PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
CANDIDATURES À DES ORGANISMES
EXTRAPARLEMENTAIRES
M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de plusieurs organismes extraparlementaires.
Les cinq commissions concernées ont fait connaître leurs candidats.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
RAPPEL AU RÈGLEMENT
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour un rappel au règlement.
M. Claude Domeizel. Le 9 avril dernier, M. Estier était intervenu, au nom du groupe socialiste, au sujet de la constitution d'un groupe de travail chargé de réfléchir aux voies et moyens d'une réforme de la fonction publique territoriale. Notre collègue s'interrogeait sur l'existence d'un groupe de travail constitué uniquement de membres de l'UMP et de l'Union centriste, à l'exclusion des autres groupes.
Le 6 mai, un mois après, je faisais à mon tour un rappel au règlement pour m'étonner de la désignation d'un conseiller technique par ce groupe à la composition très partiale, en même temps que du choix très sélectif de ses interlocuteurs, dans la mesure où tous les organismes et établissements liés à la fonction publique territoriale n'y étaient pas représentés.
De deux choses l'une, avais-je dit : ou bien, il s'agit d'un groupe de travail au sein d'un ou de plusieurs groupes politiques et, dans ce cas, les moyens du Sénat n'ont pas à être mis à sa disposition ; ou bien, il s'agit d'un groupe de travail sénatorial - comme le laisse penser son appellation - et, à l'évidence, il doit dès lors être ouvert à tous les groupes politiques.
M. Jacques Mahéas. Très juste !
M. Claude Domeizel. Nous n'avons obtenu aucune réponse à ce jour. Il est vrai qu'entre le 6 mai et le 24 juillet nous avons tous été très occupés, mais, en tout état de cause, il est regrettable que pour avoir des nouvelles de ce groupe de travail, qui semble avoir fait son bonhomme de chemin, il faille nous en remettre à la presse quotidienne.
Ainsi, dans un journal en date d'aujourd'hui, je lis le communiqué suivant : « Collectivité locales : Christian Poncelet, président du Sénat, devait remettre les conclusions d'un groupe de travail » - le voilà ! - « sur la fonction publique territoriale à Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, mercredi 8 octobre. Dans ce rapport, le Sénat » - je lis bien : « le Sénat » - « préconise notamment de développer la "rétribution au mérite par service et à titre individuel"... »
Il s'agit, bien entendu, de la rémunération des fonctionnaires territoriaux.
Au nom du groupe socialiste, je demande, de nouveau, des explications sur ce groupe de travail, car nous nous interrogeons sur cette utilisation abusive de la Haute Assemblée et de ses moyens.
Nous souhaitons avoir une réponse claire et précise lors de la plus prochaine séance, faute de quoi nous serions contraints d'apporter un rectificatif à ce communiqué...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. le président. Monsieur Domeizel, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
M. Claude Domeizel. Comme la dernière fois !
M. le président. Je ferai part à M. Christian Poncelet, président du Sénat, dès aujourd'hui de vos observations sur ce groupe de travail auquel, je suis amené à le préciser, aucun fonctionnaire du Sénat proprement dit n'a participé.
M. Claude Domeizel. Mais qui s'exprime au nom du Sénat !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est donc pas un rapport du Sénat ?
M. le président. Je ferai part à M. le président du Sénat, qui a pris cette initiative, de l'intégralité de vos observations et il avisera quant aux suites qu'il y a lieu d'y donner.
M. Jean-Patrick Courtois. Très bien !
MAÎTRISE DE L'IMMIGRATION
Suite de la discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France.
Je rappelle que la discussion générale a été close.
M. le président. Je suis saisi par Mme André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté d'une motion n° 124 tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France (n° 396 rectifié, 2002-2003). »
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Jacques Mahéas, auteur de la motion.
M. Jacques Mahéas. Nous vous avons longuement écouté, monsieur le ministre, notamment en commission, nous faire l'apologie d'un texte que vous estimez un modèle d'équilibre et de pragmatisme.
M. Laurent Béteille. Oui ! Oui !
M. Jacques Mahéas. Après vos propos modérés, nous aurions aimé examiner une grande loi. Nous regrettons d'autant plus les occasions manquées.
Reconnaissons, néanmoins, l'avancée la plus spectaculaire, celle qui concerne la question dite de la « double peine », qu'il a fallu porter haut contre une majorité extrêmement hostile.
M. Roger Karoutchi. Et vous, qu'avez-vous fait ?
M. Laurent Béteille. Vous parlez de la majorité précédente !
M. Jacques Mahéas. Le 28 novembre 2002, à l'Assemblée nationale, une proposition de loi socialiste sur ce sujet déchaînait la virulence parfois outrancière des orateurs de droite et laissait craindre le pire. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Le texte avait d'ailleurs été rejeté sans examen des articles.
Nous sommes, nous, restés cohérents...
M. Jean-Jacques Hyest. Bien sûr !
M. Jacques Mahéas. ... puisque, depuis longtemps, le groupe socialiste du Sénat dépose des amendements tendant à supprimer la « double peine ». Saluons donc le chemin parcouru et la conversion des farouches opposants de naguère, mais rappelons que bien des situations ne seront toujours pas réglées par ce texte.
M. Roger Karoutchi. Oh ! là ! là !
M. Jacques Mahéas. Je parle des avancées : vous devriez être satisfait et ne pas m'interrompre !
Justement, une autre avancée pourrait recueillir pleinement notre assentiment, je veux parler du durcissement opéré contre les passeurs, même si la loi était déjà sévère à leur encontre...
En revanche, l'article relatif à la responsabilité des personnes morales pour l'aide à l'entrée et, surtout, au séjour d'étrangers en situation irrégulière nous inquiète beaucoup.
Monsieur le ministre, comme moi, vous avez été maire, et, très vraisemblablement, vous comme moi avons aidé, à un moment donné, parce que, humainement, il fallait le faire, des gens que nous n'avons pas interrogés pour vérifier qu'ils étaient en situation régulière. Nous avons aidé cette femme battue ou cette autre jeune femme, arrivée avec un enfant sur les bras et ne sachant pas où aller. Elles n'avaient pas nécessairement des papiers en règle. Nous avons aidé ce jeune adolescent rejeté par sa famille, cette jeune fille que l'on voulait marier de force. Dorénavant, cette aide sera punie par la loi.
Pour ma part, monsieur le ministre, je me ferai un honneur d'être puni par la loi !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est absurde ! Ne vous faites pas peur pour vous montrer courageux ! C'est inutile !
M. Jacques Mahéas. Je vous demande donc instamment de revenir sur cet article.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Il n'en est pas question !
M. Jacques Mahéas. S'agissant du statut des ressortissants de l'Union européenne, nous ne pouvons que nous réjouir de sa simplification tout en nous demandant si les conséquences ont été totalement mesurées. En effet, l'élargissement prochain de l'Europe risque de prendre en défaut un Gouvernement qui affiche sa volonté de « choisir l'immigration » sans toutefois négocier des accords bilatéraux dignes de ce nom avec les pays candidats les plus défavorisés.
J'en veux pour preuve le désolant exemple roumain. L'association Médecins du monde et la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme ont récemment rendu public un rapport d'enquête affligeant à la suite d'une mission en Roumanie sur le retour des Roms de France. Leurs conclusions sonnent le glas d'une coopération présentée comme un modèle puisque, dans les faits, on assiste à une immense « duperie » et à une véritable « criminalisation de la misère ».
Les Roms, trop souvent expulsés violemment et loin d'être socialement pris en charge à leur retour, ont été sanctionnés par le retrait de leur passeport. Ainsi, paradoxalement, ceux qui ont cru en une solution régulière risquent de devenir la proie des filières clandestines.
Il existe bel et bien un contraste saisissant entre le discours du ministre de l'intérieur et ce projet de loi : d'un côté, un discours policé, marqué par une certaine souplesse, qui revendique à l'envi la recherche d'un équilibre pragmatique entre humanisme et fermeté, de l'autre côté, un projet de loi policier, qui érige en postulat la suspicion envers l'étranger, perçu comme menteur et fraudeur,...
M. Roger Karoutchi. Oh !
M. Jacques Mahéas ... un projet de loi qui fiche et qui sanctionne au-delà du nécessaire.
N'oublions pas que la loi relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile, dite loi RESEDA, était déjà fortement et suffisamment coercitive, ce qui fait que, à quelques rares points près, cette nouvelle loi excessive sera aussi inutile qu'inefficace, voire contre-productive.
Vous-même, monsieur le ministre, vous étiez bien empêché en commission de m'expliquer ce que votre texte aurait concrètement apporté dans le cas du démantèlement du double réseau dans le campement de Roms de l'Ile-Saint-Denis. Pourquoi, dès lors, asseoir votre action sur un prétendu pragmatisme ?
C'est l'illustration de l'aberration d'un texte disproportionné qui n'a d'autre but que de décliner une politique du tout-sécuritaire. Or cette fuite en avant dans la répression, même si elle est déjà fort bien rôdée, masque mal les errances du Gouvernement dans tous les autres domaines, notamment en matière d'action sociale.
Certes, monsieur le ministre, vous devez vous accommoder d'une majorité nullement avare de surenchère et qui a d'ailleurs considérablement durci le texte initial. Que dire, parmi tant d'autres, de ce nouvel article sanctionnant les étrangers travaillant « au noir » d'une amende de 3 750 euros et de trois ans d'interdiction de territoire français ? A ce propos, j'ai lu les déclarations que vous avez faites récemment et que vous ferez officiellement dans quelque temps...
Non seulement cet article établit une nouvelle « double peine », mais, s'il s'agit de lutter contre le travail au noir, pourquoi s'en prendre à la victime et non exclusivement à l'employeur ? Cela rappelle tristement les mesures dirigées contre les prostituées, les mendiants, les squatteurs...
Ne nous leurrons pas, ce texte porteur d'arbitraire et de tracasseries administratives va surtout précariser l'immigration légale, en touchant notamment à la carte de résident, qui est pourtant le socle sur lequel peut s'établir un projet stable d'avenir et d'intégration.
Aussi préférez-vous, monsieur le ministre, mettre en avant la question de la « double peine » afin de combler le volet « humanité », mais le discours tempéré s'effrite à l'aune de la réalité de la loi. Le double langage n'est que trop évident.
Ce double langage se retrouve d'abord dans la manipulation des chiffres. Ainsi vous avez affirmé, monsieur le ministre, le 3 juillet à l'Assemblée nationale, que « l'immigration légale augmentait de 12 % en 2000 et de 15 % en 2001 ». Or, dans le très officiel rapport au Parlement émanant de vos services et intitulé Les titres de séjour des étrangers en France en 2002, cette augmentation est de 1 % en 2000 et de 0,8 % en 2001.
Quant à la commission des lois, dans son rapport, au chapitre sur « la population étrangère légale en France métropolitaine », elle indique que le chiffre de l'immigration légale est « à peu près stable depuis une vingtaine d'années ».
Double langage encore lorsque l'on prône l'intégration des immigrés en situation régulière tout en retardant, rognant ou supprimant les crédits des associations ad hoc, notamment ceux du GISTI, le groupe d'information et de soutien des travailleurs immigrés, et du FASILD, le fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations.
Double langage enfin lorsque l'on prétend avoir réglé humainement le sort des immigrés de Sangatte ou celui des Roumains grâce à des accords bilatéraux.
J'ai déjà évoqué le triste sort des seconds.
Quant aux premiers, ils sont désormais à la gare du Nord, ou en Seine-Saint-Denis. Un conseiller municipal UMP de Bobigny constatait ainsi la semaine passée dans Le Parisien que, depuis la fermeture de Sangatte, « les candidats à l'embauche étaient beaucoup plus nombreux » dans le bâtiment. Et de s'indigner à juste titre de cette « exploitation humaine en toute impunité » !
Dans son ensemble, le projet de loi nous semble donc tout à fait irrecevable, car il attente à des droits essentiels. Ce sont autant de motifs d'inconstitutionnalité. Je n'évoquerai que quelques points, particulièrement critiquables, ce qui ne saurait épuiser la liste des griefs qui motiveront la saisine du Conseil constitutionnel.
Le retour à la pratique du certificat d'hébergement méconnaît tant la liberté individuelle que le droit à une vie privée et familiale. L'intrusion dans le domicile, rendue possible pour les autorités municipales sans aucune garantie quant aux qualités des agents réalisant les visites, porte une atteinte disproportionnée à ces droits et libertés fondamentaux. Le principe d'égalité est aussi violé par la mise en oeuvre de conditions de ressources. Selon que vous aurez ou non les moyens de payer le voyage de retour à un proche venu par exemple visiter un ami ou un parent malade, vous obtiendrez ou non le certificat d'hébergement.
Il en va de même en qui concerne le regroupement familial, soumis à des contraintes disproportionnées et imprécises. Le risque pris de subordonner le droit à mener une vie familiale et privée à une appréciation arbitraire ne trouve, ici, aucune justification suffisante. Imaginons comment le maire d'Orange fera application d'une telle disposition et d'un tel pouvoir ! Du point de vue constitutionnel, le fait qu'une seule atteinte à un droit fondamental puisse résulter de la mise en oeuvre d'une disposition suffit à justifier la censure du texte. En l'occurrence, nul ne peut ignorer la menace qui pèsera sur la vie privée des individus concernés.
En outre, ce pouvoir d'appréciation arbitraire rompt manifestement avec le principe d'égalité, qui - il importe de le rappeler à cet égard -, s'applique aussi aux étrangers. Le droit au regroupement familial sera-t-il réservé aux familles d'un certain niveau social ? L'amour au sein d'une famille devra-t-il dépendre de l'opinion d'un maire voulant complaire à des groupes de pression électoraux ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Jacques Mahéas. C'est la même inspiration qui doit être critiquée, monsieur le ministre, quand vous prévoyez de soumettre à l'appréciation du maire le degré d'intégration d'un étranger demandeur d'un titre de séjour. Ne court-on pas le risque que des avis puissent être motivés par des présupposés idéologiques ? Aucune précision n'est donnée sur les critères objectifs et rationnels permettant de fonder cet avis, ni sur la portée de celui-ci. L'incompétence négative du législateur est patente. Il n'est pas davantage admissible, au regard du principe d'égalité, que l'intégration soit soumise à des appréciations divergentes selon les communes et les territoires.
Les risques pris ainsi sont tout simplement inacceptables du point de vue constitutionnel.
Quant à la peine d'amende qui peut être prononcée à l'encontre d'un étranger travaillant au « noir », elle viole le principe de nécessité des délits et des peines résultant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. En outre, et ceci fait litière de votre opération de séduction relative à la suppression, partielle, de la double peine, cette disposition méconnaît le principe non bis in idem, puisqu'un étranger encourra une sanction pénale du fait non seulement de son entrée ou de son séjour irréguliers, mais aussi de cette situation du travail, qui n'est que l'une des manifestations de sa condition de « sans-papiers ».
La liberté du mariage est, elle aussi, menacée par un texte qui développe des principes de suspicion, avec des contrôles a priori et a posteriori.
Quant aux règles applicables à la rétention administrative, vous faites le choix de porter une atteinte clairement disproportionnée à la liberté d'aller et venir. A titre d'exemple, le prolongement éventuel de la rétention en raison de l'absence de moyens de transport disponibles pour procéder à l'éloignement de l'étranger fait dépendre les droits et libertés de ce dernier de la désorganisation éventuelle de l'administration, ce qui est un comble. Qu'on en juge par les dysfonctionnements du tribunal de Bobigny, dont l'activité a fortement augmenté et qui se trouve réduit à libérer des prévenus, faute d'un effectif suffisant de policiers pour les escorter !
M. Roger Karoutchi. Acceptez Roissy !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est grotesque !
M. Jacques Mahéas. C'est ce que dit le président du tribunal !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est grotesque !
M. Jacques Mahéas. C'est ce que dit le président du tribunal de Bobigny, excusez du peu ! J'en conclus, monsieur le ministre, que vous estimez que les propos du président du tribunal de Bobigny sont grotesques !
M. Roger Karoutchi. C'est cela, oui !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur le sénateur, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Jacques Mahéas. Je vous en prie, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. le ministre, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur Mahéas, il ne s'agit nullement pour moi de juger grotesques les propos du président du tribunal de Bobigny ; c'est votre argumentation qui l'est, pour une raison très simple.
En effet, admettons même que vous ayez raison, et qu'il n'y ait plus un seul policier disponible. Dans ce cas, il convient de laisser les prévenus où ils se trouvent, puisqu'ils ne sont pas en liberté, de les garder à la disposition de la justice et d'aller les chercher le lendemain. La décision de libérer des prévenus est une décision souveraine d'un magistrat, qui doit en assumer la responsabilité. Rien n'oblige jamais un magistrat à relâcher des prévenus.
Quand bien même une panne d'électricité, un effondrement de l'immeuble ou un malaise du magistrat surviendrait, la solution consisterait à remettre les prévenus à la disposition de la police, à les ramener d'où ils venaient jusqu'au lendemain. Cela n'a pas été fait, c'est donc une décision souveraine du magistrat qui a conduit à la remise en liberté des intéressés. Je trouve grotesque, je le répète, de vouloir en faire peser la responsabilité sur la police républicaine. Me suis-je bien fait comprendre ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Je vous signale, monsieur le ministre, que par deux fois déjà des prévenus ont été libérés à Bobigny, dans les conditions que j'évoquais. Peut-être aurait-il fallu que vous-même...
M. Nicolas Sarkozy, ministre. En tant que garde des sceaux ? (Sourires.)
M. Jacques Mahéas. ... et le garde des sceaux, bien évidemment, vous mettiez d'accord sur un fonctionnement normal du tribunal de Bobigny.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Cela n'a rien à voir !
M. Jacques Mahéas. C'est le moins que l'on puisse demander à un ministre de l'intérieur, mais vous préférez rejeter la responsabilité sur le ministre de la justice.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Un ministre de l'intérieur s'occuper du fonctionnement du tribunal de Bobigny ! C'est un naufrage, monsieur Mahéas !
M. Jacques Mahéas. C'est trop facile ! Vous tenez des propos outranciers à l'égard de l'opposition à chaque fois que vous êtes en difficulté !
M. Gérard Braun. Incroyable !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est un naufrage !
M. Jacques Mahéas. Les élus de la Seine-Saint-Denis, c'est nous !
M. Roger Karoutchi. Il y en a d'autres !
M. Jacques Mahéas. Ce n'est pas vous, monsieur le ministre ! Je n'accepte pas que, tout ministre que vous êtes, vous nous traitiez comme vous venez de le faire,...
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Et vous ?
M. Jacques Mahéas. ... en affirmant que nous serions incompétents ! Je vis depuis très longtemps en Seine-Saint-Denis, et je sais, peut-être mieux que vous, ce qu'est l'immigration ! Notre département rencontre des difficultés, cela est vrai, mais je sais qu'il est nécessaire que nous gardions la tête froide, eu égard en particulier à l'aspect humain des problèmes. (Murmures sur les travées de l'UMP.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Jacques Mahéas. La raison est peut-être de votre côté, monsieur le ministre ; le coeur est un peu plus du mien, tant mieux ! (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)
M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est pourtant bien moi qui propose de réformer la « double peine » !
M. Jacques Mahéas. J'ai dit « un peu plus », monsieur le ministre, pas davantage !
Enfin, il n'est pas acceptable que la justice puisse être rendue dans des conditions qui n'assurent pas de façon objective son indépendance ni le respect du droit à un procès équitable. En inventant les audiences pénales foraines, vous soumettez les étrangers à un régime dérogatoire au droit commun, qui viole, de surcroît, l'égalité devant la justice découlant du principe d'égalité devant la loi.
Nous ne doutons pas, monsieur le ministre, que vous aurez des réponses à toutes ces interrogations. Toutefois, nous espérons que le Conseil constitutionnel fera preuve du courage et de l'indépendance que sa mission exige et qu'il démentira alors les craintes de ceux qui, depuis deux ans, l'ont vu revenir, pas à pas, sur sa propre jurisprudence, en allant parfois jusqu'à nier les évidences.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest. Je demande la parole contre la motion.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Le principe d'égalité qu'invoquait à l'instant notre collègue vaut pour les personnes se trouvant dans des situations comparables. Si l'on poussait ce principe très loin, il n'y aurait plus de distinction possible entre les citoyens français, les citoyens européens et les étrangers. Or il existe une législation spécifique pour les étrangers.
M. René Garrec, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest. Ce qui m'a particulièrement choqué dans l'argumentation de notre collègue Jacques Mahéas, c'est l'image qu'elle donne des maires de France. Les 36 000 maires de notre pays sont chargés d'appliquer, en tant qu'agents de l'Etat - ce que l'on oublie toujours ! -, les lois et règlements existants. Ils le font, bien entendu, dans le respect des libertés. S'ils ne le font pas, le préfet est amené à se substituer à eux. Par exemple, lorsqu'un maire n'agit pas comme il convient en matière de sécurité, ce pouvoir de substitution peut jouer.
De la même manière, si des maires « dérapaient » - le cas sera très rare, à mon sens - dans un sens ou dans l'autre, en n'appliquant pas ou en détournant la loi, il est évident qu'il reviendrait aux préfets de se substituer à eux. Je pense que c'est faire injure aux maires que d'imaginer qu'ils n'apprécieront pas pertinemment les situations en matière d'attestations d'accueil ou de réalité du consentement au mariage.
Ce dernier point est essentiel : nous savons tous qu'il y a des abus dans ce domaine et qu'il faut y remédier. Bien entendu, on aurait pu envisager de créer des services administratifs au sein des ministères pour exercer des contrôles. En ce qui concerne les mariages, ceux-ci relèvent du parquet. Il me paraît important d'améliorer la législation sur ce point, car l'on sait très bien que des dérives existent, qui se sont énormément aggravées au cours des dernières années.
Pour ma part, j'avais pourtant été extrêmement réticent, voilà quinze ans, s'agissant de cette matière. Mais la situation n'était alors pas celle que nous connaissons aujourd'hui, où de nombreux mariages sont manifestement conclus entre des époux qui ne se connaissent pas, où tout est arrangé, où le consentement fait l'objet d'une tractation financière. Récemment, dans mon département, un réseau ayant organisé cent vingt mariages de cette sorte a été démantelé. Je pense qu'il faut y mettre bon ordre ! Le projet de loi, de ce point de vue, répond parfaitement aux nécessités du moment.
J'évoquerai, par ailleurs, une question que n'a pas soulevée M. Mahéas, celle de la prise des empreintes digitales. Beaucoup de bonnes âmes se sont élevées contre cette mesure. Or, actuellement, les empreintes digitales ne figurent pas, certes, sur les cartes d'identité sécurisées, mais elles sont prises au moment de la demande en vue de la constitution du dossier. Par conséquent, tout citoyen français qui demande une carte d'identité voit ses empreintes digitales figurer dans un fichier, et il ne pourrait en être ainsi s'agissant d'un étranger qui sollicite un visa ! C'est absurde !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous n'avons pas dit le contraire !
M. Jean-Jacques Hyest. Non, mais d'autres l'ont dit. Il faut que les choses soient bien précisées !
M. Jacques Mahéas. Vous n'étiez pas là ce matin ! C'est invraisemblable !
M. Gérard Braun. Si ! Il était là !
M. Jean-Jacques Hyest. J'étais présent, mon cher collègue !
Tout cela montre au moins une chose, c'est que vous êtes d'accord avec nous sur deux points : la suppression de la « double peine » et le fichage des étrangers. Je m'en réjouis !
M. Jacques Mahéas. Parlez de « fichier », c'est tout de même mieux !
M. Jean-Jacques Hyest. Cela étant, il ne reste plus beaucoup d'arguments pour justifier l'exception d'irrecevabilité ; il me semble même qu'il n'en reste aucun, et le groupe UMP votera donc contre la motion. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'était pas notre question, mais c'est votre réponse !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Ce projet de loi ne nous paraît pas contraire à la Constitution.
M. Roger Karoutchi. Bien sûr que non !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. De nombreuses dispositions figuraient déjà dans des textes antérieurs à la loi RESEDA du 11 mai 1998 et avaient été, à l'époque, validées par le Conseil constitutionnel.
Il en est ainsi de la possibilité de retirer le titre de séjour à un étranger ayant opéré un regroupement familial sur place sans respecter la procédure normale, ou de la faculté, pour un maire, de mettre en place un traitement automatisé des demandes de validation d'attestation d'accueil.
En outre, par le biais de l'interprétariat, de la notification des droits ou de l'information du procureur et du juge des libertés et de la détention, l'équilibre est préservé entre l'impératif d'efficacité des procédures et la protection des droits.
Enfin, le principe d'égalité ne sera pas menacé par la compétence des maires pour valider les attestations d'accueil. Le maire agit en tant qu'agent de l'Etat, sous l'autorité du préfet, comme l'a excellemment rappelé M. Hyest. D'ailleurs, une procédure est prévue qui permettra de saisir le préfet en cas de refus systématique du maire. Ce n'est qu'ensuite que pourra être formé un recours devant le tribunal administratif.
Sur un plan général, et je fais miennes, là encore, les explications de notre excellent collègue Jean-Jacques Hyest, l'image des maires que vous avez donnée, monsieur Mahéas, ne correspond pas à la réalité. D'ailleurs, en suivant votre théorie, pourquoi laisser la responsabilité de la politique sociale aux conseils municipaux ? En effet, à l'heure actuelle, chaque conseil municipal définit sa politique sociale au travers de son budget et de l'action du CCAS, le centre communal d'action sociale !
M. Jacques Mahéas. C'est hélas vrai !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Jusqu'à preuve du contraire, ce système fonctionne depuis l'entrée en vigueur de la loi de 1948 sans que cela ait jamais soulevé aucun problème !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous voulez rire ?
M. Jacques Mahéas. Y connaissez-vous quelque chose, seulement ? C'est n'importe quoi !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. En effet, dans leur grande majorité, les maires sont des gens honnêtes, qui ont le sens de l'Etat. Pour cette raison, je suis très fier que la commission ait décidé de rejeter cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur Mahéas, j'avoue que je ne comprends pas votre argumentation. Vous êtes pourtant un parlementaire très assidu, un élu de terrain, qui connaît les problèmes. Encore une fois, les avis peuvent diverger sur certains éléments d'une politique pour l'immigration.
M. Jacques Mahéas. C'est net !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Cela n'a rien de dramatique ; c'est même la démocratie qui le veut.
Cependant, monsieur Mahéas, vous avez suffisamment de convictions pour vous abstenir de dire des contrevérités ! Ainsi, il est absurde et faux de me faire le procès de vouloir mettre en cause la responsabilité des personnes en matière d'aide aux étrangers ! Cela n'est pas digne de vous ! Vous disposez d'autres arguments pour attaquer le projet de loi du Gouvernement. N'utilisez donc pas celui-là !
M. Jacques Mahéas. Voyez la page 312 du rapport !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je vais vous le démontrer : nous n'avons rien changé à la définition de l'incrimination. Nous avons seulement ajouté deux circonstances aggravantes quant aux conditions de transport et au travail dangereux. Or celles-ci sont prévues par la convention de Palerme, monsieur Mahéas, dont le Parlement a voté la ratification à l'unanimité, socialistes compris ! Je n'ai fait que transcrire dans mon projet de loi ce que prévoyait la convention de Palerme ! Si vous avez approuvé la ratification de ce dernier texte, qui ne semble donc pas vous avoir choqué au regard du respect des droits de l'homme, pourquoi sa transposition mot pour mot, point par point, devrait-elle vous poser problème ?
Monsieur Mahéas, c'est votre droit de vouloir attaquer ce projet de loi, qui doit peut-être d'ailleurs être amélioré, mais trouvez d'autres arguments ! Que quelques associations, parfaitement irresponsables, utilisent celui auquel je me réfère n'étonnera personne ; de votre part, cela m'a étonné : voyez dans cet étonnement la marque de ma considération ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est mieux !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Par ailleurs, comme vous avez compris que mon texte n'affectait en rien le rôle et l'action des associations, vous cherchez maintenant à soulever un problème qui serait lié à la responsabilité individuelle.
M. Jacques Mahéas. Oui !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je l'affirme, rien dans ce texte ne vise à modifier le droit sur ce point.
Mais ce qui est extraordinaire, c'est que vous nous faites, encore une fois, le coup du Conseil constitutionnel ! Quand M. Mahéas n'a plus aucun argument, il dit, comme dans une cour d'école : « Attention, je vais aller chercher le Conseil constitutionnel ! » Lors de l'élaboration de la loi pour la sécurité intérieure, vous l'avez invoqué matin, midi et soir, monsieur Mahéas !
M. Jacques Mahéas. Ce n'était pas trop !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Finalement, vous avez été renvoyé dans vos « seize mètres », pour employer une métaphore sportive, sur tous les points soulevés !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. On en reparlera !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Peut-être, monsieur Dreyfus-Schmidt, ce n'est pas parce que vous avez été défaits la dernière fois que vous le serez la prochaine !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Cependant, convenez qu'après la défaite que vous avez subie s'agissant de la loi pour la sécurité intérieure, vous êtes maintenant mal placés pour nous donner des leçons de droit constitutionnel, de juridisme et de compétence ! (M. Roger Karoutchi s'esclaffe.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas vrai !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est tout à fait exact ! Vous aviez formé un recours multiple devant le Conseil constitutionnel, malheureusement celui-ci ne vous a pas suivis.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Quand, du haut de la tribune, vous venez maintenant nous dire que nous allons voir ce que nous allons voir, je suis obligé de vous répondre que, jusqu'à présent, nous n'avons pas vu grand-chose !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. On verra !
M. Jacques Mahéas. Vous n'avez pas lu les conclusions du Conseil constitutionnel !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Si, je les ai lues.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous n'avons pas perdu !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ce n'est pas parce que vous avez perdu hier que vous perdrez demain, mais convenez de votre défaite d'hier !
Je m'adresse maintenant à l'élu de Seine-Saint-Denis que vous êtes, monsieur Mahéas. Ce département connaît une situation très difficile, du point de vue de l'immigration en tout cas, parce qu'il concentre de nombreux problèmes. Que l'on soit élu socialiste, communiste ou de l'UMP, telle est la réalité. Car il n'y a pas que des élus socialistes en Seine-Saint-Denis !
M. Jacques Mahéas. Malheureusement !
M. Marcel Debarge. Pas encore ! (Sourires.)
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ce qui s'est passé avec les Roumains de l'Ile-Saint-Denis représente un exemple exceptionnel ! Le maire de Saint-Denis a cru bien faire, et je ne le mets pas en cause, en installant sur l'Ile-Saint-Denis un campement de Roumains et en essayant de scolariser les enfants. Le résultat en fut que, lorsque la police a débarqué dans le campement, elle a découvert dix-neuf prostituées, qui devaient ramener 4 000 euros par jour pour ne pas être frappées par leurs tortionnaires. Ces derniers s'étaient installés avec l'autorisation des autorités municipales, qui avaient pourtant cru bien faire. Le camp comptait en outre trente mineurs enlevés de Roumanie sans leurs parents ; eux devaient ramener 200 euros par jour !
Est-ce cela la générosité ? La vraie générosité n'est-elle pas plutôt de conduire l'action de la police pour mettre en prison tous ces gens et libérer ces victimes ? En installant le camp, en le tolérant, en l'organisant d'une certaine façon, on a rendu possible une telle situation. Comme l'on dit : « L'enfer est pavé de bonnes intentions. »
J'ajoute, et ce n'est pas le moins, que si le Sénat n'avait pas eu le courage et la lucidité de voter la création du délit d'exploitation de la mendicité - auquel vous vous êtes opposé, monsieur Mahéas - jamais nous n'aurions pu mettre en prison ces Roumains qui exploitaient honteusement ces enfants.
M. Jacques Mahéas. La loi actuelle vous l'a permis ! Il n'est pas besoin d'en rajouter !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Quand je pense que vous m'avez fait le procès de vouloir criminaliser les mendiants, alors que le délit d'exploitation de la mendicité a servi à mettre en prison des tortionnaires qui, bien que Roumains, n'en sont pas moins des tortionnaires exploitant des mineurs !
En outre, l'allongement du délai de rétention nous aurait permis de reconduire chez eux la totalité de ceux que nous avons interpellés, ce qui n'a pu être fait.
J'ajoute enfin, pour que le désaccord soit complet avec M. Mahéas, que je ne comprends toujours pas ce que l'on me reproche à propos des Roumains, dont 3 000 à 4 000 grosso modo sont en situation irrégulière. Nous en avons expulsé la moitié, soit environ 1 500.
Je ne comprends pas ce que l'on me reproche : est-ce d'en avoir expulsé 1 500 ou d'en avoir laissé encore 1 500 sur le territoire ? Si c'est ce dernier reproche que l'on me fait, rassurez-vous, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai bien l'intention de conduire le travail jusqu'au bout !
Je ne vois pas pourquoi nous devrions accepter qu'un certain nombre de nos compatriotes, en Seine-Saint-Denis comme ailleurs, vivent avec à leurs pieds des campements parfaitement illégaux où règne une brutalité organisée qui est le fait de tortionnaires.
Le fait d'être roumain n'excuse rien : on ne doit pas tolérer ce type d'activité sur le territoire national. La loi sur la sécurité, la LSI, a permis de mettre un terme à certains agissements ; le projet de loi sur l'immigration, que nous examinons, permettra d'y mettre un autre terme.
Ce faisant, monsieur Mahéas, j'ai tout à fait conscience de travailler aussi pour les habitants de la Seine-Saint-Denis, qui ont le droit à la même tranquillité publique que les habitants de n'importe quel autre département. Il n'y a pas de raison que la Seine-Saint-Denis soit abandonnée.
Par conséquent, monsieur le sénateur, si vous vouliez lancer un appel au Gouvernement, cet appel est entendu. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jacques Mahéas. La loi actuelle vous le permet !
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 124, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
(La motion n'est pas adoptée.)
M. le président. Je suis saisi par Mmes Borvo et Mathon, M. Bret, Mmes Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès d'une motion n° 1 tendant à opposer la question préalable.