M. le président. Je suis saisi, par M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° 54, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, adopté par l'Assemblée nationale (n° 54, 2003-2004). »
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Roland Muzeau, auteur de la motion.
M. Roland Muzeau. Intervenant l'an dernier à cette tribune pour défendre votre première loi de financement de la sécurité sociale, monsieur le ministre, vous avez décaré ceci : « Ce caractère central de la sécurité sociale dans la vie des Français nous oblige vis-à-vis de nos concitoyens. Ils sont en droit de nous demander une sécurité sociale de qualité, une véritable transparence. »
Vous faisiez état du manque de temps pour arrêter des mesures susceptibles de mettre fin au déficit de la sécurité sociale, héritage selon vous de la gestion du gouvernement précédent, mais également des réformes indispensables pour garantir la solidarité et la qualité de notre système de protection sociale et de santé. Vous tentiez ainsi, monsieur le ministre, de justifier le caractère de transition du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003.
Aujourd'hui, la première excuse ne tient plus. Le Gouvernement a disposé de tout le temps nécessaire pour être en mesure de réagir à la dérive des comptes sociaux. Les salariés les plus fragiles l'ont appris à leurs dépens : lorsque la volonté politique est là, le Gouvernement est tout à fait capable d'agir vite, souvent au mépris des exigences du dialogue social.
Il convient donc d'analyser l'absence de toute mesure nouvelle de recettes véritablement structurantes pour le financement de la sécurité sociale. Il ne s'agit ni d'attentisme ni d'imprévoyance ; il s'agit d'un choix délibéré dont nous mesurons déjà la gravité pour l'avenir même du système de protection sociale.
Concernant le second argument, fondé sur la volonté du Gouvernement de ne pas réformer avant la réforme, là aussi vous usez d'artifices, le Gouvernement ayant décidé de remodeler la politique du médicament, de lancer le plan Hôpital 2007, pour ne citer que ces deux exemples.
Qu'à cela ne tienne, cette année encore, vous présentez le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 comme un texte de transition et promettez que le budget de la sécurité sociale pour 2005 sera celui de la responsabilité.
Nous pensons, quant à nous, que le présent texte doit être apprécié au regard d'autres projets gouvernementaux, qu'il s'agisse de la loi de santé publique ou de la loi relative aux responsabilités locales, toutes deux encore en navette, ou des ordonnances prétendument de simplification du droit.
C'est donc de tout autre chose qu'un texte d'attente qu'il s'agit. De par sa philosophie d'ensemble, de par la mesure phare qu'il contient en matière de tarification à l'activité des établissements de santé, en raison aussi de ce qu'il ne contient pas, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 se révèle être une étape majeure de la future réforme qu'il annonce sur de nombreux points, comme nous aurons l'occasion de le démontrer.
Dans ces conditions, la voie est largement ouverte aux solutions privilégiées de longue date par la droite et le Medef que sont la mise en concurrence des acteurs et la privatisation de certains risques. Il est plus que probable, monsieur le ministre, que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 soit celui, non pas de la responsabilité de chacun des acteurs, mais celui de tous les dangers pour les seuls assurés sociaux.
La notion de responsabilité partagée est une véritable tromperie à l'égard de nos concitoyens. Libéraux que vous êtes, vous avancez « le sentiment de gratuité » comme l'une des causes principales des menaces pesant sur le système de santé. Il conviendrait donc de responsabiliser davantage. Qui ? Serait-ce l'ensemble des acteurs du système, c'est-à-dire les médecins qui prescrivent ou les laboratoires pharmaceutiques à l'origine de l'offre ?
Non ! Vous visez uniquement les patients ! Comment ? En les culpabilisant, bien sûr, et en déplaçant sur eux la prise en charge de l'accès aux soins, directement ou indirectement d'ailleurs, les mutuelles complémentaires augmentant leurs tarifs régulièrement.
Depuis son retour aux commandes de l'Etat, la droite gouvernementale a largement privilégié cette voie de la pénalisation financière des assurés. En témoignent les mesures, dites d'urgence, d'augmentation de 22 % du forfait hospitalier, de déremboursement de nombreux médicaments et vaccins, de réduction des droits des bénéficiaires de l'AME, l'aide médicale d'Etat ou de l'APA.
Pour faire des économies de bout de chandelle, vous n'hésitez pas à pénaliser les salariés les plus précaires - les bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés ou du minimum vieillesse, cinq millions de Français sans mutuelle - et à les amener à renoncer aux soins. Cette atteinte au droit fondamental à la santé est inacceptable dans une société aussi riche que la nôtre. Comme l'a souligné le docteur Claude Moncorgé, président de Médecins du monde, dans un entretien accordé à un quotidien le 15 octobre dernier : « Ces décisions sont un non-sens budgétaire : à long terme les patients concernés reviendront avec une pathologie plus grave et donc plus coûteuse. Par ailleurs, cette politique est totalement à contre-courant du discours actuel du Gouvernement sur la nécessité de faire davantage de prévention. »
Pourtant, le Gouvernement persiste dans cette voie par le biais du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui contient 1,8 milliard d'euros d'économie sur les dépenses de la branche maladie. L'encadrement de la procédure d'admission en affection de longue durée et le renforcement des contrôles sont prévus. Le non-remboursement des consultations en vue d'obtenir le certicat médical exigé pour une pratique sportive est également inscrit.
D'autres mesures tout aussi injustes devraient suivre, qu'il s'agisse du déremboursement de l'homéopathie ou de l'extension du délai de carence pour les indemnités journalières.
Toujours dans la même perspective de culpabilisation des patients, les députés du groupe UMP ont cru bon d'en rajouter en introduisant plusieurs dispositions stigmatisant : « les consommateurs de santé inflationnistes et les fraudeurs » ! Je cite pêle-mêle : le rapport au Parlement sur les prestations indûment versées au titre de l'assurance maladie, l'information des assurés sociaux par le pharmacien sur le coût de leurs dépenses en médicaments, la présence d'une photo sur la carte vitale. En revanche, le Gouvernement continue de se dispenser d'assumer ses propres responsabilités dans la dégradation des comptes sociaux.
Pourtant, il ne fait pas de doute que ses choix économiques ont des effets négatifs sur la croissance et que sa politique de l'emploi, uniquement centrée sur les exonérations de cotisations sociales patronales, a de lourdes conséquences sur la qualité de l'emploi et les finances sociales, comme a de dramatiques conséquences la disparition de toute politique publique pour le maintien de l'accès à l'emploi.
Dois-je vous rappeler, messieurs, que l'impact budgétaire d'une variation de 0,1 point de masse salariale est de 150 millions d'euros ?
Dois-je insister davantage sur le niveau, jamais atteint auparavant, de 20 milliards d'euros d'exonérations en faveur des entreprises ?
Est-il nécessaire que j'explique, comme l'a fait la Cour des comptes, qu'en acceptant pour des raisons électorales les augmentations des honoraires des médecins généralistes ou spécialistes sans réelle contrepartie, le Gouvernement a pris le risque de creuser encore le déficit de l'assurance maladie ? Ou bien encore faut-il que je revienne sur l'hypocrisie de la politique gouvernementale concernant le médicament, à savoir la liberté des prix des médicaments innovants accordée aux laboratoires et les dérives que nous connaissons ?
Vous n'avez fait la preuve ni de votre volonté ni de votre capacité à infléchir effectivement la situation pour reconquérir la protection sociale et pour préserver l'égalité d'accès aux soins et la qualité du système.
Aujourd'hui, nous ne pouvons accepter les risques que vous faites courir au système de santé en refusant d'aborder la question de la réforme de son financement.
Le précédent que constitue la réforme des retraites nous incline à penser que la méthode et les objectifs du Gouvernement sont condamnables. Il méprise le nécessaire consensus sur un sujet au coeur du contrat social et remet en cause les fondamentaux qui ont présidé à la création de la sécurité sociale en promouvant une logique individuelle assurancielle.
Reproduisant la méthode qui a prévalu pour conduire la réforme des retraites, le Gouvernement a installé le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie sans se préoccuper de sa composition pluraliste, mais en prenant soin de cadrer sa mission.
Il a également commencé sa campagne de communication, tour à tour vantant la qualité du système de santé français, affirmant son attachement à la sécurité sociale et aux principes fondamentaux qui la sous-tendent, admettant le caractère inéluctable de la croissance des dépenses, diabolisant une situation financière certes difficile, stigmatisant les assurés sociaux, opposant ceux qui bénéficieraient de la gratuité totale d'accès aux soins à ceux qui peinent à y accéder, faute de couverture complémentaire...
Mais ce gouvernement, au-delà des mots, a aussi et surtout anticipé sur la réforme à venir, bien qu'il s'en défende.
La presse ne s'y est pas trompée au lendemain de l'intervention de M. Raffarin devant le Haut conseil de l'assurance maladie. Un article paru dans Les Echos, le 14 octobre 2003, commence ainsi : « Le diagnostic n'est pas encore posé, mais le docteur Raffarin a déjà son idée sur la prescription. »
En bonne place des six pistes de réflexion évoquées pour la réforme figure le nouveau contour de la solidarité collective. Nous savons ce que signifie pour vous, messieurs de la majorité, « le juste équilibre entre ce qui relève de la solidarité nationale et de la responsabilité personnelle ».
Le Gouvernement a beau dire qu'il n'entend pas préjuger le diagnostic du Haut Conseil et les décisions qui suivront la concertation, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 aborde déjà la question du panier de soins.
L'article 32, qui pose le caractère non remboursable des actes et prestations de soins effectués en dehors de toute justification médicale, comme les certificats en vue d'une pratique sportive, qu'est-il d'autre qu'une ébauche de définition de ce que la collectivité, en d'autres termes la sécurité sociale, est prête à couvrir et de ce qui doit, à l'avenir, relever de l'assurance privée ?
L'article 5, qui vise, quant à lui, à améliorer la procédure de recours contre tiers exercée par les caisses en cas d'accident corporel ne fait-il pas écho à l'interrogation du Premier ministre, se demandant s'il « faut couvrir dans les mêmes conditions une fracture du bras causée par une chute dans la rue ou par un accident de ski » ?
N'est-ce pas pousser, dès à présent, à la privatisation de la couverture d'un certain nombre de comportements induisant une prise de risque, comme le souhaitent les compagnies d'assurances ?
Outre cette distinction entre accident de la vie et prise individuelle de risque qui touche au coeur du système de protection sociale, le Premier ministre, comme le souligne justement Le Monde du 15 octobre, semble reprendre à son compte la distinction entre gros risques et petits risques, envisagée dès 1976 dans le rapport Chotard du CNPF, évoquée depuis sur les bancs de droite, par Jacques Barrot notamment. Vous comprendrez aisément, mes chers collègues, que nous soyons inquiets !
Ce choix idéologique de privatisation est aussi largement décliné à l'hôpital. J'en veux pour preuves le plan Hôpital 2007 déjà en application ou la tarification à l'activité, exemple par excellence des exceptions que s'accorde en permanence le Gouvernement pour déroger au principe, pourtant posé, de gel de toute mesure structurelle avant l'été prochain.
En instillant une logique de rentabilisation financière dans des structures déjà déficitaires et en exacerbant la concurrence entre les secteurs public et privé d'hospitalisation, ce nouveau mode de financement ne manquera pas de mettre en péril le devenir des établissements publics et de conduire à trier les patients.
J'en veux également pour preuve la mise en demeure récente adressée par M. Mattei aux trente-neuf établissements de l'AP-HP de s'engager « sans délai » dans un effort de « rationalisation et de productivité », avec en ligne de mire le démantèlement de cette institution.
Là encore, le projet de loi de financement de la sécurité sociale risquerait d'accélérer les choses si l'amendement présenté par le rapporteur de la commission des affaires sociales visant à faire basculer les hôpitaux parisiens dans le dispositif de la nouvelle tarification venait à être adopté.
Tous les exemples que je viens de passer en revue infirment ce que prétend le Gouvernement. La réforme de l'assurance maladie est déjà bien avancée. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale de cette année, par les mesures structurantes qu'il contient, est une passerelle supplémentaire vers la privatisation rampante de la sécurité sociale.
Pour prendre toute la mesure de ce projet de loi de financement, il convient également de s'intéresser à ses carences, son manque d'ambition manifeste en ce qui concerne principalement son volet financier, mais aussi les volets AT-MP et vieillesse.
Vous vous contentez, monsieur le ministre, de contenir, et encore très imparfaitement, l'explosion des comptes sociaux.
Pour la énième fois, les recettes classiques sont ressorties : augmentation du tabac, taxe sur les dépenses de promotion de médicaments, etc. Comment croire en la capacité de ces mesures pour enrayer le déficit ? Cette fiscalisation des ressources de la sécurité sociale n'est pas sans affecter, et vous le savez, la logique et la gestion de notre système de protection sociale.
En laissant ainsi se creuser le déficit des comptes sociaux, en augmentant substantiellement les charges financières pesant sur les régimes, vous préparez le « sauvetage » du système par des remèdes de cheval.
Nous venons de le voir, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale n'est pas vraiment un texte d'attente. Il n'est pas non plus un texte de clarification.
L'an dernier, monsieur le ministre, vous disiez vouloir que la loi de financement de la sécurité sociale retrouve sa crédibilité, perdue au fil des ans, en raison notamment du dépassement de l'ONDAM.
Pour atteindre cet objectif de vérité, vous vous engagiez ici même à présenter au printemps un collectif sanitaire et social. Nous l'attendons toujours, et les explications que vous nous avez fournies tout à l'heure ne nous ont pas convaincus.
Cette année encore, en fixant à 4 % le taux d'évolution de l'ONDAM, sans tenir compte de l'inflation, et alors que la commission des comptes de la sécurité sociale en évaluait la hausse tendancielle à 5,5 %, vous faites fi de cette exigence minimale de sincérité.
D'aucuns ici ne manqueront pas d'invoquer la suppression du FOREC comme preuve de la volonté du Gouvernement de mettre fin à la tuyauterie dénoncée à juste titre. Nous prenons acte de cette suppression. (Ah ! sur les travées de l'UMP).
Des garanties devront être prises, notamment pour s'assurer de la réaffectation des recettes antérieurement dévolues au FOREC et de l'entière compensation par l'Etat des exonérations de cotisations sociales.
Néanmoins, nous vous faisons observer que cet élément de transparence est largement contrebalancé par le fait que la reprise de la dette du FOREC reste à la charge de la CADES, et non de l'Etat, ce qui n'est pas conforme aux engagements, contrairement à ce que vous avez affirmé tout à l'heure.
Mes chers collègues, je pense que vous l'aurez compris, en déposant cette motion tendant à opposer la question préalable, les sénateurs communistes citoyens et républicains ont surtout voulu que notre assemblée s'interroge sur le sens du présent débat, eu égard au contexte que je viens de décrire.
Nous avons en outre voulu manifester notre refus de voir traiter un dossier majeur par petites touches, et aussi de voir se dessiner les contours d'une réforme que nous jugeons dangereuse pour les conditions et le niveau de couverture des risques par la sécurité sociale que nous estimons également attentatoire aux principes qui ont présidé à la création, en 1945, de la sécurité sociale, principes toujours actuels, car la sécurité sociale continue de faire la preuve de son efficacité. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Notre collègue M. Muzeau avait déjà eu l'occasion d'exprimer le point de vue du groupe CRC devant la commission des affaires sociales. Celle-ci m'a chargé d'émettre un avis défavorable sur cette motion, et cela pour trois raisons essentielles.
En premier lieu, je rappellerai à notre collègue que la suppression du FOREC, mesure attendue et nécessaire, résulte d'un travail approfondi effectué en étroite liaison entre le Gouvernement et le Parlement et qu'elle est de nature à nous donner satisfaction puisqu'elle aboutit en fait à une rebudgétisation des sommes en cause.
Certes, nous avons regretté qu'une partie des ressources qui alimentaient ce fonds, créé par le précédent gouvernement, n'aient pas été réaffectées d'emblée à la sécurité sociale. Cependant, comme l'a très justement dit tout à l'heure Jean-François Mattei, tout ne peut pas se faire en un jour : cela viendra plus tard, dès que les conditions seront réunies.
En deuxième lieu, on ne peut pas en même temps critiquer, comme vous le faites, la tarification à l'activité, et dire que le Gouvernement reste inactif. Je rappelle qu'il s'agit ici d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale de transition. Il reste que le plan Hôpital 2007 montre la volonté du Gouvernement d'aller vers une véritable réforme de l'hôpital et de l'assurance maladie.
J'ajoute que la tarification à l'activité reçoit une très large approbation de la part des professionnels, si j'en crois ceux que j'ai eu l'occasion d'auditionner, même s'ils ont quelques appréhensions quant à ses applications. Cependant, les amendements que j'ai proposés nous permettront de contrôler les conditions de sa mise en application et de limiter au maximum les effets pervers qui pourraient résulter de cette formule. Au demeurant, M. le ministre a tenu à rassurer les membres de la commission des affaires sociales : le Gouvernement a procédé à des simulations préalables pour mesurer les effets de la mise en oeuvre de la tarification à l'activité.
Enfin, en troisième lieu, on ne peut pas dire que le Gouvernement n'a rien fait pour maîtriser les dépenses de l'assurance maladie. Vous le savez bien, monsieur Muzeau, s'il n'avait rien prévu dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous aboutirions en 2004 à un déficit de la branche maladie de 14 à 15 milliards d'euros.
Or le Gouvernement a d'emblée annoncé très clairement que son premier objectif, en attendant les réformes structurelles de l'assurance maladie qui devront résulter du dialogue social qui est en cours et de la concertation qui va se dérouler au sein du Haut Conseil sur l'avenir de l'assurance maladie, est de stabiliser le déficit grâce à un certain nombre de mesures, avant de revenir vers l'équilibre.
Telles sont les raisons pour lesquelles j'invite le Sénat à repousser la motion présentée par le groupe CRC. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour explication de vote.
M. Gilbert Chabroux. Le groupe socialiste votera la motion tendant à opposer la question préalable présentée par le groupe CRC, car les explications que vient de donner M. Vasselle ne nous ont pas convaincus.
L'année dernière, vous nous aviez présenté, monsieur le ministre, un budget de projet de loi de financement de la sécurité sociale de transition, en attendant la réforme. Cette année, c'est encore un projet de loi de financement de la sécurité sociale de transition. Nous attendons toujours la réforme !
L'année dernière, vous aviez affiché un déficit du régime général de 3,9 milliards d'euros ; il atteindra à la fin de l'année 8,9 milliards d'euros.
Vous nous dites que vous allez stabiliser le déficit pour l'année prochaine ; en fait, le déficit de l'assurance maladie sera porté de 10,6 à 10,9 milliards d'euros.
Dans ces conditions, quelle crédibilité pouvons-nous vous accorder ?
Les prévisions que vous faites par ailleurs ne sont pas réalistes. Vous augmentez l'ONDAM de 4 % en vous appuyant sur une augmentation de la masse salariale de 3,1 %. Nous voudrions bien savoir comment vous parvenez à de tels chiffres et comment vous pourrez tenir cet ONDAM, sachant notamment que la Fédération hospitalière de France demande qu'il soit fixé à au moins 4,5 %.
Vous prévoyez des mesures d'économie, mais celles-ci font porter l'effort sur les assurés sociaux : augmentation du forfait hospitalier, déremboursement de certains médicaments, diminution du taux de remboursement des médicaments homéopathiques, restriction des prises en charge au titre d'affections de longue durée, non-remboursement de la consultation pour certificat médical, par exemple pour pratiquer un sport.
En conséquence, les mutuelles ont déjà annoncé une augmentation de 10 % des cotisations, et ceux qui ne bénéficient pas d'une couverture complémentaire vont être touchés de plein fouet.
Le déficit cumulé atteindra au moins 30 milliards d'euros à la fin de 2004. Comment cette dette sera-t-elle remboursée ? Nous n'en savons rien ! Nous avons posé la question, mais nous n'avons pas obtenu de réponse. Que va-t-il se passer ? Quelles sont les perspectives ?
Le Gouvernement, sous couvert de responsabilisation des Français, cherche en fait surtout à les culpabiliser. Comme pour la canicule, on veut leur donner le sentiment qu'ils ne se rendent pas compte de ce que coûtent les choses. N'avez-vous pas, vous-même, monsieur le ministre, dit qu'ils tendaient un peu trop facilement leur carte vitale, par habitude ?
Le besoin de financement ne cesse de s'accroître et l'on demandera aux Français de s'assurer individuellement !
Nous souhaiterions donc véritablement que vous répondiez à ces questions fondamentales : où allons-nous ? Que va-t-il se passer ? Quelles sont les perspectives ? C'est là le sens du débat qui devrait s'engager.
Nous allons sans doute vers la privatisation, mais vous ne le dites pas. Vous affirmez : « Ni étatisation ni privatisation », mais M. le Premier ministre déclare qu'il faut distinguer ce qui relève de la solidarité collective et ce qui ressortit à la responsabilité individuelle. Qu'est-ce que cela veut dire sinon que le Gouvernement souhaite aller vers une forme de privatisation ?
Puisque vous n'avez pas répondu aux questions que nous vous avons posées, monsieur le ministre, nous demandons qu'il soit sursis au débat, et nous voterons donc la motion du groupe CRC tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 54, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
(La motion n'est pas adoptée.)
M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
TITRE Ier
(réservé)
Orientations et objectifs de la politique
de santé et de sécurité sociale
M. le président. Je vous rappelle que l'examen du titre Ier est réservé jusqu'à la fin du texte, conformément à l'ordre de discussion adopté cet après-midi sur la proposition de la commission des affaires sociales.
TITRE II
Dispositions relatives aux ressources
I. - L'article L. 114-5 du code de la sécurité sociale devient l'article L. 114-6.
II. - Le chapitre IV du titre Ier du livre Ier du même code est complété par une section 7 ainsi rédigée :
« Section 7
« Comité des finances sociales
« Art. L. 114-5. - I. - Le comité des finances sociales a pour missions :
« 1° De suivre l'évolution des comptes de tous les régimes, organismes et dispositifs de protection sociale rendus obligatoires par la loi, qui lui sont transmis par le ministre chargé de la sécurité sociale ou le ministre chargé du travail ;
« 2° De suivre les relations financières entre les collectivités publiques et les régimes, organismes et dispositifs de protection sociale rendus obligatoires par la loi. A ce titre, il vérifie notamment :
« a) L'application de l'article L. 131-7 relatif à la compensation intégrale des exonérations de cotisations sociales par le budget de l'Etat ;
« b) L'évolution du périmètre respectif des dépenses du budget de l'Etat et des régimes, organismes et dispositifs de protection sociale rendus obligatoires par la loi ;
« c) L'évolution des transferts de recettes entre l'Etat et les régimes, organismes et dispositifs de protection sociale rendus obligatoires par la loi ;
« d) Les conditions dans lesquelles des prestations sont servies par les régimes, organismes et dispositifs de protection sociale rendus obligatoires par la loi pour le compte de l'Etat ou des collectivités territoriales et des prestations réalisées par les services de l'Etat ou des collectivités territoriales pour le compte de ces régimes, organismes et dispositifs ;
« e) Les conditions de versement des cotisations de sécurité sociale des employeurs publics ;
« 3° D'étudier, dans un cadre pluriannuel, les facteurs d'évolution des recettes et des dépenses de protection sociale ;
« 4° De proposer des mesures de simplification des relations financières entre les collectivités publiques et les régimes, organismes et dispositifs de protection sociale rendus obligatoires par la loi ;
« Il est consulté sur tout projet de texte législatif ou réglementaire ayant des incidences importantes sur les relations financières entre les collectivités publiques et la sécurité sociale.
« Il établit chaque année un rapport qui est rendu public et transmis au Parlement et au Gouvernement avant le 15 septembre.
« II. - Le comité des finances sociales comprend :
« 1° Quatre députés désignés par le président de l'Assemblée nationale et quatre sénateurs désignés par le président du Sénat ;
« 2° Huit représentants des régimes obligatoires de base :
« a) Le président du conseil d'administration de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale ;
« b) Le président du conseil d'administration de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés ;
« c) Le président de la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles prévue à l'article L. 221-4 ;
« d) Le président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés ;
« e) Le président du conseil d'administration de la Caisse nationale des allocations familiales ;
« f) Le président du conseil central d'administration de la mutualité sociale agricole ;
« g) Le président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles ;
« h) Le président du conseil d'administration de la Caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales ;
« 3° Quatre représentants de l'Etat, désignés par décret.
« Le comité est renouvelable tous les trois ans. Il est présidé par un des membres mentionnés au 1°, désigné d'un commun accord par le président de l'Assemblée nationale et par le président du Sénat.
« III. - Le comité des finances sociales est assisté par un secrétaire général, désigné d'un commun accord par le président de l'Assemblée nationale et par le président du Sénat, qui assure l'organisation de ses travaux et la préparation de ses dossiers et rapports. Il transmet aux membres du comité tout élément d'analyse qu'il estime utile pour la compréhension de l'évolution des finances sociales.
« Le comité élabore son règlement intérieur. Il se réunit sur convocation de son président, qui fixe l'ordre du jour des réunions.
« Le comité peut se faire communiquer par les administrations de l'Etat et tout régime ou organisme relevant de sa compétence tous les renseignements d'ordre financier, comptable et administratif nécessaires à l'exercice de ses missions. »
III. - Les dispositions des I et II entrent en vigueur le 1er janvier 2004.
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 45, présenté par M. Gouteyron, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 6, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
« Supprimer les 1° et 3° du I du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 114-5 du code de la sécurité sociale. »
L'amendement n° 7, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
« Dans l'avant-dernier alinéa du I du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 114-5 du code de la sécurité sociale, remplacer le mot : "consulté" par les mots : "saisi pour avis, par le Gouvernement ou par les membres du Parlement qui ont la charge de présenter le rapport sur les projets de loi de financement de la sécurité sociale,". »
L'amendement n° 154, présenté par M. Fischer, Mme Demessine, MM. Muzeau, Autain et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le dernier alinéa du I du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 114-5 du code de la sécurité sociale :
« Il établit chaque année un rapport qui est rendu public et transmis au Parlement et au Gouvernement avant le 15 septembre, présentant notamment le bilan de la mise en oeuvre de la compensation intégrale aux régimes de sécurité sociale des réductions ou exonérations des cotisations à la charge des employeurs au titre des assurances sociales, des accidents du travail et des maladies professionnelles et des allocations familiales par le budget de l'Etat. »
L'amendement n° 8, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
« A la fin du dernier alinéa du I du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 114-5 du code de la sécurité sociale, remplacer les mots : "15 septembre" par les mots : "30 septembre". »
L'amendement n° 155, présenté par M. Fischer, Mme Demessine, MM. Muzeau, Autain et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 114-5 du code de la sécurité sociale :
« 1° De parlementaires désignés de manière à assurer une représentation proportionnelle des groupes politiques de l'Assemblée nationale et du Sénat. »
L'amendement n° 9, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
« I. - Compléter in fine le dernier alinéa du II du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 114-5 du code de la sécurité sociale par les mots : ", et assisté, en tant que de besoin, par le secrétaire général de la commission prévue à l'article L. 114-1".
« II. - Supprimer le premier alinéa du III du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 114-5 du code de la sécurité sociale.
« III. - Compléter in fine cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« IV. - Le quatrième alinéa de l'article L. 114-1 du même code est ainsi rédigé :
« Elle est assistée par un secrétaire général qui est un magistrat de la Cour des comptes nommé pour une durée de trois ans par le ministre chargé de la sécurité sociale sur proposition du Premier président de la Cour. Le secrétaire général assure l'organisation de ses travaux et l'établissement de ses rapports. Il transmet aux membres de la commission tout élément d'analyse qu'il estime utile pour la compréhension de la situation financière de la sécurité sociale. »
La parole est à M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 45.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Cet article 2A, qui est issu d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale, tend à instaurer un comité des finances sociales.
Notre collègue et ami Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales, a fait ressortir tout à l'heure que l'on a ainsi voulu créer une institution symétrique du comité des finances locales. En fait, au-delà de cette symétrie formelle, on a affaire à une de ces fausses fenêtres que dénonçait Pascal. Le parallèle est en réalité impossible.
Ce comité des finances sociales aurait pour mission de suivre l'évolution des comptes de tous les régimes ainsi que les relations financières entre les collectivités publiques et les régimes, organismes et dispositifs de protection sociale, d'étudier les facteurs d'évolution, de proposer des mesures de simplification. Il serait consulté sur tous projets de texte législatif ou réglementaire ayant des incidences importantes sur les relations financières entre les collectivités publiques et la sécurité sociale.
Ce comité se composerait de quatre députés, de quatre sénateurs, de huit représentants des régimes obligatoires de base et de quatre représentants de l'Etat. Il serait assisté par un secrétaire général.
C'est une belle machine, mais serait-elle utile ? La commission des finances pense, en tout cas, qu'elle n'est pas nécessaire.
Il suffit que les structures existantes, en particulier la commission des comptes de la sécurité sociale, jouent pleinement leur rôle, de même, bien entendu, que les commissions parlementaires.
Soucieuse d'éviter la multiplication de ces comités et organismes divers, la commission des finances a souhaité la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 6.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Lors de la discussion générale, j'ai exposé le point de vue de la commission des affaires sociales sur l'intérêt que pouvait présenter la création de ce comité des finances sociales. Il n'est pas très éloigné de celui de la commission des finances, que vient de présenter Adrien Gouteyron.
Nous ne partageons pas l'opinion de nos collègues députés. Le parallèle avec le comité des finances locales établi à l'Assemblée nationale nous paraît infondé. Au demeurant, c'est également la position de M. Jean-Pierre Fourcade, qui est président du comité des finances locales.
Nous comprenons certes l'esprit de la proposition qui nous est soumise. Il s'agit d'assurer un suivi des ressources qui viennent alimenter le budget de la sécurité sociale et de leur donner une plus grande lisibilité. Il s'agit aussi de vérifier que les décisions d'exonération sont systématiquement et intégralement compensées par le budget de l'Etat.
Les amendements que nous présentons ont pour objet de mieux définir le contour de l'activité de ce comité des finances sociales, dans l'hypothèse où le Sénat déciderait de retenir l'initiative de l'Assemblée nationale.
L'amendement n° 6 a pour objet de préciser la répartition des compétences entre ce comité des finances sociales et la commission des comptes de la sécurité sociale, de manière à éviter une superposition qui pourrait être fâcheuse.
M. Michel Charasse. Exact !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Si vous me le permettez, monsieur le président, je défendrai également les trois autres amendements déposés par la commission des affaires sociales sur cet article.
L'amendement n° 7 est un amendement de précision sur les conditions de saisine du comité des finances sociales.
L'amendement n° 8 tend à repousser du 15 au 30 septembre de chaque année la transmission du rapport qui serait demandé sur les comptes de la commission.
Quant à l'amendement n° 9, il concerne la nomination du secrétaire général. Dans l'hypothèse où ce comité des finances sociales serait créé, il conviendrait que son secrétaire général soit nommé en toute indépendance, de façon qu'il puisse bénéficier de la liberté nécessaire à l'exercice de sa mission.
Cela étant, je ne vous le cacherai pas, nous ne serions pas attristés de voir adopté l'amendement n° 45 de la commission des finances, car cette proposition de cette dernière me paraît conforme à l'appréciation que nous portons sur la création de ce comité des finances sociales.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter les amendements n°s 154 et 155.
M. Guy Fischer. Prenant acte de la suppression du FOREC, mesure opportune de clarification des relations financières entre l'Etat et l'assurance maladie, le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale a proposé de créer un comité des finances sociales.
Bien que favorables, a priori, à toute disposition permettant, par une identification des flux financiers entre l'Etat et les régimes sociaux, de rendre compte de la manière la plus transparente possible de la réalité de l'affectation de recettes fiscales et surtout de la réalité de la compensation des mesures d'exonération de cotisations sociales, nous n'en demeurons pas moins interrogatifs.
Nous nous interrogeons non sur la justification avancée, mais sur la compétence de ce comité, sur sa composition et sur son articulation avec la commission des comptes de la sécurité sociale.
C'est pourquoi nous jetons un regard plutôt critique sur la création de ce comité des finances sociales.
Je ne développerai pas à nouveau les trois objections majeures formulées par notre rapporteur pour justifier sa réserve ; nous les partageons en grande partie.
En revanche, concernant les missions de ce comité, nous tenons à faire une remarque et une proposition.
Le comité serait chargé du suivi de l'ensemble des finances sociales. Il devrait donc s'intéresser aux différents fonds CMU, APA, mais aussi, aux comptes de l'assurance chômage. Dans le contexte de restriction budgétaire que nous connaissons, propice à la remise en cause des prestations et allocations en direction des chômeurs, des personnes les plus fragiles, il convient que les parlementaires, eu égard à leur compétence générale de contrôle, ne soient pas encore un peu plus dessaisis de leurs prérogatives.
Par ailleurs, compte tenu de la mission particulière du comité concernant la vérification de l'application effective de la compensation intégrale des exonérations sociales et eu égard aux masses financières liées à ces exonérations - plus de 17 milliards d'euros, montant substantiel amené à croître encore puisque le Gouvernement entend favoriser, pour conduire sa politique de l'emploi, les exonérations de cotisations sociales patronales -, nous pensons que les dispositions faisant référence au rapport annuel établi par le comité doivent être précisées.
Tel est l'objet de l'amendement n° 154 qui vise à prévoir que le rapport présente notamment le bilan de la mise en oeuvre de la compensation intégrale aux régimes de sécurité sociale des exonérations consenties par l'Etat. Cet amendement est donc un texte de repli puisque nous sommes opposés à la création de ce comité.
L'expérience montre que cette précision peut ne pas être utile.
Enfin, par le biais de l'amendement n° 155, nous entendons nous assurer de la composition réellement démocratique du nouveau comité.
C'est pourquoi nous envisageons, si celui-ci n'était pas supprimé, que soient représentés équitablement tous les groupes parlementaires de l'Assemblée nationale et du Sénat.
Là aussi, l'expérience nous incite à prendre cette garantie. Je vous rappelle qu'aucun parlementaire communiste n'est actuellement présent au sein du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, conseil dont la composition fait par ailleurs débat.
J'entends bien l'argument que vous avez avancé à l'Assemblée nationale pour contourner cette question, monsieur le ministre. S'il faut effectivement « arrêter des règles pérennes et identiques pour les deux assemblées », il convient également, sauf à s'accommoder d'une piètre indépendance de ce comité, de s'attacher à garantir le pluralisme.
Telles sont les observations que nous souhaitions formuler à l'appui de nos deux amendements.
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. En ce qui concerne l'amendement n° 45, nous comprenons tout à fait les critiques formulées par M. Gouteyron, puisque nous avions émis quelques réserves quant à l'opportunité de la création de ce comité des finances sociales. Alors que la commission des affaires sociales n'était pas allée jusqu'à en demander la suppression,...
M. Guy Fischer. Elle en avait envie !
M. Alain Vasselle, rapporteur. ... la commission des finances a, elle, été plus volontaire et plus ambitieuse.
La commission des affaires sociales a considéré qu'après l'initiative prise par la commission des finances, il serait souhaitable de connaître l'avis du Gouvernement : j'ai hâte d'en apprécier la pertinence.
Sur l'amendement n° 154, relatif à la date du 15 septembre, vous savez, monsieur Fischer que, dans l'hypothèse où l'amendement de la commission des affaires sociales, visant à reporter cette date au 30 septembre serait adopté et où ce comité serait créé, il faudrait quand même lui laisser le temps d'examiner les comptes élaborés par la commission des comptes. Il convient de ne pas travailler dans la précipitation sur un sujet aussi sensible et aussi délicat.
M. Roland Muzeau. C'est pourtant ce que nous sommes en train de faire !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je sais bien que vous ne doutez ni de la capacité des parlementaires ni de celle des membres du comité des finances sociales de travailler rapidement, mais, compte tenu du rythme auquel nous travaillons, nous comprenons bien quelles sont les difficultés. Sachons prendre un peu de temps !
Avec l'amendement n° 155, fidèle à vos propositions,...
M. Roland Muzeau. Au pluralisme !
M. Alain Vasselle, rapporteur. ... vous voulez instaurer une représentation proportionnelle.
Vous savez comment fonctionnent les différentes assemblées. Il ne vous appartient pas de préempter les compétences des présidents de chaque assemblée ni de préjuger de l'autonomie de chacune de ces assemblées. Cela ne fonctionne pas si mal. La preuve en est, monsieur Fischer, que vous êtes vous-même vice-président de la Haute Assemblée et qu'il ne fut pas besoin d'un vote à la proportionnelle pour arriver à ce résultat. Vous savez vous en satisfaire, n'allez donc pas plus loin ! (Vives exclamations sur les travées du groupe CRC. - Rires sur les travées de l'UMP.)
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Excellent argument !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Mattei, ministre. Le comité des finances sociales ne figurait pas dans le texte initial du Gouvernement et a donc été introduit par l'Assemblée nationale. Un certain nombre d'arguments lui étant apparus recevables, le Gouvernement l'a accepté.
Le Sénat n'en veut plus. Dans ce contexte, le Gouvernement ne sera pas l'arbitre entre les deux assemblées et s'en remettra à la sagesse du Sénat. (Sourires.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien joué !
M. le président. Monsieur le ministre, vous ne vous êtes pas exprimé sur les autres amendements.
M. Jean-François Mattei, ministre. Monsieur le président, pardonnez-moi, mais mon passé de parlementaire au sein de l'Assemblée nationale,...
M. Michel Charasse. Brillant passé !
M. Jean-François Mattei, ministre. ... m'amène à constater des différences de fonctionnement entre les deux assemblées. Si l'amendement n° 45 était voté, les autres amendements n'auraient plus d'objet, n'est-ce pas ?
M. le président. C'est exact.
M. Jean-François Mattei, ministre. Est-il dès lors utile de donner un avis sur ces amendements ?
M. le président. Comme ils sont en discussion commune, la tradition au Sénat veut que le Gouvernement s'exprime sur chacun de ces amendements.
M. Jean-François Mattei, ministre. Sur l'ensemble de ces amendements, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat, puisqu'ils découlent tous de l'amendement n° 45. (Sourires.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien ! Ils sont forts, à l'Assemblée nationale ! (Sourires.)
M. le président. Monsieur le ministre, le Gouvernement s'en remet-il également à la sagesse du Sénat sur les amendements n°s 154 et 155 ?
M. Jean-François Mattei, ministre. Sur les amendements n°s 154 et 155, le Gouvernement s'en remet à la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et donc, là encore, à la sagesse ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur l'amendement n° 45.
M. Michel Charasse. Je ne reprendrai pas les arguments de fond qui ont été développés par M. Vasselle au nom de la commission des affaires sociales, par M. le ministre, par M. Gouteyron au nom de la commission des finances et par nos collègues du groupe CRC. Mais en tant que membre du comité des finances locales, je voudrais simplement souligner qu'il y a tout de même quelques différences fondamentales entre ce comité et le comité des finances sociales.
Mes chers collègues, le comité des finances locales a pour objet de garantir la liberté locale, qui est un principe constitutionnel.
M. François Autain. Bien sûr !
M. Michel Charasse. Il n'y a pas de principe constitutionnel de la liberté sociale, du moins n'est-il pas de même nature. Par ailleurs, si le comité des finances locales, comme celui des finances sociales, contrôle, le comité des finances locales, lui, décide, alors que le comité des finances sociales n'a aucun pouvoir de décision. C'est nous - permettez-moi de dire « nous » puisque j'appartiens au comité des finances locales - qui fixons le montant de la part forfaitaire de la dotation globale de fonctionnement. C'est nous qui fixons le montant de l'allocation de logement des instituteurs, qui fixons aussi les parts des dotations particulières - dotation de solidarité urbaine, dotation de solidarité rurale, intercommunalité, etc. On ne trouve aucun pouvoir de ce type dans les attributions du comité des finances sociales.
Comme membre de la commission des finances, je comprends donc bien la position de la commission des affaires sociales qui s'interroge sur l'opportunité de créer un énième comité consultatif qui va largement doublonner avec la commission de contrôle des comptes de la sécurité sociale, et même avec la Cour des comptes, puisque cette dernière rédige un rapport annuel sur les comptes de la sécurité sociale.
On peut comprendre, comme l'a dit M. Vasselle, la démarche de l'Assemblée nationale et la position du Gouvernement. Mais le bicamérisme nous donne un avantage, celui d'un instant supplémentaire de réflexion. Pour moi, ce comité représente surtout une formidable défiance à l'égard du contrôle parlementaire, étant entendu que le comité n'a qu'un pouvoir de contrôle.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Exact !
M. Jean Chérioux. Absolument !
M. Michel Charasse. Si l'on estime que le contrôle parlementaire est insuffisant, ce n'est quand même pas à nous, parlementaires, de le condamner et de le critiquer ! La critique peut venir de l'extérieur, mais non pas de nous-mêmes !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !
M. Michel Charasse. Si nous estimons que notre contrôle parlementaire est insuffisant, nous avons les moyens de le renforcer, soit en réorganisant nos commissions compétentes, soit en créant un organisme spécialisé, par exemple une délégation parlementaire à la sécurité sociale, mais qui serait composé en totalité de parlementaires, sans personnalités extérieures.
Pour tous ces motifs, monsieur le président, je me félicite de la sagesse partagée - si je puis dire - de la commission et du Gouvernement sur ce sujet.
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. Michel Charasse. Et je ne vois, comme mon groupe, d'ailleurs, que des avantages à l'adoption de l'amendement de la commission des finances, étant entendu que ce n'est pas une mauvaise manière que nous faisons à l'Assemblée nationale. Au fond, nous disons à l'Assemblée nationale, si l'amendement de la commission des finances doit être adopté : quitte à créer un comité, qu'il s'agisse d'un vrai comité, doté de réels pouvoirs ; et ne le comparez pas à un comité dont les pouvoirs très importants dans le domaine des finances locales ont jusqu'à présent permis d'avancer sur de très nombreux sujets et qui a pour mission de veiller à l'application stricte par l'exécutif, sous tous les gouvernements, des principes de la liberté locale et des modalités de calcul des dotations dont ce comité a la charge.
Telles sont les raisons pour lesquelles je voterai l'amendement n° 45.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je veux remercier M. Michel Charasse. Nous avons la même réflexion en la matière.
Peut-être l'Assemblée nationale a-t-elle le sentiment qu'on ne laisse pas assez de place à la fonction parlementaire de contrôle sur les comptes sociaux. Nous pouvons le comprendre. Ne nous demande-t-on pas d'examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale, dont le budget est supérieur à celui de la nation, en seulement trois jours alors qu'il nous faudrait au moins une semaine ?
M. Roland Muzeau. C'est scandaleux !
M. Jean Chérioux. C'est vrai !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n'est pas loin, en effet, d'être scandaleux ! Le Parlement dispose, malheureusement, de moyens insuffisants pour exercer ce contrôle. Nous réclamons en vain un rapporteur général pour les projets de loi de financement de la sécurité sociale. Peut-être aurions-nous alors les moyens d'exercer un réel contrôle.
Trop, c'est trop ! On peut comprendre que certains députés aient décidé, faute d'obtenir satisfaction, de créer un comité qui leur permettrait de suivre l'évolution d'un secteur aussi important. Si le Sénat adopte l'amendement n° 45, il le fera animé de l'intime conviction de devoir trouver, avec l'Assemblée nationale, une solution pour assurer un réel contrôle des finances sociales. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. M. Vasselle ne voulait pas de ce comité et M. le ministre est visiblement soulagé que le Sénat n'en veuille pas non plus. M. Gouteyron a pris une heureuse initiative. Et pour tout vous dire, monsieur le rapporteur pour avis, nous avons bien cru que la commission des finances était infestée de gauchistes. (Exclamations amusées sur certaines travées de l'UMP.)
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Oh !
M. Roland Muzeau. En effet, tous les amendements visant à supprimer des articles ont été rejetés d'un seul mot. Aussi, lorsque nous avons pris connaissance de votre amendement, monsieur Gouteyron, qui correspondait à notre position, comme l'a fort bien expliqué M. Fischer, nous avons sans état d'âme décidé de le soutenir !
Je tiens toutefois à préciser que le Parlement ne manque pas de moyens de contrôler les comptes de la sécurité sociale. Encore faut-il qu'il décide de s'en saisir. A cet égard, M. Vasselle a récemment fait état devant la commission des affaires sociales d'un travail de contrôle sur pièce et sur place qui a, je crois, été très instructif pour la commission, même si nous n'en tirons pas tous forcément les mêmes enseignements. Il a fait la démonstration, déjà faite dans d'autres domaines de l'activité parlementaire, de la possibilité réelle qui est donnée au Parlement, lorsqu'il décide de se saisir des moyens qui sont à sa disposition, de faire un travail de contrôle, qui n'est pas toujours aisé, comme M. Nicolas About l'a indiqué. Quoi qu'il en soit, rien ne s'oppose à ce contrôle, et si des moyens supplémentaires sont nécessaires pour permettre une meilleure connaissance des comptes sociaux, par exemple l'embauche de quelques fonctionnaires parlementaires supplémentaires, nous vous soutiendrons. (Sourires.)
Encore un peu de courage, et, vous verrez, ça ira mieux !
Nous voterons donc l'amendement n° 45, ce qui, encore une fois, soulagera M. le rapporteur et M. le ministre.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 45.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 2 A est supprimé, et les amendements n°s 6, 7, 154, 8, 155 et 9 n'ont plus d'objet.