Articles additionnels après l'article 7

Art. 7
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Art. 8

M. le président. L'amendement n° I-185, présenté par M. Badré et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

« Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« I. - L'article 759 du code général des impôts est complété par les mots suivants : "ou, pour les successions, par la moyenne des trente derniers cours qui précèdent la transmission".

« II. - Les pertes de recettes résultant éventuellement du I sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Denis Badré.

M. Denis Badré. La base de liquidation des droits de mutation à titre gratuit est le cours moyen au jour de la transmission.

Le présent amendement tend, pour les successions, à remplacer cette référence par la moyenne des trente derniers cours qui précèdent la transmission.

Cet amendement me semble justifié par le fait que, fréquemment on voit appeler des droits de succession ou de donation plus élevés que le produit de la cession des titres, alors même que ceux-ci ont été vendus afin d'acquitter les droits, ce qui est un peu paradoxal. Cela découle, bien sûr, de la très grande volatilité des marchés boursiers actuels.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission a accueilli tout à fait favorablement cette initiative, qui paraît constituer une source de simplification.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Alain Lambert, ministre délégué. J'ai le sentiment que Denis Badré propose une mesure s'inspirant de la règle prévue en matière d'ISF. Cependant, elle ne nous semble pas transposable pour deux raisons.

Premièrement, s'agissant de l'ISF, la prise en compte de la moyenne des trente derniers cours s'explique par des raisons exclusivement techniques. Compte tenu des opérations de liquidation et des mouvements importants de portefeuille survenant en fin d'année, il est apparu que la date du 31 décembre comportait des risques de biais et qu'il pouvait être préférable de retenir les trente derniers cours pour déterminer la valeur des titres cotés entrant dans le patrimoine d'un redevable de l'ISF.

Sauf cas exceptionnel, l'évaluation de l'actif successoral d'un défunt ne semble pas poser de telles difficultés techniques.

Deuxièmement, la règle que Denis Badré suggère d'appliquer est, pour l'instant, contraire au principe du droit civil en matière de succession puisque les héritiers non renonçants sont réputés propriétaires des biens au jour du décès. C'est pourquoi les droits dont les héritiers sont redevables sont assis sur le cours moyen des valeurs qu'ils reçoivent au jour de la transmission.

L'avis du Gouvernement est donc défavorable.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. La question est de savoir si nous devons retenir une option économique ou une option juridique. En règle générale, nous tâchons de faire en sorte que le droit et l'économie puissent se rejoindre dans nos textes.

En l'espèce, la proposition de M. Denis Badré vise les cas où, au jour du décès, se produirait, par exemple, un mouvement de marché tel que la valeur des titres en serait significativement affectée. On peut comprendre que le calcul de la moyenne des trente derniers cours de Bourse puisse constituer une garantie contre de tels accidents.

M. Marcel-Pierre Cléach. France Télécom !

M. Philippe Marini, rapporteur général. D'ailleurs, le phénomène peut jouer en sens inverse si, le jour du décès, il se produit un pic dans la variation des cours. En ce qui concerne le Trésor public, il est assez logique de penser que le résultat de la disposition proposée devrait être statistiquement neutre.

L'optique juridique que vous avez développée devant nous, monsieur le ministre, pose question puisque, s'agissant de titres d'une société cotée, le transfert de propriété doit se faire en règle générale à la valeur du marché, donc à la valeur résultant de la cotation du jour.

L'amendement de M. Denis Badré vise à introduire une exception à ce principe.

Dès lors qu'elle sera bien définie et bien délimitée par la loi, dès lors qu'elle n'aura pas d'incidence sur le fonctionnement du marché lui-même, l'option économique pourrait prévaloir sur l'option juridique sans qu'il en résulte de dommage.

Telle est l'interprétation que je livre au Sénat. Après avoir entendu les deux points de vue qui me paraissent également défendables, je crois, monsieur le ministre, que la préoccupation de notre collègue est justifiée, et la commission maintient donc son avis favorable.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Alain Lambert, ministre délégué. Si cet amendement est adopté par la Haute Assemblée, je solliciterai alors la collaboration de M. le rapporteur général pour vérifier, avant la réunion de la commission mixte paritaire, que le dispositif est bien « bordé », c'est-à-dire qu'il n'entraîne pas des effets secondaires que nous n'aurions pas totalement anticipés.

M. Michel Charasse. Voilà la prudence notariale !

M. Alain Lambert, ministre délégué. Le sénateur qui vient d'intervenir est un ancien ministre du budget !

J'ai découvert le commentaire technique en me levant de mon siège pour vous répondre, monsieur le rapporteur général. Mais j'ai, par expérience professionnelle, une approche peut-être un peu plus compréhensive...

M. Michel Charasse. Voilà !

M. Alain Lambert, ministre délégué. Il faut en effet se méfier, car ceux qui travaillent sur ces sujets techniques ont parfois de bonnes raisons de ne pas ouvrir un biais par rapport à des principes juridiques constants depuis de nombreuses années.

Mais puisque M. le rapporteur général lui-même a, dans un second temps, fourni une explication empreinte de sagesse et de prudence, je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée, et je lève le gage.

Toutefois, je le répète, je serai reconnaissant à M. le rapporteur général de bien vouloir travailler avec nous sur ce sujet de manière un peu approfondie avant la CMP pour éviter tout accident.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !

M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° I-185 rectifié.

La parole est à M. Denis Badré, pour explication de vote.

M. Denis Badré. Monsieur le président, je ne veux pas prolonger ce débat inutilement, mais je tiens à remercier M. le ministre pour son expertise juridique - et nous savons quelle est cette expertise dans le cas particulier du ministre sur un tel sujet - et M. le rapporteur général pour sa sagesse. C'est effectivement une bonne manière d'avancer que de limiter le risque de biais dans toute la mesure du possible, par une analyse un peu plus approfondie, d'ici à la réunion de la commission mixte paritaire.

Dans ces conditions, je serai personnellement heureux que la Haute Assemblée adopte cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-185 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 7.

L'amendement n° I-186, présenté par M. Badré et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

« Après l'article 7, insérer l'article ainsi rédigé :

« I. - Les biens transmis, qui constituent l'assiette de calcul des droits de mutation, ne peuvent être refusés en garantie du paiement fractionné et différé des droits de donation ou de succession prévus à l'article 40 de l'annexe III du code général des impôts.

« II. - Les pertes de recettes résultant éventuellement de l'application du I sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Denis Badré.

M. Denis Badré. Monsieur le président, je souhaite d'abord rectifier cet amendement afin de corriger une erreur qui vient de m'être signalée. Il s'agit, dans la rédaction de l'amendement lui-même, au I, de viser l'article 400 de l'annexe III et non pas l'article 40.

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° I-186 rectifié, présenté par M. Badré et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

« Après l'article 7, insérer l'article ainsi rédigé :

« I. - Les biens transmis, qui constituent l'assiette de calcul des droits de mutation, ne peuvent être refusés en garantie du paiement fractionné et différé des droits de donation ou de succession prévus à l'article 400 de l'annexe III du code général des impôts.

« II. - Les pertes de recettes résultant éventuellement de l'application du I sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

Veuillez poursuivre, monsieur Badré.

M. Denis Badré. Cet amendement concerne les paiements des droits de mutation à titre gratuit et tend à ce que les biens transmis, qui constituent l'assiette de calcul des droits de mutation, ne puissent être refusés en garantie du paiement fractionné et différé des droits de donation ou de succession.

A l'heure actuelle, la loi accorde au donateur ou à l'héritier le bénéfice d'une procédure de paiement différé, puis la faculté de payer de manière fractionnée les droits de mutation à titre gratuit. Des garanties doivent cependant être fournies par le bénéficiaire de cette mesure, assurant le paiement effectif des sommes exigibles.

L'appréciation de la qualité de ces garanties peut poser problème quelquefois au comptable du Trésor, lequel peut voir sa responsabilité engagée en cas de non-recouvrement des sommes exigibles. Les nantissements de parts sociales sont fréquemment refusés lorsque la société transmise n'est pas inscrite à la cote officielle. Dès lors, la garantie ne semble pas suffisamment importante. Cela dit, aucun comptable du Trésor n'a jamais vu sa responsabilité mise en cause pour un motif d'insuffisance de gage.

Tel est l'objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. La question posée est très intéressante. Il s'agit du cas de figure d'une succession dans laquelle figurent des parts sociales de sociétés non cotées. Les héritiers demandent à bénéficier du paiement fractionné ou différé des droits de mutation à titre gratuit, mais il leur faut apporter des garanties.

M. Badré propose, et cela paraît a priori conforme au bon sens, que ces garanties puissent être puisées dans l'actif de la succession, et plus précisément constituées par tout ou partie des parts sociales des sociétés non cotées se trouvant au sein de la succession.

Les comptables publics sont souvent, on peut les comprendre, réticents à accepter de telles garanties dans la mesure où ils peuvent manquer d'éléments d'appréciation sur la valeur des titres.

Toutefois, monsieur le ministre, une contradiction apparaît, car les droits de mutation à titre gratuit sont calculés sur une valeur. Or, la dualité de position qui consiste, pour un comptable public, à accepter cette valeur pour liquider les droits dont les contribuables sont redevables et à ne plus l'accepter comme garantie devant gager le futur versement du même impôt pose question.

La commission des finances a donc été sensible à la démarche de M. Badré, que je remercie d'avoir posé cette question.

Je souhaiterais entendre l'avis du Gouvernement sur cet amendement.

M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?

M. Alain Lambert, ministre délégué. Je suis très sensible au dernier argument développé par M. le rapporteur général, à savoir que le redevable se voit fiscalisé sur une évaluation et que les mêmes biens ne sont pas réputés recevables comme garantie pour la même valeur. Il y a donc bien là une difficulté.

J'ajoute que le Trésor encaisse l'impôt, mais que c'est le pauvre comptable, si je puis m'exprimer ainsi, qui est responsable, à titre personnel, de la garantie...

M. Michel Charasse. Et sur ses deniers !

M. Alain Lambert, ministre délégué. Effectivement, monsieur Charasse. Il est responsable sur ses deniers.

Je propose donc à M. Denis Badré que, pour ne pas commettre d'erreur, nous travaillions ensemble sur ce dispositif et qu'il dépose, à l'occasion de l'examen du collectif, ce même amendement aménagé en fonction des échanges que nous aurons eus. Cela nous permettra de trouver un texte tenant compte de l'observation très justifiée du rapporteur général : dès lors que le comptable public accepte une valeur pour liquider les droits dont les contribuables sont redevables, il lui faut accepter la même valeur pour la garantie qui est offerte.

Je suis donc prêt à tenir compte de cette préoccupation. J'ajoute qu'il n'est pas sérieux de faire reposer la responsabilité financière sur le comptable, qui n'est pas le problème résolu dans la rédaction actuelle de l'amendement.

M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission partage l'avis du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Je suis très sensible, dans ce débat, sans parler du fond de l'amendement, à l'aspect concernant la responsabilité du comptable sur ses deniers personnels, comme le soulignait M. le ministre voilà un instant.

Puisque M. le ministre souhaite pouvoir disposer d'un peu de temps, jusqu'à la commission mixte paritaire au moins, pour expertiser l'amendement de M. Badré et de ses amis, je voudrais préciser que, dans cette affaire, le Sénat peut faire ce qu'il veut, toutes ces questions resteront soumises à l'appréciation de la Cour des comptes et de la Cour de discipline budgétaire : ce sont elles, en effet, qui infligent aux comptables des amendes et qui mettent éventuellement en cause leur responsabilité.

Comme ces juridictions ne sont pas des juridictions de dernier ressort, puisqu'il peut toujours être formé appel et cassation de leurs décisions devant le Conseil d'Etat, je voudrais suggérer à M. le ministre de consulter sur ce sujet le Conseil d'Etat d'ici à la réunion de la commission mixte paritaire.

Si le Conseil d'Etat estime que la portée de ce dispositif ne dégage pas pour autant la responsabilité du comptable, il faudra trouver une rédaction différente. En revanche, si le Conseil d'Etat pense que le dispositif dégage la responsabilité du comptable, l'avis du Conseil d'Etat aura tout de même une certaine portée.

Je me permets de suggérer cela pour que la commission mixte paritaire soit saisie d'un texte qui apporte aux comptables publics les garanties nécessaires. En effet, rien ne peut empêcher le comptable de faire ce qu'il veut et, s'il n'est pas conforté juridiquement par un minimum d'assurances, il risque de passer outre cet amendement. Il vaut donc mieux, à mon avis, prendre des garanties de tous les côtés. C'est pourquoi je suggère à M. le ministre de demander au Conseil d'Etat son avis.

M. le président. Monsieur Charasse, M. le ministre avait suggéré comme échéance l'examen du collectif budgétaire.

M. Michel Charasse. Peu importe la date !

M. le président. L'amendement n° I-186 rectifié est-il maintenu, monsieur Badré ?

M. Denis Badré. Je suis heureux de constater que M. le rapporteur général et M. le ministre ont confirmé qu'il y avait là un vrai problème.

A partir du moment où nous nous engageons sur la voie d'une solution à ce vrai problème, je ne peux pas être plus royaliste que le roi et j'accepte donc, comme M. le ministre le suggère, de redéposer cet amendement lors du collectif et de trouver, d'ici là, une solution imparable pour toutes les parties prenantes.

Cela dit, je précise dès aujourd'hui, pour éclairer nos travaux à venir, que, si la responsabilité des comptables est bien engagée - c'est un fait -, cela n'en reste pas moins un peu théorique dans la mesure où, à ma connaissance, elle n'a jamais été mise en cause.

En revanche, un certain nombre d'artisans et de commerçants ont été obligés de recourir à des cautionnements bancaires au motif qu'ils ne pouvaient pas s'appuyer sur la loi Robien. Cela, c'est une réalité.

Si nous voulons légiférer en répondant aux préoccupations des Français, il nous faut prendre en compte non seulement les contraintes que représente cet aspect un peu théorique de l'engagement de responsabilité du comptable, mais aussi le vrai problème que rencontrent des chefs d'entreprise français. C'est à ce problème que nous devons trouver une solution.

Cela dit, je retire mon amendement.

M. le président. L'amendement n° I-186 rectifié est retiré.

Art. additionnels après l'art. 7
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Art. additionnels après l'art. 8

Article 8

Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° L'article 669 est ainsi rédigé :

« Art. 669. - I. - Pour la liquidation des droits d'enregistrement et de la taxe de publicité foncière, la valeur de la nue-propriété et de l'usufruit est déterminée par une quotité de la valeur de la propriété entière, conformément au barème ci-après :

AGE

de l'usufruitier

VALEUR

de l'usufruit

VALEUR

de la nue-propriété

Moins de :

21 ans révolus90 %10 % 31 ans révolus80 %20 % 41 ans révolus70 %30 % 51 ans révolus60 %40 % 61 ans révolus50 %50 % 71 ans révolus40 %60 % 81 ans révolus30 %70 % 91 ans révolus20 %80 % Plus de 91 ans révolus10 %90 % « Pour déterminer la valeur de la nue-propriété, il n'est tenu compte que des usufruits ouverts au jour de la mutation de cette nue-propriété.

« II. - L'usufruit constitué pour une durée fixe est estimé aux deux dixièmes de la valeur de la propriété entière pour chaque période de dix ans de la durée de l'usufruit, sans fraction et sans égard à l'âge de l'usufruitier. » ;

2° L'article 790 est ainsi rédigé :

« Art. 790. - I. - Les donations en nue-propriété bénéficient sur les droits liquidés en application des articles 777 et suivants d'une réduction de 35 % lorsque le donateur est âgé de moins de soixante-cinq ans et de 10 % lorsqu'il est âgé de soixante-cinq ans révolus et de moins de soixante-quinze ans. Ces réductions s'appliquent à concurrence de la fraction de la valeur des biens transmis représentative directement ou indirectement de la nue-propriété de biens. Ces dispositions s'appliquent aux donations consenties avec réserve du droit d'usage ou d'habitation.

« II. - Les donations autres que celles visées au I bénéficient sur les droits liquidés en application des articles 777 et suivants d'une réduction de 50 % lorsque le donateur est âgé de moins de soixante-cinq ans et de 30 % lorsqu'il est âgé de soixante-cinq ans révolus et de moins de soixante-quinze ans. » ;

3° L'article 762 est abrogé ;

4° A l'article 762 bis et au premier alinéa de l'article 885 G, la référence : « 762 » est remplacée par la référence : « 669 ».

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° I-60, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

L'amendement n° I-189 rectifié bis, présenté par MM. de Montesquiou, Fortassin, Désiré, Larifla, Laffitte, A. Boyer et Barbier, est ainsi libellé :

« Au début du premier alinéa du texte proposé par le 1° du I de cet article pour l'article 669 du code général des impôts, avant les mots : "Pour la liquidation des droits d'enregistrement et de la taxe de publicité foncière,", ajouter les mots : "A l'exception des actes de mutation à titre onéreux,". »

L'amendement n° I-15 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

« A. Compléter in fine cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« 5° Il est inséré un article 1133 bis ainsi rédigé :

« Art. 1133 bis. - Les actes portant changement de régime matrimonial, passés entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2005, en vue de l'adoption d'un régime communautaire, ne donnent lieu à aucune perception au profit du Trésor. »

« B. Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du A ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« II. - La perte des recettes résultant pour l'Etat de l'exonération des actes portant changement de régime matrimonial en vue de l'adoption d'un régime communautaire est compensée par la création à due concurrence d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

« C. En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention : "I. - ". »

La parole est M. Thierry Foucaud, pour présenter l'amendement n° I-60.

M. Thierry Foucaud. On pourrait s'étonner de nous voir proposer la suppression de cet article, dont la logique est bien entendu partie intégrante de l'ensemble des dispositions relatives à la fiscalité du patrimoine contenues dans ce projet de loi de finances.

L'opération prévue par l'article 8, motivée par les conséquences de l'allongement de la vie, serait apparemment - je dis bien « apparemment » - d'un coût encore relativement modique, soit 100 millions d'euros, mais, comme pour les dispositions de l'article 5 ou celles de l'article 7, il y a fort à parier que le coût de cette réforme de l'usufruit sera plus élevé que celui qui nous est proposé.

Tout se passe exactement comme si l'on adaptait la législation au choix d'optimisation fiscale d'une minorité de nos compatriotes, qu'il s'agisse des contribuables de l'impôt de solidarité sur la fortune, souvent concernés au premier chef par les dispositions de la fiscalité du patrimoine - je le rappelle, et cela, personne ne peut le nier -, ou alors des contribuables qui sont placés à un niveau immédiatement inférieur dans l'échelle des revenus et du patrimoine.

Toutes les analyses concordent : les dispositions de l'article 8 conduiront à un allégement non négligeable des droits d'enregistrement perçus sur les actes notariés et de gestion patrimoniale et favoriseront le développement des adaptations de la situation aux nouvelles possibilités offertes par la loi. In fine, ce seront peut-être les notaires qui seront les principaux bénéficiaires de la multiplication des actes. En tout état de cause, il importe, dans un premier temps, de supprimer l'article 8, qui est source, à nos yeux, de très importantes moins-values fiscales à terme pour le budget de l'Etat.

M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte, pour présenter l'amendement n° I-189 rectifié bis.

M. Pierre Laffitte. Cet amendement vise à exclure du champ de l'article 669 du code général des impôts les mutations à titre onéreux. L'extension du nouveau barème prévu à l'article 762 du code général des impôts aux droits à titre onéreux pénalise les échanges de biens, en particulier les outils de production tels que les exploitations agricoles. Cette extension n'est donc pas souhaitable dans le contexte économique délicat actuel. Le coût de la mesure étant évalué à 100 millions d'euros pour 2004, l'amendement permettrait de réaliser des économies, en réduisant le champ d'application de la mesure.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n° I-15 rectifié et pour donner l'avis de la commission sur les amendements n°s I-60 et I-189 rectifié bis.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je me réjouis tout d'abord du contenu de l'article 8. Vous vous en souvenez, monsieur le ministre, le Sénat, à plusieurs reprises, a adopté la réévaluation du barème de l'usufruit et de la nue-propriété. Cette année, le Gouvernement a l'initiative d'une telle mesure. Le barème, bien étudié, est conforme à la réalité démographique et sociale actuelle et ne présente pas certains des inconvénients qui pouvaient être attachés à la version précédente telle qu'elle avait été votée par la Haute Assemblée.

Toutefois, cette mesure justifiée de revalorisation du barème a encore des conséquences financières dommageables pour certains conjoints survivants.

En vue d'éviter ces conséquences, nous avions dans un premier temps envisagé de jouer sur le seuil de l'abattement qui leur est consenti.

En raison du coût budgétaire de cette formule et à la suite d'une réflexion plus approfondie, nous avons pensé que nous pourrions obtenir le même résultat dans des conditions moins coûteuses. C'est ainsi que le présent amendement n° I-15 rectifié permet aux couples d'adapter s'ils le souhaitent, en temps utile, leur régime matrimonial en fonction du nouveau barème de l'usufruit.

Concrètement, cela signifie que les actes portant changement de régime matrimonial en vue de l'adoption d'un régime de communauté universelle ou équivalent seraient exonérés de droits pendant une période de deux années - une période de transition en quelque sorte - à partir de la mise en application du nouveau barème de l'usufruit et de la nue-propriété. Monsieur le ministre, cette disposition nous semble de nature à parfaire la très utile réforme que vous nous proposez.

S'agissant des autres amendements, ayant qualifié de façon très positive l'article 8, je ne puis être favorable à l'amendement de suppression n° I-60.

Mes chers collègues du groupe CRC, l'archéologie est une belle discipline scientifique, mais elle n'a pas sa place dans nos textes législatifs. Mieux vaut que la loi épouse la réalité sociale et les moeurs d'aujourd'hui.

En ce qui concerne l'amendement n° I-189 rectifié bis de MM. Laffitte et de Montesquiou, j'avoue ne pas partager l'analyse qui nous a été présentée.

La situation actuelle à laquelle l'article 8 mettra fin est source de contentieux et renchérit les coûts de conseil juridique. Au demeurant, la responsabilité de professionnels peut toujours être mise en cause à cette occasion.

Une mesure de simplification plus conforme aux réalités économiques nous est proposée à l'article 8 et, à mon sens, elle ne pénalisera en rien les échanges de biens. Sans doute M. le ministre nous le confirmera-t-il. J'espère donc qu'il sera possible à Pierre Laffitte de retirer cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Alain Lambert, ministre délégué. S'agissant de l'amendement n° I-60, présenté par M. Foucaud, comme M. le rapporteur général l'a excellemment dit, la révision de ce barème était tellement attendue par votre commission que, fatiguée d'espérer, celle-ci avait convaincu la Haute Assemblée d'adopter une révision de ce barème qui, je le rappelle, était fondé sur des conditions économiques et sur des tables de mortalité datant de 1901. Un certain nombre de changements se sont tout de même produits depuis. Thierry Foucaud comprendra donc que j'émette un avis défavorable sur cet amendement.

En ce qui concerne l'amendement n° I-189 rectifié bis, présenté par M. Laffitte, je rappelle, après le rapporteur général, que l'article 8 a pour objet d'appliquer le nouveau barème afin de déterminer les valeurs respectives de l'usufruit et de la nue-propriété pour la liquidation des droits de mutation à titre onéreux. Il ne s'agit pas de porter atteinte à la liberté contractuelle, car cette mesure laisse aux parties la liberté absolue de fixer la valeur et de la nue-propriété comme elles l'entendent.

L'administration retiendra simplement la valeur qui résulte de l'application du barème, non seulement lorsque le prix stipulé sera inférieur mais aussi lorsqu'il sera supérieur à la valeur vénale, ce qui est donc favorable au redevable dans cette situation.

Néanmoins, dès lors que ce barème se rapproche de la réalité économique, les parties seront vraisemblablement de plus en plus enclines à s'y référer pour fixer le prix de leur transaction, étant entendu que certaines situations de convenance personnelle peuvent toujours aboutir à une valeur vénale différente de la valeur du barème.

En outre, l'application du barème pour la seule liquidation des droits de mutation à titre onéreux, comme l'a très bien dit le rapporteur général, évitera tout litige susceptible de naître entre l'administration et les parties sur le mode de détermination de l'usufruit ou de la nue-propriété. Au fond, l'application du barème va conférer à l'opération une stabilité juridique accrue en ce qui concerne la charge de l'impôt qui en découle.

A raison de ces explications, je suggère à Pierre Laffitte de retirer son amendement. A défaut, j'émettrai un avis défavorable, parce que je pense que l'intérêt des contribuables est plutôt de parvenir à une stabilisation.

M. le président. Monsieur Laffitte, l'amendement n° I-189 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Pierre Laffitte. Il est retiré, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° I-189 rectifié bis est retiré.

Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.

M. Alain Lambert, ministre délégué. S'agissant de l'amendement n° I-15 rectifié, les travaux de notre assemblée témoignent d'une préoccupation que je me permettais parfois d'exprimer lorsque j'occupais la place de M. le président Arthuis : nous voulions réformer le barème de l'usufruit parce que c'était une nécessité. Nous avions cependant l'intuition qu'il y aurait peut-être un effet secondaire pour les conjoints survivants.

Vous avez immédiatement identifié le danger, monsieur le rapporteur général, et votre amendement permet de le neutraliser « intelligemment ».

En conséquence, j'émets un avis favorable sur cet amendement et, dans l'hypothèse probable où la Haute Assemblée l'adopterait, je lève le gage.

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° I-15 rectifié bis, présenté par M. Marini, au nom de la commission, et ainsi libellé :

« A. Compléter in fine cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« 5° Il est inséré un article 1133 bis ainsi rédigé :

« Art. 1133 bis. - Les actes portant changement de régime matrimonial, passés entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2005, en vue de l'adoption d'un régime communautaire, ne donnent lieu à aucune perception au profit du Trésor. »

Je mets aux voix l'amendement n° I-60.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur l'amendement n° I-15 rectifié bis.

M. Michel Charasse. Je voudrais avoir l'assurance que l'amendement du rapporteur général n'emporte pas modification des dispositions du code civil, même indirectement.

M. le rapporteur général sait très bien, et nous en avons parlé ensemble, que le changement de régime matrimonial peut intervenir à tout moment - il suffit de le demander au juge -, mais que, lorsqu'on est passé à la communauté universelle, on ne peut plus revenir en arrière, la loi l'interdit.

Il est donc bien évident que, si l'argument du rapporteur général vaut pour le passage du régime matrimonial actuel quel qu'il soit à celui de la communauté universelle, en revanche, les personnes qui sont sous le régime de la communauté universelle ne peuvent pas en changer puisque le code civil l'interdit. Je pense que cela va de soi, mais qu'il vaut mieux le confirmer afin d'éviter tout problème d'interprétation de cet amendement, qui, sur le fond, n'est pas mauvais, au moment où il y aura lieu d'appliquer ce texte au regard des dispositions actuelles du code civil.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous partageons avec Michel Charasse la même vision exigeante, mais non impérialiste, des lois de finances. Ce n'est pas par le biais d'un amendement adopté lors de la discussion du projet de loi de finances que l'on saurait modifier la définition des régimes matrimoniaux, qui relèvent du code civil.

Donc, je lui donne l'assurance que nous raisonnons dans les catégories juridiques établies. Bien entendu, la formulation de l'amendement est telle qu'elle englobe, à côté de la communauté universelle, les formules d'effet équivalent et l'adjectif « communautaire » utilisé dans l'amendement est, d'après les avis que nous avons obtenus, tout à fait approprié.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-15 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 8, modifié.

(L'article 8 est adopté.)