COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le rapport sur l'exécution de la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, établi en application de l'article 7 de cette loi.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

3

MAÎTRISE DE L'IMMIGRATION

Suite de la discussion d'un projet de loi

déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 396 rectifié, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France. [Rapport n° 1 (2003-2004).]

Rappel au règlement

 
 
 

M. Jacques Mahéas. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas.

M. Jacques Mahéas. Aux termes du règlement de notre assemblée, il n'est pas permis de déposer un amendement à tout moment de la discussion d'un texte, ce qui est logique et propre à assurer la bonne marche de nos débats. Cependant, lorsqu'un membre du Gouvernement nous suggère d'étudier une proposition autre que celle qu'il avait d'abord présentée en séance, consistant, en quelque sorte, à pénaliser les femmes de la communauté turque maintenues cloîtrées chez elles, il est normal que nous souhaitions, en retour, formuler nos observations, de façon que le ministre puisse, le cas échéant, en tenir compte.

Par ailleurs, je tiens à indiquer à M. Sarkozy que, selon les chiffres de son propre ministère, notre pays compte non pas 400 000 immigrés turcs titulaires d'une autorisation de séjour, mais 178 000, ce qui représente tout de même une communauté importante.

En outre, je souligne qu'il existe des situations particulières. Ainsi, dans mon département, une partie de la communauté turque est de confession chrétienne : cela ne correspond donc pas tout à fait à la description faite lors de la précédente séance.

Quoi qu'il en soit, de manière à pénaliser le moins possible les femmes concernées, je propose, monsieur le ministre, que le demandeur d'un regroupement familial doive s'engager à tout mettre en oeuvre pour faciliter l'intégration de son conjoint et de ses enfants. S'il ne tient pas ensuite cet engagement, c'est lui en premier lieu qui devra en subir les conséquences.

Je vous prie, monsieur le ministre, de bien vouloir prendre en considération cette suggestion.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur Mahéas, comme vous le savez très bien, la communauté turque de France comprend à la fois des Turcs qui vivent en France tout en conservant leur nationalité et un certain nombre d'anciens ressortissants turcs devenus Français mais demeurés extrêmement attachés à leur communauté d'origine. Celle-ci compte, selon les associations turques de France elles-mêmes, qui sont nombreuses et dynamiques, quelque 400 000 membres, parmi lesquels des Turcs, des Franco-Turcs et des Français d'origine turque. Telle est la source du chiffre que j'ai cité.

Cela étant, monsieur Mahéas, je vais étudier avec beaucoup d'intérêt la proposition du groupe socialiste, afin, le cas échéant, de la retenir en tout ou en partie. Tout dépend de la façon dont, les uns et les autres, nous concevons ce débat. Nous avons déjà pu esquisser un rapprochement sur certains points, en particulier la semaine dernière. Hier, en revanche, pour diverses raisons, les échanges furent plus tendus, plus difficiles. A cet égard, monsieur Dreyfus-Schmidt, si vous n'êtes pas toujours directement responsable de cette évolution, vous jouez toujours un rôle... (Rires.) Cela correspond d'ailleurs peut-être à mon propre tempérament ! Ne voyez donc pas dans mes propos une critique ; en tout cas, de mon point de vue, ce n'est pas une offense. (Sourires.)

Quoi qu'il en soit, si nous nous inscrivons dans un débat constructif, monsieur Mahéas, où, tout en manifestant un désaccord global quant à la philosophie du projet de loi, vous souhaitez, sur certains points, amender et améliorer celui-ci, le Gouvernement est prêt à consentir des efforts.

M. Jacques Mahéas. Cela a été le cas à propos des étudiants !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Oui, monsieur Mahéas. En outre, vous avez accepté la création d'un fichier des empreintes digitales des demandeurs de visa, tandis que, pour ma part, j'ai également fait des concessions.

Par conséquent, si nous travaillons dans cet état d'esprit, le Gouvernement est disposé à oeuvrer avec l'ensemble des forces politiques, y compris le parti socialiste. J'étudierai donc votre proposition cet après-midi, monsieur Mahéas, afin de vous donner une réponse ce soir ou cette nuit. De toute façon, la procédure parlementaire offre toujours une solution permettant de déposer un amendement faisant l'objet d'un consensus entre nous, si le rapporteur est d'accord.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Il n'y a aucun problème !

M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, monsieur Mahéas.

DISCUSSION DES ARTICLES (suite)

M. le président. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 15.

TITRE Ier (suite)

Art. 14 bis (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France
Art. 16

Article 15

L'article 20 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa du I, la somme : « 1 500 EUR » est remplacée par la somme : « 5 000 EUR » ;

bis Après le troisième alinéa du I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L'amende prévue au premier alinéa n'excède pas 3 000 EUR par passager lorsque l'entreprise a mis en place et utilise, sur le lieu d'embarquement des passagers, un dispositif agréé de numérisation et de transmission, aux autorités françaises chargées du contrôle aux frontières, des documents de voyage et des visas. » ;

ter Dans le 2° du II, les mots : « les documents requis » sont remplacés par les mots : « des documents non falsifiés » ;

2° Au premier alinéa du III, la somme : « 1 500 EUR » est remplacée par la somme : « 5 000 EUR » ;

3° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Est punie de la même amende l'entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque, dans le cadre du transit, un étranger non ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne et démuni du document de voyage ou du visa requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable compte tenu de sa nationalité et de sa destination. »

M. le président. L'amendement n° 27 rectifié, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit cet article :

« L'article 20 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est ainsi modifié :

« 1° Au premier alinéa du I, la somme : "1 500 EUR" est remplacée par la somme : "5 000 EUR" ;

« 2° Après le premier alinéa du I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Est punie de la même amende l'entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque, dans le cadre du transit, un étranger non ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne et démuni du document de voyage ou du visa requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable compte tenu de sa nationalité et de sa destination. » ;

« 3° Après le quatrième alinéa du I, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« L'amende prévue aux premier et deuxième alinéas est réduite à 3 000 EUR par passager lorsque l'entreprise a mis en place et utilise, sur le lieu d'embarquement des passagers, un dispositif agréé de numérisation et de transmission, aux autorités françaises chargées du contrôle aux frontières, des documents de voyage et des visas.

« Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, fixe les modalités d'application de l'alinéa ci-dessus. Il précise la durée de conservation des données et de mise à jour des informations enregistrées, les modalités d'habilitation des personnes pouvant y accéder ainsi que, le cas échéant, les conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent exercer leur droit d'accès. » ;

« 4° Le premier alinéa du II est ainsi rédigé :

« Les amendes prévues aux premier, deuxième et cinquième alinéas du I ne sont pas infligées : » ;

« 5° Le 1° du II est ainsi rédigé :

« 1° Lorsque l'étranger a été admis sur le territoire français au titre d'une demande d'asile qui n'était pas manifestement infondée ; » ;

« 6° Le 2° du II est ainsi rédigé :

« Lorsque l'entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l'embarquement et qu'ils ne comportaient pas d'élément d'irrégularité manifeste. » ;

« 7° Au premier alinéa du III, la somme : "1 500 EUR" est remplacée par la somme : "5 000 EUR". »

Le sous-amendement n° 113 rectifié, présenté par M. Schosteck et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :

« Compléter in fine le texte proposé par l'amendement n° 27 pour modifier l'article 20 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 par deux alinéas ainsi rédigés :

« ...° Le III est complété in fine par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l'étranger ainsi débarqué sur le territoire français est un mineur sans représentant légal, la somme de 3 000 EUR ou de 5 000 EUR doit être immédiatement consignée auprès du fonctionnaire visé au troisième alinéa du I. Tout ou partie de cette somme est restituée à l'entreprise selon le montant de l'amende prononcée ultérieurement par le ministre de l'intérieur. Si l'entreprise ne consigne pas la somme, le montant de l'amende peut être porté respectivement à 6 000 EUR ou à 10 000 EUR. Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions de cette consignation et de son éventuelle restitution, en particulier le délai maximum dans lequel cette restitution doit intervenir. »

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 27 rectifié.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il s'agit de prévoir, au 3°, la prise d'un décret après avis de la CNIL, la Commission nationale de l'informatique et des libertés, afin d'encadrer la numérisation, la transmission, la consultation et la conservation des données transmises par les compagnies aux autorités françaises et relatives aux documents de voyage.

Au 5°, il s'agit de supprimer un cas de dispense d'amende pour les transporteurs.

L'article 20 bis de l'ordonnance prévoit actuellement que les entreprises de transport qui débarquent des étrangers démunis des documents de voyage requis sur le territoire français sont punies d'une amende. Toutefois, l'amende ne leur est pas infligée dans deux cas.

Le premier cas concerne l'étranger débarqué qui demande l'asile et entre sur le territoire français parce que sa demande d'asile n'a pas été jugée manifestement infondée. Cette dispense vise à éviter que les transporteurs refusent systématiquement l'embarquement aux étrangers, alors même que ceux-ci présentent toutes les caractéristiques de vrais réfugiés.

Le second cas de dispense concerne les étrangers qui demandent eux aussi l'asile et qui sont admis sur le territoire français. Ce second cas recouvre le premier, mais son champ est plus vaste. En effet, il inclut des étrangers qui, certes, ont demandé l'asile, mais qui ont été admis en définitive pour d'autres raisons.

Cette situation a pour effet de ne pas inciter les entreprises de transport à contrôler les documents de voyage, puisque de nombreuses dispenses d'amende sont accordées pour ce second motif. L'amendement tend donc à supprimer ce cas de dispense, pour ne conserver que celui du demandeur d'asile dont la demande n'est pas manifestement infondée.

Au 6°, il s'agit de revenir en partie sur le dispositif adopté par l'Assemblée nationale.

Parmi les cas de dispense de l'amende pour les transporteurs, on trouve également, dans le texte de l'ordonnance, l'hypothèse où le transporteur démontre que les documents requis lui ont été présentés à l'embarquement ou que les documents ne présentaient pas d'irrégularité manifeste. L'Assemblée nationale a modifié le dispositif en prévoyant de demander aux transporteurs non plus de démontrer que les documents requis ont été présentés, mais d'établir que des documents non falsifiés leur ont été présentés. On voit mal comment un transporteur pourrait établir qu'il s'agit de documents non falsifiés. En outre, si les documents ne doivent pas être faux, comment pourra-t-il s'exonérer d'amende en prouvant qu'ils ne présentent pas d'irrégularité manifeste ?

L'amendement tend donc à ce que les entreprises soient dispensées d'amende lorsqu'elles établissent que les documents requis leur ont été présentés et que ceux-ci ne présentaient pas d'irrégularité manifeste. De la sorte, cela incitera fortement les entreprises à numériser les documents de voyage, car elles pourront ainsi échapper à l'amende en prouvant que tous les documents requis non manifestement irréguliers leur ont été présentés.

M. le président. Le sous-amendement n° 113 rectifié n'est pas soutenu.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Je le reprends au nom de la commission, monsieur le président.

M. le président. Il s'agit donc du sous-amendement n° 113 rectifié bis.

La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Ce sous-amendement à l'amendement n° 27 rectifié de la commission vise à créer un système de consignation du montant des amendes encourues par les transporteurs lorsque l'étranger débarqué est un mineur isolé.

Le but est d'inciter les transporteurs a être plus attentifs, lors des embarquements, lorsqu'ils constatent qu'un passager est un mineur non accompagné par ses parents. Cette disposition est une réponse à la recrudescence du nombre des mineurs isolés débarqués en France : en 2002, 1 167 mineurs isolés ont ainsi été placés en zone d'attente.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 113 rectifié bis.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le groupe socialiste s'abstient.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 27 rectifié, modifié.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le groupe socialiste s'abstient.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 15 est ainsi rédigé.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur le président, le Gouvernement était favorable à l'amendement et au sous-amendement ! (Rires.)

M. le président. Monsieur le ministre, j'ai tellement l'habitude de voir le Gouvernement approuver la position de la commission que j'ai commis un acte involontaire et sous-estimé le poids du Gouvernement dans un débat de cette nature ! (Nouveaux rires.) Toute équivoque est maintenant levée.

Art. 15
Dossier législatif : projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France
Art. 17

Article 16

L'article 21 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa du I, les mots : « , alors qu'elle se trouvait en France ou dans l'espace international des zones aéroportuaires situées sur le territoire national, » sont supprimés ;

2° Dans le même alinéa, les mots : « ou dans l'espace international précité » sont supprimés ;

3° Dans le troisième alinéa du I, les mots : « , alors qu'il se trouvait en France ou dans l'espace international mentionné au premier alinéa, » sont supprimés ;

4° La dernière phrase du même alinéa est supprimée ;

5° Le quatrième alinéa du I est ainsi rédigé :

« Sera puni des mêmes peines celui qui aura facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d'un étranger sur le territoire d'un Etat partie au protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, signée à Palerme le 12 décembre 2000. » ;

6° Avant le dernier alinéa du I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l'application des deuxième, troisième et quatrième alinéas du présent I, la situation irrégulière de l'étranger est appréciée au regard de la législation de l'Etat membre ou de l'Etat partie intéressé. En outre, les poursuites ne pourront être exercées à l'encontre de l'auteur de l'infraction que sur une dénonciation officielle ou sur une attestation des autorités compétentes de l'Etat membre ou de l'Etat partie intéressé. » ;

7° Le II est ainsi rédigé :

« II. - Les personnes physiques coupables de l'un des délits prévus au I encourent également les peines complémentaires suivantes :

« 1° L'interdiction de séjour pour une durée de cinq ans au plus ;

« 2° La suspension, pour une durée de cinq ans au plus, du permis de conduire. Cette durée peut être doublée en cas de récidive ;

« 3° Le retrait temporaire ou définitif de l'autorisation administrative d'exploiter soit des services occasionnels à la place ou collectifs, soit un service régulier, ou un service de navettes de transports internationaux ;

« 4° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction, notamment tout moyen de transport ou équipement terrestre, fluvial, maritime ou aérien, ou de la chose qui en est le produit. Les frais résultant des mesures nécessaires à l'exécution de la confiscation seront à la charge du condamné. Ils seront recouvrés comme frais de justice ;

« 5° L'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer l'activité professionnelle ou sociale à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise, sous les réserves mentionnées à l'article 131-27 du code pénal.

« Toute violation de cette interdiction sera punie d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 30 000 EUR ;

« 6° L'interdiction du territoire français pour une durée de dix ans au plus dans les conditions prévues par les articles 131-30 à 131-30-2 du code pénal. L'interdiction du territoire français entraîne de plein droit la reconduite du condamné à la frontière, le cas échéant, à l'expiration de sa peine d'emprisonnement. » ;

8° Au premier alinéa du III, les mots : « Sans préjudice de l'article 19 » sont remplacés par les mots : « Sans préjudice des articles 19 et 21 quater » ;

9° Le 1° du III est complété par les mots : « , sauf si les époux sont séparés de corps, ont un domicile distinct ou ont été autorisés à résider séparément » ;

10° Le 2° du III est complété par les mots : « , sauf s'ils sont séparés de corps, ont été autorisés à résider séparément ou lorsque la communauté de vie a cessé » ;

11° Le III est complété par un 3° ainsi rédigé :

« De toute personne physique ou morale, lorsque l'acte reproché était, face à un danger actuel ou imminent, nécessaire à la sauvegarde de la vie ou de l'intégrité physique de l'étranger, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ou s'il a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte. »

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, sur l'article.

Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le ministre, vous avez fait des choix, concernant le centre de la Croix-Rouge de Sangatte, inspirés par la conviction que celui-ci attirait les clandestins. L'honnêteté me conduit à reconnaître que vous avez fait le choix de la démolition non pas seul, mais après avoir consulté des élus.

La majorité des associations, Mme Hélène Flautre, députée européenne, M. Louis Mermaz et moi-même vous avions alerté sur le fait que l'installation d'un centre couvert était un acte humanitaire de protection de clandestins errants, livrés au froid et à la pluie, et non une aubaine pour des étrangers en situation irrégulière. Depuis longtemps maintenant, il n'y a plus d'abri, mais les sans-papiers sont toujours là : plus précaires, plus mouillés, plus malades, plus disséminés... mais toujours là !

La volonté affichée à l'article 16 de combattre les réseaux mafieux, les passeurs sans scrupules, répond à notre souci commun de punir tous ceux qui s'enrichissent grâce à la misère des autres. Et tant mieux si des condamnations mettent un terme à leurs sombres trafics !

Toutefois, attention aux dégâts collatéraux qui frapperaient les personnes animées de préoccupations humanitaires, qu'elles soient isolées ou réunies en association. Pour l'instant, ce sont elles qui se trouvent menacées à cause d'une soupe, d'un pull, d'un lit. Les enfants qui rentrent de l'école demandent à leurs parents qui sont ces gens réfugiés sous un porche, et les parents dormiraient mal s'ils ne faisaient preuve d'un minimum de fraternité, cette fraternité qui est l'un de ces principes de notre République qu'il serait doux de connaître pour être considéré comme intégré.

Monsieur le ministre, Jean-Claude Lenoir et Charles Framezelle ont été mis en examen pour avoir apporté une aide à des étrangers en situation irrégulière. Or nous sommes là très loin des réseaux mafieux.

Des dizaines de personnes vont-elles demain, avec l'application de ce texte, se voir condamnées ? Verront-elles leurs biens saisis ? Il convient d'éloigner le spectre de cette menace, c'est pourquoi nous serons très attentifs au sort qui sera réservé à l'amendement de M. Bret.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, sur l'article.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous voterons contre l'article 16.

La loi comporte déjà des dispositions visant à condamner le délit consistant à tenter de faciliter, par une aide directe ou indirecte, l'entrée, la circulation ou le séjour irrégulier d'un étranger. Nous avions naguère obtenu que ne soient pas susceptibles d'être poursuivis pénalement les ascendants ou descendants de l'étranger et leurs conjoints, les frères et soeurs de l'étranger et leurs conjoints, le conjoint de l'étranger ou la personne qui vit notoirement en situation maritale avec celui-ci.

Or voilà que l'on entend une nouvelle fois durcir le dispositif, et ce d'une manière absolument inadmissible.

Tout d'abord, on prévoit que les personnes visées encourront l'interdiction de séjour et l'interdiction judiciaire du territoire français, alors que l'on prétendra tout à l'heure supprimer la « double peine » !

Mais on souhaite aller plus loin encore, en introduisant des conditions de communauté de vie, de non-séparation de corps ou de partage d'un domicile commun pour que les conjoints des parents de l'étranger que j'ai cités puissent bénéficier de l'immunité. Il en va d'ailleurs de même pour le conjoint de l'étranger ou pour la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui, puisque la commission propose de prévoir des restrictions identiques à leur encontre.

En tout état de cause, pourquoi cet acharnement contre des personnes qui, malgré tout, conservent des liens suffisamment étroits avec l'étranger pour choisir de lui tendre une main secourable ?

Mais ce n'est pas tout ! Nos collègues députés communistes avaient déposé un amendement visant à inclure dans le champ du dispositif les seules personnes ayant agi dans un but lucratif. Il leur a été répondu, notamment par M. le ministre, qu'il existe des filières n'agissant pas à titre lucratif. M. le ministre renouvellera sans doute cette réponse tout à l'heure !

Cela étant, à l'Assemblée nationale, on a fini par admettre que l'immunité profiterait « à toute personne physique ou morale, lorsque l'acte reproché - c'est-à-dire l'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irrégulier - était, face à un danger actuel ou imminent, nécessaire à la sauvegarde de la vie ou de l'intégrité physique de l'étranger, etc. ». Ainsi, si l'on ait sauvé la vie de quelqu'un, on ne sera pas poursuivi. C'est bien la moindre des choses, mais cela ne répond évidemment pas au souci qui est le nôtre : des associations agissant dans un but humanitaire pourront se voir poursuivies.

D'ailleurs, comme s'il ne suffisait pas d'agir pour sauvegarder la vie ou l'intégrité physique, le texte introduit une exception : « sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ou s'il a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte ». Si je comprends bien, cela signifie que si l'étranger, reconnaissant qu'on lui a sauvé la vie, vous fait un cadeau, vous pouvez être poursuivi. C'est absolument grotesque.

Aussi, je le répète, nous voterons contre l'article 16.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Peut-on demander républicainement à M. Michel Dreyfus-Schmidt de s'abstenir d'employer des termes injurieux comme le mot « grotesque » ? La conviction de l'autre, maître Dreyfus-Schmidt, n'est pas forcément grotesque. On peut être en désaccord sans que celui qui ne pense pas comme vous soit forcément ridicule. Vous qui aimez tant donner des leçons sur les droits de l'homme, permettez-moi de vous en servir modestement une : le premier des droits de l'homme, c'est de respecter celui qui n'a pas forcément vos convictions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Alain Gournac. Absolument !

M. Gérard Cornu. Très bien !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est injurieux !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Non, il n'y a rien d'injurieux dans mes propos.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le mot « absurde » que vous avez employé hier, c'était pire !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Par ailleurs, ce texte, mesdames, messieurs les sénateurs, est la transposition dans le droit français de la convention de Palerme.

M. Jacques Mahéas. On va en parler !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Encore une fois, chaque fois que cela vous fait mal, il faut que vous protestiez !

M. Jacques Mahéas. Mais non !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Mais attendez la fin, car ce n'est pas terminé !

La ratification de la convention de Palerme - et c'est extrêmement intéressant - a été décidée à l'unanimité,...

M. Alain Gournac. Tiens, tiens !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... c'est-à-dire que le groupe socialiste, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, l'a votée. Or nous vous proposons la transposition de ce qui figure dans la convention de Palerme.

M. Jacques Mahéas. C'est inexact !

M. Alain Gournac. Ça fait mal !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Donc, quand une disposition est inscrite dans la convention de Palerme, vous la votez, mais quand elle figure dans le projet de loi présenté par le Gouvernement, vous ne la votez pas. C'est encore une incohérence, qui explique tant de choses !

En outre, que reprochez-vous à ce texte ? Il prévoit d'aggraver les peines contre les esclavagistes des temps modernes, que nous voulons tous combattre, gauche et droite. Qui peut bien penser qu'il est mal d'aggraver les peines contre les passeurs ? Mme Blandin et le parti socialiste ont dit : « Jamais nous ne voterons cela ! » Soit ! Vous avez parfaitement le droit de ne pas voter cette disposition, mais alors, vous ne pourrez plus dire que vous êtes contre les passeurs !

Quant à l'immunité pénale pour les associations, c'est la première fois qu'elle figure dans un texte législatif. Ce qui existait de facto, nous vous proposons de l'inscrire de jure. S'il y avait donc un article qui nécessitait consensus entre nous, c'est bien celui-ci. Je m'aperçois que, même lorsqu'il s'agit d'être plus sévère à l'égard des passeurs, le parti socialiste ne veut pas prendre ses responsabilités, et je le regrette.

M. Alain Gournac. Nous aussi !

M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, sur l'article.

M. Jacques Mahéas. Vous ne m'en voudrez pas, monsieur le ministre, si je vous dis que vous êtes stupéfiant.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ça, c'est mieux !

M. Claude Estier. Ce n'est pas injurieux !

M. Jacques Mahéas. Ce n'est pas du tout injurieux !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est même flatteur !

M. Jacques Mahéas. Mais vous-même ou vos collaborateurs, avez-vous lu la convention de Palerme ? Vous l'avez souligné, à l'Assemblée nationale comme ici, les socialistes ont voté le projet de la loi de ratification de cette convention. C'est tout à fait vrai !

M. Alain Gournac. Ah !

M. Jacques Mahéas. Je rappelle qu'il s'agit d'un protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée.

L'exemple, fourni par Mme Blandin, de deux individus poursuivis, et condamnables selon votre loi...

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Non, la loi n'est pas votée : elle n'existe pas ! On ne peut pas condamner sur la base de cette loi !

M. Jacques Mahéas. Ne jouez pas sur les mots, monsieur le ministre ! Il s'agit de personnes qui sont mises en examen. On sait ce qu'est une mise en examen !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. La loi n'est pas votée !

M. Jacques Mahéas. Je vais y venir !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Comment peut-on condamner quelqu'un sur la base d'une loi qui n'est pas votée ?

M. Jacques Mahéas. Si vous ne me laissez pas m'exprimer, monsieur le ministre, je vais finir par dire exactement comme vous : vous ne voulez pas que je m'exprime parce que cela vous fait mal ! (Rires sur les travées de l'UMP.)

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je souffre, monsieur Mahéas !

M. Jacques Mahéas. J'utilise à mon tour vos propres mots pour prouver que, quelquefois, ils sont déplacés dans cet hémicycle !

J'en viens très brièvement à la forme et au fond de la convention de Palerme.

D'abord, cette convention, dont j'ai le texte par-devers moi, n'est pas en vigueur. En effet, elle a été ratifiée par trente-huit parties, mais il faudrait qu'elle le soit par quarante. Certes, on n'en est pas très loin. Mais ce qui m'inquiète beaucoup, c'est que l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, l'Irlande, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal et le Royaume-Uni n'ont pas encore procédé à cette ratification.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ils attendent M. Berlusconi !

M. Jacques Mahéas. Ensuite, ce protocole entrera en application trente jours après la date de dépôt de l'instrument.

La question mérite d'être posée : peut-on faire référence, dans une loi, à la convention de Palerme alors que celle-ci - au moment où j'ai consulté ces documents - n'a pas été ratifiée par quarante Etats ? C'est une question de forme. Ce n'est pas très important, mais il importe tout de même de vérifier la légalité de ce point.

S'agissant du fond, que prévoit la convention de Palerme ? Pour être incriminé, il faut avoir commis intentionnellement les infractions pénales. Je demande simplement que vous le précisiez dans votre texte. Je ne parle pas des associations pour lesquelles vous avez fait un pas, et je vous en donne acte, monsieur le ministre. En l'occurrence, il s'agit de l'individu : « Sera puni celui qui aura facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d'un étranger sur le territoire et/ou sur l'espace de cette convention. »

Lors de mon intervention dans la discussion générale, je vous ai dit que, dans notre pays, la main tendue, cela existait et que, en tant que maire d'une ville située dans la Seine-Saint-Denis, j'avais tendu cette main à plusieurs reprises. Très franchement, je ne me suis pas senti coupable ! Je n'ai pas demandé à la jeune femme accompagnée de son bébé qui se trouvait à la porte de mon bureau si, alors qu'elle était à la rue, elle avait ou non des papiers. De même que je n'ai pas demandé non plus à la femme battue qui est venue me voir si effectivement elle était en situation régulière.

Je vous pose la question : suis-je celui qui a facilité ou tenté de faciliter l'entrée irrégulière d'un étranger sur le territoire ? Je vous l'assure, en ce qui me concerne, il n'y avait pas de caractère intentionnel, et je n'en ai tiré, d'après la convention de Palerme, directement ou indirectement, aucun avantage financier ou matériel.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur Mahéas, comme votre présentation était particulèrement honnête, le Gouvernement tient absolument à vous répondre, ne doutant pas qu'il lui reste une possibilité de vous convaincre.

Premièrement, je livre un élément au débat : la convention de Palerme est entrée en vigueur le 29 septembre 2003, car nous avons dépassé le nombre fatidique des quarante signataires. J'admets bien volontiers, étant donné qu'il n'est déjà pas facile pour un gouvernement de suivre la progression de ce nombre, que ce n'est pas plus aisé pour les parlementaires. Je livre donc cet élément à titre bibliographique.

Deuxièmement, je vais vous faire passer le texte que le Gouvernement vous présente et le texte de la loi RESEDA : vous constaterez, monsieur Mahéas, qu'il n'y a aucune différence, à l'exception des circonstances aggravantes, dans les conditions que j'ai évoquées.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pour les particuliers !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Non !

Troisièmement, s'agissant de l'intentionnalité - je parle cette fois-ci sous le contrôle des juristes de la Haute Assemblée, qui sont nombreux -, la caractéristique du droit pénal, et c'est même ce qui fait sa différence avec le droit civil, c'est que, pour qu'il y ait infraction, il faut qu'il y ait une claire conscience et une intention délictueuse. S'il n'y a pas d'intention délictueuse, il n'y a pas de délit. Au civil, on peut être condamné sans intention ; au pénal, on ne peut pas l'être. Si je me saisis d'un cendrier en pensant qu'il est à moi, je ne commets pas une infraction pénale. Il faut que je manifeste l'intention de dérober quelque chose qui n'est pas à moi. Vous connaissez cette autre règle : en fait de meuble, possession vaut titre. Par conséquent, votre démonstration sur l'intention, monsieur Mahéas, est extrêmement sympathique !

Enfin, vous êtes généreux et courageux. Vous pourrez le rester. Une fois ma loi votée, vous serez toujours aussi généreux, toujours aussi courageux et vous ne courrez aucun risque. Admettez que c'est quand même la meilleure situation pour se présenter comme un individu courageux !

M. Jean Chérioux. Très bien !

M. Jacques Mahéas. Nous avons deux contre-exemples !

M. le président. L'amendement n° 261, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« I. _ Dans le second alinéa du 5° de cet article, après les mots : "tenté de faciliter", insérer les mots : "dans un but lucratif". »

« II. _ Compléter le même alinéa par une phrase ainsi rédigée :

« Les associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits ayant, en vertu de leurs statuts, vocation, en France, à défendre ou à assister les personnes étrangères sont exclues du champ d'application de cet article. »

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous l'avons dit pendant la discussion du projet de loi relatif à l'adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité et nous le répétons aujourd'hui, il n'est pas acceptable d'ériger en délinquants, sinon en grands criminels, ceux qui, de façon désintéressée, apportent une aide aux étrangers en situation irrégulière, spécialement dans un contexte où, on le sait bien, ces derniers sont la proie de passeurs peu scrupuleux, quand ce n'est pas de véritables mafias.

Ce rôle humanitaire est indispensable face à la détresse de ces êtres humains qui vont jusqu'à mettre leur vie en péril pour fuir guerres, famines ou misère, pour gagner un monde qu'ils espèrent meilleur. Nous en avons eu encore un tragique exemple ce week-end avec la découverte d'un homme mort de froid dans le train d'atterrissage d'un avion assurant la liaison Brazzaville-Paris.

Monsieur le ministre, il est impératif de protéger contre des poursuites abusives ces associations, comme le GISTI, la CIMADE, le MRAP, la LDH, et tant d'autres au niveau local, qui portent assistance aux étrangers : la question est de savoir, non pas si elles sont ou non en accord avec une politique gouvernementale, mais s'il faut ou non encourager l'implication associative.

Vous nous proposez, et ce point vient de faire l'objet d'un débat, la transposition de la convention de Palerme qui concerne en effet les trafics de migrants, donc directement les réseaux mafieux.

A notre amendement qui reprend les termes de la directive relative à l'aide à l'entrée, au transit et au séjour irréguliers, en précisant que le délit est constitué lorsqu'il y a un but lucratif, vous avez répondu à l'Assemblée nationale, comme l'a rappelé M. Michel Dreyfus-Schmidt, que le critère était malaisé à manipuler et pouvait laisser de côté des mouvements antirépublicains.

Je ne pense pas qu'il y ait de danger, et ce d'autant moins que - faut-il le redire ? - le Sénat vient d'adopter conforme la disposition qui érige en crime organisé cette aide à l'entrée et au séjour irréguliers. Dès lors, cette précision ne mettrait nullement à l'abri tous ces mouvements terroristes ou extrémistes que nous avons tous à coeur de combattre, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons dans l'hémicycle, et personne ne peut en douter.

Les propos tenus voilà une semaine dans cette enceinte par votre collègue M. Perben et par le rapporteur de la commission des lois ne nous ont pas rassurés, bien au contraire : à la proposition de trouver une rédaction qui mettrait à l'abri de poursuites les associations ayant pour objectif d'apporter une aide désintéressée aux étrangers, le rapporteur M. Zochetto a dit que dès lors que ces associations agissent dans le respect de la loi, il n'y a aucun problème. Quant au garde des sceaux, il a indiqué qu'une « association ne sera pas exonérée de sa responsabilité pénale si elle commet une infraction ».

Ces dispositions, comme la lecture qui en est faite, sont une épée de Damoclès pour les nombreuses personnes qui agissent dans un but altruiste et tout simplement humain. Je serais donc heureux, au-delà de l'aspect polémique du débat, d'avoir votre opinion sur cette question.

Pour toutes ces raisons, nous demandons à l'ensemble de nos collègues d'adopter notre amendement afin d'éviter de telles dérives risquant de mettre gravement en danger ces associations qui jouent un rôle très utile. Non seulement pour l'ensemble des questions soulevées aujourd'hui mais dans bien d'autres domaines, nous avons effectivement besoin d'elles.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement vise à restreindre le délit d'aide à l'entrée et au séjour irréguliers au seul but lucratif et à créer une immunité de fait au profit des associations de défense d'étrangers.

Concernant le but lucratif, cette condition limitative du champ de l'infraction pose des problèmes de preuve importants. En outre, cette définition ne permettrait pas de couvrir les cas d'aide à l'entrée et au séjour irréguliers dans un but terroriste.

S'agissant de l'immunité, un amendement adopté par l'Assemblée nationale, sur l'initiative du groupe socialiste, doit déjà protéger les personnes physiques ou morales, donc les associations, qui viennent en aide à un étranger confronté à un danger grave. Il ne convient pas d'aller plus loin au risque d'ouvrir la porte aux filières, qui profiteront de cette immunité.

Par ailleurs, je me permets de rappeler que le projet de loi ne modifie pas la définition de l'infraction d'aide au séjour irrégulier. Les associations ne sont donc pas menacées par ce texte.

Aussi, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. N'ayant pas obtenu de réponse claire de nature à apaiser mon inquiétude concernant des personnes dont la démarche est strictement humanitaire - sans retour lucratif, bien entendu -, nous ne pouvons qu'approuver l'amendement présenté par M. Bret. Nous souhaiterions que le Gouvernement nous rassure sur ses intentions quant au comportement de l'Etat à l'égard de ces gens qui nourrissent, apportent des vêtements, un lit, etc.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je retire le mot : « grotesque », non pas qu'il n'exprime pas très exactement ma pensée, mais parce qu'il vous a choqué, monsieur le ministre. Votre texte est « extravagant jusqu'à l'absurde » ! Cela, vous me permettrez de le dire, puisque ce sont les termes que vous avez vous-même employés à notre égard hier soir, nous vous avons d'ailleurs répondu et sur la forme et sur le fond.

Il ne faut pas nous raconter des histoires ! La convention de Palerme contre les filières, oui ! Figurait déjà dans le texte tout ce qu'il fallait pour cela, au nom de Palerme. Nous ne disons pas le contraire : nous sommes tous contre les filières.

Mais, en l'occurrence, ce que nous avons dénoncé, ce sont des mesures aggravées contre des individus, notamment le conjoint, le concubin, les proches. Aussi, ne nous faites pas dire autre chose que ce que nous avons dit !

Certes, vous nous avez donné un cours de droit intéressant. C'est vrai qu'en fait de meubles, possession - de bonne foi, ajoute-t-on à la faculté - vaut titre de propriété. Mais cela, c'est du droit civil, et non du droit pénal.

Quant à votre cours sur l'intention, il est tout de même assez extraordinaire ! Certains peuvent agir, à titre caritatif en effet, dans le but d'aider les gens. Oui, l'intention est là. On ne peut pas le cacher, on ne peut pas le nier.

Vous dites que, jusqu'à présent, il n'existait aucun dispositif pour les protéger en quoi que ce soit. J'en conviens, mais il n'y avait pas non plus de poursuites. Or, le texte actuel permet les poursuites. J'en veux pour preuve que, précisément, il y en a.

Peut-être pourrait-on sous-amender ou rectifier l'amendement n° 261 - je livre l'idée.

S'agissant du I et de l'expression « dans un but lucratif », nous nous sommes expliqués.

Le II est ainsi rédigé : « Les associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits ayant, en vertu de leurs statuts, vocation, en France, à défendre ou à assister les personnes étrangères sont exclues du champ d'application de cet article. » Je suggère la modification suivante : « déclarées depuis au moins cinq ans à la date de la publication de la loi », afin d'éviter que ne se créent d'autres associations - qui seraient suspectes - que celles que nous connaissons, qui ont fait leurs preuves et qui, fort heureusement, sont déjà, sinon nombreuses, du moins plurielles. Monsieur le ministre, si nous sommes d'accord sur le fond, proposez-nous quelque chose.

Ce que nous ne voulons pas, nous, c'est que les gens qui, pour reprendre l'expression parfaitement juste de Mme Blandin, agissent, apportent une aide mais qui le font à titre strictement humanitaire puissent être poursuivis.

Aussi, je dépose un sous-amendement pour modifier le texte dans le sens que j'ai indiqué afin que personne ne croit que nous aurions je ne sais quelle idée derrière la tête.

M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 326, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, et ainsi libellé :

« Dans le dernier alinéa de cet amendement, remplacer les mots : "des faits", par les mots : "de la publication de la loi n° du relative à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France,". »

La parole est à M. Robert Bret, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 326.

M. Robert Bret. Après avoir écouté notre rapporteur et au vu de ce qui a été voté par l'Assemblée nationale, je constate que l'on ne répond pas complètement aux inquiétudes et aux interrogations des associations.

Or, il est indispensable aujourd'hui, et il en va de notre responsabilité, de les protéger dans leurs missions. Notre amendement modifié, si M. le ministre en est d'accord, par le sous-amendement déposé par Michel Dreyfus-Schmidt, au nom du groupe socialiste, doit donc être pris en compte.

La question est vraiment importante. Au-delà de tout discours humaniste, c'est concrètement que l'on vérifie la volonté ou non de répondre aux besoins d'associations qui oeuvrent dans ce domaine.

Monsieur le ministre, vous avez affirmé en préambule que vous souhaitiez un grand débat national sur l'immigration. Mais depuis le début de nos discussions - cela se vérifiera dans le Journal officiel -, sur les amendements qui visent à modifier ou à enrichir le texte, vous ne nous répondez jamais.

C'est une bien curieuse conception du débat démocratique et cette absence de réponse peut montrer, monsieur le ministre, en quelle estime vous tenez le Parlement et ses élus !

Je vous demande donc, sur cet amendement comme sur les autres, de nous faire connaître chaque fois l'opinion du Gouvernement. Il en va de la clarté de nos débats.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 326 ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La commission n'a pas été consultée, puisque ce sous-amendement vient d'être déposé en séance. Mais, à titre personnel, je n'y suis pas favorable !

Je rappellerai simplement qu'un amendement adopté par l'Assemblée nationale sur l'initiative du groupe socialiste doit déjà protéger les personnes physiques ou morales, donc les associations.

Nous ne souhaitons pas aider les filières ; bien évidemment, nous voulons les combattre. (M. Jacques Mahéas proteste.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous n'avons jamais dit que nous voulions les soutenir !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Il est identique à celui de la commission.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 326.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. M. le rapporteur a dit par deux fois que l'Assemblée nationale avait adopté un article visant à protéger les associations. Je voudrais tout de même rappeler que ce que vous avez ainsi admis, c'est qu'il n'y a pas de poursuites pénales à l'encontre des personnes physiques ou morales lorsque l'acte reproché est, face à un danger actuel ou imminent, nécessaire à la sauvegarde de la vie ou de l'intégrité physique de l'étranger..., sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ou s'il a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte.

C'est de la roupie de sansonnet, permettez-moi de vous le dire ! On n'est pas poursuivi uniquement dans le cas où l'on sauve la vie. Encore heureux ! On devrait même recevoir la médaille du sauvetage et être à l'honneur.

Ces dispositions ne répondent absolument pas à notre souci de ne pas voir poursuivis ceux qui agissent dans un but purement caritatif.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.

M. Jacques Mahéas. Je tiens à compléter les propos de notre collègue, Michel Dreyfus-Schmidt : la loi sanctionne explicitement la non-assistance à personne en danger. Vous ne pouvez donc pas dire, monsieur le rapporteur, que le texte adopté par l'Assemblée nationale protège les associations. Il leur permet seulement de respecter la loi.

N'utilisez pas de faux arguments pour essayer de vous dédouaner !

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 326.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 261.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous demandons un vote par division sur cet amendement, et un scrutin public sur le paragraphe II.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. On a déjà commencé de voter !

M. le président. Nous allons maintenant nous prononcer sur l'amendement n° 261, non modifié. Si nous pouvions considérer cet amendement dans sa globalité, ce serait aussi clair ! En effet, en rejetant le sous-amendement n° 326, le Sénat, implicitement, n'a pas adopté la séparation des paragraphes I et II.

Je suis sûr de pouvoir compter, au moins sur ce plan, sur votre entière compréhension, monsieur Dreyfus-Schmidt, compte tenu de l'expérience que vous avez des fonctions que j'occupe en cet instant.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, sur le fond, je ne suis pas du tout d'accord avec vous.

Le sous-amendement n° 326, qui était relatif au paragraphe II de l'amendement n° 261, a été repoussé à main levée. N'en parlons plus.

En ce qui concerne l'amendement n° 261, j'ai déjà demandé tout à l'heure, et je le confirme, un vote par division.

Je demande par ailleurs un scrutin public sur son paragraphe II.

M. René Garrec, président de la commission des lois, et M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Le vote était commencé !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote sur l'amendement n° 261.

Mme Nicole Borvo. Je regrette vraiment que le Gouvernement ne nous ait pas donné son avis parce que nous avons présenté la même demande à M. le garde des sceaux dont la réponse a été inquiétante. Or il serait tout à notre honneur aux uns et aux autres de réfléchir plus avant à cette question.

Je constate que ce n'est pas possible et je voudrais, monsieur le président, faire porter ma demande de scrutin au public, non pas sur l'article 16, mais sur notre amendement n° 261.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le vote est commencé !

M. Robert Bret. Non ! Il n'est pas commencé !

M. le président. C'est un élément nouveau. Mme Borvo demande que le Sénat se prononce par scrutin public sur l'ensemble de l'amendement n° 261. De son côté, M. Dreyfus-Schmidt demande un vote par division sur cet amendement. En outre, je suis saisi d'une demande de scrutin public du groupe CRC sur l'article 16. Tout cela pourrait bien finir par trois scrutins au lieu d'un ou de deux !

M. René Garrec, président de la commission. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. René Garrec, président de la commission. Selon le règlement, « dans les questions complexes, la division du texte est de droit lorsqu'elle est demandée... ».

Or depuis quand cette question est-elle complexe ?

M. Jacques Mahéas. C'est vous qui posez la question !

M. René Garrec, président de la commission. Comme mes collègues, j'estime qu'il ne faut pas inventer des complexités qui n'existent pas.

M. Henri de Raincourt. Ah ! C'est un élément nouveau !

M. le président. Je souhaite faire l'économie d'un certain nombre d'explications de vote supplémentaires, parce que je crois que tout a été dit sur le I, sur le II, sur l'ensemble et sur la totalité ! (Sourires.)

Dès lors, je mets aux voix le paragraphe I de l'amendement n° 261.

(Ce texte n'est pas adopté.)

M. le président. Je vais mettre aux voix, par scrutin public, le paragraphe II de l'amendement n° 261.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je souhaiterais savoir si c'est vous, monsieur le président, qui avez décidé du vote par division. En effet, j'ai peut-être raté un épisode, mais je n'ai pas entendu que la Haute Assemblée avait été interrogée sur cette intéressante proposition de M. Michel Dreyfus-Schmidt.

Si le président décide qu'il s'agit d'une situation complexe et que la division est de droit, naturellement, je m'inclinerai, mais cela n'a pas été précisé.

M. le président. Monsieur le ministre, à un certain moment, accéder à une demande de vote par division peut permettre de faire l'économie d'un certain nombre d'explications complémentaires !

M. Louis Souvet. Cela m'étonnerait !

M. le président. J'essaie de tenir compte du facteur psychologique qui vient s'ajouter au caractère technique.

Je mets aux voix le paragraphe II de l'amendement n° 261.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ? ...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)


M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 12 :

Nombre de votants314
Nombre de suffrages exprimés314
Pour114
Contre200

Je mets aux voix l'ensemble de l'amendement n° 261.

Mme Nicole Borvo. Je retire ma demande de scrutin public.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 28, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le 10° de cet article :

« 10° Le 2° du III est ainsi rédigé :

« 2° Du conjoint de l'étranger, sauf s'ils sont séparés de corps, ont été autorisés à résider séparément ou si la communauté de vie a cessé, ou de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel. Les notions de séparation de corps et d'autorisation à résider séparément ne s'appliquent qu'au mariage.

Quant à la communauté de vie, si elle a cessé, la personne ne peut plus être considérée comme vivant notoirement en situation maritale avec l'étranger.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le groupe socialiste est contre, même si cet amendement contribue à mieux rédiger l'article.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 16, modifié.

Mme Nicole Borvo. Je retire ma demande de scrutin public.

(L'article 16 est adopté.)