Article additionnel après l'article 73
M. le président. L'amendement n° 347, présenté par M. Fauchon et les membres du groupe de l'Union Centriste, est ainsi libellé :
« Après l'article 73, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Afin de réaliser une meilleure répartition des oeuvres d'art sur l'ensemble du territoire national et d'améliorer l'accès du public à ces oeuvres, une expérimentation du prêt d'une partie des collections du musée national du Louvre aux musées de France relevant des collectivités territoriales est engagée dans un délai d'un an à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, pour une durée de quatre ans.
« II. - Les collectivités territoriales peuvent se porter candidates à cette expérimentation auprès du ministre chargé de la culture dans un délai d'un an à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi.
« Dans le même délai, le ministre de la culture, après avis du Haut Conseil des musées de France et du conseil d'administration de l'établissement public du musée du Louvre, arrête la liste des oeuvres susceptibles de faire l'objet de prêts assortie de propositions relatives à la destination des oeuvres. Cette liste comporte une part significative des collections du musée national du Louvre. Elle est établie dans un souci de cohérence artistique et de correspondance territoriale.
« III. - Une convention passée entre l'Etat et la collectivité territoriale définit les conditions et les modalités du prêt. La durée de celui-ci ne peut excéder celle prévue pour l'expérimentation.
« IV. - Dans un délai de six mois avant le terme de l'expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport d'évaluation assorti des observations des collectivités territoriales y ayant participé. »
La parole est à M. Pierre Fauchon.
M. Pierre Fauchon. Il ne s'agit plus de transférer la propriété de tableaux, mais d'organiser un effet d'animation sur l'ensemble du territoire grâce à ces tableaux qui sont aujourd'hui, pour l'essentiel, concentrés dans des musées à Paris, au Louvre en particulier, dont l'organisation, je le disais tout à l'heure, ne répond plus vraiment à la curiosité des amateurs d'art actuels.
La curiosité des amateurs d'art actuels se porte de plus en plus vers les événements artistiques. Il est frappant de constater que les gens font la queue pour voir les Botticelli du musée du Luxembourg, dont certains sont au Louvre mais devant lesquels il n'y a jamais de visiteur.
Il faut donc réfléchir à une meilleure répartition, à une meilleure « mise en service » si j'ose dire...
M. Robert Bret. Mise en valeur...
M. Pierre Fauchon. ... des ces oeuvres sans aucunement porter atteinte à leur statut, parce qu'elles font durablement partie du patrimoine de l'Etat dans mon esprit.
Je propose d'adopter une démarche expérimentale, entièrement gérée par le ministère, pour des opérations de coopération avec des métropoles de caractère régional, parce que, pour revenir au débat précédent, il est évident que les conditions de conservation des oeuvres sont très importantes.
Je vais donner quelques exemples pour illustrer ce vers quoi je voudrais tendre.
Songeons, mes chers collègues, qu'à Aix-en-Provence, alors que passent tant et tant de gens cultivés dans cette belle ville d'art, appartient au patrimoine mondial et qui est proche de la montagne Sainte-Victoire, il n'y a pas un seul tableau de Cézanne ! N'est-ce pas une carence véritablement absurde et désolante ? On pourrait aussi imaginer d'y exposer des Van Gogh.
Evoquer Cézanne à Aix-en-Provence en y déplaçant quelques tableaux, en y ajoutant, éventuellement, comme le suggérait Michel Dreyfus-Schmidt, à qui j'en ai parlé, de très bonnes reproductions, serait me semble-t-il, un événement de nature à attirer énormément de curieux. C'est un premier exemple.
J'en donne un deuxième : La Tour, peintre qui, au yeux de la critique actuelle, est de plus en plus important n'a longtemps été connu que dans l'Est, dont il est originaire. Le regroupement de quelques-unes des oeuvres de La Tour à Nancy aurait un sens qu'il ne pourrait avoir nulle part ailleurs et créerait un courant d'intérêt pour cette ville, très belle d'ailleurs, mais insuffisamment visitée.
Je signale, au passage, que l'on a déplacé à Pont-Aven cette année l'exposition Gauguin et qu'elle a eu un très grand succès. Qui l'eût cru ? A Pont-Aven !
M. Josselin de Rohan. Tout à fait !
M. Pierre Fauchon. C'est une démonstration du bien-fondé de ce à quoi je voudrais pousser le Gouvernement.
Nous avons, au Mont Saint-Michel, des salles gothiques magnifiques qui sont vides. Nous disposons, au Louvre, d'une collection d'objets d'art médiévaux très peu connus, mais qui sont remarquables, parmi lesquels on pourrait prélever de quoi faire une très intéressante présentation, au moins pendant quelques années ou quelques saisons, dans l'enceinte du Mont Saint-Michel, où il est particulièrement facile d'organiser le gardiennage.
Puisque M. Mauroy vient de se joindre à nous, il me permettra, bien que cela ne relève pas du même domaine de l'art, d'évoquer un projet que j'avais trouvé remarquable en son temps : il s'agissait de transporter les plans-reliefs des Invalides à la citadelle de Lille, où ils auraient été si bien exposés. C'était un projet magnifique.
M. Jean-Pierre Sueur. Ils y sont !
M. Pierre Fauchon. Non, il n'y en a que quelques-uns !
M. Jean-Pierre Sueur. Il y en a beaucoup !
M. Pierre Fauchon. M. Mauroy nous le dira. En tout état de cause, la réalisation de cette opération est restée en deçà du projet initial. Pour être allé à plusieurs reprises aux Invalides, je peux vous le dire, placées là, ces maquettes n'attirent pas grand monde.
Tout cela montre qu'il nous faut faire preuve d'imagination. Je vous propose donc d'agir dans le cadre d'une démarche expérimentale, car la chose est délicate et il ne faut pas déposséder l'Etat de la propriété. Je ne méconnais ni les problèmes de conservation ni les problèmes de mise en oeuvre des éventuels projets.
Tout cela j'en suis concient, ne peut résulter que de la rencontre d'une impulsion du ministère et d'un volontariat fort de la part de métropoles régionales prêtes à investir les moyens nécessaires pour jouer cette carte.
Saisissons la possibilité désormais inscrite dans la Constitution d'autoriser ce genre d'opérations de caractère expérimental, soit dans le domaine législatif, soit dans le domaine réglementaire, car nous sommes là entre le réglementaire et le législatif.
Cet amendement pourrait être une incitation. Je le dis immédiatement, il ne faut absolument pas y voir une critique à l'égard du Gouvernement. M. Aillagon s'engage dans cette voie, je le sais.
On m'a donné, une liste d'oeuvres prêtées, mais elles ne sont pas, il faut bien le dire, assez importantes pour créer des événements du type de ceux auxquels j'ai fait allusion. On ne manque pas de me citer le prêt des Fouquet, d'autant plus extraordinaires qu'il n'y en a que deux ou trois. Encore faut-il observer qu'ils ont été prêtés à la Bibliothèque nationale, autrement dit le trajet a été de trois cents mètres, et je n'y vois guère un acte de décentralisation réellement significatif !
Si nous pouvions pousser le Gouvernement dans cette direction, nous ferions oeuvre utile en suscitant une animation semblable à celle qui est si réussie dans le domaine musical. Les festivals qui existent en France depuis longtemps maintenant grâce à la politique nationale menée en la matière drainent des amateurs de musique à Montpellier, à Aix, etc. Je souhaite que nous nous inspirions de cette expérience réussie.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. M. Fauchon a excellemment exposé l'objet de son amendement. La commission y est favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Monsieur Fauchon, les formidables collections qu'abritent nos musées nationaux - y compris le Louvre - méritent naturellement d'être mieux découvertes. Elles pourraient avantageusement être admirées sur l'ensemble du territoire national.
La loi du 4 janvier 2002 permet aux musées de France de transférer la propriété de tout ou partie d'une collection à une autre personne publique - éventuellement décentralisée ou territoriale -, à condition naturellement que celle-ci s'engage à rendre accessible les oeuvres à un large public.
Cette possibilité est donc déjà prévue dans les textes. Je concède bien volontiers que les dispositions législatives du 4 janvier 2002 sont peu utilisées, mais peut-être cela tient-il au fait qu'elles sont assez récentes - un an et demi seulement - et le Gouvernement a bien l'intention de donner un élan à leur mise en application.
Par ailleurs, s'agissant de la mise à disposition provisoire de certaines grandes collections pour organiser des événements - on peut imaginer une exposition Toulouse-Lautrec à Albi ou Ingres à Montauban, etc. - il faut une loi spécifique que le Gouvernement a l'intention de préparer.
M. Pierre Fauchon. Alors donnez un avis favorable à cet amendement !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Non, parce qu'un tel texte ne peut s'improviser, monsieur Fauchon. En outre, nous ne voulons pas légiférer à titre expérimental, mais à titre permanent.
Par conséquent, je vous propose de prendre l'attache du ministère de la culture, qui est tout à fait ouvert à ce type de proposition.
En attendant, comme ce n'est pas vraiment l'objet de cette loi de décentralisation - encore que nous n'en soyons pas loin -, je vous demande de retirer votre amendement pour ne pas le gâcher, car le Gouvernement devra sinon émettre un avis défavorable par souci de cohérence. Or l'idée est bonne et elle mérite de prospérer.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. J'entends parfaitement ce que dit M. Fauchon et, si je comprends le souci du ministre de ne pas improviser sur un sujet comme celui-là, je veux relater à l'appui de l'amendement de notre collègue une expérience. Pierre Mauroy parlera sans doute de celle qu'il a connue à propos des plans-reliefs. De plus, je sais bien que la création d'événements et les dépôts temporaires impliquent une procédure fort coûteuse, mais Lille a été choisie comme l'une des capitales européennes de la culture en 2004 et, à cette occasion, un certain nombre d'événements et de manifestations vont être organisés.
Je prendrai deux exemples d'opérations montées en parfaite harmonie avec les musées nationaux, le premier étant celui de Boulogne-sur-Mer et de l'égyptologie : vous savez sans doute que Mariette est originaire de Boulogne-sur-Mer. Une exposition d'égyptologie est ainsi organisée en liaison avec le musée du Caire, ce qui permettra à la population, qui ne connaît souvent le nom de Mariette que comme celui du lycée, de découvrir ce Boulonnais.
Deuxième opération exemplaire menée en parfait accord avec le ministre de la culture, les « beffrois de la culture ». C'est notre collègue Ivan Renar qui gère cette opération : il s'agira de montrer dans plusieurs hôtels de ville de la région des oeuvres afin de les faire découvrir avec tout l'accompagnement nécessaire à un public qui, sans doute, ne les aurait sinon jamais rencontrées.
La démarche que propose notre collègue Pierre Fauchon est très intéressante, et nous la soutenons. Cette démarche est d'ailleurs déjà mise en pratique, mais si l'on pouvait enrichir les collections des musées de province des oeuvres qui dorment dans les réserves des musées parisiens sans jamais être exposées, on ouvrirait des perspectives de développement à la culture dans une vraie logique de décentralisation.
La navette permettra sans doute de revenir sur ces questions, mais d'ores et déjà je tiens à dire que l'idée de notre collègue Pierre Fauchon a le complet appui du groupe socialiste.
M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote.
M. Pierre Fauchon. C'est décourageant ! Monsieur le ministre, vous venez de dire que vous ne demandiez qu'à entrer dans cette voie. Permettez-nous de vous y encourager, et même de vous y pousser. Le système que je vous propose, permettrait de mener, sous votre contrôle, en coopération avec les métropoles régionales, des expérimentations pendant cinq ans, après quoi on ferait le point.
L'affaire resterait entièrement entre les mains du Gouvernement. Je vous demande donc instamment de vous engager de manière plus résolue !
M. le président. La parole est à M. Pierre Mauroy, pour explication de vote.
M. Pierre Mauroy. Mes collègues m'invitent, si je puis dire, à parler des plans-reliefs ! (Sourires sur les travées du groupe socialistes.)
Ce fut une bataille absolument extraordinaire, significative, et qui éclaire les débats d'aujourd'hui.
Selon certains, il était intolérable que la ville de Lille puisse avoir les plans-reliefs. Pourtant, Lille étant une ville frontière et ces plans-reliefs étant ceux de toutes les batailles qui se sont déroulées le long de la frontière du Nord. Ils pouvaient donc être à Lille !
Eh bien non ! C'était inadmissible pour les Parisiens ! Quand je dis « les Parisiens », je ne parle pas du peuple de Paris, je parle d'un certain comité Vauban, d'une certaine élite, de l'Académie française elle-même, qui a dû organiser une séance spéciale pour décider que les plans-reliefs devaient être à Paris et non pas à Lille.
Ils ont bien fait ! Ils m'ont offert la plus grande victoire politique de ma carrière, parce que tous les Lillois se sont rassemblés autour de moi pour réclamer la conservation des plans-reliefs et, finalement ces Parisiens ont été obligés de céder.
M. Jacques Chirac venait d'être nommé Premier ministre. Je lui ai dit : « Je n'ai pas d'armée, et je ne peux donc pas les défendre les plans-reliefs. Venez les chercher, mais, quand vous entrerez dans la ville, j'appuierai sur les deux boutons de la sirène pour avertir les Lillois qu'on vient leur enlever leurs plans-reliefs. (Rires.)
Monsieur le maire, c'est une victoire que je ne vous donnerai pas, m'a-t-il répondu. Et, finalement, piteusement, l'Etat, nous a laissé ces plans-reliefs, si bien que, monsieur Fauchon, nous avons tous les plans-reliefs de toute la frontière du Nord.
J'ajoute que le ministre chargé de l'affaire avait écrit à tous ses homologues des gouvernements de Belgique, d'Allemagne, des Pays-Bas, notamment, pour leur dire : « Vous êtes certainement d'accord avec le Gouvernement pour que ces plans-reliefs soient à Paris ! » Ils ont tous répondu : « Non ! la ville de Lille est située sur la frontière, cette frontière sur laquelle nous avons combattu ; par conséquent, ces plans-reliefs sont très bien à Lille. »
Par ailleurs, les propos de M. Fauchon entraînent notre adhésion. Finalement, le scandale, c'est que des oeuvres extraordinaires en effet éternellement dans des réserves. Il y a, d'une part, les oeuvres accrochées dans les musées et, d'autre part, les oeuvres entassées dans les réserves et que l'on ne voit jamais.
Par conséquent, si l'on ne veut pas décrocher certains tableaux, on pourrait au moins organiser des circuits pour mettre à la disposition du public ce qu'il y a dans la réserve. Ce serait extraordinaire pour les villes et pour les villages.
J'observe par ailleurs que cette loi de décentralisation devrait reposer sur trois pieds, alors qu'elle n'est que sur deux. Vous ne connaissez que la région et le département et vous snobez complètement les communautés urbaines, les communautés d'agglomérations, les grandes villes, etc.
Pourtant, les plus grandes manifestations culturelles, - même si l'Etat en accueille dans ses palais nationaux - sont organisées par les villes. Regardez toutes ces villes qui font des expositions culturelles extraordinaires, des expositions de peinture notamment - j'en ai organisé moi-même - et qui font venir de pays étrangers tous ces tableaux. Vous auriez dû les associer.
Mais, monsieur le ministre, vous avez pris le parti d'ignorer superbement les grandes villes, les plus petites villes, bref, de ne pas répondre à cet élan populaire vers le rassemblement de communes autour des plus grandes villes, ce mouvement qui se perpétue en France.
Vous manquez l'occasion d'associer toutes ces villes à tout un programme culturel. Vous répartissez les compétences entre la région et le département après des discussions laborieuses. Vous avez fait je ne sais combien de réunions et vous n'avez pas réussi à vous mettre d'accord. Vous avez donc prolongé le débat au Sénat par d'assez piteuses discussions pour savoir ce qu'on devrait donner aux uns et aux autres. Et tout cela parce que votre loi n'est pas équilibrée ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 347.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Un article additionnel ainsi rédigé est donc inséré dans le projet de loi, après l'article 73.
I. - A titre expérimental, pendant une période de quatre ans commençant au plus tard le 1er janvier 2006, la région peut assurer, pour les opérations nouvelles et les tranches non engagées des opérations en cours, la gestion des crédits budgétaires affectés à l'entretien et à la restauration des immeubles, orgues et objets classés ou inscrits au titre de la loi du 31 décembre 1913 n'appartenant pas à l'Etat ou à ses établissements publics.
La région qui bénéficie de l'expérimentation peut déléguer à un ou plusieurs des départements de son ressort la gestion des crédits d'entretien des immeubles ainsi que des crédits d'entretien et de restauration des objets mobiliers.
Une convention passée entre l'Etat et la région ou, dans le cas prévu au II du présent article, le département, fixe le montant des crédits d'entretien et de restauration inclus dans l'expérimentation ainsi que leurs modalités d'emploi, de versement par anticipation et de restitution. Elle prévoit, en outre, les conditions selon lesquelles la région est substituée à l'Etat pour les tranches non engagées des opérations de restauration en cours à la date qu'elle détermine. Elle précise, le cas échéant, les modalités de participation des autres collectivités territoriales, des associations de défense du patrimoine et de celles représentant les propriétaires privés, à la préparation de la programmation des travaux sur les immeubles classés ou inscrits.
II. - Lorsque la région ne s'est pas portée candidate à l'expérimentation avant l'expiration d'un délai de six mois à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, un département, s'il en fait la demande, peut assurer à titre expérimental, pour une période de quatre ans commençant au 1er janvier 2006, la gestion des crédits budgétaires affectés à l'entretien des immeubles et à l'entretien et la restauration des objets mobiliers classés ou inscrits au titre de la loi du 31 décembre 1913 n'appartenant pas à l'Etat ou à ses établissements publics. La convention prévue au I du présent article est en ce cas passée entre l'Etat et le département.
III. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent article, notamment les catégories des professionnels auxquels le propriétaire est tenu de confier la maîtrise d'oeuvre des travaux.
IV. - Le montant annuel des crédits liés à l'expérimentation est arrêté, dans la limite des crédits ouverts par les lois de finances, dans chaque convention en fonction de l'état et de l'importance du patrimoine qui en est l'objet.
V. - Dans les conditions prévues par la loi de finances, les crédits mis en oeuvre par l'Etat pour la conservation du patrimoine rural non protégé sont transférés aux départements.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 792, présenté par M. Renar, Mme David, MM. Ralite, Autain et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
« L'amendement n° 793, présenté par Mme David, MM. Autain, Ralite, Renar et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« I. - Remplacer les deux premiers alinéas du I de cet article par les deux alinéas suivants :
« L'Etat garde la compétence de la programmation des travaux et de la gestion des crédits budgétaires affectés à l'entretien et à la restauration des immeubles, orgues et objets classés ou inscrits au titre de la loi du 31 décembre 1913 dont ni lui, ni ses établissements publics n'ont la proprité.
« Cependant, les collectivités locales et territoriales peuvent aussi prendre l'initiative et la responsabilité du financement de travaux non programmés par l'Etat. »
« II. - Dans le troisième alinéa du I, supprimer les mots : "ou, dans le cas prévu au II du présent article, le département".
« III. - Supprimer les paragraphes II, IV et V. »
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 177 est présenté par M. Schosteck, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 338 rectifié est présenté par M. Richert, au nom de la commission des affaires culturelles.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« A. - Remplacer les paragraphes I et II de cet article par un paragraphe I ainsi rédigé :
« I. - Une expérimentation est engagée dans un délai d'un an à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, pour une durée de quatre ans, afin de permettre aux régions et, à défaut, aux départements de gérer les crédits budgétaires affectés à l'entretien et à la restauration des immeubles, orgues et objets mobiliers classés ou inscrits au titre de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques n'appartenant pas à l'Etat ou à ses établissements publics.
« La région dispose d'un délai de six mois à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi pour présenter sa candidature. Si la région ne s'est pas portée candidate à l'expiration de ce délai, tout département situé sur son territoire peut se porter candidat à l'expérimentation, à condition de présenter sa demande dans un délai de six mois. Un décret fixe la liste des collectivités retenues.
« Une convention passée entre l'Etat et la région ou, le cas échéant, le département fixe le montant des crédits d'entretien et de restauration inclus dans l'expérimentation ainsi que leurs modalités d'emploi, de versement par anticipation et de restitution. Elle prévoit, en outre, les conditions selon lesquelles la région ou le département est substitué à l'Etat pour les tranches non engagées des opérations de restauration en cours à la date qu'elle détermine.
« Dans un délai de six mois avant le terme de l'expérimentation, le Gouvernement présente au Parlement un rapport d'évaluation assorti des observations des collectivités territoriales y ayant participé.
« B. - En conséquence, au début des paragraphes III, IV et V, remplacer la référence : "III" par la référence : "II" ; la référence : "IV" par la référence : "III" et la référence : "V" par la référence : "IV". »
L'amendement n° 177 est assorti d'un sous-amendement n° 1302, présenté par M. Gaillard, et ainsi libellé :
« Compléter le troisième alinéa du texte proposé par le A de l'amendement n° 177 pour remplacer les I et II de cet article, par une phrase ainsi rédigée :
« Elle précise, le cas échéant, les modalités de consultation des autres collectivités territoriales, des associations de défense du patrimoine et de celles représentant les propriétaires privés, pendant la préparation de la programmation des travaux sur les immeubles classés ou inscrits. »
L'amendement n° 1050, présenté par MM. Dauge, Peyronnet, Frimat, Sueur, Lagauche, Godefroy, Marc, Cazeau, Chabroux, Reiner, Mano, Bel, Domeizel, Mauroy, Krattinger, Courteau, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans le deuxième alinéa du I de cet article, après les mots : "départements de son ressort", insérer les mots : "qui en font la demande". »
La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter les amendements n°s 792 et 793 rectifié.
M. Roland Muzeau. L'article 74, comme le précédent, aura des conséquences désastreuses pour la révélation, l'étude et la diffusion du patrimoine historique nationale et le débat qui vient de se dérouler l'a bien montré. Il prévoit en effet que toutes les régions qui le souhaitent pourront assurer en lieu et place des conservations régionales des monuments historiques, les CRMH, la gestion des crédits d'entretien et de restauration et la programmation des travaux sur monuments protégés. Les départements pourraient également être candidats à de telles expérimentations pour ce qui concerne les crédits d'entretien.
De toute évidence, étant donné la masse de crédits en jeu - plus de 100 millions d'euros - et le très grand intérêt politique de la maîtrise de la programmation, cette mesure va susciter un très grand engouement de la part des collectivités.
Il n'est pas difficile de prédire qu'à très brève échéance les missions et donc les personnels des CRMH mais aussi des affaires générales qui, dans les DRAC, sont chargés du suivi de ces questions seront transférés à la région ou département.
Ce sont 7 % du budget du ministère de la culture qui sont transférables. Au-delà de cet aspect purement comptable, c'est la capacité à donner un sens à la politique du patrimoine qui est transférée.
Ne disposant plus de ligne budgétaire, l'Etat ne pourra plus programmer et ne pourra donc plus opérer de rééquilibrage par rapport aux orientations politiques des collectivités locales. Les missions des actuelles CRMH se limiteraient à entériner les propositions de protection des élus.
En effet, on voit mal que l'Etat puisse prendre des mesures de protection susceptibles d'entraîner des dépenses de la part des collectivités territoriales sans l'accord de ces dernières.
Cet article ne prend pas la mesure de l'enjeu esssentiel qu'est la mémoire, une mémoire qui risque de s'émietter ce qui serait très grave.
Voilà pourquoi nous souhaitons sa suppression. Je demande d'ailleurs un scrutin public sur cet amendement n° 792.
J'en viens à l'amendement n° 793 rectifié. Nous ne pouvons approuver la décentralisation que vous mettez en place par ce projet de loi. En effet, comme nous l'avons déjà exprimé à plusieurs reprises, ce texte prépare un démembrement de la loi républicaine, démembrement dommageable collectivement à notre nation et individuellement à nombre de nos concitoyens.
Nous sommes favorables à une décentralisation qui répartirait les compétences de façon plus efficace et plus profonde sur notre territoire. Encore faudrait-il pour cela que la décentralisation ne soit pas le prétexte à un désengagement de l'Etat pour tout ce qui dépasse ses compétences strictement régaliennes.
Avec l'amendement n° 793 rectifié nous proposons donc une décentralisation concertée dans laquelle les collectivités locales et territoriales viennent en renfort de l'Etat et qui n'entraîne aucun désengagement de ce dernier.
Le dessein national de mise en valeur, de restauration et de gestion des monuments nationaux pourrait être servi ici par des initiatives locales venant enrichir le patrimoine national et s'ajouter au travail collectif de la recherche en sciences humaines.
Il s'agira de mettre en place une programmation et une gestion complémentaires par lesquelles la politique culturelle locale s'exprimera.
Cet amendement permettra l'expression locale en évitant une gestion du patrimoine historique national éclatée et incohérente. C'est pourquoi nous vous demandons de le voter, mes chers collègues.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 177.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Cet amendement tend à permettre aux départements de bénéficier, à titre expérimental et dans les mêmes conditions, du même transfert de compétences que les régions en assurant la gestion des crédits affectés tant à l'entretien qu'à la restauration des immeubles ou des biens mobiliers inscrits ou classés.
M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard, pour présenter le sous-amendement n° 1302.
M. Yann Gaillard. Je le retire, car un consensus s'est instauré entre les commissions et le Gouvernement sur ce sujet.
M. le président. Le sous-amendement n° 1302 est retiré.
La parole est à M. Philippe Richert, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 338 rectifié.
M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. Cet amendement, identique à l'amendement n° 177, a déjà été défendu par M. le rapporteur.
M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, pour présenter l'amendement n° 1050.
M. Serge Lagauche. Ce matin, lors de l'ouverture de la séance, nous avons fait remarquer que nous étions partisan d'un débat qui nous paraît par essence constructif.
C'est un débat qui a permis au Sénat, presque unanime, d'adopter l'amendement n° 347, présenté par M. Fauchon. Cela démontre qu'un échange nourri s'engage entre les membres de la majorité et ceux de l'opposition peut faire évoluer la situation.
Ce matin, nous avions déposé huit amendements. Ce n'était pas faire de l'obstruction, comme on nous l'a reproché. Ce soir, en revanche, nous retirons l'amendement n° 1050, car il nous semble désormais insuffisamment fondé.
Vous pouvez donc le constater, le débat peut faire progresser notre assemblée. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
M. le président. L'amendement n° 1050 est retiré.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 792 qui vise à supprimer l'article 74.
Elle est également défavorable à l'amendement n° 793 rectifié, qui tend à supprimer toute possibilité de transfert à titre expérimental, ce qui est contraire à l'amendement n° 177.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 792 de suppression, ainsi qu'à l'amendement n° 793 rectifié de quasi-suppression.
Il est en revanche favorable aux amendements identiques n°s 177 et 338 rectifié.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 792.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe groupe républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin
n° 80
:
Nombre de votants | 235 |
Nombre de suffrages exprimés | 234 |
Majorité absolue des suffrages | 118 |
Pour | 30 |
Contre | 204 |
Je mets aux voix l'amendement n° 793 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 177 et 338 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 74, modifié.
(L'article 74 est adopté.)