Le montant de la contribution de la branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime général de la sécurité sociale au financement du Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, mentionnée au III de l'article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 (n° 98-1194 du 23 décembre 1998), est fixé à 500 millions d'euros pour l'année 2004.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, sur l'article.
M. Roland Muzeau. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez été tellement rapide dans l'assaisonnement et les coups de hache sur les amendements déposés que je n'ai pas entendu si l'amendement n° 203 a été « liquidé ». (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.) Le confirmez-vous ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat. Tout à fait ! J'ai bien invoqué l'article 40 à l'encontre de l'amendement n° 203.
M. Roland Muzeau. Cet amendement visait à inclure dans l'article L. 361-1 du code de la sécurité sociale la possibilité de percevoir le capital décès pour les veuves de victimes de l'amiante ayant bénéficié de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, du fait de leur activité dans l'un des établissements mentionnés dans les listes ouvrant droit à l'ACAATA.
L'article L. 361-1 du code de la sécurité sociale prévoit, en effet, le versement d'un capital décès aux ayants droit d'une victime lorsque cette dernière exerçait une activité salariée moins de trois mois avant son décès ou bénéficiait des dispositifs de rente accidents du travail - maladie professionnelle, ou d'une pension d'invalidité.
Comme vous le savez, mes chers collègues, une partie des travailleurs de l'amiante titulaires de l'ACAATA sont reconnus comme atteints d'une maladie professionnelle et perçoivent de ce fait une rente qui permet à leur conjoint de bénéficier du capital décès, défini à l'article L. 361-1 du code de la sécurité sociale.
L'autre voie d'accès au dispositif de l'ACAATA est constituée par les travailleurs ayant été fortement exposés à l'amiante, parce qu'ils ont exercé leur activité professionnelle dans un établissement figurant sur une liste définie par arrêté ministériel et ouvrant droit à l'ACAATA.
Ces dernières victimes ne sont donc pas reconnues en maladie professionnelle et ne perçoivent pas, par conséquent, de rente maladie professionnelle. En cas de décès, leur conjoint ne percevra pas le capital décès défini à l'article L. 361-1 du code de la sécurité sociale.
Cette lacune, qui s'explique par le fait que, à la date de la rédaction de l'article, le dispositif de l'ACAATA n'existait pas encore, doit être rapidement comblée. Elle entraîne en effet une inégalité de traitement notable entre les deux catégories de bénéficiaires de l'ACAATA, que rien ne saurait justifier, ni juridiquement ni financièrement.
Contrairement à ce que m'indiquait Mme la ministre lorsque j'avais défendu cet amendement lors de l'examen du PLFSS de 2003, la situation des conjoints de personnes décédées du fait de l'amiante n'est que partiellement prise en compte par la législation actuelle. Seuls les conjoints de ceux qui sont décédés de l'amiante alors qu'ils avaient bénéficié de l'ACAATA au titre de leur maladie professionnelle bénéficient de cette mesure, que nous proposons donc d'étendre à l'ensemble des bénéficiaires de l'ACAATA, quelle qu'ait été leur voie d'accès à ce dispositif.
Il y a donc bien lieu de légiférer sur ce point.
M. le président. Je mets aux voix l'article 46.
(L'article 46 est adopté.)
Article additionnel après l'article 46
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, j'invoque l'article 40 de la Constitution à l'encontre des amendements n°s 138, 62, 204, 205, 215, 217, 216, 218 et 219. (Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. Mais que reste-t-il, alors ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat. Mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition, pour la clarté du débat, il reste donc les amendements n°s 210 et 220, ce qui nous laisse largement la possibilité de bien débattre !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Vous n'allez pas nous reprocher de défendre nos amendements !
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat. En réalité, vous souhaitez reprendre le débat qui a déjà eu lieu lors de la discussion générale.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ce n'est pas vrai ! Ce sont des amendements qui n'ont rien à voir avec la discussion générale ! Quelle honte !
M. Gilbert Chabroux. C'est incroyable !
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat. Vous êtes habitués à ce genre de pratiques !
M. Claude Domeizel. C'est la démocratie qui est bafouée !
M. Jean Chérioux. Assez de fausses indignations !
M. le président. Monsieur Bourdin, l'article 40 de la Constitution est-il applicable ?
M. Joël Bourdin, au nom de la commission des finances. Monsieur le président, l'article 40 de la Constitution est effectivement applicable aux amendements qui viennent d'être énumérés par M. le secrétaire d'Etat.
M. le président. L'article 40 de la Constitution étant applicable, les amendements n° 138, présenté par M. Estier, n° 62 présenté par M. Chabroux, n°s 204, 205, 215, 217, 216, 218 et 219, présentés par Mme Beaudeau, ne sont pas recevables. (Protestations redoublées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je ne sais pas si vous vous rendez compte de ce que vous êtes en train de faire ce soir ! (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous appliquons le règlement du Sénat !
Le montant de la contribution de la branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime général de la sécurité sociale au financement du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, mentionnée au VII de l'article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (n° 2000-1257 du 23 décembre 2000), est fixé à 100 millions d'euros au titre de l'année 2004.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, sur l'article.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, j'avais demandé la parole pour expliquer mon vote sur l'article 46.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il a été voté !
M. le président. Mais vous êtes intervenu sur l'article, monsieur Muzeau !
M. Roland Muzeau. Non, monsieur le président, je suis intervenu sur les amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l'article 46.
M. le président. Je ne peux pas vous redonner la parole sur l'article 46, monsieur Muzeau.
Veuillez poursuivre, mais sur l'article 47.
M. Roland Muzeau. J'en prends acte, monsieur le président. Nous avons ce soir beaucoup de difficultés à intervenir au sujet des conditions requises pour pouvoir bénéficier de l'ACAATA puisque ce débat est saccagé, alors qu'il s'agit de la santé des travailleurs. Je trouve que tout cela est assez affligeant !
Parmi ces conditions, le salarié doit avoir atteint un âge ne pouvant être inférieur à cinquante ans. Il n'est pas prévu, en revanche, d'âge limite pour le départ en retraite anticipé par le biais du dispositif de l'ACAATA.
Cependant, de nombreux travailleurs sont fréquemment confrontés à une difficulté liée au retard d'inscription de nombreux établissements sur les listes des établissements ouvrant droit à l'ACAATA. C'est l'un des sujets sur lesquels nous voulions intervenir à plusieurs reprises. Nous avons déjà donné des arguments ; je vais en présenter d'autres dans cette explication.
Ces anciens salariés ne peuvent bénéficier de l'ACAATA, puisqu'ils sont déjà à la retraite, qu'ils ont une pension incomplète du fait de leur travail à l'étranger, de périodes sans emploi, etc. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Pourtant, l'article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 ne définit que la limite d'âge en dessous de laquelle il n'est pas possible de bénéficier de l'ACAATA - cinquante ans, donc - et non l'âge maximal d'entrée dans le dispositif.
Cet article 41 précise que l'allocation est servie jusqu'à ce que le salarié bénéficie d'une retraite à taux plein. Pour les salariés dont les établissements ont été inscrits après qu'ils ont atteint l'âge de soixante ans un, deux ou trois ans auparavant, il n'est plus possible de donner la bonification en temps que constitue l'ACAATA. (Brouhaha sur les travées de l'UMP.)
Je vois bien que ce débat vous ennuie, mais je continue !
Il est dès lors nécessaire, pour éviter que l'inscription tardive sur les listes ne le pénalise encore un peu plus, de leur accorder au moins le bénéfice de l'ACAATA jusqu'à ce que les salariés bénéficient d'une pension à taux plein.
Notre amendement visait donc à « faire la jonction » entre le moment où la personne atteint l'âge de soixante ans et celui où elle pourra bénéficier d'une pension de retraite à taux plein.
De nombreux salariés se trouvent dans cette situation, avec des niveaux de pension si bas qu'ils seraient plus avantagés par le bénéfice de l'ACAATA, jusqu'à ce qu'ils puissent bénéficier d'une retraite à taux plein. C'est, par exemple, le cas d'un nombre important de retraités de l'usine Trailers de Lunéville, qui n'a été que récemment incluse dans les listes.
Au mois d'octobre dernier, Marie-Claude Beaudeau a conduit une délégation au ministère des affaires sociales avec quatre autres de mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen. Malgré un entretien avec deux conseillers, nous constatons, monsieur le secrétaire d'état, que les revendications que nous avons portées, appuyées sur des exemples concrets d'entreprises qui devraient figurer sur les listes mais qui n'y ont toujours pas été inscrites, n'ont pas été entendues.
A coup sûr, le projet de circulaire que votre collègue, M. Fillon, a soumis le 5 novembre dernier à la CAT-MP, vient contredire toutes les propositions et les demandes que nous avons formulées. Ainsi, sur la question de la présence de plusieurs malades de l'amiante dans une entreprise non inscrite sur les listes ACAATA, il est indiqué dans ce projet de directive qu'elle n'est pas susceptible d'entraîner une enquête de la direction de la recherche technologique sur la pertinence de l'inscrire sur les listes. Aux termes de la directive, « si cette présence est révélatrice d'une exposition à l'amiante, elle ne permet pas, à elle seule, de s'affranchir des critères d'inscription ouvrant droit à l'ACCATA fixés par le législateur ».
Les salariés de Renault véhicules industriels à Vénissieux, décédés d'une maladie de l'amiante, les salariés de ce même établissement atteints de plaques et d'épaississements pleuraux, devraient vous inciter à ouvrir de toute urgence une enquête visant à inclure cette entreprise dans les listes ACAATA. Or les représentants syndicaux et associatifs de ces salariés ont adressé, voilà plus de deux ans déjà, un dossier important visant à témoigner du caractère massif de l'exposition des salariés de RVI à l'amiante et de la nécessité qu'ils puissent bénéficier de cette ACAATA. Ils n'ont toujours pas reçu de réponse à ce jour, deux ans plus tard.
De même, plusieurs cas de salariés atteints par des maladies de l'amiante - plaques pleurales - ont été recensés parmi le personnel d'Alstom Saint-Ouen, ainsi que deux décès par cancer broncho-pulmonaire, sans oublier l'obtention par la veuve d'un salarié d'Alstom de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur par le tribunal des affaires sanitaires et sociales de Saint-Lô, dans un jugement rendu le 13 février 2003. Pourtant, cet établissement n'est pas, lui non plus, inscrit sur les listes de l'ACAATA.
Enfin, c'est aussi, entre autres exemples, le cas d'Atofina Jarrie. En octobre 1993, on dénombrait sur le site vingt et une personne atteintes de plaques pleurales et deux atteintes de syndromes interstitiels. En 1997, vingt-quatre malades relevaient du tableau « 30 » et quinze salariés ou anciens salariés étaient déjà décédés. En 2002, vingt salariés sont décédés à la suite d'une pathologie de l'amiante.
La cour d'appel de Grenoble s'est prononcée sur un dossier et elle a condamné Atofina Jarrie pour faute inexcusable à la suite du décès d'un ancien salarié atteint d'un mésothéliome.
Au total, il y a eu sept procès pour faute inexcusable contre Atofina Jarrie, et ils ont tous été gagnés par les salariés et ayants droit. Atofina a fait appel six fois et l'établissement s'est pourvu en cassation une fois. Pourtant, une fois de plus, cet établissement n'est pas sur les listes, bien que quatre autres établissements d'Atofina aient été inscrits sur ces mêmes listes.
Où est la logique ? Pourquoi ce projet de circulaire ancre-t-il un peu plus encore le traitement du dispositif de l'ACAATA par les pouvoirs publics dans une logique purement comptable et bien éloignée des motifs et objectifs pour lesquels l'article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 a été voté ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Je souhaite, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous puissiez nous faire part de vos intentions concernant l'ouverture des listes à de nouvelles entreprises et à d'autres secteurs d'activité.
Je souhaite aussi que vous nous précisiez les suites que vous entendez donner aux dossiers d'entreprises que nous avons remis à vos collaborateurs et à votre collègue M. Fillon.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 afin de permettre aux victimes de l'amiante de pouvoir bénéficier d'une réparation intégrale de leurs préjudices, le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, le FIVA, fait l'objet d'un double financement.
L'article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 portant création de ce fonds prévoit, en effet, qu'il est financé par une contribution de l'Etat et par une contribution de la branche AT-MP du régime général de la sécurité sociale, respectivement inscrites dans la loi de finances et dans la loi de financement de la sécurité sociale.
Ce sont donc les employeurs, ceux du secteur privé, mais aussi l'Etat, qui financent le FIVA, instauré pour indemniser les préjudices qu'ils ont causé du fait non seulement de leur négligence, mais de leur criminelle recherche du profit au détriment du respect de la santé et de la vie de leurs salariés.
Le FIVA n'a été installé, il est vrai, qu'en avril 2002 et son conseil d'administration a adopté en janvier 2003 un barème indicatif d'indemnisation dont les montants faibles, et bien en deçà des indemnisations accordées par les tribunaux, ne satisfont pas les victimes et leurs familles.
Si la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, Mme Ameline, a fait état lors du débat à l'Assemblée nationale d'un taux d'acceptation des offres de 97 %, ce chiffre ne doit pas tromper : de plus en plus de victimes et de familles renoncent au FIVA et en appellent à la justice, en premier lieu parce qu'elles veulent faire condamner les responsables pour faute inexcusable de l'employeur, ce que le FIVA ne permet pas, comme nous l'avions dénoncé dès sa création.
Un premier procès de contestation d'une offre du FIVA aura lieu le 28 novembre prochain devant la cour d'appel de Bordeaux. Ce jour-là, des victimes, des familles manifesteront contre les barèmes d'indemnisation. Il en est bien d'autres qui se déroulent actuellement ; il n'est qu'à lire les journaux régionaux pour constater l'ampleur du mécontentement.
Je peux témoigner de l'émotion, de la douleur, mais aussi de la colère des veuves qui, accompagnées de quatre cents personnes, se sont rendues au tribunal de Dunkerque, le 29 octobre dernier, pour s'indigner du retard pris par la justice dans les procès de condamnation pour faute inexcusable de l'employeur.
S'agissant de ses ressources, les dotations cumulées du FIVA depuis 2001 atteignent 886 millions d'euros, la montée en charge n'ayant véritablement commencé qu'au milieu de l'année 2003.
Au 31 octobre 2003, le FIVA avait réceptionné 9 353 dossiers de demandes d'indemnisation, dont 3 450 avaient fait l'objet d'une offre d'indemnisation. A cette même date, 54 millions d'euros ont été versés au titre de provisions par le FIVA, qui, par ailleurs, avait commencé à indemniser les victimes pour un montant de 87 millions d'euros.
Le rapport d'activité établi par le conseil d'administration du FIVA pour la période de juillet 2002 à juin 2003 note que le flux moyen de 500 nouveaux dossiers par mois, constaté depuis plusieurs mois, « devrait se maintenir, voire augmenter, pendant plusieurs années ».
De fait, le nombre de dossiers est passé de 550 à 650 par mois depuis septembre 2003, comme M. Mattei l'a précisé lors de la discussion générale lundi soir.
Par ailleurs, il faut évoquer les chiffres rappelés et confirmés par le rapport remis par le centre technique d'appui et de formation des centres d'examens de santé, le CETAF, à la commission santé-prévention de la CNAMTS le 14 octobre 2003 : jusqu'à 100 000 morts de l'amiante dans les vingt ans à venir.
Dès lors, les dotations au FIVA pour 2004 semblent tout à fait inconsidérées malgré les affirmations de M. le ministre de la santé.
Celle de l'Etat est tout simplement réduite à néant : autant dire que cette absence de financement de l'Etat employeur pour 2004 suscite colère et incompréhension des victimes. Elle est par ailleurs en totale contradiction, d'une part, avec la loi qui prévoit une dotation annuelle de l'Etat, d'autre part, avec l'exemple que devrait donner l'Etat en matière de respect de ses obligations et de réparation des préjudices qu'il a fait subir à ses agents en les exposant à l'amiante. Nous aurons l'occasion d'y revenir lors des débats sur le projet de loi de finances pour 2004.
Concernant la dotation de la branche AT-MP au fonds, là encore, le chiffre fixé à 100 millions d'euros est insuffisant. Nous proposons de maintenir le montant de la dotation au fonds pour 2003, soit 190 millions d'euros.
Si les réserves du FIVA peuvent probablement permettre l'indemnisation des victimes et des ayants droit en 2004, qu'en sera-t-il en 2005, lorsque le FIVA aura puisé dans ses réserves ? Comment seront ensuite indemnisées les victimes ? Quelles garanties avons-nous en la matière ? Ce sont des questions, monsieur le secrétaire d'Etat, auxquelles, j'espère, vous allez répondre ce soir.
On voit bien, avec l'absence de dotation de l'Etat au FIVA pour 2004, que la plus grande circonspection doit être adoptée en la matière. Les réserves du FIVA seront très vite épuisées. Il est donc nécessaire de le doter de moyens lui permettant d'indemniser les victimes, non seulement cette année, mais aussi pour les années à venir.
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat. Il faut arrêter là !
M. Claude Domeizel. Monsieur le secrétaire d'Etat, avant d'arrêter, je souhaite profiter de cette prise de parole sur l'article 47 pour évoquer l'amendement n° 138, à l'encontre duquel vous avez invoqué l'article 40.
Cet amendement concernait le fonds de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles pour les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers.
Un certain nombre de difficultés vont apparaître dans les lycées et les collèges puisque y cohabiteront, après le méli-mélo qu'aura créé la loi relative aux responsabilités locales, des personnels qui pourront bénéficier de ce fonds et d'autres qui ne le pourront pas.
Mais ce qui est un peu plus gênant et plus grave, c'est que les sapeurs-pompiers professionnels pourront bénéficier de ce fonds de prévention tandis que les sapeurs-pompiers volontaires, eux, n'y auront pas droit.
Cet amendement avait simplement pour objet de prévoir que les sapeurs-pompiers volontaires et les personnels détachés dans les lycées et collèges puissent bénéficier du fonds de prévention des risques professionnels et des maladies professionnelles.
Après l'été que nous venons de passer, dans une région que M. le secrétaire d'Etat connaît bien, et après les drames qu'ont connus les sapeurs-pompiers, qu'ils soient professionnels ou volontaires, je déplore vivement que l'on ait invoqué l'article 40 sur l'amendement n° 138.
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne manquerai pas de dire aux responsables de la sécurité publique civile que, malheureusement, ce fonds qui est financé par la CNRACL, ne pourra pas recevoir les demandes des sapeurs-pompiers volontaires.
Je ne manquerai pas de faire savoir aux présidents des conseils généraux des Alpes-de-Haute-Provence, des Bouches-du-Rhône ou du Var que les sapeurs-pompiers dont ils ont la charge ne pourront pas bénéficer de ce fonds.
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat. Les sapeurs-pompiers volontaires !
M. Claude Domeizel. Oui, les sapeurs-pompiers volontaires dont ils ont la charge !
Voilà ce que je voulais dire sur cet article 47.
M. le président. Je mets aux voix l'article 47.
(L'article 47 est adopté.)
Article additionnel avant l'article 48
M. le président. L'amendement n° 210, présenté par Mme Beaudeau, M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Avant l'article 48, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« La commission prévue à l'article L. 176-2 du code de la sécurité sociale est chargée d'analyser toutes les causes de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles et de proposer des moyens de les combattre efficacement.
« Les statistiques établies par la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés relatives aux accidents du travail et maladies professionnelles comporteront une annexe indiquant, par caisse, le nombre et les motifs des refus de prise en charge des accidents du travail et des maladies professionnelles rapportés au nombre de déclarations. »
La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la commission prévue à l'article L. 176-2 du code de la sécurité sociale a évalué la charge indue supportée par la branche maladie du fait de la sous-déclaration massive des accidents du travail et des maladies professionnelles à un montant oscillant entre 368 millions d'euros et 550 millions d'euros.
En réalité, l'évaluation de ce que la branche maladie a supporté indûment depuis la création de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, en 1946, est bien plutôt le l'ordre de 16 milliards d'euros pour les accidents du travail camouflés, les maladies professionnelles non déclarées et non reconnues.
Or qui dit statistiques biaisées dit prévention inefficace. En effet, la prévention est mise en oeuvre, ou du moins devrait l'être, en fonction des accidents du travail et des maladies professionnelles constatés, de la nature des risques, de leur nombre, de leur gravité.
Pour combattre ces phénomènes de sous-déclaration, il est évident que seuls la pénalisation financière accrue des employeurs et le choix de moyens plus adaptés pour rechercher les fraudes peuvent être efficaces.
Cela passe aussi, bien entendu, par le renforcement du rôle des CHSCT, par le renforcement de leurs crédits d'heures et leur élargissement aux entreprises de moins de cinquante salariés - ainsi que l'a proposé notre collègue M. Chabroux -, par l'octroi aux médecins du travail d'un statut véritablement indépendant et par l'augmentation des effectifs de l'inspection du travail.
Mais, pour combattre véritablement la sous-déclaration, une étude et une réflexion sont également nécessaires afin d'analyser l'ensemble des causes de ces tricheries répétées et multiples. C'est ce travail que nous proposons de faire réaliser par la commission prévue à l'article L. 176-2 du code de la sécurité sociale.
Par ailleurs, afin que puisse être connu et analysé le nombre des refus de reconnaissance des accidents du travail et maladies professionnelles et les causes de ces refus, il est indiqué, dans le second alinéa de cet amendement, que les statistiques établies par la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés relatives aux accidents du travail et maladies professionnelles comporteront une annexe indiquant, par caisse, le nombre des refus de prise en charge des accidents du travail et des maladies professionnelles, rapporté au nombre de déclarations, ainsi que le motif de ces refus.
En effet, vous le savez, la sous-reconnaissance des accidents du travail et maladies professionnelles est également marquée, ainsi que l'indique M. Lardeux dans son rapport, par « l'hétérogénéité persistante des taux de reconnaissance entre les différentes caisses : pour les accidents du travail, ce taux varie de 75 % à 92 %, et pour les maladies professionnelles il oscille entre 22 % et 88 % ».
Le constat est juste mais ne suffit pas. Il s'agit non pas simplement de prendre note de ces différences incompréhensibles, mais bien de s'interroger sur les causes et d'y apporter des solutions pertinentes.
Le rapport de la Cour des comptes de février 2002 sur la gestion du risque AT et MP indiquait à ce propos que « ce constat devrait conduire la branche à reprendre sa réflexion sur les moyens de garantir une égalité du traitement des victimes et à accentuer ses efforts pour harmoniser les procédures et les décisions ».
Nous estimons que le rapport Levy-Rosenwald, pour pertinent qu'il soit, n'approfondit que peu cette question. La convention d'objectifs et de gestion qui va être signée, nous avez-vous dit, rapidement, n'est par ailleurs pas encore mise en place, et c'est, de toute façon, à la commission présidée par Mme Levy-Rosenwald comme à la CNAMTS, directement concernée par la question de la sous-déclaration et de la sous-reconnaissance, de produire des statistiques détaillées en vue de mettre un terme aux différences existant entre les caisses, différences que nous jugeons synonymes de discriminations et d'insécurité des travailleurs face à la reconnaissance de l'origine professionnelle de leurs atteintes physiques.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. André Lardeux, rapporteur. On ne peut, bien sûr, qu'être favorable à une meilleure connaissance de la sous-déclaration des AT et des MP. J'avais d'ailleurs insisté dans mon rapport sur l'importance d'une meilleure évaluation des charges supportées par la branche maladie à ce titre, mais il me semble aussi nécessaire, à l'inverse, d'analyser les éventuelles charges indues supportées par la branche AT-MP.
Alors faut-il, dans ces conditions, modifier les prérogatives de la commission instituée à cet effet ? Personnellement, je ne le pense pas et la commission des affaires sociales est de cet avis. J'observe, d'ailleurs, que sur les soixante-dix pages du rapport de la commission, vingt pages sont déjà consacrées à l'analyse des causes et quinze à la formulation de propositions. Le travail que vous souhaitez, madame Beaudeau, est donc bien réalisé.
Quant à l'amélioration du système statistique de la CNAMTS, elle est éminemment souhaitable, mais dans un sens encore plus large que celui que vous proposez. Cet élargissement fera l'objet de dispositions dans le cadre de la COG.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat. Madame Beaudeau, l'outil de cette amélioration ne se trouve pas dans les dispositions que vous proposez puisqu'il s'agit de la convention d'objectifs et de gestion qui est en cours de négociation avec la branche AT-MP.
Ce projet de convention prévoit une amélioration significative des applicatifs de gestion des prestations d'accidents du travail, tel que l'applicatif qui permet de suivre la procédure de reconnaissance et de mesurer le taux de refus.
Ce projet contient également plusieurs dispositions facilitant la reconnaissance des accidents du travail et des maladies professionnelles et améliorant la situation des bénéficiaires de prestations.
Sur le fondement de ces explications, mon avis sera le même que celui de la commission, c'est-à-dire défavorable.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Dans l'esprit de l'amendement défendu par ma collègue Marie-Claude Beaudeau, il m'apparaît indispensable de donner quelques informations complémentaires.
L'article 7-1 de la loi n° 93-121 du 27 janvier 1993 est venu ajouter au système des tableaux de maladies professionnelles un système complémentaire de reconnaissance des pathologies d'origine professionnelle.
Deux cas de figure sont en effet décrits aux troisième et quatrième alinéas de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale. Premier cas : la maladie est désignée dans un tableau de maladies professionnelles « si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies » ; second cas : la maladie n'est prévue dans aucun tableau mais il « est établi qu'elle est essentiellement ou directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente » supérieure à 25 %, ainsi que l'établit l'article R. 461-8 du code de la sécurité sociale.
L'objet majeur de cette disposition est l'établissement de la preuve du lien direct et essentiel entre le travail et la maladie. Il est par conséquent tout à fait injuste d'y adjoindre la clause restrictive d'un seuil de gravité ouvrant droit à réparation.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 a abaissé ce seuil de 66,6 % à 25 %. C'est une avancée, mais qui reste insuffisante et dont ne peuvent se contenter les victimes du travail.
J'avais défendu cet amendement à l'occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003. Le Gouvernement s'était alors contenté de me faire observer que ce seuil venait d'être abaissé et que mieux valait « laisser s'appliquer cette mesure et en évaluer les effets ». Mais quand ? Avec quels outils ? Il nous semble que la justice sociale que représente la suppression de ce seuil justifie à elle seule une mesure immédiate.
Pourquoi ce seuil arbitraire de 25 %, en effet ? Il revêt un caractère discriminatoire, entraîne inégalités et injustices dans la reconnaissance et la réparation des pathologies d'origine professionnelle et des préjudices subis par les victimes.
Le professeur Claude Got, dans son rapport rendu en 1998 sur l'amiante, a d'ailleurs confirmé que ce seuil était injuste et arbitraire, et l'a présenté comme un frein au bon fonctionnement du système complémentaire.
Observons par exemple les statistiques trimestrielles de la CNAMTS de juin 2003. Que constate-t-on ? Le total des maladies d'origine professionnelle reconnues au titre du quatrième alinéa de l'article L. 461-1 est de trente-trois. Voilà bien un chiffre tout à fait dérisoire, irréaliste et insignifiant eu égard à la réalité des accidents du travail et maladies professionnelles « hors tableau » existant et se développant chaque année dans notre pays !
Ces chiffres sont une nouvelle preuve, monsieur le secrétaire d'Etat, que cette disposition législative est inopérante et qu'elle doit être réformée parce qu'actuellement bien trop restrictive pour permettre à l'esprit de la loi du 27 janvier 1993 de s'appliquer pleinement.
Tant que les tableaux des maladies professionnelles ne seront pas réactualisés et complétés par les pathologies nées de la transformation des conditions de travail, il sera particulièrement nécessaire de supprimer ce seuil.
Telles sont les explications que je tenais à donner sur l'amendement n° 210 portant article additionnel avant l'article 48.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 210.
(L'amendement n'est pas adopté.)