit pas être synonyme de fermeture des portes de l'espoir.
Je souhaite que le service public d'éducation soit maintenu dans ses grandes lignes actuelles. Je sais - et il faut également le dire - qu'il fonctionne plutôt moins mal en France que dans les autres pays de développement comparable.
Ce n'est pas pour autant, monsieur le ministre, qu'il faut écouter ceux qui demandent toujours plus d'efforts financiers sans jamais reconnaître ni que l'effort de la nation est considérable...
M. Christian Demuynck. Très bien !
M. André Vallet. ... - près de 200 millions d'euros chaque jour - ni les échecs du système, car il en existe.
J'évoquerai le niveau d'illettrisme en hausse à l'entrée au collège, et j'aimerais à ce sujet, monsieur le ministre, que vous nous communiquiez des chiffres précis ; le taux toujours plus élevé de sortie du système scolaire sans qualification ; le mépris des entreprises pour l'enseignement professionnel sur lequel je souhaiterais vous entendre ; la diminution de la part des enfants socialement défavorisés dans les grandes écoles ; l'augmentation dans les établissements scolaires de ce que l'on appelle pudiquement des « incivilités » et qui sont en réalité des délits. Au-delà des affaires qui marquent l'opinion publique, il serait intéressant, monsieur le ministre, que vous nous livriez les statistiques relatives à ces incivilités.
L'urgence, c'est non pas de donner toujours plus, mais d'utiliser autrement et mieux le potentiel des moyens et des compétences de l'éducation nationale. (M. Jean-Louis Carrère s'exclame.)
L'amélioration du service public d'éducation passe incontestablement par l'instauration d'une nouvelle dynamique au sein même des établissements. Vous l'avez évoqué tout à l'heure, monsieur le ministre, pour dire que c'était la réforme des réformes. Vous avez mentionné l'autonomie administrative et pédagogique des établissements. C'est un sujet qui revient très souvent, sans que jamais n'intervienne de véritable avancée dans ce domaine. Vous avez dit vouloir attendre le grand débat sur l'éducation. Il faut, au contraire, se presser : on ne peut plus attendre et l'autonomie des établissements devient une urgence pour le ministère que vous dirigez.
Votre budget va dans le sens que nous souhaitons : placer l'école au coeur de la République, en faire la clé de la réussite personnelle et professionnelle et le creuset de la cohésion sociale. C'est la raison pour laquelle nous voterons votre budget. Mais, auparavant, j'émettrai un certain nombre de souhaits importants.
Un débat sur l'éducation va avoir lieu ; il sera poursuivi au Parlement. Je souhaite que, chaque année, avant l'examen du budget de l'éducation nationale, il puisse y avoir, au sein des assemblées, un débat d'orientation sur l'éducation nationale. J'aimerais connaître votre point de vue à cet égard, monsieur le ministre.
Ensuite, s'agissant des équipements technologiques des établissements scolaires, vous avez évoqué le nombre d'ordinateurs par élève dans notre pays. Je tiens à vous faire remarquer qu'un certain nombre de disparités existent. En effet, les départements et les communes riches parviennent à équiper beaucoup mieux leurs élèves que ceux qui connaissent des difficultés budgétaires. Comment comptez-vous corriger ces disparités pour permettre aux élèves, quelle que soit leur situation géographique, d'obtenir les mêmes soutiens du pays ?
Enfin, la bivalence voire la polyvalence des professeurs dans les collèges sont évoquées depuis très longtemps, mais aucune avancée n'a jamais été constatée dans ce domaine. Il est temps aujourd'hui, monsieur le ministre, compte tenu de ce que vous nous avez dit sur les langues étrangères en particulier, que ce système soit mis en place très rapidement dans l'éducation nationale, notamment au collège. (M. Jacques Pelletier applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Luc Ferry, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez posé de multiples questions. J'évoquerai brièvement l'ensemble des sujets que vous avez abordés, si vous me le permettez.
Vous me demandez de vous communiquer les chiffres sur l'illettrisme, la violence ou les incivilités qui nous sont signalées, mais aussi, plus généralement, sur l'échec scolaire.
En ce qui concerne l'illettrisme, on s'accorde à dire qu'environ 15 % des enfants qui entrent en classe de sixième ne maîtrisent pas véritablement les compétences de base en matière de lecture et d'écriture ou sont, comme l'on dit pudiquement, « en grande difficulté ». Vous pouvez probablement multiplier ce chiffre par deux si vous y ajoutez celui des enfants qui savent déchiffrer un texte, mais qui peinent considérablement à en percevoir le sens. C'est un phénomène qui doit également être pris en compte.
En ce qui concerne les sorties du système éducatif sans diplôme ou sans qualification, le chiffre est clairement avéré : l'année dernière, on en a compté 161 000. Ce chiffre englobe les sorties sans qualification - sortie de CAP en cours de route - et les sorties sans diplôme autre que le brevet des collèges ou le certificat d'études.
S'agissant des incivilités, l'année dernière, elles s'élevaient à d'environ 86 000. Nous enregistrons une régression assez considérable cette année puisque ce chiffre a baissé de 10 000 à 12 000. Cela signifie qu'une politique d'autorité peut parfois aussi, dans ce domaine, donner de bons résultats, même si ceux-ci demeurent insuffisants, car 72 000 incidents graves ont encore été signalés cette année. Il ne faut donc pas, c'est le moins qu'on puisse dire, baisser la garde.
Il est un point sur lequel je me permettrai d'apporter un bémol à vos propos. Je ne pense pas que l'on puisse dire que l'on constate un véritable mépris des entreprises envers les lycées professionnels. Si cela a pu être vrai par le passé, les choses ont beaucoup changé. J'ai signé, tout au long de l'année, des conventions avec les entreprises pour leur permettre, précisément, d'accueillir des élèves en stage, lesquels avaient notamment un baccalauréat professionnel. Cela a été le cas, par exemple, avec PSA Peugeot Citroën. Je crois que les entreprises reconnaissent aujourd'hui, grâce à l'effort consenti par les régions en terme d'équipement, que la qualité des lycées professionnels s'est nettement améliorée depuis vingt ans. A l'heure actuelle, ils sont tout à fait capables de fournir une formation adaptée aux exigences des entreprises.
Je ne reviendrai pas sur l'autonomie des établissements, puisque j'ai déja eu l'occasion de répondre à cette question.
S'agissant du débat d'orientation au Parlement, je souhaite, évidemment, qu'il ait lieu, mais c'est aux parlementaires de fixer la date qui leur convient. Il me paraît en effet souhaitable que les élus et les parlementaires s'investissent sur le terrain, mais aussi qu'un débat ait lieu au Parlement à un moment ou à un autre. Je me tiens évidemment à votre disposition pour vous fournir les outils nécessaires à l'organisation de ce débat. mais, encore une fois, il ne m'appartient pas d'en fixer la date.
M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits consacrés à la jeunesse et à la vie associative s'élèveront, en 2004, à 142,4 millions d'euros, contre 142,9 millions d'euros en 2003. Les moyens financiers alloués à la jeunesse accuseraient donc une baisse de 0,3 %.
Il me semble cependant qu'à titre liminaire une ambiguïté mérite d'être levée.
Vous avez, monsieur le ministre, par le biais de l'article 22 du présent projet de loi de finances, procédé à la budgétisation du compte d'affectation spéciale « fonds national pour le développement de la vie associative ». La conséquence directe de la clôture de ce compte et du transfert financier des recettes qui l'alimentaient est l'inscription de 8,2 millions d'euros au titre des crédits consacrés à la jeunesse de notre pays.
Le montant total des crédits que vous consacriez, en 2003, à la jeunesse et au monde associatif s'élevait à 151 millions d'euros. L'enveloppe budgétaire qui leur est cette année dévolue accuse donc une baisse effective de près de 6 %, et non de 0,3 %. Les chiffres, monsieur le ministre, parlent d'eux-mêmes.
Bien entendu, les rapporteurs de la commission des affaires culturelles et de la commission des finances du Sénat ont fait de leur mieux pour mettre en exergue un certain nombre de mesures nouvelles en faveur de la politique de la jeunesse que vous nous proposez.
Ainsi, vous avez, monsieur le ministre, pérennisé et renforcé les opérations « Envie d'agir » et « Défis jeunes », cette dernière bénéficiant de l'inscription au projet de budget pour 2004 d'une mesure nouvelle de 500 000 euros, qui devrait permettre l'attribution de cent cinquante bourses supplémentaires.
Vous avez par ailleurs augmenté de 7,3 millions d'euros les crédits de fonctionnement de l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire, la globalité des moyens financiers consacrés au fonctionnement de la jeunesse enregistrant une hausse de 17 %.
Naturellement, monsieur le ministre, ces mesures susciteraient ma pleine satisfaction s'il ne s'agissait pas, selon l'expression consacrée, de l'arbre qui cache la forêt.
En créant le « réseau information jeunesse », le précédent gouvernement a mené avec succès une grande campagne d'installation de points « Cyb espaces jeunes numériques », mettant ainsi à la disposition de notre jeunesse une information actualisée dans les domaines les concernant grâce aux nouvelles technologies de l'information et de la communication.
Or, depuis l'année dernière, votre ministère ne délègue plus de crédits pour la labellisation de nouvelles bornes Internet et la ligne « information de la jeunesse » disparaît en 2004 de votre budget.
De la même manière, en dépit du succès rencontré par les contrats éducatifs locaux, dont plus de deux millions d'enfants et de jeunes ont d'ores et déjà bénéficié, les crédits inscrits pour 2004 diminuent de 5,7 millions d'euros, ceux qui sont consacrés à la formation des animateurs chutent de 17 %, sans compter les actions partenariales pour les initiatives, les loisirs, l'insertion et les échanges des jeunes, dont les moyens sont réduits de près de 6 millions d'euros.
Ces chiffres sont éloquents et témoignent, monsieur le ministre, des carences de votre politique pour soutenir les points d'ancrage de notre société que sont la jeunesse et l'éducation populaire.
La situation financière que vous réservez au monde associatif est tout aussi inquiétante.
Alors que le précédent gouvernement avait pris toute la mesure du rôle fondamental pour notre société joué par le tissu associatif, vous vous livrez à une remise en cause substantielle de l'engagement bénévole et de l'aide au développement de l'éducation populaire.
En 2003, vous annonciez la création de soixante postes FONJEP, mais vous avez en fait gelé les crédits d'une centaine de postes de ce type et réduit de 150 euros votre participation à leur financement. Dès lors, que deviendront les quarante nouveaux postes que vous nous annoncez pour 2004 ?
Je vous poserai deux questions précises, monsieur le ministre.
Quelles solutions proposez-vous pour maintenir le niveau des rémunérations des postes FONJEP ?
Dans la même optique, je vous serais reconnaissant si vous pouviez exposer à la représentation nationale les garanties que vous comptez mettre en oeuvre pour éviter de voir se reproduire la situation de l'an passé, à savoir le gel budgétaire, en cours d'année, de nombreux crédits consacrés aux postes FONJEP. Pouvez-vous également nous parler des contrats CIVIS ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Luc Ferry, ministre. Monsieur Lagauche, je vous répondrai précisément, et je crois avec honnêteté, sur les trois points principaux que vous avez soulevés - vous allez comprendre pourquoi je dis « avec honnêteté ».
Il est clair que, sur la question du FNDVA, votre analyse est juste. Je ne prétends pas le contraire. C'est un effet de la régulation budgétaire exercée l'année dernière. Mais, pour les raisons que j'ai indiquées, et sur lesquelles je reviendrai dans un instant, cette régulation n'aura pas lieu cette année.
En revanche, s'agissant des crédits affectés plus précisément aux points « Cyb espaces jeunes numériques », votre analyse n'est pas correcte, car ces crédits n'ont pas du tout été supprimés : ils figurent simplement sur une autre ligne ; ils sont fondus avec l'ensemble des crédits d'aide aux associations et de partenariat avec les associations.
Enfin, s'agissant des postes FONGEP, vous avez à nouveau raison pour ce qui est de l'année dernière : c'est un effet de la régulation budgétaire. Mais, cette année, nous revenons au même niveau que l'an dernier.
Il n'y aura pas de régulation budgétaire pour la raison que j'indiquais tout à l'heure : comme nous avons travaillé par redéploiement, notamment de l'enseignement scolaire vers l'enseignement supérieur, en échange, mon collègue Alain Lambert s'est engagé publiquement et par écrit à ce que n'intervienne pas de régulation budgétaire l'année prochaine sur l'enseignement scolaire, donc sur les crédits de la jeunesse, puisqu'ils sont maintenant fondus avec ceux de l'enseignement scolaire. Cela nous permet de retrouver le niveau très élevé qui avait été atteint par les crédits de la jeunesse au cours des trois ou quatre dernières années et d'avoir la garantie que, cette année, il n'y aura pas de gel ou de régulation budgétaires.
La situation n'est donc pas mauvaise, et je crois que nous avons, pour ce qui est de la jeunesse, un très bon budget, à hauteur de ceux des trois ou quatre années précédentes, à epsilon près.
M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche. Vous ne m'avez pas convaincu, monsieur le ministre. Les crédits qui seront consacrés à la jeunesse et à la vie associative sont en baisse. Votre budget pêche par un manque cruel d'ambition, et ce sont malheureusement les collectivités locales qui devront supporter le désengagement de l'Etat pour soutenir et accompagner la jeunesse de notre pays. Autrement, ce seront les jeunes les plus défavorisés, c'est-à-dire ceux vers lesquels vous devriez vous tourner en priorité, qui seront les premières victimes.
Vous ouvrez un débat national sur l'avenir de l'école et, vous adressant aux participants, vous écrivez : « c'est une chance unique de faire entendre votre voix sur ce sujet crucial entre tous pour l'avenir de notre jeunesse et de notre pays ».
Peut-on y croire ? Car, pour l'instant, les très nombreuses voix qui se sont élevées contre votre politique incertaine, hésitante et contradictoire, hormis les coupes claires budgétaires qui, elles, sont sans équivoque, n'ont guère été entendues et c'est avec une grande inquiétude que nous attendons votre projet de loi pour l'automne 2004. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Martin.
M. Pierre Martin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'intérêt constant que je porte à l'enseignement primaire, et qui s'explique par une carrière professionnelle consacrée à exercer le métier de maître d'école, d'instituteur - un sacerdoce pour beaucoup - et mon attachement certain à l'éducation nationale, me donnent, dans le cadre de la présentation du budget de l'enseignement scolaire pour 2004, l'occasion de m'interroger sur l'une de vos priorités, dont vous avez fait un sujet essentiel, monsieur le ministre : la lutte contre l'illettrisme.
En septembre 2003, 6 568 000 enfants sont entrés en maternelle ou en classe élémentaire. Selon l'avis des experts, c'est à ce stade que se situe la genèse du succès d'un cursus scolaire ou celle de son échec.
Je ne peux pas me résoudre à accepter, conformément aux statistiques actuelles, que 10 % d'entre eux ne sauront ou ne pourront maîtriser les compétences les plus élémentaires à la compréhension de l'écrit à leur entrée au CE 2. Je ne peux pas davantage me résoudre à leur entrée en 6e, 15 % d'entre eux apparaîtront en difficulté, et, parmi ceux-ci, 3 % présenteront des lacunes quasi générales dans tous les domaines de la lecture, alors que 12 % éprouveront des difficultés graves dues à leur extrême lenteur dans l'exécution des tâches ou parce qu'ils n'auront acquis que partiellement les connaissances de base.
Les auteurs du rapport du Haut conseil de l'évaluation de l'école estiment que le noyau dur des élèves et des jeunes en difficulté se constitue très tôt et que le redoublement du CP ou du CE 1 est une mesure qui se révèle, certes, insuffisante, mais nécessaire pour leur permettre de surmonter leurs difficultés.
Suit alors le constat qui nous apprend que les redoublants du CP, et, dans une moindre mesure, ceux du CE 1, comptent encore parmi les 20 % des élèves les plus en difficulté, ceux qui, à l'entrée au collège, n'auront pas acquis les savoirs fondamentaux, ceux qui - je cite Alain Bentolila - « à force de se sentir importuns, revendiqueront ensemble les attributs de l'échec plutôt que de les subir ».
Ne laissons pas cette sous-population scolaire qui n'a plus le goût d'apprendre être en proie au dégoût d'apprendre.
Faute d'avoir appris à défricher - excusez l'expression, car c'est plutôt un terme d'agriculteur que d'instituteur -, à comprendre un texte littéraire ou mathématique, ils seront démunis et se verront contraints d'opter par défaut pour une formation professionnelle qu'ils subiront, dans le meilleur des cas, laissant aux autres la possibilité de choisir leur orientation professionnelle en adéquation avec leur désir de découvrir et leur capacité à l'exercer.
Cependant, l'effort national en faveur de l'école primaire n'a cessé de progresser. Ainsi, la dépense unitaire d'un élève du premier degré est passée de 2 270 euros à 4 460 euros ces vingt-cinq dernières années, ce qui représente 96 % d'augmentation en francs constants, sans jamais parvenir aux résultats escomptés.
Accepter cette fatalité de complaisance ne correspond en rien aux exigences et aux buts que s'est donnés l'école de notre République.
Votre volonté politique et le projet de budget qui nous est soumis aujourd'hui tendent à démontrer que l'attitude qui consiste à tout juger à l'aune des moyens n'est plus d'actualité.
Faire mieux, grâce à une véritable mutation structurelle, c'est le cap que le Gouvernement et vous-même, monsieur le ministre, vous êtes fixé pour l'école. Les mesures que vous avez mises en place pour lutter contre l'illettrisme traduisent votre détermination.
Je rappelle quelles sont ces mesures pédagogiques : un programme de deux heures à deux heures trente de lecture et d'écriture par jour en primaire - c'était le cas il y a quelques décennies - et l'introduction de la littérature pour transmettre aux élèves des repères culturels, mais aussi pour les sensibiliser à travers elle aux expériences humaines et aux manières de les exprimer.
Vous avez également créé des outils. Le livret « Lire au CP » et des méthodes d'évaluation ont été mis à la disposition des maîtres du cycle 2, soit la grande section de maternelle, du CP et du CE 1.
Vous avez instauré des cours préparatoires à effectifs réduits, des CP renforcés par un maître supplémentaire ou par un assistant d'éducation dans les secteurs géographiques difficiles accueillant des élèves fragilisés par leur origine sociale et/ou leur âge.
D'importants moyens sont donc mobilisés. Bien qu'il soit encore trop tôt pour connaître les résultats significatifs de cette expérience, certains dispositifs vous permettent-ils déjà, monsieur le ministre, d'en tirer quelques conclusions ?
Dans le cadre budgétaire qui est imparti à l'école élémentaire, pouvez-vous nous dire quelles actions vous pensez mettre en oeuvre pour élargir et prolonger cette opération dans l'avenir ?
Enfin, la lutte contre l'illettrisme, c'est aussi le combat des maîtres ; ce n'est pas uniquement le débat sur les méthodes. Prend-on suffisamment en compte à l'institut universitaire de formation des maîtres l'apprentissage de la transmission des savoirs fondamentaux ? Et l'enseignement qui y est dispensé aujourd'hui est-il réellement adapté à cette mission essentielle ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Luc Ferry, ministre. Vous m'avez interrogé sur l'action que nous conduisons contre l'illettrisme, ou, plus exactement, pour la prévention de l'illettrisme. On ne saurait en effet parler d'illettrisme s'agissant du cours préparatoire, bien que les maîtresses de cours préparatoire, - « maîtresses », parce que ce sont souvent des femmes - repèrent les difficultés très tôt. Il y a, en ce sens, comme une viscosité, au sens physique du terme, de l'échec scolaire qui peut, hélas ! être constaté très tôt et auquel on a beaucoup de difficultés à remédier.
L'action que nous conduisons consiste, pour l'essentiel, à dédoubler les classes de cours préparatoire dans les écoles qui cumulent le plus grand nombre de handicaps.
L'expérimentation menée l'année dernière a donné un certain nombre de résultats intéressants. Cela étant, tout dépend de la pédagogie adoptée dans ces classes-là, car le dédoublement en lui-même n'est pas une panacée ; il permet de pratiquer une pédagogie différente, que l'on ne peut pas pratiquer en groupes entiers, c'est-à-dire une pédagogie qui associe immédiatement le remède au repérage des difficultés. Cela ne peut pas être fait avec un groupe de vingt-cinq élèves, ou, en tout cas, pas dans les conditions idéales réunies avec un groupe de douze élèves.
Nous allons mettre en place un livret du CP dédoublé ou renforcé, comme nous l'avons fait au début de l'année dernière pour le CP, car cette initative a été très bien accueillie par les enseignants. Ce livret rendra compte de l'expérimentation menée l'année dernière et valorisera les bonnes pratiques constatées dans les classes dédoublées, notamment dans celles qui ont obtenu d'excellents résultats.
Un certain nombre de propositions nous sont transmises par les professeurs des écoles qui ont participé à cette expérimentation. L'une d'entre elles me paraît très intéressante : il s'agirait de ne dédoubler la classe de CP que le matin et d'étendre l'expérience au CE 1 pour accompagner cet effort sur deux années. Nous dresserons un bilan en fin d'année et cette proposition se retrouvera probablement dans nos recommandations visant à donner à cette expérimentation sur le dédoublement des CP toute son ampleur. Cela concerne, tout de même, 70 000 élèves, soit un effectif significatif.
Quant au redoublement à l'identique, il ne sert à rien, nous le savons bien ; le redoublement précoce, du CP ou du CE 1, n'est utile, lui, que dans certains cas. Je souhaiterais, pour cette année, non pas une augmentation des taux de redoublement, qui sont déjà relativement élevés, mais, plutôt, un délicat ciblage des cas dans lesquels le redoublement est utile.
Monsieur le sénateur, je suis prêt à vous recevoir quand vous le souhaiterez pour que nous avancions sur ce sujet qui me paraît très important.
M. le président. La parole est à M. Pierre Martin.
M. Pierre Martin. Je remercie M. le ministre de sa réponse et de l'intérêt qu'elle manifeste pour l'apprentissage de la lecture, essentiel sous ses deux aspects de prévention et de lutte contre l'illettrisme.
Je relève dans cette réponse un élément important, à savoir le ciblage des bons candidats au redoublement. En effet, les enfants sont différents, il faut donc personnaliser les réponses, les adapter.
Je fais toute confiance à M. le ministre pour qu'il en aille ainsi dans les années à venir, dans l'intérêt de nos enfants.
M. François Trucy. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Je dois d'abord regretter que, sous prétexte de tonicité, on émiette ainsi le débat budgétaire, ce qui ne permet pas de véritables échanges d'idées sur l'ensemble.
Mme Hélène Luc. C'est vrai !
M. Ivan Renar. Monsieur le ministre, le projet de budget que vous défendez n'est pas bon, pour les raisons qui ont été évoquées voilà un instant par notre collègue Mme Annie David.
On peut indéniablement affirmer - et je le regrette -, que l'éducation nationale ne relève pas des priorités du Gouvernement. Je considère qu'il s'agit là d'une grave erreur. L'idée du Gouvernement selon laquelle il ne serait pas utile de dépenser davantage, la France ayant une école qui coûte cher pour des résultats médiocres, nous paraît être une hérésie.
Il faut, au contraire, que la nation s'engage massivement tant sur le plan de la réflexion intellectuelle que sur la plan financier, en faveur de l'enseignement scolaire, qui, dans sa forme actuelle, peut, certes, être critiquable, mais qui, pour être amendé, ne peut et ne doit pas être considéré du seul point de vue comptable. Les pouvoirs publics se doivent de consacrer leurs efforts en faveur de la modernisation de l'école afin qu'à nouveau le succès scolaire soit synonyme de progrès social et personnel.
L'école doit être vécue non comme une dépense ou un mal nécessaire, mais comme de la valeur directe. Car nous parlons bien ici de l'avenir de nos enfants, et donc, de notre pays.
Alors même que débute l'examen critique de notre système éducatif, à travers le débat national auquel participent activement les enseignants et les personnels de l'éducation nationale eux-mêmes, il faut réaffirmer haut et fort que l'école demeure une institution fondamentale de notre système républicain, « une institution organique de la République », pour reprendre la formule de Jules Ferry, l'un des derniers bastions où sont encore enseignées et mises en pratique les valeurs essentielles que sont la liberté, l'égalité et la fraternité inscrites au fronton de nos établissements publics. On pourrait y ajouter le fameux « Il n'y a pas de liberté pour l'ignorant », de Condorcet.
Reste à savoir quelles sont désormais les ambitions de l'éducation nationale et à clarifier les missions qui lui incombent. S'agit-il de former des citoyens, de développer leur esprit critique, de leur permettre de se définir par rapport aux enjeux contemporains en leur offrant des clés de compréhension du monde actuel, préalable indispensable au libre choix d'une activité professionnelle dans laquelle ceux-ci pourront s'épanouir, autrement dit, pour reprendre une citation de Ferry - Jules ! -, « bien apprendre ce qu'il n'est pas permis d'ignorer » ? A contrario, l'école a-t-elle pour vocation première de former de simples agents économiques soumis à la loi des marchés, dont la profession dépendra avant tout des futurs besoins en main-d'oeuvre immédiate des entreprises ?
Monsieur le ministre, vous me répondrez que, sur ce point, nos concitoyens sont invités à se prononcer lors du débat national sur l'avenir de notre système éducatif. Nous participerons à ce débat dans le pays et dans cette enceinte. Nous pensons, en effet, qu'on ne s'interrogera jamais assez sur les rapports de notre société à la mixité sociale, à la construction de l'espace public, aux relations dans le travail, à la culture et aux connaissances et, bien entendu, à l'école. J'estime que ce fut une grande erreur de ne pas intégrer l'enseignement supérieur à ce débat.
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Ivan Renar. La jeunesse de ce pays a considéré cela comme un signe de mépris.
A force d'enseigner les savoirs comme des croyances à apprendre et non comme des aventures intérieures contradictoires, on tue à la fois le plaisir et l'esprit critique. En rester à cette logique ou, pis, l'accentuer, c'est à la fois former de piètres créatifs dans la vie professionnelle et des citoyens passifs. C'est à la fois abaisser l'efficacité du système éducatif, alimenter les inégalités socioculturelles et durcir la logique de l'échec.
Nous devons croire à « l'éducabilité » de tous et ne pas nous résigner au « darwinisme » scolaire professé par certains misanthropes.
Si l'école abandonnait cette finalité essentielle - former des esprits critiques et curieux, des citoyens actifs et vigilants -, alors le pays ne saurait relever ni les défis socioéconomiques modernes, ni ceux des formes démocratiques dont tout montre l'urgence. De la sorte, on ne préparerait chacun qu'à la soumission intellectuelle et pratique aux « experts », qui prétendent gouverner et court-circuiter la démocratie, tout en perpétuant une perméabilité aux irrationalités les plus fantasmagoriques, les idéologies les plus régressives et les intégrismes les plus menaçants.
Il ne s'agit pas de limiter les ambitions à établir « une culture pauvre pour pauvres quartiers » ; il s'agit de soigner non pas le pauvre dans l'homme, mais l'homme dans le pauvre, et donc de créer les bases pour une culture de notre temps et pour la culture pour tous.
Il paraît donc urgent de centrer le débat sur les finalités de l'école, y compris pour donner force politique, au sens noble du terme, à l'exigence légitime de nouveaux moyens, sans quoi les débats autour du système oscilleront entre le corporatisme des uns, l'ultralibéralisme des autres et, si j'ose dire, monsieur le ministre, les grandes envolées ministérielles coupées des réalités !
Le budget tel qu'il nous est présenté aujourd'hui préfigure - hélas ! - les conclusions de la grande consultation à laquelle sont invités l'ensemble de nos concitoyens.
Aussi, monsieur le ministre, me faut-il vous poser cette question : en fonction des éléments de réponse qui ressortiront du débat national, serez-vous prêt à revoir votre budget et, le cas échéant, vous engagerez-vous en faveur d'une augmentation significative du budget de la jeunesse et de l'enseignement scolaire pour l'année 2005 ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire. Cher Ivan Renar, vous savez comme moi que, dans les quinze dernières années, le budget de l'éducation nationale a doublé, que le nombre d'enseignants a augmenté de près de 25 % et que, dans le même temps, nous avons perdu 500 000 élèves. Pour autant, les performances, les résultats du système - les statistiques l'attestent - ne sont pas en si nette amélioration que cela ! Il y aurait même plutôt une stagnation.
M. Jean Chérioux. C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Jean-Louis Carrère. C'est un expert qui vous parle ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Xavier Darcos, ministre délégué. Nous ne regrettons pas l'effort que la nation consent, mais nous ne croyons pas que le quantitatif suffise à expliquer l'actuelle stagnation de nos résultats.
Je reviens sur les assistants d'éducation. Le projet de loi de finances pour 2004 en prévoit 13 000 nouveaux au 1er septembre 2004, soit 33 000 au total, si l'on y ajoute ceux qui étaient prévus à l'origine.
Comme nous l'avions dit, le dispositif monte en puissance avec un rythme compatible avec la situation budgétaire et avec les besoins.
M. Jean-Louis Carrère. Il monte en puissance lentement !
M. Xavier Darcos, ministre délégué. Monsieur Carrère, l'essentiel est qu'il soit efficace ! Vous savez ce qu'est la « poussée », vous qui êtes un homme du Sud-Ouest. (Sourires.)
L'attractivité de ce nouveau dispositif a été démontrée, puisque les 16 000 assistants d'éducation prévus à la rentrée dernière sont aujourd'hui en place et que les 4 000 asssistants nouveaux qui ont été annoncés en juillet dernier seront progressivement recrutés. Ainsi, à la fin de l'année, tous les postes devraient être pourvus.
Les moyens supplémentaires qui sont prévus dans le projet de loi de finances pour 2004 viennent se substituer, je le rappelle, un pour un, en ce qui concerne les maîtres d'internat-surveillants d'externat : lorsqu'un MI-SE s'en va, un assistant d'éducation arrive. Le remplacement est cependant partiel, je le reconnais, pour les emplois-jeunes qui partiront en cours d'année 2004. Il y aura donc bien une perte globale de 10 000 emplois-jeunes qui ne seront pas remplacés. Permettez-moi de vous le dire, monsieur Renar, ce n'est pas notre choix, c'est celui de ceux qui ont mis en place les emplois-jeunes. Ils devaient bien savoir que, dans les délais qu'ils avaient eux-mêmes fixés, ces emplois disparaîtraient.
Dois-je ajouter, d'ailleurs, que le coût du chômage des emplois-jeunes budgété dans le projet de loi de finances pour 2004 est de près de 100 millions d'euros, soit un coût à peu près équivalant à 12 000 assistants d'éducation en tiers d'année ?
A la fin de l'année 2004, il y aura ainsi 100 000 jeunes travaillant au sein de l'éducation nationale au titre de l'ensemble de ces dispositifs, ce qui représente 75 000 équivalents temps plein. Voyez que ces chiffres sont tout à fait acceptables.
Quant à la décentralisation, nous en avons beaucoup parlé, nous en avons aussi beaucoup entendu parler. Elle se met en place dans des conditions de garantie satisfaisantes pour les personnels, en particulier pour les ATOS, qui sont finalement les seuls concernés, ou quasiment : on leur promet un cadre d'emploi, et on offre le choix à ceux qui sont actuellement en poste. Ainsi, je pense que tous sont rassurés. D'une manière générale, les personnels, les établissements, le système éducatif et la gestion, bien conçue, de l'ensemble des politiques régionales en matière d'équipement, d'investissement, d'immobilier scolaire, permettront que tout cela fonctionne de manière convenable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Je suis toujours agréablement surpris du caractère disert de nos ministres et de la façon, de l'art, même, qu'ils ont de ne pas répondre aux questions posées ! Cela étant, je tiens tout de même à saluer la galanterie de M. Darcos, qui a répondu très aimablement à ma collègue Annie David sur la question des emplois-jeunes. (Sourires.) Je suis tout de même très insatisfait sur le fond - ou, plutôt, sur les fonds, puisque nous parlons du budget -, de la réponse du ministre.
Chaque fois que l'ouverture d'un grand débat ou le déclenchement d'un mouvement social placent le système de formation au coeur de l'actualité, on en voit qui discutent des moyens séparément des missions, et d'autres qui veulent parler de tout sauf des moyens ! Comme dirait frère Jean des Entommeures, les uns meurent sans parler, les autres parlent sans mourir ! Au point que la plupart finissent par se résigner aux pénuries génératrices d'inégalités croissantes, en même temps qu'à la pérennisation d'une logique scolaire génératrice de dominations élargies. Pourtant, ces diverses composantes d'un même problème pourraient et devraient s'articuler de façon organique, pour peu que l'on commence enfin par centrer la discussion sur les finalités de tout enseignement. Car, sous la question des moyens, gît l'enjeu de civilisation. Certes, la question des moyens demeure cruciale, à partir du moment où une logique budgétaire la réduit à une dépense.
Revenons à l'essentiel, l'espèce humaine, et je m'adresse ici au philosophe et au ministre. L'espèce humaine se distingue d'abord de toutes les autres par sa capacité plusieurs fois millénaire à créer et à produire, hors du corps des savoirs et des savoir-faire, une culture qui, loin de pouvoir être transmise génétiquement, suppose un apprentissage, une construction au singulier de la personnalité. C'est pourquoi rien n'est plus efficace, ni même « rentable » à long terme qu'un bon système éducatif et l'épanouissement permanent des individualités.
M. Jean Chérioux. A condition que les individus soient bons !
M. Ivan Renar. En même temps, cette efficacité n'est visible qu'à moyen et à long terme, et elle n'est pas rentable à court terme si l'on enserre ces notions dans leur acception étroitement financière.
C'est, me semble-t-il, le grand défaut de ce projet de budget. Vous comprendrez donc, monsieur le ministre, pourquoi le groupe communiste républicain et citoyen aura beaucoup de mal - et c'est une litote - à le voter. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le ministre, à l'heure où vous lancez un grand débat sur l'école et que nous examinons le volet « jeunesse et enseignement scolaire » du projet de loi de finances pour 2004, je me demande comment vous pouvez prétendre élever le niveau des connaissances sans consacrer à cette ambition les moyens indispensables.
En effet, derrière un projet de budget de l'enseignement scolaire et de la jeunesse qui se dit en hausse de 2,8 %, se cache un budget qui hypothèque l'avenir. Oui, comme l'a dit Mme David, ces 2,8 %, véritable trompe-l'oeil, sont simplement le résultat des augmentations mécaniques liées à celles des traitements et des pensions.
Nous savons tous, monsieur le ministre, ce qu'est selon vous un « bon budget ». Nous savons que, pour vous, « il ne se mesure pas au fait qu'il augmente, mais au fait qu'il soutient des priorités ».
Certes ! Mais quelles sont les réelles priorités de ce gouvernement ? Vous ne semblez guère afficher l'ambition d'une véritable politique éducative. Pourquoi ?
Votre tâche est devenue, monsieur le ministre, celle d'un comptable qui n'a comme seul souci que de réparer, par de petites économies, les mauvais choix de son directeur général !
Ce propos n'est pas gratuit, il est justifié.
Je prendrai pour exemple la santé scolaire.
En février 2003, vous annonciez un plan sans précédent. Quelle est la réalité de ce budget ? Aucune création de poste, ni d'infirmière, ni d'assistante sociale, ni de médecin scolaire, alors que les retards sont considérables. Et cela va être amplifié avec les nouvelles lois de décentralisation : les départements les plus riches pourront créer les postes nécessaires, mais les plus pauvres devront, pour répondre aux besoins et à la demande de leur population, augmenter fortement les impôt locaux.
Cet exemple n'est malheureusement pas le seul et beaucoup de points noirs apparaissent dans le budget de l'éducation.
Vous pénalisez ainsi tout notre système scolaire.
Avec ce budget, monsieur le ministre, vous êtes devenu l'auteur d'un véritable « plan social pour l'école ». Or l'école n'a pas de prix. Elle n'a pas pour seule vocation la transmission du savoir ; elle s'inscrit dans une démarche globale autour d'une équipe éducative complète et, face aux problèmes de société qui l'envahissent, la présence dans les établissements d'enseignants, d'adultes formés est indispensable.
Vos choix s'éloignent de ces conceptions, si bien qu'il devient légitime de vous poser la question suivante : quelle politique, monsieur le ministre, mettez-vous en oeuvre au niveau du personnel de l'éducation nationale ?
A cette question, nous attendons tous une réponse claire. Nous n'accepterons pas de simples déclarations.
En effet, ce sont 1 100 postes d'administratifs qui vont être supprimés dans les rectorats, qui en comptent actuellement 18 000.
Ce sont, certes, 1 500 postes dans le primaire qui seront créés, mais ils ne suffiront pas à accueillir les 55 000 élèves supplémentaires.
Ce sont 1 500 suppressions de postes d'enseignant dans le secondaire ; ce sont 2 400 postes de professeur stagiaire qui connaîtront le même sort.
Déjà, cette année, le refus d'ouvrir des listes complémentaires se traduit par l'entrée dans les IUFM de 14 500 stagiaires seulement, alors que 18 000 postes étaient mis aux concours. Pour mémoire, 16 800 départs à la retraite sont prévus pour 2004 dans l'audit gouvernemental de décembre 2002. Cette annonce est un signal désastreux en direction des jeunes, qui sont ainsi découragés d'aller vers les carrières de l'enseignement au même moment où l'OCDE alerte sur le risque d'une grave pénurie d'enseignants.
Votre politique, c'est aussi la disparition rapide des MI-SE : 9 000 postes de surveillants seront supprimés en 2004, après les 5 600 de 2003. Les 13 000 assistants d'éducation supplémentaires de 2004 ne permettront pas de compenser les 12 400 postes de surveillants supprimés et les 14 000 aides-éducateurs arrivant en fin de contrat.
Le nombre d'adultes pour l'encadrement éducatif - surveillants, aides-éducateurs - va donc baisser dans les écoles, les collèges et les lycées de 10 000 personnes au moins à la rentrée 2004, après avoir déjà baissé de 10 000 à 15 000 cette année !
De plus, en 2003, sur plus de 16 000 postes d'assistant d'éducation prévus, il semble que seuls 12 210 soient pourvus.
Derrière ces chiffres, monsieur le ministre, les projets deviennent illisibles et les questions se posent. Quel sens allez-vous donner, avec une telle rigueur budgétaire, à la lutte contre l'illettrisme, contre la violence et pour l'accueil des élèves handicapés ?
Prenons l'exemple de la lutte contre l'illettrisme. Vous avez annoncé 2 000 classes de cours préparatoire à moins de dix élèves : on en compte seulement 282.
M. Luc Ferry, ministre. Mais non !
M. Jean-Marc Todeschini. Par ailleurs, certaines d'entre elles fonctionnent par redéploiement, ce qui provoque la surcharge des autres classes de la même école. La lutte contre l'illettrisme, fer de lance de votre politique, monsieur le ministre aurait-elle du plomb dans l'aile ?
Et que dire de l'accueil des élèves en situation de handicap ? On note une dégradation de la prise en charge de ces derniers au titre de l'AIS, l'adaptation et l'intégration scolaires, alors même que le Président de la République s'est attaché à faire de l'intégration des personnes handicapées une des priorités nationales.
Vous nous avez assuré que les 6 000 auxiliaires de vie scolaire promis étaient recrutés. Je souhaite pouvoir vous croire, car on aurait pu penser que ce n'était malheureusement qu'un effet d'annonce. Cela reste donc à vérifier !
Enfin, permettez-moi d'illustrer mon propos par une situation que je connais bien, celle de mon département, la Moselle.
Lorsqu'on y interroge les enseignants pour évoquer les conditions de la rentrée, la réponse qui leur vient spontanément est qu'elle s'est « à première vue bien passée ».
« A première vue », car ils complètent très rapidement par cette remarque : « Evidemment, il y a les problèmes d'emploi du temps, de salles. »
Puis viennent d'autres commentaires, selon les établissements : il y a un problème pour les groupes de langue - nombre d'heures, accès aux salles spécialisées -, pour les groupes de sciences - il devient difficile d'organiser les activités de travaux dirigés par manque d'heures, de salles, de matériel et d'aides de laboratoire...
Les postes non pourvus apparaissent ici et là : ici, un poste en mathématiques ; là, un poste en documentation. Les besoins en personnels de surveillance existent partout, y compris là où les dotations rectorales sont intégralement respectées. Déjà, la maintenance et l'ouverture des salles Internet ne sont plus assurées dans certains établissements en raison du départ encore non compensé des premiers aides-éducateurs en fin de contrat. Les personnels non enseignants, pourtant essentiels, font également défaut.
Ces éléments font apparaître le vrai visage de cette rentrée : des conditions de travail détériorées, des conditions d'accueil dégradées. C'est donc un service public d'éducation qui ne tient que grâce à l'engagement toujours plus déterminé des enseignants et des personnels non enseignants.
Monsieur le ministre délégué, pouvez-vous nous préciser les principaux axes de votre politique à l'égard de l'ensemble des personnels de l'éducation nationale ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Xavier Darcos, ministre délégué. La question que vous posez, monsieur le sénateur, est tout de même vaste, vous le reconnaîtrez. Votre intervention a consisté à brosser rapidement les critiques habituelles qui sont faites à la politique que nous conduisons, en particulier en vous fondant sur les chiffres des personnels supplémentaires que vous jugez nécessaire de recruter - ce que nous faisons déjà.
Il n'est pas exact de dire que ce budget est en régression, alors qu'il est en augmentation de 2,8 % ! Il n'est pas nécessaire non plus de solliciter à tout prix des recrutements massifs et aveugles à partir du moment où, là où des besoins se font jour, il y a des personnels.
Il est même absurde d'affirmer qu'il faut de nouveaux professeurs et dans le même temps, de constater une certaine désaffection des viviers de recrutement pour nos propres concours : en somme, vous nous proposez de recruter massivement, à des niveaux très bas, des professeurs dont nous n'avons pas besoin !
Il faut plutôt poursuivre notre action, c'est-à-dire, en fonction des politiques que nous souhaitons et que nous arrêtons, essayer d'évaluer très clairement nos besoins en termes d'enseignants et d'assistance éducative en général et trouver les postes correspondants.
La preuve que cette politique est la bonne, c'est que, comme vous l'avez vous-même reconnu, la dernière rentrée s'est bien passée. C'est donc bien que les besoins ont été satisfaits, et ce grâce à la redistribution interacadémique des emplois.
Ainsi, nous sommes parvenus à répondre à la demande. On ne peut donc pas dire, me semble-t-il, que, à cette rentrée, le service que l'on doit à tous les élèves de France ait été mal rendu.
A votre tour, vous avez évoqué les MI-SE. Je le répète : chaque fois qu'un surveillant d'externat ou qu'un maître d'internat quitte le système éducatif, il est remplacé un pour un par un assistant d'éducation. Il n'y a à cet égard aucun abandon.
S'agissant de la médecine scolaire, dont vous dénoncez les manques et les faiblesses en rappelant les décisions que nous avons prises en matière de politique de santé, il faut être conséquent. La plupart des présidents de conseils généraux - y compris de gauche, d'ailleurs - souhaitaient que la médecine scolaire fasse partie des politiques départementales en matière de santé : de même qu'il paraissait logique que les assistantes sociales, la protection médicale infantile ou les centres de prévention soient déjà départementalisées, de même, il ne paraissait pas absurde que la politique de santé scolaire le soit également.
M. Luc Ferry, ministre. Eh oui !
M. Xavier Darcos, ministre délégué. Il en a été décidé autrement - sous la pression, d'ailleurs, de vos amis politiques. Nous ne pouvons aujourd'hui que le regretter, et ce d'autant plus que, si cette départementalisation avait été inscrite dans la loi relative aux responsabilités locales, nous aurions évité le deuxième inconvénient que vous avez signalé, monsieur Todeschini : la disparité territoriale, puisque, précisément, le principe de péréquation est inscrit dans cette loi. On ne peut pas à la fois avoir refusé une politique d'amélioration qualitative et quantitative et la dénoncer aujourd'hui !
Quant aux objectifs principaux du ministère de l'éducation nationale, ils me semblent clairement affichés, et nous ne méritons pas le procès que vous nous faites : Luc Ferry et moi-même nous sommes très souvent exprimés sur la lutte contre la violence, sur la lutte contrel'illettrisme, sur les classes en alternance, sur la réforme nécessaire d'un certain nombre de filières.
A titre d'exemple, les chiffres que vous indiquez à propos des CP dédoublés ne sont pas exacts. Aujourd'hui, 3 800 classes sont concernées. Certains CP sont entièrement dédoublés, c'est-à-dire qu'une classe de vingt élèves est divisée en deux groupes de dix. D'autres, 1 500 exactement, sont dédoublés pour le temps d'apprentissage de la lecture avec d'autres professeurs, et 1 800 pour les temps d'apprentissage renforcé de la lecture avec l'aide d'assistants d'éducation.
On ne peut donc pas dire que ces politiques ne sont pas suivies d'effets : lorsque nous nous fixons une priorité, nous essayons de nous y tenir !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
M. Jean-Marc Todeschini. Bien entendu, M. le ministre ne m'a pas convaincu, mais il s'en doutait.
Ma question, bien sûr, était vaste, mais les réponses sont convenues. Elles ne reviennent pas, pour une fois, sur le passé - le ministre n'a pas accablé ses prédécesseurs - mais elles restent très globales.
Concernant les classes de CP, vous répondez, monsieur le ministre, en mentionnant plus de 3 000 classes : on peut même aller jusqu'à 10 000 s'il ne s'agit que de prendre une heure de dédoublement, par ailleurs mise à la charge des autres enseignants de l'école !
Après une année 2003 pour laquelle votre budget était loin de mériter les qualificatifs que vous avez employés, vous nous présentez pour 2004 un mauvais projet de budget qui inclut un plan de licenciements massifs et pour cacher le désastre que vous avez provoqué, vous nous proposez un grand débat sur l'école - nous y reviendrons.
Bravo, messieurs les ministres, pour votre vision personnelle, très libérale, injuste et inefficace de l'éducation ! (Rires sur les travées de l'UMP.)
M. René-Pierre Signé. Voilà des qualificatifs appropriés !
M. Jean-Marc Todeschini. J'en resterai là, mais les personnels ne peuvent en aucun cas être rassurés par les réponses globales que vous avez apportées. (Applaudissements sur les travées socalistes.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Messieurs les ministres, ma question porte sur les objectifs visés par le grand débat sur l'avenir de l'école que vous ne finissez pas de mettre sur les rails, depuis maintenant plus de six mois, à grand renfort de publicité - si vous m'autorisez cette appréciation. Il semble que cette surenchère de questionnements nouveaux et de pseudo-consultations vous dédouane quelque peu - du moins le pensez-vous - de votre inaction et de votre budget « cache-misère ».
Je résume les modalités, pour le moins confuses, de ce débat. Il s'articulera autour des travaux de la pléthorique commission Thélot, qui prendra aussi en compte quantité d'autres travaux et participations.
Cette commission Thélot est composée un peu à la façon d'une armée mexicaine : plus de cinquante membres - quel gage d'efficacité !
M. Jean Chérioux. Elle est à l'échelle de l'éducation nationale !
M. Jean-Louis Carrère. ... venus d'horizons extrêmement différents et parfois pour le moins surprenants, car n'ayant qu'un lien ténu avec l'école.
Je passe sur le collège « membres de droit », où, dans votre grande mansuétude, messieurs, vous avez autorisé tous vos prédécesseurs vivants à siéger,...
M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. Les vivants seulement !
M. Jean-Louis Carrère. ... ainsi que notre ami Bernard Derosier, rapporteur de la loi d'orientation sur l'éducation de 1989.
Vient ensuite le collège « personnalités », où se côtoient de nombreux professeurs de l'enseignement supérieur et directeurs de grands organismes de recherche, mais aussi plus surprenant - convenez-en -, un éditorialiste de la presse hebdomadaire et, surtout, le président de Radio-France, connu pour ses compétences dans le secteur éducatif et surtout pour sa neutralité politique !
J'en viens aux membres au titre des « usagers de l'école ». Les surprises continuent : une « étudiante », très bien ; un « lycéen », parfait. Mais les anciens présidents des trois principales associations de parents d'élèves - pour la FCPE : Mailles ; pour la PEEP : Janet ; pour l'UNAPEL : Labarre ? Je m'interroge sur cette préférence donnée aux anciens présidents sur les actuels. Sans doute les anciens sont-ils davantage au fait des problèmes actuels du système éducatif ?
M. Jean Chérioux. C'est l'éducation nationale !
M. Jean-Louis Carrère. Toujours au titre des « usagers » - et là je me pince ! - siègent un représentant de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment - pourquoi pas ? - ; la DGA du groupe Dassault Systèmes, en charge des ressources humaines - de mieux en mieux ! - et le président honoraire du groupe Lafarge. Ce dernier semble avoir néanmoins disparu de la deuxième liste !
A votre place, je ne me serais pas privé, et j'aurais donné la présidence de la commission à M. Ernest-Antoine Seillière ! (Sourires.)
M. Luc Ferry, ministre. Nous y avons pensé ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Louis Carrère. Pourquoi ne pas aller au bout ?
Je passe sur le collège « acteurs de l'école », au sein duquel sont représentés quasiment tous les métiers de l'éducation nationale, les métiers techniques étant, convenez-en, messieurs les ministres, très sous-représentés. Cela veut-il dire que vous avez déjà fait l'impasse et que, pour vous, les personnels TOS ne font plus partie du secteur de l'éducation ? Est-ce à dire que vous anticipez et que vous feignez seulement de lancer un grand débat public ?
Enfin, certains parlementaires ont accepté d'être « associés » à cette commission, et je les comprends. Je rappelle que les parlementaires socialistes ont refusé de cautionner ce que nous considérons comme une mascarade.
Quelle sera la tâche de cette commission ? Elle va devoir établir deux rapports : une synthèse en mars 2004, avant même le rapport définitif, qui sera publié à la rentrée scolaire de 2004. Généralement - excusez-moi de vous le rappeler, mais ceux qui sont attachés à la rigueur intellectuelle en conviendront avec moi, bien que je ne sois qu'un modeste instituteur de classe élémentaire -, la synthèse intervient après le rapport ! C'est ainsi, en tout cas, que l'on m'avait appris à travailler.
Ces rapports devront prendre en compte l'évaluation effectuée par le Haut conseil de l'évaluation de l'école, autorité dont le sérieux ne saurait être remis en cause, pas plus que l'on ne saurait contester la qualité de ses études et travaux. Ce Haut conseil se sera lui-même inspiré, si j'ai bien compris, du rapport Eléments pour un diagnostic sur l'école, élaboré par quatre « experts » de l'éducation : MM. Hardouin, Hussenet, Septours et Bottani.
Parallèlement, la commission Thélot devra intégrer les travaux des 15 000 réunions publiques qui devront être organisées sur l'ensemble du territoire afin de traiter de quelques-uns des vingt-deux sujets présélectionnés par le Haut conseil, sujets d'une importance extrême, je vous le concède, qui ne sauraient être traités à la légère et de façon anarchique.
Le travail de la commission Thélot ne s'arrête pas là : elle devra encore « éplucher » les contributions individuelles reçues sur le site Internet du ministère ouvert à cet effet, afin de les intégrer dans sa synthèse et dans son rapport ! L'organisation d'un référendum aurait sans doute été plus simple, messieurs les ministres. Cela dit, vous appartenez à un gouvernement qui en décide beaucoup mais en réalise peu !
Je ne sais pas si vous m'avez suivi. Je souhaite en tout cas bien du courage à Claude Thélot, car je crains fort que la commission dont il a la charge ne s'apparente rapidement à quelque chose que vous connaissez bien : Clochemerle !
M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. Oh !
M. Jean-Louis Carrère. Personnellement, mes chers collègues, je crois que c'est sur la base des travaux de cette commission que le Gouvernement nous saisira, peut-être, d'un projet de loi. Mais alors, messieurs les ministres, vous auriez tout de même pu consulter préalablement les organisations syndicales, les partenaires de l'école et, enfin, le Parlement !
J'abrégerai mon propos, car le temps m'est compté.
M. le président. Il le faut en effet, monsieur Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Il faut dire, monsieur le président, que je me suis un peu « calé » sur le temps que vous avez accordé à M. Vallet !
M. Jean Chérioux. Ce n'est pas beau d'être envieux !
M. Jean-Louis Carrère. Messieurs les ministres, je ne vous parle pas des universités, où vous reculez, tant l'action que vous êtes en train de conduire paraît floue et dangereuse aux étudiants.
Ma question est donc extrêmement simple : messieurs les ministres, pouvez-vous garantir aujourd'hui, devant le Sénat, que la réforme qui suivra le grand débat sur l'avenir de l'école ne remettra pas en cause les acquis fondamentaux de la loi du 10 juillet 1989 et qu'elle garantira toujours l'unicité des formations et des diplômes sur l'ensemble du territoire, ainsi que la gratuité et la laïcité de l'enseignement scolaire public partout en France ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Xavier Darcos, ministre délégué. Monsieur le sénateur, il n'existe pas de rapport absolument immédiat entre la discussion budgétaire et la question que vous posez. Je reconnais cependant que le grand débat que nous lançons est une façon de penser l'école pour les années à venir, et donc de parler d'orientation.
Vous dénoncez une commission pléthorique, en oubliant que certains de vos amis y siègent. Mme David, notamment, contribue à cette pléthore !
M. Jean-Louis Carrère. Elle n'est pas pléthore à elle seule !
M. Xavier Darcos, ministre délégué. Quant aux anciens ministres, nous n'y avons convoqué que les vivants. Il eût été difficile de faire parler les morts...
M. Jean-Louis Carrère. Vous avez tous les pouvoirs !
M. Jean Chérioux. Ce n'est pas comme vous !
M. Xavier Darcos, ministre délégué. A vous qui êtes assurément un démocrate - personne ne vous le contestera -, je veux dire que la démocratie n'est pas de votre avis. Lorsqu'on sonde les Français sur le grand débat, en effet, 84 % d'entre eux trouvent qu'il est utile, et 54 % pensent, espèrent, savent que de cette consultation sortiront sans aucun doute de bonnes choses pour l'école.
Une réaction conjoncturelle, une manière de noyer le poisson, une façon de réagir à des difficultés passagères, dites-vous ? Nullement ! Je rappelle que ce projet d'une consultation nationale à partir d'un grand débat et débouchant sur un diagnostic partagé, donc sur des options consensuelles pour l'école de la nation, c'était le programme du Président de la République lors de sa dernière élection, cela figurait dans le programme du Gouvernement : il était donc parfaitement prévu de le faire. Nous avons même regretté que les circonstances n'aient pas permis de le faire plus tôt, car, en termes de politique éducative à moyen terme, le grand débat est au coeur du projet du Gouvernement.
Tout cela, dites-vous, va déboucher sur des synthèses, sur des rapports, et même sur une synthèse avant un rapport, alors qu'il vaut mieux que le rapport précède la synthèse...
Ce que je crois, c'est que la commission est parfaitement indépendante et qu'elle est présidée par une personnalité dont l'autorité n'est pas discutée. Qu'aurait-on dit si la commission avait été présidée par les ministres ? On nous aurait reproché que tout cela soit préparé, prémédité, que le résultat soit connu à l'avance.
Peut-on reprocher une absence de transparence et de démocratie à un dispositif qui va donner lieu à 13 000 débats organisés par des personnalités diverses et animés par des journalistes ou par des personnalités qui n'appartiennent pas forcément au monde de l'éducation ? Peut-on dire que tout cela n'est qu'une opération entièrement maîtrisée, dominée, préparée, dont on connaîtrait déjà les résultats ? A supposer même que telle ait été notre intention - ce qui n'est pas le cas -, il est bien évident que nous aurions été incapables d'assurer la maîtrise, la tutelle d'un si grand nombre de rencontres !
Vous n'avez aucune raison de vous inquiéter des résultats de cette consultation en ce qui concerne les grandes orientations de l'école de la nation, monsieur le sénateur : il n'est dans l'esprit de personne de faire en sorte que l'éducation ne soit plus nationale.
Certes, vous pouvez nous soupçonner d'espérer voir cette consultation aboutir à dénoncer la laïcité, ou à créer une école des riches et une école des pauvres, ou à faire en sorte que l'on organise en France une école concurrentielle sur le modèle du grand marché libéral de l'école... Il n'en est évidemment rien, et vous le savez, car nous voulons au contraire renforcer le caractère national de l'école.
Il ne s'agit pas de dénoncer la loi de 1989 : il s'agit d'élaborer une nouvelle loi qui orientera la politique de la nation pour les quinze ans à venir dans le cadre très précis que le Président de la République a toujours défendu, celui de l'exception française, qui veut que l'école et la culture dépendent exclusivement de la responsabilité de l'Etat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Messieurs les ministres, vous citez des sondages quand ils vous arrangent, mais vous ne les citez pas quand ils vous dérangent ! Sur la hausse du prix du gazole, sur la hausse du prix du tabac et des taxes, cela ne vous a pas gênés d'oublier de les citer !
M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. Qu'est-ce que cela vient faire ?
M. Jean-Louis Carrère. S'agissant du caractère pléthorique de la commission Thélot, je vous rappelle que je n'ai pas mis en cause les personnes qui y siègent ! Je ne me le serais pas permis ! Quant à Mme David, elle sait qu'elle a toute mon amitié et toute mon estime politique. De surcroît, je vous rappelle qu'elle n'est que membre associé de cette commission, et non membre à part entière.
Par ailleurs, il en va du programme du Président de la République comme des sondages : quand cela vous arrange, vous nous rappelez ses promesses - il en a tant fait, au demeurant, que tout pourrait y entrer ! -, mais vous oubliez de les rappeler quand elles ne vous arrangent pas !
En tout état de cause, monsieur Darcos, je vous remercie de nous avoir assuré que vous n'aviez aucune arrière-pensée qui pourrait vous conduire à mettre à mal le principe de laïcité et d'universalité du système éducatif français.
Je crois que vous êtes sincère, mais, ce qui me préoccupe, c'est que, autour de vous et dans votre majorité, d'autres le sont moins. Pardon de le rappeler, messieurs les ministres, mais, si, avec certains de mes collègues, nous ne nous étions pas battus ici même, au Sénat, contre la volonté d'un précédent gouvernement et de son ministre de l'éducation nationale, l'article 69 de la loi Falloux aurait été abrogé. Ma confiance reste donc limitée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Max Marest.
M. Max Marest. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, chaque année, plus de 150 000 jeunes quittent le système scolaire sans bagage ou sans diplôme.
C'est notamment pour lutter contre cette situation que vous avez décidé, messieurs les ministres, de valoriser la voie professionnelle en développant une véritable diversification au collège et en proposant aux élèves qui le souhaitent des parcours scolaires alternant enseignement général et séquences de découverte professionnelle réalisées en lycée professionnel et/ou en entreprise.
Le collège unique, je crois que l'on peut le dire, a été la cause de nombreux échecs scolaires...
M. René-Pierre Signé. C'est discutable !
M. Max Marest. ... et il a gâché les chances de quantité d'enfants.
Il est temps d'en prendre conscience et de proposer autre chose.
En outre, selon les prospectives réalisées, d'ici à 2010, de sept millions à huit millions d'emplois seront vacants, dans le cadre des départs à la retraite et dans celui de la création de nouveaux métiers. Par ailleurs, un million d'entreprises devraient être créées dans les cinq ans à venir, notamment par des jeunes issus de la voie professionnelle. C'est pour toutes ces raisons que nous devons être prêts à répondre de façon efficace aux besoins économiques et sociaux de notre pays.
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. Max Marest. Monsieur le ministre, vous avez confirmé, dans vos réponses à notre collègue Annie David, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, votre volonté et votre détermination à montrer que l'enseignement général n'est pas le seul possible.
En effet, la diversification des voies est indispensable pour permettre à tous les élèves de réussir, et ainsi pour réduire le nombre d'élèves qui sortent sans diplôme du système scolaire.
Afin de mettre toutes les chances de notre côté pour valoriser la voie professionnelle de la façon la plus formatrice et à l'occasion du débat sur l'avenir de l'école, il serait opportun de s'inspirer d'une des expériences les plus probantes en la matière. Je veux parler des Maisons familiales rurales.
Se rapprocher de cette association paraîtrait intéressant, compte tenu de son expérience dans ce domaine, car elle revêt un caractère particulier. En effet, avec soixante-dix ans d'histoire et une expérience atypique, elle a une originalité hors du commun.
Cette association, qui s'est toujours préoccupée de l'insertion, de l'alternance et de l'épanouissement des jeunes, a sans cesse été à l'écoute des jeunes et des familles en même temps qu'attentive aux expériences susceptibles de déboucher sur la réussite des élèves.
Son président, M. François Subrin, pense qu'aujourd'hui il faut favoriser des pédagogies et des parcours différents pour que les élèves restent motivés.
Je le cite : « Le collège unique est un moule trop "unique" alors qu'il existe des publics très différents. La diversité est une richesse, on ne l'exploite pas assez. On raisonne par l'échec. »
Selon lui, les filières professionnelles seraient vues comme des voies de compensation pour élèves en échec scolaire.
Aujourd'hui, certains enseignants de l'éducation nationale montrent encore des réticences lorsqu'un jeune fait un choix très tôt dans sa scolarité.
Pourtant, il faut plus de liberté pour l'élève lorsqu'il doit s'orienter, il faut le moins de barrages possible. Le choix de l'élève et de la famille doit primer.
Dans notre pays, beaucoup de jeunes souhaiteraient choisir à quatorze ans la voie qui leur plaît, mais la part du préapprentissage n'est pas assez développée. Pour faire son choix, l'élève et sa famille doivent être aidés.
Il ne faut pas oublier que la formation générale vaudra d'autant plus si elle est accompagnée d'une formation professionnelle.
L'alternance renforce la famille. En effet, elle favorise les responsabilités, ce qui est positif, car quatorze ans, quinze ans ou seize ans sont des âges difficiles, et des conflits sont souvent installés entre l'adolescent et les parents. La relation avec les familles est donc capitale.
Il paraît évident que l'approche de la formation en alternance facilite le dialogue entre les parents et les enfants, car l'entrée des enfants dans le monde du travail crée des points communs ancrés dans la réalité quotidienne.
Je sais, messieurs les ministres, que vous avez l'intention de développer les parcours en alternance au collège.
Ainsi, vous auriez l'intention de faire un effort significatif en ce qui concerne les classes de troisième, puisque, de 820 établissements et 12 000 élèves concernés par cette formation, nous passerions à 1 400 établissements et à 21 000 élèves. Quant à la classe de quatrième, nous passerions de 480 établissements concernés à 1 400 et de 2 500 élèves à 12 000. Pouvez-vous nous confirmer cette intention, dont vous ne savez pas à quel point elle est attendue ?
Pour terminer, je vous adresse tous mes encouragements ; vous avez choisi la bonne voie quant aux moyens, et vos décisions ne pourrons qu'enrichir notre système éducatif.
Vous pouvez comptez sur le soutien du groupe de l'UMP, soutien mérité, car votre ambition pour l'école de la République ravive la passion que chacun de nous nourrit pour elle : l'école qui donne sa chance à tous en fonction de ses mérites. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Luc Ferry, ministre. Monsieur le sénateur, je vous remercie chaleureusement d'avoir posé cette question. Je vous confirme les chiffres que vous avez indiqués, qui sont d'ailleurs déjà une réalité.
Ce n'est en effet plus un projet, mais nous poursuivons évidemment avec les services académiques, notamment les proviseurs de lycée professionnel et les principaux de collège, la mise en place des dispositifs en alternance dès la classe de quatrième, afin que, dès l'âge de quatorze ans, les élèves puissent y accéder.
Comme vous l'avez souligné, ces dispositifs se mettent en place avec l'accord des élèves et celui des familles, car c'est l'une des conditions de leur réussite.
Une autre condition de la réussite de ces parcours en alternance est, plutôt que de rétablir le palier d'orientation en fin de cinquième comme certains le souhaitaient, avec des arguments qui, d'ailleurs, n'étaient pas négligeables, de permettre aux collégiens qui entrent dans les parcours professionnels en alternance de rester collégiens dans l'enseignement général.
Il y a à cela une raison de fond : lorsqu'ils passent le stade du CPA et du BEP pour se diriger vers le bac professionnel et, a fortiori, vers les BTS, ces élèves ont besoin d'une formation générale de bon niveau.
Il ne faut pas brader l'enseignement général, et c'est la raison pour laquelle il faut passer une sorte de pacte, de contrat avec les élèves : des parcours en alternance pour découvrir les métiers leurs sont ouverts, mais, en échange, un effort sur la formation générale leur est demandé pour qu'à terme, lorsqu'ils seront à un plus haut niveau, celui du bac voire du BTS, ils ne soient pas en difficulté.
Le modèle des Maisons familiales rurales est en effet un bon modèle, et nous l'avons en tête lorsque nous mettons en place des dispositifs en alternance. Vous le savez, comme beaucoup de bonnes choses, les Maisons familiales rurales dépendent du ministère de l'agriculture. L'enseignement agricole est aujourd'hui un des plus performants en France. C'est, comme d'habitude, hélas ! une des raisons pour lesquelles on en parle trop peu.
Quoi qu'il en soit, nous poursuivons nos efforts et je vous confirme les chiffres que vous avez indiqués. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Max Marest.
M. Max Marest. Monsieur le ministre, je vous remercie de m'avoir confirmé que le cheminement dans la voie de la formation en alternance se poursuivait. Je pense effectivement que, pour beaucoup de jeunes, l'alternance entre l'enseignement général et l'approche de la vie professionnelle est indispensable.
Vous citez le modèle de l'enseignement agricole, qui marie en effet l'apprentissage du terrain et l'enseignement général, avec beaucoup de réussites : moins de jeunes tombent dans l'oisiveté et tous les vices qui l'accompagnent.
M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.
M. René-Pierre Signé. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je voudrais vous parler de l'enseignement scolaire en zone rurale, et plus particulièrement de la préscolarisation.
Il est difficile de dissocier les enjeux de l'éducation nationale des enjeux de l'aménagement du territoire. L'école, souvent le dernier service public en milieu rural, se trouve au coeur d'un projet plus global de sauvegarde de la ruralité.
On ne peut que s'interroger sur les handicaps des écoles rurales pour maintenir un système éducatif performant si l'on prend en compte la faiblesse du taux de préscolarisation, les conditions de travail difficiles pour les enseignants, l'absence d'activité périscolaire et l'offre éducative limitée dans les collèges.
L'école rurale bénéficie, en apparence, de moyens plus importants que l'école urbaine, parce que le nombre d'élèves par maître y est plus faible. En réalité, surtout en zone fragile, elle est souvent déficitaire de par son isolement, les limites de son offre culturelle et son retard dans l'offre d'écoles maternelles.
Sur ces territoires, l'éducation nationale doit mobiliser et encourager les partenariats pour assurer un service public d'éducation de qualité et consolider des structures scolaires durables, éventuellement par la mise en réseau des établissements scolaires. Les regroupements pédagogiques ont constitué une première réponse mais ils n'ont souvent fait, hélas ! que retarder l'échéance.
Or, monsieur Darcos, à la lecture des compte rendus des débats de l'Assemblée nationale, il semble que la préscolarisation ne soit plus une priorité et que le Gouvernement souhaite maintenir à 32 % le taux d'enfants concernés, ce qui laisse craindre au moins une réduction de la durée de préscolarisation dans la vie scolaire, et cela malgré les quelques démentis que vous avez faits ensuite et qui n'ont pas toujours convaincu.
Evoquant devant l'Assemblée nationale la préscolarisation des enfants de deux ans, vous avez souligné, monsieur Darcos, qu'elle bénéficiait surtout aux « enfants de familles de cadres, aux enfants d'immigrés et aux enfants étrangers ». « Cela n'a pas d'impact sur la suite de la scolarisation dans les milieux modestes », avez-vous ajouté, pour déclarer ensuite : « Nous continuerons à accueillir les enfants de deux ans dans les endroits où c'est nécessaire. »
On pourrait en conclure que l'école maternelle ne profite qu'à certaines catégories sociales et que les autres peuvent en être dispensées, ou plutôt privées.
Il y a là une ébauche de ségrégation qui ne correspond pas au mode de fonctionnement de l'école de la République, par définition ouverte à tous sans aucune distinction, qu'elle soit sociale ou territoriale.
En fait, l'école maternelle - là où elle existe - est très fréquentée et très recherchée. Environ 35 % des enfants de deux ans la fréquentent, mais ce chiffre doit être revu à la hausse puisque toute la classe d'âge n'est pas scolarisée. En fait, ce sont près de 55 % des enfants de deux ans qui la fréquentent.
Il faut toutefois noter, dans ces moyennes, des disparités importantes, et d'abord de très fortes disparités régionales, puisque, dans certaines régions, 70 % des enfants sont scolarisés. En outre, en milieu rural, il n'existe pas toujours d'école maternelle, et les enfants sont directement accueillis dans les écoles primaires.
Pourtant, je ne vous l'apprendrai pas, la réussite scolaire passe par la maternelle : éveil de l'enfant, éclosion de son intelligence... Les résultats de cette scolarisation ont fait d'ailleurs l'objet de nombreuses enquêtes et les analyses convergent pour montrer que l'école maternelle permet une meilleure intégration sociale et qu'elle élève le niveau général atteint par une population scolaire.
Cette conclusion est importante et suffit à elle seule à considérer avec intérêt la poursuite d'une politique de scolarisation à deux ans, en particulier dans les zones d'éducation prioritaires, où l'école doit souvent pallier les carences, en matière d'éducation, de certaines familles.
Dans les zones rurales isolées, l'accueil des enfants se fait souvent, quand il existe, au sein de sections enfantines dans des classes à plusieurs cours, mêlant souvent des enfants d'âges très divers, qui ne permettent pas toujours la scolarisation satisfaisante des tout-petits et peuvent freiner les progrès des autres enfants, et l'idée de faire appel à des enseignants itinérants n'est pas tout à fait satisfaisante.
Débordant de mon propos, mais s'agissant toujours des zones rurales, je ne peux pas ne pas rappeler que l'apprentissage d'une langue étrangère devrait être étendu à tous les élèves dès leur plus jeune âge, en tous cas, dès le CM1 ou le CM2. Mais que de disparités entre les académies ! Que le personnel qualifié manque !
De même, il est dommage que les études classiques ne soient plus en faveur et que leur enseignement soit réduit. L'enseignement du grec et du latin prédispose pourtant à une conception plus humaniste, plus humaine de la vie sociale, humanisme que chacun appelle de ses voeux.
Au moment où s'engage le grand débat sur l'école, il nous appartient de définir ses missions, de favoriser la réussite scolaire, de permettre aux élèves d'accéder dans les meilleures conditions au monde du travail, en ayant utilisé toutes leurs facultés et mis en valeur leur intelligence.
Les questions que l'on vous pose, messieurs les ministres, doivent permettre d'aborder ces thèmes transversaux : comment favoriser une nouvelle dynamique du service éducatif en milieu rural ? Quels soutiens, notamment en personnels, le ministère est-il prêt à consacrer aux zones rurales, à l'heure où l'on parle de décentralisation ? Que peut-on attendre de positif de cette mesure phare du Gouvernement ? (M. Serge Lagauche et Mme Annie David applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Xavier Darcos, ministre délégué. Monsieur Signé, vous avez posé plusieurs questions en une, les deux principales portant, d'une part, sur l'école en milieu rural, et, d'autre part, sur les maternelles.
D'abord, je suis d'accord avec vous sur le fait que l'aménagement rural passe par le maintien du service public de l'éducation, et nous devons en effet être très vigilants.
Depuis cinquante ans, la situation a évolué très rapidement. Il y avait, naguère, une école par commune, et l'école et la mairie étaient souvent dans le même bâtiment. Aujourd'hui, un tiers des communes de France n'a plus d'école, un tiers a une école à une ou deux classes, et le dernier tiers a des écoles à plusieurs classes.
Nous voulons contrecarrer cette tendance, d'autant que nous sommes dans une période - peut-être l'opinion publique ne l'a-t-elle pas bien perçu - où le milieu rural change : l'exode s'arrête, de nouveaux habitants s'installent sur les territoires ruraux et ils demandent de nouveaux services de proximité, en particulier en matière d'assistance médicale et d'éducation.
Le Gouvernement, conscient de cette situation, a proposé un nouveau dispositif : les réseaux d'école, qui ont précisément pour vocation de regrouper des écoles en nombre suffisant pour atteindre vingt ou trente classes au sein d'une structure au caractère juridique et administratif clair, dotée d'un animateur de réseau comme il y a des animateurs de zones d'éducation prioritaires.
Cette démarche s'inscrit dans un schéma départemental établi sur plusieurs années par le comité départemental de l'éducation nationale.
Nous espérons ainsi contrecarrer la dispersion des classes et, surtout, assurer l'égalité des chances. En effet, les réseaux d'écoles pourront faire appel à un animateur en informatique ou à des professeurs de langue, conformément à vos voeux, monsieur Signé ; bref, ils pourront offrir les mêmes services que les écoles urbaines d'une certaine importance.
C'est la raison pour laquelle nous voulons développer ce système. Nous espérons atteindre d'ici à deux ans le seuil, qui commencerait à être significatif, de 600 réseaux d'écoles d'une trentaine de classes. Après une expérimentation et une évaluation de ce nouveau dispositif, nous nous efforcerons de le faire monter en puissance. Autrement dit, nous allons passer de l'école communale à l'école intercommunale.
J'en reviens à l'école maternelle. En France, l'âge de la scolarisation est de trois ans, ce qui n'est pas contesté : tous les enfants doivent pouvoir être scolarisés à trois ans, et ils le sont.
La situation des enfants de deux à trois ans est différente : il s'agit de préscolarisation. Aujourd'hui, un tiers des élèves de France sont préscolarisés. La question est de savoir, d'une part, si la préscolarisation leur est bénéfique, d'autre part, si elle profite à ceux pour lesquels elle a été conçue.
M. Pierre Martin, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Xavier Darcos, ministre délégué. La réponse est négative dans les deux cas : la préscolarisation n'est pas bénéfique et elle n'a pas d'effet sur la scolarité. Surtout, la préscolarisation a des inconvénients en termes de psychologie des enfants. (M. René-Pierre Signé s'étonne.)
Monsieur Signé, vous êtes médecin, et j'observe que le Quotidien du médecin du 21 novembre confirme ce jugement, et rejoint d'ailleurs les analyses du rapport de Mme Brisset, défenseure des enfants : « La tranche des deux-trois ans n'est pas celle des acquisitions cognitives. L'école classique n'est pas adaptée à leurs besoins en calme, en sommeil, en contacts duels. Cette approche doit être revue. L'école à deux ans, c'est mettre les enfants qui sont en difficulté en plus grande difficulté encore, c'est compromettre leur avenir et même leur personnalité tout entière. »
M. Max Marest. Ça, c'est signé ! (Sourires.)
M. Xavier Darcos, ministre délégué. Il faut donc revoir la question. Il s'agit non pas de refuser d'accueillir les enfants à deux ans, mais de reconnaître que la préscolarisation avant trois ans a un caractère particulier. Il vaudrait donc mieux mener une réflexion d'ensemble sur les crèches, les haltes-garderies, les écoles passerelles, les jardins d'enfants, afin d'étudier, selon une optique différente de celle qui vaut pour l'école, comment l'on peut accueillir, socialiser, habituer à l'apprentissage des enfants de deux à trois ans. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Philippe Lachenaud. Quelle sagesse !
M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.
M. René-Pierre Signé. Monsieur le ministre, on peut souscrire au principe de la mise en place des réseaux d'écoles, qui permettront de gérer la pénurie (M. Pierre Martin proteste), encore qu'il ne soit pas très satisfaisant d'obliger des enfants à se déplacer.
En ce qui concerne la préscolarisation, monsieur le ministre, je pourrais produire des études dont les conclusions diffèrent quelque peu de celles de l'article du Quotidien du médecin que vous avez cité. J'ai un peu pratiqué la pédiatrie, et tous les spécialistes que j'ai fréquentés affirmaient que plus tôt l'on éveille les enfants, meilleur sera leur parcours. Les cellules cérébrales ont besoin d'être stimulées très tôt. Ainsi, on en arrive presque à parler aux enfants in utero. En tout état de cause, leur intelligence doit être cultivée dès le plus jeune âge.
Je suis donc tout à fait en désaccord avec vous s'agissant de la préscolarisation. Celle-ci doit commencer à l'âge de deux ans. (« Non ! » sur les travées de l'UMP.) Ce sera une bonne chose pour l'avenir des enfants, en particulier de ceux d'entre eux qui ne bénéficient pas d'une éducation familiale suffisante.
M. Xavier Darcos, ministre délégué. Je suis d'accord sur ce point !
M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille.
M. Laurent Béteille. Je sais, monsieur le ministre, combien vous avez compris la nécessité de réduire la fracture scolaire et de donner à chaque élève la réponse de qualité qu'il est en droit d'attendre de notre système éducatif.
Aujourd'hui, 96 000 élèves souffrant d'un handicap sont scolarisés dans les établissements du premier et du second degrés. Malheureusement, de 10 000 à 13 000 jeunes ne trouvent pas leur place dans le système actuel.
Votre objectif est ambitieux. Il est en effet, comme vous l'avez rappelé à plusieurs reprises au cours de ces dernières semaines, d'« assurer d'ici à cinq ans la scolarisation de tous les jeunes handicapés ou malades afin de lutter contre l'exclusion civique, politique, sociale et professionnelle ».
Nous ne souhaitons qu'une chose, monsieur le ministre : la réussite de votre projet.
Vous me permettrez néanmoins d'exprimer ma préoccupation quant à son financement et à la répartition des crédits à venir. Vous avez indiqué qu'un effort financier de 800 millions d'euros sur cinq ans sera nécessaire, ce qui portera les crédits consacrés à la scolarisation des élèves handicapés à 833 millions d'euros à cette échéance, soit une progression de 34 %. Pourriez-vous nous donner des indications sur l'utilisation de ces crédits en ce qui concerne l'achat de matériels, l'aménagement des structures scolaires, la création de postes d'éducateur spécialisé, la construction d'établissements spécialisés ?
En outre, en vue d'une meilleure scolarisation des élèves et des étudiants handicapés, vous avez souhaité entourer davantage les familles. Ainsi, vous avez prévu de créer, dans chaque département, un centre de ressources pour l'enfance et l'adolescence, en relation avec les commissions départementales de l'éducation spéciale. Pourriez-vous nous éclairer sur les missions exactes de ces centres ?
Par ailleurs, dans son rapport sur les enfants handicapés dans le milieu scolaire, M. Yvan Lachaud, député du Gard, à qui vous aviez confié une mission sur ce sujet, dresse un constat très intéressant en ce qui concerne les classes d'intégration pour enfants atteints d'un handicap visuel, les CLIS 3. Il semblerait que ces classes soient peu nombreuses, voire inexistantes, dans certaines académies, telles que celles de Lyon, de Montpellier, de Bordeaux et de Strasbourg. Est-il possible de connaître votre sentiment sur cette situation ? Pensez-vous avancer des propositions et prendre des initiatives en termes de création d'établissements de ce type afin de combler le déficit ? Si tel devait être le cas, pouvez-vous nous indiquer combien de centres vous envisagez d'ouvrir ?
Aujourd'hui, il reste un travail important à réaliser pour que tous les élèves puissent bénéficier d'une scolarité à la hauteur de leurs besoins.
Vous avez pris, monsieur le ministre, la mesure des déséquilibres existants, notamment entre les premier et second degrés, et je suis convaincu que vous mettrez tout en oeuvre pour infléchir cette situation. Nous savons tous que les élèves handicapés doivent faire l'objet d'une attention particulière, et nous devons prendre les moyens nécessaires pour cela.
A l'heure actuelle, trop d'élèves sont encore exclus du système, trop d'inégalités subsistent. Aussi, monsieur le ministre, comptons-nous sur votre volonté pour briser cette injustice et faire en sorte que les lois de la République profitent à tous les citoyens.
Le 3 décembre 2002, devant le conseil consultatif des personnes handicapées, le Président de la République faisait la déclaration suivante : « Une société, je crois, se juge notamment à l'attention qu'elle porte aux plus fragiles et à la place qu'elle réserve par conséquent aux personnes qui souffrent d'un handicap. »
J'estime que nous devrions toujours garder ce principe à l'esprit, afin de favoriser l'évolution de notre société vers le courage et non vers la lâcheté.
Sachez, monsieur le ministre, que vous pouvez compter sur notre entier soutien. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Luc Ferry, ministre. Monsieur le sénateur, le principal problème que nous avions à résoudre, s'agissant de la scolarisation des enfants handicapés, quand elle est possible, était celui de la rupture catastrophique, au sens propre du terme, entre les premier et second degrés.
Je rappellerai les chiffres à cet égard : on compte 3 000 classes d'intégration dans le premier degré, contre seulement 300 dans le second degré, au sein des unités pédagogiques d'intégration, les UPI. Comme je l'ai déjà souligné, nous avons cette année multiplié par deux le nombre des UPI accueillant les enfants handicapés dans le second degré.
Il s'agissait bien entendu de répondre à une très forte angoisse de familles dont les enfants, à la sortie de l'école primaire ou passé l'âge de la scolarité obligatoire, avaient pourtant encore besoin d'être pris en charge.
C'est pourquoi nous avons décidé de mettre l'accent sur la nécessaire continuité des parcours, par conséquent sur l'accueil des enfants handicapés dans le second degré. Une grande part des 800 millions d'euros que vous avez évoqués, monsieur le sénateur, sera employée à la création d'UPI.
Ces crédits seront également utilisés pour recruter les auxiliaires de vie scolaire, les AVS - 5 000 l'ont été cette année -, pour acheter du matériel adapté aux CLIS et aux UPI et, dans une proportion importante, pour financer les transports, cet aspect méritant aussi d'être pris en considération.
En outre, nous allons créer cent postes de professeur d'école spécialisé, ces personnels étant destinés à travailler avec les jeunes handicapés au sein des écoles, voire des UPI.
Pour ce qui concerne les centres et les maisons du handicap, ils ne dépendent pas directement de mon ministère. Il s'agit d'un projet de réforme d'ensemble des commissions départementales de l'éducation spéciale, en voie d'être finalisé par les services de Mme Boisseau, qui vise à un meilleur accueil des familles, lesquelles affrontent souvent un véritable parcours du combattant et, manquant d'information, ont le sentiment que l'on ne répond pas à leurs demandes. C'est dans cette perspective que la création des maisons du handicap sera inscrite dans le projet de loi élaboré par le ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
Par ailleurs, s'agissant des quelque 13 000 enfants handicapés, probablement scolarisables, que nous peinons à identifier et qui ne fréquentent pas nos établissements, j'ai demandé à M. Lachaud de nous fournir davantage d'informations. Je n'ai pas réussi à obtenir une réponse claire sur cette question qui, il faut bien le dire, est assez difficile.
En effet, nous ne savons pas exactement pourquoi ces enfants ne sont pas scolarisés. Ce n'est pas faute de capacités d'accueil, et ils ne sont pas non plus rejetés par l'institution scolaire, contrairement à ce que l'on entend parfois dire. En fait, les familles préfèrent les garder au domicile, pour des raisons qui peuvent être ou non légitimes. Nous continuons donc à travailler sur ce thème pour tenter de cerner un problème qui, encore une fois, est mal connu, tant des services du ministère de la santé que de ceux du ministère de l'éducation nationale. Si vous détenez des informations sur le sujet, monsieur le sénateur, je souhaiterais vivement que vous puissiez me les communiquer, car, pour l'heure, je ne parviens pas à en obtenir ! En tout cas, sachez que si ces enfants ne sont pas accueillis dans les écoles, c'est non pas, je le repète, par manque de places disponibles, mais parce que les familles préfèrent les garder au domicile.
M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille.
M. Laurent Béteille. Je voudrais remercier M. le ministre de sa réponse et souligner toute l'attention que ses services prêtent aux enfants handicapés et à leurs familles, qui avaient été jusqu'alors négligés par l'éducation nationale, ce qui était tout à fait scandaleux.
M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck. Le projet de loi de finances pour 2004 reflète une volonté certaine de donner des moyens à l'Education nationale.
J'évoquerai deux exemples à cet égard.
D'une part, vous allez, messieurs les ministres, créer 1 500 emplois de personnel enseignant du premier degré, ce qui permettra d'accueillir 55 000 élèves supplémentaires en 2004 et de poursuivre la mise en oeuvre du plan d'adaptation et d'intégration scolaire des élèves handicapés.
D'autre part, vous allez embaucher 13 000 nouveaux assistants d'éducation au 1er septembre 2004, ce qui portera à 33 000 leur effectif total.
En ce qui concerne les moyens de fonctionnement affectés notamment à des priorités éducatives et pédagogiques, ils sont en progression et l'on ne peut que s'en réjouir. Au nombre de ces priorités figure la lutte contre l'incivilité et la violence à l'école. Permettez-moi d'insister plus particulièrement sur ce point.
Vous avez mis en place un nouveau dispositif de prévention de la violence, qui concerne tous les établissement scolaires, et non plus seulement les plus exposés d'entre eux. Comme vous l'avez déclaré, ce dispositif s'incrit dans une politique nouvelle fondée sur la redéfinition de la « règle » et de la « loi ».
En 2002-2003, la violence à l'école a régressé. En effet, 72 057 faits de violence ont été signalés par les chefs d'établissement, contre 78 272 pour l'année scolaire précédente. Cette baisse de 10 % concerne les actes de malveillance, les vols, les actes de racket et les injures racistes.
Par exemple, en Seine-Saint-Denis, département que je connais bien, si la violence, en général, régresse, les brutalités envers les filles sont en augmentation. Les adolescents croient s'affirmer en insultant les filles, voire en les agressant, selon les chefs d'établissement. Dans ces conditions, monsieur le ministre, quelles mesures pourrait-on envisager de prendre pour réprimer les dérives sexistes qui apparaissent dans certains lycées ?
Même si la violence est en régression, nous ne pouvons pour autant baisser la garde. Je sais d'ailleurs que vous vous y refusez, monsieur le ministre. Ainsi, vous avez rappelé à plusieurs reprises que l'autorité de l'école et du savoir appelait l'autorité des maîtres. Vous avez proposé d'améliorer la représentativité des conseils de discipline, afin notamment que les professeurs puissent y retrouver une place significative. A cet égard, vous avez annoncé qu'un texte serait présenté et ferait l'objet d'une concertation. Pourriez-vous nous donner des informations sur ce projet ?
En conclusion, permettez-moi de citer un extrait de la lettre de Jules Ferry aux instituteurs en date du 17 novembre 1883, relative à l'enseignement moral et civique. Il donne une idée de la grandeur que cet homme se faisait de la mission impartie aux instituteurs :
« Il ne s'agit plus là d'une série de vérités à démontrer mais, ce qui est tout autrement laborieux, d'une longue suite d'influences morales à exercer sur de jeunes êtres, à force de patience, de fermeté, de douceur, d'élévation dans le caractère et de puissance persuasive. On a compté sur vous pour leur apprendre à bien vivre par la manière même dont vous vivez avec eux et devant eux. On a osé prétendre pour vous à ce que d'ici quelques générations, les habitudes et les idées des populations au milieu desquelles vous aurez exercé attestent les bons effets de vos leçons de morale. Ce sera dans l'histoire un honneur particulier pour notre corps enseignant d'avoir mérité d'inspirer aux Chambres françaises cette opinion, qu'il y a dans chaque instituteur, dans chaque institutrice, un auxiliaire naturel du progrès moral et social, une personne dont l'influence ne peut manquer en quelque sorte d'élever autour d'elle le niveau des moeurs. Ce rôle est assez beau pour que vous n'éprouviez nul besoin de l'agrandir. D'autres se chargeront plus tard d'achever l'oeuvre que vous ébauchez dans l'enfant et d'ajouter à l'enseignement primaire de la morale un complément de culture philosophique ou religieuse. Pour vous, bornez-vous à l'office que la société vous assigne et qui a aussi sa noblesse : poser dans l'âme des enfants les premiers et solides fondements de la simple moralité. »
C'est cela, la passion française pour l'école, et je sais, messieurs les ministres, que vous la partagez. En 2000, monsieur le ministre délégué, vous écriviez, dans votre livre intitulé L'art d'apprendre à ignorer, que nous disposons de trois atouts évidents pour réussir : la qualité de notre structure scolaire, la passion française et le chemin parcouru jusqu'à aujourd'hui. Vous avez dédié ce livre, « avec respect, à tous ceux qui, dans leur classe ou ailleurs, insoucieux des théories et des chapelles, apportent la culture aux générations montantes. Ils font le plus noble et le plus nécessaire métier du monde. »
Sachez, messieurs les ministres, que vous pouvez compter sur le soutien sans faille de notre groupe à votre action, qui mérite le respect. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. René-Pierre Signé. C'était bon, mais c'était long !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Xavier Darcos, ministre délégué. Je voudrais d'abord remercier M. Demuynck de son approbation de notre action, à laquelle je suis très sensible.
Vous avez beaucoup insisté, monsieur le sénateur, sur notre volonté de redonner à l'école de la nation des repères, de faire en sorte que les valeurs qui la fondent - votre citation de Jules Ferry les met nettement en évidence - soient perçues à nouveau par tous les acteurs.
Il est exact que nous avons cherché à agir en ce sens. S'agissant en particulier de la lutte contre l'incivilité et la violence scolaire, nous avons cherché non seulement à réprimer, mais surtout à rappeler le caractère presque sacré de l'espace scolaire, où les actes qui contreviennent aux lois de la République sont encore plus insupportables que dans la rue.
Notre lutte contre la violence scolaire commence d'ailleurs à porter ses fruits. Ainsi, j'ai participé ce matin au conseil de sécurité intérieure, que présidait le Président de la République, et nous avons enregistré, pour cette année, une baisse très sensible, à hauteur de 8,6 %, du nombre des incidents par rapport à l'année précédente.
En outre, les professeurs, pour la première fois depuis quinze ans, ne considèrent pas que les violences scolaires soient le premier problème qui se pose à eux. Ils ne les classent plus qu'au deuxième rang, ce qui est assez nouveau.
Je ne rappellerai pas les actions que nous avons engagées sur ce plan, puisque M. le sénateur Demuynck l'a très bien fait. J'affirmerai simplement que nous allons maintenir les dispositifs relais, poursuivre le renforcement de l'école ouverte et continuer à faire en sorte que l'école accueille ceux qui en ont le plus besoin, en particulier aux heures où ils sont livrés à eux-mêmes. Notre objectif est qu'un véritable contrat de vie scolaire s'établisse entre les familles et l'établissement que fréquentent leurs enfants.
Il faut aussi prévenir. Par conséquent, il convient de lutter contre l'absentéisme, parce qu'un élève absent risque d'être entraîné dans une dérive, vers la délinquance. Il importe de mieux coordonner les actions de prévention, de s'assurer du bon fonctionnement des comités ad hoc et de faire en sorte que nos professeurs ne soient plus affectés dans les établissements les plus difficiles lorsqu'ils y sont le moins préparés, sachant que 60 % des premières affectations se font dans de tels établissements.
Vous avez en outre relevé, monsieur le sénateur, la recrudescence de violences à caratère physique et sexuel, et souligné que nous devions conduire avec beaucoup de détermination la lutte contre ces agissements. Le Gouvernement y est tout à fait décidé. Dans cette perspective, je voudrais, si vous le permettez, monsieur Demuynck, profiter de cette occasion pour annoncer à la Haute Assemblée que le Premier ministre vient de vous confier une mission sur les rapports entre les établissements scolaires et leur environnement en matière de violence à l'école. Il s'agira d'étudier toutes les formes que prend l'importation de la violence extérieure dans l'enceinte des établissements scolaires - le racket, le trafic de drogue, les intrusions diverses - et de définir de nouveaux modes de relation avec les partenaires de l'école, les services de l'Etat, les collectivités territoriales.
Le rapport sur ce thème que vous avez déjà commencé à élaborer, monsieur le sénateur, nous est très nécessaire. Nous aurons l'occasion de travailler ensemble, et, dans l'immédiat, je vous remercie d'avoir posé cette question, qui témoigne de beaucoup d'élévation et qui touche au coeur même de la question scolaire, à savoir la refondation du pacte républicain autour de l'école de la nation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck, auquel j'adresse mes félicitations. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Christian Demuynck. Monsieur le ministre, je voudrais vous remercier, ainsi que M. le Premier ministre, de la confiance qui m'est accordée. Je tenterai modestement de dégager avec vous des solutions à ce problème d'incivilité et d'insécurité que nous rencontrons dans les écoles.
S'agissant de ma question, je vous remercie des réponses que vous venez de m'apporter. Elles confirment tout à fait la volonté du Gouvernement de continuer dans la voie que vous avez tracée depuis que vous êtes entré en fonctions, à savoir faire en sorte que les enfants étudient et que les enseignants enseignent, à l'abri des problèmes extérieurs à l'école.
M. René-Pierre Signé. Tout le monde est content ! On se congratule !
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions-réponses, qui ont permis des échanges intéressants, certes parfois avec quelques redites, mais c'était sans doute inévitable.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux état B et C concernant la jeunesse, l'éducation nationale et la recherche : I. - Jeunesse et enseignement scolaire.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 464 177 885 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : 135 811 703 euros. »
La parole est à M. René-Pierre Signé, sur les crédits. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. René-Pierre Signé. Cela ne devrait pas vous indisposer. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Jean Chérioux. Au contraire, c'est un régal !
M. René-Pierre Signé. Ce n'est pas une révolution, c'est une émeute ! (Sourires.)
Mon intervention concerne les contrats éducatifs locaux. Mme David les ayant évoqués, et fort bien, je serai sans doute amené à quelques redites. Ces contrats doivent permettre une synergie entre les divers partenaires et acteurs de l'éducation, à l'intérieur comme à l'extérieur de l'école, mais la mise en place de ce dispositif tarde. J'aimerais connaître les moyens financiers pouvant être consacrés à ces contrats, qui me semblent participer d'un enjeu extrêmement important d'ouverture de l'école.
Sans vouloir trop insister, on peut rappeler que les contrats mis en place en 1998 ont développé 9 000 projets éducatifs, me semble-t-il. On peut espérer que ce chiffre augmentera en 2004. Ces contrats reposaient pour beaucoup sur les aides éducateurs. Or vous supprimez 20 000 de ces postes en 2003, 15 000 autres en 2004 ainsi que les postes de MI-SE.
Vous savez que les assistants d'éducation ne les remplaceront pas : d'une part, parce qu'ils sont moins nombreux et, d'autre part, parce qu'on les affectera à d'autres tâches, par exemple à l'accueil des handicapés. Ce sont 10 000 postes qui vont disparaître. Il sera bien difficile de compenser cette perte de moyens humains indispensables.
C'est après coup que sera mesuré le rôle joué par ces aides éducateurs et le manque qui va être créé dans nos établissements. Le personnel qui les remplacera pourra exercer ces compétences dans plusieurs lieux, dans ou hors de l'établissement, ce qui fait que peu de comparaisons pourront être établies avec les aides éducateurs.
Les MI-SE jouaient aussi un rôle primordial, notamment en ce qui concerne la non-violence, l'éradication des menaces dont peuvent faire l'objet les enseignants et la possibilité pour ceux-ci de faire leurs cours sans contraintes.
Les contrats éducatifs locaux sont globalisés dans un article intitulé « Actions territoriales de promotion et de développement du sport », c'est-à-dire comprenant également le contrat éducatif et les subventions aux associations sportives locales.
On ne saura plus très bien ce qui va au contrat éducatif local et aux associations sportives, et, comme M. Todeschini l'a dit, une baisse de crédits ne facilitera pas la répartition, en baisse sensible depuis 2002 : 150 euros par poste Fonjep, gel de crédits. Le développement de l'éducation populaire, qui ne se résume pas à l'enseignement, me semble freiné.
Les postes CIVIS n'apporteront pas autant de souplesse que les emplois-jeunes. Ils sont proposés en priorité au monde associatif et les collectivités locales n'en bénéficieront pas.
Enfin, j'évoquerai les écoles ouvertes. Ce dispositif est intéressant - vous le constatez, monsieur le ministre, nous savons reconnaître les bonnes choses. Il consiste plus particulièrement à ouvrir les collèges pendant les vacances scolaires, voire les mercredi et samedi, pour offrir aux jeunes des activités scolaires et éducatives. La mesure favorisera une meilleure intégration à la vie scolaire.
L'intervention dans le monde éducatif des bénévoles est une idée intéressante. Ces bénévoles s'intéresseront non à l'enseignement mais plutôt à réduire l'illettrisme, défi majeur, à éradiquer la violence, à combattre aussi l'échec scolaire et à accueillir des enfants handicapés puisque, malgré la présence des AVS, l'encadrement s'avérera insuffisant.
C'est pourquoi je m'interroge sur la faiblesse des moyens qui leurs sont alloués, et notamment sur la baisse des effectifs d'encadrement car les contrats éducatifs locaux reposaient sur les aides éducateurs. La baisse de l'encadrement et de l'éducation populaire ne correspond pas aux discours très favorables que nous entendons sur l'école ouverte.
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 84 570 000 euros ;
« Crédits de paiement : 11 972 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 29 080 000 euros ;
« Crédits de paiement : 9 308 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J'appelle en discusion l'article 78, qui est rattaché pour son examen aux crédits affectés à la jeunesse et à l'enseignement scolaire.
Les personnels non enseignants en service au 1er septembre 2001 à l'Ecole des métiers Jean-Drouant (sise 20 rue Médéric, Paris 17e arrondissement) intégrée dans l'enseignement public en application de l'article L. 442-4 du code de l'éducation qui justifient au 1er septembre 2002 de services effectifs dans cette école d'une durée équivalente à un an au moins à temps complet pourront, à compter de cette même date, sur leur demande et dans la limite des emplois budgétaires créés à cet effet par la présente loi, être nommés puis titularisés dans les corps correspondants de la fonction publique de l'Etat.
Un décret en Conseil d'Etat fixera les conditions d'intégration, de vérification de l'aptitude professionnelle et de classement des personnels intéressés.
M. le président. Je mets aux voix l'article 78.
(L'article 78 est adopté.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la jeunesse et l'enseignement scolaire.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la jeunesse, l'éducation nationale et la recherche.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est donc la neuvième fois que j'ai l'honneur de présenter, au nom de la commission des finances, le rapport sur l'enseignement supérieur. C'est peut-être la dernière, d'ailleurs, mais c'est une incidente ! (Sourires.)
Monsieur le ministre, dans les circonstances actuelles, dans la situation de crise que nous traversons, à un moment où des manifestations d'étudiants se déroulent dans les universités françaises, la présentation du budget pourrait être l'occasion d'un dialogue entre le Sénat et vous-même, un moment de vérité, un moment pour dénoncer les contre-vérités qui sont formulées dans certaines universités, un moment pour présenter les objectifs de la politique universitaire et les moyens mis en oeuvre pour le développement universitaire de notre pays.
C'est dans cet esprit que nous avons intitulé ce rapport : Un triple défi : autonomie, décentralisation, excellence.
Notre conviction - nous l'exprimons depuis neuf ans devant les différents ministres chargés de l'enseignement supérieur - c'est qu'une autonomie de qualité, encadrée dans un système national d'enseignement public, une autonomie dans la qualité pédagogique et dans la gestion, est un instrument du développement universitaire vers toujours plus d'excellence et de qualité dans l'intérêt des étudiants. C'est un des moyens et, en même temps, un des outils, mais aussi une résultante d'un dialogue meilleur et renforcé avec les collectivités locales, dans un esprit de réelle décentralisation.
Autonomie, excellence, décentralisation, c'est l'accent mis sur la liberté, sur la responsabilité des acteurs du développement universitaire.
Monsieur le ministre, après avoir rédigé ce rapport et m'être placé sous ce triple signe, je me suis dit, en lisant les journaux, en observant ce qui se passait sur l'ensemble du territoire français, qu'il fallait reprendre ces thèmes, vous les présenter et vous donner l'occasion d'exprimer votre politique universitaire à l'issue de ce dialogue.
Il faut être clair. Il n'y a pas de décentralisation dans le domaine universitaire, contrairement à ce qui est dit ici ou là ; il n'y a pas de décentralisation des diplômes, des moyens, des personnels, notamment en enseignants-chercheurs ; il n'y a même pas, puisque le débat sur le projet de loi relatif aux responsabilités locales a conduit à ce résultat, de décentralisation dans le domaine de la vie étudiante et des constructions de résidences universitaires. Il n'y a donc pas de décentralisation.
Est-ce à dire que nous, au Sénat, nous serions déçus ? Non, car nous n'avons pas de dogme en la matière. C'est là quelque chose d'extrêmement important à faire comprendre aux étudiants ; les présidents d'université, eux, l'ont compris.
Nous n'avons pas de dogme sur l'autonomie, sur la décentralisation, et nous n'avons évidemment pas l'idée de « marchandiser » ou de « mondialiser » l'enseignement supérieur pour rechercher l'excellence. Ce n'est pas du tout notre conception de l'enseignement supérieur.
En revanche, le débat sur la décentralisation doit être poursuivi car il est vital que l'enseignement universitaire développe la coopération avec les autorités locales.
La situation actuelle est extraordinaire. Aujourd'hui, et je reviens aux aspects financiers, les collectivités locales dépensent plus de 1 milliard d'euros pour le développement universitaire, soit plus de 750 millions d'euros pour les régions et 150 millions d'euros pour les départements et les communes. C'est pareil à Lyon, à Rennes, d'où est parti le mouvement universitaire actuel, ou à Cergy-Pontoise.
Pour ma part, depuis trente ans, je travaille avec la région et les syndicats de communes, au développement universitaire. Nous avons facilité l'implantation d'une université, de grandes écoles comme l'ESSEC, l'ENSEA et d'IUT, d'IUP. Avec mes collègues Roger Karoutchi et Jean-Pierre Fourcade, nous avons engagé une politique de développement universitaire avec le soutien de la région.
Quand je rencontre les étudiants, je leur dis de ne pas laisser passer la chance du développement des responsabilités régionales et locales dans le domaine universitaire, que ce soit pour la recherche, cher ami Pierre Laffitte, pour la vie étudiante, les transports, les résidences, les bibliothèques, les services de documentation. Dans tous ces domaines, les collectivités locales ont consenti des efforts financiers importants, qui ont permis, en engageant un dialogue avec l'Etat et les établissements publics d'enseignement supérieur autonomes, de mettre en oeuvre une politique de qualité, pour un meilleur accueil des étudiants et le développement des universités.
Dans certaines structures juridiques - c'était le cas des universités nouvelles - les collectivités locales étaient institutionnellement associées aux organes de décision. Il est souhaitable d'établir des contrats de développement universitaire au niveau local.
Les étudiants ne doivent pas y voir, sous des mots d'ordre syndicaux, une volonté de prise de pouvoir. Il ne s'agit pas d'une compétition pour le pouvoir. Il s'agit plus exactement de prendre en compte l'aménagement du territoire et l'intérêt des étudiants d'une région donnée, afin d'assurer sur les plans économique, scientifique, culturel et de la recherche, le développement des universités.
Je plaide donc pour une association des collectivités locales au développement universitaire.
Le budget serait en régression. Voilà encore une idée fausse qui est développée dans certaines universités. Mais quels sont les moteurs du mouvement actuel ?
On observe une diversité d'approche des différents syndicats. Certains sont motivés par des considérations politiques.
On s'aperçoit aussi que, si le mouvement a un écho dans les universités et auprès des jeunes, c'est parce qu'il exprime une certaine vision utopique, altermondialiste, anti-européenne de la société, de l'organisation des études et de l'organisation sociale et économique du pays. Il faut engager le dialogue dans cette perspective.
Monsieur le ministre, nous vous invitons d'ailleurs à développer la communication de votre ministère et à exprimer la réalité de votre budget.
Le budget de l'enseignement supérieur va dépasser les 9 milliards d'euros. Il est en progression de près de 3 %. Les moyens mis à la disposition des établissements publics d'enseignement progressent eux-mêmes de plus de 5 %. Aujourd'hui, nous avons un bon budget de l'enseignement supérieur.
M. Ivan Renar. Il faut le dire vite !
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Nous l'avons écrit dans notre rapport et je le réaffirme ici devant la Haute Assemblée : pour la première fois, mes chers collègues, la priorité est donnée à l'enseignement supérieur ; pour la première fois, un virement de plus de 100 millions d'euros est opéré de l'enseignement scolaire vers l'enseignement supérieur.
M. Ivan Renar. C'est l'hôpital au secours de la charité !
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Venons-en maintenant à l'autonomie. Jamais l'autonomie n'a été conçue sans contrepartie. L'autonomie, c'est la responsabilité ; elle doit être développée dans le cadre du service public national. Sur le plan pédagogique, elle est évidemment encadrée non seulement par un système de validation des diplômes à l'échelon national permettant la valorisation des différentes étapes du cursus universitaire, mais aussi par une évaluation sur les plans budgétaire et financier.
Toutes les dispositions qui ont été étudiées, mais dont nous n'avons pas eu connaissance, étaient d'ordre institutionnel ; elles visent à globaliser le budget, à affirmer les responsabilités du président de l'université dans un cadre démocratique, à permettre une coopération entre les universités et un meilleur dialogue avec les collectivités locales et avec les responsables économiques et sociaux de la région.
Toutes ces dispositions, nous semblent aller dans le bon sens, monsieur le ministre.
Nous soutenons votre effort de réforme. Nous souhaitons que le projet ne soit pas abandonné et qu'il soit réexaminé en distinguant ce qui est d'ordre législatif et ce qui est d'ordre réglementaire.
Ce projet doit faire l'objet d'un débat et les arguments favorables aux mécanismes d'amélioration de la qualité de l'autonomie et de la gestion doivent être présentés. En fait, il s'agit très précisément de moderniser les universités et d'améliorer la qualité de leur gestion.
Quels étudiants conservateurs pourraient rejeter l'idée de moderniser la loi de 1984 ? Des jeunes de vingt ans ? Peut-être est-ce le bonheur d'avoir vingt ans. En tout cas, être étudiant dans notre pays est une chance. Ces étudiants peuvent-ils vraiment, sincèrement, en connaissance de cause, s'opposer à la modernisation d'une loi qui date de 1984 et se révèle inadaptée ?
Sur le plan pédagogique, la réforme concernant les licences, les mastères et les doctorats, LMD, c'est-à-dire le système des équivalences transférables, a été lancée par vos prédécesseurs ! Nous avons donc été très étonnés - et un peu indignés, je dois le dire - de lire les critiques adressées à la politique universitaire par les ministres de l'éducation nationale précédents, que ce soit M. François Bayrou ou M. Jack Lang.
D'ores et déjà, une quarantaine d'universités entrent aujourd'hui dans le système LMD ; demain, ce pourrait être l'ensemble des universités. Aujourd'hui, plusieurs présidents d'université se sont prononcés en faveur de la mise en oeuvre des LMD.
Nous souhaitons, monsieur le ministre, que ce débat soit, pour vous, l'occasion de nous confirmer que cette réforme sera poursuivie.
Pour finir, j'évoquerai la vie étudiante.
Nous avions noté dans notre rapport qu'un effort très important devait être fait en matière de constructions universitaires, vous l'avez réalisé, monsieur le ministre.
L'objectif mentionné de procéder à la rénovation de 7 000 logements par an doit être poursuivi et atteint.
Dans le même temps, vous avez mis à niveau les crédits en matière d'équipements universitaires, et les contrats de plan s'exécutent dans de meilleures conditions. Il faut poursuivre dans ce domaine.
Il faut également engager la réflexion sur les bourses, dont le montant doit être réévalué chaque année. Il faut par ailleurs voir si elles permettent bien d'atteindre les objectifs économiques, sociaux et d'égalité des chances.
Enfin, l'idée d'un plan pluriannuel de développement universitaire doit être approfondie. C'est sur cette note d'espoir que je termine.
La commission des finances a donné un avis favorable sur votre projet de budget. J'ajoute que nous vous soutenons dans votre effort de réforme. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai moins d'expérience que mon ami et néanmoins collègue Jean-Philippe Lachenaud, n'étant rapporteur que depuis trois ans. Je demande donc l'indulgence.
Dans le bref temps qui m'est imparti, je commencerai par exposer les motifs de satisfaction, avant d'évoquer un certain nombre d'inquiétudes ou d'interrogations auxquelles je vous serais reconnaissant de bien vouloir répondre, monsieur le ministre.
Tout d'abord, quelques satisfecit : je me félicite de ce budget de rupture, en hausse de 2,93 %, qui marque enfin la priorité accordée par le Gouvernement à l'enseignement supérieur. Je souhaite que cette évolution marque le début d'un rééquilibrage structurel entre le budget de l'enseignement supérieur et celui de l'enseignement secondaire ; nous sommes, en effet, le seul pays industrialisé qui consacre davantage d'argent à un élève du secondaire qu'à un étudiant.
Je me réjouis par ailleurs de la hausse de 4,3 % des subventions de fonctionnement aux établissements supérieurs et de recherche ainsi que de la poursuite de la requalification des emplois des personnels ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers et de service, les IATOS, et de la création d'emplois de catégorie A, dont les universités manquent encore trop cruellement. En effet, elles ne pourront assumer plus complètement leur autonomie qu'avec un encadrement compétent, en particulier dans les domaines de la gestion et des finances.
Je relève avec satisfaction toute une série de mesures positives concernant le vie étudiante, qu'il s'agisse de l'augmentation du nombre de bourses, en faveur de la mobilité internationale notamment, de la rénovation de 7 000 chambres d'étudiants en application du plan de réhabilitation des cités universitaires ou des nouvelles mesures en faveur des jeunes chercheurs. Je me réjouis aussi tout particulièrement de la hausse de 33 % des dépenses de maintenance et de mise aux normes de sécurité des bâtiments, compte tenu de l'ampleur des besoins que la mission d'information de la commission des affaires culturelles sur le patrimoine immobilier universitaire avait constatés.
Par ailleurs, la France n'a pas pris de retard pour la mise en place du système européen du LMD - licence-mastère-doctorat - qui devrait s'accompagner d'une plus grande ouverture sur l'Europe, d'une plus grande mobilité, non seulement des étudiants, mais aussi des enseignants et des chercheurs, ainsi que d'une saine émulation entre les établissements français et étrangers.
Les établissements doivent présenter plus clairement aux étudiants les débouchés qui s'offrent à eux et favoriser le recrutement de post-doctorants en rendant la recherche plus attractive ; je me réjouis des efforts réalisés dans ce sens depuis un an.
Enfin, la synergie entre enseignement supérieur et recherche, au coeur de la croissance, doit être mieux reconnue au niveau institutionnel. A cet égard, je me félicite que, dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, le ministère propose de créer une mission interministérielle « enseignement supérieur et recherche ».
Toutefois, l'auto-satisfaction n'est pas de mise au royaume de l'enseignement supérieur. En effet, certains points méritent des critiques et d'autres soulèvent des interrogations, voire des inquiétudes.
Tout d'abord, l'emploi par l'enseignement supérieur de ces crédits reste critiquable à plusieurs titres, ce qu'a d'ailleurs dénoncé récemment avec sévérité la Cour des comptes. En dépit de certains progrès, trois problèmes me préoccupent tout particulièrement.
Premier problème : une gestion des emplois d'enseignant sans grande visibilité, ce qui handicape considérablement la gestion prévisionnelle des personnels ; j'y ajouterai la lenteur des procédures de recrutement et le détournement contestable de certaines procédures.
Deuxième problème : la gestion problématique du patrimoine immobilier universitaire. « Considérable », comme le qualifiait le rapport, éparpillé, très diversifié, il est aussi dégradé et pose parfois des problèmes de sécurité. Est-il normal que les établissements n'en aient pas complètement la maîtrise ?
D'un point de vue plus général, est-il normal que ce patrimoine ne soit utilisé que 2 000 heures par an ?
La mission d'information de notre commission a formulé des propositions sur l'immobilier universitaire, propositions sur lesquelles j'aimerais connaître votre position, monsieur le ministre, car les réponses apportées sur ce point par votre ministère sont parfois elliptiques.
Troisième problème : la faible place accordée à l'évaluation et la faiblesse des pratiques d'évaluation.
D'une façon générale, la nation peut-elle accepter que l'enseignement supérieur mette en oeuvre des moyens dont il ignore assez largement les coûts ? Ne serait-il pas normal qu'il s'adapte aux exigences actuelles de la gestion publique ?
Je m'inquiète, par ailleurs, de l'efficacité décevante de ce système qui, certes, ne sélectionne pas les étudiants à l'entrée, mais en exclut un trop grand nombre ensuite, du fait notamment des imperfections des modes d'orientation. En effet, le taux d'échec en premier cycle universitaire est trop élevé et très coûteux, tant pour les personnes concernées que pour la collectivité. Imaginez, mes chers collègues, que, deux à cinq ans après la première inscription à l'université, seulement 56,8 % des étudiants réussissent leur premier cycle universitaire, tandis que 20 % d'entre eux abandonnent leurs études sans aucun diplôme. Pas moins de 86 000 étudiants étaient dans ce dernier cas en 2000.
Or, plus que jamais, dans une France confrontée au vieillissement de sa population, l'enseignement supérieur doit répondre à l'évolution des besoins de la société et de l'économie.
Le défi pour l'avenir consistera non plus à développer quantitativement l'offre de formation, mais à l'adapter afin de garantir l'insertion professionnelle d'un nombre désormais stabilisé d'étudiants et à contribuer à la formation continue d'un nombre croissant de personnes amenées à exercer une « seconde carrière ».
Développer la formation tout au long de la vie permettra, en outre, une meilleure utilisation des bâtiments universitaires, notoirement sous-employés, ainsi que je l'ai souligné précédemment.
L'enseignement supérieur devra assurer le remplacement de ses propres enseignants, sachant que dans les dix ans, près de la moitié des professeurs des universités et plus du quart des maîtres de conférence devraient partir à la retraite. Il lui faudra, parallèlement, veiller à dispenser des formations permettant d'assurer la relève des générations.
Tel est l'horizon dans lequel doivent s'inscrire les réflexions sur la modernisation.
Dans ce contexte, notre commission s'inquiète de la diminution du nombre d'étudiants attirés par les études scientifiques et de la crise des carrières scientifiques. Une politique volontariste doit être menée en vue de renforcer leur activité. A cette fin, la diffusion de la culture scientifique et technique doit être l'une des priorités de l'enseignement supérieur.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, indiquer les suites que vous envisagez de donner aux préconisations de la mission d'information de notre commission en la matière ?
La mise en place du système LMD suscite quelques inquiétudes, et j'aimerais pouvoir être tout à fait rassuré à ce sujet.
Au-delà des spasmes saisonniers qui accompagnent les rythmes de la vie étudiante et qui se situent, généralement, en novembre-décembre et mai-juin, au-delà des craintes de ceux qui portent à l'immobilisme un culte inavoué, à l'évolution et au changement une allergie sans cesse renouvelée, au-delà de la détermination de ceux qui pensent, un peu sur le modèle actuellement dominant de la stratégie américaine, que la grève préventive est la meilleure réponse à des angoisses parfois existentielles, se posent quelques vraies questions.
Monsieur le ministre, quelles seront les conséquences du système LMD sur les bac + 2 et bac + 4 ? Je m'inquiète de leur avenir, surtout pour les titulaires d'un DEUG et, par conséquent, de la viabilité d'un certain nombre d'antennes délocalisées. Ne conviendrait-il pas d'autoriser tous les établissements délivrant un diplôme bac + 4 à proposer des programmes qui pourraient être validés à bac + 5 ?
Je m'interroge sur l'avenir des écoles d'ingénieurs et de gestion auxquelles l'habilitation des diplômes aurait été refusée ainsi que sur l'objectivité dans l'application des critères retenus pour cette habilitation.
A cet égard, pouvez-vous nous préciser si vous comptez passer outre l'avis défavorable du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche du 20 octobre dernier sur le projet d'arrêté fixant la liste des diplômes - pour l'obtention du grade de mastère - de vingt-huit écoles de commerce, établie par la commission d'évaluation ad hoc ?
Les étudiants s'inquiètent aujourd'hui pour leur avenir, c'est légitime. Je souhaite que soit comblé le déficit d'information et de communication qui me semble partiellement expliquer la contestation actuelle. Cette dernière vise les modalités de l'harmonisation européenne des systèmes d'enseignement supérieur, mais aussi le projet de loi sur la modernisation des universités.
Or ce projet de loi me semble essentiel, car les universités ont aujourd'hui besoin d'une plus grande autonomie. Peut-on porter à trente-cinq ans les mêmes habits qu'à seize ans ? Non. Il en est de même pour les universités, désormais à l'étroit dans leur statut établi en 1968 et refondu en 1984. Se posent en particulier les questions de la globalisation de leur budget et de la dévolution du patrimoine immobilier.
Nous enregistrons, dans ce domaine, un retard regrettable par rapport à d'autres pays, qu'il s'agisse de l'Italie ou du Canada. Monsieur le ministre, j'aimerais que vous puissiez établir un bilan des expériences étrangères.
Cette nécessaire autonomie devra avoir pour corollaire l'amélioration de la gestion ainsi que le développement de la contractualisation et d'une culture de l'évaluation.
Indispensable, l'amélioration de la gestion des universités passera à la fois par une meilleure affirmation de leur gouvernance - renforcement de la présidence, plus grande efficacité du conseil d'administration, création d'un conseil d'orientation stratégique - et par le développement des compétences d'expertise de leur personnel administratif.
Les établissements doivent, par ailleurs, clarifier leurs relations contractuelles avec l'Etat, mais aussi développer leurs relations avec les collectivités locales et les milieux socio-économiques. Il est essentiel de renforcer les synergies entre les universités et l'ensemble des acteurs locaux, sans que soit brandi le faux épouvantail de la « privatisation » ou de la « marchandisation » de l'enseignement supérieur. Ce n'est pas de cela qu'il est question, mais de la modernisation et de l'adaptation à notre société d'un système qui a tout simplement vieilli, et cela dans l'intérêt même des étudiants et, au-delà, de notre pays.
Il conviendra enfin de développer une culture de l'évaluation au sein de l'enseignement supérieur. Celle-ci est totalement entrée dans les moeurs des établissements de nombreux pays, et nous avons, vous le savez, encore beaucoup de chemin à parcourir en la matière. A cette fin, il nous faudra en particulier mieux prendre en compte l'activité des enseignants-chercheurs. J'aimerais, monsieur le ministre, que vous nous indiquiez, à cet égard, les suites que vous envisagez de donner aux propositions du recteur Belloc.
Plus généralement, pouvez-vous nous préciser les intentions du Gouvernement concernant ce projet de loi sur la modernisation de l'enseignement supérieur que nous appelons de nos voeux ?
Compte tenu de ce budget, qui marque une rupture, et des mesures positives qui sont initiées par le ministre, je conclurai mon propos, mes chers collègues, en vous indiquant que la commission des affaires culturelles s'est déclarée favorable à l'adoption du budget de l'enseignement supérieur pour 2004. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire : 36 minutes ;
Groupe socialiste : 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 5 minutes ;
Groupe du rassemblement démocratique et social européen : 5 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'heure où de nombreux étudiants manifestent leurs inquiétudes quant à l'avenir de l'enseignement supérieur (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste) - et je reste modéré ! -, le Sénat est amené à se prononcer sur le budget qui lui est consacré et qui, bien qu'en augmentation de 2,93 % par rapport à celui de l'année antérieure, est très loin d'être satisfaisant.
Ce nouveau budget fait suite à une baisse significative de celui de l'année dernière et ne permet aucun rattrapage pour les universités françaises, alors même que leur financement les met dans le peloton de queue de l'Union européenne, du point de vue tant du nombre d'emplois par étudiant que des subventions de fonctionnement et d'investissement qui leur sont attribuées.
En outre, il faut indiquer qu'aucune création d'emplois d'enseignant-chercheur n'est prévue cette année, d'où un inévitable redéploiement des effectifs à partir des grandes universités scientifiques : les universités Paris V, Paris VI et Paris VII se sont vu supprimer une vingtaine d'emplois, ce qui obérera leur réactivité dans le domaine de la recherche, à un moment où 550 emplois de chercheurs sont transformés en contrat à durée déterminée.
Notons que les maigres transformations d'emplois de maîtres de conférence en emplois de professeurs ont été gagées sur les crédits de fonctionnement, qu'il n'y a eu aucune promotion supplémentaire de professeurs en classe exceptionnelle et deux fois moins de promotions nouvelles de la première année à la deuxième classe des professeurs.
Soulignons également que l'indispensable requalification d'emplois de catégorie C en emplois de catégorie A pour les personnels non enseignants se fait à budget constant ou en transférant la charge sur le budget de fonctionnement des universités. Il en est de même de l'intégration des emplois précaires.
Par ailleurs, l'examen du budget permet de constater que l'augmentation des crédits de fonctionnement est ciblée sur quelques établissements en particulier, l'enseignement supérieur privé étant particulièrement bien pourvu avec une dotation en hausse de 5 millions d'euros, soit 10 % de crédits supplémentaires. Dans le même temps, les crédits pour la recherche universitaire baissent de 3 %, ce qui vient s'ajouter à l'annulation de crédits effectuée en 2003 qui a amputé de près de 30 % les crédits des laboratoires.
Et que dire de l'absence dans le budget pour 2004 de crédits destinés à compenser la perte de pouvoir d'achat de près de 10 % des universités, consécutive au changement, en 2003, du régime de la TVA pour les crédits d'investissement de recherche ? Le Gouvernement s'était pourtant engagé sur ce point... à tel point que les 10 millions d'euros prévus à cet effet au budget de 2003 ont été annulés !
S'agissant des crédits annulés, il me faut citer le cas de l'université de Lille I, qui n'a perçu qu'un peu plus de la moitié des crédits annoncés destinés à la sécurité de l'établissement. Aussi doit-on s'interroger sur l'intérêt de la présentation d'un budget dont on constate, par la suite, qu'il n'est pas mis en oeuvre.
Pour compléter l'examen d'un budget dont on ne sait si vous le jugez bon, monsieur le ministre, il faut noter que les crédits nécessaires à la réalisation de la part Etat du contrat de plan Etat-région sont insuffisants, et ce en dépit de l'ampleur des besoins constatés par la mission d'information de la commission sur le patrimoine immobilier universitaire.
La nécessaire remise à niveau de ce patrimoine sera donc pour le mieux retardée. De plus, les surcoûts entraînés par les délocalisations nécessaires à la remise à niveau de certains établissements n'ont pas été pris en compte et risquent de faire basculer certaines universités dans de graves difficultés financières.
Tel est le cas de l'université Pierre et Marie Curie : les ressources que cet établissement avait prévu d'affecter aux opérations d'adaptation préalables à la construction de l'Espace européen d'enseignement supérieur et de recherche risquent d'être englouties par la nécessité d'entretenir les sites délocalisés.
Ce budget démontre, encore une fois, que, contrairement à ses déclarations d'intention, le Gouvernement ne fait pas preuve de sincérité budgétaire. Il serait sans doute risqué pour lui d'avouer à l'opinion publique que l'enseignement supérieur ne relève pas de ses priorités !
Cela est d'autant plus vrai que l'enseignement supérieur est exclu du débat sur l'école. N'est-il pas cependant un maillon indispensable de notre système éducatif ? L'importance de l'enseignement supérieur est-elle si mineure qu'elle ne nécessite pas la mise en oeuvre d'une consultation nationale intégrant l'ensemble des acteurs, y compris les étudiants eux-mêmes, pour l'heure écartés de discussions qui pourtant les concernent directement ?
Le Gouvernement devrait prendre le temps d'écouter les légitimes doléances des étudiants et s'employer à instaurer avec eux un vrai dialogue afin de répondre à leurs craintes concernant notamment le maintien du caratère national des diplômes universitaires et la mise en concurrence des facultés. Notre République se doit en effet de prêter attention à sa jeunesse. Celle-ci, dont les perspectives d'avenir sont de plus en plus incertaines, ne peut être sacrifiée sur l'autel de la logique du tout gestionnaire ou de l'intégration européenne. Il nous faut être solidaires avec nos jeunes, tout comme nous devons l'être avec nos aînés, faute de quoi, nous assisterons à de nouveaux drames.
Pour ma part, je comprends et partage l'inquiétude des étudiants, qui mériteraient une meilleure écoute.
Certes, on peut relever la hausse de 1 % des crédits du CNOUS, le centre national des oeuvres universitaires et scolaires, et de 1, 5 % des bourses attribuées aux étudiants. Il reste que ces mesures demeurent dérisoires par rapport à l'inflation et plus encore par rapport à l'augmentation des frais qu'ils ont à supporter en termes de logement, de restauration, de sécurité sociale, de droits d'inscription d'où, une sensible baisse de leur pouvoir d'achat, les plus modestes d'entre eux étant contraints d'avoir recours à une activité salariée en sacrifiant une partie importante du temps qu'ils devraient normalement consacrer à leurs études. En fait, les difficultés financières expliquent bon nombre de leurs échecs et de leurs abandons.
Il y aurait beaucoup à dire également sur la crise du logement étudiant, sans parler de la vétusté des bâtiments universitaires.
Il ne s'agit pas là d'un discours misérabiliste, monsieur le ministre ; mes propos s'appuient sur l'enquête réalisée par l'Observatoire de la vie étudiante, qui révèle un véritable mal-être de nos jeunes concitoyens.
Cela étant dit, j'estime que tous les responsables politiques de ce pays, quelle que soit leur orientation politique, devraient reconnaître que posséder un diplôme de l'enseignement supérieur constitue un atout déterminant pour l'emploi, que notre pays a besoins plus qu'hier encore d'hommes et de femmes hautement qualifiés.
Je citerai à ce propos Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles du Sénat, qui déclarait, avec raison - je le cite parce que je suis d'accord avec lui ; une fois n'est pas coutume (sourires) - que « l'enseignement supérieur, dans une France plus que jamais confrontée au vieillissement de sa population, constitue, avec la recherche, un moteur fondamental de la croissance ». Je salue cette déclaration.
Partant de ce postulat, l'ensemble des élus de la République devraient prendre position en faveur d'une dotation de l'enseignement supérieur qui soit à la hauteur des enjeux, comme le réclament les parlementaires communistes. Ce n'est pas encore le cas cette année, c'est pourquoi le groupe CRC votera contre le présent budget. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Je voudrais tout d'abord souligner la qualité du travail des deux rapporteurs, MM. Lachenaud et Dupont, qui ont exposé de façon détaillée, le contenu de ce projet de budget en évoquant certaines de ses ombres et lumières, qu'il conviendrait toutefois de préciser davantage.
S'agissant de l'enseignement supérieur, n'ont été évoquées que les ombres du premier cycle. Les réflexions formulées ne sont pas nouvelles ; elles datent d'au moins dix ou quinze ans. Il faudrait qu'à l'avenir les universitaires, surtout s'ils jouissent d'une plus grande autonomie, se mettent à réfléchir sur tous ces sujets.
Une partie de notre système d'enseignement supérieur placée sous la tutelle de votre ministère, même si, dans certains cas, elle dépend budgétairement d'autres ministères, bénéficie d'une autonomie beaucoup plus forte que celle que connaissent la plupart des universités.
Je veux parler des grandes écoles. Je connais bien le système. Ces grandes écoles ont une autonomie de fonctionnement tout à fait comparable à celle des grandes universités américaines. Il y a donc des exemples, aussi bien à l'intérieur de l'hexagone qu'à l'extérieur, qu'il faudrait méditer.
Il conviendrait de mieux préciser, en liaison avec la conférence des présidents d'université, les avantages et les inconvénients d'une autonomie plus forte, parce que, évidemment, autonomie implique responsabilité.
Je connais bien l'université de Munich, qui, de toutes les universités allemandes, est celle qui a le mieux profité de la nouvelle loi allemande sur les universités : son président est un vrai président qui dirige ; il a la capacité de créer de nouveaux domaines, de nouveaux départements, d'y affecter des moyens et, par conséquent, de faire évoluer les choses vers plus de modernité.
Il est évident que ce n'est pas en entourant les universités françaises d'une espèce de ligne Maginot, en les empêchant de profiter de la mondialisation, que l'on dissuadera les universitaires compétents et de qualité d'aller poursuivre leur doctorat, voire leur mastère dans des universités étrangères.
Endiguer la fuite des cerveaux commence donc par la constitution de pôles d'exception ou d'excellence à l'intérieur des universités françaises, ou par le renforcement de ceux qui existent déjà.
Alors, bien sûr, on me dira : « Vous allez créer un sytème universitaire à deux vitesses ! » Mais il ne s'agit nullement de cela, d'une part, parce que ce sont les départements universitaires et non les universités qui sont concernés et, d'autre part, parce qu'il y a déjà, dans la réalité, des départements à deux vitesses. Si l'on veut faire de bonnes études de droit, on s'inscrit à Paris ou à Aix. Si l'on veut être un authentique spécialiste de la propriété industrielle ou intellectuelle, on n'a d'autre choix que d'étudier à Strasbourg, car c'est le seul pôle existant en France en ce domaine. J'ai cité le droit, mais il en va de même pour la physique, la chimie, etc. Il existe donc bien, d'ores et déjà, à l'intérieur de notre système, une compétition entre les universités.
Certains syndicats, situés en vérité à l'extrême gauche, en tout cas très à gauche de notre ami Ivan Renar...
M. Ivan Renar. Plus à gauche que moi, tu meurs ! (Sourires.)
M. Pierre Laffitte. Mon cher collègue, je vous connais suffisamment pour savoir que vous n'êtes pas d'extrême gauche, y compris au sein de votre parti. D'ailleurs, je dis souvent : « Ivan Renar devrait faire partie du groupe du RDSE, mais il ne le sait pas ! » (Nouveaux sourires.) Bien entendu, dans ma bouche, c'est un compliment !
En tout cas, certains syndicats manifestent une espèce de volonté de « couper tout ce qui dépasse ». A les écouter, on finirait par vivre dans un système digne du Cambodge de Pol Pot, où l'on ferait la chasse aux élites simplement parce que ce sont des élites, où la médiocrité serait la valeur suprême. Evidemment, un tel système est à l'opposé de la « méritocratie » qui fait de notre enseignement supérieur le dernier étage de l'ascenseur social. Si certaines personnes peuvent changer de catégorie sociale, c'est bien grâce à leur travail et à la valorisation de leurs capacités intellectuelles, d'abord dans le système scolaire, puis dans l'enseignement supérieur.
Monsieur le ministre, puisqu'une loi fâcherait, ne serait-il pas possible de favoriser au moins des expérimentations ?
Sans passer par la loi, ne serait-il pas envisageable de répartir les crédits dont dispose votre ministère - ceux du fonds national de la science ou du fonds de la recherche technologique, par exemple - de manière à aider les élites à constituer de véritables pôles d'excellence plutôt que de tout distribuer de façon uniforme ?
Cela ne veut pas dire que l'on doterait uniquement certaines universités. Les unes peuvent être excellentes dans un domaine et d'autres dans d'autres domaines. Toutes les régions, toutes les universités pourraient être incitées à la performance.
Par ailleurs, cela nous permettrait de mieux attirer les étudiants étrangers vers ces pôles d'excellence, et je pense en particulier aux étudiants de ce grand pays qu'est la Pologne.
La Pologne a plus d'étudiants que l'Allemagne, notamment dans les domaines scientifique et technique. Nous pourrions, par une politique d'accueil ciblé, profiter de cette manne d'étudiants de haut niveau et de bonne qualité. Faire venir des thésards polonais supplémentaires dans nos centres d'excellence contribuerait à renforcer ces derniers. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur des points essentiels, en particulier celui des personnels, je pourrais reprendre textuellement mon intervention sur le budget de l'enseignement supérieur pour 2002, car rien n'a évolué depuis.
Vous m'en voyez doublement navré, monsieur le ministre, d'abord parce que mes principales observations d'aujourd'hui ne vous étonneront pas, mais plus encore pour ce qu'elles impliquent pour l'avenir de notre enseignement supérieur.
Ainsi, en ce qui concerne la gestion prévisionnelle et pluriannuelle des personnels, vous n'avez pas avancé d'un iota, alors que la moyenne des départs à la retraite des professeurs, toutes disciplines confondues, est estimée, entre 2004 et 2008, à 856 par an.
L'année 2004, monsieur le ministre, ce n'est pas après-demain, ni même demain, c'est aujourd'hui ! Quelles sont donc vos intentions face à ces départs massifs à la retraite ?
Le précédent gouvernement avait anticipé ces évolutions et annoncé, en novembre 2000, un plan pluriannuel pour l'éducation nationale comportant à la fois un plan de programmation des recrutements et un plan de programmation des créations d'emplois. Vous vous êtes contenté de l'abandonner.
Votre budget ne comporte aucune création d'emploi d'enseignant-chercheur, alors que les effectifs étudiants continuent de croître - même si ce n'est que légèrement - et cela n'est pas sans inquiéter la conférence des présidents d'université, pour qui cette absence de création de postes rend impossibles les rattrapages pourtant indispensables dans les établissements les plus mal dotés. Votre intention est-elle de laisser se réduire les taux d'encadrement dans nos universités ? Le nombre d'étudiants par enseignant est ainsi passé de 20,83 à 19,14 en 2001 et n'évolue plus depuis.
La nécessaire amélioration de la gestion des emplois ne peut justifier, dans le contexte actuel et eu égard à ses perspectives d'évolution, un gel des recrutements.
Pour les personnels IATOSS, alors même que 8 300 d'entre eux devraient partir à la retraite, chaque année, entre 2003 et 2012, vous ne créez que 125 postes. Or la poursuite de la requalification des emplois, sans création suffisante de postes en parallèle, aboutit à une stagnation nette du nombre total d'emplois. Cela risque de rendre difficile l'acceptation par les personnels de la suppression de 300 emplois de catégorie C au moment où les mesures indemnitaires en faveur de ces mêmes personnels restent très insuffisantes.
La progression des crédits de fonctionnement des établissements d'enseignement supérieur à hauteur de 4,2 % peut paraître importante à première vue, si l'on oublie dans quel contexte elle s'inscrit.
En réalité, l'augmentation des crédits de fonctionnement des universités et des crédits de paiement en matière de sécurité reste au niveau d'un rattrapage incompressible.
En effet, après un budget 2003 prévu en loi de finances initiale en diminution en volume, des suppressions massives de crédits sont intervenues en cours d'année. Au premier semestre, les annulations concernant les crédits de paiement atteignaient déjà près de 44 millions d'euros. Malgré cela, un nouveau décret d'annulation est intervenu, début octobre, portant sur un montant de crédits de paiement de 18,53 millions d'euros.
D'ailleurs, au cours de ce même mois d'octobre, la conférence des présidents d'université n'a pas manqué d'exprimer sa forte inquiétude quant à l'exécution du budget de 2003 : les crédits du fonds national de la science ont été annulés, les engagements contractuels de l'État pour la maintenance devaient être tenus, mais pas ceux sur la sécurité, et les crédits prévus pour les relations internationales n'avaient généralement pas encore été versés aux universités.
Concernant les crédits de recherche destinés au fonctionnement et à l'équipement, certains établissements n'avaient reçu que la moitié de leur dotation, alors qu'ils ont dû ouvrir tous ces crédits en début d'année pour faire fonctionner les équipes de recherche, devenant ainsi, de fait, banquiers de l'État en lui consentant des avances.
Si les crédits destinés aux contrats de plan État - région connaissent eux aussi un léger rattrapage par rapport à 2003, ils continuent à reculer en autorisations de programme.
Les différentes mesures d'annulation et de gel de crédits ont déjà eu des répercussions importantes sur l'exécution des contrats de plan, alors qu'on assiste à une montée en charge des besoins de financement. Cependant, les crédits de paiement restent très insuffisants pour couvrir les autorisations de programme, ce qui risque de compromettre plus encore la réalisation des contrats de plan.
Notre groupe déplore que vous n'ayez pas de projet, pas de vision d'avenir pour notre enseignement supérieur. Les seules grandes réformes que vous étiez en charge d'appliquer, l'harmonisation européenne des diplômes et l'autonomie des universités, vous les teniez de votre prédécesseur, et vous avez réussi à monter les étudiants contre elles parce que vous avez pris leurs inquiétudes à la légère. Maintenant, désavoué une fois de plus, vous devez reculer. Vous n'avez pas su, ou pas pu, instituer une discussion véritable sur le contenu de la réforme, pour aboutir à une réforme concertée, et donc acceptée. Car la mobilisation des étudiants ne s'est pas faire contre l'harmonisation des diplômes en elle-même, mais contre ses modalités d'application.
Même le débat sur l'école, qui s'organise enfin, laisse complètement de côté l'enseignement supérieur, hormis deux questions très circonscrites : la formation des enseignants et la préparation à l'entrée dans l'enseignement supérieur.
Or les questions et les inquiétudes des étudiants sont très pratiques, car les conséquences sur leur parcours estudiantin sont importantes : il s'agit en effet du maintien ou non de la compensation annuelle des notes et de la possibilité pour les facultés de supprimer la session de rattrapage en septembre. Ces conséquences sont structurelles quand elles sont liées à la nécessité d'une cohérence pédagogique européenne pour la mise en place du système européen de crédits dit « ECTS », à l'articulation des diplômes à bac + 2 et bac + 4 avec le nouveau système, à un déplacement de la sélection après la troisième année d'études au lieu du début de la cinquième, ou au statut des filières des sciences humaines, considérées comme « non rentables » compte tenu d'une volonté de professionnalisation de certains cursus.
Quant au projet sur l'autonomie des universités, c'est la cacophonie. Si j'ai bien suivi le dernier épisode, il était ajourné pour une seconde fois, après l'ajournement du printemps dernier, mais la réflexion et la discussion continuent. Pouvez-vous nous préciser quelles en seront les modalités ? Les étudiants y seront-ils associés ?
Concernant l'avenir à plus long terme de notre système d'enseignement supérieur, selon le rapport du Haut conseil d'évaluation de l'école, notre économie aura besoin d'ici à 2010 de faire passer le taux de bacheliers de 62 % à 70 % d'une génération et celui des diplômés de l'enseignement supérieur de 38 % à 45 %.
L'un des objectifs majeurs de notre politique d'enseignement supérieur devrait être l'élargissement de l'accès à l'enseignement supérieur long et, dans cette perspective, la lutte contre l'échec en premier cycle universitaire. Or, s'agissant de rénovation du premier cycle pédagogique, monsieur le ministre, vous semblez là aussi marquer le pas. Actuellement, seul un jeune sur quatre obtient un niveau de diplôme supérieur ou égal à la licence, c'est moins que la moyenne des pays de l'OCDE, qui est de 30 %.
Quelle adaptation proposez-vous ? Quels moyens vous donnez-vous pour que, par exemple, les bacheliers de la filière professionnelle puissent réellement réussir dans l'enseignement supérieur ? Face à l'évolution rapide des métiers et des techniques, ne faut-il pas plutôt développer un plus grand accès aux formations à caractère généraliste ?
Ce sont des débats et des questions de ce genre qui doivent être soulevés et tranchés par le politique pour assurer l'avenir de notre enseignement supérieur.
Je finirai, malgré tout, sur un constat un peu plus positif, même s'il est tout à fait relatif : je note avec soulagement que, cette année, la commission des finances ne nous propose pas de réduire le budget de l'enseignement supérieur, car elle a fini - c'est tout à son honneur, même si cela intervient tardivement ! - par reconnaître son erreur.
La minoration des subventions de fonctionnement pour 2003, à hauteur de 2 millions d'euros, qu'elle avait décidée en prétendant se fonder sur une connaissance approfondie de la gestion et des conditions de gestion du ministère de l'enseignement supérieur, et à laquelle nous nous étions farouchement opposés, ne devait toucher que les établissements censés disposer de réserves excessives. Elle s'est appliquée, en réalité, faute de données fiables du ministère sur la situation financière réelle de chaque établissement d'enseignement supérieur, à l'ensemble de nos universités, contraignant certaines d'entre elles à couper le chauffage durant l'hiver dernier et même à fermer leurs portes quelques semaines, au détriment de leurs étudiants.
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Monsieur Lagauche, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Serge Lagauche. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Je crois nécessaire de dire qu'une série d'affirmations tout à fait erronées viennent d'être proférées.
D'une part, monsieur Lagauche, vous avez fait une présentation caricaturale de ce que nous avions proposé l'an dernier au ministre, dans des conditions particulièrement difficiles, à savoir une réduction tout à fait limitée des crédits et devant porter sur les subventions de fonctionnement des établissements d'enseignement supérieur.
D'autre part, il est inexact de dire que le ministère ne disposait pas des informations suffisantes au cours de l'application de cette mesure. D'ailleurs, des rapports vont faire apparaître que la situation des universités et les difficultés d'application des critères de répartition SANREMO entre les universités sont connues. Mais, objectivement, compte tenu du faible montant de la somme qui était en cause, et même si nous l'avons un peu regretté, à la commission des finances, le ministre a pris une bonne décision en appliquant cette réduction de manière égale entre tous les établissements.
Il est totalement faux de prétendre qu'elle est à l'origine des difficultés de gestion que connaissent certaines universités obligées de couper l'eau, le téléphone ou de ne pas entretenir les espaces verts. Ces difficultés sont imputables aux dirigeants des universités. Cette réduction des crédits n'a entraîné aucune difficulté pratique dans les universités, je peux vous l'assurer.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Lagauche.
M. Serge Lagauche. M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles nous a dit approuver ce budget parce que c'était un budget de rupture. Au contraire, vos propos, monsieur le rapporteur spécial, prouvent bien qu'il s'agit d'un budget de continuité : continuité dans la restriction des crédits, continuité dans la pénurie et continuité dans le manque d'objectifs.
D'ailleurs, vos questions, aussi bien que celles de M. le rapporteur pour avis, témoignent de votre inquiétude. Inquiétude, d'abord, devant le manque d'information sur l'autonomie et le manque d'information aux étudiants en ce qui concerne l'évolution de leurs études et des diplômes. Inquiétude ensuite parce qu'il n'y a pas eu au Parlement un débat suffisant sur les orientations du Gouvernement concernant sa politique universitaire.
Dans les faits, on n'a pas décentralisé : ça avance, ça recule, on ne sait pas trop pourquoi, mais finalement rien n'est fait. Cela méritera indéniablement, monsieur le ministre, un débat au Parlement, de manière que chacun puisse prendre position et que le pays tout en entier voie où le Gouvernement veut mener l'université ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. André Ferrand.
M. André Ferrand. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un budget en augmentation de près de 3 % par rapport à celui de l'an dernier, dans un contexte de contrainte et de rigueur ; des montants qui nous mettent pratiquement en ligne avec la moyenne des pays de l'OCDE ; des orientations qui nous conviennent, qu'il s'agisse des avancées vers une plus grande autonomie des universités, des efforts vers une gestion plus efficace des personnels, de l'amélioration de l'accompagnement matériel et social des étudiants, des progrès dans la construction d'un espace universitaire européen ou de la création de nouvelles bourses de mobilité à l'étranger...
Monsieur le ministre, tout en vous souhaitant un jour des budgets comparables à ceux de nos amis et concurrents américains et canadiens, dont la dépense en faveur de l'enseignement supérieur représente respectivement 2,7 % et 2,6 % de leur PIB, contre 1,13 % chez nous en 2002, c'est sans réserve que, après nos excellents rapporteurs, je vous apporte mon soutien en vous encourageant à poursuivre résolument dans les directions que vous avez fixées.
Certes, la route est semée de quelques embûches, comme cela est malheureusement trop souvent le cas dans notre pays. Mais, à l'exception d'une minorité très marginale, tout le monde sait, y compris vos prédécesseurs, que vous avez raison et qu'il n'y a pas d'autres solutions pour moderniser notre université et la mettre au niveau des meilleures, en particulier en termes d'attractivité.
Il faut donc maintenir le cap de cette modernisation, c'est-à-dire de l'adaptation à l'environnement et aux besoins, de la coopération de plus en plus en plus étroite avec tous les acteurs de terrain, de l'ouverture sur l'international en multipliant échanges et partenariats.
Sénateur des Français établis hors de France, je voudrais attirer votre attention sur trois points.
J'évoquerai, en premier lieu, l'accueil des étudiants Français issus de nos écoles à l'étranger et désirant s'inscrire dans nos universités ou nos classes préparatoires. Le fait, lié à l'éloignement, qu'ils dépendent souvent pour leur logement d'un parent ou d'une autre accointance personnelle ou familiale devraient leur conférer le droit, sinon à une discrimination positive, à une priorité ou, en tous cas, à une considération particulière.
Or, si des progrès ont été accomplis, en particulier grâce à l'action du Conseil supérieur des Français de l'étranger, beaucoup reste à faire, monsieur le ministre, et je vous serais reconnaissant d'amener vos services à prendre très sérieusement et très concrètement cette demande en compte.
Mon deuxième point porte sur l'organisation du dispositif qui, au ministère, gère l'international. A travers vos déclarations et celles de M. Darcos, nous avons compris que votre intention était d'aller vers une répartition, au sein des différentes directions, des responsabilités aujourd'hui assurées par la seule direction des relations internationales et de la coopération, la DRIC. Compte tenu de l'importance des actions menées à ce titre, vous serait-il possible aujourd'hui, monsieur le ministre, de nous éclairer plus précisément sur les raisons, les objectifs et les voies de cette réforme ?
Enfin, mon dernier point a trait à une question particulièrement importante puisqu'il s'agit de l'accueil des étudiants étrangers dans nos écoles et nos universités.
Nous connaissons les chiffres et nous savons que nous pouvons et devons mieux faire, car l'enjeu est important.
Dans cette compétition, l'un de nos handicaps les plus graves, par rapport en particulier à nos concurrents anglo-saxons, est que nous ne sommes pas capables, comme eux, de proposer aux étudiants étrangers et à leurs familles, qui sont très sensibles à cet aspect, un « paquet » comprenant à la fois l'inscription à l'université, le logement et une couverture sociale.
En France, le logement pose un véritable problème, vous le savez, monsieur le ministre, et je ne suis pas certain que la puissance publique, à quelque niveau que ce soit - Etat, collectivités territoriales diverses, villes - ait avant longtemps les moyens d'y apporter une solution, quels que soient les efforts déployés.
Dès lors, comme cela a été fait dans d'autres domaines, pourquoi ne pas imaginer des résidences étudiantes hôtelières qui seraient construites, et éventuelllement gérées, dans le cadre d'un partenariat entre des entités privées spécialisées et le niveau ad hoc de la puissance publique ? C'est là, j'en suis convaincu, une piste d'avenir qui permettrait d'apporter une solution rapide aux problèmes de financement du logement étudiant et je vous serais reconnaissant, monsieur le ministre, de bien vouloir prendre cette idée en considération.
M. le président. La parole est à M. Marcel Vidal.
M. Marcel Vidal. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, flambée des loyers, diminution du nombre d'appartements vacants : la pénurie sur le marché locatif est préoccupante ! Alors que l'offre s'étiole, la demande, elle, connaît un boom spectaculaire.
Le 2 juillet dernier, a été votée la loi portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction, qui comprend notamment des mesures de simplification destinées à libérer du foncier afin de pouvoir construire davantage de logements. Mais au regard de l'ampleur du phénomène, il semble nécessaire, d'une part, de multiplier les propositions et, d'autre part, d'encadrer avec vigilance les actions menées.
La crise du logement a de nombreuses conséquences. Mon propos portera sur les difficultés d'accès au logement des étudiants.
On dénombre aujourd'hui en France,150 000 logements étudiants, dont 100 000 en cités universitaires.
Avec 2 200 000 étudiants pour 150 000 logements, les manques sont évidents. De nombreux étudiants sont obligés de se tourner vers le logement locatif privé, beaucoup plus cher pour des surfaces souvent dérisoires.
Très régulièrement, les étudiants témoignent de la pénurie de logements, de l'augmentation des loyers, de l'insalubrité de leur habitat et des difficultés qu'ils rencontrent pour trouver une caution acceptée par les propriétaires, alors que la capacité d'accueil des résidences universitaires ne suffit plus. Et cette situation ne date pas d'hier, il est bon de le souligner !
Le logement étudiant constitue un enjeu important tant national que local. Alors même que la croissance économique d'une nation dépend de son potentiel de recherche et d'innovation, sa promotion passe en premier lieu par l'accès aux études supérieures et implique donc un accès au logement facilité pour les étudiants.
Pourtant, il est navrant de constater que le parc de logements en cités universitaires est insuffisant et que ces logements sont souvent en piteux état : selon les statistiques, il est indiqué que la moitié du parc a besoin d'une sérieuse rénovation.
Il semble désormais nécessaire que soit réalisée une consultation réunissant les différents acteurs du logement étudiant, afin de prévoir les moyens supplémentaires pour répondre aux situations d'urgence, telles qu'en connaissent certaines académies, notamment celle de Montpellier.
La crise du logement étudiant en Languedoc-Roussillon est tout particulièrement préoccupante, monsieur le ministre.
La situation semble ubuesque, mais n'est cependant pas étonnante au regard de certains chiffres : Montpellier accueille 62 000 étudiants, dont environ un tiers possèdent leur logement familial en dehors de la région, tandis que les étudiants étrangers, plus nombreux qu'ailleurs, représentent quelque 15 % de l'effectif total. En effet, la croissance démographique de la région et son attractivité ont des influences directes sur les effectifs accueillis dans l'enseignement supérieur. La forte augmentation sur Montpellier et le nombre croissant d'étudiants internationaux ne vont pas sans poser de problèmes, car le parc de logements à caractère social est limité et le parc privé, saturé.
Actuellement, le centre régional des oeuvres universitairse et scolaires, le CROUS, dispose d'un parc de 6 000 logements qui sont tous attribués à ce jour et 4 800 demandes restent en souffrance. Le parc privé devrait absorber ce trop-plein, mais il ne faut pas oublier que la huitième ville de France connaît l'une des poussées démographiques les plus importantes enregistrées sur notre territoire.
De fait, les conditions d'accueil se compliquent à mesure que le nombre d'étudiants augmente, ce que ne manque pas de souligner le journal Le Monde Campus, en date du 25 novembre dernier, qui réserve toute une page à la capitale du Languedoc-Roussillon et à son université.
Les premiers bilans de la rentrée universitaire 2003-2004 réaffirment le phénomène de crise du logement dans la région, et les solutions immédiates à offrir sont de plus en plus restreintes.
De plus, nombre d'étudiants qui effectuent des séjours de moyenne ou longue durée dans des laboratoires de recherche de la région - notamment en raison de l'existence du site Agropolis - ne sont pas recensés sur l'académie de Montpellier du fait de leur appartenance initiale à une autre académie et sont, eux aussi, demandeurs de logements.
Par ailleurs, il est fort regrettable de constater que les étudiants issus de catégories socioprofessionnelles peu favorisées sont également moins tentés de quitter le logement familial. Plus souvent que les enfants de cadres, par exemple, ils choisissent des filières courtes, à proximité de leur domicile. Ce choix par défaut leur est préjudiciable du fait de la répartition très inégalitaire des formations universitaires sur l'ensemble du territoire. En privilégiant la proximité, ils se privent des formations les mieux reconnues.
Il reste donc beaucoup à faire pour permettre aux étudiants d'accéder à un logement. Pourtant, devenir étudiant signifie bien souvent quitter le domicile familial pour accéder à son premier logement et devenir autonome.
Monsieur le ministre, face à cette situation d'urgence extrêmement inquiétante, l'Etat se doit d'honorer ses promesses s'agissant des crédits et, même si les lignes budgétaires qui sont prévues semblent importantes, elles sont encore nettement insuffisantes pour pouvoir apporter une réponse satisfaisante à la demande étudiante, d'autant que les crédits pour le logement social ont été amputés de 7 % dans le projet du budget pour 2004.
Même si, à court et à moyen terme, des projets de construction de logements sont à l'étude, il reste que la date de livraison s'échelonnera nécessairement entre deux et dix ans ce qui n'apportera pas de solution à court terme. Les personnes en charge du logement étudiant seront placées dans une situation d'impuissance totale. Aussi, la construction de logements neufs ne doit pas nous faire oublier l'impérieuse nécessité de réhabiliter les sites existants.
Dans cette optique, monsieur le ministre, quelles relations, quels liens le ministère de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer et le ministère dont vous avez la charge entretiennent-ils en vue de réaliser des projets répondant de façon globale et cohérente à la problématique du logement étudiant ? Quelle méthode de travail est-elle appliquée à ce jour ?
Monsieur le ministre, si, dans l'immédiat, des solutions de fortune ont été trouvées ici et là pour essayer de résorber la crise, il est désormais temps d'anticiper et de mener une réflexion sur des projets viables et envisageables le plus rapidement possible. Il est en effet souhaitable que la rentrée universitaire 2004-2005 et celles qui suivront puissent avoir lieu dans des conditions plus favorables, plus dignes, avec l'unique objectif de permettre à notre jeunesse de suivre un cursus universitaire de qualité, à l'actif de notre pays et dans un contexte européen équilibré et dynamique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Paul Dubrule.
M. Paul Dubrule. Monsieur le ministre, je tiens tout d'abord à vous remercier de la dotation de l'enseignement supérieur qui, compte tenu de la rigueur budgétaire, pouvait difficilement être supérieure. Bien sûr, chacun d'entre nous aurait souhaité que le projet de loi de finances pour 2004 fût plus ambitieux en termes d'effort d'investissement intellectuel, comme l'a si bien rappelé notre collègue, le rapporteur spécial Jean-Philippe Lachenaud.
M. Serge Lagauche. Bravo !
M. Paul Dubrule. Vous avez dû d'ailleurs tenir compte également des remarques de la Cour des comptes, notamment en matière de gestion des effectifs.
Comme vous l'avez si bien rappelé à l'Assemblée nationale, le 7 novembre dernier : « Un budget n'est pas forcément bon parce qu'il augmente : un budget est bon quand il permet de mener une politique. » Permettez-moi d'ajouter que l'on est plus imaginatif dans la pénurie de moyens que dans l'abondance ! (Sourires.)
A cet égard, nous ne pouvons que constater que notre pays, qui compte 2,2 millions d'étudiants, soit 38 000 de plus que l'an dernier, consent un effort moindre par rapport aux autres pays de l'OCDE pour l'enseignement supérieur, tout en dépensant plus que ces mêmes pays pour l'enseignement scolaire. Si l'on compare avec les Etats-Unis, notre pays dépense trois fois moins.
Il est à noter également que sur 10 milliards d'euros, 4,7 milliards d'euros sont consacrés à la gestion du personnel, dont 70 % pour la rémunération des enseignants-chercheurs.
En 2002, selon une étude réalisée par le ministère de l'éducation nationale, les universités ne disposaient en moyenne que d'un ordinateur sur dix-huit, soit moins que les lycées et moins que les écoles primaires. Comment en est-on arrivé là ?
Vous avez, monsieur le ministre, un grand chantier devant vous pour remettre à flot l'enseignement supérieur de notre pays. Des choix difficiles s'annoncent, mais vous avez déjà pris des décisions qui devraient permettre une dynamique favorable.
Ainsi, nous pouvons effectivement vous féliciter pour avoir décidé de l'application de premières mesures. Je veux parler notamment de la création de 2 000 bourses supplémentaires ou encore de l'augmentation des crédits attribués aux établissements d'enseignement supérieur privé dans le cadre de la politique contractuelle. On peut également citer les efforts réalisés tant en emplois qu'en moyens de fonctionnement pour moderniser les bibliothèques universitaires, améliorer leurs conditions d'accueil et accroître l'amplitude de leurs horaires d'ouverture.
De plus, vous avez engagé l'harmonisation européenne des diplômes. C'est un point sur lequel je souhaiterais insister plus particulièrement. Depuis la rentrée 2002-2003, le nouveau système européen licence-mastère-doctorat, appelé LMD, a été mis en place. Il devrait s'étendre à l'ensemble des universités d'ici à 2006. Aujourd'hui, en effet, la politique d'enseignement supérieur doit se concevoir dans un cadre européen, voire mondial. Comme l'a rappelé notre excellent rapporteur pour avis, Jean-Léonce Dupont : « La compétitivité d'un pays dépend de plus en plus de la qualité et de l'attractivité de son système d'enseignement supérieur et de recherche, qui doivent être reconnues tant sur le territoire national qu'à l'étranger. »
Sur ce point, je voudrais soulever le problème de l'accueil des étudiants étrangers en France, pour lesquels il est nécessaire de mettre en place une politique qualitative de recrutement, assortie de propositions d'hébergement dans les cités universitaires. Ces dernières sont notoirement insuffisantes et vétustes. Compte tenu des contraintes budgétaires, que je respecte, il conviendrait de mettre en place de nouvelles formules de financement faisant appel au secteur privé, ce qui pourrait alléger d'autant le budget public.
L'application nationale aux études supérieures et aux diplômes nationaux de la construction de l'espace européen de l'enseignement supérieur semble poser quelques problèmes, notamment en ce qui concerne les conséquences de la mise en place du système LMD sur les diplômes délivrés aux niveaux bac + 2 et bac + 4. Je pense, monsieur le ministre, que vous ne pourrez que nous rassurer compte tenu de vos déclarations devant la commission des affaires culturelles le 22 octobre dernier. Vous aviez précisé que les diplômes aux niveaux bac + 2 et bac + 4 seraient maintenus, car ils étaient nécessaires et compatibles avec l'harmonisation européenne.
Il serait souhaitable, monsieur le ministre, que vous nous donniez des informations qui confirment vos propos du mois d'octobre dernier, car il existe de vraies inquiétudes dans le monde enseignant et étudiant.
Par ailleurs, une campagne de désinformation concernant la réforme LMD et le projet de loi relatif à la modernisation des universités est lancée depuis quelques semaines et atteint les limites de l'acceptable.
En effet, l'Union nationale des étudiants de France, l'UNEF, diffuse sur Internet des informations mensongères concernant la réforme LMD. Je ne les reprendrai pas pour ne pas leur donner plus d'écho, mais compte tenu de leur teneur, je crois sincèrement monsieur le ministre, que vous vous devez d'avertir tous les étudiants que les informations données par l'UNEF sont fausses et partisanes.
Je sais que la semaine prochaine, le président Jacques Valade et les membres de la commission des affaires culturelles vont procéder à plusieurs auditions dont la vôtre, celle d'une délégation des présidents d'universités, de l'Union nationale inter-universitaire, l'UNI, et de l'UNEF si cette dernière accepte l'invitation. Je pense que cette audition sera très utile et qu'elle devrait répondre à toutes les préoccupations d'une grande partie des étudiants, comme à celles des professeurs d'universités.
Enfin, permettez-moi de vous livrer une piste de réflexion concernant l'enseignement supérieur français à l'étranger. Aujourd'hui, je suis à peu près certain que des chefs d'entreprises sont prêts à s'investir et à investir pour le rayonnement de la France à l'étranger, car ils considèrent que c'est un capital et un investissement sur l'avenir. Investir dans le développement du savoir et de l'intelligence est une nécessité pour l'avenir de notre pays, en France comme à l'étranger.
C'est dans cet esprit, dans le cadre de la mondialisation et du développement durable, que le secteur privé peut être sollicité afin de développer des liens entre la génération qui apprend et celle qui a déjà du savoir-faire, mais aussi entre les pays en voie de développement et la France.
Monsieur le ministre, pour conclure, je veux vous dire que vous pouvez compter sur notre soutien sincère. Nous espérons que vous irez plus loin dans les réformes, y compris en matière de décentralisation, car chacun doit prendre conscience de l'enjeu : faire en sorte que notre système éducatif redevienne l'un des meilleurs du monde. L'immobilisme, le sectarisme et le corporatisme ne sont pas à la hauteur du défi. Votre ambition et votre audace le sont.
C'est pour toutes ces raisons que nous voterons votre budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je ferai d'abord une remarque générale. J'apporterai ensuite quelques éléments de réponse aux différents intervenants, que je remercie chaleureusement pour leurs interventions. Je remercie également MM. les rapporteurs pour la qualité de leur travail qui me permet de gagner du temps, puisqu'ils ont dit l'essentiel. Enfin, je conclurai en évoquant la mobilisation des étudiants - d'ailleurs infiniment moins importante qu'on ne l'a dit parfois, comme nous l'avons vu hier - sur la mise en harmonie de nos diplômes avec les autres systèmes européens.
Ma remarque générale est la suivante : j'ai entendu dire que le projet de budget n'était pas sincère. Je le reconnais volontiers puisqu'il augmente davantage qu'il n'y paraît ! Il faut en effet ajouter à l'augmentation de 3 % du budget de l'enseignement supérieur, une augmentation de 8 % des crédits qui sont consacrés à la recherche, 4 % au niveau du budget proprement dit et 4 % par le biais de mesures de défiscalisation. Les moyens de la recherche, en hausse considérable, s'ajoutent donc à ceux de l'enseignement supérieur, lequel, pour une grande partie, abrite des centres de recherche qui bénéficient, par conséquent, de cette augmentation.
J'ajoute par ailleurs que les crédits d'investissement qui avaient été gelés l'année dernière sont intégralement reportés sur le projet de loi de finances pour 2004, si bien qu'aux 50 millions d'euros de crédits d'investissement et de fonctionnement qui représentent une augmentation de 10 % d'argent frais pour les universités, s'ajouteront les 70 millions d'euros qui avaient été gelés l'année dernière.
Si l'on peut faire un certain nombre d'objections, notamment discuter de la réalité de l'augmentation des crédits affectés à l'enseignement scolaire - après tout, l'honnêteté ne fait pas de mal, y compris dans un débat budgétaire ! -, au motif que nous prenons en charge la totalité des assistants d'éducation, dont 80 % étaient assumés par le ministère des affaires sociales au titre des emplois-jeunes, en revanche, j'ai vraiment peine à comprendre comment l'augmentation de 3 % du budget de l'enseignement supérieur et celle des crédits consacrés à la recherche pourraient ne pas être reconnues. Il y a là un tour de passe-passe que je ne parviens pas à m'expliquer.
Sur les questions particulières, très importantes et nombreuses, qui m'ont été posées, je donnerai quelques éléments de réponse, ne pouvant m'exprimer sur toutes les considérations dans le temps qui m'est imparti.
Monsieur Lachenaud, je suis de votre avis : nos universités doivent nouer des liens plus étroits avec les collectivités territoriales, avec les partenaires économiques et sociaux. Il serait bon, en effet, de créer un conseil d'orientation à valeur consultative. La discussion devra se poursuivre à ce sujet, en vue, non pas d'une privatisation ou d'une marchandisation des universités, mais d'un meilleur contact entre nos universités et les collectivités territoriales.
N'oublions pas que nos universités ont une mission de formation professionnelle, de formation continue, et séparer complètement ces filières professionnelles et technologiques supérieures du milieu local dans lequel elles s'inscrivent n'a aucun sens.
De même, il est insensé de ne pas tisser des liens plus étroits entre la recherche universitaire et la recherche telle qu'elle se développe dans le tissu local.
En ce qui concerne le logement étudiant, je rappellerai, mesdames, messieurs les sénateurs - plusieurs d'entre vous, notamment M. le rapporteur spécial ainsi que MM. Ferrand et Vidal, ont évoqué à juste titre cette question - que nous avons d'ores et déjà bien travaillé, et les perspectives sont bonnes. Nous avons prévu - vous le rappeliez - de réhabiliter 7 000 logements. En réalité, 5 000 logements l'ont été réellement. Ce n'est pas faute d'avoir mis à disposition les crédits. C'est simplement parce que, comme souvent, les travaux ont pris du retard. Au cours des cinq dernières années, seulement 2 200 logements ont été réhabilités.
Avec les quatre organisations étudiantes représentatives, nous avons mis en place un groupe de travail depuis le 1er septembre dernier afin de traiter les sujets qui peuvent être immédiatement réglés, c'est-à-dire les prêts d'honneur, le déblocage des bourses, qui permettent aux étudiants de trouver plus facilement des logements.
Nous avons confié au député M. Anciaux un rapport. J'ai pris connaissance de l'essentiel de ce rapport très prometteur, qu'il s'apprête à présenter aux organisations étudiantes. La question est donc prise à bras le corps par le ministère dont j'ai la charge.
M. le rapporteur pour avis, Jean-Léonce Dupont, a évoqué la question de la prévision en matière de recrutement. L'attitude de l'opposition me paraît très étrange, que ce soit à propos de l'enseignement scolaire ou de l'enseignement supérieur. Elle soutient qu'il y a une crise du vivier et qu'il faut recruter plus de personnels et multiplier les postes. Ce raisonnement est un peu absurde. Face à une crise du vivier, que ce soit en raison d'un déficit des vocations ou des départs en retraite, il s'agit non pas de recruter mais des susciter des vocations. Sinon nous allons affaiblir considérablement, comme en 1968, et durablement la qualité du recrutement. Il faut donc être très vigilant.
La vraie réponse est en partie donnée par le rapport établi par le Haut conseil de l'évaluation, qui méritera une réflexion plus approfondie au cours du grand débat qui s'ouvre sur l'école et qui a des liens directs avec l'enseignement supérieur. Nous devons non seulement combattre la crise des vocations dans le domaine des sciences dures mais également stopper l'effondrement des filières générales, en particulier celui de la filière L au niveau du baccalauréat, car il sera nécessaire, à l'avenir, de renforcer considérablement les filières générales au baccalauréat et à l'université. A long terme, c'est l'arrière-fond de la problématique que vous posez en matière de recrutement.
Pour le reste, je vous renvoie au rapport Belloc relatif au statut des enseignants-chercheurs, dont notre débat tirera certainement profit.
Nous examinerons bientôt cette question du statut, mais je pense que la réflexion sur certains points qui sont au coeur de l'actualité, et que j'évoquerai à la fin de mon intervention, est un préalable à l'examen de ce dossier.
En ce qui concerne l'évaluation, je suis, là aussi, tout à fait d'accord avec vous. Un rapport de l'Inspection générale des finances sur ce sujet de la gestion des universités est, il faut bien le dire, assez inquiétant. Les dysfonctionnements actuels sont en grande partie liés à la situation dans laquelle se trouvent les universités par rapport à l'Etat. En effet, si l'Etat n'exerce aucun contrôle sur la gestion des universités, en même temps, celles-ci n'ont pas de véritable autonomie en ce domaine. Cette situation intermédiaire est, en termes d'efficacité de gestion, la pire qui soit.
Il faut que nous aidions nos universités, j'en parlais récemment avec mon collègue Alain Lambert, à engager de bons gestionnaires. S'il y avait un très bon gestionnaire dans chaque université, ce serait déjà un fantastique progrès, qui n'est pas hors de portée.
A défaut de parvenir à mettre en place ces gestionnaires dans les universités, il faudra que nous réfléchissions, à l'issue de l'examen de ce rapport de l'IGF, au moyen de cofinancer des audits qui permettraient aux universités de savoir où elles en sont, de corriger le tir et d'améliorer leur gestion non seulement financière mais aussi patrimoniale.
En ce qui concerne le patrimoine immobilier, nous avons consenti un important effort de 100 millions d'euros, qui reste néanmoins très insuffisant, vous le savez mieux que quiconque, monsieur le rapporteur pour avis, pour avoir participé à l'excellent rapport du Sénat sur le sujet. Le budget de Jussieu représente déjà pratiquement 1 milliard d'euros.
Par conséquent, la vraie solution - je parle de ce qu'il est possible de faire et non de la solution idéale, qui est hors de portée -, c'est de faire en sorte que les moyens des centres pédagogiques régionaux, qui sont transférés par l'Etat aux CPER, soient très largement consacrés à la maintenance plutôt qu'à la construction, afin que les étudiants et les professeurs puissent travailler décemment.
La solution idéale serait une considérable augmentation du budget, mais elle n'est pas envisageable pour l'instant, et probablement une dévolution du patrimoine. En attendant, le meilleur moyen de parer à l'urgence de la situation serait de consacrer une très grande partie de l'argent disponible à la maintenance plutôt qu'à des constructions nouvelles.
Plusieurs questions m'ont été posées sur les diplômes bac + 2 et bac + 4. J'y reviendrai en évoquant l'actualité. Je vous expliquerai précisément pourquoi il n'y a pas d'inquiétudes à avoir sur ce sujet.
Monsieur Laffitte, je souscris tout à fait aux propositions que vous faites. Les dispositifs qui permettent de valoriser les pôles d'excellence existent déjà. Il faudra peut-être les renforcer. Vous avez raison de dire que c'est au niveau de chaque département qu'il faut y réfléchir.
Permettez-moi de citer un exemple parmi beaucoup d'autres : les bourses Erasmus Mundus ne seront accordées à des filières universitaires que si elles réunissent au moins trois universités étrangères et si elles témoignent d'une très grande qualité.
En matière de valorisation de l'excellence, on pourrait aussi évoquer l'importance du travail d'institutions telles que l'IUF, l'Institut universitaire de France.
Monsieur Ferrand, vous m'avez interrogé sur la situation des Français de l'étranger et sur la réorganisation du ministère. En ce qui concerne ce dernier point, il faut en effet expliquer les choses clairement ; les documents des services ne sont pas toujours limpides à cet égard.
Le constat est simple : certaines structures doublonnent. Ainsi, le CIEP, le centre international d'études pédagogiques, situé à Sèvres, et la DRIC, la direction des relations internationales et de la coopération, sont des institutions dont les fonctions sont presque équivalentes et qui emploient, l'une et l'autre, une centaine de personnes.
Il existe en outre, parallèlement à ces institutions, des systèmes ayant la même fonction au sein du MAE, le ministère des affaires étrangères dans les grandes directions, la DESCO, la direction de l'enseignement scolaire, et la DES, la direction de l'enseignement supérieur, des sous-départements sont dédiés à l'international, et l'on retrouve l'équivalent dans les services académiques.
Tout cela fonctionne très mal. Ce ne sont nullement les personnels, de grande qualité, qui sont en cause, c'est le « doublonnement » lui-même, terme qui n'est d'ailleurs pas approprié. On a en effet une multiplication par trois, voire par quatre ou cinq des mêmes structures. Cette situation a pour effet de déresponsabiliser les personnes, qui ne savent pas exactement quelles sont leurs missions. Il faut donc simplifier ces structures, cette fonction internationale, pour la responsabiliser et garantir un meilleur suivi des opérations. L'un des moyens d'y parvenir consiste probablement à renforcer la présence de l'international dans les directions compétentes, en particulier la DESCO et la DES.
En ce qui concerne les Français de l'étranger, là aussi, c'est un peu le même problème, les doublons déresponsabilisent.
Une réunion tripartite entre le ministère des affaires étrangères, le ministère dont j'ai la charge et des représentants du Sénat devra être organisée, afin que nous puissions nous expliquer clairement sur le sujet. Et je suis prêt à établir une liste de priorités que nous examinerons ensemble. Si nous n'agissons pas de concert, le risque est grand que l'un des ministères se défausse de sa responsabilité sur son voisin.
J'évoquerai brièvement l'actualité, ou plutôt le problème fondamental qu'elle révèle, à savoir l'harmonisation des diplômes européens.
D'abord, je rappelle que la mobilisation est très faible et qu'elle est le fait d'organisations avec lesquelles il n'y a pas, à la vérité, de malentendu. On a parfaitement le droit d'être antieuropéen, et mon propos n'est pas d'insulter les gens qui manifestent. Il ne s'agit ni d'un problème de communication, ni d'un malentendu. Le désaccord est de fond et la désinformation volontaire. Certains sont de bonne foi, mais ils sont peu nombreux. Ne nous trompons pas de cible. On a en réalité affaire à des organisations qui sont très violemment antieuropéennes - ce qui est leur droit, mais la violence est-elle un droit ? - et qui pratiquent une désinformation organisée qui n'a rien à voir avec l'inquiétude réelle que peuvent éprouver certains étudiants, auxquels je souhaite m'adresser.
Une vingtaine d'universités se sont inscrites dans la logique du LMD, donc du trois-cinq-huit, qui vise à l'harmonisation des diplômes européens.
Le LMD est évidemment une formidable chance pour les étudiants français, mais aussi une véritable réponse au problème de l'accueil des étudiants étrangers, en termes de lisibilité des diplômes, mais aussi au plan matériel. M. Ferrand a évoqué à juste titre le logement et la vie sociale étudiante.
A cet égard, les chiffres sont impressionnants : 28 % de ceux qui étudient à l'étranger vont aux Etats-Unis, 15 % en Grande-Bretagne, 12 % en Allemagne, et seulement 9 % chez nous, en grande partie parce que nos diplômes manquent de lisibilité. Cette situation est due non pas à la mauvaise qualité de nos universités, - nous avons de bonnes universités et des enseignants chercheurs performants - mais aux conditions matérielles, intellectuelles et pédagogiques de notre accueil, qui sont médiocres. Il est vrai que nous en pâtissons. Pour y répondre, une harmonisation des diplômes européens s'impose.
Néanmoins, cette harmonisation pose aujourd'hui deux types de problèmes. D'une part, les étudiants la contestent et, d'autre part, le fonctionnement des universités n'est pas encore adapté à la mise en place de ces diplômes. Ce problème est actuellement étudié avec attention par la conférence des présidents d'universités.
Il ne faut pas confondre les deux ordres de problèmes. S'agissant des étudiants, on est confronté à des interrogations classiques : les systèmes de compensation des notes seront-ils conservés ou, s'il y en a d'autres, seront-ils aussi avantageux que ceux qui existaient auparavant ? Certains s'interrogent sur les standards nationaux en ce qui concerne les examens : une licence d'histoire obtenue à Rennes ou à Bordeaux aura-t-elle le même contenu qu'une licence d'histoire délivrée à Paris ou à Toulouse ? Certaines questions ont trait au bac + 2 et au bac + 4.
En vérité, il s'agit non pas d'une vraie question, mais, me semble-t-il, plutôt d'une désinformation - volontaire ou non, je ne me prononcerai pas -, et ce pour une raison qui est assez évidente : quelqu'un qui connaît le système universitaire ne peut pas croire un seul instant que les diplômes bac + 2 et bac + 4 sont menacés.
En ce qui concerne les maîtrises, donc les bac + 4, nous devons évidemment les maintenir pour préserver la distinction entre le CAPES et l'agrégation. Je souhaite bonne chance à quiconque voudra supprimer dans notre système éducatif la différence entre le CAPES et l'agrégation ! La maîtrise, qui s'appellera M 1 dans les universités qui pratiqueront le LMD, restera un diplôme universitaire accessible à tous les étudiants qui souhaitent le passer et qui en ont besoin, par exemple pour s'inscrire à l'agrégation.
De même, lorsque des étudiants de l'université de Valenciennes, qui est la première à avoir mis en place le LMD, veulent s'inscrire dans une autre université qui ne pratique pas le LMD, ils demandent au président de l'université de leur délivrer le DEUG.
Quant aux DUT et aux BTS, il n'y a pas d'équivalence au plan européen, car la valeur de ces diplômes est directement liée à leur reconnaissance sur le marché du travail.
Par ailleurs, pour ce qui est de l'inscription de la voie professionnelle dans le système LMD, il existe les licences professionnelles créées en 1999. Il est donc aberrant de s'interroger sur cette question, sinon pour apaiser des inquiétudes, feintes la plupart du temps.
Sur le fond, il n'y a donc aucune espèce d'inquiétude à avoir : les diplômes bac + 2 et bac + 4 seront maintenus aussi longtemps que nécessaire et, pour l'essentiel, ils ne peuvent même pas être supprimés.
Par conséquent, je m'interroge parfois sur le sens de ces questions, non pas sur celles qui m'ont été posées ici, au Sénat, et je vous prie de me pardonner si j'ai pu involontairement sembler critique sur certaines interrogations. Dans le débat public et politique, il faut se méfier de ceux qui feignent d'avoir des doutes sur le maintien des diplômes bac + 2, bac + 4, et des diplômes nationaux d'une manière générale. Il s'agit la plupart du temps d'une machine de guerre contre le système LMD, et non pas d'une interrogation de bonne foi.
En ce qui concerne les demandes de la CPU, il convient de faire en sorte que nos universités puissent, en effet, entrer dans le système LMD avec de réelles chances de succès. Les demandes sont, pour l'essentiel, légitimes. Il faut absolument poursuivre la discussion sur ces sujets avec les organisations syndicales, notamment pour obtenir la levée des blocages, ce que, je n'en doute pas, nous arriverons à faire.
La période se prête évidemment mal à des discussions sereines : lorsque des manifestations ont lieu dans les universités, peut-être aussi lorsqu'il y a un peu trop d'élections au cours d'une même année il est parfois difficile d'exposer des arguments d'une parfaite bonne foi dans le débat public. Néanmoins, il nous faut progresser encore sur ces sujets. Pour ma part, je continue à réunir les organisations syndicales pour voir comment, au sens large, et par quels moyens les plus appropriés, on peut améliorer le fonctionnement de nos universités, afin de leur permettre - il a été question tout à l'heure des conseils d'orientation - de s'adapter de manière compétitive dans ce système d'harmonisation des diplômes européens.
A propos de la compétitivité, on a beaucoup agité l'épouvantail de la privatisation, de la marchandisation des services, de la régionalisation des universités. Il faut opposer une réponse tout à fait claire à cette objection.
La marchandisation des services existe ! Sur tout le territoire européen sont déployées des antennes des universités américaines privées qui vendent les services d'éducation assez cher, puisque les droits d'inscription peuvent atteindre 15 000 ou 20 000 dollars. Nous n'avons, les uns et les autres, ni les moyens de supprimer ces antennes universitaires américaines, ni même, en tout cas en ce qui me concerne, l'envie de le faire puisque, après tout, ces universités ont le droit de s'installer sur le territoire européen. Même dans l'hypothèse où nous n'en voudrions pas, nous n'aurions aucun moyen d'empêcher cette installation d'universités, qui entre, en effet, dans le cadre de la marchandisation des services.
Le problème qui est posé par l'harmonisation des diplômes européens est exactement contraire à ce qui est dit sur les campus en grève aujourd'hui. Il s'agit non pas de privatiser, de « marchandiser » ou de régionaliser nos universités, mais au contraire de donner à celles-ci les moyens de résister dans le cadre du service public, donc sans aucun désengagement de l'Etat. Le budget en témoigne suffisamment.
Il s'agit donc de permettre à nos universités de défendre le service public face à une concurrence très souvent dominée par les Etats-Unis. Pour y parvenir, il faut en effet que nos universités aient plus d'autonomie ; cela ne signifie pas pour autant plus d'indépendance par rapport à l'Etat, mais cela veut dire plus de marge de manoeuvre dans la définition des politiques scientifiques et universitaires, notamment plus de facilités pour créer, avec d'autres universités européennes, ces pôles d'excellence qu'évoquait M. Laffitte, qui seront attractifs pour les étudiants extracommunautaires.
Tel est l'enjeu principal de l'harmonisation des diplômes européens et des réformes universitaires qui me paraissent éminemment souhaitables et sur lesquelles, je crois, il ne faut pas céder. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant la jeunesse, l'éducation nationale et la recherche : II. - Enseignement supérieur.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 62 393 655 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
M. le président. « Titre IV : 11 961 656 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 106 134 000 euros ;
Crédits de paiement : 11 873 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Les crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 783 242 000 euros ;
Crédits de paiement : 436 559 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Les crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'enseignement supérieur.
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant la culture.
J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a opté pour la formule fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des groupes.
Ainsi, M. le ministre répondra immédiatement et successivement : au rapporteur spécial, puis aux deux rapporteurs pour avis et, enfin, à chaque orateur des groupes.
Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de discussion.
Chacune des questions des orateurs des groupes ne devra pas dépasser cinq minutes, le Gouvernement répondra en trois minutes à chaque orateur, ce dernier disposera d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
J'invite chaque intervenant à respecter l'esprit de la procédure, qui repose sur des questions précises et en nombre limité, et les temps de parole impartis.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quand je suis devenu rapporteur spécial du budget de la culture, la première question que je posai à l'administration fut la suivante : quelles étaient les parts respectives dans les crédits de la conservation, de la création et de la diffusion ?
Dans l'application de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, vous avez, monsieur le ministre, conservé une distinction trifonctionnelle, mais pas tout à fait celle-là. Votre département étant de ceux pour lesquels il est proscrit aux rapporteurs spéciaux de refaire un exposé général et conseillé de se limiter à quelques questions, celles-ci vont donc tourner autour de cette LOLF, notre alpha et notre oméga, d'abord autour de sa mise en oeuvre rue de Valois, ensuite en investiguant les trois « programmes » qui structurent la « mission » quasiment unique du ministère, si l'on en excepte le compte spécial du cinéma qui fait, comme tous les comptes spéciaux du Trésor, l'objet d'une mission particulière.
S'agissant de la LOLF, vous êtes bien avancé dans la préparation de cette grande réforme, dont le ministre Lambert fut l'un des deux parrains. La Cour des comptes a approuvé vos efforts quand elle a présenté à notre commission son rapport sur l'organisation des services déconcentrés du ministère de la culture, le 10 juillet 2003. Je suis heureux de confirmer ce jugement favorable après avoir entendu votre collaborateur spécialisé. Quatre difficultés apparaissent néanmoins.
Première difficulté : les indicateurs de résultats ne sont pas faciles à mettre en oeuvre. Mon collègue Paul Loridant, rapporteur spécial des comptes spéciaux du Trésor, et votre serviteur s'en étaient aperçu dans leur travail commun sur l'efficacité des aides au cinéma, rapport auquel M. le secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences morales et politiques, notre ancien collègue Jean Cluzel, a bien voulu faire référence dans ses Propos impertinents sur le cinéma français.
Nous avions déjà proposé - je le dis en passant - la création d'un crédit d'impôt pour les industries du cinéma, fort éprouvées. Vous l'avez décidée, nous aurons à en débattre, soyez-en loué. Continue néanmoins de planer un vague malaise quand l'on s'interroge sur l'efficacité économique, voire artistique, d'un système d'aide que nous continuons toujours à croire, en France, le meilleur du monde et qui génère 200 films par an, dont le dixième seulement trouve un public en salle ; mais cela est une autre histoire.
Deuxième difficulté : la vision consolidée de l'Etat culturel ne ressort pas de votre budget. Des établissements publics importants, de plus en plus autonomes, contribuent au service public. Comment va s'appliquer, par exemple, le plafond d'emplois à équivalent temps plein que la LOLF a substitué aux postes budgétaires ? On ne prend plus en compte que les personnels payés directement par l'Etat, mais nombre d'agents, y compris fonctionnaires, des établissements publics sont pris en charge par le budget desdits établissements, par exemple au musée du Louvre. Or ils gardent leur statut et ils seront à la charge de l'Etat au moment de la retraite. C'est une sorte de hors budget, pour ne pas dire un hors bilan, qui échappe au contrôle parlementaire. Le contrôle d'Etat, la Cour des comptes, a relevé cette anomalie, plus facile certes à dénoncer qu'à supprimer. Le phénomène n'est d'ailleurs pas propre au ministère de la culture, mais il pourrait encore s'amplifier, comme en témoigne l'amendement que le Gouvernement vient de déposer concernant les nouveaux établissements publics muséaux.
La troisième difficulté pourrait s'appeler celle des deux architectures. La première, budgétaire, ne coïncide pas avec la seconde, administrative et fonctionnelle. Chaque programme est subdivisé en actions et sous-actions qui correspondent à des directions ou organes assimilés. Or, selon la loi organique, chaque programme doit avoir à sa tête un seul responsable. C'est vrai du programme patrimonial, avec la direction de l'architecture et du patrimoine, et assez vrai du programme créatif, avec la direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles, mais quid du troisième programme ?
La quatrième difficulté est celle de la prégnante décentralisation. Vous préfigurez, dites-vous, le rapprochement des directions régionales des affaires culturelles, les DRAC, avec les services départementaux de l'architecture et du patrimoine, les SDAP. Voilà ouvert, sans avoir l'air d'y toucher, le débat si sensible - on l'a bien vu lors de la discussion de la loi relative aux responsabilités locales en son titre IV - entre région et département. Au fait, monsieur le ministre, si je puis me permettre une question indiscrète, êtes-vous régionaliste ou départementaliste ? (Sourires).
Passons donc le portique de la LOLF et pénétrons dans les trois salles de programme. Je rappelle, je l'approuve in globo, la disposition des lieux : un programme patrimonial - conservation, préservation, enrichissement -, un programme de création - développement et diffusion -, un programme dit de transmission des savoirs et de démocratisation de la culture.
Dans la première salle, celle du patrimoine, tout aurait pu n'être qu'ordre et beauté si, hélas! les bonnes intentions du ministre de la culture ne s'étaient retournées contre lui. Le budget était bon et, pour la première fois depuis de nombreuses années, les crédits de paiement avaient été dimensionnés à la hauteur des besoins, compte tenu des reports disponibles. Vous avez ainsi délibérément rompu avec la pratique consistant à demander, pour des raisons d'affichage, plus de crédits qu'on était capable d'en dépenser comme le faisaient vos prédécesseurs. Suivant les recommandations du rapport Labrusse ainsi que celles que nous avions présentées au nom de la commission des finances, vous aviez pris des mesures énergiques tel l'échelonnement sur cinq ans au lieu de quatre de la répartition des crédits de paiement afférents aux autorisations de programme. Vous aviez, par circulaire, mobilisé les DRAC pour mieux consommer les crédits. Résultat : en 2003, les dotations en crédits de paiement ont été calculées au plus juste, au point de déboucher sur une crise de paiement dans de nombreuses régions et 40 millions d'euros manquent, qui ont mis en danger les entreprises de groupement GMH spécialisées dans la restauration des monuments historiques.
Avions-nous sous-estimé la capacité du ministère à consommer ? Celui-ci, à son tour, a-t-il sur-réagi, réduisant les dotations tout en encourageant l'ouverture de nouveaux chantiers ? Vous seriez passé sans trop de problème, malgré tout, si les reports sur lesquels vous comptiez n'avaient été neutralisés à la direction du budget, par l'obligation de nouveaux reports, alors que vous croyiez pouvoir vous réjouir en octobre de n'avoir pas eu à subir d'annulations. Mais peut-être la situation va-t-elle évoluer, puisque je sais que notre rapporteur général de la commission des finances a écrit à ce sujet à la direction du budget.
Quoi qu'il en soit, la situation est d'autant plus délicate que le ministère a dû trouver les moyens de faire face à de nouveaux besoins. Au titre du principe d'auto-assurance imaginé à Bercy, la rue de Valois doit compenser le déficit de l'Institut national de recherches archéologiques préventives, l'INRAP, soit 27 millions d'euros pour 2003, auxquels s'ajoutent les aides aux festivals sinistrés de l'été, à Avignon, à Aix ou ailleurs.
On peut craindre que ce ne soit le patrimoine monumental, auquel vous aviez pourtant consacré une superbe communication au conseil des ministres en septembre dernier, qui ne doive faire les frais de ces mesures de régulation budgétaire auto-administrées. Comment l'INRAP a-t-il pu, au-delà de l'abattement de 25 % des tarifs administrés par le Parlement, accumuler autant de pertes sans que la tutelle ait été en mesure de réagir ?
Nous avons bien compris qu'à l'origine les redevances en zone urbaine étaient trop faibles par rapport à celles des zones rurales et que, faute d'un filtre que l'Association pour les fouilles archéologiques nationales, l'AFAN, sans le vouloir, ne serait-ce que par la lenteur des transmissions constituait, les DRAC ont prescrit à tout-va l'ouverture de chantiers. C'était en quelque sorte la politique du coup de tampon à répétition. Sans oublier l'inflation des vacataires. Raison de plus pour renforcer les DRAC et les conservations régionales des monuments historiques, les CRMH, et de leur donner autorité sur l'archéologie. Oui, nous l'avions compris, mais nous voudrions bien croire que cela ne se reproduira pas. En réalité, je crains qu'il n'y ait encore un reliquat important non seulement en 2004, et même au-delà, en 2005, que je ne vois pas inscrit dans le budget.
Entrons dans la deuxième salle, celle de la création culturelle avec sa direction multicarte. Ici, décor de détresse, à cause des intermittents. Certes, ce n'est pas - pour le moment - un problème budgétaire, puisque tout se passe à l'UNEDIC, si l'on oublie les 5 ou 6 millions d'euros que vous avez à prélever au titre de l'auto-assurance pour venir en aide aux festivals. Vous avez diligenté une mission d'inspection, Olivier-Bolliet, et, sur un plan plus conceptuel, la réflexion de M. Latarjet. Il semble, d'après ses premières confidences dans la presse et au groupe « création » de notre assemblée que préside M. Valade, que la réforme était nécessaire, plus, inévitable, que les effectifs concernés ne cessent d'enfler, tandis que se poursuit la dégradation du rapport entre cotisations et prestations. Ce régime spécifique, vous l'avez sauvé malgré lui en agréant l'accord du 26 juin. Vous n'avez pas manqué de courage. Après tout, vous auriez pu vous abriter derrière le ministre des affaires sociales.
A peine était-on sorti, à grands frais et grands heurts, de cet été calamiteux que l'on découvrait une erreur matérielle ou de rédaction - que sais-je ? - dans l'accord. Les signataires ont certes confirmé, le 13 novembre, l'accord initial, mais on sait bien que rien n'est réglé au fond, et cela abîme quelque peu l'image d'une politique volontariste et brillante dont le dernier fruit est l'amendement que nous avons voté en première partie pour étendre le bénéfice de la loi sur le mécénat à l'ensemble des organismes à but non lucratif des spectacles vivants, qu'ils soient ou non permanents.
Dans la troisième salle, celle dite de la transmission des savoirs, le mobilier est le plus hétérogène, pour ne pas dire hétéroclite. Certes, il est a priori satisfaisant de voir un programme faisant autant de place aux actions transversales, conformément aux principes de la LOLF. Celui-ci, en effet, contraste avec les deux premiers par le nombre d'actions et même de sous-actions portant la mention « toutes directions » et, corrélativement, le petit nombre de sous-actions ne relevant que d'un seul organe administratif.
A part les enseignements de la musique, de la danse et de l'architecture dont les contours sont, au moins en première analyse, assez clairs - et le poids financier prépondérant puisqu'ils représentent presque la moitié de l'ensemble hors fonctions supports -, tout le reste est réparti entre des actions aux contenus si ce n'est semblables, du moins peu différenciés pour des non-initiés.
Remarquons d'abord que rien n'est simple. Tandis que l'Ecole du Louvre et l'Institut du patrimoine sont bien inclus dans le programme 3, il n'en va pas de même de l'Institut national d'histoire de l'art, qui relève du programme 1.
Mais le résultat reste peu lisible pour le profane, qui peut se demander ce que recouvrent des sous-actions « toutes directions » à 1,5 million d'euros comme la sous-section 3.5.2 intitulée « aide à la structuration des professions et à la création d'emplois culturels », ou s'interroger sur les frontières existant entre une série de sous-actions manifestement connexes rassemblées sous le vocable attrape-tout d'« actions spécifiques en faveur des publics ».
Le mieux est-il l'ennemi du bien ? La question mérite d'être posée dans la mesure où l'actuelle nomenclature par domaine et par organisme était, en dépit de son caractère hétérogène, sans doute plus parlante et n'exigeait pas du lecteur qu'il maîtrise, et donc décode, toutes les appellations de l'action culturelle.
Pour conclure, je voudrais rappeler que c'est au sein de ce programme que trouvent place les fonctions supports regroupées sous l'autorité de la direction de l'administration générale, qui aura en charge notamment de piloter la décentralisation.
A ce sujet, je saisis l'occasion qui m'est donnée d'évoquer les quelques réflexions que m'a inspiré un récent voyage en Corse pour y étudier la façon dont y était mise en oeuvre la politique du patrimoine.
M. Ivan Renar. Culture explosive ! (Sourires.)
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. Dans mon rapport écrit, je parle, pour cette région, d'un certain dépérissement de l'Etat culturel du fait des changements administratifs et juridiques induits par la décentralisation radicale à laquelle on y a procédé.
La formule est bien évidemment excessive, même si la conservation régionale des monuments historiques ne regroupe plus qu'un fonctionnaire et demi et que l'on n'a plus classé ou inscrit de monuments depuis cinq ans. Dans le même sens, j'ai pu constater que tant l'intervention de l'architecte en chef des monuments historiques devenu une sorte de super-architecte libéral, en tant que maître-d'oeuvre, que celle de l'architecte des bâtiments de France en tant que responsable de l'entretien étaient dépourvues de base légale, l'action de l'Etat central se réduisant de façon quasi exclusive au domaine régalien.
Le rôle de l'Etat et de ses fonctionnaires - dont j'ai pu mesurer le sens du service public - reste à inventer. Pourtant, j'avoue rester relativement optimiste compte tenu de l'intérêt et de l'engagement que j'ai cru déceler chez tous les responsables locaux que j'ai pu rencontrer, tant à la communauté territoriale de Corse que dans les communes où j'ai été accueilli. La Corse, qui, sur le plan culturel, est un modèle de décentralisation intégrale, serait-elle pour une fois un modèle tout court ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de budget que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui témoigne, une nouvelle fois, d'un engagement fort et continu de l'État en faveur de la culture, tout en s'associant à l'effort de réforme et d'efficacité mené par le Gouvernement.
Cet esprit de réforme s'est d'abord traduit, en 2003, par la mise en oeuvre volontariste d'une stratégie ministérielle de réforme, voulue par le Premier ministre.
J'ai également accordé une attention particulière à la préparation de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances, comme vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur spécial.
J'ai souhaité que cette réforme permette de renforcer les missions fondamentales du ministère de la culture : le patrimoine, la création et la diffusion culturelle, qui constituent désormais nos trois « programmes ». Je serai d'ailleurs un peu moins sévère que vous, monsieur le rapporteur spécial, à l'égard du troisième programme. Je conçois bien que, parfois, la dénomination des programmes ou des sous-programmes peut laisser perplexe. Mais, en fait, il s'agit du programme de la diffusion culturelle.
Ce sont d'ores et déjà les axes prioritaires qui se dégagent de ce projet de budget : le patrimoine, par le renforcement des crédits en faveur des monuments historiques ; la création, avec un accent mis sur le spectacle vivant, qui bénéficie d'un effort financier de plus de 4 % ; enfin, la démocratisation de la culture sur l'ensemble du territoire, au travers, notamment, du programme national de médiathèques de proximité des Ruches, dont nous reparlerons sans doute.
La mise en oeuvre de la LOLF sera l'occasion d'engager une réforme des structures et des méthodes de travail du ministère de la culture, comme vous le souhaitez, monsieur le rappporteur spécial.
Je partage également vos réflexions sur la nécessité de mettre en oeuvre des indicateurs de résultats. Il est vrai que l'action culturelle de l'État a le plus souvent une dimension qualitative qu'il est difficile de traduire par des indicateurs chiffrés. Mais cela ne doit pas empêcher de mener une réelle politique d'évaluation, que je m'attache à mettre en oeuvre dans tous les domaines de notre action.
La prise en compte du rôle des établissements publics dans l'action culturelle de l'État est un enjeu majeur. La politique de contractualisation que j'ai mise en oeuvre doit, à cet égard, nous permettre de mieux piloter nos établissements. En fait, il faut, dans le même temps, leur accorder plus d'autonomie, redéfinir la tutelle, et rendre cette tutelle plus exigeante. Cette politique de contractualisation doit également nous assurer que ces établissements participent pleinement aux priorités du ministère.
En outre, dès 2002 - vous vous en souvenez sans doute - j'ai adressé aux treize principaux établissement du ministère une circulaire leur indiquant les priorités à mettre en oeuvre, qui seront complétées d'année en année. Pour l'année 2004, ce sera fait au cours des prochains jours.
Je lancerai ensuite, pour la première fois, au printemps 2004, une évaluation globale du respect de ces objectifs par les établissements publics.
Le ministère de la culture est donc, vous le voyez, un ministère pilote dans la mise en oeuvre de la LOLF, et il le restera en 2004.
S'agissant du premier programme sur le patrimoine, je tiens à revenir sur ma stratégie en matière de crédits de paiement. Vous le savez, ce ministère s'est longtemps caractérisé par son incapacité à consommer les crédits votés. J'ai été le premier à choisir de rompre avec cette logique d'accumulation de crédits inutilisés : 200 millions d'euros de crédits de paiement non immédiatement nécessaires avaient été « abattus » dans la loi de finances pour 2003.
Nous en avons amplement parlé voilà un an. En contrepartie de cet abattement, j'ai mené une action résolue d'utilisation des crédits disponibles, qui a eu, je vous l'accorde, monsieur le rapporteur spécial, un succès inespéré, avec, en 2003, une hausse de la dépense de 155 millions d'euros par rapport à 2002, dont 18,5 millions d'euros pour les crédits de paiement.
Les difficultés constantes de ce ministère à consommer ses crédits ne pouvaient pas nous laisser prévoir un tel résultat. Cela a entraîné, vous le savez, des retards de paiement qui vous conduisent à affirmer aujourd'hui que nous avons trop eu raison et que cette excellence du taux d'engagement des crédits s'est, en quelque sorte, retournée contre nous.
Je tiens cependant à souligner que j'ai mobilisé, en octobre dernier, l'ensemble des DRAC pour recenser les factures urgentes et prioritaires. Nous avons dégagé, voilà quelques jours, 20 millions d'euros de crédits pour le patrimoine en régions, qui vont bénéficier immédiatement aux entreprises de ce secteur.
Bercy n'avait pas imaginé que nous réussirions à amplifier d'une telle façon l'engagement des crédits du patrimoine et avait fait une prévision de report sur 2004 trop ambitieuse par rapport à la réalité des besoins à la fin de l'année 2003. Toutefois, dans l'ensemble, le phénomène dénote quand même la bonne santé de l'activité du ministère de la culture.
Ces difficultés sont surtout emblématiques de l'ampleur de nos besoins pour la restauration et l'entretien de notre patrimoine. C'est pourquoi j'ai proposé que les crédits de paiement du ministère soient ajustés de quelque 100 millions d'euros supplémentaires en 2004, à la suite de l'abattement consenti en 2003.
Monsieur le rapporteur spécial, vous m'avez également interrogé sur la situation de l'archéologie préventive. La mise en oeuvre de la loi de 2001 a entraîné en 2002 et 2003, comme vous l'avez très justement rappelé, une série de dysfonctionnements et une crise financière qui aura coûté plus de 40 millions d'euros au ministère de la culture, que nous avons dû assumer au nom du principe d'auto-assurance.
L'absence d'annulation de crédits de paiement en 2003 nous a cependant permis de faire face à ces difficultés. A ce sujet, je tiens à vous dire, monsieur le rapporteur spécial, mesdames, messieurs les sénateurs, que j'ai été très attentif à limiter l'effet de cette crise sur les crédits du patrimoine, qui n'ont été redéployés qu'à hauteur de 10,1 millions d'euros.
J'ai surtout pris à ce sujet les mesures nécessaires au rétablissement de l'équilibre financier de l'INRAP. J'ai préparé cette réforme, heureusement adoptée par le Parlement en juillet 2003, dès que j'ai constaté les premiers dysfonctionnements, soit l'été 2002. La crise était prévisible !
Le nouveau dispositif adopté permettra ainsi que les travaux de fouilles soient immédiatement équilibrés, puisque payés à leur coût réel. Les crédits provenant de la nouvelle redevance archéologique sont prévus sur une assiette large qui devrait permettre de couvrir le coût des diagnostics. Ils ne pourront cependant être disponibles qu'après les quelques mois nécessaires à l'amorçage du système.
Face à une situation fragile pour 2004, j'ai donc appelé à la plus grande vigilance les services de l'Etat dans leurs prescriptions. J'ai d'ailleurs pu observer, dès 2003, une réelle diminution du nombre des prescriptions. Mais, naturellement, si un chantier rencontre une réalité archéologique estimable et qu'il n'y a pas de prescription, à ce moment-là, nous intervenons dans le cadre d'un programme de fouilles.
En ce qui concerne le deuxième programme relatif au soutien à la création, il faut rappeler que ce soutien à la création ne se limite pas à la question de l'intermittence ou aux conséquences de la crise de l'intermittence dans le domaine du spectacle vivant ou de la musique.
Le ministère de la culture mène, en particulier dans le cadre du projet de budget pour 2004, une série d'actions en faveur de la création, qui bénéficie de moyens importants. Par exemple, le budget du spectacle vivant représente la moitié de l'ensemble des subventions accordées par le ministère de la culture. Et ce budget, vous l'avez observé, croît en 2004. En tout cas, je vous propose qu'il puisse croître.
J'ai également engagé, dans le domaine des arts plastiques et du cinéma, des actions résolues de soutien à la création et aux créateurs.
Pour répondre brièvement aux questions que vous soulevez sur l'intermittence, il faut rappeler que l'accord signé le 13 novembre dernier reprend, sur le fond, celui du 26 juin 2003. Il sera agréé par le Gouvernement et prendra effet au 1er janvier 2004.
Par ailleurs, j'ai chargé M. Bernard Latarjet, qui s'est du reste exprimé récemment à ce sujet de façon très pertinente dans Le Monde, de conduire un débat national sur l'avenir du spectacle vivant. Ce débat, animé par dix-sept auditeurs-rapporteurs, ne se limitera pas à la question de l'assurance chômage ; il concernera l'ensemble des questions relatives au développement du secteur.
Enfin, vous avez souhaité évoquer le troisième programme de l'action du ministère, à savoir la transmission des savoirs et la démocratisation de la culture. Si ce programme peut vous apparaître encore peu lisible, il recouvre, en fait, une dimension essentielle de l'action du ministère : la diffusion et la démocratisation de la culture. Cette démocratisation doit demeurer l'un des piliers de mon ministère.
La constitution de ce programme, qui sera piloté par une nouvelle délégation au développement et à l'action internationale, que j'ai décidé de mettre en place, marquera le renforcement des politiques horizontales du ministère de la culture. C'est essentiel si l'on ne veut pas se cantonner à une sectorisation trop stricte. C'est le cas, naturellement, pour l'éducation artistique, qui transcende les spécialisations de nos différentes directions ou, aujourd'hui, des différents programmes de la LOLF. En tout cas, monsieur le rapporteur spécial, mon ambition est de donner à ce programme une consistance politique très forte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis.
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le ministre, les craintes, évoquées il y a un instant, qu'avait pu susciter l'opération vérité conduite l'an dernier sur les risques d'un repli durable du budget de la culture, se révèlent infondées, comme en témoigne l'évolution du budget du ministère de la culture. En effet, dans un contexte budgétaire difficile et contraint, les crédits de la culture s'élèveront, en 2004, à 2,632 milliards d'euros, soit une progression de 5,8 %.
Certes, la progression d'un budget n'est pas la pierre de touche de sa qualité, elle n'est pas le critère absolu qui fait qu'un budget est bon ou ne l'est pas. Ce qui est important, c'est que l'évolution de ce budget s'accompagne d'un effort pour maîtriser les dépenses de structures au bénéfice des crédits d'investissement. C'est le cas pour le budget de la culture de l'année prochaine, puisque les crédits d'investissement augmenteront de 33 %, alors que les moyens d'intervention ne progressent que de 2 %. Nous sommes donc en présence d'un budget dynamique, et non pas d'une simple reconstitution des lignes budgétaires annulées l'année dernière.
Les priorités retenues pour 2004, tout en traduisant la continuité de la politique culturelle de l'Etat, témoignent d'une volonté, que la commission a tenu à souligner, de renouveler les instruments sur lesquels elle s'appuie.
Cette volonté de réforme se manifeste d'abord par la poursuite de la modernisation du ministère.
Cette modernisation passe par une vision plus dynamique de la gestion des crédits. A l'avenir, l'augmentation du budget ne peut constituer le seul moyen de dégager des marges de manoeuvre supplémentaires. C'est pourquoi vous avez souhaité, monsieur le ministre - et la commission s'en est félicitée -, que, d'ici à 2006, chaque direction opère un redéploiement d'au moins 10 % de ses crédits d'intervention. Ce redéploiement suppose néanmoins que soit systématiquement réalisée l'évaluation des actions entreprises. Cela peut paraître incompatible avec l'action culturelle, mais c'est indispensable.
La mission que le Sénat avait confiée à mon collègue Philippe Richert et à moi-même sur la gestion des collections des musées a montré à quel point l'absence d'une vision statistique globale des collections pouvait entraver une politique dynamique de gestion des musées.
Cette volonté de réforme se traduit également dans la redéfinition des rapports entre le ministère et les établissements publics dont il assure la tutelle. Ces établissements représentent 40 % de son budget - c'est donc, comme la langue d'Esope, la meilleure et la pire des choses - et, par conséquent, constituent un facteur d'inertie considérable dans sa gestion. Mais ils représentent aussi un relais privilégié de l'action que vous menez, monsieur le ministre.
En 2004, ils bénéficieront d'une augmentation de leurs subventions de fonctionnement de 2 % et un effort particulier sera accompli en faveur du futur musée du quai Branly.
De la même manière, ces établissements verront leur autonomie renforcée et leurs relations avec leur autorité de tutelle clarifiées. Le Louvre, dont le Sénat avait eu l'occasion de souligner l'anomalie que constituait son fonctionnement, a joué un rôle pilote. A cet égard, je vous poserai une première question, monsieur le ministre. L'exemple du Louvre, notamment la possibilité de déléguer au président de l'établissement les actes de gestion du personnel, sera-t-il généralisé à d'autres établissements à partir de 2004, sachant que la Bibliothèque nationale de France doit être le second établissement à bénéficier d'un tel contrat d'objectifs ?
Votre volonté d'accroître la responsabilité des services trouve également sa traduction dans les mesures prises pour réorganiser les relations entre la Direction des musées de France et les musées nationaux, au travers d'une redéfinition de la Réunion des musées nationaux, la RMN.
Par ailleurs, compte tenu des difficultés que rencontre la RMN, lesquelles sont aggravées par la conjoncture internationale et la diminution du tourisme dans notre pays, de quels moyens disposera-t-elle en 2004, en lieu et place des droits d'entrée qui seront désormais affectés - et je ne peux que m'en féliciter - aux musées bénéficiaires ?
Ces différents actes de réforme, dont la commission s'est félicitée, ne pourront qu'accroître les marges de manoeuvre résultant de la progression des moyens d'intervention dont bénéficiera le ministère de la culture en 2004.
A cet égard, vous avez tenu, d'une part, à privilégier les actions traditionnelles du ministère, notamment la politique du livre et de la lecture publique et, d'autre part, à affirmer un soutien à la création, dans la diversité de ses expressions.
Pour ce qui est de la Direction du livre et de la lecture publique, ses crédits progresseront de 8,7 % l'année prochaine. Le soutien que l'Etat apporte aux collectivités territoriales, dont le rôle, en ce domaine, est irremplaçable, sera renforcé non seulement au travers de la dotation de décentralisation, mais aussi - et vous l'avez souligné tout à l'heure, monsieur le ministre, en répondant aux questions du rapporteur spécial - grâce au programme Les Ruches. Cette nouvelle génération de médiathèques de proximité, tant en secteur rural que dans les quartiers des grandes agglomérations, permet de prolonger l'effort considérable que les collectivités ont accompli pour renforcer le maillage territorial des bibliothèques.
C'est un critère essentiel si l'on veut démocratiser l'accès à la culture en France, quelles que soient les technologies dont nous connaissons aujourd'hui l'efficacité. L'accès à la culture passe avant tout par l'accès au livre et à la lecture.
Ce projet de budget apporte, par ailleurs, une réponse, au moins partielle, à la crise provoquée par la réforme du statut des intermittents du spectacle, puisque les dotations de la Direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles progresseront de 4,42 % et atteindront 25 % du budget du ministère.
Cet effort financier permettra d'engager dans de bonnes conditions le débat national sur l'état des enjeux du spectacle vivant. Je voudrais simplement souligner - et le Sénat se préoccupe de cette question, puisqu'il a mis en place un groupe de réflexion sur la création culturelle - que la remise en cause des modalités d'indemnisation des intermittents du spectacle soulève des difficultés qui exigent une analyse à la fois des objectifs qui doivent être ceux des collectivités publiques dans ce domaine, mais aussi des conditions dans lesquelles les artistes exercent aujourd'hui leur activité de création.
A cet égard, je ne peux que me féliciter de la lisibilité accrue des parcours de formation en matière d'enseignement spécialisé de la musique, de la danse, et du théâtre. Il convient toutefois de souligner que si l'enseignement supérieur relève de l'Etat, l'initiation aux pratiques artistiques est, pour l'essentiel, à la charge des collectivités territoriales et en particulier des communes. On sait, comme pour le livre, à quel point cette initiation est essentielle pour faire naître une vocation artistique ou, tout simplement, le goût d'une formation prolongée dans ce domaine.
Le soutien aux arts plastiques bénéficiera également d'une progression de 9 % des crédits qui lui sont affectés à travers un renforcement des moyens de la délégation aux arts plastiques. Ces moyens sont essentiels à la fois pour permettre à l'Etat de se constituer un patrimoine dans le domaine de l'art contemporain - je sais que vous y êtes extrêmement sensible, monsieur le ministre -, et pour soutenir les artistes et les galeries d'art. A cet égard, je souhaite vous poser une question sur la place qui sera donnée au design. L'élu de Meurthe-et-Moselle que je suis est sensible à tout ce qui fait se rapprocher l'art et l'industrie. C'est pourquoi je considère que le design a une place tout à fait particulière et correspond à une vieille tradition française. Quelles initiatives seront prises pour renforcer cette partie importante de la création culturelle ?
Autre point fort du projet de loi des finances, on constate une forte progression des enveloppes consacrées à la restauration des monuments historiques. Les autorisations de programme, hors grandes opérations, augmentent en effet de près de 10 %. C'était nécessaire, car, si l'on se réfère à l'état de notre patrimoine tel qu'il ressort des statistiques que votre ministère nous a communiquées, on apprend que près de 20 % des monuments classés seraient aujourd'hui en péril. C'est la raison pour laquelle vous avez annoncé un plan national pour le patrimoine, avec l'objectif de porter les dotations à 260 millions d'euros en 2008. Je ne peux que m'en féliciter, tout en regrettant cependant, sur la forme, l'absence d'une loi de programme, qui aurait permis de donner à cette action une plus grande solennité. (M. de Broissia applaudit.)
Votre budget traduit également la volonté du ministère de se désengager de la mission de maîtrise d'ouvrage sur les monuments historiques n'appartenant pas à l'Etat. C'est, là aussi, une évolution heureuse : il faut que l'Etat se recentre sur son action de contrôle et que, parallèlement, tout en les soutenant, il responsabilise les propriétaires de ces monuments.
La commission des affaires culturelles m'a instamment prié de vous interroger sur les moyens que l'Etat consacrera en 2004 à la restauration de la chapelle et du grand amphithéâtre de la Sorbonne. Vous voyez que l'on peut être élu de province et se préoccuper d'un patrimoine qui n'est pas parisien, mais bien national ! En tout cas, la commission souhaiterait savoir où en sont les projets du ministère dans ce domaine, sachant que ce monument appartient à la Ville de Paris.
Autre remarque qui me paraît essentielle : la nécessité de renforcer les crédits d'entretien de ce patrimoine.
Je suis malheureusement bien placé, étant élu de Meurthe-et-Moselle pour savoir ce que peut être un sinistre dans ce domaine et les conséquences que peut avoir un défaut d'entretien du patrimoine. Vous êtes venu vous-même, monsieur le ministre, à Lunéville, mais on peut prendre d'autres exemples dans d'autres départements. Pour quelles raisons la tendance est-elle inversée en 2004 ? Pour quelles raisons les crédits d'entretien du patrimoine ont-ils diminué, alors même que les crédits globaux ont progressé ?
Mon collègue Yann Gaillard ayant longuement parlé de l'INRAP, j'éviterai les redondances et me contenterai de vous poser une question complémentaire concernant le Centre des monuments nationaux, le CMN.
La loi de décentralisation que le Sénat a adoptée il y a quelques jours autorise, en son article 74, les transferts de propriété aux collectivités territoriales. Quelles seront, par conséquent, les conséquences de ce transfert pour le centre de monuments nationaux et son équilibre financier et qu'en est-il du projet de rapprochement du Centre et de la Réunion des musées nationaux ?
Je conclurai mon propos en indiquant que la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de votre ministère.
M. le président. La parole est à M. Marcel Vidal, rapporteur pour avis.
M. Marcel Vidal, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour le cinéma et le théâtre dramatique. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le cinéma et le théâtre ont en commun cette année d'affronter une situation de crise, crise à première vue économique, mais qui, plus profondément, nous amène à nous interroger sur les conditions de la création artistique.
Avant de porter un jugement sur cette conjoncture, je souhaiterais indiquer que c'est au regard des difficultés auxquelles se heurtent ces secteurs que j'ai analysé les dotations inscrites au projet de loi de finances, dotations qui définissent les moyens que se donne l'Etat pour contribuer à les résoudre.
J'évoquerai d'abord le cinéma.
Après une période d'embellie, ce secteur doit désormais faire face à un climat plus morose.
Certes, la production continue à afficher son dynamisme, avec deux cents films agréés en 2002, soit un chiffre comparable à celui de 2001, et à faire la preuve de sa capacité de renouvellement.
En effet, en 2002, après deux années consécutives de recul, le nombre des premiers films a augmenté à nouveau sensiblement, représentant 41 % des films d'initiative française. Au total, les premier et deuxième films représentent 60 % de la production, soit une nette progression par rapport aux exerices écoulés.
Cependant, la vitalité de la production contraste avec les difficultés de financement et de débouchés auxquelles elle est confrontée.
Les parts de marché des films français opèrent un repli significatif, n'atteignant que 35 % en 2002, contre 41,4 % en 2001.
Par ailleurs, si la structure des financements des films français n'évolue pas sensiblement par rapport à 2001, on constate une nouvelle diminution des investissements des chaînes de télévision. Je soulignerai, plus particulièrement, le recul de la part de Canal Plus dans le financement du cinéma : ses investissements ne représentent plus que 18 % du total, contre 25 % en 1999. A cet égard, monsieur le ministre, pouvez-vous nous faire part de votre position sur une éventuelle révision des obligations de Canal Plus en matière d'investissement dans le cinéma à l'horizon de la fin de l'année 2004, révision qui pourrait s'appuyer sur une profonde transformation du paysage audiovisuel ?
Autre motif de préoccupation : le relatif recul de la fréquentation. La diminution des entrées en 2002, de l'ordre de 1,4 %, sans remettre en cause la tendance au redressement observée depuis le début des années quatre-vingt-dix, atteste l'existence d'un palier confirmé par le recul de 5,6 % du nombre des entrées entre janvier et septembre de l'année actuelle. Il est donc encore trop tôt pour déterminer s'il s'agit d'un phénomène conjoncturel, lié à l'offre de films, ou bien d'un retournement de tendance, résultant de l'arrivée à son terme du développement des multiplexes ou de la concurrence du DVD. Mais il conviendra de rester attentif.
A ce contexte qu'aggravent encore le développement du piratage et les risques financiers qu'il représente pour le secteur du cinéma, s'ajoute également la crise que traversent les industries techniques, sous le double effet de la tendance à la délocalisation des tournages et du renchérissement des investissements nécessaires pour faire face aux mutations technologiques.
Ces évolutions préoccupantes imposent, à l'évidence, une adaptation des mécanismes de soutien public au cinéma, afin de garantir le dynamisme et la diversité de la production nationale.
Le projet de budget marque votre volonté, monsieur le ministre, de procéder à cette adaptation.
Les crédits inscrits à la section « cinéma » du compte de soutien à l'industrie cinématographique et audiovisuelle progressent de 7,7 % pour atteindre 246,8 millions d'euros.
Après avoir, au cours des années récentes, progressé sous l'effet du dynamisme des chaînes de télévision, puis du renouveau de la fréquentation, les recettes du compte de soutien bénéficieront, en 2004, de l'essor du marché de la vidéo.
En effet, la progression du chiffre d'affaires de ce marché, conjuguée à la modification de l'assiette de la taxe sur les vidéogrammes, dégage 17 millions d'euros supplémentaires au bénéfice de la section « cinéma ». Il s'agit là d'une marge de manoeuvre très appréciable pour le compte de soutien qui, sans cela, aurait sans doute été difficile à « boucler ».
L'existence de cette marge de manoeuvre, conjuguée à un recul des parts de marché des films français, rend possible une augmentation de 12,9 % des dotations consacrées au soutien sélectif et permet de faire face aux droits à soutien automatique générés au profit des producteurs, exploitants et distributeurs.
Le renforcement du soutien sélectif s'effectue dans trois directions.
D'abord, afin de faciliter le financement des films les plus difficiles, les crédits de l'avance sur recettes bénéficient, pour la seconde année consécutive, d'une augmentation significative.
Ensuite, l'aide au développement voit ses dotations doubler, ce qui me semble opportun, compte tenu des dépenses engagées en ce domaine par nos concurrents américains.
Enfin, est mis en place un mécanisme de soutien à la création de fonds d'aide à la production par les collectivités territoriales. Ce « coup de pouce » donné aux collectivités, qui investissent de plus en plus dans le cinéma, me semble opportun pour tenter de remédier aux fortes disparités existant, en ce domaine, entre les régions.
Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous puissiez nous préciser quels seront les critères d'octroi retenus pour l'attribution de ces aides et nous dire si des collectivités ont d'ores et déjà manifesté le souhait d'en bénéficier.
Dans le prolongement des conclusions de la mission d'information sur l'exploitation cinématographique créée au sein de la commission des affaires culturelles, je vous ferai part de mon souhait d'encourager l'intercommunalité à travers les mécanismes des aides sélectives destinées à soutenir le fonctionnement et la rénovation des salles de cinéma. En effet, il me semble intéressant que ces aides puissent soutenir des projets fédérant plusieurs collectivités territoriales.
Cette observation est fondée sur un constat que nous avons fait dans le cadre de cette mission : si la France possède un parc de salles très important, des déséquilibres territoriaux importants subsistent au détriment des zones rurales, encore mal desservies.
Je note avec satisfaction le souci du Gouvernement d'adapter les dispositifs fiscaux concourant au financement du cinéma.
L'article 62 bis du projet de loi de finances, qui sera discuté lors de l'examen des articles non rattachés, crée un crédit d'impôt pour encourager les entreprises de production à localiser leur tournage sur le territoire national. Cela me semble aller dans le bon sens. Nous devrons, toutefois, être attentifs à l'usage qui sera fait de ce dispositif, afin qu'il ne se réduise pas à un effet d'aubaine.
Au-delà de l'adaptation des mécanismes budgétaires et fiscaux, ne faudrait-il pas réfléchir, monsieur le ministre, aux règles d'éligibilité au compte de soutien ? L'agrément d'un film financé par une filiale d'un groupe américain laisse songeur et fait douter de la pertinence d'un certain formalisme juridique dans une économie ouverte.
Faut-il être plus strict ou, au contraire, ouvrir le bénéfice de nos dispositifs de soutien à un éventail plus large de bénéficiaires ? C'est une question à laquelle nous devons répondre en toute honnêteté. J'aimerais connaître votre position sur ce point, monsieur le ministre.
J'évoquerai rapidement les crédits dégagés sur le budget du ministère en faveur de la diffusion du cinéma pour me féliciter que puisse enfin se concrétiser, après bien des rebondissements, le projet du « 51, rue de Bercy ». La réforme de la cinémathèque met fin à des hésitations qui n'avaient que trop duré.
Je forme le voeu que cette institution puisse contribuer à la meilleure connaissance du patrimoine cinématographique et nouer, dans cette perspective, d'utiles collaborations avec l'antenne du service des archives du film qui s'installera sur le site François-Mitterrand de la Bibliothèque nationale de France.
J'en viens au théâtre.
La préparation du budget s'est déroulée dans le contexte de la crise provoquée par la renégociation des annexes VIII et X relatives à l'indemnisation des intermittents du spectacle.
L'évolution des dotations marque un effort en faveur du spectacle vivant. En effet, en 2004, le budget de la direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles progresse de 4,42 %, pour atteindre 741,55 millions d'euros, ce qui permet notamment une augmentation de 3,12 % des moyens d'intervention dont elle dispose.
Cependant, cet effort ne permettra que partiellement d'assurer une juste rémunération du travail artistique, alors que les structures du spectacle vivant ont vu leurs moyens financiers se dégrader au cours des dernières années.
J'ai évoqué, lors de l'examen de ce budget par la commission des affaires culturelles, les raisons qui m'ont incité à proposer un avis défavorable sur ces crédits, proposition qui n'a pas été suivie.
Le sentiment général est que la crise que traverse le secteur du spectacle vivant ne trouvera pas sa solution dans l'imbroglio juridique suscité par les modalités de signature de l'accord du 26 juin et de ses avenants. C'est toute la question de l'étendue des responsabilités publiques à l'égard de la création culturelle qui nous est posée.
Certes, le régime spécifique de l'intermittence a été préservé. Des pistes intéressantes pourraient donc être explorées, afin de permettre une plus juste et plus complète rémunération du travail artistique : développement de bourses permettant de soutenir les jeunes artistes, aménagement des modalités d'octroi des subventions, par exemple.
De quelles marges de manoeuvre disposerez-vous, monsieur le ministre, à l'issue du débat lancé sous la direction de M. Bernard Latarjet, personnalité unanimement appréciée, pour prendre de telles mesures ?
Des questions plus conjoncturelles se posent également. La commission s'est notamment inquiétée des conditions dans lesquelles avaient pu être aidées les collectivités dont les manifestations culturelles de cet été ont été annulées. En effet, les décisions douloureuses qui ont été prises risquent d'hypothéquer l'avenir de certaines d'entre elles. Quels moyens avez-vous pu dégager à cette fin et selon quelles modalités ont-ils été attribués ?
Au-delà de ces aspects budgétaires, la crise que traverse le spectacle vivant doit permettre, par les réponses qui y seront apportées, de renforcer la légitimité des politiques publiques conduites en ce domaine. Cela passe, sans doute, par une rénovation des moyens mis en oeuvre pour assurer la démocratisation culturelle, ambition qui constitue le fondement de votre ministère et qui n'est encore que très partiellement réalisée.
Je conclurai mon propos en vous indiquant que la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du cinéma et du théâtre pour 2004. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Messieurs les rapporteurs, vous avez soulevé plusieurs questions au sujet des établissements publics relevant du ministère de la culture. Vous le savez, les établissements publics constituent pour moi un relais essentiel de mon action et une priorité sur le plan budgétaire. Ils sont la première expression de l'action culturelle directement mise en oeuvre par le ministère de la culture.
Cette ambition s'est traduite tout d'abord par la politique de contrats d'objectifs et de moyens que vous avez rappelée. A cet égard, outre la préparation d'un contrat avec la Bibliothèque nationale de France pour 2004, je n'exclus pas non plus d'engager un processus de contractualisation avec les nouveaux établissements publics que seront, à partir du 1er janvier prochain, le musée d'Orsay et le musée Guimet.
L'année 2004 marquera également la conclusion de la réforme de la Réunion des musées nationaux. Le décroisement des financements entre la Réunion des musées nationaux et les musées nationaux sera effectif dès le 1er janvier 2004. Chacun sera ainsi en position d'assumer de façon adulte et moderne ses responsabilités.
Sur le plan financier, la réforme n'occasionnera pas de dépense supplémentaire et sera neutre pour la RMN. Les activités d'édition et d'exposition de la Réunion des musées nationaux sont désormais financées par une subvention de fonctionnement de 11,5 millions d'euros, et les acquisitions dont elle aura la responsabilité, par des crédits de 2,4 millions d'euros.
La RMN a en outre engagé, en 2003, des mesures d'économies pour compenser, notamment, les effets d'une moindre fréquentation des musées nationaux due à la conjoncture internationale.
Vous avez évoqué les perspectives d'un rapprochement possible entre la Réunion des musées nationaux et le Centre des monuments nationaux. J'ai en effet décidé de mettre en oeuvre des synergies entre les activités de ces deux établissements. En particulier, ces prochaines années, les politiques d'achat dans le domaine des éditions et de la diffusion seront rapprochées, et les politiques d'approvisionnement des comptoirs, coordonnées.
S'agissant de l'INRAP, j'ai indiqué tout à l'heure les mesures que j'avais prises pour favoriser le retour à l'équilibre de cet établissement, et je forme le voeu qu'il se tire d'affaire.
Le patrimoine est en effet, une véritable priorité de mon ministère en 2004. Cela a été rappelé, 20 % de nos monuments sont aujourd'hui, selon l'avis des experts, dans une situation de péril « sanitaire » pur et simple. L'incendie du château de Lunéville et l'effrondement récent d'un plancher du château de Chambord nous montrent bien les risques auxquels sont exposés nos monuments - et ceux qui les visitent ! A ceux qui en douteraient, je conseille une visite à Provins, ville classée au patrimoine mondial de l'UNESCO, et en particulier à l'église Saint-Ayoul : l'abside menace tout simplement de s'effrondrer, depuis des décennies, au demeurant.
J'ai engagé également, sur nos monuments historiques, un important travail pour préparer la décentralisation. La commission présidée par René Rémond a accompli, à ce sujet, un excellent travail, et ses orientations générales comme ses propositions concrètes recueillent pour la plupart mon assentiment. J'ai souhaité toutefois, avant d'arrêter la liste définitive des édifices dont le transfert sera proposé, que ce rapport soit largement diffusé et que les élus puissent me faire part de leur réactions.
S'agissant plus particulièrement des crédits d'entretien du patrimoine, je tiens à rassurer le Sénat, ils enregistrent, en 2004, une stricte reconduction de la très forte hausse que j'avais introduite l'an dernier - de plus de 50 % - pour faire face à leur grave insuffisance. Si vous avez vu une très faible baisse optique, elle est, en fait, liée à l'expérimentation de la LOLF en région Rhône-Alpes, qui entraîne un transfert de crédits entre lignes budgétaires. Mais la réalité budgétaire de ce programme est strictement identique.
Vous avez enfin souhaité savoir quels moyens seraient consacrés par l'Etat à la restauration de la Sorbonne, propriété de la Ville de Paris. Je peux vous dire que j'ai prévu d'apporter le concours des moyens de l'Etat à ce projet, dans le cadre d'un partenariat avec la Ville de Paris, à hauteur de 33 % du montant des travaux, qui débuteront en 2005.
J'espère que cette information rassurera également totalement Mme Pourtaud, sénatrice de Paris.
Vous m'avez interrogé sur le soutien à la création. Il fait l'objet, pour 2004, de plusieurs priorités dans mon projet de budget.
Vous avez d'abord cité la diversification de notre soutien aux arts plastiques en faveur notamment du design. Dans le souci de renouer avec la tradition française de rapprochement entre l'art et l'industrie, que vous avez, d'ailleurs, monsieur le sénateur, en bon Nancéien, évoquée, la section design du Fonds national d'art contemporain présentera, en janvier, au salon du meuble de Paris, l'exposition « Sièges de collection ».
Je me suis également engagé aux côtés de votre collègue maire de Saint-Etienne pour la création d'un centre international du design dans cette ville. Il constituera un pôle important dans les domaines de l'enseignement, de la documentation et de la diffusion du design.
Le soutien au cinéma, qu'a évoqué M. Marcel Vidal, sénateur de l'Hérault, est une priorité quasiment historique du ministère de la culture à travers l'action du Centre national de la cinématographie, le CNC.
J'ai engagé une action résolue en faveur de la production cinématographique, au moment où plusieurs de ses sources de financement traditionnelles se trouvent fragilisées et où les délocalisations de tournages s'amplifient, ce qui expose d'ailleurs aussi nos industries techniques à des risques de dérives, à des dangers très importants.
Cette démarche, je le rappelle, a conduit à une adaptation de la taxe vidéo de façon à la faire contribuer davantage au financement de notre cinéma comme vous en aviez exprimé le souhait l'an passé, monsieur le rapporteur pour avis. Elle a également conduit à l'instauration d'un crédit d'impôt favorisant la localisation des tournages en France. Cette mesure, inscrite dans ce projet de loi de finances, sera examinée par le Sénat dans les jours qui viennent.
Vous m'interrogez plus particulièrement sur les aides que j'ai décidé de consacrer à la création de fonds régionaux de soutien au cinéma de long métrage. Ces fonds seront constitués en partenariat entre l'Etat et les collectivités locales, et j'ai proposé que l'Etat, à travers le Centre national de la cinématographie, abonde les fonds que les collectivités locales souhaitent affecter au financement de la production cinématographique à raison de 1 euro alloué par le CNC pour 2 euros provenant de la région concernée. La première année d'expérimentation de cette formule, un plafond de 1 million d'euros par collectivité sera instauré, car il ne s'agit pas que les quelques collectivités qui sont déjà engagées dans ces actions « vampirisent » la totalité du fonds disponible. Nous voulons au contraire disposer de moyens pour inciter les régions qui n'auraient pas encore pris d'initiative dans ce domaine à le faire.
Plusieurs régions ont déjà fait connaître leur intérêt pour s'associer à l'Etat et au CNC dans ce nouveau dispositif : l'Alsace, l'Aquitaine, l'Auvergne, la Haute-Normandie, le Nord - Pas-de-Calais, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et, bien sûr, la région d'Ile-de-France, qui est d'ailleurs déjà engagée.
Vous m'interrogez aussi sur l'ouverture du compte de soutien à des sociétés de production extra-européennes.
Dès cet été, j'ai demandé que, sur cette question, le directeur général du CNC engage une concertation avec les professionnels pour déterminer si une telle évolution était souhaitable, au moment où les films rencontrent des difficultés de financement. Si tel est le cas, je veillerai à ce que cette ouverture soit accordée sous certaines conditions strictes, de façon qu'elle profite au cinéma français. Les conditions pourraient être que la langue de tournage soit le français et que les dépenses soient effectuées sur notre territoire. Il pourrait également être prévu que des sociétés de production indépendantes françaises soient systématiquement associées aux projets agréés.
S'agissant enfin de la création dans le domaine du spectacle vivant, du théâtre en particulier, j'ai dégagé des moyens importants pour soutenir l'action de la direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles. Dès 2003, a été mis en place un fonds d'intervention, doté de plusieurs millions d'euros, en faveur des festivals dont la programmation a été perturbée cet été par l'action des intermittents, de façon à éviter qu'ils ne soient tout simplement anéantis par l'étendue de leur détresse financière.
Dans l'Hérault, monsieur Vidal, ont notamment bénéficié de ces mesures le Printemps des comédiens, le festival de Radio France et de Montpellier et les Voix de la Méditerranée, à Lodève. Cette aide exceptionnelle a été ouverte à l'ensemble des festivals annulés ou perturbés, qu'ils bénéficient normalement d'une subvention de l'Etat ou non, après, naturellement, examen rigoureux de la réalité de leur situation financière : nous n'aurons pas la naïveté de nous laisser conter chanson en la matière !
La mission d'inspection interministérielle que j'ai diligentée dès le mois de juillet a évalué le montant des déficits résultant des perturbations de cet été et m'a proposé, dans chacun des cas, des formules de compensation. L'objectif principal est de permettre à ces festivals de redémarrer dans des conditions normales l'année prochaine.
Je ne reviendrai pas sur l'intermittence, que vous avez évoquée l'un et l'autre, messieurs les rapporteurs pour avis, puisque j'ai abordé cette question après l'intervention de M. Gaillard. Cependant, le moment est venu de bien distinguer entre ce qui relève de l'engagement public, de la solidarité nationale, qui s'exprime par les subventions de l'Etat et des autres collectivités publiques, et ce qui relève de la solidarité sociale, grâce à l'assurance chômage, plus particulièrement aux annexes 8 et 10 qui, vous l'avez rappelé avec raison, ont été préservées.
La France demeure, à ma connaissance, le seul pays d'Europe à avoir aménagé un système spécifique d'assurance chômage au bénéfice des professionnels du spectacle et de l'audiovisuel, et je me réjouis de son existence. Nous attendons tous beaucoup du débat sur le spectacle vivant qu'anime M. Latarjet, secondé par des auditeurs-rapporteurs. Leur travail nous permettra d'y voir plus clair sur toutes les questions relatives à la mise en oeuvre de l'action publique dans ce domaine.
Je me rends compte, monsieur le président, que je n'ai pas répondu à une question importante de M. le rapporteur spécial : suis-je régionaliste ou départementaliste ?
M. le président. C'est une question très importante, en effet !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Je lui répondrai comme saint Paul, qui disait qu'il était juif avec les juifs et gentil avec les gentils. (M. le rapporteur spécial rit.)
M. le président. Nous passons aux questions des orateurs des groupes.
La parole est à M. Pierre Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le ministre, vous avez indiqué que votre action portait sur les trois piliers sur lesquels repose la culture : le patrimoine, la création et la diffusion culturelle. La culture est, par ailleurs, la caractéristique essentielle d'un peuple.
La diffusion culturelle est au centre de mes préoccupations.
Ma première question a trait à la diffusion de la culture scientifique et technique, dont la commission des affaires culturelles s'est beaucoup souciée et qu'elle considère comme une priorité nationale. Vous avez eu la sagesse de nous suivre dès le rapport à mi-parcours, puisque, dès sa nomination, vous avez rappelé au président de la Cité des sciences et de l'industrie que sa mission était d'intérêt national. Ce rappel peut-il aussi être adressé à l'ensemble des DRAC ?
Le président de la Cité des sciences et de l'industrie a tout de suite réagi, puisque sera inaugurée le 18 décembre prochain à Sophia-Antipolis une exposition organisée par son établissement, et nous serions très heureux, monsieur le ministre, si vous pouviez y venir ou déléguer quelqu'un à cette manifestation.
Ma seconde question est plus concrète et concerne les bibliothèques et la lecture publique, phénomène tout à fait essentiel. Je veux indiquer avec quelle satisfaction nous avons noté que les crédits consacrés à la lecture publique augmentaient de 3,9 %. Cette hausse est d'ailleurs plus importante en régions qu'à Paris, il faut le souligner : 3 millions d'euros sont affectés aux régions et 1,5 million à la Bibliothèque nationale de France.
Les constructions de bibiothèques locales se sont intensifiées ces dernières années. Il me semble fondamental d'en diversifier et d'en densifier le réseau, car il est nécessaire d'offrir à tous nos concitoyens ce nouveau rapport à l'écrit. Cela représente un effort considérable de la part de l'ensemble des collectivités locales, mais c'est un moyen de socialiser l'ensemble des populations. Les résultats sont très positifs.
Vous avez annoncé l'année dernière le lancement d'un programme pour développer Les Ruches Nouvelles médiatiques de proximité. Quel bilan pouvez-vous en tirer ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Monsieur le sénateur, je tiens à vous dire à quel point je suis impressionné par votre attachement à la culture scientifique.
Il est vrai que, par un arbitraire intolérable, le phénomène culturel a longtemps été considéré, dans notre pays, comme essentiellement constitué des beaux-arts et des belles-lettres, et l'importance de la culture scientifique et technique, qui est pourtant un élément de la culture en général, a été sous estimée.
Vous avez consacré à cette question, monsieur Laffitte, un travail tout à fait remarquable qui a très largement inspiré certaines des initiatives que nous avons prises.
La première consiste à normaliser, à améliorer les relations qu'entretiennent le ministère de la culture et le ministère chargé de la recherche et à promouvoir des actions partagées. Le temps n'est plus à la guerre entre les départements ministériels tentant de s'arracher des parcelles de pouvoir, le moment est au contraire venu de travailler ensemble.
C'est à ce titre, vous le savez, que j'ai attaché la plus grande importance à la qualité de la nomination du président de la Cité des sciences et de l'industrie, et nous avons pu, en quelques mois, mesurer à quel point M. Jean-François Hébert était bien le président qu'il fallait à cet établissement.
Je lui ai demandé d'amplifier, bien sûr, l'action de son établissement au sein de ses propres installations, mais aussi de veiller à une meilleure synergie avec les autres établissements scientifiques parisiens - je suis pour ma part très attaché à une synergie forte entre le palais de la Découverte et la Cité des sciences et de l'industrie - et, surtout, d'assurer la place de la Cité des sciences et de l'industrie comme tête de réseau de l'ensemble des établissements culturels qui, dans les régions, diffusent la culture scientifique et technique. Cet objectif figure désormais clairement dans le cahier des charges de la Cité des sciences et de l'industrie.
Par ailleurs, dans le cadre de la directive nationale pour 2004 que j'adresserai aux directeurs régionaux des affaires culturelles, j'insisterai beaucoup sur l'engagement de ces services déconcentrés en faveur d'actions concernant la culture scientifique et technique. C'est désormais pour notre ministère une véritable priorité.
S'agissant des Ruches, je tiens à vous confirmer que, pour ma part, je considère la lecture comme la toute première expression du service public culturel. C'est par le livre que la culture, le savoir, la connaissance, l'esprit critique également, et donc la tolérance, se diffusent le plus largement. Chaque fois que nous pourrons inviter nos concitoyens, notamment nos jeunes concitoyens, à devenir plus familiers du livre, nous aurons vraiment exprimé l'ambition culturelle de notre pays.
Notre ministère est fortement engagé dans des actions, parfois anciennes, d'équipement des régions en bibliothèques de grande dimension, établissements qui jouent d'ailleurs un rôle structurant dans leur environnement culturel. C'est le cas notamment pour les bibliothèques municipales à vocation régionale : vous connaissez la qualité de la bibliothèque de Limoges, celle de Toulouse sera prochainement inaugurée, et j'ai engagé la création d'une nouvelle bibliothèque municipale à vocation régionale à Clermont-Ferrand.
Par ailleurs, je me suis bien rendu compte que nombre de territoires de notre pays, notamment les campagnes et les périphéries des villes, étaient en fait dépourvus d'équipements capables de mettre en oeuvre une véritable politique de qualité. C'est la raison pour laquelle j'ai lancé ce programme Les Ruches, en liaison avec les collectivités locales, pour réaliser des bibliothèques de modules moyens, de quelques centaines de mètres carrés à parfois plus de 1 000 mètres carrés.
Ce programme a répondu à de fortes attentes et rencontre un succès considérable. Depuis son début, ce sont déjà plus de cent projets que nous avons mis en oeuvre. Nous pourrons inaugurer les premières Ruches dès l'année prochaine et, en tout cas, nous serons tous là pour nous réjouir qu'un public nombreux vienne butiner le miel de la connaissance dans ces institutions d'un nouveau type.
M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le ministre, je vous remercie de vos propos, notamment de la formule que vous avez employée : « butiner le miel de la connaissance ».
Ce programme Les Ruches me paraît tout à fait important, car la couverture de l'ensemble du territoire est l'expression d'une volonté de démocratisation.
Je vous annonce par ailleurs que, en liaison avec la Cité des sciences et de l'industrie, mais aussi en coopération avec le secteur privé, nous envisageons, sur les bords de la Méditerranée, de créer une « cité de l'innovation ». Il s'agit, avec l'appui des grands parcs scientifiques européens, de renforcer la place de la France dans ce domaine en créant un lieu à l'image de la Cité des sciences et de l'industrie de Paris. Les cités des sciences de Naples et de Tunis, que j'ai eu l'occasion de visiter, ont d'ailleurs été, d'une certaine façon, les filles de la Cité des sciences de Paris.
L'innovation, c'est non seulement l'utilisation de la science et de la culture pour développer la créativité et l'intégration technologique, mais c'est aussi la création de richesses et d'emplois.
Tout cela est nécessaire à notre population et doit pouvoir être démocratisé.
M. le président. La parole est à M. Henri Weber.
M. Henri Weber. Monsieur le ministre, si j'en crois les gazettes, vous avez protesté en conseil des ministres contre l'annulation de 29 millions d'euros de crédits de paiement et de 50 millions d'euros d'autorisations de programme qui frappe votre budget pour 2003. Nous joignons nos protestations aux vôtres : parmi les promesses faites par le candidat Chirac au mois de mai 2002, nous aurions préféré, tout comme vous, qu'il respectât celle de « sanctuariser le budget de la culture » plutôt que celle de réduire de 30 % l'impôt sur le revenu. Mais force est de constater que les arbitrages vous ont été défavorables.
Vous prétendez que les crédits de votre budget pour 2004 croissent de 5,8 %. Cette progression doit quelque chose, sans doute, aux mobilisations des intermittents du spectacle, qui ne faiblissent pas depuis cet été. Mais elle doit beaucoup, aussi, à une astuce de présentation.
Vous nous aviez expliqué l'an passé, ici même, qu'il convenait de raisonner, pour apprécier l'augmentation du budget de la culture, en additionnant les dépenses ordinaires et les autorisations de programme. Vous faisiez alors apparaître une progression des crédits au lieu de la régression de 5 % à laquelle aurait conduit l'application de la bonne vieille méthode classique de comptabilisation des crédits véritablement ouverts, en dépenses ordinaires et en crédits de paiement. Cette année, vous faites exactement l'inverse : vous nous demandez de raisonner par rapport aux dépenses ordinaires et aux crédits de paiement, laminés l'an passé, et donc, mécaniquement, en forte hausse en 2004. De son chapeau, le prestidigitateur tire une hausse apparente des crédits de plus de 5 % ! L'année prochaine, changerez-vous à nouveau de méthode ?
Au-delà de l'affichage, il y aurait beaucoup à dire sur l'évolution des moyens réels. Ainsi, si l'on prend en compte la nécessité d'éponger en 2004 le déficit de l'INRAP, que vous avez accepté de voir privé de ses ressources en redevance, votre projet de budget fait en réalité apparaître une baisse de 1,7 % par rapport à 2002.
S'agissant de l'investissement, je constate qu'il souffre, en particulier pour les monuments historiques. S'agit-il, monsieur le ministre, de préparer, dans les meilleures conditions pour l'Etat, mais les pires pour les collectivités territoriales, un transfert aux régions de la compétence du suivi des monuments historiques ? En tous les cas, en deux ans, de 2002 à 2004, on assiste à une chute de plus de 40 % des autorisations de programme destinées aux monuments historiques.
Et que dire de l'archéologie, privée des moyens indispensables ? Le nombre d'arrêtés de fouilles ou de surveillance archéologique signés en 2003 a baissé de 43 %. Et maintenant, ce sont les 1 405 arrêtés de diagnostics pris en 2002 qui sont dans votre ligne de mire !
Que dire des enseignements, qui devraient être une priorité forte de votre ministère ? Le total de l'agrégat consacré au fonctionnement pour les enseignements spécialisés et la formation révèle une diminution des crédits de plus de 2 %, et on constate une baisse de 7 % pour les interventions déconcentrées, par exemple en milieu scolaire. On aurait pu penser que l'effort engagé pour la formation des publics trouvait un écho dans tous les camps politiques, mais il faut se rendre à l'évidence : faute de volonté politique, il ne restera bientôt plus rien du plan Lang-Tasca et des classes à projet artistique et culturel.
Que dire enfin, que dire surtout des moyens consacrés au spectacle vivant ? Cet été, vous aviez promis qu'ils seraient considérables. Dans votre présentation du projet de budget - je fais référence à la page 3 de votre conférence de presse - est encore annoncé « un effort considérable » devant permettre la mise en oeuvre, dès 2004, des conclusions qui seront tirées du débat national. On croit comprendre ainsi que l'Etat sera à même de soutenir le réseau des jeunes compagnies, ou encore l'accès des jeunes aux professions artistiques, jeunes qui auront le plus de mal à réunir les conditions désormais exigées pour l'indemnisation.
Certes, vous affichez des crédits en hausse de 32 millions d'euros - soit déjà un net retrait par rapport aux annonces de l'été -, mais ces crédits sont pour l'essentiel de l'affichage, car ils sont financés par redéploiement des dotations des régions, et ils profitent surtout aux grandes institutions, et non pas au tissu de compagnies qui ont permis l'extraordinaire éclosion de talents et la vitalité de notre vie culturelle.
Mme Danièle Pourtaud. Très bien !
M. Henri Weber. Votre projet de budget est en réalité une fin de non-recevoir pour tous ces artistes, inquiets des conséquences de la réforme du régime des intermittents, sur laquelle reviendra notre collègue Danièle Pourtaud.
Monsieur le ministre, si l'on compare les crédits pour 2002, soit 2 617 millions d'euros, et ceux qui sont proposés pour 2004, soit 2 633 millions, on constate que la progression, de 2002 à 2004, est de 0,6 %, soit moins de 1 % en deux ans. Nous savions déjà que consacrer 1 % du budget de l'Etat à la culture n'était plus votre idéal, mais l'augmenter de 1 % en deux ans serait-il devenu le nouvel objectif de votre ministère ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Monsieur le sénateur, je vous l'ai dit l'an passé, et je reste tout à fait constant dans mon analyse et dans mon discours, c'est le budget exécuté et non pas le budget affiché qui compte.
Mes prédécesseurs étaient devenus les rois de l'affichage. Comparons l'exécution du budget 2003, puisque nous sommes désormais au terme de cet exercice, à celles des budgets 2002 et 2001 : on constate - et je tiens les chiffres à votre disposition, puisque l'affaire vous passionne - que 2003 marque un net accroissement des moyens engagés par l'Etat en faveur de l'action culturelle, et c'est vraiment ce qui importe.
Je n'ai pas changé de mode de raisonnement : l'an passé, j'ai accepté un abattement de mes crédits de paiement de 200 millions d'euros parce que j'estimais - et il en va de même, je l'ai dit tout à l'heure à la tribune, cette année - que les crédits reportés des années précédentes me permettraient de faire face aux besoins, et cela d'autant mieux que je comptais amplifier le taux d'engagement de mes crédits. Je l'ai fait, et j'ai dépensé plus de 160 millions d'euros de plus en 2003 que ne l'avait fait mon prédécesseur au cours de l'année budgétaire dont elle a eu l'entière responsabilité.
Voilà la vérité pure et simple. Tout le reste, hélas ! relève de la polémique.
L'an passé, monsieur le sénateur, vous me mettiez en garde et m'annonciez que le budget de 2004 serait celui de la douleur. Vous craigniez qu'ayant accepté un abattement je ne parvienne jamais à rehausser mes crédits de paiement. Or le projet de budget pour 2004 marque un accroissement de 100 millions d'euros des crédits de paiement, et donc la reconstitution, après consommation des crédits reportés, du bon niveau des crédits primitifs du budget du ministère de la culture.
Vous dénoncez une baisse des autorisations de programme depuis 2002. C'est totalement inexact.
Les moyens nouveaux du spectacle vivant s'élèvent à 32 millions d'euros. Ce sont bien des moyens nouveaux et non pas, je tiens à le dire solennellement, des moyens redéployés, et je tiens également à dire que 32 millions d'euros représentent réellement beaucoup d'argent !
Par quelque bout qu'on le prenne, on constate que ce projet de budget marque un affermissement, une confirmation, une pérennisation de l'action culturelle de l'Etat. Il n'y a pas de retrait, il n'y a pas de renoncement. Au contraire, de façon très responsable dans un contexte de tension budgétaire, le budget traduit la poursuite d'une action et témoigne d'une totale conviction à l'égard de cette action.
Les titres budgétaires ne baissent pas, les moyens réels ne baissent pas ; aucun des secteurs que vous estimez sinistrés n'est affecté par un ébranlement de ses crédits.
Le budget de 2003 en a fourni la démonstration : tous les bénéficiaires de l'action du ministère de la culture, sauf lorsque j'ai estimé qu'il y avait lieu de remettre en cause un soutien parce que la qualité artistique ou la pertinence culturelle n'étaient plus au rendez-vous, ont bénéficié d'une augmentation très significative de leur dotation.
M. le président. La parole est à M. Henri Weber.
M. Henri Weber. Monsieur le ministre, au-delà de toute polémique, je constate pour voyager en France que nombre de DRAC sont en cessation de paiement depuis septembre et que nombre de petites entreprises, en particulier celles qui oeuvrent à la restauration des monuments historiques, connaissent de graves difficultés. C'est une situation que nous n'avions plus connue depuis 1997.
Vous êtes parfaitement conscient de cette situation puisque, dans votre introduction, vous avez vous-même parlé des retards de paiement dont souffrent les DRAC. Certes, vous les avez diagnostiqués comme autant de signes de bonne santé. Peut-être est-ce en effet un signe de bonne santé pour le budget de la culture, mais, pour nombre de petites et de moyennes entreprises qui concentrent un savoir-faire remarquable, cela se traduit par de très grosses difficultés qui, souvent, les mèneront au dépôt de bilan.
Quant à ma question relative à la comparaison des bases entre le budget de 2002 et celui de 2004, vous n'y avez pas répondu. Je ne vous demande pas une réponse immédiate, mais je serais heureux que votre ministère m'apporte à brève échéance la preuve que les chiffres que j'avance sont faux !
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Avant d'aborder la question que je souhaite vous poser, monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur les conclusions du récent rapport d'information publié par notre commission des finances, qui s'interroge sur l'organisation de la gestion de vos services déconcentrés. Un audit de la Cour des comptes, commandé par la même commission, met notamment en lumière l'inadaptation des structures d'administration territoriale de la culture, insistant sur le fait que les échelons déconcentrés ne sont pas toujours en mesure de remplir leur mission sur le terrain et d'être des interlocuteurs des collectivités territoriales, la décentralisation de votre ministère s'étant caractérisée par des lourdeurs de gestion et un certain manque de cohérence.
Dans le droit-fil de ces remarques, mon intervention portera sur la mise en application du système de recours contre les décisions des architectes des Bâtiments de France, qui découle de l'article 112 de la loi du 27 février 2002, relative à la démocratie de proximité.
Voilà près de deux ans que nous avons voté ce texte, sur l'initiative de notre collègue Pierre Fauchon, et il n'a toujours pas connu l'ombre d'un début d'application.
J'ai bien lu la réponse que vous avez récemment adressée à Pierre Fauchon sur ce sujet. Vous lui expliquiez que la publication au Journal officiel du décret d'application pourrait intervenir avant la fin de la présente année, mais j'ai été très surpris d'apprendre dans le même temps que ce décret allait comporter une disposition qui pourrait aller à l'encontre de la volonté du législateur.
Les parlementaires souhaitent en effet que les décisions des ABF, les architectes des Bâtiments de France, ne fassent plus autorité sans possibilité de recours. Ce dernier est ouvert au pétitionnaires, aux maires et à l'autorité délivrant une autorisation de construire allant contre un avis négatif des ABF. Il est soumis à l'avis d'une section de la commission régionale du patrimoine et des sites, puis au préfet, lequel peut émettre un avis différent qui se substitue alors à celui de l'ABF.
Il semblerait cependant que, dans votre projet de décret, vous ayez prévu, si le préfet ne prenait pas la décision dans un délai de deux mois, que l'avis de l'ABF prévaudrait. Cela ne m'apparaît conforme ni à l'esprit ni à la lettre du texte que nous avons voté, qui prévoit que « le représentant de l'Etat... émet un avis qui se substitue à celui de l'architecte des Bâtiments de France » et non qu'il « peut émettre un avis ».
Dans des affaires aussi sensibles, il me paraît essentiel que le préfet joue pleinement son rôle et ne se réfugie pas dans le silence, ce qui ne modifierait pas, finalement, la situation actuelle.
Les recours peuvent être très utiles pour parfaire une décision quelquefois arbitraire ou qui manque d'objectivité. Lorsque le responsable - et je me réjouis qu'en ce moment tel soit le cas dans mon département - est ouvert au dialogue, point n'est besoin de recours, mais, dans ma longue expérience de maire d'un village au patrimoine archéologique remarquable et situé dans un site classé, j'ai parfois été confronté à l'arbitraire et à des difficultés que la possibilité d'exercer un recours aurait sans doute permis de résoudre tout en favorisant la poursuite de la réflexion en commun...
Cela aurait aussi l'avantage, monsieur le ministre, de permettre à vos services de se livrer en quelque sorte à des statistiques, puisque, dans les départements où les recours seraient nombreux, ils seraient probablement amenés à se demander pourquoi il en est ainsi, ce qui éviterait aux maires d'être presque systématiquement mis à l'index.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Monsieur le sénateur de la Meuse, je tiens tout d'abord à rappeler que les architectes des Bâtiments de France, grâce à un ancrage territorial très fort, sont des acteurs importants de la politique développée par le ministère de la culture en faveur de l'architecture et du patrimoine comme de la conservation de nos paysages.
Nous avons toujours tenté de ne pas nous comporter en peuple de vandales et nous y avons plutôt réussi, encore que quelques malheurs aient frappé telle ou telle de nos villes ou tel ou tel de nos paysages.
Je suis cependant conscient que mieux organiser l'action déconcentrée de l'Etat en faveur du patrimoine dans les territoires est dans notre intérêt. Aujourd'hui, en effet, le système juxtapose, d'une part, une organisation départementale dans le cadre des services départementaux d'architecture et du patrimoine et, d'autre part, pour d'autres services, une organisation territoriale.
J'ai souhaité engager une réforme sensible de ce mode d'organisation, de façon, notamment, à assurer une meilleur coordination des activités de l'ensemble des services de l'Etat qui, dans les régions ou dans les départements, concourent à la mise en oeuvre de ces missions, autour du directeur régional des affaires culturelles.
S'agissant du décret d'application de la loi relative à la démocratie de proximité sur lequel vous m'interrogez, je vous informe que ce texte - vous le savez d'ailleurs - est actuellement soumis au Conseil d'Etat. Je puis donc vous confirmer que sa publication devrait intervenir au plus tard au début de l'année 2004.
La disposition que vous incriminez, selon laquelle le silence du préfet serait réputé confirmer l'avis de l'ABF, n'a pas été maintenue. Votre inquiétude quant au respect de la volonté claire du législateur n'a donc en l'espèce pas lieu d'être. C'est un principe auquel - je tiens à vous le dire, monsieur le sénateur, mais cela va de soi - je suis pour ma part très fortement attaché. Le texte qui sera signé dans quelques semaines pour fixer les modalités du recours à l'égard des décisions de l'architecte des Bâtiments de France ouvert aux élus sera donc conforme à votre attente.
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Je remercie M. le ministre de sa réponse qui me rassure, c'est vrai, quant à l'avenir. Si cela allait le sans dire, cela va tellement mieux en le disant, raison pour laquelle, monsieur le ministre, je me suis permis de vous interroger à propos du décret. Je ne doute pas que nous aurons l'occasion de constater sur le terrain lorrain des progrès. Ensemble, nous devons toujours essayer de faire un peu mieux aujourd'hui qu'hier !
M. le président. La parole est à M. Simon Loueckhote.
M. Simon Loueckhote. Monsieur le ministre, ma question, qui est d'ailleurs davantage une interpellation qu'une véritable question, aurait pu vous être adressée par notre collègue Michel Pelchat.
Exposant votre action en faveur de la défense de la diversité culturelle, vous avez dit devant l'Assemblée nationale : « Si nous voulons que, demain (...), il y ait toujours des musiques françaises, des films français, il faut prendre en compte, avec lucidité et pragmatisme, la dimension économique de leur production et de leur diffusion. »
Je partage pleinement votre propos, et c'est pourquoi je souhaite vous faire part de mes vives préoccupations concernant la situation que connaît actuellement l'industrie du disque.
Il y a urgence à agir.
Depuis trois ans, le marché mondial du CD subit une grave crise. Selon la fédération internationale des industries phonographiques, les ventes se sont effondrées, chutant de 5 % en 2001 et de 7,2 % en 2002. Au premier semestre 2003, la chute du marché mondial serait de 10,9 % en valeur.
L'industrie du disque en France, épargnée jusqu'alors, a rejoint depuis la fin de 2002 cette tendance mondiale à la baisse, avec un marché en recul de 13 % en valeur sur les neuf premiers mois de l'année 2003.
Pourquoi un tel effondrement des ventes ?
La crise du marché est directement liée à l'accès gratuit à la musique, permis aujourd'hui par les techniques numériques, qu'il s'agisse de copies de CD sur CD vierges faites pour des tiers ou du téléchargement de fichiers musicaux sur Internet sur des sites illégaux, ou encore des systèmes d'échanges dits « peer to peer », tels que Kazaa, systèmes extrêmement faciles à utiliser et que l'on se procure gratuitement.
De plus en plus souvent équipés d'une connexion haut débit, des millions d'internautes ordinaires font ainsi leur marché, écoutent et copient ce qu'ils aiment.
En un mot, ils font de la piraterie, et celle-ci s'est généralisée au point de devenir le fléau numéro un de l'industrie musicale.
Les chiffres sont impressionnants.
A l'échelle mondiale, 44 % des internautes déclarent télécharger de la musique et 24 % la graver sur CD. Il y aurait en permanence quatre millions de personnes connectées au système d'échanges Kazaa dans le monde et 7,5 milliards de fichiers musicaux sur le Net.
En France, en 2002, les ventes de CD vierges, dont 75 % servent à la copie de la musique, ont été supérieures de 23 % au nombre d'albums vendus par les producteurs phonographiques. Au mois de septembre dernier, on comptait 480 millions de pages lues sur les sites pirates de musique et 200 millions de titres téléchargés.
Entre, d'une part, des opérateurs de télécoms et des fournisseurs d'accès à la musique qui n'ont pas hésité à vanter, dans leurs campagnes de publicité en faveur du haut débit, les mérites de l'accès gratuit même s'il est illégal, et, d'autre part, des internautes qui n'ont pas le sentiment de commettre une infraction, alors que le piratage n'est rien d'autre que du vol, il y a, je le répète, urgence à agir.
Cette situation est à terme dramatique non seulement pour les producteurs de disques mais aussi pour toute la filière musicale : moins de ventes, cela signifie moins de revenus pour les créateurs et les artistes, et moins d'investissements en faveur des nouveaux talents.
N'oublions pas par ailleurs que si cette crise atteint principalement l'industrie du disque, celle du cinéma voit, elle aussi, le danger se profiler.
Que faire pour préserver cette richesse culturelle et éviter d'en arriver à la solution extrême des actions en justice contre des internautes ayant téléchargé illégalement de la musique ? Je rappelle que, dernièrement, aux Etats-Unis, près de 350 personnes ont été poursuivies pour violation des droits de copyright par la RIAA, l'association représentant les plus grands noms de l'industrie du disque.
Le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique et celui sur les droits d'auteurs et les droits voisins, l'un en cours de discussion au Parlement, l'autre qui le sera prochainement, vont transposer les directives européennes et définir un cadre juridique protecteur des droits de propriété intellectuelle. Ils enrayeront, je l'espère, le développement du piratage.
Mais nous ne pourrons pas faire l'économie d'un travail d'explication aux consommateurs, afin de les attirer vers les offres payantes, qu'il s'agisse, d'une part, des sites de téléchargement de musique payants, à limage d'iTunes Music Store d'Apple, qui rencontre un succès prometteur aux Etats-Unis et qui est en train de valider un nouveau modèle économique attrayant pour les majors, les distributeurs et les consommateurs, ou qu'il s'agisse, d'autre part, de disques taxés à un taux réduit de TVA. Ce n'est pour l'instant qu'un voeu, mais je sais que vous y travaillez, monsieur le ministre, et que vous défendez cette position à Bruxelles.
L'intérêt de tous est de diffuser de la musique sur le plus de canaux possible, y compris sur le Net. L'évolution technologique conduit à cet avenir. Mais, tout en respectant les droits des consommateurs, nous devons veiller à ce que cet avenir signifie également la préservation de notre diversité culturelle et l'émergence de nouveaux talents, donc le respect des droits d'auteur et des droits voisins. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Monsieur le sénateur, je tiens à vous dire que je suis totalement d'accord avec vous. Votre analyse de la situation est exacte. La menace que vous avez décrite est en effet très grave pour l'ensemble de nos industries culturelles, qu'il s'agisse des industries musicales, bien sûr, mais aussi, à terme, des industries cinématographiques et audiovisuelles. De ce fait, c'est la diversité de la création, dont la défense, nous ne cessons de le proclamer, constitue l'un des axes essentiels de l'action culturelle publique de la France, y compris à l'échelon international, qui se trouve en péril.
Il nous faut donc, par tous les moyens, lutter contre la piraterie. C'est véritablement là un enjeu politique de tout premier ordre.
Nous le ferons, en premier lieu, par la transposition dans le droit français des directives européennes que vous avez citées.
A cet égard, je forme le voeu que l'encombrement de l'agenda parlementaire ne soit pas un obstacle à la transposition rapide de ces deux textes (Mme Danièle Pourtaud opine), essentiels, nous devons en être conscients, à la fois pour la culture et pour les industries de notre pays. Le projet de loi visant à porter transposition dans notre droit de l'un de ces textes sera d'ailleurs présenté conjointement par le ministère de l'industrie et par celui de la culture.
Par ailleurs, il nous faut également veiller à l'aboutissement rapide du projet de la nouvelle directive européenne relative à la lutte contre la piraterie, ainsi, le moment venu, qu'à la prompte transposition de celle-ci dans le droit français.
Ces textes comporteront des dispositions juridiques qui nous permettront d'agir plus efficacement contre la piraterie. Je pense, par exemple, à des mesures visant à solidariser plus étroitement la responsabilité des hébergeurs et celle des éditeurs. En effet, quand l'origine d'un contenu illicite, que ce soit au regard du respect des droits, en particulier du droit des auteurs, ou de l'interdiction de la diffusion de messages racistes, antisémites ou d'incitation à la pornographie, est difficile à cerner, il est indispensable de veiller à ce que l'hébergeur prenne sa part de responsabilité dans la répression.
En second lieu, il existe d'autres outils que les dispositions juridiques pour lutter contre la piraterie.
Tout d'abord, il convient de favoriser l'émergence d'une offre licite payante, de façon à déshabituer - le problème est très largement psychologique - nos concitoyens, notamment les plus jeunes d'entre eux, de l'idée que la musique n'aurait pas de prix et serait une sorte de bien gratuit. Certes, on pourrait imaginer qu'il en soit ainsi dans un monde idéal, mais la musique est interprétée par des artistes, elle est le fruit du travail de musiciens et d'auteurs, elle doit être produite. Les différentes phases de son élaboration doivent donner lieu à une rémunération, et il importe donc de favoriser le développement d'une offre licite payante.
En outre, il faut tout faire pour que les industries musicales puissent évoluer dans un contexte plus favorable, d'où notre combat pour la baisse du taux de la TVA sur le disque. C'est un combat difficile, auquel, comme je le disais l'autre jour à Bruxelles, nous sommes attachés. Il n'est pas perdu ; mois après mois, nous avons conquis de nouveaux soutiens au sein de l'espace européen, cette question relevant de l'échelon européen. Deux pays résistent encore : l'Allemagne, hélas ! et le Danemark, mais je ne désespère pas que nous parviendrons à les convaincre. Si nous réussissions à promouvoir la baisse de la TVA sur le disque, il est évident, puisque les professionnels se sont engagés à la répercuter sur le prix public, que, l'objet primitif devenant moins onéreux, plus accessible, la tentation de la piraterie sera moins forte.
Par conséquent, la lutte contre la piraterie, menée par toutes les voies possibles et imaginables, doit aujourd'hui être considérée comme une véritable priorité de l'action du Gouvernement, plus particulièrement de l'action du ministère de la culture. (M. Louis de Broissia applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jack Ralite.
M. Jack Ralite. Je n'aime pas cette façon d'examiner le projet de budget de la culture (M. Henri Weber approuve) : énoncer des questions, c'est le mettre en miettes, c'est le priver de sa cohérence, c'est éviter un examen d'ensemble, c'est affaiblir le sens des mots « culture » et « art », c'est s'interdire de plonger, comme le dit Baudelaire dans Les Fleurs du mal, « au fond de l'inconnu pour trouver du nouveau ». Le procédé de la question rapetisse tout, comme d'ailleurs l'écriture du budget qui, changeant chaque année de base, voire de périmètre, rend l'exercice de son examen gratuit, brouillé. Je ne veux pas jouer à colin-maillard culturel...
C'est pourquoi je ne parlerai pas chiffres et ne m'enfermerai pas dans une question, d'autant que, ayant participé depuis le mois de juillet dernier à cinquante-trois assemblées exigeantes, j'ai, écoutant toutes les voix, réuni vingt et une interrogations que j'ai devoir d'exprimer, d'énoncer. Comme le disait le calicot du théâtre plus que centenaire de Bussang, qui mêle professionnels et amateurs : « Il ne s'agit pas de se plaindre, mais de porter plainte. » (Sourires.)
Premièrement, après tous les aléas qu'ont connus les intermittents du spectacle depuis l'accord minoritaire du 26 juin qui les malmène et démembre la politique culturelle, qu'allez-vous faire, monsieur le ministre, pour que la négociation soit rouverte dans un climat de véritable liberté, la liberté d'échapper au pur empire de la nécessité et de créer du sens ?
Deuxièmement, est-il vrai que vous envisagez, pour les galeries nationales du Grand Palais, de confier à un concessionnaire la conception, la réalisation et le financement des travaux d'aménagement, la gestion et la maintenance des bâtiments, ainsi que l'exploitation ? N'est-il pas prévu d'étendre l'application de cette démarche ?
Troisièmement, si le projet de loi relatif aux responsabilités locales est adopté en l'état, quelles dispositions envisagez-vous de prendre pour garantir une conservation non discriminatoire des Monuments historiques ?
Quatrièmement, est-il vrai que vos services travaillent à une révision de la répartition des subventions d'Etat pour le spectacle vivant, avec l'objectif de concentrer les crédits sur des sites dits d'intérêt national ou international ? La suppression du Centre dramatique de Savoie, que dirige André Engel, constitue-t-elle une expérimentation à cet égard ?
Cinquièmement, quelles mesures envisagez-vous d'arrêter pour résorber la précarité dans les écoles d'architecture, où 40 % de l'enseignement et 50 % des tâches administratives sont aujourd'hui assurés par des « vacataires » ou des titulaires d'« emplois aidés » ?
Sixièmement, quelles mesures budgétaires prévoyez-vous pour maintenir un niveau constant de sauvegarde du patrimoine archéologique malgré l'important déficit auquel va être confronté l'Institut national de recherche en archéologie préventive après l'entrée en vigueur de la loi du 1er août 2003 ?
Septièmement, face à l'inflation que l'on constate sur le marché de l'art et du patrimoine mobilier, quelles dispositions avez-vous prévu pour que des oeuvres majeures puissent rejoindre les collections nationales, en dépit de l'abandon, par la Réunion des musées nationaux, de son rôle de mutualisation et de centrale d'achat des musées nationaux ?
Huitièmement, quelle suite entendez-vous donner au projet de loi « archives », amorcé par vos prédécesseurs, qui tendait à permettre un véritable accès aux archives contemporaines ?
Neuvièmement, comment envisagez-vous de faire en sorte que l'Etat garantisse une égalité d'accès de tous à l'enseignement artistique, dans la mesure où le projet de loi relatif aux responsabilités locales entérine une gestion « balkanisée » de ces établissements ?
Dixièmement, pensez-vous que, avec près de 350 suppressions d'emploi programmées dans votre ministère en 2004, vos services pourront continuer à assurer leurs missions ?
Onzièmement, êtes-vous sûr que le transfert aux régions de la totalité des personnels de l'inventaire général permettra une réelle complémentarité entre une politique nationale et des politiques locales ?
Douzièmement, vous avez dit, le 22 juillet dernier, que « la culture n'est pas une marchandise comme les autres, donc c'est une marchandise ». La place que vous entendez faire aux « marchands » n'interdit-elle pas au ministère d'atteindre l'objectif énoncé dans le préambule de la Constitution de 1946 : « La Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture. » ?
Treizièmement, quelle est votre position s'agissant de la menace qui pèse actuellement sur les auteurs salariés, leurs employeurs tentant de remettre en cause leurs droits d'auteurs puisqu'il y a salariat ? Pourtant, selon le code de la propriété intellectuelle, un auteur salarié est un auteur comme un autre. Actuellement, quatorze organisations tiennent au Sénat, salle Clemenceau, un colloque auquel je me suis rendu avec Mme Blandin. Elles ont été choquées par un texte, signé par vous-même, par le Premier ministre et par M. Fillon, remettant en cause ces droits sans consultation des intéressés. Un rassemblement, le 19 novembre dernier, a permis de venir à bout de cette intention, mais qu'en sera-t-il demain ? Quelle intelligence s'est déployée pendant trois heures de débat, au cours de ce colloque !
Quatorzièmement, quand allez-vous recevoir l'intersyndicale des salariés d'Editis - anciennement VUP - pour prendre connaissance de leur façon d'envisager les conséquences de la chute de M. Messier pour l'édition française ? A ce jour, celles-ci sont pensées en fonction d'intérêts financiers ignorant une politique éditoriale qui soutient la création intellectuelle et littéraire.
Quinzièmement, ne pensez-vous pas que le temps est venu de créer un droit de présentation au profit des plasticiens quand ils exposent ?
Seizièmement, comment entendez-vous réagir aux conclusions des rencontres cinématographiques de Beaune sur les cinémas des pays de l'Est et d'Afrique ?
Dix-septièmement, quelle mesure avez-vous prévu de prendre pour mettre en oeuvre la volonté du Président de la République, exprimée le 14 juillet, d'aider la jeune création ?
Dix-huitièmement, que pensez-vous faire en faveur de la permanence artistique dans les centres dramatiques nationaux ?
Dix-neuvièmement, quel est le montant des annulations de crédits au titre du budget de 2003 de la culture, dont il a été question lors du conseil des ministres du 19 novembre ?
Vingtièmement, quand sera transposée intégralement la partie de la directive européenne 92-100 relative aux droits d'auteurs et aux droits voisins en ce qui concerne les droits des artistes-interprètes, comme l'a exigé l'ADAMI lors de ses rencontres européennes des artistes à Cabourg ?
Vingt et unièmement, enfin, l'archéologie préventive, la restauration des monuments historiques n'appartenant pas à l'Etat, la gestion de grands équipements culturels comme le Grand Palais sont identifiées comme des « missions éloignées du coeur de métier du ministère de la culture », dont l'externalisation est soit décidée, soit prévue. Peut-on savoir, monsieur le ministre, ce qu'est le « coeur de métier » du ministère de la culture ?
J'ai épuisé mon temps de parole,...
M. le président. Depuis longtemps ! (Sourires.)
M. Jack Ralite. ... mais pas mes interrogations, qui pourraient être ainsi condensées : ne pensez-vous pas que, quarante-cinq ans après la création du ministère de la culture par André Malraux, la somme des mesures que le Gouvernement prend dans ce domaine essentiel aboutit à « démeubler » ce dernier ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Monsieur Ralite, vous avez certes dépassé votre temps de parole, mais vingt et une questions en sept minutes, ce n'est pas mal ! (Sourires.)
M. Ivan Renar. C'est ce que l'on appelle le droit d'inventaire !
M. le président. Vous avez la parole, monsieur le ministre, pour trois minutes. Je ne sais pas si vous parviendrez à répondre aux vingt et une questions de M. Ralite ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Monsieur le président, je ne saurais, hélas ! répondre en trois minutes à toutes les questions qu'a posées M. le sénateur Ralite. Toutefois, s'il veut bien me communiquer le texte de son intervention, je lui ferai parvenir une réponse écrite.
Cela étant précisé, je voudrais m'inscrire en faux contre sa dernière déclaration, donnant à entendre que le ministère de la culture serait en cours de démembrement et que l'on vendrait les meubles !
Monsieur le sénateur, je tiens à vous le dire : j'ai eu le sentiment, en arrivant rue de Valois, l'année dernière, de trouver un ministère épuisé, enfermé dans un rituel d'un autre temps, ne correspondant plus à la réalité du monde d'aujourd'hui.
Par exemple, alors que l'action publique dans le domaine du spectacle vivant n'a cessé de se développer, le nombre de spectateurs dans nos théâtres n'a cessé, parallèlement, de diminuer. Telle était la réalité de la situation au ministère de la culture lorsque j'ai pris mes fonctions !
Je souhaite placer au coeur de mon action les véritables missions de ce ministère, qu'a rappelées tout à l'heure M. Gaillard : une action forte en faveur du patrimoine, une action forte en faveur de la création, une action forte en faveur de la diffusion culturelle.
Cependant, nous devons aussi prendre en compte la réalité de la France contemporaine. S'imaginer que le ministère de la culture serait le producteur de la culture ou la seule source d'actions ou d'initiatives dans ce domaine est, à mes yeux, une monstruosité sur les plans intellectuel et politique. Je réprouve la politique d'Etat quand elle s'engage de façon trop monopolistique dans le domaine de la culture : on sait à quelles aberrations, à quelles abjections historiques cela a pu conduire.
M. Louis de Broissia. Il faut le dire !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. En outre, il faut être conscient du fait qu'aujourd'hui, dans notre pays, le corps social et le corps politique, notamment celui qui est constitué par les collectivités locales, sont en mesure de prendre en charge de larges pans de l'initiative culturelle. (M. Louis de Broissia applaudit.)
Ainsi, nombre de municipalités, de droite comme de gauche, prennent des initiatives culturelles de très grande qualité. Pour n'évoquer que des sénateurs du groupe CRC, vous-même, monsieur Ralite, avez été à l'origine de telles initiatives dans votre commune d'Aubervilliers ; on sait aussi l'action de M. Renar dans la région du Nord-Pas-de-Calais. Dans quelques jours débutera, en avance, le programme « Lille 2004 », dont on connaît la qualité. Les collectivités locales ne sont donc pas des instruments mineurs de l'initiative culturelle dans notre pays !
M. Louis de Broissia. Bravo !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Le temps est venu de faire confiance à leurs capacités d'être non seulement des relais de l'action de l'Etat, mais également des acteurs pleinement responsables.
Par conséquent, il est exact que j'ai pris la résolution de déclarer close l'époque où le ministère de la culture entendait de façon impériale gérer, et même régenter - employons le mot - la vie culturelle de notre pays. Il est un acteur parmi d'autres, qui exerce plus particulièrement certaines missions. Ainsi, il est le garant et le gardien de l'intérêt général, mais il doit également respecter le domaine de responsabilité de chacun des intervenants, y compris lorsque ceux-ci appartiennent à la société civile. C'est la raison pour laquelle j'ai attaché autant d'importance à l'élaboration de la loi relative au mécénat, aux associations et aux fondations que vous avez votée. C'est donc vers une France plus moderne, où la diversité des initiatives trouvera sa place, qu'il faut aller.
Je reviendrai, à titre d'illustration de mon propos, sur le cas du Grand Palais, que vous avez évoqué dans l'une de vos questions, monsieur le sénateur. Les galeries nationales du Grand Palais continueront de relever de la seule responsabilité de la Réunion des musées nationaux. En revanche, il n'en va pas de même pour l'exploitation de la nef du Grand Palais, où se tiennent des activités commerciales. Que vous le vouliez ou non, le salon du livre, même si sa dimension culturelle est évidente, est également une entreprise commerciale, de même que la FIAC ou le salon des antiquaires. En recourant à la formule de la délégation de service public et en confiant l'exploitation commerciale, en contrepartie d'un investissement massif, à un opérateur privé, l'Etat a bien évalué quelles étaient sa compétence et ses responsabilités et quel était le rôle possible, dans les limites, naturellement, fixées par les conventions entre les parties, de l'opérateur privé.
Cessons donc d'imaginer que l'Etat a vocation à tout faire ou que l'Etat fait toujours bien, car l'histoire des politiques culturelles des cinquante dernières années offre de nombreux exemples du contraire. Ainsi, les atermoiements auxquels ont donné lieu cinq projets successifs concernant le Palais de Tokyo ont épuisé des financements publics sans que, à aucun moment, aucun ministre de la culture ne prenne vraiment la mesure de sa responsabilité et ne renonce à dilapider des moyens budgétaires importants en passant d'un projet à l'autre par pur caprice ! Soyons donc à la fois ambitieux et raisonnables. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Louis de Broissia. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Jack Ralite.
M. Jack Ralite. Ce que je contestais au travers de certaines de mes questions, c'était la remise en cause du service public, qu'il soit national ou local. Cela étant, je suis, tout comme vous, monsieur le ministre, favorable à des réformes et à une décentralisation, mais je constate avant tout une avancée des intérêts privés.
Toutes les questions posées, par des personnes de tout bord, au cours des cinquante-trois réunions auxquelles j'ai participé, traduisaient une véritable angoisse ! Il fut un temps où les opérateurs privés prétendaient détenir la compétence, et la déniaient à la sphère publique. Mais on a vu ce qui est arrivé à M. Messier, on a assisté aux scandales Enron et Executive Life, affaire pour laquelle le Gouvernement négocie actuellement avec les juges californiens !
Le secteur privé n'a donc pas l'apanage de la lucidité et de la capacité de prévision. Certes, je déplore comme vous les dépenses inutilement exposées pour les différents projets concernant le Palais de Tokyo, mais elles sont bien loin d'atteindre les montants que les contribuables devront acquitter, sans que l'on en parle beaucoup, pour solder le scandale Executive Life !
Je m'interroge donc sur le recul de l'initiative publique. J'ai ici une copie de la lettre que M. Delevoye a envoyée à tous les ministres en vue de la préparation du projet de budget pour 2004. Permettez-moi d'en lire quelques extraits : « Avez-vous identifié une mission ou un organisme qui ne présente plus un caractère stratégique pour le service public et qu'il faut supprimer ? » ; « Quelles sont les missions éloignées de votre coeur de métier que vous comptez externaliser ? Il vous est demandé de préciser le calendrier et les avantages attendus. » ; « Quelles sont les missions qu'il est prévu de décentraliser aux collectivités territoriales ou de déléguer au secteur associatif, aux fédérations et aux organismes publics ou parapublics ? Vous préciserez les conséquences que vous en tirez sur votre organisation. »
Ce sont là des questions stratégiques, et mes interrogations rejoignent les réponses qui leur ont été données. Vous avez évoqué, monsieur le ministre, la ville où j'ai exercé des responsabilités, à savoir Aubervilliers. Lors d'une réunion de commission, vous avez affirmé que certains élus s'étaient montrés pugnaces et avaient obtenu des choses, et qu'il conviendrait donc de reconsidérer les interventions de l'Etat. Or, dans la ville où j'habite, si l'Etat modifie quelque chose, certaines oeuvres, qu'il a fallu trente ans pour bâtir, souvent sans intervention de l'Etat, risquent de s'écrouler !
Par conséquent, je vous le dis avec une grande sincérité, monsieur le ministre : c'est parce que je vous respecte, que je me respecte et que je respecte notre assemblée que j'ai le devoir de vous transmettre aujourd'hui les interrogations que j'ai recueillies au cours de nombre de réunions. Et demain soir, à Besançon, j'étudierai à nouveau la façon dont les choses se passent. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. - M. Henri Weber applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Danièle Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. « Ne t'attarde pas à l'ornière du résultat », écrivait René Char. Cette maxime s'applique tout particulièrement à notre débat, monsieur le ministre.
Après une baisse de 4,3 % des crédits de la culture en 2003, vous affichez un budget rutilant, avec une progression globale de 5,8 % pour 2004. Il fallait tenir l'engagement présidentiel estival d'en faire à nouveau une priorité.
A y regarder d'un peu plus près, les choses se gâtent. Titre par titre, les crédits qui avaient augmenté l'année dernière diminuent en 2004 ; à l'inverse, ceux qui avaient été sacrifiés en 2003 progressent cette année. Et quand on fait l'addition, le résultat est négatif, avec un budget de la culture ramené à 0,96 % du budget de l'Etat, au lieu du 1 % atteint à la fin de la mandature de Lionel Jospin. Le groupe socialiste n'est pas dupe de vos artifices comptables, monsieur le ministre, comme vient de le démontrer avec son brio habituel mon collègue et ami Henri Weber.
J'en viens au sujet qui me préoccupe : l'avenir du spectacle vivant, de tous ces artistes qui, dans nos villes et nos campagnes, dans nos rues, à l'école et dans les théâtres participent au renouveau de la création, dans un souci permanent d'accès de tous à l'art.
Vous le savez mieux que moi, mais il n'est pire sourd que celui qui ne veut entendre, les coordinations d'intermittents ne faiblissent pas. Ceux-ci continuent à faire entendre leur exaspération, désespérés par l'absence de considération de ce Gouvernement.
S'il est appliqué comme prévu au 1er janvier 2004, l'accord minoritaire du 26 juin, honteusement « ripoliné » le 13 novembre, aboutira au licenciement collectif, sans plan social, de 30 000 artistes et techniciens, parmi les plus précaires.
Nous le savons, monsieur le ministre, il ne vous appartient pas de vous substituer aux partenaires sociaux dans les négociations, vous l'avez dit et répété. Mais, il était de la responsabilité du Gouvernement auquel vous appartenez d'agréer ou non cet accord et d'inciter les différentes parties à reprendre les négociations.
Depuis votre arrivée Rue de Valois, vous n'avez rien fait pour endiguer les attaques du MEDEF, malheureusement relayées par une partie du Gouvernement, visant à assimiler les artistes à des fainéants.
Vous l'aurez compris, ma question porte sur l'avenir de la création et du régime des intermittents. Je ne la formulerai qu'en dix interrogations...
M. Roger Karoutchi. En dix interrogations !
Mme Danièle Pourtaud. ... et j'espère avoir des réponses plus précises que celles qui ont été données à M. Jack Ralite.
Alors que les crédits d'intervention en faveur du spectacle vivant n'augmentent que de 3,1 % en 2004, soit seulement 13 millions d'euros, comment allez-vous indemniser les festivals d'été 2003 ? Rien dans ce budget ne le garantit. Cet été, vous aviez promis 20 millions d'euros. Les réponses que vous avez apportées tout à l'heure à M. Marcel Vidal ne m'ont absolument pas convaincue.
Vous savez comme moi et comme tous les gens sérieux qui ont étudié ce problème depuis dix ans que l'indemnisation des intermittents par l'UNEDIC est l'un des moyens pour financer le spectacle vivant et l'audiovisuel dans notre pays.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. C'est évident !
Mme Danièle Pourtaud. Si le nouveau protocole résorbe le déficit des annexes 8 et 10 - ce que je ne crois pas - ce sont 1 milliard d'euros - déficit dont nous menaçait l'UNEDIC pour 2004 - qui manqueront au budget de la culture et aux collectivités locales.
Comment allez-vous compenser cette perte, monsieur le ministre ?
Vous savez que 17 % des intermittents n'ont qu'un seul employeur - ce sont les fameux « permittents » -, et c'est l'un des signes des abus que tout le monde condamne. Mais, au cours des trois dernières années, seulement quatre procès-verbaux ont été dressés, et votre collègue M. Fillon n'a pas prévu d'augmenter le nombre d'inspecteurs du travail. Comment allez-vous lutter efficacement contre les abus et la fraude ?
Comment allez-vous favoriser le renouvellement de générations d'artistes, qui, vous le savez, éprouveront les plus grandes difficultés pour entrer dans le nouveau dispositif ?
Comment allez-vous éviter que ne se creuse le déficit des annexes 8 et 10 de l'UNEDIC en 2004, ce qui est inéluctable avec l'absence scandaleuse de plafond au cumul indemnités-rémunérations ?
Comment allez-vous faire pour que les répétitions des danseurs, chanteurs, musiciens, comédiens ou les repérages des réalisateurs, éclairagistes et ingénieurs du son soient payées ?
Comment allez-vous faire pour que les auteurs de courts-métrages puissent payer les comédiens qui, aujourd'hui, dans la plupart des cas, sont bénévoles parce qu'ils sont indemnisés par les ASSEDIC ?
Comment allez-vous faire pour que les troupes amateures, si nombreuses dans notre pays, puissent continuer à bénéficier de l'encadrement de professionnels, parfois parmi les plus grands, mais aujourd'hui bénévoles parce qu'ils sont indemnisés par les ASSEDIC ?
Comment allez-vous faire pour que des ateliers d'initiation aux arts vivants dans nos écoles et nos collèges, dont vous avez par ailleurs fortement diminué le financement direct, ne s'arrêtent pas, faute d'intervenants, car ils n'auront le droit d'intégrer ces activités que pour cinquante-cinq heures dans leur décompte par an et ne pourront plus, comme c'est le cas aujourd'hui, le faire bénévolement puisqu'ils ne seront plus indemnisés par les ASSEDIC ?
Bref, monsieur le ministre, qu'attendez-vous pour prendre la seule décision qui soit bonne : ajourner l'application de l'accord du 26 juin ou du 13 novembre ? Il suffirait, dès à présent, que le Gouvernement refuse de l'agréer !
Pourquoi ne pas lancer dès aujourd'hui de vraies négociations avec tous les professionnels sur une réforme indispensable que vous reportez à 2005 ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - M. Jack Ralite applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Monsieur le président, en effet, cette technique de débat sur le budget pose vraiment problème : il s'agit de répondre non pas à une question, mais à une cascade de questions ! Or, autant il est facile d'énumérer une litanie de questions en quelques minutes, autant, si l'on veut être sérieux, il est très difficile d'y répondre de façon exhaustive.
Madame la sénatrice, j'aimerais bien savoir ce que vous entendez par « accord minoritaire »... Il faut parfois se méfier des termes que l'on emploie et ne pas céder à la facilité de certains mots. C'est une expression qu'on a beaucoup entendue !
Autant que je sache, les annexes 8 et 10 ne constituent pas un système de protection sociale clos, qui ne serait financé que par les cotisations des professionnels et des employeurs du secteur du spectacle vivant et dont les bénéficiaires seraient leurs employés. Les annexes 8 et 10 sont financées par la solidarité interprofessionnelle. D'ailleurs, si celle-ci n'existait pas, qui paierait le déficit ? Il faudrait multiplier par quatre ou par cinq le montant des cotisations des employeurs et des salariés pour y parvenir, ce que, naturellement, personne ne souhaite.
Donc, les organisations qui ont signé les accords du 26 juin, modifié, le 8 juillet, renégociés le 13 novembre, l'ont fait dans l'exercice de leurs responsabilités. Elles représentent la majorité des employeurs et des salariés de notre pays. Quand un intermittent, et je m'en réjouis, bénéficie des prestations de chômage, c'est également la caissière du Leclerc de Saint-Valery-en-Caux, l'ouvrier de chez Michelin, le chauffeur de Chronopost à Strasbourg qui cotisent pour lui et, d'une certaine façon, paient. Donc, il n'y pas d'accord minoritiare ; c'est une légende montée à des fins polémiques.
Par ailleurs, cessons de toujours mettre le MEDEF en avant. Certes, le MEDEF est l'un des signataires, mais ces accords ont également été signés par les organisations d'employeurs de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, par la CFDT, par la CFTC et par la CGC. Vous le savez, seules deux des organisations, parmi les huit qui siègent à l'UNEDIC, n'ont pas signé ces accords. Donc, cessons, là encore, pour toujours vouloir faire peur à la foule en désignant le grand méchant loup, de ne citer que le MEDEF. La question est beaucoup plus complexe que vous voulez bien le dire.
J'ai, sur ce dossier, une position très nette. Je l'ai exprimée souvent. Je pense que la crise que nous avons vécue était inévitable. N'oubliez pas qu'en 1992, déjà, des intermittents manifestaient et assiégeaient le bureau de mon prédécesseur de l'époque. Pendant plus de dix ans, on n'a pas voulu tenter de régler la question parce qu'en fait on avait peur de la solution. Mais le dénouement auquel nous sommes parvenus était inévitable, compte tenu de l'amplification, année après année, du déficit et du phénomène d'augmentation d'année en année du nombre de salariés assujettis ou bénéficiaires de ce régime - plus de 10 000 nouveaux entrants par an. En effet, l'UNEDIC, dont vous connaissez la situation financière, a le devoir, car elle est également comptable de sa gestion aux yeux de l'ensemble des salariés et des chômeurs de notre pays, de rétablir l'équilibre de ses comptes. L'intermittence, hélas ! génère à elle seule, alors qu'elle concerne environ 100 000 personnes, entre le quart et le tiers du déficit d'un régime qui bénéficie à 3 millions de personnes et est alimenté par les cotisations d'environ 16 millions de salariés et de plusieurs centaines de milliers d'employeurs. C'était donc inévitable.
Néanmoins, pour l'avenir, puisque, de toute façon, l'année 2005 sera marquée par la remise sur le métier de la totalité des accords UNEDIC, il faudra que les partenaires sociaux, avec un certain nombre d'organisations représentatives du secteur et avec le concours du Gouvernement - et j'y suis, pour ma part, totalement disposé - mettent à l'étude un nouveau système d'assurance chômage pour les professionnels du spectacle et de l'audiovisuel, posant peut-être de façon plus claire la question de la distinction entre le spectacle vivant et l'audiovisuel, entre les artistes et les techniciens, entre ceux qui sont dans le métier et ceux qui y entrent.
Je crois qu'il faudra, de façon générale, traiter également la question du champ d'application. On le sait, c'est par l'extension du champ d'application et par le laxisme à l'égard de la liste des métiers qui pouvaient relever de ce dispositif exceptionnel de solidarité sociale que le système s'est progressivement désarticulé. Il faudra en effet y travailler et, pour ma part, j'y suis prêt.
Madame la sénatrice, ne vous inquiétez pas : s'il n'y a pas de ligne pour l'indemnisation des festivals dans le projet de budget pour 2004, c'est tout simplement parce qu'ils ont tous été indemnisés en 2003. De toute façon, je suis à votre disposition pour répondre à la totalité de vos questions.
En tout cas, madame la sénatrice, j'observe que, les uns et les autres, nous sommes parfois schizophrènes : selon que l'on est parlementaire ou par ailleurs élu parisien, on ne voit pas les choses de la même façon. Nous avons mis parfois des crédits en réserve ; M. Sautter le fait également dans le cadre du budget municipal à Paris. S'agissant des crédits d'acquisition des bibliothèques municipales, j'aimerais bien que vous soyez vigilante et que ces crédits augmentent plus puisque, cette année, par exemple, le Centre national du livre n'a pas été en mesure de mettre en place sa subvention au bénéfice des bibliothèques de la Ville de Paris, tout simplement parce que les crédits affectés par la Ville à ces bibliothèques avaient baissé.
M. le président. La parole est à Mme DanièlePourtaud.
M. Louis de Broissia. Qu'elle réagisse sur la Ville de Paris !
Mme Danièle Pourtaud. Je voudrais d'abord remercier M. le ministre : quel plaidoyer pour le MEDEF ! Les intermittents apprécieront ! Pour ma part, je n'avais attaqué le MEDEF qu'en citant les propos de son président, qui continuent à me scandaliser, selon lesquels les artistes sont des fainéants !
Mais, plus sérieusement, je voudrais revenir sur le fond du problème. Vous dites, monsieur le ministre, qu'il n'a pas été réglé depuis dix ans parce que nous avions peur de la solution. Je pense qu'il y une autre hypothèse : comme je l'ai affirmé tout à l'heure, tout le monde savait que c'était l'un des éléments du budget de la culture, il y avait un consensus sur cette manière de financer la création dans notre pays. C'était effectivement une façon de laisser la création libre, foisonnante, de permettre aux jeunes d'entrer facilement dans le système et aux amateurs de devenir plus aisément professionnels, etc. Nous savions en effet qu'il existait un déficit, mais celui-ci faisait partie du financement de la culture.
Vous ne m'avez absolument pas dit comment le milliard d'euros prétendument manquant en 2004 allait se retrouver dans votre budget. J'ai cru comprendre que s'il n'est pas dans le budget de votre ministère, il sera dans celui des collectivités locales, ou alors cela signifiera qu'il y aura un milliard d'euros de moins pour la culture, donc un milliard d'euros de moins d'actions culturelles financées dans notre pays.
Je ferai une deuxième remarque...
M. le président. Non, c'est terminé, madame Pourtaud !
Mme Danièle Pourtaud. Juste un mot : le budget de la Ville de Paris est sans doute obligé de pallier des désengagements de l'Etat dans beaucoup d'autres secteurs et, effectivement, nous avons peut-être du mal à tout faire !
M. le président. Je souhaite répondre à votre remarque, pleinement justifiée, monsieur le ministre. Je rappelle qu'au début de cette série de questions, j'ai invité les intervenants à respecter l'esprit de la procédure, qui repose sur des questions précises et en nombre limité, et le temps de parole imparti.
M. Henri Weber. C'est une mauvaise procédure !
M. le président. J'en référerai à M. le président du Sénat pour que cela soit rappelé aux groupes - et j'y veillerai en conférence des présidents -, sinon la formule perd de son sens.
J'invite les orateurs qui doivent encore intervenir à respecter l'esprit du dispositif.
La parole est à M. Paul Dubrule.
M. Paul Dubrule. Le budget de la culture progresse de 5,8 %. L'augmentation des dépenses de structure - personnel et fonctionnement - se limite à 0,7 %. Vous faites, monsieur le ministre, un effort de maîtrise des coûts de fonctionnement, vous cherchez à rationaliser les emplois. Les dépenses de personnel représentent 20 % du budget pour 2004, contre 21,6 % en 2003. Ainsi, quatre-vingt-quatorze fonctionnaires partant à la retraite ne seront pas remplacés. Votre objectif est de desserrer l'étau budgétaire en supprimant les dépenses inutiles. C'est courageux de votre part, car rompre avec l'habitude n'est pas facile.
Vous rompez également, pour la deuxième année consécutive, avec la coutume de vos prédécesseurs socialistes qui procédaient au « bourrage d'enveloppe », en ne dépensant pas la totalité des crédits votés.
De tout cela, je me félicite et je suis prêt à vous soutenir et à vous encourager.
Cependant, la question essentielle qui se pose est la suivante : la culture appartient-elle au domaine régalien de l'Etat ? La réponse est non. La culture, en tout cas dans son rôle opérationnel, n'est pas une mission régalienne de l'Etat. Celui-ci doit inciter, fixer les règles et les orientations, aider les personnes à agir. Il ne doit pas se substituer à elles. Vous dites très justement : « L'Etat doit se départir de sa tendance à se croire l'alpha et l'oméga de toute initiative culturelle. » Pourtant, dans les faits, il reste omniprésent, notamment à travers les déconcentrations, et ce malgré une part non négligeable prise par les collectivités territoriales. L'Etat devrait enfin faire confiance à la société civile et aux collectivités territoriales.
A ce sujet, j'aborderai deux points.
Tout d'abord, je veux revenir sur la loi, votée en mai dernier, sur le mécénat et les fondations. Si cette loi part d'un bon principe, à savoir libérer l'initiative et encourager la prise de responsabilité, elle est tout à fait insuffisante. En effet, les mesures prises ne libèrent pas les fondations de la tutelle de l'Etat, puisque les représentants de ce dernier sont toujours dans les conseils d'administration et qu'elles sont soumises à l'autorisation préalable du ministère de l'intérieur.
Dans le domaine de la culture, les mécènes doivent être de véritables partenaires des services publics par l'entremise des fondations. Vous savez sûrement que les principaux musées de Londres et de New York sont gérés par des fondations. Le public peut visiter la totalité des musées, alors que le Louvre est fermé à 27 % et Versailles, à 45 %. Ma première question est donc la suivante : l'Etat est-il décidé à aller plus loin dans l'effort d'encouragement du mécénat ?
Par ailleurs, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre concernant la restauration des monuments historiques, sachant que 20 % d'entre eux sont en péril ? Certes, les crédits d'entretien ont augmenté de 50 % depuis le budget 2003, ce qui permet de « parer au plus pressé ». Le problème de fond n'est pas pour autant résolu.
Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu'il est urgent de simplifier les procédures administratives de façon beaucoup plus radicale par rapport à celles qui ont été présentées, au mois de septembre dernier, dans le plan national en faveur du patrimoine ?
Ne serait-il pas enfin temps d'instaurer un véritable partenariat entre le public et le privé, qui permettrait non seulement de faire faire des économies à l'Etat, mais également de motiver le privé en le faisant participer ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez raison de le rappeler, la loi sur le mécénat votée l'été dernier constitue, dans le paysage culturel de notre pays, une véritable révolution, même si cette dernière n'est pas encore suffisante. Nous étions à la traîne d'un certain nombre de grands pays développés en matière de développement du mécénat et de soutien aux fondations. La loi que vous avez votée aménage des dispositifs largement plus incitatifs qu'auparavant.
L'ensemble de nos dispositifs, notamment celui qui a été adapté à la protection des trésors nationaux par l'extension de la loi relative aux musées, dont de nombreuses dispositions doivent beaucoup au travail de votre assemblée, constitue aujourd'hui en matière de mobilisation de fonds privés en faveur de l'acquisition d'oeuvres artistiques et historiques de grande importance le dispositif le plus incitatif d'Europe. Récemment, nous avons reçu des spécialistes anglais qui veulent s'en inspirer et tenter de l'adapter au droit anglais, tant ce dispositif suscite d'admiration dans nombre de pays d'Europe.
Mais il est vrai également qu'il y a lieu de réfléchir à une plus grande extension encore des dispositions qui s'appliqueront à l'incitation du mécénat. Et, vous avez raison de le dire, ce sera notamment nécessaire dans le domaine du patrimoine, tout simplement parce qu'aujourd'hui une grande partie du patrimoine protégé, du patrimoine historique, appartient non pas à l'Etat ou à des collectivités locales, mais à des propriétaires privés, pour lesquels il constitue souvent une charge très importante.
Nous aurons intérêt à tout faire, sous réserve naturellement d'une disponibilité du Parlement à cet égard, pour favoriser la propriété, la valorisation, la transmission des monuments historiques par les particuliers. L'Etat n'arrivera jamais, malgré la forte mobilisation des autres collectivités publiques, à traiter de façon suffisamment satisfaisante ce patrimoine.
Il est toujours navrant, dans le paysage de nos campagnes, de nos villes, de voir des monuments, de grande ampleur parfois, dans une situation lamentable. Donc, sachons soutenir l'action des particuliers et des propriétaires, et sachons également peut-être améliorer encore le statut des fondations, leur liberté de manoeuvre, leur situation fiscale de façon que, tous dans notre pays, les particuliers comme les entreprises, concourent à la prise en charge de projets culturels, notamment dans ce domaine.
Le rôle de l'Etat n'en sera en aucune façon altéré. L'Etat protège, l'Etat contrôle, mais il est évident que l'Etat ne peut pas avoir vocation à tout faire. Il n'y arrive pas.
J'ai évoqué tout à l'heure Provins. Trois des églises historiques de Provins sont aujourd'hui fermées parce que leur stabilité menace la sécurité du public. Les travaux qu'il faut réaliser dépassent la capacité de la collectivité locale et même celle de l'Etat, et ce quelle que soit l'assiduité de l'effort financier de l'Etat sur cette ville, comme sur beaucoup d'autres villes de France.
Il faut donc, mesdames, messieurs les sénateurs, savoir mobiliser des moyens sans préjugés, sans dogmatisme.
M. le président. La parole est à M. Paul Dubrule.
M. Paul Dubrule. Je remercie M. le ministre d'avoir parfaitement répondu à mes deux questions.
M. le président. La parole est à M. Louis de Broissia.
M. Louis de Broissia. Au nom des membres du groupe UMP, en particulier du très talentueux Bernard Murat qui a l'habitude de vous interroger sur ce type de sujets, j'aimerais, monsieur le ministre, vous interpeller sur un seul point, au risque de « rapetisser » le débat, comme l'a dit notre collègue Jack Ralite. Je ne m'intéresserai donc qu'au patrimoine, vous posant quatre questions.
Nous avons beaucoup entendu parler, en particulier par Philippe Nachbar, des crédits consacrés au patrimoine.
Au nom de mon groupe, je note avec satisfaction l'augmentation de 20 millions d'euros de ces crédits, qui atteignent 224 millions d'euros, et votre envie d'arriver, en 2008, à 260 millions d'euros.
Comme M. Nachbar, je dirai que j'avais l'habitude naguère d'avoir une loi de programme sur le patrimoine. Nous aurons l'occasion d'en reparler au cours de l'exercice à venir.
Ma première question, monsieur le ministre, porte sur la Fondation du patrimoine.
Cette fondation fort intéressante a été créée sur l'initiative de notre ancien collègue, Jean-Paul Hugo. Elle vise à mieux connaître, à mieux conserver et à mieux valoriser le patrimoine simple, le patrimoine visible, le patrimoine de tous les jours. Elle apporte son concours à des personnes publiques ou privées au moyen de subventions très simples qui entraînent des déductions d'impôt et permettent l'acquisition, l'entretien, la gestion et la présentation au public de ces biens.
Pourriez-vous me donner des indications sur son fonctionnement et sur les crédits qu'elle reçoit ? Si j'en crois l'information dont je dispose pour mon département, les crédits qu'elle reçoit proviennent principalement des collectivités locales, du conseil général en particulier.
Ma deuxième interrogation porte également sur le patrimoine. Vous le savez, le patrimoine privé joue un rôle fondamental, puisque 50 % du patrimoine historique appartient à des propriétaires privés. Vous avez pris des dispositions intéressantes pour simplifier les procédures en matière de travaux, et je voulais vous en féliciter.
Ainsi, la maîtrise d'ouvrage sera restituée aux propriétaires privés, et ces derniers pourront choisir l'architecte en chef des monuments historiques, ou ACMH, parmi trois noms proposés, alors que, jusqu'à présent, une espèce de dictature du seul ACMH présent s'exerçait. Par ailleurs, le nombre de ces architectes sera augmenté de 50 %, ce qui est une bonne chose.
De la même façon, des délais uniques de réponse de l'administration ont été retenus, ainsi que la création d'un guichet unique pour les autorisations de travaux et la fin de la superposition stupide des avis puisqu'il fallait recueillir aussi l'avis de l'architecte des bâtiments de France.
Sur le plan fiscal, des mesures ont été prises pour faciliter la transmission des monuments historiques privés, mais elles sont peu utilisées et sont donc inefficaces.
Il me semble qu'il faudra, comme l'avait fait Laurent Fabius, Premier ministre en son temps, qui avait exonéré les propriétaires de meubles inscrits, exonérer de l'impôt de solidarité sur la fortune les propriétaires d'un patrimoine inscrit aux monuments historiques ouvert à la visite et considérer celui-ci comme un véritable outil de travail.
Ma troisième question concerne la mission Rémond. Pouvez-vous nous donner des indications sur la suite, sur le coût de l'attribution de monuments historiques relevant de l'Etat des collectivités territoriales ?
Ma quatrième et dernière question concerne les architectes, qui sont peu formés à l'histoire et au patrimoine. Les architectes du patrimoine ne sont pas assez nombreux alors que le marché est immense et qu'il y a du rattrapage à faire.
La Cité de l'architecture et du patrimoine va ouvrir ses portes en 2005 ; elle va permettre de repenser la politique de formation dans notre pays. Pouvez-vous nous donner des informations concernant cet établissement, sur son coût, sur l'enseignement qu'il dispensera et, en particulier, sur ce qu'il proposera en termes d'organisation et de formation ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. M. de Broissia l'a rappelé, beaucoup a été fait, au cours de l'année écoulée, en vue de la simplification des procédures pour donner plus d'efficacité à notre action en faveur des monuments historiques : simplification administrative, simplification des règles de la maîtrise d'ouvrage avec l'affirmation du caractère universel de la possible maîtrise d'ouvrage par le propriétaire, simplification également de la maîtrise d'oeuvre, plus exactement établissement d'une relation plus normale entre le propriétaire, qu'il soit public ou privé, et le maître d'oeuvre.
Ces mesures de simplification contribueront beaucoup à l'amélioration de la mise en oeuvre de nos politiques et de l'action des collectivités locales et des particuliers en faveur du patrimoine.
S'agissant de l'amélioration des conditions dans lesquelles s'exercent la propriété, la valorisation, la transmission des monuments historiques, je vous le disais tout à l'heure, monsieur le sénateur, je suis pour ma part tout à fait favorable à ce que nous y travaillions.
C'est une question très sensible. Il faut en effet veiller à ce que le patrimoine historique ne devienne pas, pour les propriétaires, qui, souvent, entretiennent les bâtiments dont ils ont la charge avec beaucoup d'amour et beaucoup de compétences, une charge tellement écrasante qu'elle aboutit souvent, inévitablement, à des démembrements funestes, notamment quand un propriétaire n'a d'autre issue que de séparer le domaine, l'immeuble et le mobilier. La question se pose actuellement de façon très sensible pour un grand château de Lorraine.
Pour la Fondation du patrimoine, nous avons pris des dispositions afin d'améliorer son financement. Elle a désormais accès à toutes les dispositions en faveur du mécénat : elle bénéficiera du mécénat des particuliers et des entreprises dans des conditions fiscales souvent plus intéressantes, plus incitatives pour eux.
Il a également été prévu par la loi que la Fondation du patrimoine pourrait bénéficier d'une quote-part des biens en déshérence revenant à l'Etat.
L'élaboration du décret d'application a été un peu longue. On voit très bien pourquoi : l'exercice a été quelque peu compliqué pour Bercy. Mais ce décret est désormais examiné par le Conseil d'Etat et sera signé, je pense, d'ici à la fin de cette année ou, au plus tard, au début de l'année prochaine. On peut estimer que la Fondation du patrimoine sera garantie d'une ressource - variable, évidemment, d'une année sur l'autre - de l'ordre de 6 millions d'euros par an, ce qui est considérable par rapport à sa ressource actuelle.
Vous avez également raison, monsieur le sénateur, à propos de la formation des architectes. Il est indispensable que les architectes soient convenablement formés à toutes les techniques, à toutes les problématiques des monuments historiques. C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité donner une place forte à l'Ecole de Chaillot au sein de l'entité Cité de l'architecture et du patrimoine. Ce département sera fortement individualisé parce qu'il s'agit d'un objet pédagogique particulier.
M. le président. La parole est à M. Louis de Broissia.
M. Louis de Broissia. Monsieur le ministre, je vous remercie des réponses que vous avez apportées aux quatre questions que je vous ai posées.
J'espère que nous répondrons ensemble, au cours de l'année à venir, à la question relative aux propriétaires privés puisqu'il y a des risques évidents de démembrements dans de nombreux endroits.
La politique culturelle que vous menez est faite d'intelligence, d'ouverture, de respect de la parole donnée. En politique, il y a des attitudes courageuses et d'autres qui ignorent les réalités. Tout au long de l'année 2003, vous avez affronté avec courage les difficultés. Sachez que le groupe UMP vous soutient. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant la culture et figurant aux états B et C.
ETAT B
M. le président. « Titre III : 78 159 930 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Les crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : moins 39 482 584 euros. »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Nous abordons les crédits d'intervention tant attendus sur le terrain. Je ne jouerai pas sur les chiffres : un peu plus, un peu moins, selon les périmètres, les pourcentages. Mais je noterai que les crédits déconcentrés du titre IV s'affaissent. Or ils sont destinés à soutenir les artistes et les institutions culturelles.
Ils constituent l'un des principaux leviers de l'action du ministère sur l'ensemble du territoire. Et beaucoup de ces territoires, monsieur le ministre, souffrent.
Dans un contexte de doute, où personne ne maîtrise son destin, dans un contexte d'inquiétude où s'étiolent, une à une, les bulles protectrices de l'individu - le service public, l'emploi, la famille -, qui reste-t-il pour donner à voir le monde tel qu'il est, tel qu'il était, tel qu'il peut être demain ?
Qui interroge les mécanismes qui font le quotidien, l'érosion du lien social, la férocité de l'économie, l'aliénation consumériste ?
Qui interpelle le citoyen sur son rôle et le politique sur sa responsabilité, en faisant rire, en faisant jaillir l'émotion ou en serrant le coeur ?
Qui ? Les artistes, les techniciens et tous ceux qui créent, produisent et diffusent une oeuvre collectivement élaborée, avec l'argent du titre IV, les artistes et tous ceux qui s'activent entre travail visible et travail invisible, entre emploi et intermittence.
Devant cet impératif besoin de culture, devant cet impérieux lien entre l'état de la société et les moyens donnés à la création, que signifient ces crédits un peu appauvris quand, avec votre consentement et celui de M. Fillon, au 1er janvier, des milliers et des milliers d'artistes ne pourront plus vivre de leur travail ?
Le nouveau protocole, construit sans démocratie par une minorité de partenaires sociaux du monde du spectacle sur un absurde périmètre comptable, garde les failles du précédent et les amplifie. Je pense aux plafonds et aux délais de carence favorables aux stars hautement rémunérées - cela va coûter cher à l'UNEDIC ! -, à l'aspect très aléatoire des droits acquis selon le type de contrats, et, enfin, aux effets pervers des rythmes de stop and go, plus doux à l'audiovisuel marchand et abêtissant qu'aux créateurs de qualité.
Le nouveau protocole rend impossible que vivent de leur travail la plupart de ceux qui sont, dans les compagnies, sur le front des quartiers et des campagnes, ceux qui créent, animent, émancipent le salarié de Michelin, font rire ou pleurer le chauffeur de Chronopost, font entrer dans les pratiques culturelles des citoyens en quête d'épanouissement, dont la caissière de Leclerc ou les filles de Levi's.
Le 1er janvier leur sera fatal, et ce ne sont pas les crédits d'intervention qui pallieront les destructions du tissu culturel, soutenu par les collectivités sur le terrain. Les dégâts seront irréparables pour les artistes, mais ausi pour les 16 millions de cotisants, spectateurs et acteurs en puissance que vous citiez il y a quelques instants.
Monsieur le ministre, vous évoquiez à l'Assemblée nationale un ministère qui soit « le bureau des compétences et des désirs ». Si vous poursuivez dans les pas du MEDEF, en fait de compétences, ce sera « un bureau expérimental » dans lequel les artistes seront les « cobayes » d'un protocole mal ficelé.
En fait de désirs, le maître de cérémonie sera non pas Eros mais Thanatos et les crédits d'intervention arriveront pour les funérailles de compagnies exsangues et décharnées. Oui, il y avait insatisfaction. Oui, on aurait pu agir avant. Oui, l'UNEDIC s'obstinait à afficher des déficits comptabilisés sur un seul secteur à l'image d'AXA, qui remettait en cause, il y a quelques années, le tarif de sa prise en charge du handicap, parce que trop coûteux, au déni de tout principe de solidarité.
Mais aussi : oui, monsieur le ministre, vos crédits d'intervention ne peuvent prendre sens que si vous mettez tout en oeuvre pour qu'au 1er janvier ne s'applique pas le protocole inefficace pour les effets d'aubaine et liberticide pour la culture.
C'est mon respect envers votre haute fonction qui me conduit, une ultime fois, à réitérer cette demande.
M. le président. La parole est à M. Jack Ralite.
M. Jack Ralite. Personne ne peut aborder ce chapitre du budget sans évoquer les intermittents, ces artistes et techniciens qui, depuis 1969, sont rémunérés, mais modestement, pour leurs périodes entre les contrats, qui sont en fait des périodes de travail invisibles.
Oui, la bataille des intermittents n'est pas corporative. En vérité, elle est porteuse d'avenir. Il y a là un symptôme ; on doit s'en faire le partenaire et non le chasseur.
Ces femmes et ces hommes de liberté rencontrent souvent nos désirs et nous donnent du plaisir. Or le Gouvernement passe en force, est avec eux d'une intransigeance rare, alors que l'accord du 26 juin mettant en cause l'existence de beaucoup, notamment des plus jeunes, est minoritaire et combattu par l'immense majorité de la profession artistique, et au-delà.
Le Gouvernement ne reçoit pas les représentants des intermittents à l'Hôtel Matignon ; je ne sais si la sonnette est détraquée, mais on a l'impression d'appuyer du doigt sur le silence. Cette intransigeance gouvernementale vient encore de s'exprimer en couvrant ce que j'appelle « les trafics sur le texte de l'accord » et, hier, la délégation générale à l'emploi a continué d'avaliser cette façon de faire, qui interroge beaucoup de conseillers d'Etat.
Vous connaissez les résultats escomptés : 30 000 personnes exclues de l'UNEDIC, c'est-à-dire 30 000 personnes déclarées « de trop » dans la société.
Petit à petit, mais de plus en plus, le Gouvernement rejette des hommes et des femmes hors du travail.
Le Gouvernement, dont votre ministère, réduit, ampute, diminue, essore la population active de ce pays, avec le cortège de fêlures, de brisures que cela produit sur les individualités concernées.
La fracture sociale s'élargit et devient une crevasse.
L'écrivain François Bon, dans son livre Temps machine, évoque les réactions des victimes et leurs commentaires : « C'est notre vengeance de mains noires, car ils ne savent plus quoi faire de nous. » Il y a des vengeances de mains noires qui peuvent s'appeler 21 avril !
Donc, on ne saurait plus quoi faire d'une partie des artistes et les silences, les atermoiements, les refus, la complicité de fait du Gouvernement avec le MEDEF deviennent insupportables.
Le communiqué du Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles du 27 novembre dénonçant l'absence de dialogue social est significatif. Soyez assuré que, contrairement à ce qui se dit rue de Valois, le ministère n'est pas maintenant tranquille avec le problème des intermittents.
Ils sont une dimension essentielle de la création dont la société française a besoin, comme « bien public ».
Vous atteignez en la circonstance le « coeur du métier » des arts. Quelle « performance » !
Au groupe de réflexion créé par la commission culturelle de notre assemblée, nous avons reçu des intermittents mardi dernier, et je veux me faire l'écho de la situation d'un jeune musicien.
Il s'appelle Frédéric Mulet. J'ai là son diplôme de formation, signé par le directeur du Conservatoire national de Paris, Alain Poirier. En 1999, il a été reçu prix de cor et de musique de chambre en formation supérieure, mention très bien. Eh bien, son salaire de référence journalier est de 13 euros. Et il touche, après quatre jours à l'orchestre des lauréats du Conservatoire, qui exige deux journées de répétition, la somme de 400 euros sur un mois. Si l'on divise la rémunération brute du mois concerné par le salaire journalier de référence, il n'a droit à aucune indemnisation, alors que l'un de ses amis, qui a un salaire journalier de référence de 200 euros, est indemnisé sur vingt-huit jours. Il y a là quelque chose de tout à fait injuste.
Si, en 2002, les intermittents du spectacle représentaient 4,9 % des personnes indemnisées par l'UNEDIC, ils ne touchaient que 3,6 % de ces indemnités.
Bien sûr, télévisions et radios, y compris publiques, taisent tout cela.
Alors, je demande : premièrement, que le Gouvernement ne s'enfonce pas davantage dans l'injustice et refuse l'agrément du texte minoritaire et trafiqué ; deuxièmement, que le Gouvernement assume sa responsabilité publique en demandant aux signataires de reprendre la négociation ; troisièmement, qu'un débat soit consacré ici à cette question, avant la fin de la session ; quatrièmement, que France 2 et France Inter organisent un débat contradictoire. Je verrais bien, pour ma part, une émission intitulée : « 100 minutes pour expliquer l'intermittence » !
Le groupe auquel j'appartiens va déposer, après avoir revu toutes les personnes concernées, une proposition de loi relative à l'emploi artistique, si capital pour les intermittents, pour la politique culturelle de la France, pour la diversité culturelle, laquelle ne peut être seulement un argument international, mais doit être d'abord un argument national.
On peut empêcher beaucoup de choses, mais on ne peut pas empêcher les idées et les imaginations.
Au cours d'une conversation où il était question de la santé, un de mes amis a utilisé une image dynamique qui est très parlante si on l'applique au sujet qui nous intéresse.
Il y a deux façons de traiter un problème, une douleur, une intimité blessée. La première, c'est celle de Cyrano avec sa tirade du nez, et c'est une solution vivante. La deuxième, c'est la chirurgie esthétique, remboursée ou non par la sécurité sociale.
Eh bien, avec les artistes intermittents, c'est la tirade, et personne ne l'empêchera !
Le 8 décembre, je participerai à la manifestation organisée par de nombreuses associations professionnelles et autres sur la question de l'intermittence. Dès demain soir, je serai à Besançon avec des intermittents et leurs amis. Besançon, c'est Hugo, et vous connaissez sa tirade sur l'intelligence. Je la condense : éclairer les rues, c'est bien, mais éclairer les esprits c'est essentiel. Les artistes sont des éclaireurs. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Je tiens tout d'abord à rappeler à M. le sénateur de la Seine-Saint-Denis que je suis également persuadé que les artistes sont des éclaireurs.
Nous mettons, les uns et les autres, le doigt sur une réalité très dure : c'est au cours des quinze dernières années qu'il aurait fallu traiter ce problème. Depuis longtemps, on connaissait la fragilité du système d'assurance chômage qui s'applique aux professionnels du secteur du spectacle vivant et de l'audiovisuel. Depuis longtemps, on savait pertinemment que tout ce secteur flottait dans une économie factice, reportant sur l'UNEDIC, donc sur un système d'assurance chômage, une partie du coût de l'action artistique.
Quand on accepte - et nous sommes tous responsables du fait que les répétitions ne soient pas payées - d'acheter un spectacle, dans le cadre d'un festival, par exemple, à un prix inférieur au seul coût du plateau, d'emblée, on admet que le coût de ce spectacle ne permet même pas de payer ceux qui y travaillent, on consent à un détournement de la fonction de l'assurance chômage et on contribue à son déficit.
D'un côté, il y a l'engagement public en faveur du spectacle et de l'audiovisuel, et c'est à chacun d'entre nous de prendre, en fonction de ses moyens, les dispositions qu'il peut ou souhaite prendre ; cela concerne l'Etat, mais également les autres collectivités publiques. De l'autre côté, il y a la solidarité sociale.
Alors, cessons de mélanger la solidarité sociale et la solidarité nationale ou la solidarité publique. C'est une commodité qui est arrivée au terme de son usage possible.
Madame Blandin, je tiens à vous rassurer : il n'y a pas d'érosion des crédits. Mes collaborateurs sont à votre disposition pour vous en apporter la preuve.
Si, ici ou là, dans la présentation de mon budget, peut apparaître une diminution, c'est simplement parce que, dans certains cas, des dépenses du titre IV ont été, pour des raisons liées à l'application de la LOLF ou à l'apparition d'un nouvel établissement public - par exemple la Cité de l'architecture et du patrimoine - transférées du titre IV au titre III. Mais, à périmètre égal, il y a bien augmentation des moyens de l'action publique. En additionnant le titre III et le titre IV, cette augmentation des moyens apparaît très clairement.
En vérité, à périmètre constant, le titre IV augmente, de plus de 54 millions d'euros, soit une progression de 2 %. Les moyens d'intervention du ministère de la culture sont donc bien renforcés.
Vous rapprochez ces 54 millions d'euros des quelque 800 millions ou 900 millions d'euros de déficit de l'UNEDIC.
Je tiens d'abord à vous dire, madame la sénatrice, que l'intermittence, chacun en est bien conscient, restera un régime déficitaire, et cela de par sa nature même. Je ne suis absolument pas persuadé que 30 % des gens qui en relèvent en sortiront. A la fin de l'année prochaine, il sera possible d'établir un bilan et de mesurer la réalité du phénomène.
Le déficit de ce régime perdurera donc et continuera de contribuer, mais dans les limites tolérées par l'accord entre les partenaires sociaux, au développement et à la vitalité du spectacle vivant, de l'audiovisuel et du cinéma.
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Les crédits sont adoptés.)
ETAT C
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 265 807 000 euros ;
« Crédits de paiement : 45 283 000 euros. »
Je mets aux vois les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 301 525 000 euros ;
« Crédits de paiement : 163 261 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
M. le président. En accord avec la commission des finances, j'appelle en discussion l'amendement n° II-15, tendant à insérer un article additionnel avant l'article 74 ter.
Culture et communication
Article additionnel avant l'article 74 ter
M. le président. L'amendement n° II-15, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Avant l'article 74 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A compter de la date de la création des établissements publics administratifs du musée d'Orsay et du musée des arts asiatiques Guimet, les personnels employés à temps complet pour une durée indéterminée par l'établissement public de la Réunion des musées nationaux et affectés à cette date à ces musées, dans des fonctions énumérées par décret en Conseil d'Etat, pourront, à leur demande, être nommés et titularisés dans les corps de fonctionnaires relevant du ministère chargé de la culture correspondant à ces fonctions, dans la limite des emplois ouverts par la loi de finances pour 2004.
« La titularisation des agents mentionnés à l'alinéa précédent prend effet à la date de création des établissements publics, pour les agents qui remplissent à cette date les conditions exigées par les articles 5 et 5 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires pour obtenir la qualité de fonctionnaire. Dans le cas contraire, elle prend effet à la date où ces conditions sont réunies.
« Jusqu'au 31 décembre 2004, les agents mentionnés au premier alinéa et en congé régulier non rémunéré à la date de création des établissements publics du musée d'Orsay et du musée des arts asiatiques Guimet peuvent, à leur demande, être nommés et titularisés dans des conditions identiques à celles prévues au premier alinéa. La titularisation des agents en congé régulier non rémunéré ne peut intervenir avant la date de réintégration dans leurs fonctions.
« Un décret en Conseil d'Etat fixera les conditions d'intégration et de classement des intéressés.
« II. - A compter de la date du rattachement du musée national Eugène Delacroix à l'établissement public du musée du Louvre, les personnels employés à temps complet pour une durée indéterminée par l'établissement public de la Réunion des musées nationaux et affectés à cette date au musée national Eugène Delacroix, dans des fonctions énumérées par décret en Conseil d'Etat pourront, à leur demande, être nommés et titularisés dans les corps de fonctionnaires relevant du ministère chargé de la culture correspondant à ces fonctions, dans la limite des emplois ouverts par la loi de finances pour 2004.
« La titularisation des agents mentionnés à l'alinéa précédent prend effet à compter de la date du rattachement du musée national Eugène Delacroix à l'établissement public du musée du Louvre, pour les agents qui remplissent à cette date les conditions exigées par les articles 5 et 5 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires pour obtenir la qualité de fonctionnaire. Dans le cas contraire, elle prend effet à la date où ces conditions sont réunies.
« Jusqu'au 31 décembre 2004, les agents mentionnés au premier alinéa du II et en congé régulier non rémunéré à la date de rattachement du musée national Eugène Delacroix à l'établissement public du musée du Louvre peuvent, à leur demande, être nommés et titularisés dans des conditions identiques à celles prévues au premier alinéa du II. La titularisation des agents en congé régulier non rémunéré ne peut intervenir avant la date de réintégration dans leurs fonctions.
« Un décret en Conseil d'Etat fixera les conditions d'intégration et de classement des intéressés.
« III. - Lorsque les agents mentionnés aux I et II ci-dessus ne remplissent pas, à la date de création des établissements publics du musée d'Orsay et du musée des arts asiatiques Guimet ou à la date de rattachement du musée national Eugène Delacroix à l'établissement public du musée du Louvre, les conditions exigées par le statut général de la fonction publique pour obtenir la qualité de fonctionnaire, ou lorsqu'ils n'opteront pas pour la titularisation ou lorsque la spécificité des fonctions qu'ils exercent ne permettra pas de les titulariser dans un corps de fonctionnaires relevant du ministère chargé de la culture, ces personnels pourront, à leur demande, bénéficier d'un contrat de droit public à durée indéterminée conclu avec l'établissement public administratif dans lequel ils sont affectés et conserver le bénéfice de la rémunération brute perçue au titre de leur contrat de travail antérieur.
« IV. - a) A compter de la date de la création des établissements publics du musée d'Orsay et du musée des arts asiatiques Guimet, et jusqu'au 1er juillet 2004, ces établissements publics ainsi que les établissements publics du musée du Louvre et du musée et du domaine national de Versailles peuvent, dans la limite des emplois ouverts à leur budget, recruter, pour pourvoir des fonctions déterminées par décret en Conseil d'Etat, les agents autres que ceux mentionnés aux I, II et V qui bénéficient au 31 décembre 2003 d'un contrat à durée indéterminée conclu avec l'établissement public de la Réunion des musées nationaux.
« b) Les agents recrutés en application du a) du IV ci-dessus bénéficient d'un contrat de droit public à durée indéterminée et conservent le bénéfice de la rémunération brute perçue au titre de leur contrat de travail antérieur.
« c) Postérieurement, ceux qui exercent les fonctions mentionnées dans un tableau de correspondance établi par décret en Conseil d'Etat pourront être titularisés dans un corps de fonctionnaires relevant du ministère chargé de la culture après réussite à un concours qui leur est réservé, ouvert avant le 1er janvier 2005 dans des conditions déterminées par ce décret.
« V. - A compter du 1er janvier 2004 et jusqu'au 31 décembre 2004, les personnels employés à temps complet pour une durée indéterminée par l'établissement public de la Réunion des musées nationaux et affectés au 1er janvier 2004 aux Galeries nationales du Grand Palais dans des fonctions énumérées par décret en Conseil d'Etat pourront, à leur demande, être nommés et titularisés, dans les corps de fonctionnaires relevant du ministère chargé de la culture correspondant à ces fonctions, dans la limite des emplois budgétaires vacants.
« Les agents mentionnés à l'alinéa précédent et en congé régulier non rémunéré au 1er janvier 2004 peuvent, à leur demande, être nommés et titularisés, dans des conditions identiques à celles prévues à l'alinéa précédent. La titularisation des agents en congé régulier non rémunéré au 1er janvier 2004 ne peut intervenir avant la date d'expiration de leur congé.
« Un décret en Conseil d'Etat fixera les conditions de titularisation et de classement des intéressés.
« VI. - Les personnes recrutées dans les conditions fixées aux I à V ne perçoivent pas d'indemnités au titre du licenciement prévues par l'article L.122-9 du code du travail. »
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Les dispositions législatives que je demande au Sénat d'ajouter au projet de loi de finances pour 2004 permettent l'aboutissement de la réforme des musées nationaux que j'ai engagée pour introduire plus d'autonomie et de responsabilité dans leur gestion.
Ainsi, les agents contractuels de la Réunion des musées nationaux qui exercent des missions au sein des musées Guimet, d'Orsay et Eugène Delacroix devront pouvoir être titularisés puisqu'ils passeront sous la responsabilité de ces musées, désormais très largement autonomes.
Le paragraphe III envisage le cas de ceux qui ne peuvent pas ou ne souhaitent pas être titularisés. Leur est ouverte une faculté de contractualisation, avec des contrats de droit public.
De plus, les quatre musées nationaux, établissements publics, voient, grâce à la réforme, leur mission s'élargir, notamment pour les acquisitions et la gestion des recettes de la visite de leur collection. Ils doivent donc pouvoir faire appel à des agents de la Réunion des musées nationaux, laquelle n'exercera plus ses missions pour le compte de ces établissements.
Enfin, la titularisation des personnels de surveillance des galeries nationales du Grand Palais, qui seront affectés à l'ensemble des musées nationaux, permettra de sous-traiter la surveillance des expositions temporaires, ce qui représente une avancée sensible dans la modernisation de la gestion culturelle.
Vous le voyez, il s'agit de traduire, pour le personnel de la Réunion des musées nationaux, les principes de la réforme, réforme qui clarifie les compétences des musées nationaux, d'un coté, de la Réunion des musées nationaux, de l'autre, en recentrant chaque établissement sur ses missions fondamentales.
Je vous demande donc, mesdames, messieurs les sénateurs de mettre la dernière touche à notre réforme en adoptant cet amendement, qui n'a pu être déposé avec le reste du projet de loi de finances, car le Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat ne s'était pas encore prononcé à son sujet.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. La commission a accepté le principe du rattachement, mais n'a pu délibérer sur cet amendement. Cependant, à titre personnel, j'y suis tout à fait favorable.
M. le président. La parole est à Mme Danièle Pourtaud, pour explication de vote.
Mme Danièle Pourtaud. Cet amendement donne la possibilité aux agents titulaires de la RMN, la Réunion des musées nationaux, travaillant aux musées d'Orsay et Guimet, transformés, cette année, en établissements publics à caractère administratif, et à ceux du musée Eugène Delacroix, rattaché à l'établissement public du Louvre, d'opter pour le statut de fonctionnaire du ministère de la culture, dans la limite des postes disponibles et si la fonction existe.
A défaut, ces personnels pourront obtenir un contrat à durée indéterminée de droit public dans l'établissement public où ils exercent leurs fonctions.
Cette faculté est étendue, sans possibilité d'opter ou non, à certains personnels du Grand Palais.
Je m'interroge sur deux points.
Pourquoi cette extension de la mesure à des agents du Grand Palais alors que, à ma connaissance, cet établissement ne devait pas prendre prochainement le statut d'établissement public à caractère administratif, mais rester dans le giron de la Réunion des musées nationaux.
Par ailleurs, pourquoi ces agents n'ont-ils pas la faculté d'opter ?
A la suite du rapporteur spécial, je ferai remarquer que nous n'avons pas eu le temps d'étudier ce texte de manière approfondie puisque nous n'en avons pris connaissance que juste avant la séance.
La mesure, telle qu'elle est présentée, ne paraît pas aberrante, mais vous concevrez, monsieur le minitre, que nous n'ayons pas pu, matériellement, consulter les personnels pour savoir ce qu'ils en pensaient ni mesurer précisément la portée du dispositif que vous nous proposez.
Pour ces raisons, qui sont de forme, les sénateurs du groupe socialiste s'abstiendront, à défaut de pouvoir se prononcer sur le fond.
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.
M. Ivan Renar. Je regrette, pour ma part, que la grande question de la réforme des musées nationaux nous arrive par le biais d'un cavalier budgétaire, car c'est bien un énorme cavalier qui nous est soumis, pour ne pas dire un régiment de cavalerie. (Sourires.)
Il ne se passe pas une journée sans que la presse annonce de nouvelles mesures concernant les musées de France et la Réunion des musées nationaux, évoquant des projets d'« autonomie radicale » des principaux musées. Le présent cavalier prouve que les choses s'accélèrent, au nom de la décentralisation et de l'autonomie.
Bien sûr, vous nous direz, monsieur le ministre que l'Etat ne se désengage pas et que les subventions demeurent. Pourtant, ce projet prévoit bien une gestion individualisée de chaque musée en circuit fermé, en s'appuyant sur des recettes diverses, en particulier celles de la billetterie, de la location de salles, etc.
Or la particularité de la Réunion des musées nationaux est de travailler comme une coopérative, une mutuelle, quant à la gestion de cette billetterie et de favoriser l'achat d'oeuvres, par exemple.
En transformant le régime des musées nationaux, vous remettez en cause le travail en réseau des musées. Cela aurait pu faire l'objet d'un magnifique débat sur le fond, et j'espère qu'il aura lieu. Par ailleurs, une plus grande autonomie des musées nationaux, cela signifie moins d'activités pour la RMN, pour qui commence, si j'ai bien compris, la cure d'amaigrissement budgétaire.
Les personnels de la RMN ne peuvent qu'être inquiets, surtout ceux des sites éclatés. Les personnels de la direction des Musées de France le sont aussi, de leur côté, devant cette notion de musée-entreprise, ou plutôt devant l'utopie du « tout commercialisable » et de la gestion libérale, libérée jusqu'à l'absurde.
Pour désarmorcer un mécontentement éventuel de ces personnels, par une sorte d'échange, vous accédez, monsieur le ministre, à une demande de titularisation, mais celle-ci reste tout de même entourée de beaucoup d'incertitudes ; ma collègue Danièle Pourtaud a insisté sur ce point.
Si j'ai bien compris, on peut modifier une loi par décret, puisque le statut de la RMN a été institué voilà une dizaine d'années par une loi et qu'on le modifie par petits morceaux. Mais, pour le tableau des emplois, il faut un acte législatif.
J'émets les plus grandes réserves sur la façon de faire. J'aurais préféré un vrai et franc débat sur l'ensemble de la question.
Etant donné, par ailleurs, qu'il existe trop d'incertitudes quant à l'avenir des personnels, mon collègue Jack Ralite et moi-même voterons contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des affaires culturelles.
M. Pierre Laffitte, vice-président de la commission des affaires culturelles. Je voudrais tout d'abord rappeler que M. le ministre avait évoqué cette opération lors de la présentation de ses objectifs devant la commission des affaires culturelles, que je représente ici à la demande de son président, M. Jacques Valade.
Dans la mesure où cet amendement ne porte pas atteinte aux droits des personnels concernés - puisque c'est seulement à leur demande qu'ils pourront être titularisés -, il me semble que nous ne pouvons pas considérer qu'il sont lésés.
Par conséquent, pour ma part, je suis favorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-15.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, avant l'article 74 ter.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la culture.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Daniel Hoeffel.)
PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2003, adopté par l'Assemblée nationale.
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant les crédits relatifs à la communication et les articles 59 bis et 74 ter : crédits du Conseil supérieur de l'audiovisuel, d'aide à la presse et à l'audiovisuel inscrits aux services généraux du Premier ministre.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Belot, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sujet passionnant s'il en est que celui de la communication, tant il nous plonge au coeur de la vie, sans compter qu'il s'agit d'un domaine en pleine évolution, voire en pleine révolution.
Concernant la presse écrite, force est de constater qu'elle est un héritage de la Libération et qu'à l'époque, en fonction des circonstances, on a mis en place de nombreuses dispositions dont on s'aperçoit aujourd'hui que beaucoup ont fait leur temps, au point de toucher parfois les limites de l'acceptable, cela au nom de grands principes, certes, mais qui ne tiennent plus toujours la route.
De fait, la presse française quotidienne, en particulier régionale, perd tous les ans des parts de marché, dans la publicité et, plus grave, dans le lectorat. Tous les ans, on enregistre en effet une érosion de 2 % à 3 % du nombre de lecteurs de journaux, étant entendu que c'est le lectorat jeune qui semble s'évaporer et ne plus s'intéresser à cette presse.
Dès lors, il est évident que ce n'est pas sans conséquence sur les équilibres des principaux titres, et plus encore, plus des petits titres.
Depuis des années, des solutions sont recherchées pour apporter quelques avantages ici et là. Je dois observer, pour les rencontrer assez souvent, que les responsables de la presse sont tous très attachés à ce système, certes complexe, mais qui leur permet d'obtenir de la puissance publique un certain nombre d'aides.
Par exemple, le fonds de modernisation de la presse, qui est né voilà cinq ans, semblait être une bonne initiative, mais force est de constater qu'il ne fonctionne pas aujourd'hui comme ceux qui l'ont créé et porté sur les fonts baptismaux le souhaitaient. En effet, cas sans doute unique dans l'histoire de la République, cinq ans après sa création, cet organisme accumule des fonds qui ne sont pas utilisés depuis trois ans. Un compte spécial du Trésor reçoit des recettes affectées sur les autres supports, en particulier l'affichage, et l'on n'arrive pas à consommer cet argent !
La commission des finances a jugé cette affaire suffisamment importante pour me mandater avec le rapporteur spécial du budget des comptes spéciaux du Trésor, M. Paul Loridant, pour effectuer un contrôle sur pièces et sur place, afin que nous comprenions ce qui se passe.
Lorsque les responsables des principaux titres sont interrogés, ils nous expliquent que le lancement d'une opération de modernisation demande beaucoup de temps. Soit ! Mais lorsque la question leur est posée de savoir si une telle opération sera engagée à coup sûr, ils répondent qu'ils le feront peut-être, mais qu'ils veulent conserver les subventions qui leur sont accordées.
On le voit, il y a là un vrai problème. Nulle institution, nulle entreprise privée ne pourrait se permettre de cumuler trois ans de fonds inemployés sans trouver d'issue à cette situation. La commission des finances doit examiner ce dossier de près au cours de l'année 2004.
Il conviendrait peut-être d'envisager une possibilité d'extension de l'usage de ce fonds. On s'inquiète par exemple de la disponibilité des journaux au plus près des lecteurs et le plus tôt possible dans la journée. Des systèmes de diffusion, autres que ceux qui existent aujourd'hui, sont peut-être à étudier, dans des lieux où le public se rend régulièrement, en dehors des débits de tabacs, des kiosques à journaux ou des maisons de la presse.
C'est un problème qu'il nous faut traiter tranquillement, mais que nous ne devons pas négliger parce qu'il n'est pas de bonne gestion de laisser ces fonds inutilisés.
Monsieur le ministre, vous avez fait un effort qu'il est important de souligner, pour permettre à, l'Agence France-presse, l'AFP, de fonctionner pendant les quatre années à venir dans le cadre d'un contrat d'objectifs et de moyens.
J'ai toujours réclamé dans cette enceinte que l'AFP ne soit pas une entreprise d'une essence particulière et que son statut soit banalisé. L'AFP est une entreprise superbe qui honore notre pays par ses résultats. Lorsque l'on se promène dans le monde entier, on s'aperçoit - et je l'ai remarqué récemment lors d'un déplacement au Brésil - que les dépêches utilisées par les journaux proviennent plus souvent de l'AFP que de Reuters ou d'Associated Press. Ce fait est très important parce qu'il prouve que l'AFP rend un vrai service dans le domaine de l'information généraliste, que cela est reconnu, et qu'un certain nombre de centres de profit à l'étranger participent au fragile équilibre de la maison.
C'est en France, peut-être, qu'il conviendrait de se pencher sur le problème de l'AFP, mais, là encore, nous sommes confrontés à l'héritage des lendemains de la Libération, qui n'est pas négligeable.
Monsieur le ministre, il ne faudrait pas rechercher l'équilibre de l'AFP sans tenir compte de ce qui se passe dans le vaste monde. Je vous avoue que je suis très fier de mon pays et de ceux qui le servent lorsque, à l'autre bout du monde, je découvre que les sources d'un journal dont j'ignorais le titre jusqu'à ce moment sont constituées pour moitié des dépêches de l'AFP.
C'est très important, surtout dans la période actuelle, parce que c'est le monde vu en français, vu avec l'oeil de la France.
M. Ivan Renar. Très bien !
M. Claude Belot, rapporteur spécial. Enfin, je voudrais dire que la presse, en particulier la presse quotidienne régionale, est inquiète de l'ouverture de la publicité à la télévision, notamment de proximité.
La France a été contrainte d'appliquer les règles communautaires et la directive « Télévision sans frontière ». Les principaux titres vont devoir rechercher des accords compte tenu des initiatives qui naîtront dans ce domaine. En effet, chacun sait qu'il est très facile de créer une télévision locale. Les moyens techniques existent et sont peu coûteux. Ainsi, un émetteur de télévision couvrant trente-cinq kilomètres coûte 150 000 francs, ce qui n'est rien par rapport à l'enjeu.
Aujourd'hui, nombre de collectivités locales ont intérêt à créer ces télévisions de proximité. Elles seront prêtes à entrer dans le système dans les trois ou quatre ans à venir. Le mouvement démarrera dès 2004 et se développera très rapidement. J'ai déjà connaissance d'un certain nombre de projets significatifs.
Au Sénat, où nous sommes souvent à l'écoute de la modernité, où nous essayons de capter ce qui représente l'avenir, je puis vous dire qu'il s'agit d'un sujet de conversation fréquent pour tous ceux qui veulent agir en ce domaine.
Je pense donc que ce mouvement va naître, qu'il créera de nouveaux déséquilibres, sans doute de nouvelles collaborations avec la presse, notamment la presse quotidienne régionale, mais il faudra bien qu'il ait lieu, car la France ne peut pas être le seul pays, la seule grande démocratie restant à l'écart de cette dynamique.
Il y a là un enjeu d'information locale, mais aussi un enjeu de démocratie. Il est très important que la démocratie soit vivante. Or, la télévision associée à la presse peut être un outil formidable de démocratie locale.
S'agissant de l'audiovisuel, nous sommes au coeur de la vie la plus immédiate. Nous vivons actuellement la révolution du numérique, dont nous n'avons pas encore mesuré toutes les conséquences.
J'ai l'honneur de rapporter pour la sixième fois, devant le Sénat, le budget de l'audiovisuel. Il y a six ans, France Télévisions était une entreprise en perdition. Aujourd'hui, cette entreprise a trouvé ses équilibres.
Mme Danièle Pourtaud. Grâce à qui ?
M. Claude Belot, rapporteur spécial. Il existe un contrat d'objectifs et de moyens. Les objectifs sont fixés par les pouvoirs publics et les moyens sont fournis. Elle peut mener sa vie d'entreprise sans augmentation particulière de ses crédits, mais elle doit néanmoins veiller à des gains de productivité.
Il est important de signaler qu'aujourd'hui, dans le monde entier, nous assistons à une véritable dérive des contenus audiovisuels et que, à l'intérieur du paysage audiovisuel français, la télévision publique possède une certaine éthique. La qualité de ses programmes n'est certes pas toujours à la hauteur de ce que souhaitent tous les téléspectateurs, mais il y a un certain nombre de limites qu'elle n'a pas franchies, ce qui est tout à son honneur et à celui de notre pays.
Les exemples de ce qui se passe à l'étranger, parfois en France, et qui risquent de se multiplier, ont conforté beaucoup d'entre nous, et moi le premier, dans la conviction qu'il est nécessaire d'avoir un service public fort. C'est le cas en France puisque le cumul de l'ensemble des chaînes représente 45 % de parts de marché, ce qui est plus que convenable et bien supérieur à la situation de l'audiovisuel public dans nombre d'autres pays.
Voilà trois ou quatre ans, le président de la commission des finances de l'époque, Alain Lambert, dont on connaît la brillante carrière puisqu'il a siégé au banc du Gouvernement ces derniers jours, m'avait chargé de constituer, au sein de la commission des finances, un groupe très pluriel afin de réfléchir aux possibilités d'évolution de l'audiovisuel public.
Nous avions conclu, à l'unanimité, à l'impératif de maintenir un audiovisuel public fort. Telle a été notre doctrine constante. A cet égard, envisager l'augmentation de la redevance ne nous gênait pas outre mesure, car nous avions constaté que, dans d'autres grands pays, la Grande-Bretagne, avec la BBC, ou l'Allemagne, avec la Deutsche Welle, la redevance s'élevait à près de 200 euros.
La discussion sur le montant de la redevance reste d'actualité, notamment dans le cadre du débat sur les prélèvements obligatoires. Je n'ai pas hésité, avec plusieurs collègues dont certains sont présents ce soir, à présenter un amendement à l'article 20 du projet de loi de finances pour 2004 prévoyant l'augmentation très modeste de la redevance. Nous en avons débattu pendant deux heures et je m'en réjouis. En effet, le problème a été posé et ceux qui tiennent les cordons de la bourse avec vigueur au sein du Gouvernement - vous êtes bien placé pour le savoir, monsieur le ministre - ont été amenés à proposer une autre solution permettant d'augmenter significativement les ressources de l'audiovisuel public. Le compromis qui a été trouvé me semble tout à fait acceptable.
Pour conclure sur France Télévisions, il n'y a pas grand-chose à changer. France Télévisions devra néanmoins suivre de très près l'évolution de la télévision de proximité. Car France 3 n'est pas une chaîne de télévision de proximité, et si les dirigeants de cette chaîne ne prennent pas conscience de ce qui doit se passer, la télévision de proximité se fera sans France 3. (M. Louis de Broissia applaudit.)
C'est ce qui pourrait arriver de pire à la télévision publique. Je l'ai dit à son président et à ses collaborateurs voilà quelques jours. Si France 3 veut être l'acteur de la télévision de proximité, elle devra travailler avec les collectivités territoriales, qui ne demandent que cela, parce qu'elles ont l'esprit de service public chevillé au corps. Ce point me paraît particulièrement important.
L'intégration de RFO - Réseau France Outre-mer - dans le dispositif de France Télévisions est une bonne décision qui était souhaitée par beaucoup. C'est une mesure d'ordre.
Vous êtes obligé de faire face à des urgences à Radio France. Les problèmes techniques auxquels est confrontée la Maison de la radio doivent être résolus, et je sais que vous en aurez les moyens. Vous avez également la volonté de traiter le problème urgent que pose l'Institut national de l'audiovisuel, l'INA. La mémoire extraordinaire contenue dans les archives de l'ex-ORTF va disparaître, tout le monde le sait, si la numérisation n'est pas assurée dans l'urgence.
M. Henri Weber. C'est très juste !
M. Claude Belot, rapporteur spécial. C'est très important et il faut donner à l'INA les moyens d'agir.
Mme Danièle Pourtaud et M. Pierre Laffitte. C'est vrai !
M. Claude Belot, rapporteur spécial. J'en viens à Radio France internationale. RFI est une entreprise d'information qui porte la vision de la France sur le monde en de nombreux lieux. Il faut rappeler qu'elle fait l'objet d'une double tutelle et je regrette à cet égard l'absence du ministre des affaires étrangères. Je crois d'ailleurs que le fait d'avoir deux chefs revient à ne plus avoir de chef du tout. C'est également le sentiment du président de RFI. A la lumière de ce qui s'est passé récemment, je vais écrire à M. le Premier ministre afin qu'il clarifie cette situation. Sans vouloir vous disqualifier, monsieur le ministre, il faudrait que le véritable interlocuteur soit présent, or le ministère des affaires étrangères paie 57 % et estime qu'il a le droit de faire ce qu'il veut en dehors des frontières.
Nous pourrions également débattre sur le plan des principes : est-ce à celui qui paie la redevance de financer la politique internationale de la France ? C'est un vrai débat...
Mme Danièle Pourtaud. C'est une vraie question.
M. Claude Belot, rapporteur spécial. ... qu'il conviendrait de trancher une fois pour toutes afin de donner les moyens à RFI de fonctionner avec son style.
La future chaîne française d'information internationale me semble revêtir une importance considérable. Il faut savoir que notre pays consacre déjà de grands moyens à l'information internationale. Nous sommes l'un des actionnaires importants de TV5 et cette chaîne a réussi, au fil des dernières années, à s'implanter dans une grande partie du monde, même si elle rencontre quelquefois des difficultés à trouver des relais locaux de diffusion. Il est essentiel, du point de vue de l'honnêteté et de la citoyenneté, que des personnes complètement désinformées par CNN puissent connaître une vérité autre que « étasunienne ». J'ai pu m'en rendre compte à plusieurs reprises depuis un an dans différents pays. La situation internationale me semble légitimer encore plus la création de la chaîne internationale.
Nous sommes nombreux, dans cet hémicycle, à admettre le principe de cette chaîne. Certes, les modalités doivent être débattues. Il y a d'ailleurs un débat à l'Assemblée nationale, puisque deux groupes n'ont pas réussi à se mettre d'accord. La question n'est pas simple. Ainsi, TV5, Euronews, l'AFP, RFI composent un réseau dans le monde entier qui s'ajoute à celui de France Télévisions, de TF1, voire de M6. Par conséquent, les moyens de la France sont loin d'être négligeables. Un rapport récent de la Cour des comptes indique que leur niveau n'est pas très différent de celui de BBC World, mais qu'il convient de le rendre cohérent.
Monsieur le ministre, vous avez là une superbe mission. Si vous souhaitez avoir l'avis du Sénat, je sais que plusieurs d'entre nous seraient très heureux de vous aider dans cette réflexion. Il faut avancer dans ce domaine, et cela signifie aussi qu'il faut trouver les moyens de le faire.
J'ai dit au président de France Télévisions, Marc Tessier, qu'il ne devait pas se lancer seul dans cette aventure et qu'il lui fallait fédérer les autres acteurs du secteur public. Même si France Télévisions est l'acteur majeur, le fédérateur, il ne faut pas oublier tous ceux que je viens de citer. J'espère que Marc Tessier y parviendra ; les dotations qui lui sont accordées devraient lui permettre d'avancer dans ce projet, qui est très important non seulement pour l'audiovisuel lui-même, mais aussi pour le rôle de la France dans le monde, à un moment où la voix de la France est très écoutée dans de nombreux pays, comme nous avons tous eu l'occasion de le vérifier lors de nos déplacements.
Il reste à débattre, bien évidemment, des modalités pratiques. Vous avez certainement entendu parler, monsieur le ministre, de l'amendement que nous avons déposé à l'article 20 de ce projet de loi de finances. M. Louis de Broissia et moi-même, conjointement avec le président de la commission des affaires culturelles et plusieurs sénateurs de la commission des finances, Yann Gaillard, Yves Fréville et Adrien Gouteyron, avons voulu donner les moyens à l'audiovisuel public d'entreprendre ce projet. Nous avons été partiellement entendus. Je déposerai également un amendement sur ces crédits tout à l'heure.
Il faut que vous sachiez que le débat audiovisuel nous passionne. Il revient au Sénat de s'intéresser tranquillement à l'évolution du monde, particulièrement dans un domaine qui évolue très vite. Un monde est en train de naître. Il faudra que les crédits publics soient à la hauteur de cette évolution, de cette révolution, et de l'ambition de notre pays.
C'est la raison pour laquelle la commission des finances a souhaité que le Sénat soutienne votre budget, tant pour la presse que pour l'audiovisuel public. Elle estime en effet que vous êtes très à l'écoute des évolutions en cours et que vous essayez de vous battre - nous sommes alliés dans cette affaire - pour que les projets soient conduits à leur terme. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour la communication audiovisuelle et la presse écrite. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chaque année, comme l'a dit Claude Belot, sur ces sujets de la presse écrite et de la télévision, nous avons l'impression de jouer « la der des ders », l'année ultime, l'année des grandes révisions ! Pour la presse écrite française, monsieur le ministre, malheureusement, les années se suivent et se ressemblent. Depuis tant d'années que j'ai l'honneur de rapporter ce secteur d'activité économique, culturelle, d'échange, que ce soit au Sénat ou, précédemment, à l'Assemblée nationale, je constate non sans regret que ni la nature des difficultés rencontrées par les éditeurs ni la structure des aides allouées par l'Etat n'évoluent véritablement.
D'abord, la situation économique et financière des éditeurs est plus inquiétante que jamais. La récente démission d'un grand titre du syndicat de la presse parisienne - chacun d'entre nous s'en souvient - visait à souligner les grandes difficultés traversées par ce secteur. C'est pourquoi j'aimerais les évoquer brièvement devant vous, à la suite de M. le rapporteur spécial de la commission des finances.
On constate d'abord une diminution des recettes publicitaires. Comme en 2001, la presse a pâti de la morosité du marché publicitaire : la faiblesse de la croissance économique s'est mécaniquement répercutée, après la fin de la bulle Internet, sur les investissements réalisés par les annonceurs, qui ont diminué en moyenne de 3,4 %. Les temps heureux des bulles ont éclaté en attendant une reprise, qui viendra.
On note encore une baisse inquiétante de la diffusion payée des différents titres. Dans le rapport que je soumets au Sénat, d'après les chiffres qui ont été fournis par Diffusion Contrôle, seuls trois quotidiens nationaux, La Croix, Aujourd'hui en France et Le Monde, et un quotidien régional, La Dordogne libre, ont enregistré une diffusion en augmentation en 2002.
Enfin, la stagnation des recettes de vente et le maintien des coûts de fabrication et de distribution qui sont prohibitifs par rapport à ceux des autres pays constituent les autres difficultés. Si les recettes d'abonnement ont connu une progression remarquée, les recettes de vente au numéro poursuivent, en revanche, leur inexorable régression. Pour être plus précis, il faut remonter à 1997 pour voir de telles recettes évoluer positivement.
Cette situation, nous en sommes tous conscients au Sénat, met en lumière les relations ambiguës qu'entretiennent nos concitoyens avec leurs quotidiens - j'y reviendrai à propos de l'audiovisuel. D'après les sondages que nous réalisons régulièrement et qui concernent autant la fréquentation des médias que l'estime que nos concitoyens portent à leurs élus, il ressort que la presse est considérée comme l'outil d'information le plus fiable, mais ils ne se déplacent plus pour l'acheter ! C'est une réaction paradoxale.
La raison est très certainement liée à un prix de vente excessif, supérieur relativement au pouvoir d'achat des Français par rapport au pouvoir d'achat américain ou européen ; à l'existence d'offres alternatives jugées séduisantes, telles que les quotidiens gratuits d'information diffusés dans l'agglomération parisienne ou ailleurs ; à la baisse du nombre des points de vente, à laquelle notre collègue Danièle Pourtaud est sensible.
En tout cas, cette situation doit faire réagir au plus vite les éditeurs, mais aussi les pouvoirs publics qui entendent être garants du pluralisme de l'information écrite. Alors que les perspectives d'avenir pour la presse ne sont pas rassurantes, vous avez choisi, monsieur le ministre, de nous présenter un budget de reconduction pour les aides à la presse.
Mme Danièle Pourtaud. Eh oui !
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, d'après le tableau que j'ai tracé précédemment, je ne vous en blâme pas : votre budget diffère, dans son esprit en tout cas, des budgets qui nous étaient précédemment soumis à la même époque.
En effet, si les grandes masses budgétaires n'évoluent pas, des réflexions ont été engagées par vos services sur la plupart des dossiers sensibles, je tiens à le dire au nom de la commission des affaires culturelles. Je citerai, sans être exhaustif, les relations entre la presse et La Poste, sujet extrêmement délicat et récurrent, ou encore l'avenir de la subvention versée à la SNCF. Sur ces sujets, tout laisse espérer des évolutions prochaines. La mission Henri Paul sur La Poste est plutôt encourageante.
Par ailleurs, monsieur le ministre, votre volonté réaffirmée au congrès de la presse française à Bordeaux de lancer et, je l'espère, de faire aboutir un plan national - j'allais dire un plan Marshall puisqu'il s'agit de sauver la presse écrite - me paraît, dans le contexte actuel, fort bien inspirée. En effet, l'Etat doit, sans plus tarder, évaluer l'efficacité de l'ensemble des aides attribuées aux éditeurs et définir d'urgence une stratégie pluriannuelle pour un secteur en difficulté qui devra affronter, dès 2007, l'ouverture des secteurs interdits.
Monsieur le ministre, je vous le dis sans détour, il est temps que les choses changent et que les aides à la presse soient modernisées. Soyez persuadé que, dans cette tâche périlleuse mais éminemment nécessaire, vous pourrez compter sur le soutien de la commission des affaires culturelles que je suis chargé de représenter à cette tribune.
En attendant vos propositions, voici quelques remarques sur le dispositif existant, que j'espère critiquer ici pour la dernière fois, puisqu'une stratégie pluriannuelle nous sera proposée pour le projet de loi de finances pour 2005.
Je souhaiterais, en premier lieu, évoquer le fonds d'aide à l'expansion de la presse française à l'étranger. Si cet instrument important pour l'image de la France dans le monde a fait la preuve de son utilité, je tiens néanmoins à faire remarquer qu'un certain nombre de dysfonctionnements nuisent à son efficacité.
D'une part, il semble peu compréhensible que certains éditeurs puissent bénéficier à deux, voire à trois reprises de cette aide, en cumulant des crédits et des réductions tarifaires en tant qu'éditeurs individuels, clients des NMPP ou d'Unipresse. D'autre part, et surtout, l'étendue du champ géographique couvert par le fonds ne semble pas propice à la mise en place d'actions ciblées dont les effets sur l'exportation des différentes catégories de presse seraient rapidement et aisément identifiables : à vouloir aller partout, on fait mal !
Aussi, il conviendrait, par souci d'équité, de clarifier rapidement les modalités d'attribution de l'aide afin d'éviter un cumul qui pervertit l'esprit de ce mécanisme et provoque d'importantes disparités de traitement entre les différents éditeurs. Il serait également utile d'envisager la définition de zones prioritaires permettant de prévenir le saupoudrage d'une aide qui bénéficie pourtant de fonds conséquents.
J'ajouterai une remarque pour l'avenir : l'aide à la transmission par fac-similé fait également partie de ces dotations budgétaires désormais datées - je n'ai pas dit surannées - qu'il conviendrait de réformer : la délocalisation de l'impression des Echos dans quatre imprimeries de presse quotidienne régionale ainsi que la mise en route progressive, par le groupe Amaury, d'un réseau d'imprimeries extrêmement performant ont en effet profondément modifié les données qui justifiaient l'existence de cette aide.
Dans ces conditions, et à défaut d'avoir pu déterminer les modalités techniques et financières de l'indispensable modernisation du système d'impression décentralisée, il appartient désormais aux pouvoirs publics de rénover les modalités d'attribution de cette aide en tenant compte de ce mouvement de restructuration.
J'en viens maintenant au fonds de modernisation de la presse, alimenté par la taxe que nous continuons à appeler taxe « Le Guen », du nom de notre collègue de l'Assemblée nationale !
Mme Danièle Pourtaud. Excellente taxe !
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Je ne critique jamais les lois de la République, madame Pourtaud.
M. Jean Chérioux. Oui, c'est la différence avec vous ! (Rires sur les travées de l'UMP.)
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Si cet outil a fait naître beaucoup d'espérance lors de sa création, il me semble aujourd'hui susciter les convoitises et cristalliser les mécontentements du secteur.
Je me permettrai pourtant de rappeler à ses détracteurs que son bilan n'est pas négligeable.
Au titre de l'aide à la modernisation, le fonds a permis d'octroyer près de 85,6 millions d'euros de subventions et plus de 7 millions d'euros d'avances à la presse d'information politique et générale.
En outre, s'agissant de l'aide à la distribution des quotidiens nationaux, ce fonds a permis de financer le plan de modernisation des Nouvelles messageries de la presse parisienne, les NMPP, qui devrait d'ailleurs s'achever dans les semaines à venir par la filialisation de PDP, Paris Diffusion Presse.
Toutefois, monsieur le ministre, il vous appartient de répondre à un certain nombre d'interrogations récurrentes pour rendre à cet outil une légitimité de plus en plus contestée.
La première interrogation est liée au rendement du fonds. C'est non pas la première, mais la énième fois que je le dis. En effet, en dépit des efforts réalisés par les trésoriers-payeurs généraux, les recettes du compte d'affectation spéciale, estimées à 29 millions d'euros, restent toujours en deçà des estimations effectuées lors de la création du fonds. Dans ces conditions, monsieur le ministre, ce fonds atteindra-t-il un jour les 45 millions d'euros évoqués lors de sa création ? Il y a loin de l'estimation aux résultats enregistrés.
Je regretterai, à ce sujet, qu'en dépit des relances incessantes que vous avez effectuées le ministère des finances n'ait pas consenti à faire le moindre effort supplémentaire pour connaître les moyens susceptibles d'être mis en oeuvre afin d'améliorer le recouvrement de la taxe.
La deuxième interrogation a trait à l'utilisation des crédits du fonds. En effet, d'après vos services, que je remercie, près de 31,53 millions d'euros seraient actuellement inutilisés, ce qui représente une certaine somme. D'où ma question : que faire de cette somme ? A titre personnel, je déposerai un amendement visant à créer une aide à la distribution pour la presse quotidienne régionale, à l'instar de ce qui a été fait pour la presse quotidienne nationale. Mais ce n'est là qu'une piste de réflexion.
Quant aux aides indirectes, dont le montant restera stable en 2004, leur principal intérêt est lié au dossier de l'aide au transport postal de la presse.
A ce propos, je me félicite de la décision de reconduire la subvention attribuée à La Poste. Elle devrait permettre à la mission Paul de définir rapidement - dans les mois à venir - et en toute sérénité, le cadre des futures relations entre la presse et La Poste : 290 millions d'euros sont reconduits.
Quelles que soient les conclusions rendues par cette mission, chacun des protagonistes devra certainement consentir des efforts pour débloquer la situation : la presse devra subir une augmentation de ses tarifs, qui, faut-il le rappeler, restent parmi les plus bas d'Europe, tandis que La Poste devra proposer nécessairement un service irréprochable aux éditeurs, ce qui est encore loin d'être le cas, comme nous le vérifions département par département.
Enfin, j'évoquerai la situation de l'Agence France-presse, qui bénéficiera, en 2004, d'une augmentation de 3 % du montant des abonnements de l'Etat, ce dont nous nous félicitons, monsieur le ministre.
Sur ce sujet passionnel, je souhaiterais, monsieur le ministre, vous faire part de mon embarras quant à la situation juridique de l'agence. Il est en effet du devoir d'un parlementaire de souligner que l'AFP est, depuis deux ans, dans l'illégalité au regard de l'article 12 de ses statuts.
Pour pallier cette difficulté, j'avais proposé, voilà trois ans, de modifier cet article de la loi du 10 janvier 1957 - a la fin de la IVe République -, afin de permettre au conseil d'administration d'adopter, à titre exceptionnel, un budget en déséquilibre.
Vous avez pris une autre voie : la signature d'un contrat d'objectifs et de moyens, qui, à défaut de régler définitivement les problèmes posés par un statut devenu obsolète, a le mérite de fixer à l'agence des objectifs précis d'ici à 2007.
En dépit de la différence de nos méthodes, qui pourraient être concordantes, je tiens à saluer, monsieur le ministre, cette décision qui rompt avec une stratégie à « courte vue » menée jusqu'alors tant par l'Etat que par le conseil d'administration. Il convient néanmoins de rester vigilant sur l'évolution d'une agence qui, en dépit des difficultés, reste un atout majeur pour notre pays, puisqu'il s'agit de la troisième agence mondiale.
Pour conclure, je ne peux m'empêcher d'évoquer, une nouvelle fois, le sujet de la presse à l'école. je sais, monsieur le ministre, que ce sujet vous tient à coeur. J'ai noté avec intérêt les propositions que vous avez formulées en cours d'année, mais qui, de manière inexpliquée, sont restées sans suite. Aussi, je me permets de vous le demander à nouveau : alors que les jeunes Français sont ceux qui lisent le moins de journaux en Europe, à quand un geste fort en leur direction, à quand la création, que je réclame, d'un fonds de concours abondé conjointement par l'Etat, les collectivités et les éditeurs, qui permettrait de financer l'abonnement des classes à un ou plusieurs quotidiens pendant l'année scolaire ? Nos voisins belges se sont ralliés à cette idée cette année. Pourquoi pas nous ?
En dépit de ces observations, ou parallèlement à ces observations, que je souhaite constructives, la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la presse pour 2004.
En ce qui concerne l'audiovisuel, je serai plus bref, mais je citerai aussi quelques chiffres.
Le budget de l'audiovisuel public, avec 3,439 milliards d'euros - donc près de 22 milliards de francs -, c'est-à-dire plus que le budget des affaires culturelles que nous avons voté précédemment et avec une augmentation des ressources de 3,6 % en 2004, se présente sous d'heureux auspices - il faut le saluer comme tel - sur le plan budgétaire. Ce budget enregistre également une augmentation de 3 % des ressources publiques par la redevance versée aux organismes publics, radio et télévision, et une hausse de 5,6 % de leurs propres ressources, en particulier l'augmentation de la publicité et du parrainage.
Toutefois, monsieur le ministre, en dépit de nos efforts conjoints - commission des finances, commission des affaires culturelles et ministères - sur la première partie de la loi de finances, il demeure que, quels que soient les amendements qui ont été adoptés pour améliorer la perception possible de la redevance, une certaine incertitude règne - et je parle de façon très voilée - qui, quoi que l'on dise des nouvelles dispositions de la LOLF, inquiète légitimement des parlementaires, ici nécessairement avisés : pas trop de moyens, mais suffisamment de moyens.
Je n'ai pas d'inquiétude pour France Télévisions, je le dis très clairement. Siégeant à son conseil d'administration en ma qualité de sénateur, avec d'autres ici présents, je constate que les reports de l'exercice 2003, en particulier le bonus publicitaire enregistré à la fin du mois de septembre, devraient permettre d'aborder sereinement l'année 2004 et même d'assurer l'autofinancement des investissements.
En revanche, j'éprouve des inquiétudes s'agissant de Arte. Je rappelle - le président de cette chaîne franco-allemande l'a répété - que nous devons respecter l'accord signé entre la France et l'Allemagne ; nous ne pouvons pas le remettre en cause à l'occasion d'une discussion budgétaire.
J'exprime les mêmes inquiétudes à propos de RFI, car l'augmentation prévue de 1,7 % ne permet pas, me semble-t-il, de couvrir le défi de la mondialisation à l'heure de l'américanisation de l'information.
J'en dirai autant pour le financement de la chaîne d'information internationale, dont mon collègue et ami Claude Belot a excellemment parlé, et que nous soutenons de tous nos voeux. Toutefois, il nous faudra trouver, dès 2004, des inscriptions budgétaires pour la chaîne publique qui sera associée à ce projet. Les trouverons-nous ? J'ai quelque doute à cet égard.
J'exprime également quelques inquiétudes sur l'INA. L'augmentation de 1,5 % ne permettra pas d'accélérer la sauvegarde du patrimoine télévisuel, qui est extrêmement fragile et qui n'a pas été doté suffisamment dans les années passées, mes chers collègues de l'opposition.
Mme Danièle Pourtaud. C'est nous qui avons initié cette sauvegarde !
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Il en va de même pour l'intégration de RFO dans France Télévisions, dont je salue l'arrivée, mais pour laquelle aucun moyen budgétaire prévu n'a été inscrit dans le projet de loi de finances pour 2004.
Mais je souhaiterais, mes chers collègues, que nous abordions la question de la redevance, car c'est la première année que nous la votons. Monsieur le ministre, nous avons, au Gouvernement comme au Parlement, deux obligations, que je croyais satisfaites, à remplir : la première, c'est la réhabilitation de la redevance ; la seconde, c'est la définition, encore et toujours, du rôle de l'audiovisuel public.
S'agissant de la réhabilitation de la redevance, un débat a eu lieu à ce sujet, mardi, dans cet hémicycle. On ne peut pas dire que plaider pour la redevance a été chose facile sur l'ensemble des travées.
M. Jean Chérioux. Tout est relatif !
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Je m'efforcerai donc d'être un avocat aussi honnête que possible, à défaut d'être talentueux. Les Français comprennent bien les raisons d'une redevance sur les ordures ménagères, tant son utilité est évidente pour un canton ou une communauté d'agglomération.
M. Ivan Renar. Quelle comparaison avec la télévision !
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Je fais référence au mot « redevance » ! Les Français comprenaient, cher Ivan Renar, l'utilité de la vignette automobile, qui était une redevance « droit d'usage ». Et je tiens à saluer sa suppression inopinée, par Laurent Fabius, alors qu'elle était attribuée aux départements. Mais ils ne comprennent toujours pas à quoi sert la redevance audiovisuelle. J'en ai fait le test l'autre jour au Sénat, où l'on est censé trouver les représentants les plus éclairés de la nation française.
Monsieur le ministre, en 2004, il faudra que vous preniez l'initiative, avec le ministre du budget - je vous le demande très solennellement -, de lancer une mission pour la modernisation de cette redevance. M. Belot et moi-même faisons des suggestions en ce sens depuis plusieurs années dans nos rapports.
Mme Danièle Pourtaud. Et quelques autres !
M. Louis de Broissia, rapporteur spécial. Chaque chaîne de télévision publique comme chaque radio publique devra - il faudrait l'inscrire comme une obligation dans son contrat d'objectifs et de moyens - expliquer l'utilité de la redevance audiovisuelle aux téléspectateurs et aux auditeurs. Pour le moment, seule France 5 en a pris l'initiative. Toutes les radios et toutes les télévisions devront donner des informations sur leurs moyens d'existence.
Nous devrons aussi, et ensemble, hors toute démagogie, que le Sénat bannit habituellement - pas toujours ! - réconcilier les Français avec la redevance !
M. Jean Chérioux. Surtout avec leur télévision !
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Je vais y venir. C'est la deuxième partie de mon intervention, monsieur Chérioux, n'anticipez pas !
La redevance audiovisuelle ne frappe pas les personnes les plus modestes ou les plus âgées, puisque des exonérations sont prévues. Elle doit donc être payée par tous les autres. Je rappelle que la fraude à la résidence principale se situe entre 6 % et 7 % et la fraude à la résidence secondaire, à hauteur de 65 %. Il faudra donc proposer, dans le projet de loi de finances pour 2005, un système attractif et libératoire, pour la résidence principale comme pour la résidence secondaire. La commission des affaires culturelles vous fera des propositions à cet égard.
Il faudra également dire à nos concitoyens que la France, qui, sur les quinze pays d'Europe, est l'un des dix à utiliser la redevance, se situe au troisième rang des nations qui ont la plus faible redevance, après l'Italie et l'Irlande. Par conséquent, sept autres pays pratiquent des taux de redevance beaucoup plus élevés.
Il faudra encore dire à nos concitoyens que, sur trois ans - 2002, 2003, 2004 -, la redevance restera au même niveau - 116,50 euros -, c'est-à-dire que son pouvoir économique diminuera.
Enfin, il faudra leur dire que des contraintes fortes pèsent légitimement - telle est la volonté du législateur - sur l'audiovisuel public : obligation de production, grilles de programmes, présence un peu partout.
Il faut également, cher monsieur Chérioux...
M. Jean Chérioux. Je suis très flatté que vous vous adressiez à moi !
Mme Danièle Pourtaud. Vous avez du succès dans votre camp !
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. C'est parce que vous êtes le plus difficile à convaincre, monsieur Chérioux !
Il faut, dis-je, redéfinir, encore et toujours, le rôle de l'audiovisuel public.
Premièrement, l'audiovisuel public doit remplir une mission spécifique. Il ne doit pas se transformer en télé-racolage, en télé-facilité, en télé-réalité, selon l'expression qui veut dire « télé-bidonnage » : il doit être une télé-vérité.
M. Jean Chérioux. Objective !
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. France 2, France 3, Arte et France 5 ne s'expriment pas comme TF1 ou M 6.
M. Ivan Renar. C'est vrai !
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Deuxièmement, les salariés de l'audiovisuel public doivent être exemplaires dans leur comportement, dans la gestion de l'argent public qui leur est confié et dans l'application des règles, y compris le recoupement de l'information qui s'impose à tout journaliste.
Troisièmement, l'audiovisuel public doit être, parce que c'est sa mission, une chaîne du documentaire et une chaîne du débat public. Cent minutes pour convaincre : France 2 ! France Europe express : France 3 ! Ce genre de débats a lieu uniquement sur une chaîne publique.
Quatrièmement, contrairement à ce qui se dit ici ou ailleurs, dans une autre enceinte, l'audiovisuel public n'est pas le bateau ivre qui dépense à tout va, et que d'aucuns décrivent avec une certaine complaisance ; ce fut notamment le cas au Sénat, à l'occasion de la discussion de la première partie de la loi de finances. Le contrat d'objectifs et de moyens que le Gouvernement a conclu avec chacune des chaînes leur impose de réaliser des économies, et elles le respectent.
Cinquièmement, la télévision publique ne sera jamais notre reflet. Elle doit être le reflet d'une société qui est dérangeante, atomisée, écartelée. Elle doit être engagée dans la société. Elle doit être - je l'ai dit au président de France Télévisions - positive, et non pas simplement sensationnelle. Elle ne doit pas non plus être la propriété des journalistes ou d'une classe médiatico-politique.
M. Jean Chérioux. Cela changerait un peu !
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Sixièmement - et ce sera ma dernière remarque - l'actionnaire-téléspectateur, car l'actionnaire est forcément téléspectateur - c'est le contribuable ! - doit être mieux écouté et mieux compris. A cet égard, monsieur le ministre, je salue l'initiative qui a été prise par France Télévisions d'écarter la simple règle de l'audimat, le comptage, pour passer à l'analyse qualitative de la satisfaction des téléspectateurs.
Tout cela, mes chers collègues, est prévu dans le contrat d'objectifs et de moyens que le Gouvernement signe avec chaque chaîne. Monsieur le ministre, je vous sais attentif à l'observation de ce contrat en ce qui concerne non seulement les chiffres, mais aussi la qualité.
En conclusion, pour l'audiovisuel public comme pour la presse, l'année 2004 sera une année de véritable stabilisation. Mais, de 2004 à 2007, nous devrons, les uns et les autres, ouvrir les yeux, en particulier s'agissant de la télévision publique.
L'Europe arrive, non pas l'Europe des Quinze, mais l'Europe des Vingt-Cinq. La culture de ces nouveaux membres fait partie de nos racines européennes. Le numérique arrive aussi, avec ses investissements, qui seront lourds, mais obligatoires. Enfin, la compétition mondiale de la production cinématographique et audiovisuelle est déjà en cours.
Toutes ces considérations me conduisent à vous dire, monsieur le ministre, que, face à tous ces défis, votre budget a été jugé bon par la commission des affaires culturelles, qui l'a approuvé à ma demande.
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire : 31 minutes ;
Groupe socialiste : 16 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 5 minutres ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 5 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 5 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Pierre Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le ministre, présentant le budget de la culture, vous avez évoqué à juste titre les trois piliers de votre action : le patrimoine, la création et la diffusion, donc la démocratisation.
Pour ma part, à l'occasion de déplacements à l'étranger pour différents congrès, j'ai pu constater les progrès rapides de la numérisation du patrimoine, non seulement en Europe - parfois sous des formes très élaborées comme le 3D, notamment en Italie -, mais aussi dans les pays en émergence.
Numérisation et développement de l'Internet grand débit vous concernent au double titre de la culture et de la communication, monsieur le ministre.
Je centrerai mon propos sur les effets de la forte croissance de l'usage de l'Internet pour les produits culturels, la création multimédia et la télévision sur l'Internet.
Inéluctablement, à mon sens, cette dernière va accroître son rôle et sa part dans la diffusion culturelle, sans jamais supplanter, bien sûr, les contacts directs, la presse ou les médias en général.
Je le répète depuis plus de trois ans, la télévision numérique terrestre n'a, pour moi, qu'un avenir limité, et ce surtout dans les zones urbaines denses. Des investissements considérables seraient nécessaires pour couvrir plus de 30 % du territoire et seraient, en fait, plus onéreux que ceux qui sont nécessaires pour développer l'accès à l'Internet grand débit par des voies les plus diverses : réseaux de fibres le long des voies ou le long des lignes électriques, satellites, antennes bidirectionnelles, qui coûtent de moins en moins cher, courants porteurs et Wi-Fi. Toutes ces solutions variées permettront aux zones encore peu peuplées, qui sont tout de même l'une des richesses potentielles du territoire français, de devenir des sites d'accueil de téléservices et de télétravail. Il y a là toute une évolution qui, au fil des ans, va probablement changer la donne.
Il est essentiel, à mon sens, de créer de multiples services et de multiples produits pour alimenter les télévisions de proximité à caractère numérique, mais aussi offrir une offre diversifiée de services destinés à être distribués à partir de la télévision par l'Internet.
A cet égard, les DRAC, notamment, pourraient utilement participer à l'organisation, par exemple, de concours, d'abord locaux, puis primés à l'échelon national. Les services et les produits primés seront très divers, mais, en général, se caractériseront par un contenu culturel fort, qu'il s'agisse d'aspects de la recherche scientifique au quotidien - aujourd'hui totalement inconnue de nos concitoyens -, ou de l'innovation créatrice d'emploi ; qu'il s'agisse des trésors architecturaux d'un département ou d'une région ou de la découverte de sites naturels peu connus ou encore d'un patrimoine culturel local ; qu'il s'agisse d'événements artistiques et de toute une kyrielle d'autres services touchant soit à la sécurité, soit à la santé, soit au patrimoine gastronomique, entre autres.
Je ne doute pas qu'il y ait là un champ possible ouvert aux jeunes entreprises innovantes, qui disposent dorénavant d'un statut fiscal et social intéressant et de l'appui eventuel de la loi relative aux fondations que vous avez fait voter. Je salue ces multiples petites entreprises auxquelles je fais confiance pour innover rapidement et avec flexibilité dans ce secteur.
Pour soutenir l'INA dans sa tâche de numérisation des films, il conviendrait peut-être de trouver une clé de répartition de la redevance qui lui soit plus favorable, de façon que puisse être mieux protégé le patrimoine menacé, comme, bien entendu, tous les trésors accumulés par France 5 et par Arte, de même que certaines réalisations de France 3 et de France 2. Cela permettrait de développer la dimension culturelle dans la communication, dimension que, contrairement à ce que pensent les gens de l'audimat, le public recherche fortement, notamment dans ce type d'émission.
Nous avons constaté, par exemple, à l'occasion d'une étude sur l'intérêt des Français pour la culture scientifique et technique, que nos compatriotes déplorent le peu de programmation d'émissions scientifiques ou techniques. Il y a donc là une attente à satisfaire grâce, notamment, à la télévision de proximité qui, susceptible de se développer un peu partout avec des moyens de moins en moins onéreux, peut offrir des programmes de toute manière plus intéressants que la téléréalité.
Je le repète, la télévision Internet locale sera, à mon sens, extrêmement culturelle, innovante dans ses contenus et intéressante non seulement par sa proximité avec les téléspectateurs, mais aussi pour l'ensemble du monde, puisque l'Internet assure, par définition, une diffusion mondiale, notamment en direction des millions d'internautes francophones répartis dans le monde.
Je crois aux compétences imaginatives des jeunes entreprises innovantes, et je pense que le secteur multimédia interactif sur l'Internet devra constituer l'une des priorités de votre ministère, tant au niveau de l'administration centrale qu'à celui des DRAC.
D'ores et déjà, il s'agit d'une diffusion très large, puisque les points d'accès publics se multiplient, en même temps que les accès privés se développent, eux aussi, très vite.
C'est sans doute pour les territoires les moins denses de la France une chance considérable. L'expérience des investisseurs étrangers, qui achètent de nombreuses résidences dans les zones peu peuplées de notre territoire, prouve que cela conduira certainement au développement et à la croissance de notre pays. Sans compter que le développement des contenus destinés aux programmes de ces nouvelles formes de diffusion permettra de donner plus de travail aux intermittents du spectacle, de sorte qu'ils seront moins intermittents, ce que, je pense, nous souhaitons tous.
Pour conclure, monsieur le ministre, je précise que la majorité de notre groupe votera votre budget. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Danièle Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. « Le foisonnement de nouvelles chaînes et de réseaux va multiplier par cent en dix ans le besoin de programmations et donc la nécessité de les financer. Qui d'autre que la publicité y pourvoira ? L'avenir, c'est que les annonceurs s'instaurent copartenaires des programmes. C'est pour moi l'aboutissement de tous mes rêves. » Vous vous en doutez, monsieur le président, mes chers collègues, monsieur le ministre, ce n'est pas moi qui parle ; ce n'est pas non plus un extrait de vos discours, je vous rassure. C'est la vision de Jacques Séguéla, dans un ouvrage paru en 1996. Malheureusement, de tels propos conservent aujourd'hui, me semble-t-il, toute leur actualité.
Dès la rentrée parlementaire, la rumeur circulait. Vous envisagiez, monsieur le ministre, disait-on, de revenir sur la loi d'août 2000 et d'allonger la durée des écrans publicitaires de huit à douze minutes par heure sur les chaînes publiques. Evidemment, TF1 et M6 vous demandent une compensation : on parle de porter de douze à quinze minutes le plafond des écrans publicitaires, voire de la double coupure publicitaire. Voilà qui déséquilibrera encore un peu plus le rapport des moyens financiers entre le secteur privé et le secteur public. Mais, surtout, ce sont les téléspectateurs qui en feront doublement les frais : outre l'inconfort des tunnels de publicité, personne n'ignore plus que l'augmentation du nombre de spots publicitaires par heure suscite des impératifs d'audience, avec un impact négatif sur les programmes.
Et le rêve, ou le cauchemard, de Jacques Séguéla deviendrait réalité.
Il semble que vous ayez renoncé à ce beau projet pour 2004, mais votre budget est un bien mauvais présage. Nous attendons avec effroi le cavalier législatif qui viendra entériner vos intentions !
Vous nous annoncez une hausse de 3 % des crédits des entreprises publiques par rapport à 2003, promesse que vous n'êtes plus en mesure de tenir aujourd'hui. Vous avez, en effet, construit votre budget sur l'hypothèse que la redevance produirait 3 % de ressources supplémentaires. L'idée, plutôt bonne, était de débusquer les 500 000 fraudeurs au titre de cette taxe parafiscale devenue impôt, mais la commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, puis l'Assemblée nationale ont rejeté la méthode. Il était, en effet, inacceptable de croiser les fichiers des abonnés de la télévision payante avec ceux des services de la redevance.
Avant-hier, le Sénat a essayé, pendant un long moment, de « bricoler » une solution autour d'un amendement du Gouvernement étendant aux vendeurs et loueurs de décodeurs les obligations de déclaration d'identité de leurs clients. Mais ce système, comme l'a très bien démontré mon collègue et ami Michel Charasse, souffre des mêmes faiblesses que celui qui est en vigueur pour les vendeurs de télévisions, et l'on peut craindre des effets limités sur la fraude.
Aujourd'hui, votre budget n'est donc pas financé. Mais le pire, si je puis dire, ce sont 17 millions d'euros en moins sur des crédits déjà totalement insuffisants pour garantir un service public fort.
J'en soulignerai brièvement les faiblesses.
D'abord, pour la deuxième année consécutive, le montant des crédits alloués à France Télévisions est en deçà des engagements pris par l'Etat pour les contrats d'objectifs et de moyens. Les chaînes publiques se sont lancées dans un plan d'économies et, comme vous le dites vous-même, font des efforts pour mieux gérer. Le président de France Télévisions, Marc Tessier, nous a indiqué en commission que le groupe avait déjà réalisé 24 millions d'euros d'économies. Permettez-moi néanmoins de m'interroger sur une telle stratégie, au moment où le service public doit faire face au défi du lancement de la télévision numérique terrestre et de la nouvelle chaîne d'information internationale.
Par ailleurs, un plan d'économies est-il vraiment compatible avec la résorption de l'emploi précaire à laquelle vous vous êtes engagé ? Faut-il rappeler que les effectifs de France 2 comportent 20 % d'intermittents et ceux de France 3, 30 % ? Monsieur le ministre, nous sommes donc légitimement très inquiets pour l'avenir du service public.
Pour en revenir à la télévision numérique terrestre, projet toujours différé, elle semble de plus en plus aléatoire. Le président de TF1 ne cache plus sa préférence pour l'ADSL. Le groupe Canal Plus ne veut plus prendre le risque d'être distributeur, sauf pour commercialiser ses propres programmes.
Quant au service public, qui aurait pu jouer un rôle moteur, vous lui avez coupé les ailes dès l'année dernière et sapé toute possibilité d'un projet ambitieux. Les 150 millions d'euros promis pour développer l'offre de nouvelles chaînes publiques pour la TNT ont été annulés et réinjectés dans le budget global. Le groupe devra donc se contenter de reprendre sur le hertzien numérique des chaînes thématiques déjà existantes, comme les chaînes Festival ou Histoire.
Si j'en crois vos récents propos, monsieur le ministre, le service public devra se contenter d'un seul multiplexe. Il n'y a plus guère aujourd'hui que le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel pour faire preuve d'optimisme, en comptant sur 40 % d'abonnés pour la télévision numérique terrestre à la fin de l'année 2004. Le président de Télédiffusion de France promet, quant à lui, que 35 % de la population seront couverts d'ici à la fin 2004, si la décision de lancement est prise clairement avant la fin de l'année 2003. Peut-être nous direz-vous, monsieur le ministre, si vous donnerez ce signe clair qu'attendent les professionnels.
Quant à la chaîne d'information internationale, l'alliance de France Télévisions et de TF1, groupe privé, est pour le moins un étrange attelage. Pour réaliser le rêve chiraquien d'une CNN à la française, le Gouvernement a choisi de faire un cadeau de plus à TF1, sur fonds publics. Est-il juste que de l'argent issu de la redevance puisse être utilisé pour financer une chaîne qui ne sera même pas retransmise sur le sol français ? J'ai cru comprendre à l'instant que M. le rapporteur pour avis se posait à peu près les mêmes questions concernant Radio France Internationale.
Toujours est-il que le projet, sous-estimé à 70 millions d'euros, n'est pas du tout financé en 2004, année pourtant annoncée comme celle de son lancement.
Renforcer la formation sur TV5, chaîne financée par le ministère des affaires étrangères, qui contribue, par la qualité, unanimement saluée ici, de ses programmes au rayonnement de la France et de la francophonie dans le monde, me paraissait personnellement une bien meilleure solution.
Finalement, vous semblez avoir renoncé à trouver une ressource pérenne pour le service public. En tout cas, vous vous êtes résigné bien vite au statu quo concernant une éventuelle hausse de la redevance, alors que son montant est presque deux fois supérieur en Grande-Bretagne ou en Allemagne.
Vous vous contentez d'annoncer une augmentation de 4 % des crédits en faveur des programmes, alors que, nous le savons bien, des productions de qualité nécessitent des moyens nettement supérieurs.
Par ailleurs, vient d'être publié le décret sur l'ouverture des secteurs interdits de publicité à la télévision, la distribution et la presse. S'il est intéressant que la manne publicitaire supplémentaire profite aux chaînes locales du câble et du satellite dès 2004, je regrette qu'aucune priorité n'ait été prévue pour les chaînes locales de la télévision numérique terrestre, qui seront ou qui auraient pu être le vrai « plus » pour nos concitoyens qui attendent des programmes locaux. Je partage le sentiment de M. le rapporteur spécial sur ce sujet.
M. Claude Belot, rapporteur spécial. Très bien !
Mme Danièle Pourtaud. Sans financement, nous savons bien que l'économie des chaînes locales est précaire.
Je continue à penser, comme je le disais l'année dernière, que l'ouverture du secteur à la distribution, prévue en 2007, pour les chaînes hertziennes analogiques, devrait au contraire être réservée aux nouvelles chaînes locales hertziennes numériques, et ce de manière progressive pour ne pas déstabiliser la presse quotidienne régionale et les radios généralistes.
M. Claude Belot, rapporteur spécial. Très juste !
Mme Danièle Pourtaud. Pourriez-vous nous préciser, monsieur le ministre, quelle réglementation en la matière s'appliquera aux chaînes numériques terrestres ?
Je ne saurais conclure sans évoquer les graves problèmes de la préservation de nos archives audiovisuelles à l'institut national de l'audiovisuel. Malgré les efforts méritoires de l'équipe de direction pour faire des économies de gestion et dégager des marges de manoeuvre, l'INA ne peut, sur son budget ordinaire, faire face à l'urgence de la situation. Il resterait plus de 700 000 heures d'archives à sauvegarder à très court terme ; seulement 100 000 ont été numérisées aujourd'hui. Or il manquerait plus de la moitié des 150 millions d'euros nécessaires d'ici à 2015.
Pouvez-vous, là encore, monsieur le ministre, nous dire si vous donnerez les moyens à l'INA d'accomplir cette tâche d'intérêt national essentielle pour notre mémoire ?
J'avais prévu de dire deux mots des aides à la presse, mais j'y reviendrai tout à l'heure.
Affaiblissement du service public, incertitude sur la télévision numérique terrestre, réforme de la redevance sans cesse reportée, absence de stratégie claire pour l'audiovisuel extérieur, crédits insuffisants pour la numérisation de nos archives radio et audiovisuelles, sacrifice des aides à la presse, toutes ces inquiétudes, qui semblent, d'ailleurs, partagées par nos deux rapporteurs, nous amènent, nous, groupe socialiste, beaucoup plus logiquement, à voter contre ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la communication, bien que réduit par les députés, progresse cette année de 2,34 %.
Attachés au développement d'un secteur public de l'audiovisuel fort, nous souscrivons pleinement à votre volonté de le dynamiser, monsieur le ministre.
Les sociétés de l'audiovisuel public ont une réelle mission de service public. L'accroissement de leurs ressources contribue ainsi à améliorer leur efficacité et leur permet de remplir pleinement leur mission. A l'heure où la télévision a pris une place prépondérante dans les foyers, à une époque où la transmission du savoir ne se fait plus guère par les livres, la télévision publique a un rôle majeur à jouer en termes de transmission de la culture.
Ainsi, les ressources allouées à France Télévisions comme à Arte France augmentent de 2,3 %. Radio France bénéficie de 2,9 % de crédits supplémentaires, tandis que les ressources publiques allouées à RFO augmentent de 1,8 %.
Nous aurions pu nous réjouir davantage si les députés n'avaient pas modifié l'article 20 du projet de loi, amputant, par voie de conséquence, les différentes sociétés d'une partie des ressources qui leur étaient attribuées.
Le système proposé par le Gouvernement pour améliorer le recouvrement de la redevance n'était certes pas totalement satisfaisant, notamment parce qu'il prévoyait l'exploitation des fichiers des abonnées au câble et au satellite, mais la suppression du projet gouvernemental de lutte contre les fraudes prive l'audiovisuel public d'une part non négligeable de financement. Cette suppression est d'autant plus regrettable que les programmes et objectifs de l'audiovisuel public sont fondamentaux pour les années à venir.
Mme Danièle Pourtaud. Eh oui !
Mme Anne-Marie Payet. Notre Haute Assemblée a modifié ce même article 20 afin d'étendre l'obligation de déclaration qui s'impose en cas de vente d'un appareil récepteur de télévision à toute opération de mise à disposition d'un décodeur donnant accès à un service payant de télévision. Cette mesure entraînera un surcroît de recettes pour l'audiovisuel public estimé à 7,84 millions d'euros.
Deux amendements, l'un proposé par notre collègue Claude Belot, l'autre par le Gouvernement, permettront soit d'augmenter les ressources de l'Institut national de l'audiovisuel, de l'action internationale de RFI et de la chaîne française internationale, soit d'augmenter l'ensemble des ressources, à l'exception de celles de France Télévisions.
A titre personnel, j'indiquerai seulement que l'amendement du Gouvernement a l'avantage de rapprocher les crédits affectés aux différents organismes de ceux qui étaient présentés dans le projet de loi initial.
Avec cette nouvelle modification de l'article 20, il manquera toujours quelque 8 millions d'euros par rapport au budget initial, mais je salue néanmoins l'initiative.
Le temps est venu d'entreprendre une véritable réflexion en collaboration avec tous les acteurs du secteur audiovisuel public, ainsi qu'avec les parlementaires. Notre collègue Louis de Broissia fait très justement remarquer que « en dépit de l'absence de consultation des parlementaires à ce sujet, les esprits paraissent pourtant "mûrs" pour discuter des modalités de mise en oeuvre d'un éventuel adossement du recouvrement de la redevance à celui de la taxe d'habitation ».
Le temps qui m'est imparti étant particulièrement restreint, je ne pourrai qu'évoquer devant vous d'autres sujets majeurs, comme l'accessibilité des programmes du service public aux sourds et malentendants, le soutien à l'accélération de la numérisation des archives de l'INA, ou encore la prise en compte des nouveaux défis de la radio.
J'aborderai seulement devant vous de façon un peu plus détaillée un sujet qui m'est cher, RFO.
Monsieur le ministre, la réforme de RFO étant devenue indispensable, son adossement à France Télévisions me semble une bonne chose.
RFO ne remplissait plus les missions de service public qui lui étaient attribuées, notamment en matière de proximité. Le principe de continuité territoriale et le désenclavement des départements d'outre-mer nous tiennent tout particulièrement à coeur. Cela passe nécessairement par un enracinement beaucoup plus important des antennes locales de RFO dans l'ensemble de l'outre-mer.
Je suis d'accord avec les propositions de notre collègue député Bertho Audifax ayant pour objet de « créer un conseil d'administration local de RFO pour assurer l'équilibre et l'indépendance de la chaîne localement, ainsi que d'assurer la représentation de RFO au sein du conseil d'administration de la holding ».
Les émissions à visée socio-éducative, adaptées au contexte local et destinées à informer les jeunes le plus tôt possible, doivent recouvrer une place plus importante.
Je souhaite que les associations, qui sont sur le terrain, puissent participer beaucoup plus activement aux émissions des stations locales. A la Réunion, certaines d'entre elles pourraient avoir un rôle de conseil et de prévention très important pour de nombreux citoyens. Ces programmes devraient être diffusés à des horaires intéressants.
L'adossement de RFO à France Télévisions doit avoir des effets bénéfiques sur la productivité, l'organisation et, surtout, sur la qualité des programmes. Il est indispensable que RFO profite des moyens technologiques et de l'aura de France Télévisions pour mieux faire connaître les territoires d'outre-mer aux métropolitains et inversement. Ainsi, RFO sera plus compétitive pour faire face à la concurrence internationale.
Monsieur le ministre, vous avez mené avec Mme Girardin, ministre de l'outre-mer, une large consultation du personnel de RFO et des parlementaires, ce dont je vous remercie.
Pour conclure, je tenais à vous faire part du soutien du groupe de l'Union centriste au projet de budget que vous nous présentez ce soir.
M. le président. La parole est à M. Louis de Broissia.
Mme Danièle Pourtaud. Il s'est déjà exprimé !
M. Henri Weber. Mais oui !
M. le président. C'est le rapporteur pour avis qui s'est exprimé tout à l'heure et c'est à présent le sénateur Louis de Broissia qui intervient dans le cadre du temps imparti à son groupe.
M. Louis de Broissia. Je n'en abuserai pas, monsieur le président.
Je m'exprime en effet au nom du groupe de l'UMP et, en particulier, de notre excellent collègue Michel Pelchat, pour lequel j'ai une pensée émue ; je vais tenter de mettre autant de chaleur dans cette intervention qu'il en met habituellement dans les siennes.
M. Henri Weber. C'est en effet toujours un plaisir de l'entendre.
M. Louis de Broissia. Les engagements contractuels qui ont été pris par l'Etat avec les entreprises audiovisuelles publiques en termes d'objectifs et de moyens sont respectés. Le respect de la parole donnée montre bien que le Gouvernement, votre ministère en particulier, a le souci, dans une situation de concurrence particulièrement aiguë entre le public et le privé et entre les médias en général, de tenir compte du rôle irremplaçable de l'audiovisuel public.
Je me réjouis, monsieur le ministre, que le Gouvernement ait demandé par priorité aux entreprises publiques de l'audiovisuel de dégager en interne des ressources grâce à une meilleure gestion et à une meilleure productivité. C'est un discours que, les uns et les autres, nous ne tenions pas assez et que nous avons dorénavant l'habitude de tenir.
Pour ce qui concerne les crédits allouées par l'Etat à l'audiovisuel public, je pense effectivement que, s'agissant de la redevance, votre politique de lutte contre la fraude est une politique juste et nécessaire ; nous l'avons déjà dit et d'autres le diront encore après moi.
A priori, monsieur le ministre, je vous rappelle, au nom du groupe UMP, mais aussi au nom d'un de nos collègues qui aurait aimé s'exprimer ici, que nous proposons l'adossement de la redevance à la taxe d'habitation.
Pour ma part, je proposerai aussi que les assujettis à la taxe d'habitation qui déclareront sur l'honneur ne pas détenir un récepteur de télévision soient exonérés de la redevance. Nous devons en effet faire confiance au civisme de nos concitoyens. Il faut simplifier la gestion de la fraude, mais il faut aussi ajouter une dimension pédagogique, comme nous l'avons déjà souligné, à la lutte contre la fraude.
Il est intéressant de noter, mes chers collègues, que le coût de la fraude est évalué à 500 millions d'euros par an. C'est donc une somme assez considérable. Au 30 septembre 2003, le nombre des comptes gérés par les services de la redevance était - c'est un chiffre que la Haute Assemblée doit connaître - de près de 23 millions, exonérations comprises, alors que le nombre de foyers recensés par l'INSEE en France est de 29 millions. Entre ces 23 millions et ces 29 millions gît une marge de fraude probable qu'il nous faudra supprimer un jour. C'est un premier point.
Deuxième point, de façon récurrente certains avancent l'idée que le montant de la redevance est bien suffisant et que son coût de perception est exorbitant, ce qui les amène à soulever la question de sa suppression.
A l'Assemblée nationale, le groupe communiste et le groupe socialiste ont d'ailleurs proposé des amendements de suppression de la redevance. Le groupe UMP ne s'inscrit pas dans cette logique.
Mme Danièle Pourtaud. Le groupe socialiste non plus !
M. Louis de Broissia. La comparaison que nous pouvons faire avec nos voisins européens est très claire : 195 euros en Allemagne, 180 euros en Angleterre, 116,50 euros seulement en France.
Le Sénat ne s'est pas engagé dans la voie de la réévaluation de la redevance, je le note au passage.
Il faut également avoir conscience, chers collègues qui avez des doutes, que le budget de l'audiovisuel public est deux fois supérieur à celui de la France en Grande-Bretagne et trois fois supérieur en Allemagne. Ces comparaisons sont éloquentes.
Troisième point, il y a un réel déficit de communication pédagogique sur la redevance. Nous pensons que les citoyens doivent être beaucoup mieux informés sur le rôle et sur l'utilité de cette taxe. L'accent mis dans votre budget, monsieur le ministre, sur la qualité des programmes et sur votre volonté d'intégrer dans le contrat d'objectifs et de moyens des engagements plus fermes en faveur du cinéma et de la production audiovisuelle sont des orientations que nous approuvons. Vous poursuivez ainsi l'effort que, l'an dernier, votre gouvernement avait consenti en faveur de la création et de la production de fictions. C'est un des points forts de l'audiovisuel public.
Quand la France met 1 euro dans une production, le Royaume-Uni en met 2 et l'Allemagne en met 2,3. Votre politique en faveur de la création va donc dans le bon sens.
Enfin, on a beaucoup parlé de la télévision numérique terrestre. Le calendrier prévisionnel devrait être respecté. La couverture pourrait passer à 40 % du territoire national en mars 2005 et à 60 % à la fin de 2005.
Voilà des questions qui sont importantes. Je suis sûr que vous nous apporterez des précisions dans le cadre de la discussion qui va s'engager. Je pense, monsieur le ministre, pouvoir vous adresser, au nom du groupe UMP et, je le répète, en particulier au nom de notre ami Michel Pelchat, tous nos encouragements. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jack Ralite.
M. Roger Karoutchi. Pour cinq minutes !
M. Jack Ralite. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quand il s'agit de l'audiovisuel, la seule lecture du budget, pour importante qu'elle soit, ne suffit pas. En effet, l'audiovisuel, qui, depuis plusieurs années, est considéré comme un « service », est donc à la merci d'une application des principes de libéralisation, principes constituants de l'Organisation mondiale du commerce. Il est donc nécessaire de bien connaître l'environnement auquel va être soumis l'audiovisuel dans un temps proche.
Certes, nous avons l'idée d'exception culturelle, rebaptisée diversité culturelle, comme atout, puisque, bien au-delà de la France, nombre de pays motivés par leurs artistes souscrivent à cette idée.
Mais une chose est de souscrire, autre chose est d'agir sur le territoire national et dans la géographie internationale pour que ce principe gagne les esprits. Où en sommes-nous ?
Voyons d'abord les obstacles.
Le premier est d'ordre national avec les décisions relatives à l'extension de la publicité, la pression faite pour que soit revue l'approche de la notion d'oeuvre - en témoigne l'initiative du Centre national de la cinématographie de considérer Popstars comme une oeuvre avec l'aval du CSA et, depuis peu, du Conseil d'Etat -, enfin, l'accord minoritaire du 26 juin sur les intermittents, dont beaucoup sont employés par l'audiovisuel comme permanents déguisés.
Le deuxième obstacle est lié à l'Europe avec la révision programmée de la directive Télévision Sans Frontières que plusieurs pays veulent libéraliser alors que le texte a pourtant fait ses preuves. Mais, surtout, nous sommes confrontés au projet de Constitution, qui a longtemps rejeté la diversité culturelle. Finalement, il l'a introduite avec des conditions qui la nient.
D'abord, l'article relatif à la culture est frileux. Je le cite : « L'Union respecte la richesse de la diversité culturelle et linguistique et veille à la sauvegarde et au développement du patrimoine culturel européen. » Quelle pauvreté ! Un coup de chapeau, une charité, une immense absente : la création.
Pour être franc, il existe dans le chapitre sur la politique commerciale commune une autre référence à la culture et à l'audiovisuel qui institue pour eux, comme pour tous les autres domaines, le vote à la majorité qualifiée. Or chacun sait que, sur la question de la culture et de l'audiovisuel, c'est encore très difficile. Les auteurs du texte ont donc concédé que la règle de l'unanimité serait rétablie quand la diversité culturelle et linguistique de l'Europe se trouverait mise en danger. Comment distinguer ce danger, qui le distingue, quel vote pour le faire prendre en compte ? Autant d'étapes d'un chemin de croix.
Le troisième obstacle est l'OMC, qui promeut la libéralisation tous azimuts de la culture et de l'audiovisuel et a un outil d'intervention pour cela, l'accord général sur le commerce des services, l'AGCS.
On voit donc qu'il y a beaucoup de travail pour surmonter ces obstacles. Fort heureusement, nous bénéficions de deux atouts : premièrement, l'existence de coordinations culturelles dans plusieurs pays, neuf exactement, ce qui, soit dit en passant, est nettement insuffisant d'autant qu'il n'y en a qu'une seule en Europe, la France ; deuxièmement, le vote par acclamation à la récente assemblée générale de l'UNESCO pour un instrument contraignant habilité à traiter des questions culturelles. C'est un événement important qui en a surpris beaucoup.
En effet, les Etats-Unis, absents depuis vingt ans, sont revenus avec une contribution égalant 22 % du budget de l'UNESCO et n'ont pas manqué de faire savoir avant l'assemblée générale leur opposition à cette initiative. Mais l'opiniâtreté des neuf coalitions, dont le Comité de vigilance français, auquel j'ai l'honneur d'appartenir, votre rôle en tant que ministre de la culture et l'audience internationale de Jacques Chirac ont conduit les Américains à montrer patte blanche. Ils n'ont pu détacher de cet objectif ni la francophonie, ni l'Europe de l'Est, ni les pays d'Afrique et d'Asie.
Je le répète : enregistrons la décision de l'UNESCO comme un acte important, mais songeons tout de suite que la conception de l'outil va demander deux ans d'élaboration. La prochaine assemblée générale, précisément, aura à l'approuver dans deux ans.
Pendant ce temps, beaucoup de manoeuvres sont possibles, d'autant que nombre de documents traitant de la question précisent - je cite un texte européen - qu'il « n'affecterait pas et serait sans préjudice du cadre juridique international applicable aux échanges de biens et services culturels - en particulier pour ce qui est de leurs aspects afférant au commerce et à la propriété intellectuelle ». Et l'UNESCO n'est pas en retrait, puisque dans un texte d'août 2003 relatif à la convention internationale sur la diversité culturelle, dans son article 4, elle précise que rien dans la présente convention ne dégage les parties des obligations qu'elles ont les unes envers les autres en vertu de n'importe quel autre traité international.
J'ajouterai, en le regrettant, que la France n'est pas en reste, puisque dans les propositions françaises du 1er août dernier pour le projet de convention on lit au sixième alinéa qu'il « n'a pas pour but de remettre en cause l'ordre juridique international actuel ».
Et puis, comment ne pas évoquer - et cela se fait au vu et au su de tout le monde - les initiatives, surtout américaines mais pas seulement, d'accords bilatéraux et régionaux comme marchepied vers des idées de l'OMC ? Je confirme le compromis de Miami du 20 novembre dernier pour faire aboutir l'accord de libre commerce, l'ALCA, qui concernera 800 millions d'habitants, de l'Alaska à la Terre de feu.
Certes, il s'agit de trente-quatre pays dont les économies hétérogènes montrent que le règlement d'ici au 1er janvier 2005 n'est pas un chemin de velours. Certes, le président du Venezuela, Hugo Chavez, a qualifié l'ALCA de « projet colonial ». Certes, la plupart des démocrates aux Etats-unis condamnent l'ALCA et même l'OMC. Mais ne soyons pas naïfs : la contre-offensive au vote de l'UNESCO est engagée !
Enfin, va se tenir en décembre à Genève le sommet mondial sur la société de l'information et l'un de ses principaux théoriciens, que j'ai rencontré, m'a fait savoir qu'une question comme le pluralisme des médias n'a pas pu faire l'objet d'un consensus international. C'est en contradiction avec la diversité culturelle.
J'en arrive à ma conclusion : l'audiovisuel a besoin de l'instrument envisagé par l'UNESCO. De la même manière que nous avons convaincu pour son lancement, nous devons convaincre pour sa réalisation, et je pense que la France doit continuer d'agir en organisant par exemple des conférences régionales sur le sujet, en demandant à toutes ses représentations à l'étranger de soutenir et de promouvoir le projet d'instrument à l'UNESCO.
Mais j'ajouterai une autre proposition. Je me souviens, en parallèle avec l'action des états généraux de la culture et des professionnels, avec les interventions du Président de la République d'alors, François Mitterrand, que le gouvernement de M. Balladur avait envoyé un représentant extraordinaire visiter les capitales pour obtenir le succès bien connu de l'exception culturelle au GATT. Ce représentant extraordinaire est aujourd'hui le directeur général de la SACEM, la société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique.
Précisément, je pense que c'est la multiplication des coordinations qui permettra aux professionnels d'être décisifs. Mais, bien évidemment, cela coûte, et je trouve que votre gouvernement, monsieur le ministre, devrait accorder une subvention à un niveau suffisant pour que le comité de vigilance puisse envoyer lui-même par le monde un plénipotentiaire de la diversité de la culture et de l'audiovisuel avec la tâche d'encourager vivement la création de nouvelles coordinations.
Aux états généraux de la culture, le 12 octobre dernier, Mme Monique Chemillier-Gendreau, juriste internationale, a été très claire, et je fais mienne son argumentation : « Le coeur de notre action, l'urgence à tout prix dans le moment présent est de renverser le principe et l'exception. Le libéralisme a fait du libre marché le principe envahissant, totalitaire, destructeur ; il faut reprendre l'offensive. Le principe fondateur de la communauté politique est celui de bien public. A ce titre, la protection des biens publics, donc de l'audiovisuel, est de la responsabilité de la communauté politique. L'audiovisuel appartient au domaine de la culture. L'OMC tente de la réduire à un échange "j'ai produit, tu achètes", mais la culture se décline sur le mode "nous nous rencontrons, nous échangeons, nous mettons en mouvement nos sensibilités, nos imaginations, nos intelligences, nos disponibilités", car la culture n'est rien d'autre que le nous extensible à l'infini des humains. »
Eh bien c'est cela qui, dans l'audiovisuel, est aujourd'hui en danger et requiert notre mobilisation.
Enfin, mais j'ai peut-être mal compris, M. de Broissia a dit que les groupes de gauche, notamment le groupe communiste, avaient été à l'Assemblée nationale favorables à la suppression de la redevance. Je ne peux que démentir absolument, car nous avons toujours défendu la redevance !
M. Ivan Renar. Absolument !
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Vous avez raison de me détromper.
M. Jack Ralite. J'ai d'ailleurs déjà dit dans cette assemblée voilà quelques années qu'il y avait une chose assez étonnante dans notre pays : il ne connaît qu'un seul actionnariat populaire, à savoir la construction de son audiovisuel par la simple contribution des propriétaires de télévision. L'argent ne venait nullement de l'Etat. Jusqu'à il y a quelques années, jamais un sou n'a été donné. Tout s'est construit par le peuple, malheureusement pas toujours pour le peuple. Donc, cette notion de redevance est une notion républicaine et démocratique, à laquelle nous tenons beaucoup. J'ai peut-être mal compris, monsieur de Broissia, mais, en tout cas, je voulais clarifier ce point.
M. le président. La parole est à M. Henri Weber.
M. Henri Weber. Monsieur le ministre, le 23 octobre dernier, vous prononciez devant l'Assemblée nationale de fortes paroles auxquelles l'homme de gauche que je suis ne saurait être indifférent : « Le service public de l'audiovisuel est investi d'une mission importante pour la qualité de l'ensemble du paysage audiovisuel : il doit constituer une référence, offrir un espace à l'innovation et à l'audace, contribuer à la qualité des programmes qu'il propose à tous les Français, surtout ceux qui ne constituent pas des cibles commerciales. C'est là l'honneur et la noblesse du service public. On a bien vu, dans les pays où il s'est dégradé, que la qualité de l'ensemble de l'offre s'est dégradée. »
C'est parce qu'elle est habitée, depuis toujours, par cette conviction que la gauche au pouvoir a augmenté de 35 % le budget de l'audiovisuel public entre 1997 et 2002,...
Mme Danièle Pourtaud. Effectivement ! Il faut le rappeler !
M. Henri Weber. ... qu'elle a réduit de douze à huit minutes par heure les écrans publicitaires et qu'elle a combattu les propositions d'une grande partie de vos amis de la droite, au Sénat - je pense notamment à M. Karoutchi - et à l'Assemblée nationale, visant à « réduire le périmètre du service public de l'audiovisuel », c'est-à-dire, en clair, à privatiser France 2 ou France 3. C'est également pour cette raison qu'elle a étendu à cinq ans, renouvelables, les mandats des présidents des chaînes publiques et qu'elle a substitué les contrats d'objectifs et de moyens à la tutelle administrative directe de l'Etat.
Votre budget, monsieur le ministre, augmente à peine plus que l'inflation, alors que les coûts de production et de personnels des chaînes se sont accrus très fortement ces dernières années. De surcroît, il lui manque toujours les 17 millions d'euros que vous espériez tirer de la lutte contre la fraude à la redevance, par le croisement des fichiers. Il renoue avec la tendance funeste du financement par le recours accru à la publicité, malgré l'effet délétère que ce type de financement exerce sur les contenus et sur la grille des programmes, effet qui a été rappelé, à juste titre, par ma collègue et amie Danièle Pourtaud, ici même, voilà une demi-heure.
Est-ce ainsi, monsieur le ministre, que vous comptez promouvoir un service public fort et de qualité, assumant pleinement ses missions ? Voulez-vous revenir à la situation que nous avons trouvée en juin 1997, lorsque 52 % des recettes de France 2 et 47 % de celles de France 3 provenaient de la publicité ?
M. Roger Karoutchi. Et alors ?
M. Henri Weber. S'agissant de la lutte, légitime et nécessaire, contre la fraude, pourquoi ne pas considérer que tous les ménages français disposent d'un poste de télévision, et doivent donc s'acquitter de la redevance, quitte à ce que ceux qui réellement n'en possèdent pas en fassent la déclaration sur l'honneur et soient, en conséquence, dispensés de payer la taxe ?
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. On est d'accord !
M. Claude Belot, rapporteur spécial. Très bien !
M. Henri Weber. Cette solution, que vous avez vous-même proposée, sous une forme ou sous une autre, est sans doute trop simple pour être prise en considération par votre Gouvernement ! (M. Roger Karoutchi sourit.)
Le sous-financement chronique de notre audiovisuel public, par rapport à ses homologues allemand et britannique, comme vient de le rappeler notre collègue Louis de Broissia, mais aussi par rapport à ses concurrents privés, TF1 et M6, continue de se creuser.
Vous avez mis en doute cette réalité dans une interview au magazine Ecran total, à la veille du Festival du film de télévision de Saint-Tropez, en septembre dernier, vous attirant une réplique des professionnels, par la voix, notamment, de Jean-Pierre Guérin, le producteur du Comte de Monte Cristo et de Napoléon.
M. Roger Karoutchi. Ah !
M. Henri Weber. Ce sous-financement est l'une des causes - pas la seule ! mais une cause importante - de cette peu reluisante spécificité française : alors que la production des heures de fiction originale est de 2 000 heures par an en Allemagne, de 1 500 heures en Grande-Bretagne, de 1 400 heures en Espagne et que, dans ces pays, et dans d'autres, cette production continue à s'élever, en France, elle est tombée en dessous de 600 heures par an, alors que l'engouement du public pour ces fictions nationales ne se dément pas. (M. Roger Karoutchi s'exclame.) A l'heure où le succès fulgurant des DVD réduit l'audience des films à la télévision, l'effort doit porter sur les séries de fiction télévisuelles, qui sont également un excellent produit d'exportation, si j'en juge par le succès des séries allemandes et anglo-saxonnes dans notre propre pays.
J'observe que, depuis cinq ans, tous les pays qui ont une industrie des programmes audiovisuels dynamique ont mis en place des mécanismes de financements massifs, hors diffuseurs, régionaux et nationaux.
Je regrette que votre Gouvernement ait limité au seul cinéma les crédits d'impôts et les bonifications des aides régionales visant à maintenir ou à attirer en France la production. Ces mesures doivent être étendues à la télévision, sous réserve, comme l'a rappelé l'orateur qui m'a précédé à cette tribune, que soit clairement défini ce que l'on entend par « oeuvre audiovisuelle ». Cher Jack Ralite, en effet, Popstars n'est pas une oeuvre audiovisuelle, et vous avez eu raison de le souligner.
De même, pourquoi ne faites-vous pas entrer dans l'assiette des cotisations au compte de soutien les recettes croissantes - et déjà considérables - que les chaînes tirent de leurs produits dérivés ?
Mme Danièle Pourtaud. Excellente remarque !
M. Henri Weber. Personne n'a abordé ce sujet jusqu'à présent dans cette enceinte. Or vous savez que ces recettes sont considérables, je pense en particulier aux SMS,...
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Ça c'est vrai !
M. Henri Weber. ... aux licences qui concernent chaque gadget, aux magazines, dérivés, par exemple, des émissions de télé-réalité ? (M. Roger Karoutchi lève les bras au ciel.) Pourquoi ne faites-vous pas entrer ces revenus dans l'assiette des obligations de production des chaînes ?
S'agissant de la télévision numérique de terre, qui peut mettre fin, à très courte échéance, à la pénurie de chaînes dont souffrent 75 % de nos concitoyens, ceux qui ne sont pas abonnés aux bouquets payants diffusés par le câble ou le satellite, permettez-moi de regretter votre frilosité.
En Grande-Bretagne, le retour sur de nouvelles bases à la télévision numérique de terre s'est soldé par un succès remarquable : deux millions de téléspectateurs sont déjà abonnés, 1,3 million de décodeurs ont été vendus en 2003, au prix de 60 livres pièce, soit moins de 100 euros. En Finlande, 10 % des foyers se sont abonnés moins de dix-huit mois après le lancement de la télévision numérique de terre, et, vous le savez, je pourrais allonger cette liste.
En France, le CSA a distribué les canaux et les nouveaux entrants ont été nombreux à poser leur candidature. Je regrette que, comme l'a montré ma collègue Danièle Pourtaud, la part du service public dans la télévision numérique de terre ait été réduite et que son offre de chaînes ne soit pas encore arrêtée. Télédiffusion de France s'engage à couvrir 35 % du territoire dès Noël 2004 et 50 % un an plus tard. Pour que la migration vers la télévision numérique de terre soit engagée, il ne manque plus que la volonté politique et le signal : il faut que les pouvoirs publics fixent une date de lancement ; tant que vous ne le ferez pas, les adversaires de ce projet, qui sont puissants, joueront efficacement la montre.
Monsieur le ministre, votre budget rompt les deux courbes vertueuses instaurées par vos prédécesseurs : la courbe ascendante du financement de l'audiovisuel public et la courbe descendante de sa dépendance à l'égard des publicitaires. Il freine l'avènement de la télévision numérique de terre, pour complaire à certains, et réduit la place et le rôle du service public dans ce grand projet.
Pour toutes ces raisons, et quelques autres, le groupe socialiste ne votera pas votre budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - M. Jack Ralite applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre, votre budget augmente de 3 % dans un contexte général difficile. C'est donc pour nous, et c'est bien normal, l'occasion d'une exigence accrue.
Nous allons consacrer, en 2004, près de 3,5 milliards d'euros à l'audiovisuel public. Est-ce suffisant ? Est-ce trop ? Ces questions se posent avec d'autant plus d'acuité qu'une fois de plus le débat a été très âpre autour du problème de la redevance, non seulement ici, mais également à l'Assemblée nationale. M. Weber a eu raison de rappeler que, voilà deux ou trois ans, j'avais évoqué, sans la demander, l'éventuelle suppression de la redevance.
M. Henri Weber. On avait compris !
M. Roger Karoutchi. Mme Tasca m'avait répondu, bien entendu, qu'il n'en était pas question. Monsieur Weber, je vous rassure : c'est le groupe socialiste qui a demandé la suppression de la redevance à l'Assemblée nationale, au cours du débat, et non le groupe communiste.
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Si ce n'est toi, c'est donc ton frère !
M. Roger Karoutchi. Monsieur Weber, je veux bien croire que vertu au Sénat n'est pas vertu à l'Assemblée nationale...
M. Henri Weber. Vous voulez parler de Didier Migaud ?
M. Roger Karoutchi. Il n'est pas membre du groupe UMP, vous voudrez bien l'admettre !
M. Henri Weber. Il n'engage que lui-même !
M. Roger Karoutchi. Vous le lui direz vous-même !
M. Henri Weber. Il le sait déjà !
M. Roger Karoutchi. S'il le sait, ça le rassure !
M. Henri Weber. Il y a une position officielle au parti socialiste, qui a été votée au congrès !
M. Roger Karoutchi. Pour les optimistes, la redevance, c'est l'unique ressource sûre et stable de l'audiovisuel public. Pour les sceptiques, c'est un mal nécessaire. Pour d'autres, c'est un mal qu'il faut enfin accepter de remettre en cause.
La redevance est un impôt lourd à gérer, coûtant cher à lever, même si ce coût s'est stabilisé depuis quelques années. La redevance est un impôt injuste. D'abord, parce que la fraude est importante, comme M. le rapporteur pour avis l'a brillamment rappelé tout à l'heure. Ensuite, parce que son niveau à 116 euros est le même pour un RMIste que pour un cadre supérieur. Enfin, parce que c'est une ressource qui génère des conflits et des réclamations en nombre croissant, et l'administration le sait parfaitement.
Incontestablement, nos concitoyens considèrent que c'est un impôt opaque, dont la justification est de plus en plus difficile - peut-être parce qu'il n'y a pas assez de pédagogie, monsieur le rapporteur pour avis, je veux bien l'admettre -, pour le citoyen moyen, dans la coexistence avec un secteur audiovisuel commercial gratuit. Les débats qui se sont déroulés à l'Assemblée nationale l'ont démontré, il faut réfléchir à une vraie réforme.
J'ai écouté avec attention les propos de M. de Broissia, au nom du groupe. Pour ma part, j'estime qu'une taxe adossée à la taxe d'habitation, avec une déclaration de la part de ceux qui n'ont pas de poste de télévision, peut permettre d'avancer. En tout cas, il faut progresser, non pas pour éviter une rébellion comme celle qui a eu lieu en son temps contre la gabelle, mais parce qu'un jour viendra où la redevance ne sera plus acceptée. Je veux bien croire que dans d'autres pays son montant est deux fois plus élevé qu'en France. Mais je défie quiconque de dire, au nom de son parti politique - je ne parle pas d'un particulier ou d'un élu - que, dans son programme, figure le doublement de la redevance. Je laisse la responsabilité à qui voudra l'annoncer. Cela nous fera plaisir électoralement.
Cette réflexion sur la redevance nous conduit forcément à nous interroger - monsieur Weber, je ne voulais pas vous décevoir à cet égard - sur l'avenir du périmètre du secteur public audiovisuel.
Mme Danièle Pourtaud. Osez ! Venez-y !
M. Roger Karoutchi. Sinon, madame Pourtaud, je vous aurais déçue. Il fallait donc que j'y vienne.
M. Henri Weber. Je vous avais tendu une perche !
M. Roger Karoutchi. C'est gentil ! Je vais donc dire ce que je pense, j'en ai encore le droit !
Mme Danièle Pourtaud. On vous a vu froncer le nez quand M. de Broissia parlait !
M. Roger Karoutchi. Non, madame Pourtaud, rassurez-vous, entre M. de Broissia et moi, il n'y a pas l'épaisseur d'une feuille de papier à cigarette. Je n'en dirai pas tant entre vous et M. Migaud, si j'ai bien compris !
Aujourd'hui, nous avons : une chaîne dite à vocation généraliste, France 2 ; une chaîne à vocation régionale, France 3 ; une autre, France 5, plus éducative ; TV5, tournée vers l'international ; enfin, Arte, que je regarde, mais dont on se demande parfois si son audience « anecdotique » rend réellement service à la culture ou si elle est volontairement réduite pour rester entre soi.
A ces moyens, pléthoriques, va s'ajouter, et c'est une bonne chose, une nouvelle chaîne internationale dite « CNN à la française », mais j'ai bien compris qu'il ne fallait plus employer le mot « CNN ».
M. Henri Weber. Quand elle sera financée !
M. Roger Karoutchi. Ça va venir !
Mme Danièle Pourtaud. Vous avez des informations ?
M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre, je veux être clair : je suis, comme beaucoup, favorable à un secteur audiovisuel public fort, bien identifié et correspondant à des missions éducatives, sociales, culturelles et informatives. Mais, est-ce toujours le cas ?
Oui, le secteur public a, et c'est son honneur, affirmé sa présence dans le domaine du débat, du documentaire, du reportage, des émissions politiques - il n'y en a plus guère - et ailleurs. Oui, la diversité, y compris dans le domaine public, est une nécessité. Mais la demande de passer à douzes minutes de publicité, à l'égal des chaînes privées, vient des chaînes publiques. Est-ce normal ? En outre, les émissions culturelles, sur le secteur public, sont tout de même souvent réservées aux noctambules, alors que les jeux et divertissements - et je n'aurai pas l'outrecuidance de citer certains extraits que j'ai eu le bonheur de voir ces derniers jours - sur France Télévisions, qui n'ont parfois rien à envier à ceux du secteur privé, sont des émissions phares à des heures accessibles. Est-ce le rôle du service public ?
M. Henri Weber. Bien sûr !
Mme Danièle Pourtaud. C'est généraliste et familial !
M. Roger Karoutchi. Bien sûr ? Il faudrait savoir !
Le secteur public, dans une période budgétairement difficile, voit ses effectifs croître de 2 %, après une progression de 5 % l'année précédente. Est-ce bien normal ?
Comment, d'ailleurs, répondre à cette question clé : faut-il un service public ayant les yeux rivés sur les courbes d'audience pour essayer de rattraper, en vain, les chaînes commerciales ?
Mme Danièle Pourtaud. Vous avez mal écouté M. Louis de Broissia !
M. Roger Karoutchi. Non, je l'ai parfaitement écouté !
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Mme Pourtaud est fanatique de mes propos ! J'en suis ému !
M. le président. Madame Pourtaud, je vous en prie. Vous avez exposé votre point de vue tout à l'heure, laissez l'orateur s'exprimer à son tour.
Veuillez poursuivre, monsieur Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Mon sentiment est qu'il faudra bien reposer le problème de l'action publique, de l'utilisation de l'impôt pour un secteur public audiovisuel repensé, recentré, renforcé par une mission mieux définie et mieux encadrée. Je suis convaincu que le service public s'est dilué à vouloir se démultiplier en autant de chaînes et que, de ce fait, il se fragilise.
J'illustrerai les risques d'une trop grande dispersion par un exemple simple, auquel, j'en suis sûr, Mme Pourtaud sera sensible. Les directions régionales de France 3 estiment manquer de moyens. France 3 Ile-de-France a donc, comme les autres stations régionales, souhaité une convention avec le conseil régional, pour qu'il finance des émissions. Je dois avouer que j'ai commencé par m'y opposer, ne comprenant pas pourquoi les collectivités devaient payer. Puis, de guerre lasse, j'ai accepté. Nous avons signé cette convention, pour apprendre ensuite qu'il y avait un vrai débat au sein de la rédaction de France 3 sur le thème de l'indépendance des journalistes par rapport aux pouvoirs publics et aux collectivités.
Dans le même temps, d'ailleurs, le conseil général de l'Essonne, de gauche, lançait sa propre télévision, TV Essonne. Le conseil général du Val-d'Oise, de droite, faisait la même chose avec TVO. Ainsi, nous voilà avec cinq chaînes publiques qui estiment ne pas avoir assez avec la redevance, qui cherchent, par la publicité, par des partenariats financiers, à avoir plus de moyens, tout en se plaignant des contraintes du service public. Voilà les collectivités locales en train de créer leurs chaînes ! Voilà, si j'ai bien compris, l'arrivée de nombreuses nouvelles chaînes !
Certes, le contexte est difficile, mais ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu'il faudra, afin de sauvegarder le service public et de renforcer sa qualité, engager une réflexion globale sur le périmètre du service public et sur son fonctionnement ? Faut-il cinq chaînes de télévision ? Moi, monsieur Weber, je ne pose pas le probème en ces termes : faut-il privatiser une chaîne, faut-il ouvrir le capital de France 2 ? Je suis d'ailleurs plus favorable à l'ouverture du capital qu'à la privatisation. Mais on nous demande maintenant - et quand je dis « on », c'est une manière de parler, car c'est France 3 qui le demande - à nous, collectivités, de nous ouvrir à des partenariats institutionnels. Est-ce la mission, d'une part, d'une collectivité locale et, d'autre part, du service public audiovisuel ?
En tout état de cause - je conclurai sur ce point, monsieur le rapporteur pour avis ; vous voyez que nous restons finalement très proches les uns et les autres -, je suis certain, monsieur le ministre, que le service public ne surmontera ces difficultés qu'en acceptant une véritable révolution culturelle et que, au-delà des clivages politiques, se pose une seule vraie question : est-ce qu'un service public fort est un service public clairement identifié par les téléspectateurs, ce qui veut dire un service public recentré, ou bien allons-nous encore et encore multiplier les chaînes soit de service public, soit liées aux collectivités publiques, dans des conditions financières de plus en plus difficiles et qui, pour les téléspectateurs, seront de plus en plus difficiles à assumer ? (M. Jean Chérioux applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de budget que j'ai l'honneur de vous présenter marque bien l'engagement du Gouvernement en faveur d'un service public fort de l'audiovisuel et de la pressse écrite.
Je commencerai par l'analyse du projet de budget de l'audiovisuel, dont vous avez déjà eu l'occasion de débattre cette semaine, lors de l'examen, par votre assemblée, de la partie « recettes » du projet de loi de finances.
Ces débats ont confirmé une nouvelle fois la force de votre exigence à l'égard du bon usage de la ressource publique, de son bon usage financier, mais également de son bon usage culturel. Cette exigence est également celle du Gouvernement. C'est bien le sens de la politique que mène le ministère de la communication, dans le respect, naturellement, des compétences du CSA et de l'autonomie des chaînes publiques de la télévision et de la radio.
Je souhaiterais, avant toute chose, insister sur cinq points qui me paraissent fondamentaux.
Permièrement, vos rapporteurs l'ont bien noté, la redevance ne finance pas uniquement la télévision publique.
Je ne cesse d'insister sur ce point car je vois que, lorsqu'on parle de redevance, on pense toujours à la télévision en oubliant que la redevance finance l'ensemble de notre système audiovisuel et donc, outre les chaînes de France Télévision, et d'Arte, non seulement Radio France, RFO, Radio France internationale pour partie, l'Institut national de l'audiovisuel, mais également un certain nombre d'entités culturelles qui relèvent de ces sociétés : je pense, par exemple, aux deux orchestres et à la maîtrise de Radio France.
Pour la plupart de ces entreprises, la redevance représente la quasi-totalité de leurs recettes, ne l'oublions surtout pas.
Cette situation rend d'autant plus pertinente la remarque faite par M. Louis de Broissia, quand il souligne que la redevance est mal comprise par nos concitoyens. Il est vrai - je dois le confesser - que l'Etat a, jusqu'à ce jour, peu fait pour permettre à nos concitoyens d'en comprendre les tenants et les aboutissants.
Cette pédagogie est cependant, à mes yeux, nécessaire, pour qu'ils apprennent, comme c'est le cas dans d'autres pays européens, que la redevance est non pas un prélèvement obligatoire systématique, mais le paiement d'un droit d'usage qui permet d'accéder à un service de qualité. Nos concitoyens, qui sont désormais accoutumés à payer les services de télévision quand ils s'abonnent à Canal Plus ou à tel ou tel bouquet, le comprendront tout à fait aisément. Cette redevance est par ailleurs le gage d'un service public audiovisuel fort, équilibré et stable.
Il convient aussi de rappeler que la redevance n'est pas une exception française. La quasi-totalité des pays européens disposent d'un service public qui réalise entre 35 % et 50 % d'audience. Je parle non pas des pays dans lesquels les services publics se sont dégradés, notamment d'un certain nombre de pays du sud de l'Europe, entraînant d'ailleurs l'ensemble du paysage de l'audiovisuel vers le bas, mais des pays dotés d'un service public de l'audiovisuel, notamment de la télévision, de qualité. Dans la plupart de ces pays, une redevance finance cette activité, et ce à un niveau bien souvent supérieur à celui de notre pays. La situation de l'Allemagne et celle du Royaume-Uni ont été évoquées, pays dans lesquels la redevance est respectivement supérieure à 190 euros et à 180 euros.
Pour toutes ces raisons, j'ai proposé à Alain Lambert qu'un document explicatif soit désormais joint à tous les avis de paiement de la redevance adressés aux Français. C'est d'ailleurs une marque de simple respect à l'égard de nos concitoyens. Ces derniers jugeront et apprécieront, positivement ou négativement, mais au moins l'Etat aura fait l'effort de leur expliquer ou de tenter de leur expliquer de quoi il s'agit.
Ce document pourrait d'ailleurs préciser la réalité du coût de la gestion du service de la redevance et celui de la fraude, sujets sur lesquels les idées les plus extravagantes prospèrent, notamment celle selon laquelle la perception de la redevance coûterait plus cher qu'elle ne rapporte.
La réalité est simple, vous la connaissez : les frais de gestion de la redevance sont de l'ordre de 73 millions d'euros pour une collecte totale de 2 232 millions d'euros. En disant cela, je ne prétends naturellement pas qu'il ne faille pas tendre vers une meilleure ou une plus grande économie de la perception. Le service de la redevance a d'ailleurs fait un effort significatif dans ce domaine au cours des dernières années, mais la disproportion, qui est considérable, permet de combattre une fausse idée à ce sujet.
Deuxième point sur lequel j'insisterai : la qualité de notre service public de l'audiovisuel et l'importance de son rôle dans le paysage audiovisuel.
Notre radio publique apporte une offre de programmes exemplaires, avec France Inter, France Info, France Culture, France Musiques, FIP, Le Mouv', Hector et France Bleu. L'ensemble de ces antennes du service public réunit plus de 30 % de l'audience, sans jamais renoncer à l'exigence qu'impose le respect des missions de service public. Radio France est par ailleurs, ne l'oublions pas, le premier organisateur de concerts de musique classique en France.
A l'international, RFI, dont on a beaucoup souligné le rôle au cours des dernières semaines à la triste occasion de l'assassinat de Jean Hélène, constitue une référence incontestée. Elle représente à elle seule, dans certaines capitales africaines, près de 30 % de l'audience. Cela vaut également pour certaines capitales européennes. Ainsi, l'autre jour, je me suis laissé dire qu'à Bucarest, par exemple, RFI était considérée comme la radio locale de référence. Tout cela doit nous conduire naturellement à prendre la juste mesure de cet effort de qualité de l'audiovisuel public.
S'agissant de la télévision, et même si je n'ai cessé de rappeler que rien ne devait détourner France Télévisions de ses missions de service public, je note avec satisfaction qu'elle fournit une réelle alternative à l'offre des télévisions commerciales privées.
M. Henri Weber. Très juste !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Il n'est pas inintéressant de rappeler que le service public a refusé avec dignité, par exemple, les facilités de la téléréalité, dont je constate d'ailleurs la lassitude qu'elle inspire au public, puisqu'un certain nombre de chaînes renoncent aujourd'hui à des émissions parfois tout récemment programmées.
Le service public est investi d'une mission importante, nécessaire, j'en suis convaincu, à l'équilibre et à la qualité de l'ensemble du paysage audiovisuel qu'il a vraiment vocation à tirer vers le haut et dont il doit constituer le garde-fou contre certaines dérives ou certains excès. Il doit incontestablement constituer une référence pour le secteur, offrir un espace d'innovation en matière de création, contribuer de façon forte à la qualité des programmes, dans le respect, naturellement, - j'y suis très attaché - d'une stricte déontologie, notamment quand il s'agit de rendre compte, dans le champ de l'information, de la diversité des opinions.
C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à France Télévisions d'accentuer, au cours des prochaines années, dans le cadre de la révision du contrat d'objectifs et de moyens, trois grands engagements.
Tout d'abord, un plan de régionalisation ambitieux sera mis en oeuvre afin d'apporter à nos concitoyens une offre de programmes de proximité beaucoup plus riche. Nos concitoyens, on s'en rend compte dans les régions, l'attendent.
Ensuite, il faudra veiller à un accroissement substantiel de l'investissement dans des programmes de qualité consacrés à la connaissance, à la culture, à la découverte du monde ainsi qu'à une meilleure diffusion de ces programmes à des heures de grande écoute. En effet, l'été ou la nuit, comme le dirait Catherine Clément, ne peuvent pas devenir les ghettos de ce type de programmes.
Enfin, il faudra veiller à l'amplification d'un plan d'adaptation volontaire et ambitieux des programmes pour le public sourd et malentendant. Notre pays accuse dans ce domaine un retard effarant : 10 % de la population française présente des troubles de l'audition et il faut prendre en compte ses besoins spécifiques. C'est l'objet même de la révision du contrat d'objectifs et de moyens que nous avons proposée à France Télévisions.
Je signale que France Télévisions a également engagé des initiatives fortes, telle que la création du service interactif de télévision éducative, « le site TV » que France 5 a conçu conjointement avec le Centre national de la documentation pédagogique et avec le soutien du ministère de l'enseignement scolaire.
Avec Xavier Darcos, nous avons présenté ces initiatives il y a quelques jours, au salon de l'éducation.
Il s'agit vraiment là de l'expression d'une mission de service public qui répond d'ailleurs, monsieur Laffitte, à votre voeu de voir l'engagement du service public sur Internet s'amplifier. Ce site sera financé aux deux tiers par la redevance et par France 5.
Le budget que je vous présente est, de ce fait, motivé par une volonté affirmée d'améliorer la qualité du service public et sa capacité d'innovation. Cette exigence a évidemment un coût.
Troisième point qu'il convient de souligner : la nécessité d'assurer à un certain nombre d'actions spécifiques les financements nécessaires. Je citerai deux exemples.
Radio France doit engager de lourds travaux de mise en sécurité de la Maison de la radio, travaux exigés par la préfecture de police de Paris pour mettre le bâtiment en conformité avec les règles de sécurité. Ces travaux nécessitent le déménagement de France Inter. Ils seront l'occasion d'accélérer la numérisation de la production et de la diffusion de Radio France, notamment celle de France Inter. Cette opération a un coût que le projet de budget prend en compte.
Par ailleurs, l'INA doit être en mesure de mieux financer le projet de sauvegarde et de numérisation de notre patrimoine audiovisuel. Afin d'évaluer l'ampleur de ce chantier qui s'étalera, compte tenu de son immensité, sur plus de dix ans, j'ai confié une mission à M. Astier, inspecteur général de l'administration des affaires culturelles, de façon que la campagne qui relève de l'INA prenne en compte également les campagnes engagées par d'autres organismes publics, notamment les Archives du film et de l'image. Cette opération a naturellement un coût et elle nécessite le renforcement de la dotation de l'INA d'autant plus que, au cours des trois dernières années, la dotation de cet établissement n'a bénéficié d'aucune augmentation. C'était d'ailleurs une disposition du contrat d'objectifs et de moyens signé par mon prédécesseur.
Quatrième observation : le Gouvernement doit, dans le même temps où il accompagne le légitime développement des moyens de l'audiovisuel public, attendre des sociétés qui le composent un effort de meilleure gestion et d'économie.
Ces sociétés doivent en effet participer à l'effort général de gestion rigoureuse auquel s'astreint l'Etat dans son ensemble. C'est pourquoi je me suis attaché à ce que France Télévisions confirme le plan d'économie et de synergie qu'il avait engagé en 2001. Ce plan représentera, d'ici à la fin 2005, une économie cumulée de 170 millions d'euros. Est-il besoin de rappeler que, pour éviter toute dispersion des moyens, je n'ai pas souhaité donner suite au projet de création de nouvelles chaînes publiques pour la TNT ?
M. Roger Karoutchi. Hélas !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Monsieur Karoutchi, je réponds de cette façon à votre voeu : mieux vaut procéder à l'approfondissement des missions de service public que les affadir par une dispersion des moyens sur un trop grand nombre d'initiatives.
Au-delà de ces nécessaires efforts de bonne gestion et de productivité, j'estime qu'il est aussi de la responsabilité de l'Etat de favoriser une meilleure organisation du secteur, de façon à permettre que les économies réalisées concourent à l'abondement des moyens affectés aux programmes.
C'est le sens, madame Pourtaud, que nous donnons au projet concernant RFO qui doit par ailleurs mieux prendre en compte le principe de continuité territoriale, parce que nos concitoyens de l'outre-mer ont droit à la même qualité de programmes que nos concitoyens de la métropole. Il convient également d'amplifier la production et la diffusion de programmes mieux enracinés dans la réalité locale, politique, culturelle, sociale et humaine.
Vous le savez, Brigitte Girardin et moi-même avons proposé les bases d'un nouveau projet d'entreprise favorisant le développement de l'offre de programmes de proximité. Cette nouvelle ambition passe, à mes yeux, par la filialisation de RFO au groupe France Télévisions dans le strict respect, naturellement, des spécificités de l'outre-mer.
Cette nouvelle perspective fait actuellement l'objet d'une large concertation qui associe le Parlement, l'intergroupe du Parlement sur l'outre-mer, ainsi que l'ensemble des personnels, puisque, voilà quelques semaines, le comité central d'entreprise a émis un avis favorable sur ce sujet.
L'intergroupe du Parlement sur l'outre-mer nous donnera l'occasion d'un débat sur ce sujet le 16 décembre prochain. Je me réjouis à ce stade de l'écho favorable que ce projet rencontre auprès des salariés de l'entreprise.
C'est dans cet esprit, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement a proposé, dans son projet de budget, une augmentation de la ressource publique de 3 % .
M. Karoutchi a bien fait de le souligner : dans un contexte budgétaire tendu, l'Etat s'astreint à une rigoureuse économie, ce qui est la marque d'une véritable attention à l'égard du développement du secteur.
Le Gouvernement a proposé que cette croissance de la ressource publique s'appuie sur l'amélioration du rendement de la redevance, grâce à l'intensification de la lutte contre la fraude. La fraude représente en effet un manque à gagner important pour le service public, de 7 % à 16 % selon les estimations, le privant de moyens importants. Le montant de la fraude équivaut à la ressource publique que nous affectons à Arte France, soit environ 190 millions d'euros par an.
Sans remette en cause l'objectif de lutte contre la fraude - comment l'aurait-elle fait ? -, l'Assemblée nationale n'a pas souhaité retenir les moyens proposés par le Gouvernement, à savoir le croisement des listes des contribuables de la redevance avec celles des abonnés aux services de télévision payante.
Les travaux conduits par le ministère des finances ont permis au Gouvernement de vous proposer, en début de semaine, une solution de remplacement qui évite de recourir à l'augmentation du barème de la redevance que vous avez à un moment envisagée, monsieur Belot. Vous avez retiré votre amendement et vous vous êtes rangé à la proposition présentée par Alain Lambert.
Le Sénat a en effet voté un amendement du Gouvernement étendant l'obligation de déclaration, qui pèse aujourd'hui sur les vendeurs d'appareils de réception, aux entreprises qui vendent, louent ou mettent à disposition des décodeurs. Je tiens à vous en remercier.
Il appartiendra au service de la redevance de faire le meilleur usage de ce nouvel outil. Les estimations du ministère des finances conduisent cependant à estimer que, pour la première année de mise en oeuvre, cette mesure rapportera moins que le croisement de fichiers initialement proposé. Nous devons donc, en bonne logique, procéder à un abattement de l'ordre de 8,7 millions d'euros par rapport au budget initialement proposé, ce qui porte la ressource publique affectée à l'audiovisuel à 2 533 millions d'euros. La croissance de la ressource publique de l'audiovisuel augmenterait donc, sous réserve de votre approbation, de 2,65 % au lieu des 3 % initialement prévus.
Cette légère érosion devra être compensée par un renforcement des efforts de bonne gestion de la part de nos entreprises. Les objectifs que je vous ai présentés ne sont donc pas remis en cause. Je m'en expliquais ce matin même avec le président de France Télévisions, qui convenait que ce serait possible.
La nouvelle proposition de répartition qui vous sera soumise tout à l'heure par amendement ne ventile pas mécaniquement ce léger effort sur toutes les sociétés. Il tient compte, en effet, de la dissemblance de leur situation financière et de leurs besoins spécifiques. J'y reviendrai au moment de l'examen de cet amendement.
Les débats qui ont animé les deux chambres du Parlement ont fait apparaître la réelle nécessité d'un travail plus approfondi de redéfinition des modalités d'établissement et de recouvrement de la ressource fiscale spécifique affectée à l'audiovisuel public. J'ai proposé qu'un groupe de travail associant des parlementaires des deux assemblées puisse être constitué dès le début de l'année prochaine.
On connaît déjà tout l'éventail des solutions possibles : il reste à les évaluer, avant d'en choisir une.
A l'avance, je vous remercie de l'intérêt que vous marquerez pour cette proposition.
Je terminerai en évoquant le budget de la presse.
Le projet de loi de finances consolide le dispositif de soutien à la presse écrite à travers ses trois composantes que sont les aides directes, le fonds d'aide à la modernisation et à la distribution, les abonnements auprès de l'Agence France-presse.
J'observe d'ailleurs que le budget de la communication, du fait de sa structure particulière, ne donne pas une image complète de la mobilisation financière de l'Etat en faveur de la presse puisque la principale aide à la presse, en l'occurrence l'aide à l'acheminement par voie postale, ne figure pas à ce budget, alors qu'elle s'élève à 290 millions d'euros. De le même façon, le budget de la culture, que vous avez examiné précédemment, ne prend pas en compte l'impact financier très fort du fonds de soutien que gère le Centre national de la cinématographie.
C'est pourquoi il faudrait un jour recomposer ces deux budgets. Il apparaîtrait alors clairement, s'agissant du budget de la culture, que nous avons amplement dépassé le seuil de 1 % du budget de l'Etat, qui représente pourtant depuis si longtemps l'horizon de beaucoup de ministres de la culture.
Les crédits des aides à la presse s'élèvent en 2004 à 164,5 millions d'euros, connaissant une légère progression de 0,5 % par rapport aux crédits votés dans le budget 2003.
Les aides directes à la presse s'organisent autour de trois objectifs : le soutien à la diffusion et à la distribution, la défense du pluralisme et le développement du multimédia. Ces priorités sont maintenues pour 2004, avec des crédits qui s'élèvent à 32 millions d'euros.
Le fonds de modernisation a fait l'objet d'une attention particulière de la part de l'Assemblée nationale. Un amendement affectant les dispositions constitutives du fonds a en effet été adopté. Il prévoit que, chaque année, le comité d'orientation du fonds transmettra au Parlement et au ministre chargé de la communication son rapport d'activité au titre de l'exercice précédent.
Cette disposition devrait contribuer à éclairer la gestion de fonds. C'est notamment le cas pour la question des reports, parfois techniquement très complexe.
Enfin, l'Etat renouvelle son soutien à l'AFP.
Dans un contexte économique global difficile, l'Agence France-presse se doit de conduire une politique résolue de redressement et de modernisation. J'en félicite sa direction et son personnel, dont je salue la très grande qualité.
L'Etat a décidé d'accompagner cette politique en mettant en place des moyens supplémentaires significatifs. Il s'est ainsi engagé sur l'évolution de ses abonnements dans le cadre pluriannuel d'un contrat d'objectifs et de moyens, signé le 20 novembre 2003. Je dois vous dire que j'ai été extrêmement sensible à l'appréciation très positive que vous avez portée sur cette initiative.
Conformément à cet engagement, les crédits prévus au projet de loi de finances pour 2004 concernant les abonnements de l'Etat à l'AFP s'établissent à 103,2 millions d'euros, soit une progression de l'ordre de 3 % par rapport à la loi de finances de 2003.
Telles sont, monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales orientations du projet de budget de la communication pour 2004.
Je souhaite maintenant répondre sur quelques-uns des points qui ont été abordés par les orateurs.
Je rappellerai tout d'abord que le budget de l'audiovisuel public augmente de 2,65 %. Nous avions demandé une croissance de 75 millions d'euros. Nous obtiendrons, sous réserve du vote du Parlement, 89 % de cette somme, soit 66,3 millions d'euros. L'érosion paraît tout à fait absorbable.
Monsieur de Broissia, le fonds de modernisation de la presse est alimenté par une taxe sur la publicité hors médias qui rapporte moins de 30 millions d'euros. On estime cependant que cette taxe devrait rapporter beaucoup plus ; vous avez vous-même évoqué 45 millions d'euros. Nous avons demandé à Bercy de mettre en oeuvre une inspection pour tenter d'analyser ce phénomène de sous-recouvrement de la taxe en vue d'améliorer la situation.
Sur la qualité du service public, quelles que soient les observations que j'ai pu faire, à l'égard du service public, notamment au moment de ma prise de fonctions rue de Valois - mais ces observations tenaient avant tout au fait que je suis très exigeant à l'égard de celui-ci -, je tiens à souligner la réelle qualité de certains de ses programmes et un redressement de ses ambitions.
Ainsi, comme vous l'avez très justement relevé, le débat politique, qui est incontestablement l'une des missions du service public, trouve, tant sur France 2, avec 100 minutes pour convaincre, que sur France 3, avec France-Europe express, des créneaux d'expression de grande qualité.
Je note également l'engagement de France Télévisions dans la production de fictions qui rencontrent souvent l'adhésion d'un très large public. L'adaptation des Thibault, vous le savez, a réuni plus de quatre millions de télespectateurs. Les Parents terribles, une adaptation de la pièce de Jean Cocteau, avec une très bonne distribution, a également fédéré plus de quatre millions de télespectateurs.
Naturellement, il faut toujours attendre mieux. Néanmoins, beaucoup de très bonnes initiatives marquent la qualité du service public.
S'agissant de l'engagement du service public sur le créneau de la diffusion de programmes ou d'informations sur Internet, toute une série d'initiatives vont à la rencontre des souhaits de M. Laffitte. J'ai déjà évoqué le site « TV » de France 5, qui, je le crois, constituera pour tous les maîtres de l'enseignement primaire, les professeurs des collèges et des lycées, un outil pédagogique de très grande qualité.
L'INA étudie également la mise en ligne de ses archives.
Quant au site de RFI, il est le huitième site média français le plus visité. Il est, notamment, très largement consulté dans les pays francophones.
Madame Pourtaud, je tiens une fois pour toutes à lever une ambiguïté : le Gouvernement n'a aucun projet d'augmentation de la durée de la publicité sur le service public ; je l'ai déjà dit, mais je préfère le redire.
Le Gouvernement vient d'ouvrir de façon progressive et ciblée certains secteurs interdits et, pour ma part, je suis très heureux d'avoir contribué au dénouement de cette affaire. Nous étions dans une impasse. Notre législation n'était pas conforme à la réglementation européenne. Nous courions tout droit au contentieux. Notre situation n'était, de toute évidence, pas acceptable par la Commission.
Nous avons fait une proposition très mesurée d'ouverture progressive et sélective. Vous en connaissez les caractéristiques. J'ai bon espoir qu'elle saura rencontrer la totale adhésion du commissaire Bolkenstein et de la Commission. En tout cas, elle introduit dans le paysage économique de l'audiovisuel une donne nouvelle qui, à mon sens, devrait favoriser le financement des chaînes du câble, du satellite, de la télévision locale, tous ces secteurs étant, vous le savez, pour l'instant, terriblement sous-financés.
Cela se fera, bien entendu, dans le respect des intérêts de la presse quotidienne, notamment de la presse quotidienne régionale, à laquelle nous sommes très attachés. C'est la raison pour laquelle, par exemple, j'ai souhaité que, pour la grande distribution, on cantonne la publicité télévisée aux enseignes elles-mêmes, la publicité axée sur la promotion des produits restant réservée à la presse et naturellement au hors-média, puisque la grande distribution fait largement appel à cette forme de réclame.
En tout cas, cette solution a reçu l'agrément des différentes organisations de la presse quotidienne, et notamment de la presse quotidienne régionale et départementale.
Monsieur Belot, pour ce qui est de la chaîne d'information internationale, votre collègue, le député Bernard Brochand doit, d'ici à la fin du mois de décembre, remettre au Premier ministre l'étude de faisabilité de l'entreprise qui pourrait être créée conjointement par France Télévisions et par TFI.
La direction du développement des médias travaille actuellement à la rédaction du cahier des missions et des charges de cette chaîne, si l'arbitrage finalement rendu devait lui donner cette configuration.
La chaîne démarrerait dans ce cas à la fin de l'année 2004 ou au début de l'année 2005. En temps utile, puisque aujourd'hui aucune disposition budgétaire ne marque son avènement, son mode de financement sera arrêté et, naturellement, soumis à la délibération du Parlement.
Monsieur Weber, concernant le sous-financement de la production audiovisuelle, je souhaite faire une simple remarque. En France, nous produisons moins d'heures, mais elles sont peut-être de meilleure qualité ; en tout cas, leur coût est plus élevé.
Vous avez évoqué le cas de l'Espagne, dont les performances à cet égard seraient meilleures que celles de la France. En Espagne, on ne peut pas dire que cette production importante résulte de la mobilisation des deniers publics en faveur de la télévision publique. C'est exactement le contraire ! A y regarder de plus près, on se rend compte que, en volume d'investissements, la disparité est finalement beaucoup moins forte qu'il n'y paraît. En réalité, nous produisons moins avec les mêmes moyens, peut-être parce qu'un certain nombre de coûts sont plus importants dans notre pays, notamment le coût social du travail, ce qui explique d'ailleurs largement les délocalisations que nous regrettons tous.
S'agissant de la définition de l'oeuvre, vous connaissez ma conviction : il faut engager un travail de réflexion sur ce sujet de façon qu'aucune ambiguïté ne subsiste sur ce que nous entendons par le mot « oeuvre » quand il s'agit de définir des obligations de production ou de diffusion ou quand nous mettons en place des dispositifs de soutien à telle ou telle production.
Pour ce qui est, enfin, de la redevance, dont M. Roger Karoutchi a parlé avec beaucoup de pertinence, je dirai qu'il s'agit d'un sujet qui suscite beaucoup de malentendus.
Toutes les formations politiques, à un moment ou à un autre, ont été tentées de remettre en cause la redevance, d'une manière ou d'une autre. Je me permets de rappeler à M. Jack Ralite que, lors du dernier débat à l'Assemblée nationale, c'est un député issu de son parti, M. Jean-Pierre Brard, qui a, hélas ! proposé, par un amendement qui a finalement été repoussé, de supprimer la redevance.
M. Roger Karoutchi. Décidément !
M. Ivan Renar. Chacun sait que M. Jean-Pierre Brard est un touriste indépendant ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Monsieur le sénateur, je disais cela sans aucune méchanceté, surtout à cette heure avancée de la nuit. (Nouveaux sourires.)
Telles sont les quelques observations que je souhaitais formuler devant la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'appelle en discussion les articles 59 bis et 74 ter, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits affectés à la communication.
Est approuvée, pour l'exercice 2004, la répartition suivante entre les organismes du service public de la communication audiovisuelle, des recettes, hors taxe sur la valeur ajoutée, du compte d'emploi de la redevance audiovisuelle :
(En millions d'euros)
« France Télévisions1 534,59 Radio France 469,10 Radio France Internationale 53 Réseau France Outre-mer 206,79 Arte-France 193,45 Institut national de l'audiovisuel 68,8 Total2 525,73 »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-23, présenté par M. Belot, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit cet article :
« Est approuvée, pour l'exercice 2004, la répartition suivante, entre les organismes du service public de la communication audiovisuelle, des recettes du compte d'emploi de la redevance audiovisuelle, hors taxe sur la valeur ajoutée :
(En millions d'euros)
« France Télévisions1 534,59 Radio France 469,10 Radio France Internationale 54,96 Réseau France Outre-mer 206,79 Arte-France 193,45 Institut national de l'audiovisuel 70,25 Chaîne française d'information internationale 4,42 Total2 533,56 »
L'amendement n° II-39, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi cet article :
« Est approuvée, pour l'exercice 2004, la répartition suivante entre les organismes du service public de la communication audiovisuelle, des recettes, hors taxe sur la valeur ajoutée, du compte d'emploi de la redevance audiovisuelle :
(En millions d'euros)
« France Télévisions1 537,77 Radio France 471,54 Radio France Internationale 53,29 Réseau France Outre-mer 207,92 Arte-France 193,85 Institut national de l'audiovisuel 69,18 Total2 533,55 »
La parole est à M. Claude Belot, pour présenter l'amendement n° II-23.
M. Claude Belot. A l'issue d'un débat sur l'article 20 qui fut un moment important de la vie parlementaire, il a été décidé de procurer à l'audiovisuel public une recette nouvelle représentant 8 millions d'euros.
Je vous propose de fixer, en vertu des nouveaux pouvoirs qui nous sont conférés, une nouvelle répartition des dotations aux organismes du service public de l'audiovisuel, en reprenant quelques-uns des points qui ont été évoqués au moment de la discussion de l'article 20.
En particulier, tout en sachant que cela n'était pas conforme à la loi de 1986, il a été considéré que, pour la chaîne française d'information internationale, l'inscription d'une dotation manifesterait une volonté politique.
Il est également proposé d'apporter un soutien plus marqué à RFI, dont la situation est un peu particulière dans la mesure où cet organisme intéresse deux ministères.
Enfin, un effort très significatif est prévu pour l'INA, eu égard à l'urgence de la numérisation d'archives qui risquent d'être définitivement perdues.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter l'amendement n° II-39.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. A l'issue du vote des deux assemblées sur la partie recettes de la loi de finances, le budget de l'audiovisuel public s'élève à 2 533,55 millions d'euros, soit 8,7 millions d'euros de moins que dans le projet de loi de finances initial.
Nous devons donc modifier en conséquence la répartition de ce budget entre les six entreprises publiques qui relèvent de la redevance.
Je remercie M. Belot de sa proposition. Il soulève avec raison la question du financement de la future chaîne d'information internationale, qui reste en suspens en ce qui concerne tant le montant nécessaire au lancement de cette chaîne, en 2004, que l'origine de ce financement.
Cette question doit être examinée par M. Bernard Brochard. Il me semble donc prématuré d'inscrire aujourd'hui une dotation spécifique sur les crédits provenant de la redevance. D'ailleurs, à qui cette dotation serait-elle affectée ?
De plus, et c'est là le principal obstacle, la loi de 1986 interdit une affectation directe de la redevance à d'autres sociétés que les six sociétés qui y sont visées.
Le Gouvernement a déposé une proposition différente de répartition. Néanmoins, je comprends le souhait de votre rapporteur spécial de marquer un soutien appuyé au plan de sauvegarde et de numérisation du patrimoine audiovisuel géré par l'INA. Je serais tout à fait disposé à me rallier à la proposition de M. Belot s'il pouvait apporter à son amendement les modifications suivantes, qui sont de détail.
Il s'agirait d'accorder 1 537,10 millions d'euros à France Télévisions, 471,49 millions d'euros à Radio-France, 53,34 millions d'euros à Radio France Internationale, 207,92 millions d'euros à Réseau France Outre-mer, 193,85 millions d'euros à Arte-France et 69,85 millions d'euros à l'Institut national de l'audiovisuel.
Monsieur Belot, je crois qu'un ralliement de votre part à cette nouvelle répartition nous permettrait de tendre vers une solution équilibrée.
M. le président. Monsieur Belot, quelle suite donnez-vous à la demande de M. le ministre ?
M. Claude Belot. Ma position n'est pas éloignée de celle du Gouvernement. Je souscris complètement à ce qui a été indiqué par M. le ministre sur l'impossiblité de donner de l'argent à qui que ce soit, au titre de la chaîne internationale, en dehors des six sociétés mentionnées par la loi.
Mais je crois utile qu'il ressorte clairement des débats parlementaires que l'augmentation importante consentie au bénéfice de France Télévisions doit lui permettre d'inclure des frais d'études et les dépenses nécessaires au lancement éventuel de cette chaîne.
Sous cette réserve, je suivrai la suggestion du Gouvernement. Le chiffre qu'il propose pour Radio France tient compte des besoins. S'agissant de RFI, de RFO et d'Arte, les chiffres me paraissent convenables. Pour l'INA, l'effort est beaucoup plus important que ce qui a été prévu.
Par conséquent, dans un souci d'harmonie et d'efficacité, je rectifie mon amendement n° II-23 afin d'y intégrer les propositions du Gouvernement.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° II-23 rectifié, présenté par M. Belot et ainsi libellé :
« Rédiger comme suit cet article :
« Est approuvée, pour l'exercice 2004, la répartition suivante, entre les organismes du service public de la communication audiovisuelle, des recettes du compte d'emploi de la redevance audiovisuelle, hors taxe sur la valeur ajoutée :
(En millions d'euros)
« France Télévisions1 537,10 Radio France 471,49 Radio France Internationale 53,34 Réseau France Outre-mer 207,92 Arte France 193,85 Institut national de l'audiovisuel 69,85 Total2 533,55 »
La parole est à Mme Danièle Pourtaud, pour explication de vote.
Mme Danièle Pourtaud. A cette heure tardive, je ne m'étendrai pas sur la philosophie de l'amendement. Je dirai simplement qu'il vise à répartir la pénurie.
J'ai bien compris les propos que vient de tenir M. le ministre sur la difficulté de trouver de l'argent pour la chaîne internationale. Pour ma part, je le répète : je ne suis pas convaincue que le produit de la redevance doive financer cette chaîne internationale.
Néanmoins, si le rapporteur souhaite que les débats parlementaires éclairent ceux qui poursuivront une réflexion sur les études et peut-être le démarrage de cette chaîne, je désire y apporter ma pierre. En effet, dans la mesure où il serait demandé à France Télévisions de contribuer au développement de la chaîne internationale en prélevant sur le montant déjà maigre des financements qui lui sont affectés cette année, je souhaite que l'effort soit également supporté par TF1, si la solution retenue est bien celle de l'attelage bancal TF1 - France Télévisions.
Par ailleurs, dans la répartition qui nous est proposée, je constate que l'Institut national de l'audiovisuel n'obtient pas les crédits supplémentaires qui sont nécessaires pour la sauvegarde de notre patrimoine, notre mémoire commune. Or chacun sait que si les documents sont détruits, il ne sera plus possible de les récupérer.
Par conséquent, aucune solution n'est bonne, mais puisqu'il faut bien répartir la redevance, nous nous abstiendrons sur cet amendement n° II-23 rectifié.
M. le président. La parole est à M. Louis de Broissia, pour explication de vote.
M. Louis de Broissia. Je ne résiste pas au plaisir de répondre à Mme Pourtaud qu'il faut parfois être beau joueur dans la vie publique. Quand je l'entends affirmer que les ressources affectées à France Télévisions sont maigres, même si elle m'a donné un satisfecit pour un certain nombre de mes déclarations, je pense qu'elle n'a pas bien écouté ce que j'ai dit.
J'ai siégé au conseil d'administration de France Télévisions mercredi et, par conséquent, les chiffres sont puisés à bonne source. Les crédits de report de la publicité s'élevaient à plus de 31 millions d'euros à la fin du mois de septembre. Le patron de l'audiovisuel public, tout en reconnaissant que ces résultats étaient bons sur les neuf premiers mois, s'inquiétait, en bon paysan qu'il est, de ce qu'ils deviendraient aux dixième et onzième mois. Néanmoins, il a laissé entendre qu'ils seront à n'en pas douter importants.
La progression notable des crédits affectés aujourd'hui à France Télévisions permettra donc à la télévision publique d'assumer la modernisation de son outil en l'autofinançant à 95 %. C'est ce qu'a déclaré le président de France Télévisions. Il n'y a pas rupture de l'accord sur la fin des emplois précaires, et il y a respect du contrat d'objectifs et de moyens.
La proposition de Claude Belot, à laquelle je me rallie sans réserve, afin que France Télévisions, qui sera l'un des porteurs à 50/50 du projet de chaîne internationale, puisse bénéficier d'un crédit spécial, prouve que nous nous intéressons à la télévision internationale à la française.
Dans la vie publique, même à minuit vingt-cinq, il faut être beau joueur. Soyez donc bonne joueuse, madame Poutaud !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Madame la sénatrice, il faut parfois raison garder ! Il est tout de même extravagant de parler de maigreur à propos de ce projet de budget. J'aimerais bien que de telles maigreurs, on en ait tous les jours !
M. Roger Karoutchi. Ah oui !
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Le montant de 1 500 millions d'euros affecté à France Télévision, représente la moitié du budget dont dispose le ministère des affaires étrangères pour conduire toute la politique extérieure de la France. Gardons donc un peu la mesure !
Avec l'argent public, on ne joue pas au Monopoly, d'autant plus qu'il s'agit de sommes considérables. Il faut témoigner de la gratitude envers nos concitoyens qui paient la redevance et à la représentation nationale que marque autant de générosité à l'égard de l'audiovisuel public.
Quant à l'Institut national de l'audiovisuel, sa dotation sera finalement supérieure à celle qu'avait prévue le Gouvernement dans son projet de budget et ce, grâce à l'initiative du sénateur Claude Belot. Il n'y a pas d'érosion des moyens de l'INA. Bien au contraire, vous allez peut-être voter un renforcement de ses moyens par rapport à ce que nous avions prévu.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-23 rectifié.
M. Ivan Renar. Le groupe CRC s'abstient.
M. Henri Weber. Le groupe socialiste également.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 59 bis est ainsi rédigé et l'amendement n° II-39 n'a plus d'objet.
Culture et communication
Le I de l'article 62 de la loi de finances pour 1998 (n° 97-1269 du 30 décembre 1997) est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque année avant la fin du mois de juin, le comité d'orientation du fonds transmet au Parlement et au ministre chargé de la communication son rapport d'activité au titre de l'exercice précédent. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-21, présenté par MM. Renar et Ralite, Mme David, M. Autain et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi cet article :
« Le I de l'article 62 de la loi de finances pour 1998 (n° 97-1269 du 30 décembre 1997) est ainsi modifié :
« 1° Après la troisième alinéa (b) du 2°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« c) Les aides à la modernisation de l'Agence France-Presse ; »
« 2° En conséquence, les c, d et e deviennent respectivement les d, e et f.
« 3° Au dernier alinéa, après le mot "distribution" sont insérés les mots "et à la modernisation de l'Agence France-Presse".
« 4° Après le dernier alinéa, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque année avant la fin du mois de juin, le comité d'orientation du fonds transmet au Parlement et au ministre chargé de la communication son rapport d'activité au titre de l'exercice précédent. »
L'amendement n° II-22, présenté par M. de Broissia, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi cet article :
« I. - Le I de l'article 62 de la loi de finances pour 1998 (n° 97-1269 du 30 décembre 1997) est ainsi modifié :
« 1° Au troisième alinéa (b) du 2°, après les mots : "quotidiens nationaux" sont insérés les mots : "et régionaux".
« 2° Après le dernier alinéa, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque année avant la fin du mois de juin, le comité d'orientation du fonds transmet au Parlement et au ministre chargé de la communication son rapport d'activité au titre de l'exercice précédent. »
« II. - En conséquence, le premier alinéa du même article est ainsi rédigé :
« Il est ouvert dans les écritures du Trésor un compte d'affectation spéciale n° 902-32 intitulé : "Fonds d'aide à la modernisation de la presse quotidienne et assimilée d'information politique et générale et à la distribution de la presse quotidienne nationale et régionale d'information politique et générale, et de soutien à l'expresssion radiophonique locale". »
La parole est à M. Ivan Renar, pour défendre l'amendement n° II-21.
M. Ivan Renar. La guerre en Irak, comme la guerre du Golfe, ont démontré à quel point l'information internationale était un enjeu. L'Agence France-presse a été la seule à fournir au monde entier des dépêches impartiales qui ont permis un véritable éclairage des événements.
L'AFP est la troisième agence de presse mondiale, après Reuters et Associated Press, et la première agence francophone.
Ce formidable outil est le seul véritable contrepoids à une vision anglo-saxonne des événements mondiaux par trop envahissante. Elle est estimée pour son originalité par ailleurs appréciée dans le monde entier et pas seulement dans l'espace francophone. M. Claude Belot le rappelait avec sensibilité il y a un instant, l'AFP est dans les faits, mais en toute indépendance, la voix de la France, et je dirais même une certaine idée de la France.
Aujourd'hui, l'AFP compte 2 000 collaborateurs, notamment 1 200 journalistes dont 200 photographes, et 2 000 pigistes répartis sur les cinq continents. Le personnel est régi par la convention collective des journalistes.
En ce qui concerne son financement, le statut de 1957 a fait de l'agence une société de droit privé soumise aux règles du droit commercial mais sans capital social ni actionnaires. Ce statut, voté par le Parlement, fait de nous les garants de la pérennité de cette agence nationale.
Le chiffre d'affaires de l'AFP a dépassé 1,6 milliard de francs en 2001. Elle affiche une clientèle de 650 journaux et périodiques dans le monde, 400 radios et télévisions, 100 agences de presse à travers lesquelles elle déclare toucher 7 600 journaux, 2 500 radios et 400 télévisions.
En France, sa clientèle est composée de l'ensemble de la presse écrite et audiovisuelle.
Le survol de l'histoire de l'AFP, de sa naissance en 1944, après la Libération, où des journalistes membres de la Résistance lui donnent son nom de baptême en 1957, où elle acquiert son nouveau statut qui consacre sa place d'agence d'information indépendante à vocation mondiale, jusqu'à nos jours, démontre sa formidable capacité d'intégration des nouvelles technologies numériques, satellitaires. Le succès du livre L'Agence illustre l'audience croissante du service photo mondial et les photos sportives de l'AFP apparaissent désormais sur les téléphones mobiles japonais de la troisième génération.
Echappant à toutes les catégories juridiques habituelles, l'AFP est, aux termes de l'article 1er de la loi du 10 janvier 1957, un « organisme autonome doté de la personnalité civile et dont le fonctionnement est assuré suivant les règles commerciales ». Elle a pour mission « de rechercher tant en France qu'à l'étranger les éléments d'une information complète et objective » et de les « mettre à la disposition des usagers ».
Ce statut hybride la place sous la responsabilité de la presse quotidienne française tout en lui assurant un large financement public. Elle appartient ainsi au pôle public de l'information et son rayonnement est aujourd'hui mondial.
L'AFP représente un capital intellectuel et financier. Le formidable outil qu'elle est mérite une décision politique pour sortir de l'ornière actuelle.
Au moment où la chaîne française internationale de l'information, dont vous nous parlez, est à naître, il serait incohérent d'affaiblir la dimension internationale de l'AFP en recentrant son activité sur la seule Europe, comme il apparaît dans certaines discussions. L'Agence doit rester une agence mondiale d'information.
La validation du contrat d'objectifs et de moyens, qui couvre la période 2003-2007, pourrait permettre à l'AFP de sortir d'une crise financière. Le déficit cumulé s'élève en effet à 52 millions d'euros entre 2000 et 2003.
Pour résoudre la crise que traverse l'Agence, le conseil d'administration a proposé d'utiliser des biens mis à sa disposition lors de sa création ou acquis depuis.
Le siège de l'Agence France-presse, place de la Bourse à Paris, est cédé en crédit-bail. On peut être inquiet de ce qui apparaît comme la vente des bijoux de famille. Cette vente ne résout pas l'endettement de notre agence nationale et lui fait perdre son seul actif tangible. L'Agence France-presse, de par son statut, appartient au patrimoine national. Vendre son patrimoine est du plus mauvais effet.
L'Agence France-Presse est donc un atout pour la presse, pour le rayonnement de la France et pour les équilibres démocratiques de l'information dans le monde.
Afin de l'aider à maintenir sa position internationale et la qualité de son information, nous proposons de la soutenir par le biais du fonds de modernisation de la presse quotidienne et assimilée d'information politique et générale, dont le solde entièrement disponible à la fin 2002 était de 81,2 millions d'euros, équivalent à 3,5 années de recettes. Son solde disponible, compte tenu des engagements déjà pris par les décisions du ministre, s'élève à 32,3 millions d'euros, soit une année complète de recettes, selon le rapporteur à l'Assemblée nationale, M. Patrice Martin-Lalande.
Le déficit de l'AFP pourrait donc être compensé par une intervention du fonds en question, qui vise aussi à soutenir la presse et sa distribution régionale. Cette aide pourrait être dirigée vers la modernisation et la distribution des agences de presse françaises, en particulier l'AFP.
Tel est le sens de l'amendement que nous vous demandons de bien vouloir voter.
M. le président. La parole est à M. Louis de Broissia, pour présenter l'amendement n° II-22.
M. Louis de Broissia. Avec cet amendement, qui n'a pas été discuté en commission des affaires culturelles et que je présente à titre personnel, je souhaite étendre le dispositif que le Parlement a déjà imaginé pour la presse quotidienne nationale d'information générale et politique. Cette presse est aidée, dans le cadre du fonds de modernisation. Ainsi que je l'ai écrit dans mon rapport : « Au titre de cette aide, 12,19 millions d'euros sont versés chaque année jusqu'en 2004 aux quotidiens nationaux d'information politique et générale paraissant au moins cinq fois par semaine et bénéficiant du certificat d'inscription délivré par la CPPAP, la commission paritaire des publications et agences de presse. »
De la même façon que nous l'avons fait pour aider à la restructuration de la distribution dans l'agglomération parisienne et du système des NMPP, je propose de modifier le I de l'article 62 de la loi de finances pour 1998 en insérant après les mots « quotidiens nationaux », les mots « et régionaux », et en ajoutant un alinéa qui permette chaque année à un comité d'orientation du fonds de transmettre au Parlement et au ministre chargé de la communication son rapport d'activité au titre de l'exercice, et donc d'étendre le fonds d'aide à la modernisation de la presse quotidienne nationale et assimilée à la presse quotidienne régionale.
La presse régionale traverse encore, je le répète, une année extrêmement difficile. Il lui est indispensable d'avoir une aide forte à la distribution, en 2004 et non au-delà, lui permettant de mettre en place des outils de pilotage logistique et de portage. Ces outils ne sont pas incompatibles avec ceux que M. Henri Paul, avec qui nous nous sommes entretenus à plusieurs reprises, étudie au sein de la mission dont il la charge.
Il serait nécessaire par exemple d'installer sur le territoire des distributeurs automatiques de journaux. Ce système de proximité répandu en Europe est peu développé en France, à tort sans doute.
Parmi les équipements souhaitables, il convient de citer également un système que certains contestent, mais dont je ne peux nier a priori l'intérêt : il s'agit de l'affichage audiovisuel numérique dans chaque dépôt de vente des gros titres de la presse du jour. Aujourd'hui, les sollicitations visuelles, souvent agressives, sont courantes. La presse écrite se contente pour le moment d'affichettes. Encore faut-il avoir le nez dessus !
La presse quotidienne régionale souhaite donc recevoir une aide dans le cadre du fonds de modernisation, dont je rappelle, mes chers collègues, qu'il dispose de 31 millions d'euros non consommés. A ce titre, je propose donc que, pour l'année 2004, nous tenions compte de cette situation exceptionnelle de la presse quotidienne régionale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Claude Belot, rapporteur spécial. S'agissant de l'amendement n° II-21, je veux dire à M. Renar que sur l'analyse de la situation de l'AFP, son rôle et la nécessité de sa pérennité, il n'y a pas de différence entre ses propos et ceux que j'ai tenus au cours de la discussion.
Je voudrais lui faire observer, cependant, que le fonds de modernisation concerne essentiellement des crédits d'investissement, qui ne permettent donc pas de participer à l'équilibre financier de l'entreprise.
Nous nous rejoignons en revanche sur la nécessité de trouver un statut, ainsi que les voies et moyens de pérenniser l'AFP. Mais nous n'en déciderons pas ce soir, surtout pas avec ce moyen.
La commission est donc défavorable à cet amendement n° II-21.
L'amendement n° II-22 soulève un vrai problème. Je ne vois pas au nom de quelle logique il serait possible de dire que ce qui est valable pour les uns n'est pas valable pour les autres, puisque la problématique reste la même. Il faut donc être favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Monsieur Renar, je veux vous faire remarquer que le fonds d'aide à la modernisation de la presse permet d'ores et déjà d'aider les projets de modernisation présentés par les agences de presse inscrites sur la liste prévue à l'article 1er de l'ordonnance du 2 novembre 1945, ce qui est le cas pour l'Agence France-presse. Votre amendement n° II-21 n'a donc pas d'objet, puisqu'il vise une disposition qui est déjà réalisable dans le cadre des textes actuels. J'y suis donc défavorable, pour des raisons qui concernent non pas le fond, mais simplement sa possible inutilité.
Quant à M. de Broissia, je lui ferai remarquer que le parallèle qu'établit son amendement n° II-22 entre la distribution des quotidiens nationaux et celle des quotidiens régionaux peut être contestée.
L'aide à la distribution des quotidiens nationaux est intégralement reversée par ceux-ci aux Nouvelles messageries de la presse parisienne, les NMPP, afin d'aider à la modernisation de cette société qui assure la distribution de l'ensemble de la presse nationale dite « presse parisienne ».
S'agissant de la presse quotidienne régionale, il n'existe, par définition, aucune structure centrale de distribution. L'aide qu'il est proposé d'instituer irait donc vers les éditeurs et couvrirait ainsi les charges de fonctionnement courant des journaux, sans contrepartie évidente de modernisation.
La distribution de la presse quotidienne régionale est par ailleurs déjà soutenue à travers l'aide postale et le fonds spécifique d'aide au portage qui est doté de 8,25 millions d'euros. Sous cette forme, cette nouvelle aide serait donc redondante et poserait inévitablement la question de l'avenir du fonds d'aide au portage.
J'ai d'autre part la conviction qu'il faut, chaque fois que cela est possible, rompre avec la pratique des subventions de fonctionnement, qui sombre toujours dans un certain systématisme, pour conditionner les aides à des projets concrets de modernisation. Or, une interprétation extrême de l'amendement pourrait conduire à l'inverse, c'est-à-dire à prélever sur les ressources d'un fonds qui permet d'aider des projets de modernisation pour créer des formes de subventions de fonctionnement.
Ce signal serait problématique au moment où la presse doit s'interroger sur la modernisation de ses processus de production. Je crois qu'il est possible de parvenir au résultat recherché par M. de Broissia en utilisant les voies normales du fonds de modernisation.
Puisque la presse quotidienne régionale a des projets d'investissement dans ce domaine, je l'invite à les présenter au fonds de modernisation. Je serai alors très attentif à ce qu'ils soient examinés avec une bienveillance toute particulière.
Les projets collectifs pourront en outre bénéficier d'un taux de subvention majoré. Je serais même prêt à ce que certaines des règles d'emploi soient adaptées en ce qui concerne, par exemple, le plafond des aides.
Enfin, je suis en mesure de vous indiquer que c'est dans cet esprit que le Gouvernement a procédé l'an dernier à la conversion en crédits de subventions de 7,5 millions d'euros de crédits d'avance, crédits qui restent aujourd'hui libres d'emploi. Il suffit donc que la presse quotidienne régionale présente au fonds de modernisation des projets concrets de modernisation de sa distribution, et elle pourra alors, j'en suis persuadé, bénéficier des aides nécessaires.
J'espère que ces explications sont de nature à rassurer l'inquiétude légitime exprimée par M. Louis de Broissia sur le fond de la question, et c'est la raison pour laquelle je lui demanderai de bien vouloir retirer son amendement.
M. le président. L'amendement n° II-22 est-il maintenu, monsieur de Broissia ?
M. Louis de Broissia. Monsieur le ministre, il va de soi que le dispositif que je souhaite mettre en place pour la presse nationale à travers les NMPP est issu de nos réflexions sur le fonds de modernisation et répond à la nécessité de réformer cette structure « hypertrophiée » - et j'emploie un langage convenable - notamment en raison de ses dépenses de fonctionnement. C'est tout de même pour restructurer entièrement une structure ancienne devenue obsolète que le fonds de la presse quotidienne nationale d'information politique et générale a été créé.
J'ai bien compris, s'agissant de la presse quotidienne régionale, que vous ne souhaitiez pas favoriser les aides au fonctionnement et qu'il fallait prendre en compte l'investissement.
Vous avez exprimé l'intention du Gouvernement de s'appuyer sur des taux majorés, puisque le taux actuel maximal de 40 % correspond à une subvention, à une aide et non pas à la prise en charge d'une problématique vraiment urgente.
Il faut que la presse quotidienne régionale à Bordeaux, à Toulouse, à Nancy, à Metz, à Dijon, à Marseille, à Nice et partout en France ait les moyens de s'afficher, d'être distribuée automatiquement, de mettre en place des outils communs à la profession et à l'ensemble des dépositaires de presse afin de mieux assumer ses contraintes logistiques, en liaison avec la mission Henri Paul.
Monsieur le ministre, si vous me garantissez que ces taux seront fortement majorés et que l'instruction des projets de la presse sera rapide, je retire bien volontiers cet amendement.
M. le président. L'amendement n° II-22 est retiré.
La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote sur l'amendement n° II-21.
M. Ivan Renar. Je suis dans une situation cornélienne parce que je pense qu'il faut sauver à la fois le soldat « AFP » et le soldat « presse quotidienne régionale ». (Sourires.)
Je crains pour l'Agence France-Presse, si je comprends bien les débats qui se déroulent actuellement en son sein, que la locomotive ne s'emballe et fonce à toute vitesse sur des voies de garage. A cet égard, la cession-bail du siège est symbolique. Ce n'est pas encore trop grave, mais une intervention rapide est nécessaire. Je voulais témoigner de cette volonté, que je sais partagée par nombre d'entre vous.
Je vais maintenir mon amendement comme la manifestation d'un moment de notre débat, en souhaitant que l'on trouve rapidement les moyens de régler une fois pour toutes le problème de l'AFP, si l'amendement n'était pas adopté.
Des voix célèbres ont parlé au nom de la France à des moments donnés de l'histoire. Actuellement, c'est ce collectif AFP qui parle pour toute la France aux quatre coins du monde et cela doit demeurer. C'est, je le crois, déterminant pour les années à venir.
M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte, pour explication de vote.
M. Pierre Laffitte. Je suis parfaitement conscient de l'intérêt vital pour la France et pour notre rayonnement dans le monde de l'AFP. Il est clair que cette agence est un outil nécessaire. Si j'ai bien compris la réponse de M. Aillagon, monsieur Renar, votre amendement est déjà satisfait. Il faut donc que celle-ci présente une demande auprès du fonds de modernisation. Cela me paraît extrêmement clair.
Par conséquent, je ne peux pas voter pour un amendement qui n'a pas de raison d'être.
M. le président. La parole est à Mme Danièle Pourtaud, pour explication de vote.
Mme Danièle Pourtaud. Nous partageons bien entendu la préoccupation exprimée par Ivan Renar dans son amendement quant au sort de celle-ci et nous souhaitons comme lui que l'AFP conserve un statut d'agence mondiale. Avec des moyens accrus, elle a su se moderniser au fil des dernières années. Il faut l'aider à relever les défis d'aujourd'hui, notamment par la numérisation et par le développement de son secteur « images ».
Certes, cet amendement a été déposé un peu tardivement. Nous avons entendu ce soir deux interprétations différentes qu'il est difficile d'éclaircir. M. le rapporteur spécial de la commission des finances nous a expliqué que cet amendement n'était pas recevable puisqu'il a pour objet d'utiliser les ressources du fonds pour des dépenses de fonctionnement, alors qu'elles sont réservées à des dépenses d'investissement. Le ministre nous a dit quant à lui que l'amendement était satisfait puisque l'AFP est éligible à ce fonds. Pardonnez-nous, mais, à cette heure-ci, il est difficile d'expertiser le sujet ! Tout en partageant les objectifs visés par cet amendement, dans le doute quant à l'efficacité des moyens proposés, nous nous abstiendrons.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Belot, rapporteur spécial. Je voudrais dire à Mme Pourtaud que je n'ai pas vu de contradiction entre les propos de M. le ministre et les miens.
Mme Danièle Pourtaud. Je n'ai pas compris.
M. Claude Belot, rapporteur spécial. J'ai précisé que le fonds de modernisation était réservé à des opérations d'investissement. Or il nous est demandé dans l'amendement d'apporter pratiquement des subventions d'équilibre. M. le ministre nous a indiqué que l'Agence France-presse était déjà éligible au fonds de modernisation mais, bien sûr, dans le cadre de la règle qui régit ce fonds, c'est-à-dire pour des subventions d'équipement. Tout cela est donc parfaitement cohérent.
M. Pierre Laffitte. Absolument !
M. le président. La parole est à M. Louis de Broissia, pour explication de vote.
M. Louis de Broissia. J'interviendrai au nom de l'UMP, puisque j'ai reçu à ce titre l'intersyndicale de l'AFP il y a quelques jours.
Les dépenses de fonctionnement de l'AFP sont prises en compte au sein d'un contrat d'objectifs et de moyens qui a été négocié entre la direction de l'Agence, le conseil d'administration et le ministère, pour un montant prévu de 103 millions d'euros. Ces crédits augmentent d'une année sur l'autre.
Nous voulons tous que l'AFP reste une agence mondiale, mais nous exigeons qu'elle prenne les voies et moyens de ses restructurations internes ; il est certain que l'Agence doit faire des efforts internes. Voilà trois ans que nous attendons une réforme de son statut - je l'ai dit, monsieur le ministre -, mais aussi un affichage pluriannuel de son redressement. Donner de l'argent sans avoir cette vision à long terme reviendrait à décourager toute initiative de l'AFP.
C'est la raison pour laquelle, en mon nom personnel et au nom de l'UMP, je ne souhaite pas que nous soutenions l'amendement de M. Renar, qui est par ailleurs superfétatoire.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-21.
M. Henri Weber. Le groupe socialiste s'abstient.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 74 ter.
(L'article 74 ter est adopté.)
M. le président. Je vous rappelle que les crédits concernant la communication, inscrits à la ligne « Service généraux du Premier ministre », seront mis aux voix le jeudi 4 décembre, à la suite de l'examen des crédits affectés à la fonction publique et à la réforme de l'Etat.
ETAT B
services du premier ministre
I. - Services généraux
M. le président. « Titre III : 17 301 740 euros. »
Le vote sur le titre III est réservé.
« Titre IV : moins 14 093 406 euros. »
Le vote sur le titre IV est réservé.
ETAT C
services du premier ministre
I. - Services généraux
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 29 400 000 euros ; »
« Crédits de paiement : 11 421 000 euros. »
Le vote sur le titre V est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la communication.
transmission d'un projet de loi
M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 90, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
ORDRE DU JOUR
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, samedi 29 novembre 2003 :
A dix heures, à quinze heures et, éventuellement, le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2004, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 72 et 73, 2003-2004) (M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation).
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Anciens combattants (+ articles 73, 73 bis et 74) :
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial (rapport n° 73, annexe n° 4).
M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 77, tome VII).
Equipement, transports, logement, tourisme et mer :
V. - Tourisme :
Mme Marie-Claude Beaudeau, rapporteur spécial (rapport n° 73, annexe n° 20) ;
M. Charles Ginésy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 75, tome XVI).
Sports :
M. Michel Sergent, rapporteur spécial (rapport n° 73, annexe n° 34) ;
M. Bernard Murat, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (avis n° 74, tome X).
Délai limite pour les inscriptions de parole
dans les discussions précédant l'examen
des crédits de chaque ministère
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements
aux crédits budgétaires
pour le projet de loi de finances pour 2004
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2004 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2004
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2004, est fixé au vendredi 5 décembre 2003, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le samedi 29 novembre 2003, à zéro heure cinquante.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD
QUESTIONS ORALES
REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT
(Application des articles 76 à 78 du réglement)
Régime de retraite agricole complémentaire
374. - 28 novembre 2003. - M. Roland Courteau attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur le mécontentement des anciens exploitants agricoles concernant les décrets relatifs à la mise en oeuvre du régime de retraite complémentaire obligatoire (loi n° 2002-308 du 4 mars 2002). Il lui indique que les textes des décrets d'application prévoient deux catégories de retraités : ceux qui ont fait valoir leur droit à la retraite avant le 1er janvier 1997 et pour lesquels il est exigé qu'ils justifient de 32,5 ans de cotisations non salarié agricole dont 17,5 ans de chef d'exploitation et ceux qui font valoir leur droit après le 1er janvier 1997, qui devront justifier de 37,5 ans de cotisations tous régimes confondus dont 17,5 ans de chef d'exploitation. Ainsi, se trouvent, de fait, exclus du bénéfice du régime de retraite complémentaire agricole, un grand nombre de ceux qui ont fait valoir leurs droits avant le 1er janvier 1997. Une telle situation est d'autant plus injuste qu'elle concerne nombre de personnes qui ont d'abord commencé, à l'époque, à être salariés agricoles chez leurs parents ou dans une entreprise agricole, avant de parvenir au statut de chef d'exploitation. Il lui demande donc si, afin de corriger en partie cette situation, il entend prendre toutes dispositions permettant l'accès à la retraite obligatoire complémentaire, de tous les retraités bénéficiaires d'une pension en qualité de chef d'exploitation, au prorata des années cotisées en tant que chef d'exploitation.