SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
1. Procès-verbal (p. 1).
2. Mécénat, associations et fondations. - Adoption définitive d'un projet de loi en deuxième lecture (p. 2).
Discussion générale : MM. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication ; Yann Gaillard, rapporteur de la commission des finances ; Jack Ralite, Denis Badré, Claude Estier.
M. le ministre.
Clôture de la discussion générale.
Articles 1er, 3, 3 bis, 5 bis A, 6, 7, 11, 14 et 15. -
Adoption (p. 3)
Adoption définitive du projet de loi.
Suspension et reprise de la séance (p. 4)
3. Conférence des présidents (p. 5).
4. Référendum local. - Adoption d'un projet de loi organique en deuxième lecture (p. 6).
Discussion générale : MM. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales ; Daniel Hoeffel, rapporteur de la commission des lois ; Patrice Gélard, Jean-Claude Peyronnet, Jean-Pierre Sueur, MichelMercier, Mme Josiane Mathon, M. Michel Charasse.M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois.
Clôture de la discussion générale.
Article unique (p. 7)
Articles L.O. 1112-1 à L.O. 1112-6
du code général des collectivités locales. - Adoption. (p. 8)
Article L.O. 1112-7 du code général des collectivités territoriales (p. 9)
Amendement n° 1 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué, Michel Charasse, Mme Nicole Borvo. - Adoption par scrutin public.
Adoption de l'article du code, modifié.
Articles L.O. 1112-8 et L.O. 1112-8-1, L.O. 1112-9
à L.O. 1112-11, L.O. 1112-11-1 et L.O. 1112-12
du code général des collectivités territoriales. - Adoption (p. 10)
M. Paul Blanc.
Adoption, par scrutin public, de l'article unique du projet de loi.
PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
5. Expérimentation par les collectivités territoriales. - Adoption définitive d'un projet de loi organique (p. 11).
Discussion générale : MM. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales ; Gérard Longuet, rapporteur de la commission des lois.
Suspension et reprise de la séance (p. 12)
MM. Jean-Claude Peyronnet, Jean-Pierre Sueur, Pierre Mauroy, Yves Dauge, Michel Mercier, Roger Karoutchi, Mme Josiane Mathon.
Clôture de la discussion générale.
Suspension et reprise de la séance (p. 13)
Exception d'irrecevabilité (p. 14)
Motion n° 1 de M. Jean-Pierre Sueur. - MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Question préalable (p. 15)
Motion n° 22 de Mme Josiane Mathon. - Mme Nicole Borvo, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Article 1er (p. 16)
Amendements n°s 20 de Mme Josiane Mathon et 2 à 19 de M. Jean-Claude Peyronnet. - Mme Josiane Mathon, MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, le ministre. - Retrait de l'amendement n° 7.
Article L.O. 1113-1
du code général des collectivités territoriales (p. 17)
Rejet des amendements n°s 2 à 6, 8 et 9.
Adoption de l'article du code.
Articles additionnels après l'article L.O. 1113-1 du code général
des collectivités territoriales (p. 18)
Rejet des amendements n°s 10 et 11.
Articles L.O. 1113-2 à L.O. 1113-4
du code général des collectivités territoriales. - Adoption (p. 19)
Article L.O. 1113-5
du code général des collectivités territoriales (p. 20)
Rejet des amendements n°s 12 et 13.
Adoption de l'article du code.
Article L.O. 1113-6
du code général des collectivités territoriales (p. 21)
Rejet des amendements n°s 14 à 19.
Adoption de l'article du code.
Article L.O. 1113-7 du code général des collectivités territoriales. - Adoption (p. 22)
Adoption de l'article.
Article 2 (p. 23)
Amendement n° 21 de Mme Josiane Mathon. - Rejet.
Adoption de l'article.
Vote sur l'ensemble (p. 24)
M. Jean-Pierre Sueur, Mme Josiane Mathon.
Adoption définitive, par scrutin public, du projet de loi organique.
6. Initiative économique. - Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire (p. 25).
Discussion générale : MM. Francis Grignon, président de la commission spéciale, en remplacement de M. Jean-Jacques Hyest, Mme Annick Bocandé et M. René Trégouët, rapporteurs pour le Sénat de la commission mixte paritaire ; Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.
Clôture de la discussion générale.
Texte élaboré par la commission mixte paritaire (p. 26)
Vote sur l'ensemble (p. 27)
M. Daniel Raoul, Mme Odette Terrade.
Adoption définitive du projet de loi.
7. Prévention des risques technologiques et naturels. - Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire (p. 28).
Discussion générale : M. Yves Détraigne, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire ; Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable.
Clôture de la discussion générale.
Texte élaboré par la commission mixte paritaire (p. 29)
Vote sur l'ensemble (p. 30)
MM. Yves Coquelle, Daniel Raoul, Mme Gisèle Gautier, M. Dominique Braye.
Adoption définitive du projet de loi.
8. Dépôt d'un rapport d'information (p. 31).
9. Ordre du jour (p. 32).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
vice-président
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à dix heures.)
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
MÉCÉNAT, ASSOCIATIONS ET FONDATIONS
Adoption définitive d'un projet de loi
en deuxième lecture
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture (n° 413, 2002-2003), relatif au mécénat, aux associations et aux fondations. [Rapport n° 415 (2002-2003).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le 13 mai dernier, j'ai eu l'honneur de vous présenter le projet de loi en faveur du mécénat, des fondations et des associations, et nous voici aujourd'hui réunis pour la deuxième lecture de ce texte.
Vous le savez, l'objectif de cette réforme est de donner un nouveau souffle à l'initiative des particuliers et des entreprises en proposant un dispositif plus incitatif et plus lisible en faveur du mécénat et des fondations et en accordant à nos concitoyens le choix des causes auxquelles ils souhaitent consacrer leur générosité.
Le projet de loi souligne ainsi la profonde volonté du Gouvernement de faire évoluer durablement les mentalités et de témoigner sa confiance et sa reconnaissance à la société civile. Je souhaite à cet égard rappeler que l'implication des particuliers et des entreprises - je tiens à clore définitivement cette mauvaise querelle - ne vise pas à se substituer à l'engagement de l'Etat et des collectivités territoriales et, en quelque sorte, à en justifier l'extinction : c'est un procès que l'on me fait parfois.
Cette générosité interviendra aux côtés de l'action publique dans une parfaite complémentarité, afin de contribuer plus efficacement à l'épanouissement de l'intérêt général dans les secteurs culturel, social, éducatif, sportif, médical et philanthropique.
Le présent projet de loi est le résultat de la prise en compte des réflexions menées en France à ce sujet, de la concertation avec les ministères dont les champs sont couverts par le mécénat et d'un travail étroit avec le ministère de l'intérieur, s'agissant des fondations, et avec le ministère des finances, s'agissant du vaste arsenal de mesures fiscales envisagées.
Je tiens à vous rappeler brièvement les principales orientations de cette réforme, qui vise, premièrement, à développer le mécénat des particuliers par un renforcement des incitations fiscales, deuxièmement, à favoriser le mécénat des entreprises par un doublement de l'encouragement fiscal, et troisièmement, à alléger la fiscalité des fondations.
Je remercie le Parlement pour sa contribution décisive à l'élaboration de ce projet de loi. Avec votre concours, le dispositif fiscal a été amplifié et se révèle plus incitatif encore que ce qu'avait proposé le Gouvernement dans le projet de loi initial, tout en ne remettant pas en cause l'architecture et l'équilibre général du projet.
L'enrichissement de ce dispositif résulte notamment des modifications apportées par votre assemblée en première lecture, qui, pour la plupart, ont été appréciées et retenues par la commission des finances de l'Assemblée nationale.
Je prendrai trois exemples d'améliorations significatives ainsi adoptées.
Le premier concerne l'abattement d'impôt sur les sociétés pour les fondations d'utilité publique. L'Assemblée nationale, lors de la première lecture, avait augmenté le montant de cet abattement de 30 000 euros à 40 000 euros. Vous avez oeuvré dans le même sens en portant ce montant à 50 000 euros. La réduction d'impôt passerait donc de 15 000 euros à plus du triple. Cette nouvelle disposition constituera un encouragement essentiel à la création de nouvelles fondations. Or vous savez à quel point la situation des fondations est déprimée dans notre pays par rapport à d'autres pays européens, et à plus forte raison par rapport aux Etats-Unis d'Amérique, dans une configuration naturellement très différente de la nôtre.
Le deuxième exemple est l'assouplissement des obligations d'exposition au public des oeuvres originales d'artistes vivants acquises par les entreprises. L'article 238 bis AB du code général des impôts permet aux entreprises une déduction sur cinq ans du prix d'acquisition des oeuvres originales d'artistes vivants, sous réserve que celles-ci soient exposées dans un lieu spécialement aménagé pour le public. Vous avez souhaité modifier cette condition, en précisant qu'il suffisait que ce lieu soit accessible au public. Vous avez ainsi levé les contraintes matérielles qui privaient de fait le texte d'une grande partie de sa portée.
Le dernier exemple concerne le dispositif prévu dans la loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France, loi qui a tout particulièrement bénéficié de votre travail, mesdames, messieurs les sénateurs, puisque ce dispositif résulte d'amendements issus du Sénat.
Comme vous le savez, cette loi accorde aux entreprises une réduction d'impôt de 40 % au titre de l'acquisition pour leur propre compte d'un trésor national, et de 90 % au titre de dons à l'Etat ou à une personne publique pour lui permettre d'acquérir un trésor national destiné à une collection publique. Ce régime s'appliquait uniquement aux trésors nationaux ainsi entendus, c'est-à-dire à des oeuvres auxquelles l'administration n'avait pas donné de visa de sortie du territoire.
L'Assemblée nationale, successivement en première et en deuxième lecture, a proposé l'extension de ce dispositif aux oeuvres d'intérêt majeur qui présentent toutes les caractéristiques d'un trésor national et situées à l'étranger ou entrées sur le territoire français depuis moins de cinquante ans. Paradoxalement, des dispositions primitives de la loi sur les musées ne permettaient pas à une entreprise de concourir à l'acquisition, par exemple, d'une commode ayant appartenu au mobilier royal dans les mêmes conditions fiscales.
Le Sénat a supprimé le caractère provisoire de ce dispositif d'incitation fiscale, initialement limité par la loi sur les musées à 2006, pour donner plus de visibilité aux entreprises potentiellement intéressées.
L'ensemble de ces dispositions, à savoir l'extension du concept de trésor national et la non-limitation de la durée d'application des dispositions prévues par la loi sur les musées, garantit l'enrichissement du patrimoine artistique, historique et archéologique de notre pays.
Il convient cependant de noter que l'Assemblée nationale, en deuxième lecture, a enrichi à son tour ce projet de loi, en prévoyant notamment le report sur cinq ans de la réduction d'impôt pour les entreprises mécènes déficitaires, et en excluant les oeuvres d'art acquises grâce au mécénat des bases d'imposition de la taxe professionnelle.
Elle est par ailleurs revenue sur quelques points que vous aviez modifiés, et je souhaite retenir votre attention sur l'un d'eux.
Un point soulevé par l'Assemblée nationale fait référence à votre volonté d'introduire une différence de traitement fiscal pour les donateurs selon l'objet de l'oeuvre concernée. A la suite de la première lecture au Sénat, les dons aux organismes qui procèdent à la fourniture gratuite de repas ou de soins à des personnes en difficulté ou qui facilitent leur hébergement seraient déductibles à hauteur de 25 % du revenu imposable, et non plus de 20 %.
La commission des finances de l'Assemblée nationale a relevé que la distinction que vous aviez faite allait à l'encontre du principe de simplicité qui est à la base de cette réforme visant à une parfaite lisibilité de la loi et, par conséquent, à un large recours à ce dispositif de la part de nos concitoyens.
Il lui a donc semblé préférable d'écarter toute mesure qui nuirait à la bonne compréhension du dispositif fiscal en faveur du mécénat et qui introduirait des distorsions entre les organismes d'intérêt général qui en bénéficient.
Je me suis finalement rangé à cet avis, malgré l'immense considération que je porte aux organismes visés par l'amendement sénatorial. Il est vrai que le projet de loi, en proposant la généralisation du taux de 60 %, ne leur ménage aucun avantage spécifique, mais il leur octroie de meilleures conditions qu'auparavant. Je tiens en effet à souligner que le projet de loi renforce considérablement l'avantage fiscal qui leur était conféré jusqu'alors par l'amendement « Coluche » en faisant évoluer le plafond de 407 euros à 20 % du revenu imposable.
Je voudrais enfin revenir sur l'engagement que j'ai pris devant vous, le 13 mai dernier, d'étudier la possibilité d'étendre le dispositif du mécénat à tous les organismes culturels, publics ou privés, dont la gestion est désintéressée. Vous le savez, ces organismes n'atteignent l'équilibre financier que grâce aux concours de l'Etat et des collectivités locales. Lorsqu'ils sont assujettis à la TVA et, corrélativement, aux autres impôts commerciaux, ils ne peuvent aujourd'hui bénéficier des circuits de financement du mécénat, ce qui les handicape lourdement. Ils sont contraints d'avoir recours au parrainage. Or le projet de loi consent désormais au mécénat des conditions plus favorables qu'au parrainage.
A la suite de l'adoption d'un amendement du Gouvernement en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, la possibilité de recourir au mécénat serait désormais ouverte aux festivals. Cette extension représente une avancée significative pour ces organismes, dont les ressources sont mesurées et, parfois, insuffisantes. Je demeure néanmoins conscient qu'elle ne doit constituer qu'une première étape vers une application plus large aux structures permanentes du spectacle vivant et de la musique, soumises aux mêmes contraintes d'assujettissement à la TVA et désireuses de recourir au mécénat plutôt qu'au parrainage.
J'entends donc déployer dans les prochains mois les efforts nécessaires pour y parvenir. J'ai d'ores et déjà obtenu l'engagement de mon collègue Alain Lambert pour que cette question soit traitée au plus tard dans le cadre du projet de loi de finances pour 2004. Il serait en effet aberrant qu'un festival puisse bénéficier des dispositions du mécénat et qu'une formation ou une compagnie permanente ne puisse en bénéficier. Nous le savons, certains organismes culturels permanents - je pense notamment aux formations baroques telles que Les Arts florissants - font très largement appel au mécénat pour équilibrer leur budget.
En conclusion, je souhaiterais saluer l'intérêt que le Sénat a témoigné envers cette réforme. Je remercie notamment M. le rapporteur de la commission des finances, M. Yann Gaillard, et son président, M. Jean Arthuis, M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, M. Philippe Nachbar, et son président, M. Jacques Valade, pour leur très efficace contribution à l'élaboration de ce texte.
La commission des finances a proposé l'adoption conforme du texte de l'Assemblée nationale. A l'issue de nos débats, le projet de loi devrait donc être voté définitivement par le Parlement ; en tout cas, je l'espère ! Il donnera, je le sais, une très forte impulsion au mécénat et à l'activité des fondations dans notre pays. La France, après avoir accusé un important retard dans ce domaine, peut enfin espérer se doter d'un dispositif moderne, stimulant et même exemplaire à bien des égards comparé à la situation que connaissent d'autres démocraties occidentales. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Yann Gaillard, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais surtout, en cette ultime étape - du moins je l'espère - du processus législatif, m'attacher à faire ressortir la très bonne coopération qui a prévalu entre nos deux assemblées. Je ne voudrais pas que les sénateurs aient le sentiment que nous agissons avec une certaine passivité devant les initiatives de l'Assemblée nationale en proposant un vote conforme, d'autant que ces initiatives, je le rappelle, ont souvent vu le jour sur ces travées.
En première lecture, le Sénat avait adopté trois articles dans la rédaction de l'Assemblée nationale : le premier concernait une clarification du régime d'exonération de droits de mutation applicable aux dons manuels faits aux organismes d'intérêt général ; le deuxième ouvrait la possibilité pour les salariés de faire des dons à la fondation de leur entreprise, innovation très importante qui, vous le verrez, a encore été étendue ; le troisième, enfin, supprimait l'interdiction faite aux associations reconnues d'utilité publique de recevoir des donations avec réserve d'usufruit.
En première lecture, le Sénat avait également enrichi le texte d'un certain nombre de dispositions nouvelles.
Je ne m'attarderai pas sur les dispositions importantes mais très spécifiques concernant l'Alsace-Moselle, prises sur l'initiative de notre collègue Daniel Hoeffel, pour centrer mon propos sur les dispositions concernant le mécénat.
Certaines innovations introduites par le Sénat sous forme d'articles additionnels, déjà adoptées conformes par l'Assemblée nationale, résultent de l'initiative de notre collègue Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, avec qui la commission des finances a travaillé dans un esprit de parfaite coopération. Elles concernent notamment la possibilité d'étalement des versements de la dotation initiale d'une fondation reconnue d'utilité publique sur une période de dix ans et la révision du mode de calcul des intérêts de retard en cas de rupture de la convention liant l'Etat au propriétaire d'un immeuble inscrit ou classé ayant bénéficié de l'exonération de droits de succession.
Il revient en outre à notre collègue Ivan Renar d'avoir fait introduire dans le projet de loi, avec l'appui de votre rapporteur, l'obligation d'informer les salariés sur la politique de mécénat de l'entreprise. Cette innovation, qui me semble politiquement intéressante, a été maintenue par l'Assemblée nationale.
Si les articles relatifs au régime fiscal du mécénat ont fait l'objet d'une approche convergente de la part des deux assemblées, des discussions de principe ont eu lieu s'agissant, d'une part, des modalités de contrôle et de suivi de la dépense fiscale et, d'autre part, du problème des organismes d'intérêt général pour l'aide aux personnes en difficulté que M. le ministre vient d'évoquer.
J'en viens aux convergences. Diverses dispositions, souvent adoptées sur l'initiative ou avec l'appui de votre rapporteur, ont recueilli l'accord des deux assemblées.
La première concerne l'abattement d'impôt sur les sociétés dont bénéficient les fondations - M. le ministre l'a rappelé. A mon avis, la mesure est encore insuffisante au regard de l'objectif d'exonération totale des revenus de la dotation. S'il n'a pas été possible d'atteindre cet objectif, il y a tout de même un grand progrès.
La deuxième disposition a trait à l'aménagement du régime des achats d'oeuvres d'artistes vivants par les entreprises. Je suis d'autant plus sensible à l'intérêt manifesté par M. le ministre en faveur de cette mesure que cette idée de l'assouplissement de l'obligation d'exposition figurait déjà dans une proposition de loi que j'avais présentée et que le Sénat avait adoptée, mais qui n'avait pas eu à l'époque d'aboutissement législatif.
La troisième disposition, relative à l'extension aux instruments de musique du régime favorable actuellement prévu pour les oeuvres d'art, constitue une innovation qui a été introduite à la suite d'une initiative de M. Philippe Nachbar et aussi, je crois, un peu du cabinet du président du Sénat.
La quatrième disposition concerne la procédure de rescrit introduite par l'Assemblée nationale et réécrite sur l'initiative de la commission des finances. De même, a été acceptée par l'Assemblée nationale la nouvelle rédaction de l'article 4 du projet de loi relatif à l'exonération de droits de succession des dons aux fondations et associations reconnues d'utilité publique, qui étend cette disposition aux dons en nature.
S'agissant de l'extension aux biens culturels majeurs situés à l'étranger, je n'ai rien à ajouter aux précisions que vient d'apporter M. le ministre.
En revanche, des divergences subsistaient entre les assemblées sur deux points.
Le premier portait sur la question de principe concernant le suivi et le contrôle des organismes d'intérêt général. Cette question a été résolue en grande partie grâce à la très bonne coopération qui s'est instaurée avec le ministère de l'intérieur.
En résumé, l'Assemblée nationale s'est ralliée à la proposition du Sénat tendant à poser le principe de l'obligation d'une certification des comptes au-delà d'un montant de 153 000 euros. Le Sénat, pour sa part, a cédé à l'Assemblée nationale sur l'idée d'un contrôle de la Cour des comptes alors qu'il aurait préféré s'en remettre aux inspections générales des ministères. J'espère vivement que la Cour des comptes aura les moyens administratifs d'assumer cette responsabilité.
Le second point de divergence portait sur les organismes d'aide aux personnes en difficulté. Je n'ajouterai rien à ce propos sinon que, pour ma part, par entêtement, j'avais maintenu les amendements que le Sénat avait adoptés ; mais à mon grand regret, la commission des finances de la Haute Assemblée ne m'a pas suivi. Par conséquent, il vous est proposé d'émettre un vote conforme. Je crois que c'est une bonne chose pour le déroulement de notre session parlementaire.
La commission se rallie aux différentes adjonctions effectuées par l'Assemblée nationale en deuxième lecture parce qu'elles lui paraissent aller dans le bon sens.
L'amendement présenté par MM. Laurent Hénart et Charles de Courson à l'Assemblée nationale ouvre aux salariés la possibilité de faire des dons à la fondation du groupe auquel appartient leur entreprise. Je l'ai évoqué précédemment, c'est une amélioration, de ce qui avait été voté en première lecture.
Ensuite, dans la liste des organismes susceptibles de recevoir des dons ouvrant droit à la réduction d'impôt figure désormais l'organisation de festivals culturels. C'est là un énorme progrès.
Cette mesure, mes chers collègues, n'est pas liée uniquement à la conjoncture, car elle avait pris naissance antérieurement au Sénat, grâce à un amendement déposé par la commission des affaires culturelles. A l'époque, le ministre n'avait pas été en mesure de donner un avis favorable, car les négociations avec le ministère des finances n'étaient pas achevées. M. le ministre vient d'ailleurs de nous dire que la négociation était toujours en cours avec les organismes permanents.
Cette disposition constitue une innovation considérable ; c'est même le principal apport de la deuxième lecture à l'Assemblée nationale.
La commission des finances a également donné un avis favorable à l'amendement qui tend à permettre aux entreprises déficitaires de reporter le bénéfice de la réduction d'impôt sur les cinq exercices suivants celui des versements qui n'ont pu ouvrir droit à réduction d'impôt en raison de l'insuffisance de l'impôt dû.
Par ailleurs, la commission a approuvé la nouvelle rédaction de l'article 302 bis KD du code général des impôts, régissant la taxe sur la publicité diffusée par voie de radiodiffusion sonore et de télévision, qui alimente le fonds de soutien à l'expression radiophonique venant en aide aux radios associatives à faibles ressources publicitaires. C'est là un cavalier, mais je pense que la mesure peut être très positive pour le Gouvernement et pour l'audiovisuel.
Il s'agit de tenir compte des critiques de la Commission européenne, en substituant à la formule « à destination du territoire français » les mots « à partir du territoire français ».
Enfin, l'Assemblée nationale a adopté, sur l'initiative de notre collègue député Charles de Courson, un amendement favorisant la reprise du mécénat de certaines entreprises produisant des boissons alcoolisées, en dépit de l'avis défavorable du Gouvernement. Ce mécénat ne pourra s'effectuer qu'à la condition que cette campagne ne comporte que le nom de l'entreprise, et rien d'autre. Nous avons cru ne pas devoir refuser de suivre l'Assemblée nationale sur ce point.
S'agissant des donations temporaires d'usufruit, je me bornerai à préciser que le Gouvernement a réitéré devant l'Assemblée nationale la promesse qu'il avait faite devant le Sénat que les critères de déductibilité feraient l'objet d'une instruction fiscale très éclairante sur ce point. L'Assemblée nationale n'a donc pas jugé utile de traiter de ce sujet par la voie législative.
Sous réserve des observations contenues dans le présent rapport et qui démontrent que, en réalité, les choses se sont parfaitement imbriquées entre l'Assemblée nationale et le Sénat ainsi qu'entre les deux commissions du Sénat, je tiens à saluer le progès que marque ce texte très important. A cet égard, je me rallie à l'analyse de M. le ministre affirmant qu'il ne s'agit pas d'un retrait de l'Etat. L'intérêt général doit être pris en compte, non seulement par l'Etat mais par la société tout entière. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jack Ralite.
M. Jack Ralite. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous connaissez la position d'abstention que M. Ivan Renar et moi-même avons exprimée ici même au nom de notre groupe lors de la première lecture du présent texte, ainsi que la justification que nous lui avons apportée. Cette position ne change pas, et j'en rappelle les raisons.
Premièrement, c'est une bonne chose, ô combien, de chercher à obtenir davantage de crédits !
Deuxièmement, dans un contexte de déresponsabilité publique en matière de culture et d'art - et tout ce qui se passe actuellement démontre que notre crainte exprimée en mai était fondée - ce geste positif peut se transformer en geste négatif.
L'objet du projet de loi, par-delà les associations et les particuliers, vise à apporter une aide aux entreprises afin qu'elles investissent plus dans l'art.
C'est un texte fiscal visant à apporter une modification au code général des impôts. C'est un texte que la commission des affaires culturelles, n'a eu à connaître que du bout des lèvres, pour ne pas dire du bout de l'esprit : c'est un texte financier et économique.
Ce n'est pas un texte - je me limite à cette dimension - culturel. C'est donc un texte visant les entreprises, destiné à aider ces dernières, notamment celles qui adhèrent au MEDEF, dont l'actuel pilote conduit par ailleurs, à l'égard des artistes, une politique méprisante et de régression sociale.
Ainsi, d'un côté, le Gouvernement fait un geste positif, que je soutiens, en direction des entreprises, avec des conséquences incertaines pour la culture. De l'autre côté, et en même temps, le MEDEF, du haut de son ciel bancaire, fait un acte à cran d'arrêt aux conséquences assurées contre les femmes et les hommes artistes et techniciens, intermittents du spectacle, qui contribuent à cette dimension essentielle de la culture qu'est la création.
Vous comprendrez donc que, si nous discutons aujourd'hui du modeste élément, positif et espéré, du projet de loi, je veuille pour ma part m'arrêter un vrai moment sur l'élément négatif que constitue l'accord du 26 juin sur le régime d'assurance chômage des professionnels intermittents, y compris son avenant n° 1, signé par des syndicats très minoritaires et que le Gouvernement s'apprête à agréer. A la suite des réflexions et des actions auxquelles j'ai participé à Paris, à Avignon et à Hérisson, dans l'Allier, je suis conduit à développer six idées.
Premièrement, cet accord est un mauvais accord. Je l'ai dit dès le début. Je vois qu'aujourd'hui nombre de ceux qui l'avaient jugé bon reviennent sur l'idée qu'ils avaient émise en premier. Je pense à un certain nombre d'artistes qui ne l'avaient pas vraiment étudié.
Pourquoi s'agit-il d'un mauvais accord ? Je m'en suis ouvert, notamment dans une lettre adressée le 17 juillet à votre collègue M. François Fillon, dont je vous ai adressé une copie, monsieur le ministre, dès la semaine dernière.
J'ai, en effet, rencontré une jeune intermittente de la région Champagne-Ardenne - elle s'appelle Nathalie Charbaut -, très fine connaisseuse et analyste des textes réglant sa profession.
Elle m'a fait part, après s'en être entretenue avec un avocat, un juriste et de hauts responsables des administrations culturelle et sociale, d'une atteinte au principe constitutionnel d'égalité de traitement entre un homme et une femme dans une situation comparable.
Sur un tableau qu'elle a exposé dans la cour de la Maison Jean-Vilar, que vous connaissez bien, monsieur le ministre, elle a décortiqué deux cas de « créateurs lumière » ayant un statut tout à fait comparable, pour leur réadmission aux annexes VIII et X.
Je parle de situations complètement comparables car il s'agit de la même période donnée : même date initiale, même travail, même rémunération, même nombre d'heures de travail, même franchise, mêmes jours de différés, même montant du salaire journalier de référence.
Elle a découvert que l'un sera réadmis avec 512 heures et que l'autre sera exclu avec 504 heures. La raison en serait que si chacun d'eux a travaillé, en mars, neuf jours dont huit jours identiques selon le calendrier, le neuvième jour a été le 31 mars pour le premier, ce qui est légitime pour un entrepreneur, et le 20 mars pour le second.
Des questions se posent donc en ces termes : est-ce dû au hasard ? Est-ce dû à un texte non maîtrisé ? Est-ce dû à une rédaction quelque peu diabolique ? Toujours est-il qu'il y a discrimination de traitement.
Dans ces conditions, le texte agréé peut être frappé d'illégalité, d'autant qu'entre l'agrément et la Constitution, aucune loi ne fait écran. Oui, le risque de contentieux et de saisine du tribunal administratif existe. Il serait donc sage, me semble-t-il, de ne pas donner l'agrément. Tel est mon premier argument.
Deuxièmement, cet accord constitue une expérimentation préoccupante du point de vue législatif. Je rappelle qu'il s'agit d'un agrément. Or j'ai écouté sérieusement et avec respect l'intervention du Président de la République le 14 juillet dernier. Dans son propos, il a notamment déclaré que, pour l'élaboration des lois, il ne fallait plus procéder comme jusqu'à présent, c'est-à-dire s'appuyer - je développe sa pensée - sur l'initiative politique, qu'elle émane du législateur, de partis politiques, de syndicats ou qu'elle soit d'initiative populaire, mais que l'on ne pourrait partir que d'un accord entre partenaires sociaux. En l'occurrence, nous sommes confrontés à un cas typique.
Dès lors, je me pose une question, et je ne cherche aucunement à dramatiser : quand il s'est agi de la peine de mort, où était l'accord entre les partenaires sociaux ?
Le style d'élaboration des lois dans notre pays s'inscrit dans une tradition française que nous connaissons bien. Or, avec cet exemple, il y a risque de basculement vers une initiative que j'appellerai un « américanisme » et qui tend à ériger le pouvoir économique en émetteur d'idées, voire de l'idéologie gouvernementale. Nous sommes à un tournant historique. Tel est mon deuxième argument.
Troisièmement, il me semble que c'est un nouveau pouvoir donné au MEDEF et à la financiarisation. A Avignon, le Crédit local de France, comme chaque année, a tenu des assises qui, ma foi, ont été fort suivies, avec pour thème « Le Politique et les Marchés financiers ». J'y ai assisté pour ma part. Le premier orateur, au cours d'un exposé très intéressant, a dit que : « Le politique doit avoir conscience et tenir compte des contraintes qu'expriment les marchés financiers... » - quand il dit « le politique », il pense aussi à l'Etat, qui en est une partie prenante - « ... le politique ne doit s'occuper que des questions dont les marchés financiers ne s'occupent pas ».
Autrement dit - c'est ce qui est ressorti d'un dialogue nourri avec cet orateur - c'est l'empire de la nécessité, ce qui est tout le contraire de l'art, dont les créations visent à s'échapper pour créer du sens. Quand on parle du MEDEF, on peut dire que c'est une organisation, mais ce MEDEF est institué et justifie, dans la pratique, la financiarisation.
Or je rappelle, et nous avons tous vécu l'affaire Vivendi Universal - mais ce n'est qu'un exemple - qu'actuellement la financiarisation, à côté de l'intégration verticale, à côté de la déréglementation, c'est, en premier lieu, la capitalisation. Ainsi, Vivendi était arrivé à 120 milliards de dollars de capitalisation. Si l'on prend AOL Time Warner, la capitalisation s'élevait au double !
En deuxième lieu, la financiarisation, c'est la recherche de la valeur placée au coeur de l'activité, c'est le fameux BIDTA, c'est-à-dire les résultats d'exploitation avant intérêts, impôts et investissements.
En troisième lieu, la financiarisation, c'est la concentration de valeurs en deux pôles : portefeuille de droit d'un côté, portefeuille d'abonnés de l'autre.
Enfin, en quatrième lieu, la financiarisation, c'est la concentration du pouvoir autour des actionnaires - même pas des managers, on l'a vu pour M. Jean-Marie Messier - notamment institutionnels, c'est-à-dire les banques, les assurances, les fonds de pension.
Vous voyez qu'à partir d'un texte qui paraît anodin, encore que son écho monte et que, sur le plan national, il n'est pas vécu comme tel, on aboutit à comprendre que, dans la pratique, pour citer l'un des fondateurs du festival d'Avignon, René Char, « la réalité ne peut être franchie que soulevée ». C'est ce qui se passe actuellement dans notre pays. Il y a comme une sorte de basculement.
J'en viens à mon quatrième argument. L'accord du 26 juin représente une évolution par rapport aux relations entre le pouvoir et les artistes. Jean Vilar, dans une lettre fameuse à André Malraux en 1968, parlait de « mariage cruel ». Il a même utilisé l'expression « danse de mort ». Mais tenons-nous-en au « mariage cruel ». Nous y sommes avec, actuellement, pour le pouvoir, un avantage, si j'ose dire : le mot « gestion » a remplacé le mot « liberté ». Le mot « gestion » pénètre bardé de statistiques dans les esprits comme un cheval de Troie et, soyons nets, il réussit parfois à empêcher la pensée d'une alternative. Or il en faut une.
Et c'est là mon cinquième argument. L'accord du 26 juin représente une évolution qui exige une repensée du travail et de la démarche culturelle. Et c'est tout de suite, bien sûr, qu'il faut renégocier cet accord qui n'a pas sauvé les annexes. Le Sénat avait voté, l'Assemblée nationale également, un texte de loi qui garantissait les annexes tant qu'il n'y avait pas un accord. Mais il n'y a pas d'accord sans agrément. Quand il n'y a pas d'agrément, il y a toujours un texte sauvé, si l'on peut dire.
Je veux insister sur la nécessité de repenser les rapports création-société. Cette question est aujourd'hui au coeur de la politique culturelle. Pour me souvenir de Vilar, il était inquiet - et nous donc ! -, de ce qu'il appelait l'« enfarinement du savoir ». Il était inquiet de la « médecine d'un soir ». Il était inquiet du « pire et du meilleur ». L'explicitant dans sa lettre à André Malraux, il fustigeait cette société « triste et sans esprit, parce qu'on ne lui donne qu'à penser fric ».
C'est la question ! Nous devons dire si nous voulons ou non une société de pensée et d'imagination. Nous devons dire quel doit être le statut de l'esprit dans notre pays. C'est un problème non pas de compte d'exploitation, mais de civilisation.
Je pense là à une remarque de Spinoza. Bien sûr, il était très éloigné de nos contingences actuelles, mais on parle beaucoup du public en ce moment, alors pensons-y « Pourquoi les gens courent-ils vers la servitude, alors qu'ils croient aller vers leur salut ? » Immense question dans la culture ! J'en aurai fini en disant que c'est une question qui porte un coup à l'exception culturelle.
On prétend que nous avons le meilleur système du monde. Alors, pourquoi le blesser, pourquoi l'ébrécher, pourquoi le remettre en cause ? Je pense qu'il est le meilleur non pas quant à sa configuration, mais quant à l'esprit qui l'anime. Nous sommes les seuls en Europe ! Nous qui sommes les porte-parole de l'exception culturelle, il faut que nous soyons logiques au dedans comme nous le sommes au dehors. Encore que...
Je souhaite formuler une remarque à la suite de l'intervention du Président de la République. Il s'est félicité - je serai le dernier à ne pas le faire - que le texte de la convention préfigurant la Constitution européenne ait finalement retenu le vote à l'unanimité. Mais il faut être précis ! Il a dit : il y aura vote. Donc le vote à l'unanimité n'est pas assuré. Je crois cependant que quelques garanties seront apportées. Toutefois, le texte ne reprend par les dispositions qui sont prévues à l'article 133 du traité de Nice, puisque la règle ce sera la majorité qualifiée. L'unanimité ne sera requise que si l'on considère que la diversité culturelle est atteinte. Quelle distance ! Nous avons encore à nous battre et à travailler sur ce point. Le Sénat s'honorerait s'il organisait cette fameuse séance que je lui recommande de tenir depuis un certain temps.
Je dirai, en guise de conclusion, que personne ne doit se faire d'illusion : il n'y aura pas de division profonde chez les artistes et les techniciens, même si, à un moment donné, certains se sont parlé vertement. En effet, à Avignon, ceux qui voulaient annuler le festival ont pleuré et ceux qui ne le voulaient pas ont également pleuré. Pour moi, c'est un élément de santé publique et de santé individuelle qui résiste à la désespérance.
Les artistes et les techniciens ont besoin de mêler leurs différences, de les croiser, pour contribuer - c'est une de leurs raisons d'être - à bâtir une nouvelle responsabilité publique. « La culture est un bien public, sa responsabilité doit l'être aussi », disions-nous dans un texte que j'ai publié avec Jean-Luc Nancy et qui, à ce jour, a recueilli 900 signatures, dont celles de 300 universitaires de haut rang, qui, d'habitude - pardonnez-moi d'utiliser cette expression - ne se « mouillent » pas dans ce type de problème.
Bien évidemment, tout cela ne semble pas relever du mécénat. En tout cas, c'est le mécénat de l'esprit ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Denis Badré.
M. Denis Badré. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est toujours difficile d'intervenir après notre collègue Jack Ralite. Ses accents sont en effet inimitables, mais ses propos nous ont quelque peu éloignés du sujet.
Je dirai simplement qu'il est bien triste que nos festivals les plus prestigieux aient dû être annulés. Pour ma part, je n'aime pas voir la culture prise en otage. La culture rélève de la transcendance bien plus que des comptes d'exploitation qu'évoquait Jack Ralite voilà un instant. Nous devons pouvoir continuer à parler du sanctuaire de la culture. Tout ce qui touche à la culture, donc nos festivals, devrait bénéficier, de la part de tout le monde, d'une attention toute particulière ; il y va de la survie de nos sociétés.
Mais revenons à notre sujet. Nous partageons tous, j'en suis sûr, le même souci de servir la culture, et tel est l'objet de votre projet de loi, monsieur le ministre. A cet égard, ce texte vient en discussion à son heure. Il répond à une attente. Certes, on l'a déjà dit, mais cela vaut la peine de le répéter, spécialement aujourd'hui.
Notre pays connaît un retard certain en matière de mécénat, surtout si l'on compare sa situation avec celle des pays anglo-saxons. Ce constat ne met nullement en cause la générosité des Français ; il s'agit plutôt du régime auquel est soumis le mécénat, trop complexe, donc insuffisamment incitatif.
Pour qu'il y ait plus de donateurs, la loi doit être simple. C'est dans cet esprit que les députés ont supprimé la disposition introduite par le Sénat et qui tendait à conserver un avantage au bénéfice des organismes qui procèdent à la fourniture gratuite de repas ou de soins à des personnes en difficulté ou qui facilitent leur logement ; notre rapporteur Yann Gaillard y a fait allusion tout à l'heure.
Par conséquent, les mesures proposées par le projet de loi devraient stimuler les dons des Français et des entreprises. En effet, ceux-ci bénéficieront désormais d'une réduction d'impôt sur le revenu de 60 % du montant du don au lieu de 50 %, et ce sans différenciation selon le texte de l'Assemblée nationale, dans la limite de 20 % de leurs revenus imposables au lieu de 10 % actuellement. En cas de dépassement de ce seuil, l'excédent pourra être étalé sur cinq ans.
Dans votre intervention liminaire, monsieur le ministre, vous êtes revenu sur cette question et vous avez été très clair. Je pense que le débat sur le sujet est clos. Nous sommes satisfaits de la conclusion à laquelle nous sommes parvenus, même si nous conservons quelques petits regrets.
De même, pour les entreprises, le plafond est porté à 5 du chiffre d'affaires, contre un double taux de 2,25 ou de 3,25 dans le régime actuel. Comme pour les particuliers, en cas de dépassement, l'excédent pourra être reporté sur les quatre années suivantes.
De pareilles initiatives ont déjà été couronnées de succès chez nos voisins européens, notamment en Allemagne, où, à la suite d'une réforme qui a amélioré tant le cadre fiscal que le dispositif de création des fondations, le nombre de créations de ces dernières a quintuplé entre 1990 et 2001. Il s'agit là d'un excellent exemple et nous devons tout faire pour le suivre.
Lors de la première lecture du texte, notre assemblée a apporté trois séries de modifications qui ont été approuvées par l'Assemblée nationale.
La première série portait sur plusieurs cas concrets - achat d'oeuvres à des artistes vivants, mise à disposition d'instruments de musique - afin d'aller plus loin dans la définition du champ du mécénat.
La deuxième série de modifications introduites par notre assemblée tendait à relever à 50 000 euros le seuil d'abattement de l'impôt sur les sociétés pour les fondations. Le statut fiscal d'une fondation n'en sera que plus attractif.
La troisième série de modifications apportée par le Sénat consistait à simplifier tout le droit associatif particulier à l'Alsace-Moselle, comme le rappelait à l'instant Yann Gaillard, de telle sorte que les dispositions du présent texte y soient pleinement applicables. L'Alsacien que je suis ne peut que souscrire à ce souci et considérer que l'alignement sur le mieux-disant dans cette affaire est parfaitement satisfaisant pour tous.
Nos collègues députés ont à leur tour enrichi ce texte. Nous leur devons des avancées notables, auquel le groupe de l'Union centriste apporte son soutien. Il s'agit des mesures suivantes : d'abord, l'extension du bénéfice du dispositif prévu à l'article 200 du code général des impôts pour les salariés des filiales, ce qui est une excellente chose ; ensuite, le bénéfice de la réduction d'impôt des dons aux organismes publics ou privés qui organisent des festivals ; enfin, le report du bénéfice de la réduction d'impôt, pour les entreprises déficitaires, sur les cinq exercices suivants celui des versements qui n'ont pu ouvrir droit à réduction d'impôt.
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous avez fait adopter un article 14 nouveau, qui vise à modifier le régime de la taxe sur la publicité radiodiffusée, afin de continuer à assurer le financement du fonds de soutien à l'expression radiophonique dans le respect de la réglementation européenne. Le groupe de l'Union centriste y est favorable, puisqu'il s'agit de se mettre en conformité avec le droit communautaire.
Trop souvent, nous prenons du retard dans la transcription des directives et la prise en compte du droit communautaire dans notre droit national. Nous ne le répéterons jamais assez ! Nous reprochions aux gouvernements précédents certains retards. Je ne voudrais pas que nous nous mettions en situation de nous adresser ce reproche à nous-mêmes.
Nous regrettons, toutefois, que cette occasion n'ait pas été saisie pour donner un cadre législatif aux fondations. Leur statut, encore trop incertain parce qu'il relève de la jurisprudence, explique sans doute qu'elles soient si peu nombreuses en France.
Il semble également que le retard pris par la France soit dû beaucoup moins à la faiblesse des incitations fiscales qu'à une excessive complexité juridique, sans compter le frein que constitue le niveau de la dotation initiale fixée par la jurisprudence à 750 000 euros cela n'est pas satisfaisant et doit être modifié.
Monsieur le ministre, vous avez souhaité vous en remettre aux recommandations du Conseil d'Etat, qui avait, dans un rapport publié en 1996, préconisé plusieurs dispositions de nature à améliorer le fonctionnement des fondations. Malheureusement, l'application de ces mesures de modernisation a sans cesse été différée.
Vous avez rappelé combien vous êtes attaché à mener à bien cette réforme qui achèverait la mise en place du statut des fondations en France. La réduction à six mois du délai de reconnaissance du caractère d'utilité publique d'un organisme serait une excellente mesure. Nous serons à vos côtés, monsieur le ministre, si vous engagez une réforme en ce sens.
Au bénéfice de ces quelques remarques et suivant l'avis de la commission des finances, notamment de notre excellent et toujours passionné rapporteur Yann Gaillard, le groupe de l'Union centriste votera le texte en l'état. Le rapporteur nous a appelés à émettre un vote conforme. Nous souscrivons parfaitement à ce souci. Vous pouvez compter sur notre soutien sans réserve. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Claude Estier.
M. Claude Estier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'interviendrai brièvement lors de cette deuxième lecture d'un projet de loi dont le sort est déjà arrêté, puisque vous avez décidé de le faire adopter conforme lors de la navette, ce qui, je le note en passant, devient une habitude au Sénat.
Lors du débat en première lecture, mes collègues et amis Gérard Miquel et Marcel Vidal se sont longuement exprimés sur le fond du texte et ils ont défendu des amendements qui n'ont malheureusement pas reçu l'accueil qu'ils auraient mérité de la part du Parlement.
Sur le principe, nous sommes tout à fait favorables au mécénat. Au travers des siècles, cette pratique a favorisé l'émergence de nombreux artistes qui, sans l'intervention de généreux mécènes, ne nous seraient sans doute pas accessibles aujourd'hui ; elle a contribué à faire du patrimoine français l'un des plus riches et des plus divers. On ne peut donc nier que certaines dispositions contenues dans ce projet de loi soient intéressantes pour le développement de pratiques culturelles ou permettent d'agir sur le terrain social, en faveur notamment du développement du tissu associatif et de l'amélioration de l'aide aux plus démunis.
Sur le dispositif même du projet de loi, j'exprimai deux regrets principaux.
Tout d'abord, la réduction d'impôt sur le revenu, qui est prévue à l'article 1er, n'a pas été remplacée par un crédit d'impôt, ce qui aurait permis de placer sur un pied d'égalité tous les donateurs, qu'ils soient ou non redevables de l'impôt sur le revenu. Le dispositif proposé va donner l'impression aux Français que les pouvoirs publics se désintéressent des pratiques de générosité de la moitié des Français, en l'occurrence des plus modestes, qui ne sont pas assujettis à l'impôt sur le revenu.
Ensuite, l'avantage comparatif dont bénéficiaient les dons aux organismes relevant de ce que l'on appelle l'« amendement Coluche », c'est-à-dire ceux qui aident les personnes en grande difficulté - accueil, restauration et soins apportés à ces personnes -, qui avait été supprimé par le projet de loi initial et partiellement réintroduit au Sénat, a été de nouveau supprimé par l'Assemblée nationale en deuxième lecture. Cette suppression est d'autant plus malvenue que la précarité sociale ne cesse d'augmenter et que le Gouvernement continue de rogner sur les crédits affectés aux personnes en difficulté.
En première lecture, les sénateurs socialistes avaient déposé des amendements sur ces deux points ; je regrette que le Parlement ne leur ait pas réservé un sort meilleur.
Au-delà de ces lacunes, c'est l'esprit même du projet de loi que nous critiquons. Car ne nous leurrons pas : l'empressement que manifeste le Gouvernement à faire adopter un projet de loi sur le mécénat multisectoriel n'a d'égal que sa hâte à faire supprimer des crédits, notamment dans le secteur culturel, concerné au premier chef par ce texte. Il est inadmissible que l'Etat se défausse sur l'initiative privée pour des charges qu'il lui revient d'assumer.
En 2003, les crédits budgétaires du ministère de la culture sont déjà passés sous le seuil symbolique de 1 % du budget de l'Etat, accusant une baisse de 4,3 par rapport à 2002. Nous ne savons pas encore ce qu'il en sera pour 2004, mais comment être optimiste alors que l'ensemble des gels et des annulations de crédits affectant, pour cette année, le budget de la culture, déjà en baisse, se chiffrerait globalement à quelque 220 millions d'euros ?
Le 12 juin dernier, le Gouvernement a encore pris un arrêté d'annulation de crédits pour le ministère de la culture. Ainsi, une annulation de 6,8 millions d'euros affectera les interventions culturelles déconcentrées et une autre de 2,4 millions d'euros grèvera les interventions culturelles d'intérêt national.
Cette politique restrictive est également parfaitement illustrée par la remise en cause actuelle du régime du chômage des intermittents du spectacle, puisque le Gouvernement va sans doute cautionner, par la procédure légale d'agrément, l'accord signé par des représentations minoritaires du spectacle prévoyant notamment de réduire la durée d'indemnisation de ces intermittents et de diminuer le nombre de bénéficaires de ces régimes par un calcul du nombre total d'heures travaillées fondé sur une période revue à la baisse.
Nous avons déjà dit notre opposition à cet accord, et je rejoins volontiers ici les propos que vient de tenir mon ami Jack Ralite.
Cette réduction des moyens consacrés indirectement à la culture va se retourner contre la création et la diffusion culturelles. Les estimations font valoir qu'un tiers des intermittents actuels se retrouveront en marge du système.
Que dire aussi du sort réservé à l'archéologie préventive où, là encore, ce sont principalement des considérations budgétaires qui ont guidé la rédaction du projet de loi, encore en navette jusqu'à demain, faisant peser de grandes inquiétudes sur l'accomplissement à venir de cette mission de service public ?
Monsieur le ministre, je résumerai mon propos en concluant qu'on ne fait pas une politique culturelle et qu'on ne défendra pas longtemps la fameuse exception culturelle française en procédant uniquement à des modifications du code général des impôts, modifications auxquelles, hormis les deux remarques précédentes, on ne peut guère s'opposer. C'est la raison pour laquelle, comme en première lecture, le groupe socialiste s'abstiendra sur ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à réagir vivement aux propos de M. Estier.
Le parti socialiste s'obstine à déclarer que les crédits de la culture seraient en baisse. Je vous rappelle, monsieur le sénateur, que les crédits d'intervention inscrits pour 2003 au titre IV du ministère de la culture ont augmenté de près de 5 % et que ceux qui figurent au titre III ont augmenté de 5 %. C'est l'une des augmentations des crédits de ce ministère les plus importantes des dix dernières années.
Par ailleurs, le ministre de la culture n'a subi cette année aucune annulation de crédits. J'aimerais bien que cesse la profilération de ce pur mensonge. Par volonté du Président de la République et du Premier ministre, quatre ministères ont été mis à l'abri de toute mesure d'annulation de crédits. Il s'agit des ministères de la défense, de la justice et de l'intérieur, ainsi que du ministère de la culture et de la communication.
Le ministère de la culture et de la communication dispose donc, en 2003, de la totalité de ses moyens d'intervention.
Enfin, je tiens à vous rassurer, la préparation du projet de budget pour 2004 se présente sous d'excellents auspices.
Mais je me souviens : j'étais alors président du Centre Pompidou, du premier acte du gouvernement « culturel » de M. Jospin, quand, durant l'été 1997, il a imposé au ministère de la culture une annulation de crédits sans précédent : Mme Trautmann ne s'en est jamais remise ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ? ...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
M. le président. « Art. 1er. - I. - L'article 200 du code général des impôts est ainsi modifié :
« 1° Dans le premier alinéa du 1, le taux : "50 %" est remplacé par le taux : "60 %" et le taux : "10 %" est remplacé par le taux : "20 %" ;
« 2° Le a du 1 est ainsi rédigé :
« a. De fondations ou associations reconnues d'utilité publique et, pour les seuls salariés des entreprises fondatrices ou des entreprises du groupe, au sens de l'article 223 A, auquel appartient l'entreprise fondatrice, de fondations d'entreprise, lorsque ces organismes répondent aux conditions fixées au b ; »
« 3° Après le sixième alinéa du 1, il est inséré un f ainsi rédigé :
« f. D'organismes sans but lucratif qui procèdent à la fourniture gratuite de repas à des personnes en difficulté, qui contribuent à favoriser leur logement ou qui procèdent, à titre principal, à la fourniture gratuite des soins mentionnés au 1° du 4 de l'article 261 à des personnes en difficulté. » ;
« 4° Au septième alinéa du 1, le mot : "sixième" est remplacé par le mot : "septième" ;
« 5° Après le 1, il est inséré un 1 bis ainsi rédigé :
« 1 bis. Pour l'application des dispositions du 1, lorsque les dons et versements effectués au cours d'une année excèdent la limite de 20 %, l'excédent est reporté successivement sur les années suivantes jusqu'à la cinquième inclusivement et ouvre droit à la réduction d'impôt dans les mêmes conditions. » ;
« 6° Le 4 est abrogé ;
« 7° Au 5, les mots : "des 1 et 4" sont remplacés par les mots : "du 1" ;
« 8° Supprimé.
« II et III. - Non modifiés.
« IV et V. - Supprimés. »
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 3
M. le président. « Art. 3. - I. - L'article 238 bis du code général des impôts est ainsi modifié :
« 1° Le 1 est ainsi rédigé :
« 1. Ouvrent droit à une réduction d'impôt égale à 60 % de leur montant les versements, pris dans la limite de 5 du chiffre d'affaires, effectués par les entreprises assujetties à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés au profit :
« a. D'oeuvres ou d'organismes d'intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises, notamment quand ces versements sont faits au bénéfice d'une fondation d'entreprise, même si cette dernière porte le nom de l'entreprise fondatrice. Ces dispositions s'appliquent même si le nom de l'entreprise versante est associé aux opérations réalisées par ces organismes ;
« b. De fondations ou associations reconnues d'utilité publique ou des musées de France et répondant aux conditions fixées au a, ainsi que d'associations cultuelles ou de bienfaisance qui sont autorisées à recevoir des dons et legs et des établissements publics des cultes reconnus d'Alsace-Moselle. La condition relative à la reconnaissance d'utilité publique est réputée remplie par les associations régies par la loi locale maintenue en vigueur dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, lorsque la mission de ces associations est reconnue d'utilité publique. Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions de cette reconnaissance et les modalités de procédure permettant de l'accorder ;
« c. Des établissements d'enseignement supérieur ou d'enseignement artistique publics, ou privés à but non lucratif agréés par le ministre chargé du budget ainsi que par le ministre chargé de l'enseignement supérieur ou par le ministre chargé de la culture ;
« d. Des sociétés ou organismes publics ou privés agréés à cet effet par le ministre chargé du budget en vertu de l'article 4 de l'ordonnance n° 58-882 du 25 septembre 1958 relative à la fiscalité en matière de recherche scientifique et technique ;
« e. D'organismes publics ou privés dont la gestion est désintéressée et qui ont pour activité principale l'organisation de festivals ayant pour objet la présentation au public d'oeuvres dramatiques, lyriques, musicales, chorégraphiques, cinématographiques et de cirque, à la condition que les versements soient affectés à cette activité. Cette disposition ne s'applique pas aux organismes qui présentent des oeuvres à caractère pornographique ou incitant à la violence.
« Les organismes mentionnés au b peuvent, lorsque leurs statuts ont été approuvés à ce titre par décret en Conseil d'Etat, recevoir des versements pour le compte d'oeuvres ou d'organismes mentionnés au a.
« Lorsque la limite fixée au premier alinéa est dépassée au cours d'un exercice, l'excédent de versement peut donner lieu à réduction d'impôt au titre des cinq exercices suivants, après prise en compte des versements effectués au titre de chacun de ces exercices, sans qu'il puisse en résulter un dépassement du plafond défini au premier alinéa.
« La limite de 5 du chiffre d'affaires s'applique à l'ensemble des versements effectués au titre du présent article.
« Les versements ne sont pas déductibles pour la détermination du bénéfice imposable. » ;
« 2° Les 2, 3 et 5 sont abrogés.
« I bis. - 1. L'article 200 bis du même code est ainsi rédigé :
« Art. 200 bis. - La réduction d'impôt prévue à l'article 238 bis est imputée sur l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année en cours de laquelle les dépenses ont été réalisées. L'excédent éventuel est utilisé pour le paiement de l'impôt sur le revenu dû au titre des cinq années suivant celle au titre de laquelle elle est constatée.
« Un décret fixe les obligations déclaratives et les modalités d'imputation des dispositions du présent article. »
« 2. Après l'article 220 D du même code, il est inséré un article 220 E ainsi rédigé :
« Art. 220 E. - La réduction d'impôt définie à l'article 238 bis est imputée sur l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice au cours duquel les dépenses ont été réalisées. L'excédent éventuel est utilisé pour le paiement de l'impôt sur les sociétés dû au titre des cinq exercices suivant celui au titre duquel elle est constatée.
« Un décret fixe les obligations déclaratives et les modalités d'imputation des dispositions du présent article. »
« II à VI. - Non modifiés. » - (Adopté.)
Article 3 bis
M. le président. « Art. 3 bis. - L'article 1469 du code général des impôts est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° Il n'est pas tenu compte de la valeur locative des oeuvres d'art acquises par les entreprises dans le cadre des articles 238 bis AB et 238 bis-0 AB. » - (Adopté.)
Article 5 bis A
M. le président. « Art. 5 bis A. - Le dernier alinéa de l'article 19-8 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 précitée est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Elle peut également recevoir des dons effectués par les salariés des entreprises du groupe, au sens de l'article 223 du code général des impôts, auquel appartient l'entreprise fondatrice. » - (Adopté.)
Article 6
M. le président. « Art. 6. - I. - Dans le premier alinéa de l'article 238 bis-0 A du code général des impôts, les mots : "avant le 31 décembre 2006" sont supprimés.
« II. - Il est inséré, après le premier alinéa du même article, un alinéa ainsi rédigé :
« Cette réduction d'impôt est également applicable, après avis motivé de la commission prévue à l'article 7 de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 précitée, aux versements affectués en faveur de l'achat des biens culturels situés en France ou à l'étranger dont l'acquisition présenterait un intérêt majeur pour le patrimoine national au point de vue de l'histoire, de l'art ou de l'archéologie. »
« III. - Le d de l'article 238 bis-0 AB du même code est complété par les mots : ", d'un service public d'archives ou d'une bibliothèque relevant de l'Etat ou placée sous son contrôle technique". » - (Adopté.)
Article 7
M. le président. « Art. 7. - L'article L. 111-8 du code des juridictions financières est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La Cour des comptes peut contrôler, dans des conditions prévues par un décret en Conseil d'Etat, la conformité entre les objectifs des organismes visés à l'article 4-1 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat et les dépenses financées par les dons ouvrant droit, au bénéfice des donateurs, à un avantage fiscal au titre de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés. » - (Adopté.)
Article 11
M. le président. « Art. 11. - I. - Non modifié.
« II. - L'article 63 du même code est ainsi rédigé :
« Art. 63. - L'opposition doit être formée dans un délai de six semaines à compter de la communication de la déclaration. Passé ce délai, le tribunal inscrit l'association sur le registre prévu à cet effet. - (Adopté.)
Article 14
M. le président. « Art. 14. - L'article 302 bis KD du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Art. 302 bis KD. - 1. Il est institué, à compter du 1er juillet 2003, une taxe sur la publicité diffusée par voie de radiodiffusion sonore et de télévision.
« 2. La taxe est assise sur les sommes, hors commission d'agence et hors taxe sur la valeur ajoutée, payées par les annonceurs aux régies pour l'émission et la diffusion de leurs messages publicitaires à partir du territoire français.
« Elle est due par les personnes qui assurent la régie de ces messages publicitaires.
« Elle est déclarée et liquidée :
« - pour des opérations réalisées au cours du premier semestre 2003, sur la déclaration déposée en juillet 2003 en application de l'article 287-1 ;
« - pour les opérations suivantes, sur une déclaration mentionnée au 1 de l'article 287.
« Cette déclaration est déposée avant le 25 du mois suivant la fin de chaque trimestre civil ou, pour les redevables placés sous le régime simplifié d'imposition prévu à l'article 302 septies A, avant le 30 avril de chaque année, ou, sur option, pour ceux de ces redevables dont l'exercice comptable ne coïncide pas avec l'année civile, dans les trois mois de la clôture de l'exercice.
« La taxe est acquittée lors du dépôt de ces déclarations.
« 3. Le tarif d'imposition par palier de recettes semestrielles perçues par les régies assujetties est fixé comme suit pour le premier semestre 2003 :
« 1° Pour la publicité radiodiffusée :
RECETTES SEMESTRIELLES (EN EUROS)
MONTANT DE LA TAXE
(en euros)
De 92 000 à 458 0001 052 De 458 001 à 914 0002 628 De 914 001 à 1 830 0005 522 De 1 830 001 à 2 744 0009 468 De 2 744 001 à 4 573 40015 778 De 4 573 001 à 6 402 00024 984 De 6 402 001 à 9 146 00035 764 De 9 146 001 à 13 720 00052 594 De 13 720 001 à 18 294 00076 262 De 18 294 001 à 27 440 000108 870 De 27 440 001 à 36 588 000152 526 De 36 588 001 à 45 734 000205 120 De 45 734 001 à 54 882 000252 456 De 54 882 001 à 64 028 000299 790 De 64 028 001 à 73 176 000347 126 De 73 176 001 à 82 322 000394 462 De 82 322 001 à 91 470 000441 798 De 91 470 001 à 100 616 000489 132 De 100 616 001 à 109 764 000536 468 De 109 764 001 à 118 910 000583 804 De 118 910 001 à 128 058 000631 138 Au-dessus de 128 058 000688 994
« 2° Pour la publicité télévisée :
RECETTES SEMESTRIELLES (EN EUROS)
MONTANT DE LA TAXE
(en euros)
De 914 001 à 1 830 0006 000 De 1 830 001 à 4 574 00014 000 De 4 574 001 à 9 146 00036 000 De 9 146 001 à 18 294 00082 000 De 18 294 001 à 36 588 000185 000 De 36 588 001 à 54 822 000366 000 De 54 882 001 à 73 176 000570 000 De 73 176 001 à 91 470 000736 000 De 91 470 001 à 109 764 000910 000 De 109 764 001 à 128 058 0001 091 000 De 128 058 001 à 146 352 0001 259 000 De 146 352 001 à 164 644 0001 435 000 De 164 644 001 à 182 938 0001 612 000 De 182 938 001 à 201 232 0001 789 000 De 201 232 001 à 219 526 0001 965 000 De 219 526 001 à 237 820 0002 142 000 De 237 820 001 à 256 114 0002 318 000 De 256 114 001 à 274 408 0002 660 000 Au-dessus de 274 408 0002 840 000
« 4. Le tarif d'imposition par palier de recettes trimestrielles perçues par les régies assujetties est fixé comme suit à compter du troisième trimestre 2003 :
« 1° Pour la publicité radiodiffusée :
RECETTES SEMESTRIELLES (EN EUROS)
MONTANT DE LA TAXE
(en euros)
De 46 000 à 229 000526 De 229 001 à 457 0001 314 De 457 001 à 915 0002 761 De 915 001 à 1 372 0004 734 De 1 372 001 à 2 286 0007 889 De 2 286 001 à 3 201 00012 492 De 3 201 001 à 4 573 00017 882 De 4 573 001 à 6 860 00026 297 De 6 860 001 à 9 147 00038 131 De 9 147 001 à 13 720 00054 435 De 13 720 001 à 18 294 00076 263 De 18 294 001 à 22 867 000102 560 De 22 867 001 à 27 441 000126 228 De 27 441 001 à 32 014 000149 895 De 32 014 001 à 36 588 000173 563 De 36 588 001 à 41 161 000197 231 De 41 161 001 à 45 735 000220 889 De 45 735 001 à 50 308 000244 566 De 50 308 001 à 54 882 000268 234 De 54 882 001 à 59 455 000291 902 De 59 455 001 à 64 029 000315 569 Au-dessus de 64 029 000344 497
« 2° Pour la publicité télévisée :
RECETTES SEMESTRIELLES (EN EUROS)
MONTANT DE LA TAXE
(en euros)
De 457 001 à 915 0003 000 De 915 001 à 2 287 0007 000 De 2 287 001 à 4 573 00018 000 De 4 573 001 à 9 147 00041 000 De 9 147 001 à 18 294 000 92 500 De 18 294 001 à 27 441 000183 000 De 27 441 001 à 36 588 000285 000 De 36 588 001 à 45 735 000368 000 De 45 735 001 à 54 882 000455 000 De 54 882 001 à 64 029 000545 500 De 64 029 001 à 73 176 000629 500 De 73 176 001 à 83 322 000717 500 De 83 322 001 à 91 469 000806 000 De 91 469 001 à 100 616 000894 500 De 100 616 001 à 109 763 000982 500 De 109 763 001 à 118 910 0001 071 000 De 118 910 001 à 128 057 0001 159 000 De 128 057 001 à 137 204 0001 330 000 Au-dessus de 137 204 0001 420 000
« 5. La taxe est recouvrée et contrôlée selon les procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe. » - (Adopté.)
Article 15
M. le président. « Art. 15. - L'article L. 3323-6 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 3323-6. - Le ou les initiateurs d'une opération de mécénat peuvent faire connaître leur participation par la voie exclusive de mentions écrites dans les documents diffusés à l'occasion de cette opération ou libellées sur des supports disposés à titre commémoratif à l'ocassion d'opérations d'enrichissement ou de restauration du patrimoine naturel ou culturel. » - (Adopté.)
Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l'objet de la deuxième lecture.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
M. Claude Estier. Le groupe socialiste s'abstient !
M. Jack Ralite. Le groupe communiste républicain et citoyen également !
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures, est reprise à seize heures.)
M. le président. La séance est reprise.
CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
Mardi 22 juillet 2003 :
A 9 h 30, à 16 heures et le soir :
1° Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives (n° 412, 2002-2003) ;
(La conférence des présidents a fixé à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 21 juillet 2003.)
2° Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive (n° 396, 2002-2003) ;
3° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine (n° 398, 2002-2003) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 22 juillet 2003, à 9 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront êtres faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 21 juillet 2003.)
Mercredi 23 juillet 2003 :
A 9 h 30, à 15 heures et le soir :
Suite du projet de loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.
Jeudi 24 juillet 2003 :
A 9 h 30 :
1° Eventuellement, suite du projet de loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine ;
A 15 heures et le soir :
2° Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant réforme des retraites ;
(La conférence des présidents a fixé à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 23 juillet 2003.)
3° Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, visant à restreindre la consommation de tabac chez les jeunes (n° 394, 2002-2003) ;
(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 23 juillet 2003.)
4° Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.
Eventuellement, vendredi 25 juillet 2003 :
A 9 h 30, à 15 heures et le soir :
Navettes diverses.
Pour chacun des textes inscrits à l'ordre du jour jusqu'à la fin de la session extraordinaire, la conférence des présidents a fixé le délai limite pour le dépôt des amendements à 17 heures la veille de la discussion du texte, à l'exception du projet de loi d'orientation pour la ville, pour lequel le délai limite pour le dépôt des amendements a été fixé au mardi 22 juillet, à 9 heures.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence relatives à la tenue des séances ?...
Ces propositions sont adoptées.
RÉFÉRENDUM LOCAL
Adoption d'un projet de loi organique
en deuxième lecture
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi organique (n° 399, 2002-2003), modifié par l'Assemblée nationale, relatif au référendum local. [Rapport n° 407 (2002-2003).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Sénat est appelé à examiner aujourd'hui en deuxième lecture le projet de loi organique relatif au référendum local. Ce texte a été adopté par l'Assemblée nationale le 15 juillet dernier en première lecture, et il a pour fondement juridique les dispositions issues de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003.
Je veux remercier en particulier Daniel Hoeffel, votre rapporteur, ainsi que la commission des lois, de leur contribution à l'élaboration de ce texte qui marque une étape importante dans la réforme qui a été entreprise.
A ce stade de la discussion, je rappellerai brièvement les principaux acquis des débats parlementaires lors de la première lecture du projet de loi organique relatif au référendum local.
Après son examen en première lecture par le Sénat et par l'Assemblée nationale, ce projet de loi apporte les précisions nécessaires sur les conditions dans lesquelles la procédure du référendum local pourra être mise en oeuvre par les conseils élus.
Tout d'abord, le référendum local pourra être utilisé par les collectivités territoriales qui sont énumérées au premier alinéa de l'article 72 de la Constitution, c'est-à-dire les communes, les départements et les régions, ainsi que les collectivités territoriales à statut particulier. Il a vocation à concerner également les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution. Néanmoins, les adaptations nécessaires devront être prévues dans le cadre des lois organiques régissant le statut de ces collectivités.
La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 n'a pas remis en cause le principe traditionnel de libre administration par les conseil élus : le référendum local est un outil mis à la disposition des conseils municipaux, des conseils généraux et des conseils régionaux, qui décideront librement d'y recourir.
En première lecture, sur la proposition de votre rapporteur, Daniel Hoeffel, le Sénat a sensiblement amélioré le texte. L'Assemblée nationale a confirmé la plupart des modifications que le Sénat avait adoptées en première lecture et, sur l'initiative de son rapporteur, Alain Gest, elle a apporté quelques précisions.
En premier lieu, le champ d'application du référendum local est désormais bien identifié. Il s'agira exclusivement des affaires relevant de la compétence de la collectivité, comme le prévoit d'ailleurs expressément le texte constitutionnel. Le Sénat a jugé préférable, pour dissiper toute ambiguïté, d'en exclure expressément les actes individuels.
Sur la proposition de sa commission des lois, l'Assemblée nationale a en outre prévu un délai maximal de huit jours pour la transmission par l'exécutif au représentant de l'Etat de la délibération relative à l'organisation du référendum local.
En deuxième lieu, le contrôle de légalité qui s'appliquera à la procédure référendaire a été utilement précisé en première lecture.
Le projet de loi organique prévoit les modalités d'exercice du contrôle de légalité selon une procédure accélérée, afin de prévenir tout détournement de la procédure du référendum. Le Sénat a précisé cette procédure en transposant les dispositions actuelles du code général des collectivités territoriales.
L'Assemblée nationale a pour sa part souhaité mentionner le point de départ, à savoir la réception de l'acte, du délai de dix jours permettant au représentant de l'Etat de déférer au tribunal administratif la délibération organisant le référendum local.
En troisième lieu, les modalités d'intervention des maires pour l'organisation des référendums locaux ont été clarifiées.
C'est ainsi que le Sénat a prévu un remboursement forfaitaire des frais engagés par la commune lorsque celle-ci sera appelée à organiser un référendum décidé par une autre collectivité territoriale.
L'Assemblée nationale a précisé que le délai de quinze jours prévu pour la notification aux maires concernés de la délibération d'une collectivité territoriale autre que la commune commencerait à courir à compter de la réception de l'acte.
En quatrième lieu, les interdictions des référendums locaux pendant certaines périodes sont rigoureusement définies.
En première lecture, le Sénat a clarifié l'énoncé des différentes interdictions prévues par le texte, qui ont pour objet d'éviter une interférence entre un référendum local et d'autres consultations électorales.
En cinquième lieu, les conditions dans lesquelles le référendum local aura une valeur décisionnelle restent encore en débat entre l'Assemblée nationale et le Sénat.
Le projet de loi organique, dans sa rédaction initiale, surbordonnait ce caractère décisionnel à la seule condition que le projet ait recueilli la majorité des suffrages exprimés. Sur la proposition de sa commission des lois, le Sénat a ajouté une condition supplémentaire en exigeant un taux de participation au moins égal à 50 % des électeurs inscrits.
Tout en souscrivant à l'instauration d'un seuil, l'Assemblée nationale a jugé trop élevé le taux de 50 % des inscrits. Sur la proposition de M. Daubresse, elle a retenu un seuil égal au tiers des électeurs inscrits. Ce seuil, tout en restant significatif, paraît au Gouvernement de nature à rendre la pratique du référendum local plus opérante. Il y a cependant là un sujet de débat que nous aurons l'occasion d'approfondir lors de l'examen de l'article unique du projet de loi. Ce pourcentage, de 33 % ou de 50 %, est en réalité le seul et unique point de divergence entre l'Assemblée nationale et le Sénat.
En sixième lieu, enfin, les dispositions relatives à l'information du public et à l'organisation de la campagne électorale sont énoncées de manière exhaustive dans le texte organique.
Dans sa rédaction initiale, le projet de loi organique avait privilégié un renvoi au décret en Conseil d'Etat afin d'éviter de « cristalliser » les dispositions de la loi ordinaire applicables à la date de la promulgation de la loi organique. En première lecture, le Sénat a jugé préférable de mentionner directement dans le texte organique les dispositions du code électoral qui seront applicables.
Le projet de loi organique fixe les conditions d'habilitation des partis et groupements pour la participation à la campagne. Sur l'initiative de sa commission des lois, le Sénat a aménagé le texte afin de mieux en prendre en compte la situation dans les petites communes et dans les conseils généraux.
Toutes ces précisions sont utiles. Elles constituent une amélioration significative du texte dans laquelle le Sénat, saisi le premier, a joué un rôle essentiel. Certes, l'Assemblée nationale, pour sa part, a apporté des précisions, mais le Sénat, lui, a introduit de réelles garanties dans l'effectivité des procédures envisagées.
Je le disais à l'instant, ne reste en débat entre les deux assemblées que la question du seuil de participation. Naturellement, mesdames, messieurs les sénateurs, votre assemblée est libre de décider ce qu'elle entend ! Le Gouvernement souhaite profondément que le référendum local puisse se banaliser, et je sais que c'est aussi votre souci ; simplement, si nous sommes d'accord sur la fin, les moyens prêtent à débat.
Le Gouvernement craint que ne se reproduise ce qui est arrivé, à une époque, dans les facultés de médecine : je veux parler du principe du « reçu-collé », qu'illustrerait le cas d'un référendum dans lequel les résultats seraient massifs - 70 % d'opinions favorables, par exemple - alors que le taux de participation serait de l'ordre de 48 %. Cette situation serait évidemment insatisfaisante !
On peut m'objecter - je sais que votre commission des lois l'a envisagé - que le conseil municipal, général ou régional, mû par une sorte de logique politique, pourrait alors donner une suite positive à une expression aussi manifeste de la volonté populaire. Toutefois, ce serait un peu une négation du référendum local si celui-ci devait être confirmé par les élus qui y ont recouru. En principe, le conseil a toute latitude pour procéder à un référendum, selon qu'il l'estime nécessaire ou non. Faut-il que, ayant pris la décision de le faire, il soit ensuite conduit, dans la pratique, à délibérer de nouveau lui-même pour en confirmer le résultat ? C'est ce point qui préoccupe le Gouvernement.
Je ne reviens pas sur le passé. Cependant, la réforme relative au droit de pétition qui est contenue dans la Constitution s'avère un peu formelle ; le Gouvernement souhaite qu'un peu d'audace, minimale d'ailleurs, soit acceptée pour le référendum local. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat est saisi en deuxième lecture du projet de loi organique relatif au référendum local, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale - vous l'avez rappelé, monsieur le ministre - le 15 juillet dernier.
Je vous rappelle que ce projet de loi organique a pour objet, en application de l'article 72-1 de la Constitution issu de la révision constitutionnelle du 28 mars dernier, de déterminer les conditions dans lesquelles « les projets de délibération ou d'acte relevant de la compétence d'une collectivité territoriale peuvent, à son initiative, être soumis, par la voie du référendum, à la décision des électeurs de cette collectivité ».
En première lecture, le Sénat avait réaffirmé la responsabilité première des élus dans la gestion des affaires de leur collectivité et encadré le recours au référendum décisionnel local. A cette fin, il avait exclu les projets d'acte individuel, telles une nomination ou la délivrance d'un permis de construire, du champ des référendums locaux et avait subordonné la valeur décisionnelle des résultats du scrutin à une participation d'au moins la moitié des électeurs inscrits. Seize autres amendements avaient permis de donner une base juridique solide aux référendums locaux.
Tout en approuvant dans leur principe l'ensemble des apports du Sénat, l'Assemblée nationale a souhaité, d'une part, préciser les délais de la procédure référendaire, d'autre part, réduire au tiers des électeurs le seuil de participation requis pour conférer une valeur décisionnelle aux résultats d'un référendum local.
S'agissant des conditions de délai, l'exécutif d'une collectivité territoriale dont l'assemblée délibérante déciderait d'organiser un référendum décisionnel local devrait transmettre au représentant de l'Etat la délibération prise à cette fin dans un délai de huit jours.
L'Assemblée nationale a par ailleurs précisé que le délai de dix jours accordé au préfet pour déférer au tribunal administratif une délibération organisant un référendum local qu'il jugerait illégale et assortir son recours d'une demande de suspension courrait à compter de la réception de la délibération.
Enfin, le délai de quinze jours dans lequel le préfet devrait notifier la délibération organisant un référendum local prise par l'assemblée délibérante d'une collectivité territoriale autre que la commune aux maires des communes situées dans le ressort de cette collectivité courrait à compter de la réception de la délibération par le représentant de l'Etat.
Ces précisions sont les bienvenues, car elles apportent une plus grande sécurité juridique à la procédure référendaire.
S'agissant du seuil requis pour conférer une valeur décisionnelle aux référendums locaux, fixé à la moitié des électeurs inscrits par le Sénat, M. Alain Gest, rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, indique dans son rapport que, tout en partageant le souci de ne pas conférer une valeur décisionnelle à un référendum qui n'aurait pas recueilli une participation électorale suffisante, « la commission des lois a craint qu'un seuil si élevé ne prive de ses effets le recours au référendum ».
Aussi la commission des lois de l'Assemblée nationale avait-elle initialement proposé de l'abaisser à 40 % des électeurs inscrits, M. Alain Gest précisant que ce nouveau seuil, « s'appuyant de façon très pragmatique sur la moyenne des taux de participation constatés lors des consultations locales organisées sur la base de la loi du 6 février 1992, se justifiait particulièrement dans le cadre d'un référendum organisé à un échelon supérieur à celui de la commune, qui n'offre pas les mêmes liens de proximité avec les électeurs ».
Sur proposition de M. Marc-Philippe Daubresse, l'Assemblée nationale a préféré fixer au tiers des électeurs inscrits le seuil de participation requis pour conférer une valeur décisionnelle aux référendums locaux.
M. Alain Gest s'est rallié à l'amendement présenté par M. Marc-Philippe Daubresse, considérant qu'un seuil de participation fixé au tiers des électeurs inscrits serait plus « lisible » que le taux de 40 %. Il a cependant reconnu qu'un tel seuil pouvait apparaître trop bas. Tel est le sentiment de la commission des lois.
M. Jean-Pierre Sueur. Tous les seuils sont illisibles !
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Mes chers collègues, nous pouvons constater, en premier lieu, pour nous en féliciter, que l'Assemblée nationale a convenu de la nécessité de subordonner la valeur décisionnelle des résultats d'un référendum local à une participation minimale des électeurs inscrits.
Cette condition de quorum recueille en effet un large consensus quant à son principe. Tous les représentants des associations d'élus l'ont demandée avec insistance. Les groupes socialistes du Sénat et de l'Assemblée nationale avaient même proposé, lors de l'examen de la loi constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République, de la faire figurer dans la Constitution. Le Gouvernement, par l'intermédiaire de M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, et de vous-même, monsieur le ministre, s'était alors engagé à réserver une suite favorable à cette proposition lors de l'examen du présent projet de loi organique.
Il importe en effet d'éviter d'imposer des choix minoritaires à la population. Certes, aucune condition de quorum n'est actuellement imposée pour l'adoption des référendums nationaux. Toutefois, une telle condition existe en France pour les fusions de communes ; elle existe en Allemagne et au Portugal et pour les référendums municipaux, et elle a été instituée par les Etats désireux d'adhérer à l'Union européenne. Le Conseil de l'Europe s'y est déclaré favorable lors de la dixième conférence des ministres chargés des collectivités territoriales.
Le débat porte donc désormais uniquement sur le niveau du taux de participation requis pour conférer une valeur décisionnelle aux référendums locaux.
Sur ce point, la commission des lois du Sénat considère, à la différence de l'Assemblée nationale, qu'un seuil élevé serait de nature non seulement à éviter d'imposer des choix minoritaires à la population, mais également à mobiliser les électeurs en leur montrant l'importance attachée à leur voix. Loin de décourager le recours au référendum local, il devrait au contraire en asseoir la légitimité.
Le problème du seuil doit tenir compte de facteurs psychologiques et objectifs, et le pourcentage proposé ne saurait être livré au hasard des compromis.
Quatre arguments justifient une telle position.
Premier argument : il faut d'abord, dans les circonstances actuelles, conforter la légitimité et le pouvoir des élus face à une montée des contestations. A un moment où, malgré une législation pourtant claire sur leur responsabilité, les maires sont trop souvent considérés comme des boucs émissaires, rien ne doit affaiblir leur autorité.
Deuxième argument : le référendum local constituant le premier texte d'application de la loi constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République, il est important qu'il soit le fruit d'une réelle concertation. Or toutes les associations d'élus, quelle que soit la nature des collectivités représentées, demandent un seuil de 50 % des électeurs inscrits. Ne pas tenir compte de leur opinion, à ce stade, serait de mauvais augure pour la suite des débats sur les projets de loi de décentralisation à venir.
Troisième argument : ce sont certes les élus qui décident d'organiser un référendum, mais il y a des circonstances dans lesquelles ils peuvent être acculés à une telle issue, et il faut éviter que ce soient des choix minoritaires qui, en dernier ressort, s'imposent. Il n'y a rien d'abusif à faire dépendre le choix d'un équipement, par exemple, de la majorité de la moitié du corps électoral.
Quatrième argument : à ceux qui affirment qu'un quorum de 50 % rendrait le référendum inopérant, je répondrai qu'il s'agit là d'une vision défaitiste et résignée du suffrage universel.
MM. Jacques Oudin et Michel Mercier. Très bien !
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Lorsque l'enjeu en vaut la peine - et mieux vaut s'en tenir à cette conception du référendum -, les électeurs vont voter en majorité. Tous les nouveaux pays candidats à l'Union européenne se sont ainsi exprimés à plus de 50 %.
M. Jean Arthuis. Très bien !
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Les Suisses, pourtant réputés pour leur faible participation lors des votations, ont voté en mai dernier à plus de 50 % alors qu'il s'agissait de l'énergie nucléaire et du service militaire.
Enfin, les Corses sont allés aux urnes à près de 60 %.
Nous sommes pour le référendum local - et la commission, comme le Sénat en première lecture, l'a clairement exprimé -, mais il faut, grâce au quorum naturel que représente la moitié du corps électoral, lui conférer toute sa signification.
Tels sont les différents arguments, monsieur le ministre, mes chers collègues, qui justifient le choix d'un quorum de 50 %.
Les élus doivent de plus en plus souvent faire face à des procédures longues et complexes, ils sont confrontés à des normes sans cesse changeantes qui ne simplifient rien mais renchérissent beaucoup les procédures. Il est de moins en moins évident de pouvoir, au cours d'un seul mandat, aller de la conception à l'achèvement d'un projet. Les élus locaux ne doivent pas, dans ce contexte, ressentir le référendum comme une alternative à leur propre légitimité. On ne peut, d'une part, prôner plus de liberté et, d'autre part, donner le sentiment de restreindre la liberté d'agir et de mettre en balance la démocratie représentative et la démocratie participative.
Les communes et les établissements publics de coopération intercommunale ne sont guère mentionnés dans la loi constitutionnelle et ils ont eu le sentiment d'être les oubliés de la loi constitutionnelle. Nous espérons, et je sais, monsieur le ministre, que vous êtes attentif à cet aspect des choses, que, dans des lois à venir, cette lacune sera comblée. Encore faut-il, à propos du référendum local, que ce rattrapage ne commence pas par une servitude trop lourde que ne justifieraient ni la raison ni le bon sens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'Union centriste et du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après l'intervention de notre excellent rapporteur, il ne reste plus grand-chose à ajouter mais qu'il me soit néanmoins permis de faire quelques remarques préliminaires avant d'en venir au problème essentiel sur lequel s'est attardé M. Hoeffel, celui du quorum.
Nous devons nous féliciter de ce que la Constitution ait consacré un concept novateur et permis à toutes les collectivités territoriales d'organiser des référendums locaux tout en reconnaissant un caractère décisionnel à ces derniers.
Le champ du référendum local est très vaste puisque tous les projets de délibération relevant de la compétence de la collectivité ainsi que tous les projets d'acte relevant des attributions de son exécutif y entrent.
Conformément aux voeux exprimés par notre commission des lois et par son président, l'initiative du référendum sera réservée à l'assemblée délibérante de la collectivité concernée.
Nous souscrivons naturellement aux apports notables intervenus en première lecture, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale. Ils ont permis d'améliorer le texte et d'affiner sa philosophie.
Il convient également de se féliciter que, sur l'initiative de notre excellent rapporteur, il ait été précisé que les projets d'acte individuel, comme la délivrance d'un permis de construire ou une nomination, seraient exclus du champ du référendum.
Il nous a également semblé que prévoir un remboursement forfaitaire en faveur des communes pour l'organisation de référendums décidés par d'autres collectivités relevait du bon sens, et nous ne nous étonnons pas que le président de l'AMF, l'Association des maires de France, toujours au fait des problèmes de ressources inhérents à la vie des plus petites communes, ait apporté cette judicieuse précision.
De même, l'Assemblée nationale a utilement précisé les délais de procédure référendaire, mais elle a souhaité abaisser le seuil de participation requis pour donner au référendum local une valeur décisionnelle.
C'est sur ce dernier point que je souhaite m'arrêter, car, en réalité, nous sommes d'accord avec l'Assemblée nationale sur tout, sauf sur ce point.
Première remarque, contrairement à certains de nos voisins, nous n'avons pas en France de tradition référendaire, le Premier Empire et le Second Empire ayant d'emblée donné au référendum une connotation trop plébiscitaire, et les derniers référendums nationaux - sur le quinquennat, ou, plus anciennement, sur la Nouvelle-Calédonie ou sur le traité de Maastricht - n'ont pas été des succès du point de vue de la participation.
Justement, le référendum local est peut-être le moyen, au nom du développement d'une démocratie moderne, de donner le goût à nos concitoyens de choisir par eux-mêmes de ce qui va décider de leur avenir, car la plupart de nos référendums étaient jusqu'à présent dépourvus d'enjeu immédiat.
Si les Français ne se sont pas passionnés pour le quinquennat, c'est parce qu'il n'y avait pas d'enjeu. Tout le monde était d'accord. Or, pourquoi se déplacer si le résultat est connu d'avance ? Quant à la Nouvelle-Calédonie, elle est trop lointaine. Mais, dès qu'il s'agit de questions qui touchent à leur vie quotidienne, nos concitoyens se sentent concernés. C'est alors que le référendum peut, comme en Suisse, prendre toute son importance et révéler ses qualités.
Ma deuxième remarque s'appuie sur le droit comparé.
Comme M. Hoeffel vient de le rappeler, la quasi-totalité des Etats candidats à l'entrée dans l'Union européenne pratiquent le référendum local, et ils ont mis en place des quorums de l'ordre de 50 %. De même, presque toutes les constitutions adoptées depuis 1975 qui prévoient le recours au référendum exigent un quorum de 50 %.
C'est peut-être cette exigence qui, dans une certaine mesure, incite les habitants de ces différents pays à aller voter, car il est bien évident que le risque que la loi puisse être promulguée faute d'un quorum suffisant encourage à se déplacer. Sinon, il faut recommencer ou utiliser d'autres méthodes.
C'est la raison pour laquelle, et contrairement à ce qu'on pourrait croire, un quorum élevé favorise la participation, alors qu'un quorum trop faible n'a pas d'effet incitatif ; lorsque le quorum est élevé, il y a un enjeu et on se déplace.
Troisième remarque, nous glissons progressivement, et M. Hoeffel l'a également rappelé, d'une démocratie représentative vers une démocratie participative.
La démocratie participative, on ne sait pas encore très bien ce que c'est, si ce n'est que la Constitution reconnaît que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum ». Mais, de plus en plus, on voit apparaître d'autres formes de participation, par l'intermédiaire de comités, de commissions, de groupements, sans parler de cette sorte de participation instinctive qui conduit à exprimer par toutes sortes de manifestations son opposition aux décisions des autorités, qu'elles soient nationales ou locales.
Aussi, pour éviter toute dérive et faire en sorte qu'une minorité agissante ne confisque pas la capacité de décision des autorités locales, il est nécessaire que le référendum soit crédible.
Je rappelle qu'un référendum avec un tiers de participation revient à ce que 16 % des inscrits décident en réalité, compte tenu des bulletins blancs et nuls. Or il s'agira de décisions qui engageront l'avenir d'une collectivité.
Monsieur le ministre, vous avez dit vous-même que, si le taux de participation à un référendum est de 48 % et que 72 % s'expriment en faveur d'une mesure, la collectivité locale, nécessairement, en tiendra compte. C'est une bonne chose : un référendum peut ne pas être décisionnel si le quorum n'est pas atteint, mais il peut servir de baromètre de l'opinion des habitants d'une collectivité locale.
Pour toutes ces raisons, je pense qu'un quorum trop bas condamnera l'usage du référendum. On hésitera à recourir au référendum parce que l'on craindra que la participation ne soit trop faible, que les résultats ne soient aléatoires et ne rendent pas véritablement compte de la réalité. Je crois donc qu'il faut s'en tenir à la proposition de la commission des lois et maintenir le quorum de 50 %.
Maintenant, si vous le permettez, monsieur le président, je voudrais rectifier un propos tenu dans la soirée du 17 juillet dernier par M. Loridant, qui a dit que le Sénat conservateur avait toujours été hostile aux femmes. Et, c'est vrai, le Sénat n'a pas toujours accepté le vote des femmes...
M. Jean-Pierre Sueur. Quel est le rapport ?
M. Patrice Gélard. ... mais, en 1932, le Sénat était majoritairement à gauche : 71 % des sénateurs étaient de gauche et c'est donc la gauche qui a refusé le vote des femmes !
M. Gérard Longuet. A cause des curés !
M. Patrice Gélard. Voici par exemple ce que disait le porte-parole de la gauche démocratique : « La femme doit rester au foyer, s'occuper de la maison et être quand il le faut, dans son domaine propre, la consolatrice, le guide et le soutien de l'homme. (Sourires sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.) Ne changez pas ses attributions traditionnelles, qui résultent de la nature même des êtres et des choses. N'allez pas faire à la femme ce dangereux présent de lui accorder un suffrage qu'elle ne réclame d'ailleurs pas. »
En revanche, à droite, M. François Saint-Maur, membre de l'Union républicaine, tenait les propos suivants : « Si vous admettez le principe de l'individualité du suffrage, je ne vois pas sur quel motif et pourquoi on peut le refuser aux femmes. »
En d'autres termes, la droite était pour le vote des femmes, c'est la gauche qui n'en voulait pas.
M. Jacques Oudin. Bravo pour ce rappel !
M. Claude Estier. Un peu simpliste !
M. Patrice Gélard. Enfin, M. Loridant a prétendu que c'est à l'instigation du général de Gaulle que le droit de vote a été accordé aux femmes, mais contre la majorité du Sénat, demeuré conservateur. Je rappellerai que, en 1944, il n'y avait pas de Sénat ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Cette digression étant faite...
M. Paul Blanc. Il fallait remettre les pendules à l'heure !
M. le président. Il eût fallu que M. Loridant soit présent !
M. Paul Blanc. Il pourra lire le Journal officiel !
M. Patrice Gélard. ... j'en reviens au vif du sujet : il faut maintenir le quorum à 50 % des électeurs inscrits !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos arguments n'ont guère évolué par rapport à la première lecture, qui a donné lieu à un large débat. Nous voterons contre le texte, pour les raisons que vous connaissez.
Tout d'abord, il ne nous semblait pas urgent d'examiner un tel texte ; mais surtout, nous pensons qu'il n'y aura pas matière à organiser des référendums locaux dans la mesure où les groupements de communes, qui ont repris une grande partie des compétences des communes, ne sont pas reconnus par la Constitution. Ce ne sont pas les communes qui prendront de telles initiatives, car les compétences qu'il leur reste ne le justifieront pas.
Les communautés urbaines, par exemple, sont obligatoirement compétentes, pour l'ensemble communautaire, en matière de développement économique, social et culturel, d'aménagement de l'espace, de documents d'urbanisme, de transports urbains, de logement social dans une large mesure, de distribution d'eau, d'assainissement. En outre, elles exercent également de nombreuses autres compétences non obligatoires.
Il s'agit donc essentiellement, à notre avis, d'un texte d'affichage. Certes, il était intéressant d'inscrire dans la Constitution la notion de référendum décisionnel local, mais le fait que les EPCI, les établissements publics de coopération intercommunale, ne soient pas reconnus par la Constitution prive le projet de loi de toute portée. C'est une coquille vide qui nous est présentée.
En ce qui concerne le seuil de participation requis pour conférer une valeur décisionnelle aux résultats d'un référendum local - si malgré tout une commune trouvait matière à en organiser un ! -, il nous semble impératif de prévoir qu'il soit élevé.
En effet, outre l'argument paradoxal invoqué par M. Gélard selon lequel un seuil élevé amènera une forte participation, il est très important, comme l'a indiqué M. le rapporteur, de conforter la démocratie représentative à un moment où les élus sont de plus en plus attaqués.
A contrario, fixer le seuil à un niveau relativement modeste pourrait inciter certains maires à se livrer à des manipulations ou à organiser un référendum sous la pression d'un groupe minoritaire dont les membres seraient finalement seuls, ou presque, à prendre part au vote. De grands risques existent donc, mais l'essentiel, je le répète, réside dans la défense de la démocratie représentative.
Par conséquent, le seuil de 50 % des électeurs inscrits nous semble devoir être retenu. L'objection qui a été opposée à l'Assemblée nationale, selon laquelle la participation moyenne constatée lors des scrutins organisés dans le passé était de 40 %, n'est pas valide dans la mesure où il s'agissait non pas, jusqu'à présent, de référendums décisionnels, mais de simples consultations de la population. Nous sommes ici devant une innovation, et l'objection n'a donc aucune valeur.
En conclusion, même si nous n'approuvons pas l'ensemble du texte, nous sommes favorables à la proposition de la commission des lois du Sénat visant à fixer à 50 % des électeurs inscrits le seuil de participation requis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Votre texte, monsieur le ministre, est un texte minimal dont les conséquences seront elles-mêmes minimales, ce qui correspond d'ailleurs largement, me semble-t-il, à vos intentions de départ. Ce projet de loi organique est donc pour l'essentiel un texte d'affichage qui vous permettra d'affirmer que vous avez élaboré une loi ouvrant la possibilité - théorique - d'organiser des référendums locaux dans un certain nombre de cas, mais non dans d'autres.
Je me bornerai aujourd'hui à évoquer deux points.
En premier lieu, nous regrettons que vous n'ayez pas du tout envisagé, monsieur le ministre, la possibilité de donner une plus large marge d'initiative aux citoyens. M. Charles Pasqua avait prévu, dans le cadre de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995, qu'un cinquième des électeurs inscrits pourraient demander au conseil municipal ou à l'organe délibérant d'un établissement public de coopération intercommunale d'organiser une consultation.
Certes, il ne s'agissait là que d'une consultation pour avis n'ayant, pas plus d'ailleurs que les dispositifs que nous avions inscrits dans la loi d'orientation relative à l'administration territoriale de la République du 6 février 1992, aucun caractère décisionnel. Toutefois, on reconnaissait aux citoyens, et non pas seulement à l'exécutif de la collectivité locale, la capacité d'être à l'initiative de la consultation. Cela répond aux aspirations d'un certain nombre de nos concitoyens, d'instances politiques et de structures associatives, et vous aurez remarqué, mes chers collègues, que le projet de Constitution européenne qui a été élaboré sous la houlette de M. Giscard d'Estaing évoque cette initiative citoyenne. Nous regrettons donc, pour notre part, que le Gouvernement n'ait pas choisi d'explorer cette voie, si peu que cela fût.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Moi aussi !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous prenons acte de votre regret, monsieur le ministre.
En second lieu, je traiterai de ce qui constitue à nos yeux une très grande lacune du texte, à savoir l'impossibilité de consulter les électeurs dans le cadre de l'intercommunalité. Les prémices d'une telle consultation intercommunale existaient eux aussi, à la fois dans la loi du 6 février 1992 et dans celle du 4 février 1995, même s'il ne s'agissait, là encore, que d'une consultation pour avis.
Il ne sera donc possible de consulter la population qu'à l'échelon régional, départemental ou communal.
M. Paul Blanc. Ce n'est pas rien !
M. Jean-Pierre Sueur. En effet, mon cher collègue !
Je voudrais cependant souligner que des conflits d'intérêts, des difficultés pourront surgir, vis-à-vis respectivement des départements et des communes, lorsqu'une région ou un département décidera d'organiser un référendum. Il n'est pas certain que les choses se passent toujours très simplement, ni qu'il soit si facile d'interroger toute une région ou tout un département à propos d'une question ne concernant que telle ou telle partie de son territoire. Cela étant, vous avez prévu qu'une telle consultation serait possible, monsieur le ministre, et nous pensons que c'est une bonne initiative.
En revanche, nous considérons qu'il y a un véritable paradoxe à ne pas permettre l'organisation d'un référendum local à l'échelon des agglomérations et des communautés de communes, et ce pour une raison évidente.
En effet, ces structures intéressent tant le milieu urbain que le monde rural, puisque l'on compte, dans notre pays, plus de 2 000 communautés de communes, regroupant, pour l'essentiel, des communes moyennes et petites. Or l'aménagement, le développement, l'économie, la voirie, l'urbanisme, les transports, l'environnement, le traitement des déchets et le traitement de l'eau relèvent, entre autres compétences, des agglomérations et des communautés de communes, et ce sont précisément de telles matières qui peuvent, le plus souvent, donner lieu à la tenue d'un référendum.
Par conséquent, le dispositif que vous nous présentez, monsieur le ministre, ne permettra pas, dans la plupart des cas, de consulter les électeurs sur des questions relatives à la voirie, à la création d'une infrastructure, à l'aménagement d'un parc d'activité ou de loisirs, à la réalisation d'un espace commercial, à la construction d'un pont ou d'un ouvrage important, à la mise en place d'un bus guidé, d'un tramway, d'un TVR - un transport sur voie réservée - d'un tram-train ou d'un métro, à l'installation d'équipements de traitement des déchets, à la gestion de l'environnement, de l'eau et de l'air, etc. Toutes ces compétences doivent indéniablement être exercées à l'échelon de l'intercommunalité, et même souvent au-delà, parce qu'il est impossible de procéder autrement.
Ce projet de loi constitue donc une sorte de leurre, puisque si la notion de référendum est évoquée il sera le plus souvent impossible d'en organiser. L'attente de nos concitoyens sera déçue.
Monsieur le ministre, est-il logique que l'on puisse consulter les citoyens d'un village de 300 habitants sur tout sujet de compétence communale, mais que la loi ne permette pas de consulter les électeurs dans une communauté urbaine, telles celles de Lyon, de Marseille ou de Lille, Roubaix-Tourcoing, dont le président, M. Pierre Mauroy, est présent parmi nous, qui compte 1 100 000 habitants et dont le budget atteint deux milliards d'euros ? Comment expliquer une telle situation ? Comment la comprendre ?
Il s'agit là, en fait, de la conséquence d'un choix qui a été fait lors de la révision constitutionnelle, quand le Gouvernement a refusé que les structures intercommunales à fiscalité propre soient ajoutées à la liste des collectivités territoriales. Vous n'avez pas voulu, monsieur le ministre, persister dans ce qui nous paraît être une voie de progrès, une voie d'avenir, une échéance pratiquement inéluctable : l'élection au suffrage universel direct des assemblées d'agglomération. Personne ne comprend que l'on ne puisse désigner de façon plus démocratique et plus lisible pour les citoyens les membres de ces assemblées.
Dès lors que, à l'occasion de la révision constitutionnelle, on a considéré que les structures intercommunales n'étaient pas des collectivités territoriales, dès lors que les responsables de celles-ci ne sont pas élus au suffrage universel, le texte ne s'appliquera pas à cet échelon. C'est tout à fait logique ! Par conséquent, on ne pourra consulter les électeurs des agglomérations ou des très nombreuses structures intercommunales que compte notre pays sur les choix importants, en termes de vie quotidienne, d'infrastructures ou d'investissements qui seront faits par ces collectivités, car pour nous il s'agit bien de collectivités !
Il y a là une carence, une contradiction que, nous en sommes persuadés, il faudra lever, monsieur le ministre, et le plus tôt sera le mieux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à ce stade de la discussion du projet de loi organique relatif au référendum local, on peut estimer que, pour l'essentiel, les questions concernant le champ d'application et les modalités du référendum décisionnel local sont réglées, puisqu'un large accord est intervenu entre l'Assemblée nationale et le Sénat au sujet de ce nouvel outil au service de la décentralisation.
Néanmoins, M. le rapporteur a souligné deux points importants : quelle est la place de l'intercommunalité, qu'il a qualifiée de « grande oubliée » des lois de décentralisation ? Quel quorum doit-on retenir pour que les résultats du référendum local aient une valeur décisionnelle ?
Le projet de loi organique dont nous discutons n'est certainement pas un texte définitif. Il s'agit d'un point de départ sur la voie de la décentralisation, de l'introduction d'un nouvel outil, qui devra probablement être perfectionné dans les années à venir. Il faut à mon sens rattacher ce projet de loi à ceux qui suivront, non parce qu'il s'agit d'une expérimentation, mais parce qu'il s'agit d'insuffler un nouvel état d'esprit à la décentralisation. Le référendum local doit d'abord être perçu comme l'instrument d'une nouvelle culture à cet égard, et cet aspect est probablement le plus important, les modalités pouvant toujours être modifiées au fil du temps.
S'agissant des deux questions soulevées par M. le rapporteur, je voudrais, au nom du groupe de l'Union centriste, apporter des réponses brèves, tout ayant déjà été dit.
Le problème de l'intercommunalité ne se pose pas seulement à propos du référendum local ; il apparaîtra constamment dès qu'il sera question de la décentralisation. Une structure intercommunale pourra-t-elle disposer de compétences propres, après que l'on aura constaté qu'elle représente le bon échelon d'intervention en la matière, ou toutes ses compétences demeureront-elles issues des communes membres ?
Telle est la vraie question, et c'est peut-être sur ce point que l'on observera un jour des changements profonds, si profonds que, probablement, nul d'entre nous n'est prêt aujourd'hui à les envisager.
Cette attitude me semble d'ailleurs légitime, car si l'on veut réussir la décentralisation, il faut agir avec pragmatisme et réalisme. A mes yeux, le Gouvernement a donc eu raison de ne pas s'engager trop loin s'agissant des EPCI, notamment pour leur attribuer une compétence aussi importante que la capacité d'organiser un référendum, contre l'avis, peut-être, des communes membres. C'est là une véritable question, mais le temps n'est pas venu d'y apporter une réponse.
En ce qui concerne le quorum, on a bien vu que cela constituait le seul point de désaccord entre les deux chambres du Parlement.
Dès lors que le projet de loi organique prévoit expressément que le référendum est organisé sur l'initiative de l'assemblée délibérante, la notion de quorum change de nature. Ce ne sont pas les citoyens qui demanderont la tenue d'un référendum ; ce sont les élus qui décideront que, sur un problème particulier, il revient aux citoyens de trancher, soit parce que le sujet est suffisamment important, soit parce que, face à une réelle difficulté, il importe que la communauté, qu'il s'agisse d'une commune, d'un département ou d'une région, se prononce.
A mes yeux, le quorum est une obligation mise à la charge des élus. Le référendum est un instrument de responsabilisation des élus. On choisit d'y recourir non pas pour se dérober, mais parce que, la question étant importante, il faut la faire trancher par la population. Les élus qui auront décidé de recourir au référendum devront se mobiliser afin que celui-ci suscite suffisamment d'intérêt parmi les électeurs de la commune, du département et de la région pour qu'ils aillent voter. En effet, il serait trop facile, tout en refusant de décider, de se contenter d'une faible participation.
Le référendum, tel qu'il est organisé dans le projet de loi, nous apparaît donc comme un élément de responsabilisation des élus. C'est pourquoi nous suivrons M. le rapporteur dans sa proposition de maintenir la position adoptée par le Sénat en première lecture. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour répondre à M. Gélard, je citerai une anecdote. Le 2 juin 1936, devant le Sénat, Louise Weiss et d'autres militantes féministes ont offert des chaussettes aux sénateurs en leur disant : « Même si vous nous donnez le droit de vote, vos chaussettes seront raccommodées. » (Sourires.)
M. Patrice Gélard. Merci, madame Mathon !
Mme Josiane Mathon. Nous entamons aujourd'hui, au coeur de l'été, la deuxième lecture du projet de loi relatif au référendum local. Il s'agit du premier texte d'application de la réforme constitutionnelle relative à la décentralisation adoptée en février.
Mais, depuis, les gens d'en bas se sont fait une opinion claire de votre politique, d'abord par eux-mêmes, en évaluant les conséquences de ces choix pour leur vie propre. Le Gouvernement a d'ailleurs dû lâcher un peu de lest et convenir de discuter avec les organisations syndicales de l'éducation nationale le report de ses réformes dans ce domaine, dans un souci d'apaisement, mais en restant toujours dans sa logique.
Et comment ne pas évoquer le vote en Corse pour lequel le Premier ministre, le ministre de l'intérieur et le chef de l'Etat lui-même s'étaient mobilisés pour, en définitive, être désavoués ?
Vous aviez refusé, cet hiver, que nous ayons recours au référendum pour modifier la Constitution. C'était un texte trop technique, disiez-vous.
Et maintenant que les électeurs corses ont pu se prononcer sur le fond, en toute connaissance de cause, sur la mise en oeuvre de votre décentralisation, la majorité parlementaire explique que la question était trop technique, mal posée, et même malvenue.
Veillons à ne pas dire que la démocratie elle-même est trop technique !
L'explication est bien plus simple et claire. Le Président de la République l'a dit lui-même le 14 juillet, lors de son allocution télévisée. L'Etat doit maigrir, a-t-il reconnu. Voilà quel est l'enjeu majeur de votre décentralisation. Ce choix de régression et d'affaiblissement de notre société, une majorité de Françaises et de Français le rejette, à l'instar des électeurs corses.
Cependant, vous souhaitez protéger votre projet de refondation sociale, écrit par le baron Seillière, par un coup de vernis démocratique. Aussi proposez-vous, comme nous l'avons vu en première lecture, le référendum local, ersatz de démocratie.
Cette conception de la démocratisation de nos collectivités locales est particulière. Vous ne tromperez personne sur vos intentions réelles. Nous n'avons pas eu, en juin, de vrai débat sur les modalités à inventer pour associer plus étroitement et plus constamment les habitants aux choix de leur collectivité. Je crains fort qu'il n'en soit de même avec cette deuxième lecture. Le référendum, tel que vous le présentez, s'apparente plus au plébiscite qu'à un véritable élargissement de la démocratie.
Le texte tel qu'il nous revient de l'Assemblée nationale n'a, pour l'essentiel, pas été modifié. Il y a les mots qui s'égrènent, les intentions clamées et la réalité désenchantée.
En effet, le champ du référendum local est toujours aussi restreint et les établissements publics de coopération intercommunale, en mal de reconnaissance constitutionnelle, en sont toujours exclus. Les citoyens n'ont pas obtenu de droits nouveaux, j'avais presque oublié que la majorité sénatoriale avait réussi à limiter la portée démocratique d'un texte pourtant si peu innovant.
En fixant à 50 % le seuil de participation obligatoire pour conférer au référendum un caractère décisionnel, le Sénat actionnait en première lecture un train un peu immobile. Je ne pense pas, monsieur Hoeffel, qu'il y ait une opposition entre la réprésentation délégataire et la réprésentation participative. Je crois que, au contraire, ce sont deux choses qui doivent fonctionner en osmose.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Qui doivent aller de pair !
Mme Josiane Mathon. Nos collègues députés ont baissé ce seuil et vous vous apprêtez à le relever, c'est dommage. Nous aurons sans doute une commission mixte paritaire.
M. Patrice Gélard. Pas sans doute : sûrement !
Mme Josiane Mathon. Dans ce contexte, et au vu de l'autisme profond dont le Gouvernement fait preuve à l'égard des conflits sociaux en cours, pouvons-nous réellement débattre et légiférer pour épauler la démocratie délégataire par une participation directe et sans filtres des citoyens ?
Nous souhaitons que les meilleures conditions soient réunies pour favoriser un véritable débat préalable local avec l'apport de toutes les forces vives de la collectivité. Vous en refusez la possibilité.
Par ailleurs, il est regrettable que vous ayez décidé de vous priver de celles et de ceux qui n'ont pas la nationalité française, car ils seront exclus un peu plus de la vie politique. Même par le biais de la vie associative, cette perspective est déniée. Vous ne voulez pas de débat qui pourrait échapper aux édiles en place. Vous combattez également la pluralité politique en restreignant l'accès de ces débats aux formations ayant recueilli au moins 5 % des suffrages.
Tout semble faire peur dans l'approfondissement réel de la démocratie.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, si vous êtes prêts à avancer dans ce débat pour donner plus de droits et de libertés aux citoyens de notre pays, nous sommes disponibles. Mais nous sommes convaincus que notre République a besoin de l'intervention plus directe et plus permanente des citoyens.
Vous vous contentez de leur demander de répondre à des questions. En effet, vous restreignez la démocratie. Nous nous opposerons à ce texte.
M. Paul Blanc. Vive la démocratie !
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Je serai bref. Je voudrais faire part au Sénat et à M. le ministre des questions que je me pose à la lecture du nouvel article L. O. 1112-3 du code général des collectivités territoriales.
Aux termes de cet article, c'est la collectivité qui décide le référendum local et qui fixe sa date. C'est donc une exception à la règle traditionnelle et républicaine selon laquelle la convocation des électeurs et la date des élections relèvent de l'Etat. La collectivité peut fixer librement la date de son choix, sous réserve des dispositions du nouvel article L. O. 1112-6, qui lui interdit de tenir un référendum le même jour qu'une autre élection. Ce n'est que dans ces cas-là, et, bien entendu, dans le cas où l'objet du référendum est illégal, que le préfet a la possibilité de demander au tribunal administatif d'annuler la délibération.
Cela signifie, mes chers collègues, que le texte fait complètement l'impasse sur l'hypothèse selon laquelle l'ordre public et la sécurité peuvent être mis en cause, peut-être pas forcément à cause du référendum, mais le jour où se tient le référendum : par exemple, si certains en profitent pour faire une manifestation, pour créer du désordre, pour contester le référendum. Bref, un trouble grave peut survenir, qui peut être provoqué par des difficultés d'organisation matérielle à la suite de catastrophes naturelles ou d'incidents climatiques graves empêchant les gens d'aller voter - que sais-je encore ?
Le préfet peut-il, dans ce cas-là, demander le renvoi du référendum à une date ultérieure ? Oui, il peut toujours le demander. La collectivité est-elle obligée de lui répondre positivement ? Non ! Donc, il ne peut pas l'exiger. Peut-il l'obtenir du tribunal administratif ? Non ! Conclusion : il ne lui reste plus que les CRS, les gendarmes ou les pompiers. (Rires.) Excusez-moi, mais cette hypothèse n'est pas complètement absurde.
Dans cette situation, qui sera responsable en cas de menaces pour la sécurité, de troubles graves à l'ordre public, de blessés, de morts ? Quelle que soit la collectivité qui décide le référendum, est-ce que ce ne sera pas au final le maire, qui ne dispose généralement pas des moyens, notamment en forces de l'ordre ou autres, pour « tenir le coup » ?
Aussi, monsieur le ministre, ma question est très simple : dans des circonstances graves et imprévues - qui n'existeraient évidemment pas le jour où la collectivité fixe la date mais qui se produiraient après, et alors que l'on saurait pertinemment que le jour du référendum local il va y avoir quelque chose de grave - si la collectivité ne veut pas changer sa date ou si elle n'a pas la possibilité de le faire - je ne vois pas comment on peut réunir la veille du jour du scrutin, le samedi si le vote a lieu le dimanche, le conseil général ou le conseil régional ; un conseil municipal, à la limite, c'est plus facile, mais un conseil général ou un conseil régional, c'est plus compliqué -, dans ce cas-là, le préfet, usant de ses pouvoirs en matière d'ordre public, a-t-il la possibilité d'interdire le référendum ou de demander son renvoi, ou de saisir le tribunal administratif en vertu de la théorie des circonstances exceptionnelles ?
M. Patrice Gélard. Oui !
M. Michel Charasse. Et quelle est, en tout état de cause, la responsabilité encourue par les élus qui organisent le scrutin à cette date parce qu'ils sont tenus de le faire, alors que tout le monde sait que ça va barder ?
M. Patrice Gélard. C'est l'Etat qui est responsable !
M. Michel Charasse. C'est une question qu'on ne peut pas éluder, monsieur le ministre !
Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, il aurait été beaucoup plus simple que le représentant de l'Etat fixe la date sur proposition de la collectivité. En effet, se trouver dans une telle situation alors que le préfet ne pourra qu'assister muet aux événements et envoyer, s'il en a à sa disposition, des gendarmes et des CRS, c'est une situation dangereuse et, de surcroît, peu glorieuse pour l'autorité de l'Etat et la République.
M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je voudrais simplement faire quelques remarques après l'intervention de notre collègue M. Charasse.
Si c'est le préfet qui fixe la date, cela ne change rien, car les événements qui pourront arriver ultérieurement...
M. Michel Charasse. Mais il peut changer la date !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. Certes, il peut la changer, mais cela posera les mêmes problèmes.
M. Michel Charasse. Mais il peut la changer !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. Quant à la responsabilité, vous avez vous-même répondu : s'il y a émeute ou autre, c'est la responsabilité de l'Etat, et non la responsabilité du maire ou du président du conseil général. Pour les troubles à l'ordre public, c'est l'Etat qui est responsable.
M. Michel Charasse. La théorie des circonstances exceptionnelles s'applique-t-elle ?
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. Bien sûr ! La théorie des circonstances exceptionnelles joue.
M. Michel Charasse. Dans ce cas, cela signifie que le préfet a encore un peu de pouvoir !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. Effectivement !
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
M. le président. « Article unique. - Le titre unique du livre Ier de la première partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
« I. - Le chapitre II intitulé "Coopération décentralisée" devient le chapitre IV. Les articles L. 1112-1 à L. 1112-7 deviennent respectivement les articles L. 1114-1 à L. 1114-7.
« A l'article L. 1722-1, les références : " L. 1112-1" et "L. 1112-5 à L. 1112-7" sont remplacées par les références : "L. 1114-1" et "L. 1114-5 à L. 1114-7" et, au 3° de l'article L. 1791-2, la référence : "L. 1112-1" est remplacée par la référence : "L. 1114-1".
« II. - Il est rétabli un chapitre II ainsi rédigé :
« Chapitre II
« Participation des électeurs aux décisions locales
« Section unique
« Référendum local
« Sous-section 1
« Dispositions générales
« Art. L.O. 1112-1. - L'assemblée délibérante d'une collectivité territoriale peut soumettre à référendum local tout projet de délibération tendant à régler une affaire de la compétence de cette collectivité.
« Art. L.O. 1112-2. - L'exécutif d'une collectivité territoriale peut seul proposer à l'assemblée délibérante de cette collectivité de soumettre à référendum local tout projet d'acte relevant des attributions qu'il exerce au nom de la collectivité, à l'exception des projets d'acte individuel.
« Art. L.O. 1112-3. - Dans les cas prévus aux articles L.O. 1112-1 et L.O. 1112-2, l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale, par une même délibération, détermine les modalités d'organisation du référendum local, fixe le jour du scrutin, qui ne peut intervenir moins de deux mois après la transmission de la délibération au représentant de l'Etat, convoque les électeurs et précise le projet d'acte ou de délibération soumis à l'approbation des électeurs.
« L'exécutif de la collectivité territoriale transmet au représentant de l'Etat dans un délai maximum de huit jours la délibération prise en application de l'alinéa précédent.
« Le représentant de l'Etat dispose d'un délai de dix jours à compter de la réception de la délibération pour la déférer au tribunal administratif s'il l'estime illégale. Il peut assortir son recours d'une demande de suspension.
« Le président du tribunal administratif ou le magistrat délégué par lui statue dans un délai d'un mois, en premier et dernier ressort, sur la demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué ou du projet de délibération ou d'acte soumis à référendum.
Lorsque la délibération organisant le référendum local ou le projet de délibération ou d'acte soumis à référendum est de nature à compromettre l'exercice d'une liberté publique ou individuelle, le président du tribunal administratif ou le magistrat délégué par lui en prononce la suspension dans les quarante-huit heures.
« Art. L.O. 1112-4. - La délibération décidant d'organiser un référendum local adoptée par l'assemblée délibérante d'une collectivité territoriale autre que la commune est notifiée, dans les quinze jours à compter de sa réception, par le représentant de l'Etat aux maires des communes situées dans le ressort de cette collectivité, sauf s'il a été fait droit à sa demande de suspension.
« Les maires organisent le scrutin. Si un maire refuse de procéder à cette organisation, le représentant de l'Etat, après l'en avoir requis, y procède d'office.
« Art. L.O. 1112-5. - Les dépenses liées à l'organisation du référendum constituent une dépense obligatoire de la collectivité territoriale qui l'a décidée.
« Les dépenses résultant des assemblées électorales tenues dans les communes pour l'organisation d'un référendum décidé par une autre collectivité territoriale leur sont remboursées par cette collectivité de manière forfaitaire, au moyen d'une dotation calculée en fonction du nombre des électeurs inscrits dans la commune et du nombre des bureaux de vote qui y sont installés. Les tarifs de cette dotation sont fixés par décret.
« Art. L.O. 1112-6. - Une collectivité territoriale ne peut organiser de référendum local :
« 1° A compter du premier jour du sixième mois précédant celui au cours duquel il doit être procédé au renouvellement général ou au renouvellement d'une série des membres de son assemblée délibérante ;
« 2° Pendant la campagne ou le jour du scrutin prévus pour des consultations organisées dans son ressort sur le fondement du dernier alinéa de l'article 72-1, de l'article 72-4 et du dernier alinéa de l'article 73 de la Constitution.
« Aucune collectivité territoriale ne peut organiser de référendum local pendant la campagne ou les jours du scrutin prévus pour :
« 1° Le renouvellement général ou le renouvellement d'une série des membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales ;
« 2° Le renouvellement général des députés ;
« 3° Le renouvellement de chacune des séries des sénateurs ;
« 4° L'élection des membres du Parlement européen ;
« 5° L'élection du Président de la République ;
« 6° Un référendum décidé par le Président de la République.
« La délibération organisant un référendum local devient caduque dans les cas prévus au présent article ou en cas de dissolution de l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale l'ayant décidé, de démission de tous ses membres ou d'annulation définitive de leur élection.
« Une collectivité territoriale ne peut organiser plusieurs référendums locaux portant sur un même objet dans un délai inférieur à un an.
« Art. L.O. 1112-7. - Le projet soumis à référendum local est adopté si le tiers au moins des électeurs inscrits a pris part au scrutin et s'il réunit la majorité des suffrages exprimés.
« Le texte adopté par voie de référendum est soumis aux règles de publicité et de contrôle applicables à une délibération de l'assemblée délibérante de la collectivité ou à un acte de son exécutif.
« Sous-section 2
« Information des électeurs, campagne électorale
et opérations de vote
« Art. L.O. 1112-8. - Un dossier d'information sur l'objet du référendum décidé par la collectivité territoriale est mis à disposition du public dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.
« Art. L.O. 1112-8-1. - La campagne en vue du référendum local est ouverte le deuxième lundi précédant le scrutin à zéro heure. Elle est close la veille du scrutin à minuit.
« Elle est organisée par la collectivité territoriale ayant décidé de recourir au référendum local dans les conditions définies au chapitre V du titre Ier du livre Ier du code électoral, à l'exception de l'article L. 52-3. Pour l'application de ces dispositions, il y a lieu de lire : "groupe, parti ou groupement habilité à participer à la campagne" au lieu de : "candidat" et de : "liste de candidats".
« Les interdictions prévues par l'article L. 50-1, le troisième alinéa de l'article L. 51 et l'article L. 52-1 du code électoral sont applicables à toute propagande relative au référendum dès l'adoption par l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale de la délibération visée à l'article L.O. 1112-3.
« Les dispositions de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion sont applicables aux référendums locaux.
« Art. L.O. 1112-9. - Sont habilités à participer à la campagne en vue du référendum, à leur demande, par l'éxécutif de la collectivité territoriale ayant décidé d'organiser le scrutin :
« - les groupes d'élus constitués au sein de l'assemblée délibérante dans les conditions prévues par le présent code ;
« - les partis et groupements politiques auxquels ont déclaré se rattacher au moins 5 % des élus de l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale ayant décidé d'organiser le référendum ;
« - pour un référendum décidé par une commune de moins de 3 500 habitants, les partis et groupements politiques auxquels ont déclaré se rattacher au moins trois candidats ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés lors du dernier renouvellement du conseil municipal ;
« - pour un référendum décidé par un département, les partis et groupements politiques auxquels ont déclaré se rattacher des candidats dont l'addition des voix a atteint au moins 5 % des suffrages exprimés au niveau de l'ensemble des cantons lors du premier tour du renouvellement de l'une des séries des conseillers généraux ;
« - pour un référendum décidé par une région ou une commune de 3 500 habitants et plus, les partis et groupements politiques auxquels ont déclaré se rattacher au moins la moitié des candidats d'une liste ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés lors du premier tour du renouvellement général de l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale.
« Chaque élu ou candidat ne peut se rattacher qu'à un seul parti ou groupement politique.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article.
« Art. L.O. 1112-10. - Seuls peuvent participer au scrutin les électeurs de nationalité française inscrits, dans les conditions prévues par les articles L. 30 à L. 40 du code électoral, sur les listes électorales de la collectivité territoriale ayant décidé d'organiser le référendum et, pour un référendum local décidé par une commune, les ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne inscrits, dans les conditions prévues aux articles L.O. 227-1 à L.O. 227-5 du code électoral, sur les listes électorales complémentaires établies pour les élections municipales.
« Art. L.O. 1112-11.- Les opérations préparatoires au scrutin, les opérations de vote, le recensement des votes et la proclamation des résultats sont effectués dans les conditions prévues par le chapitre VI du titre Ier du livre Ier du code électoral, à l'exception des articles L. 56, L. 57, L. 58, L. 66, L. 68 (deuxième alinéa) et L. 85-1.
« Pour l'application du troisième alinéa de l'article L. 65, il y a lieu de lire : "les réponses portées" au lieu de : "les noms portés" ; "des feuilles de pointage" au lieu de : "des listes" ; "des réponses contradictoires" au lieu de : "des listes et des noms différents" ; "la même réponse" au lieu de : "la même liste ou le même candidat".
« Les bulletins de vote autres que ceux fournis par la collectivité territoriale ayant décidé d'organiser le référendum, les bulletins trouvés dans l'urne sans enveloppe ou dans une enveloppe non réglementaire, les bulletins ou enveloppes portant des signes intérieurs ou extérieurs de reconnaissance, les bulletins ou enveloppes portant des mentions quelconques n'entrent pas en compte dans le résultat du dépouillement. Ils sont annexés au procès-verbal ainsi que les enveloppes non réglementaires et contresignés par les membres du bureau de vote. Chacun des bulletins ou enveloppes annexés porte mention des causes de l'annexion.
« Art. L.O. 1112-11-1.- Sont applicables au référendum local les dispositions du chapitre VII du titre Ier du livre Ier du code électoral, à l'exception des articles L. 88-1, L. 95, L. 113-1 (1° à 5° des I, II et III).
« Pour l'application de ces dispositions, il y a lieu de lire : "groupe, parti ou groupement politique habilité à participer à la campagne" au lieu de "candidat" et de : "liste de candidats".
« Art. L.O. 1112-12 - La régularité du référendum local peut être contestée dans les conditions, formes et délais prescrits pour les réclamations contre l'élection des membres de l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale ayant décidé de l'organiser. »
ARTICLES L.O. 1112-1 À L.O. 1112-6
DU CODE GÉNÉRAL DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
M. le président. Je mets aux voix les textes proposés pour les articles L.O. 1112-1 à L.O. 1112-6 du code général des collectivités territoriales.
(Ces textes sont adoptés.)
ARTICLE L.O. 1112-7 DU CODE GÉNÉRAL
DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Hoeffel, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article L.O. 1112-7 dans le code général des collectivités territoriales, remplacer les mots : "le tiers" par les mots : "la moitié". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. J'ai déjà présenté les arguments qui, selon nous, justifient amplement le seuil de 50 % - la discussion générale qui vient d'avoir lieu nous conforte dans cette position - et je ne puis que recommander au Sénat de bien vouloir suivre la position de la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. A ce stade du débat, et s'agissant de l'essentiel, je voudrais répondre aux arguments qui ont été avancés, souvent avec intelligence et finesse, sur cette question du seuil, notamment par le rapporteur, M. Daniel Hoeffel, qui a invoqué quatre arguments en faveur d'un seuil élevé.
Premier argument : il s'agit de conforter le pouvoir des élus. Monsieur Hoeffel, dès lors que les élus décident eux-mêmes de procéder au référendum, ils ne l'utilisent, bien sûr, que pour conforter leur pouvoir. Ils n'ont donc pas besoin de la garantie du seuil puisqu'ils ont la liberté de procéder ou non au référendum. S'ils choisissent de recourir au référendum, c'est parce qu'au moment où ils prennent cette décision ils pensent que cela conforte leur pouvoir. C'est pourquoi je ne peux vous approuver quand vous dites que le référendum est une servitude. A mes yeux, il est plutôt une liberté.
Le deuxième argument, auquel je suis plus sensible et qui me paraît non négligeable, est le suivant : ce projet de loi étant le premier texte d'application de la réforme de la Constitution, il doit donner lieu à une concertation, et toutes les associations d'élus locaux sont favorables à ce seuil. Je suis plus réceptif à cet argument, car ce texte est effectivement destiné aux élus, et leur avis, dans ce domaine, a une certaine force. Il n'en demeure pas moins que le Parlement est souverain. A l'Assemblée nationale et au Sénat, il y a autant d'élus locaux et les approches peuvent différer, mais elles sont bien sûr toutes respectables.
Votre troisième argument est le suivant : les élus peuvent être acculés au référendum et il faut, par le seuil, leur accorder une protection. Les élus qui seraient acculés au référendum seraient de piètres élus ! En effet, je le répète, il faut une délibération pour donner lieu au référendum. Un conseil municipal, un conseil général ou un conseil régional qui procéderait au vote d'une délibération en y étant acculé ferait preuve de peu de liberté. Selon moi, si sa liberté était entravée pour procéder à cette délibération, celle-ci serait nulle. Aussi, une telle garantie ne me semble pas nécessaire. En tout cas, je me fais une trop haute idée de la responsabilité et de la liberté des conseils légitimement élus pour penser qu'une telle garantie soit nécessaire pour les protéger contre une atteinte à leur éventuelle irresponsabilité, à laquelle je ne crois pas.
Votre quatrième argument, qui est de forme, est réversible : le référendum peut atteindre facilement un taux de participation de 50 %, il suffit de se mobiliser. Si ce seuil peut facilement être atteint, pourquoi en faire une obligation ? Puisque vous ne craignez pas que la participation soit inférieure à ce taux, vous n'avez pas lieu d'être inquiet !
En réalité, je reconnais que mon argument est un peu spécieux (Rires sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste), mais M. Mercier m'a donné l'exemple. (M. Mercier fait un signe de dénégation.) Cela vous apprendra à rire, monsieur le sénateur ! Cependant, mon argument est à la hauteur du questionnement. En effet, tant lors du référendum sur le quinquennat que lors du référendum sur la Nouvelle-Calédonie, qui n'était pas un référendum local mais qui avait un objet local, la participation a été inférieure à 40 %.
Monsieur Gélard, j'ai apprécié la contradiction que porte votre argumentation et que je peux résumer de la manière suivante : quand il y a un véritable enjeu, la participation ne pose pas de problème, on se mobilise ; quand il y a consensus, en revanche, on peut craindre que les électeurs ne se déplacent pas. Vous avez donné, à juste raison, l'exemple du quinquennat : tout le monde était d'accord ; moralité, personne n'est allé voter.
Lorsque l'on est d'accord, on ne peut pas procéder à un référendum, parce qu'il n'y aura pas assez de participants. Lorsque l'on n'est pas d'accord et que l'on est sur le fil, que l'on risque de perdre, il est probable qu'il n'y aura pas non plus de référendum. Il n'y en aura donc jamais ! Soit il n'y en aura pas parce qu'il n'y a pas de participation, soit il n'y en aura pas parce que le risque d'être battu est trop important. On n'en sort pas ! C'est ce que craint le Gouvernement. C'est pourquoi il souhaite que le seuil soit inférieur à 50 %.
L'Assemblée nationale a envisagé 40 %, puis 33 %. Vous en déciderez. Mais je vous ai donné la position du Gouvernement.
M. Sueur a dit qu'il s'agissait d'un texte minimal : c'est forcément le cas, monsieur le sénateur, si l'étiage est à 50 %, a fortiori pour les raisons que je viens d'exposer ! Si vous voulez que le texte ne soit pas minimal, il faut baisser le seuil, mais ce n'est pas votre position.
Vous avez par ailleurs regretté qu'il n'y ait pas davantage d'ouverture vers l'initiative populaire. S'il n'y en pas, c'est parce que le Sénat, à propos du droit de pétition, a délibérément refusé que l'on oblige les conseils municipaux à procéder à un examen des propositions soumises à référendum.
Le Sénat a fait ce choix, le Gouvernement le respecte. Il aurait été malvenu que, dans une loi organique, le Gouvernement propose au Sénat de voter une disposition que le Sénat a refusé d'inscrire dans la Constitution !
M. Jean-Pierre Sueur. La gauche a voté en faveur de l'initiative populaire !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je ne dis pas le contraire, monsieur Sueur !
M. Jean-Pierre Sueur. C'est important !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement est dans l'obligation de respecter la Constitution.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. La majorité, donc le Sénat dans son entier et le Congrès dans son ensemble l'ont voulu ainsi. Le Gouvernement a le devoir d'en tenir compte. Il serait malvenu que, par une loi organique, il impose un dispositif constitutionnel qui a été refusé.
J'en viens à l'intercommunalité, monsieur Sueur.
Nous avons déjà eu l'occasion de débattre de l'intercommunalité et du suffrage universel. Mais, dans ce cas-là, il aurait été malséant de permettre à des élus du suffrage indirect d'imposer leur volonté à des élus du suffrage direct.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il ne serait pas acceptable qu'une commune et des élus du suffrage universel direct se voient imposer une décision par une intercommunalité, qui est formée de personnes élues au suffrage indirect.
Pour les défenseurs de la démocratie représentative que vous êtes et par rapport aux idées que vous avez exprimées dans ce débat, permettez-moi de vous dire que ce serait une contradiction.
M. Pierre Mauroy. Allons, monsieur le ministre, les élus au deuxième degré des communautés urbaines prennent en permanence des décisions qui sont applicables aux communes !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. J'entends bien ! Mais vous admettrez avec moi que si des élus du suffrage indirect recouraient au suffrage universel pour faire battre des élus du suffrage universel direct, ils porteraient véritablement atteinte au caractère représentatif du suffrage ! A mon avis, monsieur Sueur, cette mesure nuirait au développement de l'intercommunalité.
Nous avons déjà eu ce débat sur l'intercommunalité, et vous avez affirmé que le plus vite serait le mieux. Mais, monsieur Sueur, soyez raisonnable ! Lors de l'adoption, en 2001, du projet de loi relatif à la démocratie de proximité, vous avez renoncé - et vous avez bien fait - à organiser l'élection des EPCI au suffrage universel. J'estime donc que vous n'êtes pas les mieux placés pour venir nous dire aujourd'hui : « le plus tôt sera le mieux » !
Monsieur Mercier, il me semble que j'ai déjà répondu à votre argument selon lequel plus le référendum est incertain plus la participation est forte : dans les deux cas, il n'y aura pas de référendum.
Vous avez trouvé une raison élégante : il s'agirait d'une exigence pour les élus. C'est bien trouvé, et j'admire l'argument. Car si c'est une exigence pour les élus, c'est une raison de plus pour que ces derniers ne s'en servent pas ! Mais c'est bien ce que le Gouvernement craint.
Je dirai maintenant à Mme Mathon, à propos du référendum en Corse, que le Gouvernement considère que la réponse est toujours importante, même quand c'est non. L'important dans le référendum sur la Corse, ce n'est pas le fait que le Gouvernement ait été désavoué, c'est la réponse, en l'occurrence un « non ». C'est la même chose pour les instances locales à l'occasion d'un référendum local : ce qui importe, c'est la réponse. Et, que ce soit à l'échelon national ou à l'échelon local, un « non » signifie : il faut faire autrement.
Je n'accuse personne ! Le résultat du référendum en Corse est ce qu'il est, on ne peut pas le critiquer. Les sociologues, les politologues peuvent donner de nombreuses explications au résultat du référendum, mais ce qui compte, c'est le résultat. Et le Gouvernement, comme toute autorité organisatrice d'un référendum, doit considérer que c'est une réponse ayant une valeur, pouvant guider l'action politique et l'inciter à modifier le projet, à en adopter un autre ultérieurement, à agir autrement.
Ce n'est pas infamant, ce n'est pas une défaite, cela fait partie du fonctionnement de la démocratie. La démocratie, ce n'est pas de dire toujours oui ! Ce n'est pas l'approbation permanente ! On est dans une démocratie qui se cherche, et cela peut aller jusqu'au non. Ce n'est pas un drame, c'est simplement une invitation à travailler davantage.
Le Gouvernement reçoit ce référendum comme tel, y compris pour la Corse.
En résumé, je dirai que le Gouvernement craint que le droit à référendum ne soit trop formel, à l'instar de ce qui s'est passé pour le droit de pétition. C'est la raison pour laquelle il souhaite - mais la commission mixte paritaire sera peut-être saisie de cette question - que le Sénat puisse se rapprocher le plus possible de la solution de l'Assemblée nationale.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Je voudrais simplement faire quelques observations, qui rejoignent d'ailleurs largement les préoccupations de mon groupe, qui s'est largement exprimé sur ce sujet, je crois, en commission.
Monsieur le ministre, j'ai écouté vos propos, comme ceux de M. le rapporteur, avec beaucoup d'attention, mais je voudrais rappeler que la souveraineté nationale ne comporte pas de quorum parce qu'elle est nationale. Comme nous ne sommes pas un Etat fédéral, la souveraineté n'est que nationale et il n'y a aucune souveraineté locale.
Nous ne pouvons donc pas comparer un référendum constitutionnel, par exemple celui qui a porté sur le quinquennat et qui a été le très grand succès que tout le monde sait, et un référendum local.
Dans le cas du référendum local, il s'agit d'approuver un acte administratif, qui est un acte d'une collectivité locale.
L'assemblée locale, qui est le lieu naturel pour que cet acte soit examiné, et éventuellement voté, est soumise, de par la loi, à la règle du quorum : la moitié plus un des membres de l'assemblée doivent être physiquement présents et leur présence constatée pour que l'assemblée puisse valablement délibérer et prendre une décision. Ce n'est qu'en « deuxième lecture », si je puis dire, que le quorum n'est plus exigé, mais la nouvelle réunion est soumise à des règles strictes de convocation, de délai et d'ordre du jour.
La disposition que nous proposent la commission des lois et son rapporteur, M. Hoeffel, qui connaît très bien, sur ce point, l'avis de l'Association des maires de France qu'il préside, ne vise à rien d'autre qu'à respecter le parrallélisme des formes avec le dispositif applicable à toutes les collectivités au plan national, c'est-à-dire qu'un acte soumis au référendum local est approuvé si plus de la moitié des électeurs inscrits ont participé au scrutin.
Si tel n'était pas le cas, mes chers collègues, dans quelle situation serions-nous ? Il ne s'agit pas là d'un avis, comme ce fut le cas du référendum qui a eu lieu en Corse voilà quelques jours. Il s'agit d'une décision applicable aux citoyens et opposable aux tiers !
Il est bien évident que, si la participation au référendum local devait être très faible, en tous cas inférieure à 50 % des inscrits, l'adoption de l'acte serait contestée moralement et politiquement. Les citoyens diraient : « Moi, je ne suis pas allé voter, j'avais autre chose à faire. De toute façon, les gens qui sont allés voter ne sont pas représentatifs. »
Nous n'avons pas intérêt, même si le référendum - on l'a bien compris, monsieur le ministre - reste un recours exceptionnel pour une collectivité locale à un moment où chacun doute de la loi, de la règle et de la République, à fragiliser à ce point les textes qui s'imposent.
En outre, j'imagine quels auraient été les commentaires, y compris ceux du Gouvernement - et cela aurait sans doute été de bonne guerre -, alors qu'il ne s'agissait, en Corse, que d'un référendum purement consultatif, si le « non » l'avait emporté de la même manière, mais avec moins de 50 % de participation. On aurait dit : « Ce scrutin n'est pas valable, le "non" a été exprimé du bout des lèvres, cela ne veut rien dire... »
Vous-même, vous l'auriez contesté, et c'est naturel. Les partisans du « oui » l'auraient contesté aussi, et c'est naturel également.
Si, au lendemain des résultats du référendum sur la Corse, voire le soir même, le ministre de l'intérieur et le Premier ministre ont pris acte de façon tout à fait républicaine et démocratique du scrutin et de ses résultats, c'est bien parce que le taux de participation était supérieur à 50 % et que ce référendum n'était que consultatif !
Par conséquent, je ne comprends pas très bien, mes chers collègues, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, cette querelle que soulève l'Assemblée nationale sur ce sujet. Se rend-on bien compte qu'il s'agit d'actes administratifs opposables aux citoyens ? Ne confond-on pas, dans cette affaire du référendum local, avec le référendum purement consultatif, qui n'est pas l'hypothèse dans laquelle nous nous trouvons ?
Par ailleurs, si, pour un référendum purement consultatif - nous serons peut-être conduits un jour à en débattre de nouveau - on peut toujours accepter qu'il n'y ait pas, si je puis dire, de quorum, en revanche, pour un référendum décisionnel, ce serait vraiment une extraordinaire fragilisation de l'autorité locale, de l'autorité des actes administratifs locaux qui sont applicables aux citoyens et opposables aux tiers.
J'insiste sur ce point parce que nous savons bien, mes chers collègues, que, dans certains cas, le référendum sera proposé ou décidé parce qu'il y aura des pressions locales très fortes sur un projet contesté. Va-t-on accepter que ce projet contesté soit approuvé ou rejeté avec la participation d'un tiers des électeurs, alors que c'est une question importante ? Non ! franchement, c'est impossible ! Là, nous ne sommes pas dans le domaine de la consultation : donnez-moi votre avis et j'en ferai ce que je voudrai ! ; Nous sommes dans le domaine de la décision et, localement, au conseil général ou municipal depuis 1871 et 1884, les décisions se prennent au quorum. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication du vote.
Mme Nicole Borvo. Comme M. le ministre, je crains qu'avec le quorum aucun référendum ne soit finalement organisé.
M. Gélard nous propose de maintenir un quorum de 50 %.
Qui souhaite un référendum avec une faible participation et un résultat mi-chèvre mi-chou ? En fait, le problème est de savoir quelle est la question et sur quel sujet elle porte.
Cela dit, les électeurs sont souverains : ils ont le droit de s'abstenir et de ne pas voter, et, par cette attitude, ils traduisent quelque chose. On ne peut pas, que ce soit à l'échelon local ou national, faire peser trop de contraintes sur la souveraineté des électeurs.
Par ailleurs - c'est là, à mes yeux, le problème le plus important - pourquoi un tel décalage entre les contraintes en matière d'élection des représentants du peuple et les résultats du référendum ? Après tout, on considère comme valable l'élection d'un député même avec un nombre de voix parfois limité !
M. Michel Charasse. Cela n'a rien à voir !
Mme Nicole Borvo. Mais si, cela a à voir ! Car, ici, on élit des représentants qui vont faire tel type de politique et qui peuvent être élus par une minorité de citoyens. Par conséquent, il me semble qu'on ne peut pas accepter d'imposer ainsi le nombre de participants à un référendum.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin
n° 229
:
Nombre de votants | 313 |
Nombre de suffrages exprimés | 313 |
Pour | 291 |
Contre | 22 |
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L.O. 1112-7 du code général des collectivités territoriales.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLES L.O. 1112-8, L.O. 1112-8-1, L.O. 1112-9, L.O. 1112-10, L.O. 1112-11, L.O. 1112-11-1 ET L.O. 1112-12 DU CODE GÉNÉRAL DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
M. le président. Je mets aux voix le texte proposé pour les articles L.O. 1112-8, L.O. 1112-8-1, L.O. 1112-9, L.O. 1112-10, L.O. 1112-11, L.O. 1112-11-1 et L.O. 1112-12 du code général des collectivités territoriales.
(Ces textes sont adoptés.)
M. le président. Avant de mettre aux voix l'article unique du projet de loi organique, je donne la parole à M. Paul Blanc, pour explication de vote.
M. Paul Blanc. Je voterai bien sûr ce texte, mais je le voterai surtout parce que l'on n'a pas donné aux groupements intercommunaux la possibilité d'organiser des référendums locaux. Adopter une telle mesure aurait été faire fi de la liberté des communes, qui se seraient certainement vu imposer des projets en dehors de leur propre volonté. Favorable au maintien de la liberté communale, je suis opposé au fait de transférer ce pouvoir aux institutions intercommunales.
J'ai écouté Michel Mercier avec beaucoup d'intérêt. Ce qu'il a dit sur l'évolution m'a paru tout à fait intéressant, car, un jour, il faudra bien se poser des questions. Il faudra ainsi se demander quelle est la position d'un conseiller général face à un président d'une intercommunalité qui regroupe l'ensemble des communes du canton.
Nous devrons avoir ce débat,...
M. Claude Estier. En effet !
M. Paul Blanc. ... parce que l'on ne pourra pas continuer dans ce flou.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est sûr !
M. Paul Blanc. Mais ce débat devra s'inscrire dans un cadre beaucoup plus général. Nous ne pouvons pas l'engager à l'occasion de l'examen d'une loi comme celle que nous allons voter aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'article unique du projet de loi organique.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin
n° 230
:
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 314 |
Pour | 207 |
Contre | 107 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissement sur les travées de l'UMP.)
En conséquence, le projet de loi organique est adopté.
(M. Daniel Hoeffel remplace M. Guy Fischer au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
vice-président
EXPÉRIMENTATION
PAR LES COLLECTIVITÉS LOCALES
Adoption définitive d'un projet de loi organique
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique (n° 400, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'expérimentation par les collectivités territoriales. [Rapport n° 408 (2002-2003).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous abordons maintenant l'examen du second projet de loi organique dont vous êtes saisis aujourd'hui et qui est relatif à l'expérimentation par les collectivités territoriales.
Ce projet de loi organique est pris sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution, qui dispose que, « dans les conditions prévues par la loi organique, et sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d'exercice des libertés publiques ou d'un droit constitutionnellement garanti, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l'a prévu, déroger à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l'exercice de leurs compétences ».
Le champ d'application de ces dispositions concerne donc l'expérimentation normative par les collectivités territoriales. L'expérimentation sur des transferts de compétences, est pour sa part, régie par les dispositions du nouvel article 37-1, introduit par la réforme constitutionnelle, qui précise que la loi et le règlement peuvent comprendre des dispositions à caractère expérimental.
En pratique, néanmoins, ces deux types d'expérimentation pourront se compléter.
Le droit à l'expérimentation s'articulera avec le pouvoir réglementaire. C'est, en effet, dans le cadre de leur pouvoir réglementaire que les collectivités locales adopteront, à titre expérimental, des délibérations dérogeant à certaines dispositions de la loi ou du règlement lorsqu'elles y auront été autorisées par la loi. A l'issue de l'expérimentation, et si celle-ci a été positive, le législateur pourra généraliser la faculté qu'il a reconnue à un nombre limité de collectivités d'agir au titre de leur pouvoir réglementaire.
Avant de détailler le dispositif, je veux souligner qu'outre les conditions d'ores et déjà prévues par la Constitution le législateur restera maître de la procédure d'expérimentation. C'est en effet à vous et à vous seuls qu'il reviendra d'autoriser l'expérimentation, d'en fixer le cadre et la durée et de décider des suites à lui réserver au vu de l'évaluation qui en sera faite.
L'expérimentation aura un objet et une durée limités.
La loi autorisant l'expérimentation devra définir l'objet de l'expérimentation, qui bien sûr devra être un objet d'intérêt général. Elle devra également préciser la durée de l'expérimentation, qui ne pourra excéder cinq ans. Les précédents, notamment celui de l'expérimentation ferroviaire, démontrent que cette durée est raisonnable.
La loi devra mentionner les dispositions auxquelles il pourra être dérogé.
En effet, la faculté de déroger à des dispositions légales ne pourra être générale. Il reviendra à la loi autorisant l'expérimentation d'énumérer expressément et précisément les dispositions auxquelles il pourra être dérogé.
La loi devra déterminer les catégories de collectivités territoriales auxquelles l'expérimentation sera ouverte.
La loi autorisant l'expérimentation devra déterminer la nature juridique mais aussi les caractéristiques propres des collectivités territoriales pouvant participer à l'expérimentation. Elle pourra ainsi viser des collectivités territoriales répondant à des situations particulières, telles que des villes dépassant un seuil de population, des communes de montagne ou des collectivités situées sur le littoral.
Les collectivités territoriales répondant aux critères fixés par la loi et désirant expérimenter devront adresser au représentant de l'Etat une délibération motivée. Le Gouvernement devra se borner à vérifier que les conditions légales sont remplies avant de fixer par décret la liste des collectivités territoriales autorisées à expérimenter. Dans ce domaine, comme disent les juristes, le Gouvernement aura une compétence liée.
Conformément à la volonté du Constituant d'étendre le bénéfice de l'expérimentation aux groupements de communes, le projet de loi organique en fait expressément bénéficier les établissements publics regroupant exclusivement des collectivités territoriales. Il ressort du débat constitutionnel que ces dispositions ont vocation à concerner essentiellement les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.
Le régime des actes pris dans le cadre de l'expérimentation est précis.
Le projet de loi organique définit précisément le régime des actes des collectivités territoriales qui seront pris dans le cadre de l'expérimentation : leur entrée en vigueur sera subordonnée à leur publication au Journal officiel. Ils seront soumis à un contrôle de légalité renforcé, permettant notamment au représentant de l'Etat d'obtenir, si nécessaire, une suspension automatique pendant une durée maximum d'un mois.
L'Assemblée nationale a spécifié que ces actes devront mentionner leur durée de validité. Les citoyens seront ainsi clairement informés des conditions de caducité des actes pris dans le cadre d'une expérimentation.
L'expérimentation sera évaluée.
Une évaluation comprenant les observations des collectivités territoriales expérimentatrices devra être obligatoirement effectuée avant le terme de l'expérimentation. Sur le fond, cette évaluation devra traiter au minimum trois aspects : le coût et la qualité du service rendu aux usagers ; l'organisation des collectivités territoriales et des services de l'Etat, autrement dit les rapports entre eux, ainsi que la dimension financière de l'expérimentation. Naturellement, pourront s'ajouter d'autres critères.
Enfin, pour assurer l'information du Parlement, le Gouvernement lui soumettra chaque année un rapport faisant état des demandes d'expérimentation dont il a été saisi et des suites qui leur ont été réservées.
Sur la proposition de son rapporteur Michel Piron, l'Assemblée nationale a utilement précisé que ce rapport devra également retracer les propositions formulées par les collectivités territoriales, indépendamment de toute loi autorisant une expérimentation déterminée. Le rapport devra exposer les suites qui auront été réservées à ces demandes et propositions.
La loi décidera, et la loi seule, des suites de l'expérimentation, laquelle sera réversible.
Il reviendra au législateur, avant le terme de l'expérimentation, de décider des suites qu'il entend lui réserver. Il pourra décider de la prolonger ou de la modifier pour une période qui ne pourra excéder trois ans, de maintenir et de généraliser les mesures prises à titre expérimental ou d'abandonner l'expérimentation.
L'Assemblée nationale a précisé que le législateur se prononcera au vu de l'évaluation qui aura été faite de l'expérimentation.
Dans un souci de sécurité juridique, le projet de loi organique prévoit une période de transition jusqu'à la décision définitive du législateur. Ainsi, le dépôt du projet de loi destiné à décider des suites de l'expérimentation prorogera l'expérimentation pour une durée d'un an au plus. En l'absence de ce projet, aucune mesure ne pourra plus être prise à titre expérimental au-delà du terme fixé par la loi ayant autorisé l'expérimentation.
L'Assemblée nationale a logiquement pris en compte le dépôt d'une proposition de loi ayant ce même objet et qui pourra donc produire les mêmes effets.
Le projet de loi organique étend par ailleurs le cadre général des expérimentations qui seront prévues par la loi aux expérimentations par les collectivités territoriales dans le domaine réglementaire.
Ainsi conçu, ce dispositif permettra d'encadrer très précisément l'expérimentation.
Je rappelle que celle-ci a déjà été pratiquée dans le domaine ferroviaire et qu'elle avait été également plus qu'envisagée par la loi relative à la démocratie de proximité pour l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, pour les ports et les aéroports. Mais, jusque-là, le dispositif n'était pas encadré.
Je pense qu'avec le présent dispositif le Parlement et les collectivités locales disposeront d'un aiguillon important pour mettre en oeuvre le principe de subsidiarité, qui est inscrit dans la Constitution, et pour contourner les conservatismes, les frilosités qui, bien souvent, freinent les réformes.
On l'a vu de manière très claire pour le secteur ferroviaire, c'est le volontariat qui a conduit au succès de l'expérimentation, laquelle a permis une généralisation ultérieure parce que tout le monde a été édifié par l'expérimentation.
Si l'on avait commencé par la généralisation, les réticences auraient certainement été très importantes, et la réforme aurait peut-être été impossible.
L'expérimentation est donc un moyen de promouvoir la réforme : il est entre vos mains. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Longuet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous discutons aujourd'hui d'un dispositif qui s'inscrit dans l'effort de décentralisation engagé par le Gouvernement et dont le lancement a été opéré par la réforme constitutionnelle du 28 mars dernier.
Sur la notion d'expérimentation, je ne vous imposerai pas un discours académique quant aux difficultés de la mettre en oeuvre face à la tradition d'égalité devant la loi de nos compatriotes, pas plus que je n'aurai la volonté de vous ennuyer avec une réflexion sur les inconvénients de l'esprit de système qui nous ont conduits, jusqu'à présent, à chercher des dispositifs uniques, généraux et éternels pour traiter des problèmes qui méritent parfois plus de modestie et plus de pragmatisme.
Je rappellerai simplement que ce texte poursuit et organise, sans doute sans le conclure définitivement, un mouvement qui a été engagé depuis plusieurs années et qui, au sein même de cette assemblée, a suscité des échos et des engagements.
La commission sur l'avenir de la décentralisation, présidée par Pierre Mauroy, avait évoqué cette possibilité d'expérimentation, tout en émettant des réserves ou en invitant à la prudence. En outre, à l'occasion du débat sur la proposition de loi constitutionnelle de Pierre Méhaignerie, qui avait d'ailleurs été adoptée assez largement par l'Assemblée nationale, il avait été suggéré que le principe même de l'expérimentation fasse l'objet d'une modification de la Constitution.
Cette réforme du 28 mars n'était donc pas tout à fait une surprise et il n'est pas, non plus, surprenant aujourd'hui d'en tirer les conséquences avec le présent projet de loi organique.
Ce projet de loi organique a des parrains éminents, notamment en la personne du Président de la République, qui, dans son discours du 10 avril 2002, à Rouen, alors qu'il était candidat - mais, après tout, il est plutôt réjouissant qu'un candidat mette en oeuvre son programme -, proposait, entre l'étatisme jacobin et le fédéralisme importé, une voie moyenne, une voie française, une République des proximités. Il ajoutait immédiatement que cette République des proximités passait nécessairement par la possibilité, pour les collectivités locales, de recourir à l'expérimentation.
En apparence, l'architecture est simple : l'expérimentation est légitime parce qu'elle permet de diviser les risques dans l'espace et dans le temps et « d'esssayer » une formule qui, si elle se révèle pertinente, peut ensuite être généralisée, et cela vaut, comme l'a dit M. le ministre, tant pour la loi que pour le règlement.
Dans l'application de la réforme du 28 mars dernier, deux formes d'expérimentations sont en fait retenues.
Il y a d'abord les expérimentations qui relèvent du législateur en application de l'article 37-1 de la Constitution, dont la mise en oeuvre ne suppose l'adoption d'aucune loi organique.
Il y a ensuite les expérimentations qui relèvent de la faculté ouverte aux collectivités locales par le quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution, dans le cadre des lois d'habilitation, d'être candidates à des expérimentations législatives et réglementaires dans leur domaine de compétence. Ce dispositif est, lui, concerné par le présent projet.
Cette différence n'est peut-être pas aussi claire qu'il y paraît, mais je précise que le législateur, à travers l'application de l'article 37-1 de la Constitution, aura une base constitutionnelle pour autoriser une expérimentation.
Au demeurant, elle existait déjà : de nombreuses lois ont été votées avec une clause de « revoyure » ; la plus célèbre d'entre elles est sans doute la loi de 1975 sur l'interruption volontaire de grossesse, défendue par Mme Veil, mais c'est aussi, plus modestement, le cas des dispositions relatives aux transferts de compétences en matière de transports express régionaux de 1995, complétées en 1997 et devenues définitives en 2002.
L'expérimentation est une méthode de bon sens. Elle dispose désormais d'une base constitutionnelle dans le temps, mais aussi dans l'espace puisque la loi sur le transfert des transports express régionaux prévoyait clairement que cette expérimentation pouvait être limitée non seulement dans le temps, mais aussi à quelques régions.
Les dispositions du quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution sont, elles, au contraire, très nouvelles puisqu'elles permettent au législateur d'autoriser les collectivités locales à se saisir d'elles-mêmes, dans leurs domaines de compétences, et non pas sur n'importe quel sujet, de la possibilité de déroger sur le territoire dont elles ont la charge soit à la loi, soit au règlement.
Y a-t-il une coupure parfaite entre les deux ? Non, et je voudrais évoquer à cet instant, monsieur le ministre, le cas des lois de transfert de compétences.
Les lois de transfert de compétences qui sont en préparation pourront donner lieu, j'en suis convaincu, à des expérimentations. Nous aurons donc à la fois une expérimentation au titre de l'article 37-1 de la Constitution, sur initiative du législateur, et des demandes d'expérimentation qui seront présentées par les collectivités locales au titre du quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution. On peut imaginer que, dans sa sagesse, le Gouvernement proposera vraisemblablement d'adopter, pour la candidature à l'expérimentation au titre de l'article 37-1, des règles découlant directement de celles que nous examinons aujourd'hui et qui sont issues de l'application du quatrième alinéa de l'article 72.
Il reste que, dans un cas, celui de l'application du quatrième alinéa de l'article 72, il s'agira de demandes locales ayant vocation à être généralisées.
L'expérimentation en matière de transferts de compétences contribuera à la mise en oeuvre du principe constitutionnel de subsidiarité. Dire que l'on met en oeuvre le principe de subsidiarité est réjouissant pour l'esprit. Dans la pratique, quel est le niveau de collectivité locale adapté pour exercer telle ou telle responsabilité ? Seule l'expérience peut nous le dire. Or, qui dit expérience dit précisément expérimentation. Les expérimentations relevant du quatrième alinéa de l'article 72 et celles qui relèvent de l'article 37-1 sont donc complémentaires.
Pour conclure sur l'intérêt de la procédure expérimentale, paraphrasant Jacques Bainville lorsqu'il parlait du traité de Versailles, je dirai que aujourd'hui, la loi - le législateur et surtout les administrés s'en plaignent souvent - est à la fois trop ambitieuse dans ses généralités, trop précise dans son descriptif et, finalement, difficile d'application parce qu'elle est trop générale pour ce qu'elle a de précis et trop précise pour ce qu'elle a de général. Formons le voeu que l'expérimentation nous permette d'échapper à ce défaut.
Ayons la lucidité de reconnaître, lorsqu'il faudra passer à l'étape de l'évaluation, puis à celle de la ratification, soit au terme de cinq ans, soit au terme de huit ans, la généralisation d'une expérimentation relèvera naturellement d'un exercice d'analyse et de compromis qui demandera beaucoup de sagesse, de sérénité et, sans doute, accessoirement, de talent.
Je souhaite maintenant évoquer deux points du projet de loi organique tel qu'il a été examiné par l'Assemblée nationale en première lecture.
Le premier concerne la réforme constitutionnelle.
Le Sénat a obtenu que les projets de loi ayant pour principal objet l'organisation des collectivités locales soient examinés en premier lieu par lui.
En l'espèce, le Gouvernement n'a pas estimé que l'article 39 de la Constitution s'appliquait, et je dois dire que j'incline à partager son point de vue, car il convient de distinguer ce qui relève de l'organisation des collectivités locales et ce qui relève des pouvoirs des collectivités locales. Cela étant, puisqu'il s'agit ici d'un projet de loi organique et que, aux termes de l'article 46 de la Constitution - je parle là sous le contrôle du doyen Gélard -, un tel texte est soumis de droit au Conseil constitutionnel, celui-ci sera amené à dire, au fur et à mesure, comment il convient d'interpréter l'article 39 de la Constitution.
Le second point que je souhaite évoquer concerne la prorogation d'une expérimentation. Il faut faire preuve d'imagination et, peut-être, accepter que des principes exceptionnels s'appliquent dans des circonstances plus banales.
Nous savons que les ordonnances deviennent caduques si un projet de loi de ratification n'est pas déposé dans un certain délai, fixé par la loi d'habilitation. En matière d'expérimentation, nous sommes un peu dans le même cas de figure puisque le Gouvernement et l'Assemblée nationale, en première lecture, ont confirmé et enrichi l'idée selon laquelle le simple dépôt d'un projet de loi ou d'une proposition de loi pouvait suffire à proroger d'un an une expérimentation, dans la limite du terme fixé par la loi d'habilitation.
S'agissant du dépôt d'une proposition de loi, cette innovation de l'Assemblée nationale me paraît légitime parce qu'elle permet à l'opposition de rappeler ainsi l'obligation de tirer les conclusions d'une expérimentation.
Cela étant, le dépôt d'un projet ou d'une proposition de loi peut-il, à lui seul, permettre de proroger une expérimentation ? Personnellement, je le crois, puisque le Parlement en a déjà accepté le principe, au-delà des ordonnances, par le biais de la loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003 portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques.
Nous avons là matière à réflexion et nous aurons peut-être, au terme de la saisine du Conseil constitutionnel, un éclairage sur la possibilité que nous ouvrons. Il nous paraît en tout cas de bon sens de faire en sorte que le simple dépôt d'un projet de loi ou d'une proposition de loi permette d'ouvrir une période d'un an - que l'on peut qualifier de « période d'alerte critique » -, pendant laquelle le Parlement doit se prononcer sur un texte déterminant les suites à donner à cette expérimentation. Mais, après tout, qu'il y ait une démarche expérimentale sur une loi organique relative à l'expérimentation est un hommage que nous rendons à la méthode !
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois vous propose, mes chers collègues, d'adopter sans modification le projet de loi organique tel qu'il nous est transmis par l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Mes chers collègues, à la demande de la commission, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à dix-huit heures quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d'aborder le fond du texte que nous examinons, je voudrais dire combien, même après sa discussion à l'Assembléee nationale, même après l'excellente présentation de notre rapporteur, même après vos interventions, monsieur le ministre, à l'Assemblée nationale et ici même, l'obscurité règne pour moi, et j'aimerais que, en dépit des conditions dans lesquelles nous sommes amenés à examiner ce projet, à la fin - je risque le paradoxe ! - de cette interminable session extraordinaire, que tout le monde a envie de voir s'achever (Murmures),...
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Mais non !(Sourires.)
M. Jean-Claude Peyronnet. ... nos travaux d'aujourd'hui permettent de clarifier un peu les choses. Car, je le dis avec humilité : je n'ai pas tout compris !
Hélas ! je me demande si cette absence de clarté n'est pas consubstantielle à la méthode que vous avez délibérément choisie et si, finalement, le fond rejoignant la forme, nous n'avons pas là une illustration nouvelle de nos divergences : vous et nous sommes décentralisateurs, mais nous ne voulons pas mettre en place la même décentralisation !
Voilà un projet qui aurait dû préciser les conditions d'habilitation des dérogations législatives et réglementaires. Il aurait dû fixer des normes et des bornes, au-delà de simples procédures générales sans grand intérêt politique. Il aurait dû définir un cap clair, au-delà de slogans d'accompagnement qui ne donnent guère à penser.
Or la question me semble toujours être : que veut faire le Gouvernement, sinon, comme vous le disiez un jour, monsieur le ministre - je n'ai pas la citation exacte, mais je ne crois pas trahir votre pensée - créer ce que je vais appeler le « mouvement décentralisateur perpétuel ». Est-ce bien cela, monsieur le ministre ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Permanent ! C'est bien moins ambitieux !
M. Jean-Claude Peyronnet. Perpétuel, ce n'est pas mal non plus ! (Sourires.)
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Permanent, cela évoque plutôt Trotski ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Claude Peyronnet. Cela peut se comprendre, après tout, à condition que ce ne soit pas un mouvement brownien !
Sans parler d'agitation, on peut parler de confusion des objectifs, ce qui autorise à craindre que le moindre aléa de la conjoncture ne puisse désorienter, ou en tout cas entraîner un changement de cap.
Ainsi, le résultat du référendum corse, pour une réforme présentée moins comme spécifique qu'exemplaire, aura-t-il sans doute pour effet de geler pendant longtemps toute évolution administrative importante. Voyez les Alsaciens !
Certains se félicitent du résultat, d'autres deviennent très prudents quant au recours à cette procédure de consultation qu'ils imaginaient prochaine. Si la méthode avait été différente, si l'objectif d'une rénovation administrative de la France - pas forcément uniforme - avait été défini par le Parlement, sur proposition du Gouvernement, après un vrai débat national public et clair, et non pas par des assises convenues et stériles, ni par ce projet de loi, qui pourrait aboutir à une sorte de patchwork administratif ingérable, alors, le mouvement de réforme administrative aurait pu continuer. Je crains qu'il ne soit carrément arrêté, et pour longtemps !
Tout cela démontre que laisser libre cours dans ces domaines à la seule initiative locale libère, là aussi, les énergies ; comme vous dites, c'est-à-dire libère les appétits et conduit inexorablement à l'échec parce qu'il se démontre ainsi que le mouvement perpétuel en ces matières - comme en physique, d'ailleurs - risque de s'arrêter bien vite faute tout simplement d'un objectif clairement défini et circonscrit. Le mot de décentralisation ne doit pas être mis à toutes les sauces, il est trop important pour être galvaudé et, à force d'en faire trop et jusqu'à en faire le principal moteur du dynamisme que vous appelez de vos voeux, vous suscitez un rejet d'une extrême gravité. Certes, tel n'est pas votre objectif, mais il est difficile de ne pas déceler dans l'opinion, qui ne voit pas l'intérêt d'une politique aussi confuse, un recul désastreux de l'idée de décentralisation, qui perd de plus en plus sa connotation positive.
Il s'agit de ne pas galvauder le mot pour ne pas déconsidérer la chose et, pour cela, de toujours clairement préciser le but avec cette question : pourquoi et qu'est-ce que cela va apporter en mieux ?
Il ne s'agit pas non plus de se payer de mots : lorsque le Premier ministre, à Versailles, y voit la promesse d'une croissance économique extraordinaire et d'une baisse des impôts, il fait rire tout le Congrès jusque dans ses propres rangs (M. Roger Karoutchi fait un signe de dénégation), mais surtout il décrédibilise l'idée. Il s'agit donc de préciser le but et la finalité : quelle France voulons-nous ? Unitaire avec des adaptations locales dans l'application des lois et règlements ? Ou fédérale avec pour l'Etat central des compétences régaliennes résiduelles par rapport aux pouvoirs locaux prédominants ? Nous sommes toujours, en fait, dans ce débat.
Vous vous défendez, en nous accusant de faire un procès d'intention, d'être fédéralistes. Toutefois, le voyage du Premier ministre en Allemagne, présenté par tous les médias comme un voyage d'étude sur le système fédéral allemand, n'est pas pour nous rassurer, outre l'incongruité d'une telle démarche de la part d'un Premier ministre qui a lancé le mouvement, perpétuel ou non, depuis plus d'un an. Au demeurant, ce voyage était-il bien opportun, à moins d'aller s'informer sur ce qu'il ne faut pas faire ? (M. Roger Karoutchi lève les bras au ciel.) Les journaux sont pleins des quasi-faillites de nombre de collectivités allemandes, dont la ville de Berlin, ce qui est aussi la faillite d'un système pourtant fortement ancré dans la réalité historique germanique. J'espère que M. le Premier ministre en est revenu convaincu des vertus du rôle majeur que l'Etat doit continuer à jouer même dans une France décentralisée.
Comme ses objectifs ne sont pas clairs, il a tout le loisir de les redéfinir. Je le dis avec sérieux et gravité : j'ai l'impression que le Gouvernement ne sait pas où il va, et les choses ne s'améliorent pas depuis des mois.
Nous avons dénoncé les dangers, notamment par imprécision, de la réforme constitutionnelle, et l'on nous avait dit alors que les lois organiques clarifieraient les choses. Je constate que, sur le plan financier, rien n'est clarifié et que, s'il est raisonnable, le Parlement ne devrait pas voter une loi de transfert des compétences sans savoir quel en sera le coût ; il faudrait donc d'abord traiter des finances.
Je constate aussi que la présente loi organique n'apporte aucune clarification sur le fond et qu'elle renvoie à une série de lois simples. Jusqu'à quand va-t-on poursuivre cette fuite en avant ? Jusqu'à quand va-t-on traiter un si beau sujet par des lois minimales successives ? Jusqu'à quand va-t-on poursuivre ce « meccano » qui, en plaçant une vis ici, un écrou là, au vu des fragilités de l'édifice successivement constatées, risque de produire un monstre administratif instable, illisible et inefficace ?
J'en viens donc à votre projet de loi, qui est une illustration de ces propos, monsieur le ministre.
Je ne traiterai pas, sinon pour en sourire, de la non-application de l'article 39-2 révisé de la Constitution qui impose pourtant la primauté d'examen par le Sénat des textes sur la décentralisation. M. le rapporteur justifie laborieusement ce choix - avec les incertitudes qui figurent dans son rapport - par le fait qu'il ne s'agirait pas ici de l'organisation des collectivités. Mon ami Jean-Pierre Sueur vous dira pourquoi il se trompe, avec le Gouvernement, et pourquoi donc le Conseil constitutionnel devrait sanctionner un tel manquement.
Pour ma part, je me contenterai de dire à la majorité du Sénat, ou plutôt de redire, qu'elle avait bien tort de se féliciter à grand bruit de ce qui était présenté comme une grande victoire pour la Haute Assemblée et qui n'était en fait que l'expression d'une satisfaction d'amour-propre dont on voit ici la vacuité. En fait, comme aujourd'hui dans ce débat, et quelles que soient vos réticences de couloir, vous abandonnez les droits du Sénat en refusant d'amender, en votant systématiquement les textes conformes, en renonçant de fait à votre esprit critique au profit d'un accroissement de pouvoir théorique, que le Gouvernement vous enlève quand il le veut, et que de toute façon vous ne voulez pas exercer.
Plus sérieusement, dans le discours que vous avez prononcé à l'Assemblée nationale, monsieur le ministre, lors de la discussion conjointe - j'insiste bien sur ce terme - des deux textes que nous examinons aujourd'hui successivement, vous avez indiqué à bon droit qu'il y avait deux types d'expérimentations : celle de l'article 72 et celle de l'article 37-1 de la Constitution. C'est très juste.
La première concerne en fait la dérogation possible aux lois et règlements pour les collectivités locales. Elle nécessitait une révision constitutionnelle ainsi, sans doute, que la loi organique que nous examinons en première lecture après l'Assemblée nationale. Je dis « sans doute », parce que je ne suis pas complètement convaincu de l'importance de cette loi.
La seconde concerne les compétences transférées de l'Etat vers les collectivités et ne nécessite pas de révision constitutionnelle puisqu'une telle méthode fut déjà utilisée pour le RMI ou pour la CMU, il y a donc fort longtemps.
Apparemment donc, les choses sont claires.
En fait, elles sont confuses, et vous-même, monsieur le rapporteur, mélangez l'« expérimentation-compétence » et l'« expérimentation-dérogation ». En voici la preuve : « L'expérimentation sera limitée à cinq ans. Le précédent en matière ferrovaire montre que c'est un délai raisonnable. »
L'expérimentation en question concerne les lois et règlements et l'expérimentation du transport ferroviaire concerne les compétences. Je crois qu'il y a là une confusion. Comment voulez-vous que l'on s'y retrouve ? Une telle confusion est-elle fortuite ? Je crains que non et qu'elle n'ait pour but, en combinant les articles 72 et 37-1, de permettre des évolutions institutionnelles et organisationnelles qui ne seront pas visibles ou qui le seront peu, mais qui entraîneront des conséquences lourdes. Pourrait-on mieux dire sur cette méthode que ne le dit M. le rapporteur : « L'Assemblée nationale, sur proposition de sa commission des lois, acceptée par le Gouvernement, a souhaité éviter de donner le sentiment que les collectivités territoriales disposeraient d'une habilitation générale à déroger à la loi. »
Autrement dit, cette dérogation que le Gouvernement souhaitait, par application sans doute du fameux mouvement perpétuel ou permanent, a été corrigée dans la forme mais non dans le fond par l'Assemblée nationale. On est ainsi constamment dans le non-dit, l'incertitude ; c'est fâcheux sur le plan du droit parce que trop souvent vous confiez au juge - nous l'avions dénoncé lors de la révision et cela se confirme - le pouvoir de décider du droit à notre place. C'est surtout fâcheux sur le plan politique parce que cela permettra de la part du Gouvernement toutes les inflexions. Nous votons une loi incertaine qui laisse les mains libres au Gouvernement pour faire à peu près ce qu'il voudra.
Quoi qu'il en soit, je vais vous poser deux questions précises qui sont réellement de fond.
Je suis aidé dans ce travail par l'excellent rapport de M. Longuet - je le dis sans flagornerie et ce n'est pas une clause de style : c'est un rapport simple, clair dans une matière confuse, un rapport honnête qui ne masque pas les difficultés. Mais précisément, ce faisant, monsieur le rapporteur, vous me semblez aller très loin dans l'interprétation du projet de loi et de ses conséquences. Cela n'est pas sans faire naître de nouvelles contradictions, mais cela a l'immense mérite de permettre une interrogation du Gouvernement sur les points obscurs ou litigieux.
Je centrerai donc mon propos sur deux séries de questions qui me semblent de fond et qui pour moi ne sont pas claires. Je dis cela tout à fait honnêtement et en toute humilité. Ces questions sont précises quoique complexes, elles appellent des réponses précises, sauf à considérer que la confusion est volontairement entretenue.
Première question : est-il possible de combiner les articles 72 et 37-1 de la Constitution pour permettre le passage de la dérogation expérimentale - je préférerais ce terme à celui « d'expérimentation », qui entraîne une confusion dans les esprits - au transfert de compétences par le biais de la loi d'habilitation ou, hors du champ de cette dernière, par le biais d'une autre loi, notamment de la loi de transfert en se libérant des règles hors du champ du transfert et des règles qui lui sont associées ?
La question pourrait paraître saugrenue et entrer dans le registre du procès d'intention, mais la puce qui somnolait mollement dans mon oreille s'est agitée à la lecture du rapport de M. Longuet. (M. le ministre feint d'écraser la puce sur son pupitre. - Sourires.)
A la page 36, je suis intrigué par votre conclusion, monsieur le rapporteur. Après avoir rappelé les conditions nécessaires au respect « des libertés publiques ou d'un droit constitutionnellement garanti » lors de la procédure d'expérimentation, ce que j'approuve, après avoir signalé, que, comme le rapporteur de l'Assemblée nationale, vous renoncez à énumérer ces droits et libertés pour en confier l'établissement à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, ce que je regrette vraiment, après avoir rappelé, ce qui est juste, que l'article 72 fixe les conditions d'exercice des compétences transférées au titre de l'article 37-1 de la Constitution, vous déclarez : « Il n'en demeure pas moins qu'une même loi pourra bien évidemment, à titre expérimental, prévoir un transfert de compétences au profit de certaines collectivités territoriales et, dans le même temps, les autoriser à déroger aux dispositions législatives qui en régissent l'exercice. » (M. le rapporteur fait un signe d'approbation.)
La référence à une « même loi », d'une part - quelle loi ? - et à un « même temps » me donne à penser qu'en combinant finement article 72 et article 37-1, en marge du champ de la loi d'habilitation et hors de la loi de transfert de compétences, il sera possible d'arriver à un véritable bouleversement institutionnel, de façon opaque et pour tout dire complètement masquée !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Non !
M. Jean-Claude Peyronnet. Je ne peux imaginer que mon interprétation soit la bonne, et je me tourne vers vous, monsieur le ministre, pour lever mes doutes et ceux de mes amis politiques.
Dans le droit-fil de ce transfert possiblement masqué des compétences, il me semblerait nécessaire que vous nous rassuriez aussi sur les relations que vous imaginez entre les collectivités territoriales, domaine que vous évoquez, toujours dans l'examen de l'article L.O. 1113-1 du code général des collectivités territoriales, au sujet des compétences partagées.
Il ne me semble pas que les règles régissant celles-ci soient précisées dans le projet de loi. Vous imaginez donc, dans le silence du texte, que c'est par le biais des collectivités « chef de file » que les dérogations pourraient se faire. Ce serait donc non pas chaque collectivité de niveau différent qui serait autorisée à déroger, mais la seule collectivité chef de file. Il y a bien là toute la confirmation de notre inquiétude, à savoir la tutelle possible d'une collectivité sur une autre, incluse dans ces deux phrases contradictoires du quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution : l'une l'interdisant, l'autre l'autorisant au moyen de la préposition « cependant ».
Plus explicite encore dans le glissement de l'expérimentation-dérogation à l'expérimentation-compétence, ce que vous écrivez à la page 30 de votre rapport, monsieur le rapporteur : selon vous - est-ce l'avis de M. le ministre ? -, et vous l'avez répété tout à l'heure, les dérogations peuvent s'appliquer aux transferts expérimentaux de compétence. Soit !
Mais vous allez beaucoup plus loin : « De surcroît, il sera sans doute intéressant de mettre en place des expérimentations prévoyant à la fois le transfert de certaines compétences à des collectivités territoriales et de les autoriser à déroger aux règles qui en régissent l'exercice. Ainsi, les régions pourraient-elles, simultanément, se voir confier la gestion des collèges, en sus de celle des lycées, et être autorisées à modifier certaines dispositions législatives et réglementaires qui régissent l'exercice de cette compétence afin de les adapter aux situations locales ».
Je crois effectivement que votre interprétation est la bonne, sous réserve de confirmation par M. le ministre. Mais nous voyons que nous nageons de plus en plus dans la confusion et que, là encore, la dérive est évidente entre les articles 72 et 37-1. Et ce n'est pas querelle de mots puisque l'on passe ainsi de la dérogation limitée au transfert subreptice de compétences.
On m'objectera que c'est pour peu de temps, que c'est limité à certaines collectivités.
En fait, se pose la deuxième question que je souhaite évoquer : celle de la généralisation.
C'est une question majeure parce qu'elle détermine la conception de la France que vous voulez construire. Dans l'exemple précédent, y aurait-il la région Bretagne avec la compétence collège et lycée et, à côté, la région Pays de Loire avec la seule compétence lycée ?
M. Gérard Longuet, rapporteur. Pourquoi pas ?
M. Jean-Claude Peyronnet. Ce sujet n'est pas majeur, et je concède que les grands principes républicains ne seraient pas mis en cause dans cette affaire de gestion.
Mais, au nom de la spécificité, vous évoquez le pouvoir de mettre en oeuvre, dans le respect de l'unité nationale, dites-vous - ce que je ne saurais approuver - certaines dispositions particulières. Je voudrais montrer comment, à partir de l'exemple cité, on peut arriver de façon souterraine à bouleverser le paysage institutionnel, et surtout les règles de droit. On va retrouver là la question de la généralisation.
Au bout de quelques années, cinq ou neuf ans, selon ce que nous voterons,...
M. Roger Karoutchi. Huit ans !
M. Jean-Claude Peyronnet. ... la question se posera de l'abandon de cette mesure ou de sa généralisation, car c'est à l'article L.O. 1113-6 la seule possibilité, que j'approuve d'ailleurs, au nom de l'unité nationale.
Vous voyez bien comment la généralisation aurait entraîné, par la loi d'habilitation, un changement radical dans les compétences emblématiques des régions et des départements puisqu'on étendrait l'expérimentation bretonne à l'ensemble de la France, retirant ainsi la gestion des collèges aux départements.
Supposons maintenant que la Bretagne, au nom de sa spécificité, obtienne une dérogation aux règles limitant les subventions en investissements pour les établissements privés d'enseignement au titre de la loi Falloux,...
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Oui, on peut le faire !
M. Jean-Claude Peyronnet. ... à titre expérimental, bien sûr, et pour une durée limitée. Sauf que, là encore, ce n'est pas une vue de l'esprit, il faudra ultérieurement soit abandonner, soit généraliser. Heureusement que vous ne serez plus au pouvoir à ce moment-là (M. Paul Blanc s'esclaffe),...
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Nos enfants, si ! (Sourires.)
M. Jean-Claude Peyronnet. ... car vous auriez démontré l'oeuvre du mouvement perpétuel ou permanent activé par une machinerie dissimulée mais efficace.
Eh bien, mesdames, messieurs, décidément, les risques liés aux ambiguïtés volontaires sont trop grands, et nous ne vous suivrons pas sur ce terrain, qui met en cause de façon subtilement masquée de grands principes républicains, celui d'égalité à coup sûr, mais éventuellement d'autres par ricochet, comme celui de la laïcité.
Vous allez dire : « Décidément, les socialistes sont incorrigibles et toujours contre tout. » Non ! Je le répète, nous sommes aussi décentralisateurs que vous, mais pas au prix de la remise en cause des grands principes républicains.
Au nom de ces grands principes, nous ne sommes même pas hostiles aux dérogations réglementaires ou législatives. Mais pas comme ça ! Vous voyez bien que votre système ne fonctionne pas. Comment, après avoir adapté la loi littoral, par exemple, à titre expérimental, allez-vous abandonner cette expérimentation alors même que des constructions auront, par hypothèse, été réalisées par dérogation en bord de mer ? Mais surtout, à l'inverse, le choix étant obligatoirement entre abandon et généralisation, comment allez-vous généraliser des dispositions très spécifiques qui peuvent se justifier localement ?
Il nous semblerait tellement plus simple de réformer la loi spécifique à tel objet que de passer par la loi d'habilitation ! Définir dans la loi montagne, par exemple, les cas de dérogations possibles nous semble souhaitable. Dans le cas présent, passer par l'habilitation avec la généralisation qui s'ensuit nous semble inacceptable, sauf à remettre en cause la loi spécifique elle-même.
Dès lors, vous êtes pris dans une sorte d'impasse : ou bien vous renoncez à la généralisation - mais alors quid de l'unité nationale ? - ou bien vous maintenez la généralisation obligatoire et vous rencontrez d'autres inconvénients majeurs, sans oublier le non-respect des « droits et libertés » des collectivités qui n'auront pas demandé à bénéficier de telle ou telle disposition que la généralisation leur imposera.
Vous le voyez, nous attendons vos explications avec intérêt, mais vous sentez bien qu'il est peu probable que vous nous convainquiez d'approuver le projet de loi organique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, après le vigoureux plaidoyer de Jean-Claude Peyronnet, nous nous interrogeons sur le rapport qui existe aujourd'hui entre la décentralisation, telle que vous la concevez, et l'opinion, la citoyenneté, la démocratie dans notre pays, et nous pensons qu'un certain nombre d'événements récents devraient vous inciter à la réflexion. Bien sûr, il y a eu le référendum en Corse. Mais, surtout, très nombreux ont été nos concitoyens à défiler dans les rues en scandant : « Non à la décentralisation ! »
Monsieur le ministre, depuis 1982 et les lois qui ont été votées sur l'initiative de François Mitterrand, Pierre Mauroy et Gaston Defferre, c'est-à-dire pendant vingt ans, je n'ai pas le souvenir que des manifestations aient été organisées contre la décentralisation.
M. Roger Karoutchi. Nous, nous jouons le jeu de la démocratie !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous arrivez au pouvoir, vous présentez votre conception de la décentralisation et l'on voit de très nombreux citoyens faire part de leurs peurs, leurs angoisses, leur mécontentement par rapport à la décentralisation.
M. Roger Karoutchi. Jamais manipulés !
M. Jean-Pierre Sueur. Mais, mon cher collègue, les citoyennes et les citoyens qui s'expriment ne sont pas des gens que l'on manipule !
M. Louis de Broissia. Non : il y a eu des élections l'année dernière.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est un fait : pendant vingt ans, la décentralisation a suscité une grande approbation au travers de toutes les étapes qu'elle a traversées, alors qu'en une année à peine...
M. Louis de Broissia. Parce que vous avez perdu !
M. Jean-Pierre Sueur. ... sont apparues de grandes difficultés.
Pour quelles raisons ? Tout d'abord, il règne une certaine confusion. Or nous craignons qu'avec cette loi vous n'ajoutiez encore à la confusion et à la complexité.
Par ailleurs, certains préalables ne sont pas explicités. Nombreux sont ceux qui craignent, nous l'avons vu ces derniers mois, que tel transfert, ou tel changement, ne mette en cause le service public, particulièrement l'égalité des citoyens par rapport au service public.
En outre, il ne faut pas oublier les questions d'ordre financier. Je me souviens que M. le Premier ministre s'était engagé à prendre des dispositions financières. La commission pour l'avenir de la décentralisation, présidée par M. Pierre Mauroy, l'avait d'ailleurs préconisé dans son rapport. Elle avait établi qu'il fallait apporter des précisions dans ce domaine avant d'engager un certain nombre de changements.
Certes, la péréquation est inscrite dans la Constitution, mais, à ce jour, nous n'avons pas entendu un mot sur le début du commencement de la mise en oeuvre d'une péréquation plus importante que ce qu'elle est aujourd'hui. Or nous ne sommes pas satisfaits de la situation actuelle, même si nous savons qu'elle résulte de l'action de gouvernements de différentes couleurs politiques. Vous aviez pourtant dit que vous prendriez cette question à bras-le-corps. Compte tenu des changements importants que vous voulez opérer, si des dispositions relativesau financement et à la manière dont les collectivités locales pourront faire face à leurs charges nouvelles ne sont pas prises, nous serons dans une situation extrêmement difficile.
Le projet de loi dont nous débattons, monsieur le ministre, ne comprend pas un seul mot sur les conséquences financières de l'expérimentation. Comment sera-t-elle financée ? Comment les charges nouvelles seront-elles compensées ? Nous n'en savons rien !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. C'est dans la Constitution !
M. Jean-Pierre Sueur. D'autres questions suscitent l'inquiétude dans ce projet de loi, en particulier le délai que vous prévoyez pour l'expérimentation. Il est prévu cinq ans, plus éventuellement trois ans, plus éventuellement un an, c'est-à-dire neuf ans, soit un mandat sénatorial « ancienne formule ». (Sourires sur les travées de l'UMP.) C'est beaucoup ! En effet, à nos yeux, l'expérimentation doit être limitée dans le temps, afin que l'on puisse, au bout de quatre ou cinq ans, porter un jugement et décider soit d'abandonner soit de généraliser.
Il faut encore ajouter « l'année supplémentaire », mais je reviendrai sur ce point en défendant l'exception d'irrecevabilité, car les conditions dans lesquelles cette prolongation pourrait avoir lieu nous semblent poser un problème constitutionnel de grande ampleur.
Je souhaite insister un court instant sur la grande confusion dans laquelle nous risquons de nous trouver en appliquant les articles 37 et 72 de la Constitution eu égard aux interprétations qui en sont faites dans le présent débat et dans les rapports de l'Assemblée nationale et du Sénat.
M. Peyronnet a déjà cité des extraits du rapport de M. Longuet. Je veux citer, à la page 30, cet autre extrait : « En pratique, dites-vous, mon cher collègue, les conditions et la procédure définies par la loi organique pour qu'une collectivité territoriale puisse être habilitée à déroger aux dispositions législatives ou réglementaires régissant l'exercice de ses compétences devraient également s'appliquer aux demandes concernant des transferts expérimentaux de compétences. Elles s'inscrivent, au demeurant, dans le droit-fil de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, antérieure à la révision constitutionnelle, concernant toute expérimentation. »
Si je vous lis bien, monsieur le rapporteur, il y a une habile combinaison des deux dispositions et, à terme, nous ne savons plus très bien où nous en sommes. Cette question mérite des éclaircissements.
Nous sommes favorables à l'expérimentation, qui a d'ailleurs déjà été pratiquée, cela a été rappelé, dans le domaine ferroviaire ou dans la mise en oeuvre de telle ou telle prestation sociale.
Mais le principe doit être clair : la loi est générale, elle s'applique à l'ensemble du peuple français. Il est judicieux que l'on puisse l'expérimenter à telle partie ou ensemble de collectivités locales, de telle manière que l'on puisse voir les effets qu'elle produit avant de la généraliser.
Nous craignons cependant que l'ensemble du dispositif mis en place, compte tenu de la longueur des expérimentations et de la difficulté de revenir en arrière, ne crée une France en patchwork, dans laquelle toute une série de collectivités locales mettront en oeuvre des dispositions différentes les unes des autres. L'expérimentation aboutirait alors à une sorte d'éclatement, au lieu de permettre à la loi commune d'être préparée et mise en oeuvre dans les meilleures conditions.
Nous avons vécu, au cours des semaines précédentes, un événement qui nous a beaucoup marqués, s'agissant des marchés publics.
Le projet de décret préparé par M. Mer était totalement ahurissant. Vous vous souvenez de l'idée première du Gouvernement, qui était de porter le seuil à 6,2 millions d'euros. Ce seuil a heureusement été abaissé à 240 000 euros : quelle chute, mais quelle chute salutaire ! Je sais que M. le Premier ministre y a veillé, et il a eu raison. Beaucoup d'élus de tous bords politiques y ont également veillé, et ils ont eu raison.
Ce projet de décret comprenait en outre un dispositif auquel M. le ministre des finances semblait beaucoup tenir : en dessous du seuil, il ne fallait pas de règle. Chaque collectivité devait pouvoir inventer les règles qui lui paraîtraient les meilleures pour assurer la publicité, la mise en concurrence, la transparence, etc.
Nous avons protesté parce que nous ne voulons pas d'une France dans laquelle chaque collectivité définit la règle, définit sa petite partie de loi. Nous pensons que l'expérimentation, conduite d'une certaine manière, peut porter atteinte à l'unité de la République. Nous voulons l'expérimentation pour de meilleures lois pour tous. Or rien ne garantit que le processus que vous mettez en place renforcera l'égalité, l'équité, la justice entre nos territoires et nos collectivités locales.
Ce point demande à être clarifié, et nous pensons que cette clarification est nécessaire eu égard à la conception de la République qui est la nôtre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est M. Pierre Mauroy.
M. Pierre Mauroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes saisis aujourd'hui d'un projet de loi organique relatif à l'expérimentation. L'Assemblée nationale a été amenée à se prononcer très récemment sur ce texte pris en application de l'article 72, alinéa 4, de la Constitution, tel qu'il a été modifié par la révision constitutionnelle du 28 mars 2003.
Je dois vous dire que ma première réaction à ce texte fut une réaction de surprise. En effet, notre assemblée n'a été saisie qu'après l'Assemblée nationale, alors qu'il me semblait qu'avait été votée une disposition constitutionnelle donnant au Sénat la priorité en matière d'examen des projets de loi « ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales ».
Mme Nicole Borvo. Absolument !
M. Pierre Mauroy. Je m'interroge donc sur cette révision de l'article 39 de la Constitution que nous avons modifiée le 28 mars dernier. On peut s'étonner que la majorité sénatoriale n'ait pas cherché à faire respecter une disposition constitutionnelle pour laquelle elle s'était battue avec force il y a quelques mois.
Notre Haute Assemblée n'en finit pas de surprendre ! Soucieuse de défendre, dit-elle, la démocratie, elle veille à se protéger de l'alternance, et c'est bien là l'anomalie. Réclamant plus de prérogatives, elle refuse une représentativité plus juste des sénateurs lors de leur élection. Privilégiant plus que de raison les territoires et leurs structures traditionnelles, elle s'apprête à voter aujourd'hui une loi génératrice d'embrouilles, et surtout d'inégalités.
Et pourtant, le texte proposé porte le beau nom d'expérimentation des collectivités territoriales. Ce projet de loi voudrait s'inscrire dans une réforme plus large, souhaitée par les socialistes, d'ailleurs, que j'ai pris l'habitude de qualifier « d'acte II de la décentralisation. »
Cet acte II est important et il me tient particulièrement à coeur, comme il tient à coeur à l'ensemble des membres du groupe socialiste de cette assemblée. Car envisager une décentralisation plus ample, c'est aspirer à refonder l'action publique locale, c'est transformer nos modes de décision et d'exercice du pouvoir, c'est aussi inciter la société civile et nos concitoyens à se saisir des affaires publiques, et c'est aussi prendre en compte les évolutions territoriales du pays.
C'est enfin refonder le pacte républicain, en admettant que l'unité du pays s'ancre désormais dans l'autonomie et la diversité de ses collectivités. C'est d'ailleurs dans ce sens, avec le souci de cette refondation démocratique de nos institutions, que Lionel Jospin m'avait confié la mission de conduire les travaux de la commission pour l'avenir de la décentralisation. Et, il faut bien le dire, avec la lutte contre le cumul des mandats, avec la réduction du mandat présidentiel, grâce aussi aux lois sur la parité et sur la démocratie de proximité, cette réforme était sur la bonne voie.
Aujourd'hui, le Premier ministre, vous-même, monsieur le ministre, et l'ensemble du Gouvernement vous nous avez dit être très attachés à une avancée de la décentralisation. Mais très vite, vous avez voulu faire de ce grand dessein, de cette belle idée à laquelle nous souscrivons, une sorte de concours général entre la droite et la gauche. A ce jour, vous êtes en train de perdre votre pari !
M. Louis de Broissia. Quel pari ?
M. Pierre Mauroy. Au cours des débats de ces derniers mois, les ministres ont bien souvent repris à leur compte, pour se justifier, les travaux de la commission que j'ai eu l'honneur de présider. Je rappelle qu'à l'époque, quelques mois avant la remise du rapport, en octobre 2000, la majorité actuelle avait refusé d'accepter les conclusions de nos travaux et avait préféré se retirer. Oh, bien sûr, je n'étonnerai personne en disant qu'il s'agissait d'un geste politique ! Et M. Raffarin lui-même, qui participait aux travaux de cette commission, avait souligné qu'il existait deux conceptions de la décentralisation : « La vôtre, m'avait-il précisé, n'est pas la nôtre. » On le constate aujourd'hui, effectivement !
C'est ce qui nous amène à rejeter les différents projets de lois que vous nous proposez : dont acte !
Nous sommes, quant à nous, attachés à la décentralisation, car elle ne se limite pas à une répartition juridique des pouvoirs. Non, bien plus que cela, elle doit participer, à nos yeux, à la construction d'un projet de société plus juste et plus solidaire, en assurant la justice sociale entre les citoyens et l'égalité des chances entre les territoires.
La décentralisation, telle que nous la défendons, doit tendre à adapter l'organisation de nos collectivités et leurs compétences aux aspirations des Français, qui attendent un Etat présent sur ses missions d'autorité, de solidarité nationale, de garantie des principes de libertés et d'accès au service public.
Tels sont les enjeux de cet acte II de la décentralisation, telle est la vision claire que nous appelons de nos voeux... et que nous ne retrouvons pas dans les projets successifs présentés par le Gouvernement.
A ce jour, monsieur le ministre, la décentralisation renvoie une image brouillée. On vient de vous le dire, et je me permets de vous le répéter : cette idée ne peut pas être contestée. La décentralisation est de plus en plus incomprise du fait d'annonces sur le transfert massif de personnels de l'éducation nationale sans concertation, ni avec leurs représentants, ni avec les élus, ce qui a entraîné les vives réactions que l'on sait des enseignants solidaires des ATOSS et des personnels médicosociaux. Le Gouvernement a d'ailleurs reculé sur ce point et renvoyé ce dossier à plus tard. Il a bien fait. Il n'a pas pu faire autrement.
Ainsi, au milieu d'une crise sociale grave concernant les retraites, la décentralisation suscite scepticisme, désaffection, et même, pour certains, rejet.
Comment voulez-vous qu'il en soit autrement lorsqu'on sait que des milliers de personnes ont protesté dans des défilés interminables, mais justifiés ? Au-delà des problèmes sociaux et de la retraite, ils se sont prononcés sans nuance contre la décentralisation. Par conséquent, l'idée ne pouvait que reculer devant la nation, devant les citoyens et les citoyennes.
Brouillage encore à propos de textes législatifs équivoques - pour nous en tout cas, nous nous en sommes expliqués - sur les places respectives de l'Etat et des territoires. Dois-je rappeler que la loi constitutionnelle a elle-même suscité des réactions vives au plus haut niveau de l'Etat, autour de l'affirmation première d'une République décentralisée ? Le problème n'est pas que de pure sémantique puisque nous le retrouvons dans tous vos textes qui mettent en doute l'exception française face aux Etats fédéraux européens. Voilà la véritable question.
Brouillage enfin avec le projet de loi organique d'aujourd'hui. Nous, nous l'avons dit - et nous l'avons fait -, nous sommes tout à fait partisans d'octroyer aux collectivités territoriales des possibilités d'expérimentation, mais tout de même dans une relative simplicité et dans la clarté.
Bien encadrée, l'expérimentation accrédite l'idée que la décentralisation est un exercice de liberté, de responsabilité et plus encore d'initiative. Mais, là encore, votre projet suscite une impression de morosité, alors que les enquêtes d'opinion montraient, il n'y a pas si longtemps, que la décentralisation avait la faveur de nos concitoyens.
Comme vous, je lis les journaux, je consulte les sondages. Qu'y voit-on à propos de la décentralisation ? Le scepticisme généralisé et la méfiance des Français... Aujourd'hui, les Français mettent la décentralisation dans les dernières de leurs préoccupations ! De nombreux sondages sont parus avant l'intervention du Président de la République le 14 juillet, à propos des thèmes que les Français souhaitaient qu'il abordât : en tête, l'emploi ; en queue de peloton, dans tous les sondages, la décentralisation.
La décentralisation est moins crédible, c'est un échec pour un projet au coeur de l'action du Premier ministre et du Gouvernement.
Le vote négatif des Corses va aggraver les incertitudes. Je ne l'aborde pas et je ne doute pas de la volonté du Gouvernement de n'accepter ni la violence ni l'impunité. Sur ce point, la loi républicaine est la même pour tous.
La loi organique que vous proposez s'inscrit donc dans une situation bien dégradée. J'ai la mission de souligner cet aspect politique de la situation. On ne peut pas s'enfermer dans des débats techniques lorsque le problème politique se pose avec une telle acuité.
Vous le savez, les socialistes ne sont pas hostiles au principe de la démarche expérimentale. D'ailleurs, l'expérimentation existe déjà dans les faits et dans de nombreuses lois. Elle concerne souvent les modes d'organisation de la fonction publique, ainsi que le transfert de certaines compétences de l'Etat aux collectivités territoriales.
Elle s'applique aussi dans le domaine des télécommunications, M. Sueur vient de le rappeler, et du transport ferroviaire. Encore dernièrement, la loi relative à la démocratie de proximité, adoptée en février 2002, a confié aux régions, à titre expérimental, des compétences nouvelles en matière de développement des ports maritimes, des aérodromes et de patrimoine culturel.
Jusqu'alors, on connaissait donc l'expérimentation-transfert de compétences, où les collectivités locales ne sont pas maîtresses des procédures d'expérimentation ; elles se conforment à des lois et règlements qui comportent des dispositions expérimentales. Sur ce plan, le champ est largement ouvert.
Mais ce que vous proposez dans ce projet de loi organique est de nature différente et va beaucoup plus loin. Il s'agit en effet de déroger, en application du nouvel article 72, alinéa 4, de la Constitution, certes à titre expérimental, aux législations et aux règlements qui régissent une compétence. C'est ce qu'on pourrait appeler « l'expérimentation-dérogation ». Dans ce cadre, l'initiative des collectivités territoriales en matière d'expérimentation se limite, sous certaines conditions, à décider si elles sont ou non candidates à l'offre d'expérimentation proposée par la loi ou l'autorité réglementaire.
Néanmoins, la mise en oeuvre des expérimentations, c'est-à-dire la posssibilité pour les collectivités territoriales de déroger aux lois et règlements qui régissent les compétences qu'elles exercent, risque d'entraîner des initiatives nombreuses, on vient de le rappeler, dispersées et sans cohérence entre elles, qui pourraient fragiliser le respect des principes républicains d'égalité et de solidarité.
Déjà le groupe socialiste, qui a voté en janvier 2001 - M. le rapporteur vient de le rappeler - la proposition de loi constitutionnelle de M. Méhaignerie, avait mis en garde contre une décentralisation à la carte, susceptible de remettre en cause ces principes, et avait fait adopter des amendements permettant de mieux encadrer ce droit à l'expérimentation. Le projet de loi dont nous discutons ne prévoit pas de garde-fous suffisants.
Le texte proposé laisse à ce sujet de nombreuses zones d'ombre sur lesquelles on peut s'interroger - il suffit d'écouter les orateurs qui sont déjà intervenus, y compris M. le rapporteur. Les amendements du groupe socialiste visent d'ailleurs à les corriger, notamment en ce qui concerne la durée et la possibilité de prolongation de l'expérimentation, ainsi que la sortie de l'expérimentation. Comme l'a rappelé excellemment M. Peyronnet, l'expérimentation peut finalement s'étendre sur neuf ans, et je pense que c'est trop long. Avec des délais trop importants, elle deviendra pratiquement inamovible, même lorsqu'elle a un caractère que l'on peut remettre en cause.
L'objet même de l'expérimentation doit être clarifié, ainsi que la méthode. Rien ne semble interdire qu'il soit possible de déroger aux règles d'organisation des compétences entre les différents niveaux de collectivités territoriales. Vous en avez fait la démonstration tout à l'heure. Encore faudrait-il prévoir que les collectivités territoriales donnent leur accord aux dispositions projetées ! A défaut, vous mettrez le feu aux différentes collectivités locales, et le dispositif proposé risque d'être source de difficultés, de confusion et d'insécurité juridique.
La généralisation est le pendant de l'expérimentation-dérogation, comme cela vient d'être dit. Ce principe mériterait d'être plus clairement affiché et d'être mentionné parmi les éléments constitutifs de la loi d'habilitation. L'expérimentation sera-t-elle opérante pour répondre aux spécificités de certaines collectivités territoriales, par exemple les collectivités frontalières, insulaires ou à statut particulier ? La question se pose.
Il faut d'ailleurs relever que le projet de loi ne prévoit aucune procédure permettant de faire remonter et de recenser les propositions des collectivités territoriales au niveau national.
M. Gérard Longuet, rapporteur. Mais si !
M. Pierre Mauroy. Dernier problème enfin, et non des moindres, qui a également été souligné : la question des transferts de charges et du financement de ces expérimentations. Bien entendu, c'est une question centrale sur laquelle le texte reste muet. C'est aussi à ce niveau que l'on peut craindre le renforcement des inégalités entre les régions qui auront les moyens d'expérimenter et celles qui ne le pourront pas.
En effet, les régions seront candidates aux propositions d'expérimentations décidées par le Parlement. Certaines ne le seront pas, parce qu'elles estimeront ne pas avoir les moyens financiers d'une telle expérience. Le risque est donc très important que l'expérimentation reste l'apanage des collectivités qui peuvent financièrement se le permettre.
Ce serait donc non seulement reconnaître le caractère inéluctable des inégalités entre territoires dans notre pays, mais aussi conforter ces inégalités, accentuer des fractures inacceptables et fragiliser d'autant notre pacte républicain !
J'ai distingué l'expérimentation-transfert de compétences, la plus ancienne, de l'expérimentation-dérogation, la nouvelle. Mais l'expérimentation que redoutent le plus les maires, les présidents de régions, de départements, des intercommunalités, qui sont tous concernés, c'est l'expérimentation-transfert. Cela a d'ailleur donné lieu à une discussion très intéressante entre M. le Premier ministre, vous-même, monsieur le ministre, et nous-mêmes.
Vous sentez bien tout de même que vous entrez là dans un cercle qui se referme de plus en plus et que vous serez obligé d'avancer dans la voie que nous proposions concernant l'évolution des communautés urbaines, des communautés d'agglomération.
C'est un problème que l'on retrouvera obligatoirement. D'ailleurs, les interventions des uns et des autres ont bien montré que, dès maintenant, l'étau se resserre et qu'il faudra arriver à une clarification sur ce plan.
Je répète que ce qui sera le plus terrible pour les collectivités territoriales ou locales, c'est l'expérimentation-transfert, que semble rechercher le Gouvernement, et, sur ce point, la plus grande transparence semble nécessaire.
Vous savez fort bien que si l'Etat rencontre des difficultés sur le plan financier, les collectivités locales, qui ne sont pas infiniment riches, en connaissent également. Par conséquent, la solution pour solder les comptes de l'Etat n'est pas de transférer les difficultés financières sur les collectivités territoriales. Si jamais l'on prenait ce travers, la décentralisation perdrait tout à fait de son caractère qui est naturellement autre.
Lors du débat sur la révision constitutionnelle, beaucoup des précisions demandées ont été renvoyées à la loi organique, laquelle nous renvoie à la loi d'habilitation qui, elle-même, renvoie à une loi pour la sortie de l'expérimentation. On a ainsi l'impression de participer à un jeu de piste - ce qui, au demeurant, nous rappelle nos jeunes années (Sourires) -, un jeu de rôles qui risque de déconsidérer la décentralisation et de « détricoter » la République. Voilà ce qui nous inquiète.
Le texte que vous nous proposez aujourd'hui, monsieur le ministre, est trop porteur d'incertitudes et d'inégalités pour que nous l'acceptions en l'état. Nous ne pouvons pas voter ce texte. Derrière les mots, les conceptions divergent. L'acte II de la décentralisation commande des objectifs mieux définis, des financements mieux assurés pour conforter les collectivités locales et renforcer la République. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Yves Dauge.
M. Yves Dauge. Monsieur le ministre, je centrerai mon intervention sur ce que l'on peut appeler l'expérimentation-dérogation.
L'intervention de M. le rapporteur a bien clarifié les choses : deux articles de la Constitution prévoient deux types d'expérimentation. J'évoquerai ici les expérimentations portant non pas sur les transferts, mais sur le contenu des lois que les collectivités appliquent, notamment des lois relatives à l'urbanisme, à l'environnement - la loi « littoral », la loi « montagne » - ou à l'aménagement du territoire. La liste est longue.
Il faut bien comprendre que nous sommes face à un ensemble de textes qui ont été élaborés depuis près d'un demi-siècle, pour ne pas dire plus. Ils sont la plupart du temps complexes, et les tentatives pour les améliorer ou les rendre plus cohérents sont constantes. Ces textes sont souvent vécus par nos concitoyens et parfois par les maires comme des contraintes. La loi est ambitieuse.
Dans la décentralisation, qu'a-t-on donné aux élus ? La responsabilité d'appliquer les lois, bien plus, que des pouvoirs nouveaux dans des domaines nouveaux. On peut aller dans cette direction.
M. Roger Karoutchi. Justement !
M. Yves Dauge. Monsieur le ministre, les élus que nous sommes, surtout les maires, sont confrontés à des pressions constantes de la part de nombreux citoyens afin que les lois soient aménagées et deviennent moins contraignantes. On observe constamment sur nos travées, lors des discussions sur la loi « montagne », la loi « littoral », les lois sur l'urbanisme, une volonté de retour en arrière pour affaiblir leur niveau de contrainte. C'est un fait.
Ce qui nous inquiète dans cette affaire d'expérimentation-dérogation, c'est précisément l'idée - je ne dis pas que ce soit la vôtre, mais c'est ainsi qu'elle est intéprétée en ce moment - qu'enfin on va pouvoir se libérer du carcan des lois et y déroger.
C'est d'ailleurs ce dernier mot qui m'a beaucoup gêné. En effet, je souhaite que la loi reste une haute ambition appliquée par tous les élus. Mais si je reconnais, monsieur le ministre, que beaucoup de lois pourraient effectivement être aménagées, améliorées par des adaptations locales, je n'irai pas jusqu'à parler de « dérogation ». En fait, avec la décentralisation, on pourrait se poser la question de savoir comment améliorer nos lois et non pas comment y déroger. A mon avis, la nuance politique est tout de même importante.
Cet exercice d'adaptation des lois dans le souci de les améliorer pourrait s'appliquer aux lois « littoral » et « montagne », au code de l'urbanisme. A cet égard, je pense tout simplement à l'article L. 121-1 de ce code - c'est un article essentiel sur lequel se fondent tous nos exercices de planification -, et notamment à la fameuse règle de constructibilité limitée qui est si mal vécue par nombre d'élus.
C'est un fait : pour aménager ces lois et les améliorer, mieux vaudrait prendre la piste, envisagée à une époque, consistant à définir dans la loi nationale des « fenêtres ouvertes » pour faire des exercices appelés « directives d'aménagement territorial ». Ces exercices, qui sont réalisés collectivement pour un massif montagneux, pourraient aussi être envisagés pour le littoral, sans oublier cependant que le littoral normand n'a rien à voir avec le littoral aquitain ou le littoral méditerranéen.
C'est seulement à partir d'une géographie pertinente que l'on peut envisager un exercice local qui permettrait d'affiner la définition donnée par la loi nationale d'un certain nombre de concepts. L'examen de la loi « montagne » a bien montré combien la discussion était récurrente sur la définition du hameau ou de l'habitat. On a vu, en matière de littoral, que les notions nationales, telles que la coupure ou le recul, sont souvent contestées.
J'en conviens tout à fait, l'application uniforme de ces notions sur l'ensemble du territoire n'est pas nécessairement une bonne chose. Comment faire respirer tout cela par une adaptation locale ?
Personnellement, je pense que le dispositif que vous préconisez est dangereux - je vous le dis franchement - parce que l'on va avoir une multitude de demandes de dérogations.
Imaginez que ce travail d'expérimentation-dérogation s'effectue commune par commune. Dans le cadre d'une intercommunalité, que feront les voisins ? Imaginez que, sur un massif de montagne, certaines communes puissent déroger à des règles très contraignantes parce qu'elles l'auront demandé. Qu'en sera-t-il des autres communes qui n'auront pas fait cette demande ou qui ne se seront pas soumises à la même règle ? Quelle sera l'attitude des responsables des communes qui auront l'ambition de faire respecter la loi face à ceux qui auront obtenu une dérogation ? Je fais là une remarque d'ordre purement technique, mais je pense que c'est ce danger qui est devant nous. Sur des ensembles géographiques, qui doivent veiller à une adaptation homogène des lois, comment gérer la multitude des demandes de dérogation ? Vous m'objecterez, monsieur le ministre, que l'encadrement est prévu par la loi. Mais précisément, je voudrais bien savoir de quelle manière.
Pour ma part, je suis assez favorable à une loi qui préconiserait des directives d'aménagement territorial...
M. Michel Mercier. Qui s'y opposerait ?
M. Yves Dauge. ... par littoral ou par massif montagneux. Ces directives nous permettraient de formuler des propositions constructives, qui seraient ensuite soumises au Parlement, afin de les transformer en une loi précisant que, dans telle ou telle région, la loi nationale serait adaptée en fonction de la géographie locale. Dès lors, il ne serait pas question de dérogation, et nous obtiendrions le même résultat. Toutefois, cela se ferait selon une optique radicalement différente, et à des échelles pertinentes.
Par ailleurs, certains l'ont dit, il faut absolument réfléchir à la question du retour en arrière. En effet, si l'on s'aperçoit que, dans le fond, le transfert de compétences n'est pas pertinent, on pourra revenir à la situation antérieure. Mais si l'on procède par la voie législative, comment fera-t-on pour revenir en arrière, sachant qu'après un certain temps d'application l'expérimentation aura eu des conséquences sur le terrain ?
Monsieur le ministre, mon intervention se veut technique sur le plan législatif mais, vous le sentez bien, elle a une dimension politique considérable. Pour ce qui me concerne, je m'inquiète du risque que ce transfert peut entraîner. Je ne dis pas, monsieur le ministre, que vous voulez prendre ce risque, mais j'affirme que le risque existe de voir déstabiliser un ensemble législatif national qui a été édifié avec peine par les gouvernements successifs depuis plusieurs décennies. Cet ensemble risque d'être sérieusement ébranlé par nos concitoyens qui, dans une attitude bien connue, cherchent par tous les moyens et chaque fois qu'ils le peuvent à déroger aux lois. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi organique relatif à l'expérimentation par les collectivités territoriales dont nous débattons ce soir entre dix-huit et dix-neuf heures aurait probablement mérité plus de temps. Mais les exigences de l'emploi du temps sont là.
Après les éminentes personnalités qui se sont succédé à la tribune et qui nous ont annoncé la fin de la République, je souhaite en revenir à des choses plus simples et probablement plus réalistes.
Deux articles de la Constitution prévoient en effet deux systèmes d'expérimentation. L'un d'eux porte sur le transfert de compétences afin de préparer sa mise en oeuvre. Ce type d'expérimentation a été effectué dans le passé, parfois avec succès, parfois non. L'expérimentation ferroviaire pour les régions a été citée à juste titre comme étant une bonne chose. En revanche, la prestation expérimentale dépendance, la PED, n'a pas très bien fonctionné.
M. Gérard Longuet, rapporteur. Ce fut pire après !
M. Michel Mercier. Mais après tout, lorsque ce sont des collectivités territoriales qui font l'expérimentation, si cette dernière ne réussit pas, ce n'est pas grave.
M. Gérard Longuet, rapporteur. C'est moins grave !
M. Michel Mercier. C'est effectivement moins grave. Il faut accepter de changer de système, ou du moins de ne pas pousser l'expérimentation plus loin. Si l'Etat lance une expérimentation sans savoir où il va, la catastrophe peut être au rendez-vous.
Aujourd'hui, le projet de loi organique dont nous sommes saisis a un autre objet : il vise à introduire des possibilités de modifications dans l'application des statuts législatifs ou réglementaires d'exercice des compétences.
Tout d'abord, monsieur le ministre, je veux vous dire qu'un mot me semble malheureux dans ce texte : c'est le mot « dérogation ». Ce terme n'aurait jamais dû être utilisé, car il signifie pour beaucoup de nos concitoyens qu'il y a, d'un côté, la norme et, de l'autre, la dérogation qui permet d'échapper à cette norme.
Pour ma part, je comprends ce texte d'une toute autre façon. Tel est l'objet de mon propos.
Aujourd'hui, lorsque l'on veut modifier une loi, on ne sait pas comment faire parce que les choses sont complexes, embrouillées et extrêmement difficiles à mettre en place. La loi peut-être modifiée par une méthode nouvelle, pragmatique, expérimentale.
C'est ce que vous nous proposez. Les compétences des collectivités locales sont déterminées par la loi, et la façon dont celles-ci les exercent ne doit pas toujours être fixée à l'échelon national : elle peut être modifiée au gré des enseignements du terrain.
La possibilité prévue par le projet de loi organique dont nous débattons de remanier la loi devrait s'entendre comme une amélioration. Si l'on avait parlé de l'expérimentation comme d'une amélioration, les choses seraient tout autres.
Le texte prévoit une méthode qui présente un grand intérêt. Désormais, ne seront pas énoncées des vérités toutes faites : le Parlement délibère et, de Dunkerque à Perpignan, tout le monde applique un statut nouveau, sans que l'on sache vraiment si c'est le meilleur. Des expérimentations pourront maintenant avoir lieu à la demande des collectivités locales elles-mêmes. Et, au vu des résultats, on pourra soit généraliser, soit abandonner l'expérimentation.
Je voudrais revenir à l'idée de l'unité de la République. Tout d'abord, il ne faut pas confondre unité et uniformité.
M. Yves Dauge. Absolument !
M. Michel Mercier. L'uniformité n'a jamais engendré l'égalité. Par exemple, aujourd'hui, les places d'hôpital sont moins nombreuses dans la région Nord-Pas-de-Calais que dans la région Rhônes-Alpes, alors que la règle est la même partout. Plus la règle est générale, moins elle est précise et moins elle va nourrir une réelle égalité qui tienne compte de la situation.
Par conséquent, il ne faut pas nous dire que l'absence d'uniformité entraîne l'inégalité. Au contraire, seule la prise en compte de la véritable situation des personnes permettra d'assurer une réelle égalité.
Dès lors que le Parlement arrête lui-même les conditions de l'expérimentation, notamment en fixant les matières dans lesquelles elle peut intervenir, et qu'à la fin de l'expérimentation sera soit élaborée une loi nouvelle, texte de synthèse qui permettra de progresser, soit abandonnée l'expérimentation, l'unité de la règle de droit est maintenue et le Parlement reste maître de l'évolution : à l'évidence, il devra tenir compte des résultats de l'expérimentation.
Il n'y a rien là qui mette en danger la République. Simplement, il est de plus en plus difficile de procéder à des réformes et il vaut mieux effectuer des essais avant de codifier.
Je souhaite que les collectivités territoriales puissent faire bénéficier le Parlement des expériences de terrain, des enseignements de l'application des textes, afin d'améliorer la loi, plutôt que de parler de dérogation. Car cela signifie pour certains que l'on ne va pas appliquer la règle de droit, que l'on va essayer de la contourner pour y échapper. Vous participez, monsieur le ministre, à une amélioration de la législation, et c'est beaucoup plus enthousiasmant.
C'est parce que vous nous proposez une nouvelle méthode de réforme de la loi, qui va vivifier la législation à partir de l'expérience des territoires et redonner à la République tout son sens, que le groupe de l'Union centriste votera ce projet de loi organique. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsqu'on entend les propos des intervenants socialistes, on se pose sérieusement la question de savoir si c'est nous qui avons changé ou si ce sont eux qui ont évolué.
Monsieur Mauroy, lorsque les réformes relatives à la décentralisation de 1982 et 1983 ont été lancées, je n'étais pas parlementaire et j'enseignais dans un lycée du Val-d'Oise. Je me souviens parfaitement des réunions qui se tenaient à l'époque dans ce lycée : tout un chacun se demandait quelles seraient les conséquences du transfert des lycées et des collèges sur leur statut, sur les conditions de vie, sur les relations avec la mairie et avec le conseil régional, etc.
Un certain nombre d'intervenants socialistes ont fait allusions aux cortèges sur les retraites, aux cortèges sur l'éducation nationale, où l'on scandait : « A bas la décentralisation ! » Sincèrement, mes chers collègues, lorsque les enseignants disaient : « A bas la décentralisation ! », ne pensez-vous pas qu'ils exprimaient un malaise, un mal-être, une interrogation, qui n'avait pas grand-chose à voir avec la décentralisation ? (Mme Nicole Borvo s'exclame.)
M. Paul Blanc. Très juste !
M. Jacques Oudin. Exact !
M. Roger Karoutchi. Monsieur Mauroy, c'est vous, me semble-t-il, qui disiez qu'en fait la décentralisation arrivait en dernière place dans l'échelle des préoccupations des Français.
M. Pierre Mauroy. Effectivement !
M. Roger Karoutchi. M. le rapporteur et M. le ministre l'ont souligné tout à l'heure : la décentralisation est un sujet suffisamment important pour éviter d'en arriver à des excès, même si des difficultés existent et qu'un débat doit avoir lieu.
L'un des principaux problèmes, c'est l'égalité entre les régions et entre les territoires, notamment en matière financière.
Je suis un élu d'Ile-de-France, région qui est souvent qualifiée de « riche ». Comme M. le ministre le sait, je me bats pour faire reconnaître que ce terme n'a de sens que pour certaines parties de la région, et que d'autres parties ne méritent pas ce qualificatif. Mais admettons que nous soyons effectivement une région riche, puissante.
L'inégalité vient-elle de la décentralisation ? (Mme Nicole Borvo s'exclame.) L'expérimentation va-t-elle déclencher de nouveaux facteurs d'inégalité ?
L'inégalité, si tant est qu'elle existe, est liée à l'histoire, à l'économie, à la modernisation, à l'adaptation. En réalité, aujourd'hui, l'égalité entre les régions est due à l'intervention de l'Etat, à la péréquation. Si, demain, les collectivités voient leurs compétences accrues, la réalité de cette péréquation assurera l'unité de la République. Personne n'a dit que nous souhaitions, dans le même temps, donner plus de compétences aux collectivités locales et réduire la péréquation !
Nous savons bien que l'unité, l'égalité tiennent au fait que l'Etat conserve son rôle, qu'il assure la péréquation. Je ne comprends pas comment l'on peut affirmer qu'accroître les compétences des collectivités, c'est forcément augmenter les inégalités !
M. Paul Blanc. C'est parce qu'ils l'ont fait !
M. Roger Karoutchi. Quelle que soit la couleur politique de l'exécutif, l'action des collectivités a contribué à développer les actions engagées, et à élargir les possibilités de chacun. Je ne comprends pas l'opposition que l'on fait entre le transfert de compétences, la décentralisation, et une véritable égalité entre les citoyens. La vraie égalité est assurée par les exécutifs régionaux, départementaux et locaux, qui, quelle que soit leur couleur politique, souhaitent que tous les citoyens vivent mieux. Elle est aussi assurée, en parallèle, par un Etat républicain, responsable : il assure, par la péréquation, la résorption des inégalités liées à l'histoire, à l'économie, à la géographie.
La France ne peut-elle plus avancer ? Monsieur Mauroy, mes chers collègues socialistes, vos interrogations et vos déclarations sur l'expérimentation et les étapes futures de la décentralisation sont inquiétantes si vous considérez que la décentralisation conduira à des inégalités entre les citoyens ! S'il s'agit d'affirmations péremptoires, cela signifie que la décentralisation, que vous avez en partie engagée en 1982, est un échec et qu'il ne faut même plus en parler. Pour ma part, je ne peux pas le croire.
Je suis convaincu que la décentralisation est une chance pour chaque collectivité territoriale, pour notre pays, pour l'ensemble des citoyens.
La décentralistion est appelée à être - elle est déjà ! - le grand chantier de cette mandature, une sorte de fil rouge d'un nouvel édifice institutionnel.
Cet édifice institutionnel est-il dangereux pour l'unité de la République ? Chacun est bien conscient que tel n'est pas le cas. Le plus dangereux pour la République, ce serait une uniformisation, le fait que nous ne puissions plus, en Bretagne, en Provence-Alpes-Côte d'Azur, en Ile-de-France, en Corse, avoir une expression un peu différente.
Un débat s'est engagé entre le dernier intervenant socialiste et M. Mercier à propos de la dérogation. S'agit-il d'une lourde erreur ? L'intervenant socialiste était d'accord avec la dérogation si le terme « adaptation » était utilisé.
J'ignore ce qu'est une adaptation de la loi à l'échelon local, sinon une dérogation ! Je ne vois pas comment on pourrait qualifier l'adaptation d'un point de vue juridique ; c'est nécessairement une dérogation !
S'il s'agit essentiellement de sémantique, on devrait pouvoir trouver un accord. En revanche, si la divergence porte sur le fond, la question est plus politique et, dès lors, un vrai problème se pose sur la manière dont a été engagée la décentralisation et sur ce que l'on veut à terme. Car, il faut bien le dire, lorsque les lycées et les collèges ont été transférés aux régions et aux départements, lorsque la formation professionnelle et l'apprentissage ont été transférés, les régions étaient inégales. L'Ile-de-France a probablement plus de moyens pour construire ses lycées que le Limousin ! Le département du Val-d'Oise a sans doute davantage de moyens pour rénover ses collèges que le département de la Creuse ! Mais, grâce à la péréquation, les collectivités peuvent intervenir et donner à chacun de leurs citoyens les moyens nécessaires. Ainsi, partout en France, les lycées et les collèges se ressemblent, et heureusement !
Au cours des dernières semaines, on a consasté des positions convergentes visant à critiquer la décentralisation. En réalité, certains opposants étaient des partisans d'un centralisme étatique, des jacobins ; d'autres, peut-être des acteurs sociaux un peu jaloux de leurs prérogatives, et s'inquiétant de la décentralisation d'autres, enfin, des opposants classiques au Gouvernement profitant d'un texte pour émettre des critiques.
Tout cela laisse quand même extrêmement sceptique sur ce que l'on souhaite réellement !
Je crois, au contraire, que cette réforme s'impose parce qu'elle participe au renforcement de la démocratie locale. Avec le référendum local que nous venons d'adopter, les citoyens seront mieux informés et pourront peser davantage sur les décisions qui les concernent. Avec le droit à l'expérimentation pour les collectivités territoriales, c'est la capacité de libérer les énergies locales partout sur notre territoire et de développer des initiatives au plus près des préoccupations de nos concitoyens qui sera reconnue.
Notre groupe a toujours été favorable à l'adoption de ce projet de loi, parce qu'il donne une chance sans précédent aux collectivités territoriales et à leurs élus de prendre en main leur destinée.
L'expérimentation, contrairement à ce que peuvent prétendre les jacobins les plus sourcilleux, ne nuit pas à l'indivisibilité de la République et à l'égalité des chances. Bien au contraire, elle les renforce, en permettant aux élus locaux d'adapter les normes législatives et réglementaires aux spécificités locales. Comme vous le voyez, j'ai employé le terme « adapter ».
Avec le droit à l'expérimentation, c'est le droit à la différence, mais aussi le droit à l'identité qui est reconnu. L'uniformité, bien plus que la diversité, nuit à l'indivisibilité de la République.
Prétendre que le droit à l'expérimentation porterait atteinte à l'égalité des chances relève, à mon sens, plus de l'incantatoire que du rationnel.
Je l'ai dit, le transfert des compétences a concerné les lycées et les collèges, l'apprentissage, la formation professionnelle. Or, de 1982 à nos jours, il n'y a eu ni critiques ni contestations.
Chacun se souvient qu'en 1982-1983 les débats avaient été vifs. Ensuite, les différents acteurs, élus et utilisateurs de services qui avaient été transférés, ont finalement pris acte du fait que la décentralisation assurait un meilleur fonctionnement. Aujourd'hui, nos mairies, nos départements, nos régions ont la chance de pouvoir participer davantage à la vie quotidienne.
L'expérimentation peut permettre - doit permettre ! - aux collectivités, en fonction des centres d'intérêts dominants, de s'engager davantage. L'égalité des Français est alors et toujours assurée par l'Etat. L'expérimentation n'est donc pas un risque, c'est une chance, tant que la péréquation - et c'est un Francilien qui parle - demeure un levier utile de pondération des différences entre les territoires.
Reconnaître les différences, ce n'est pas accepter les inégalités, c'est souvent mieux les connaître pour mieux les combattre.
Qui peut croire qu'au plus près de nos concitoyens, alors qu'ils connaissent leur territoire, nos élus locaux ne pourraient pas adapter les normes aussi bien que le font les administrations centrales ? Les élus locaux ont fait, partout dans le pays, la démonstration de leur capacité à franchir chaque palier de la décentralisation avec succès. A chaque fois, les exécutifs locaux ont démontré leur capacité d'initiative, d'innovation et de bonne gestion.
Je veux croire qu'avec la reconnaissance du droit à l'expérimentation c'est la multiplication des initiatives qui pourra se développer. Ainsi, à l'échelle d'un territoire, d'une collectivité, des expérimentations pourront être menées. Les mauvaises seront abandonnées, les bonnes seront d'abord pérennisées, puis étendues aux autres collectivités.
Bien sûr, il y aura - vous avez raison, monsieur Mauroy - une sorte d'émulation entre les collectivités, mais nos concitoyens seront les bénéficiaires de cette émulation grâce à de meilleures gestions avec de moindres coûts, les meilleures expérimentations faisant école auprès des autres collectivités d'un même échelon.
Monsieur le ministre, je crois sincèrement qu'après le référendum local c'est une étape essentielle. Tous les responsables de collectivités, tous ceux qui souhaitent à la fois affirmer les valeurs de leur région, de leur département et de leur commune tout en étant soucieux de l'unité de la République sont bien conscients que l'égalité sera assurée par l'Etat, grâce à la péréquation. Cette intervention est primordiale si l'on veut encore, demain, parler de décentralisation. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui en première lecture s'inscrit dans le cadre général de la décentralisation que le Premier ministre voulait mener comme un « voyage de la réforme en cent cinquante jours » !
Mais, depuis ce printemps, ce voyage devient chaotique, et des imprévus apparaissent, ceux de la contestation sociale et citoyenne face à ce qui se revèle être un choix de destruction de la République.
Au demeurant, monsieur Karoutchi, il ne s'agissait pas de simples cortèges, et, sans votre manque de concertation, on aurait pu peut-être y voir plus clair.
De toute façon, il ne faut pas confondre unité et uniformité ; ce sont deux choses fort différentes.
M. Roger Karoutchi. C'est exactement ce que j'ai dit, je suis bien d'accord !
Mme Nicole Borvo. Oui, mais à contresens !
Mme Josiane Mathon. Vous n'avez donc pas voulu, monsieur le ministre, d'un débat national préalable à la réforme constitutionnelle cet hiver. Vous n'avez pas voulu vous expliquer devant les Français sur le sens et la portée de vos actes. Ils les ont pourtant vite compris et ils manifestent, depuis, leur refus.
Votre dessein peu à peu s'éclaire dans l'esprit de nos concitoyens. Ce n'est pourtant pas le texte dont nous sommes saisis aujourd'hui qui en facilite la compréhension. Avec ce texte, vous persévérez dans la mise en oeuvre de votre projet, alors qu'il eût été plus démocratique de faire une pause et d'ouvrir enfin, dans le calme et la transparence, le grand débat que nous sommes en droit d'attendre sur les finalités et les moyens d'une décentralisation moderne et solidaire.
Notre opposition à ce texte repose sur deux éléments.
En premier lieu, nous nous opposons à l'objectif que vous assignez à la décentralisation.
Vous prenez soin de parer des vertus de la démocratie de proximité votre oeuvre néfaste à la société française.
Vous évoquez la nécessité de rapprocher les citoyens des lieux de décision, alors que, en moins d'un an, vous avez verrouillé les modes de scrutin des élections régionales et européennes, vous en avez modifié les circonscriptions pour instaurer de force un bipartisme étranger à notre culture politique, cadenassant ainsi les expressions contraires au libéralisme ambiant.
Vous avez refusé chacune de nos propositions pour développer la démocratie participative, et nous l'avons vu encore à l'instant, lors du débat sur le référendum local.
Non, votre argument démocratique ne tient pas, monsieur le ministre.
Notre collègue M. Longuet, dans son rapport, a exhumé les raisons fondamentales de ce projet de loi relatif à l'expérimentation du discours du candidat Jacques Chirac sur ce thème. Celui qui est, depuis, devenu Président de la République cite l'« impératif européen » et la « nécessité économique et sociale ».
Votre vision de la décentralisation est d'abord guidée par ces objectifs d'intégration européenne - j'allais dire « maastrichtienne » tant l'actuelle construction de l'Union européenne est guidée par ce traité et ses dogmes.
Cette construction exige des Etats membres qu'ils se délestent de ce qui entrave la libre concurrence. Les activités d'intérêt général sont ouvertes à la compétition entre multinationales ; les services publics sont privatisés ou vont l'être, et le budget de l'Etat contraint à ne pas répondre aux impératifs du pays.
Ce schéma se heurte à la résistance des peuples, particulièrement en France, on l'a vu ce printemps dans l'éducation nationale.
Notre rapporteur analyse ainsi que l'expérimentation permet de « lever les réticences que suscite souvent toute perspective de changement ».
Conclusion ?
M. Gérard Longuet, rapporteur. Allons-y ! Décentralisons !
Mme Josiane Mathon. Conclusion ? Imposons les réformes localement !
Votre projet politique, présenté nationalement et globalement, ne passe pas ; aussi, vous vous donnez les moyens institutionnels de l'appliquer région par région.
Ce texte menace l'unité même de la République et malmène la liberté et l'égalité des citoyens.
Une deuxième raison nous amène à rejeter ce texte.
Ce projet de loi est flou dans le détail de ses dispositions. Il ne précise pas les compétences qui pourront faire l'objet d'expérimentations par une collectivité, exceptés les conditions d'exercice des libertés publiques et les droits constitutionnels.
Il limite à cinq ans la durée de l'expérimentation, mais il autorise dans des conditions imprécises des délais supplémentaires qui peuvent presque aboutir au double.
Le Gouvernement aurait la maîtrise de l'autorisation d'expérimenter, mais aucun critère n'est fixé pour le guider dans son appréciation.
La possibilité serait ouverte aux collectivités de modifier la législation qui encadre leur mode de gestion de leurs compétences : d'une collectivité à l'autre, le même service répondra à des règles différentes. Voilà la cohésion nationale désarticulée !
En tout état de cause, le financement de ces expérimentations n'est pas prévu. Non seulement l'égalité entre citoyens se verrait rompue, mais leurs collectivités seraient, elles-mêmes, aux prises avec leurs inégalités de situation et de ressources.
Enfin, l'article 2 de ce projet de loi frise le conflit constitutionnel.
Si, en effet, la loi constitutionnelle de 2003 permet cette ouverture, les établissements de coopération intercommunale ne sont cependant pas reconnus comme des collectivités territoriales à part entière.
Telles sont, monsieur le ministre, les différentes raisons de notre opposition à ce texte.
Malgré les avertissements reçus du peuple directement, vous vous obstinez à mettre en oeuvre coûte que coûte le dépeçage de la République. Votre précipitation indique aussi un certain état de fébrilité. Vous présentez un texte flou et à l'imprécision juridique certaine, que le Conseil constitutionnel aura peut-être à commenter.
M. le président. La discussion générale est close.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'expérimentation par les collectivités territoriales.
Je rappelle que la discussion générale a été close.
M. le président. Je suis saisi, par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, d'une motion n° 1, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi organique adopté par l'Assemblée nationale relatif à l'expérimentation par les collectivités territoriales (n° 400, 2002-2003). »
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la motion.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, pour présenter cette exception d'irrecevabilité, j'ai d'abord été tenté d'invoquer un argument auquel le Conseil constitutionnel n'est pas insensible, à savoir l'accessibilité et l'intelligibilité de la loi.
En effet, comme chacune et chacun d'entre vous, mes chers collègues, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les débats de cet après-midi, et j'en ai conclu qu'il était très difficile, malgré vos efforts, monsieur le ministre, et ceux de M. le rapporteur, de percevoir clairement le contenu et les conséquences de cette loi.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Nemo auditur...
M. Jean-Pierre Sueur. Le moins que l'on puisse dire est qu'elle est quelque peu confuse et qu'elle n'est pas toujours facile d'accès. Je vous épargnerai cependant cet argument pour m'en tenir à deux autres considérations qui me paraissent devoir être retenues.
La première a trait à l'article L.O. 1113-6, qui est relatif aux conditions dans lesquelles une nouvelle prolongation de l'expérimentation peut être décidée.
Nous l'avons dit cet après-midi, et nous le répéterons lors de la discussion des amendements, par nature, une expérimentation ne peut être pertinente que si sa durée est limitée. A cet égard, une durée de cinq années nous paraît raisonnable, et pour mettre en oeuvre l'expérimentation et pour en évaluer les effets.
Or, non content de proposer le passage à huit années, vous proposez, monsieur le ministre, une procédure assez singulière pour prolonger encore la durée, procédure qui, de surcroît, a été amendée par l'Assemblée nationale : « Le dépôt d'une proposition ou d'un projet de loi ayant l'un de ces effets proroge (...) cette expérimentation dans la limite d'un an. »
Remarquons tout d'abord que, dans votre logique, toute expérimentation émane forcément de la loi. Il ne peut y avoir d'expérimentation sans une décision d'ordre législatif, qu'il s'agisse d'engager le processus, de lancer l'expérimentation ou de la prolonger durant trois années.
Tout relève donc de la loi et voilà qu'apparaît in fine cette disposition tout à fait singulière en vertu de laquelle on pourrait prolonger encore une fois l'expérimentation dès lors qu'un projet de loi serait non pas adopté mais déposé !
Il y a là une évidente contradiction, car vous semblez tenir beaucoup à ce que tout, dans ce dispositif, procède de la loi. Dès lors que tout procède de la loi, on ne comprend pas qu'une étape ultime du processus procède non pas de l'adoption de la loi, mais du dépôt d'un projet de loi.
Dans notre Constitution, il n'y a d'équivalent que la procédure de l'article 38, qui présente quelque avantage pour les gouvernements mais beaucoup d'inconvénients pour le Parlement, et qui a permis, il y a quelques semaines, l'adoption d'une loi d'habilitation au champ très étendu et dont nous n'avons pas fini de voir les effets. En application de notre Constitution, il suffit en effet de déposer un projet de loi pour valider les ordonnances, mais je ne pense pas que vous puissiez invoquer ici ce précédent pour la bonne raison que nous sommes dans un domaine tout à fait différent.
On ne voit vraiment pas pourquoi, pour la seconde prorogation, il suffirait de déposer un projet de loi sans qu'il soit même nécessaire de l'adopter. En tout cas, monsieur le ministre, je serais très heureux que vous puissiez nous expliquer pourquoi il en va ainsi pour la seconde prolongation mais pas pour la première, non plus d'ailleurs que pour le processus initial.
Cela n'est assurément pas constitutionnel, puisque le domaine de la loi est fixé par la Constitution et qu'en dehors de la procédure des ordonnances, et donc de l'article 38, tout ce qui relève du domaine de la loi relève forcément d'une loi adoptée par le Parlement et non du simple dépôt d'un projet de loi.
Ou bien le dispositif tout entier relève de la loi et, dans ce cas, il faut supprimer, ou réformer, cette disposition, ou bien tout le dispositif ne relève pas de la loi et, dans ce cas, il faut changer l'ensemble du dispositif ! Nous sommes là dans une logique parfaitement cartésienne, vous me l'accorderez, monsieur le ministre. Dans le cas contraire, j'écouterai avec beaucoup d'intérêt vos explications !
M. Dominique Braye. Vous ne les aurez pas !
M. Jean-Pierre Sueur. Comment pouvez-vous préjuger, mon cher collègue, de l'incapacité de M. le ministre à fournir les explications que je sollicite auprès de lui ?
Les choses se sont encore aggravées avec l'initiative de l'Assemblée nationale. M. le rapporteur a eu la bonté de dire...
M. Gérard Longuet, rapporteur. Et je le pense !
M. Jean-Pierre Sueur. ... que ce dispositif était favorable à l'opposition, et je le remercie de sa sollicitude à l'égard de celle-ci.
M. Gérard Longuet, rapporteur. Nous avons tous vocation à y être un jour !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le plus tard sera le mieux...
M. Gérard Longuet, rapporteur. Mais il vaut mieux prévenir !
M. Jean-Pierre Sueur. Toujours est-il que plus importantes que les prérogatives de l'opposition nous apparaissent en l'espèce les prérogatives du Parlement, et donc ce qui relève du domaine de la loi. Or, dans un souci de symétrie, l'Assemblée nationale a ajouté au dépôt d'un projet de loi le dépôt d'une proposition d'une loi.
Il ne vous a pas échappé, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu'une proposition de loi pouvait être déposée par un seul député ou un seul sénateur. Si votre dispositif reste en l'état, il suffirait donc qu'un parlementaire dépose une proposition de loi pour qu'un processus qui est entièrement du domaine de la loi et relève donc du vote du Parlement puisse être prolongé. Je ne vois absolument pas la logique de ce système. En tout cas, je n'en vois pas la cohérence.
Il serait en revanche cohérent de prévoir que l'adoption d'un projet ou d'une proposition de loi permet une nouvelle prolongation, si vous êtes à ce point attachés aux prolongations que vous voulez donner à l'expérimentation la durée - je le disais cet après-midi - d'un mandat sénatorial ancienne manière.
Tout cela mène à une conclusion qui soulève de réels problèmes ou, plutôt, qui soulève des problèmes supplémentaires. En effet, dès lors que la proposition de loi peut être déposée par un seul sénateur ou par un seul député et dès lors que les règles relatives au cumul des mandats sont ce qu'elles sont en raison des décisions des uns et des autres - plutôt des uns que des autres, d'ailleurs (Sourires.) - et qu'un président de conseil général, un président de conseil régional ou un maire peut être concomitamment député ou sénateur, une collectivité locale impliquée dans une expérimentation pourra voir le président de son exécutif déposer au Parlement une proposition de loi que je qualifierais de pro domo et dont le seul objet sera de permettre la prolongation d'une expérimentation, sans qu'il soit nécessaire que le Parlement se prononce sur cette proposition de loi déposée par un seul parlementaire.
Mes chers collègues, si vous trouvez que c'est cohérent, continuez dans cette voie et n'adoptez pas les amendements que nous aurons l'honneur de vous présenter ! Mais, nous, nous avons la conviction que ce dispositif, que je pense avoir décrit avec beaucoup de précision, soulève un réel problème constitutionnel.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Lequel ?
M. Jean-Pierre Sueur. Le second et dernier argument que je veux évoquer ne vous surprendra pas, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, tant nous avons entendu vantées du haut de cette tribune, par le Gouvernement, monsieur le ministre, ou par les membres de la majorité de notre assemblée la grandeur, la hauteur et la dignité que le nouvel article 39 de la Constitution conférait au Sénat sur les nombreuses questions relatives aux collectivités locales : même si, en première lecture, le texte allait plus loin qu'en deuxième lecture, on a continué à clamer bien fort que tous les projets de loi relatifs à l'organisation des collectivités locales viendraient en vertu de ce nouvel article en priorité devant le Sénat.
M. Roger Karoutchi. Et alors ?
M. Jean-Pierre Sueur. Nous n'avons pas voté cet article, chacun le sait, mais, monsieur Karoutchi, c'est désormais la Constitution, et la Constitution est notre règle commune. Nous sommes donc dans notre rôle lorsque nous demandons son application.
Or quelle n'a pas été notre stupéfaction, monsieur le ministre, lorsque le Gouvernement a déposé en premier lieu devant l'Assemblée nationale le projet de loi organique relatif à l'expérimentation par les collectivités territoriales quelques mois à peine après l'adoption de la réforme constitutionnelle !
Comment, après avoir tant vanté les vertus de ce nouvel article, avez-vous pu ne pas le mettre en pratique à la première ou, plutôt, à la deuxième occasion venue ? Il y a là quelque chose d'incompréhensible, et je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir nous expliquer pourquoi vous n'avez pas d'abord présenté ce texte devant le Sénat. L'article 39 de la Constitution est désormais tout à fait clair : « Les projets de loi ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales (...) sont soumis en premier lieu au Sénat. »
Certes, en commission, la contre-offensive par rapport à cet argument qui, nous n'en doutons pas, pèsera lourd devant le Conseil constitutionnel s'était déjà esquissée : qu'est-ce que l'organisation ? nous objectera-t-on.
Nous avions d'ailleurs souligné les difficultés qu'engendrait la nouvelle rédaction de la Constitution. Ce texte traite-t-il ou non de l'organisation des collectivités territoriales ?
On pourrait peut-être soutenir qu'il n'y a vraiment aucun rapport entre l'expérimentation, qui peut durer neuf ans, et l'organisation de l'activité des collectivités territoriales. Mais alors, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, j'attends avec beaucoup d'intérêt d'entendre vos arguments.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Vous avez raison !
M. Jean-Pierre Sueur. Je me suis penché sur quelques dictionnaires pour voir quel était le sens précis du mot « organisation ». Je ne vous donnerai pas lecture de l'ensemble des définitions, mes chers collègues, mais Le Robert a retenu mon attention. Vous connaissez ce dictionnaire, élaboré par Alain Rey et toute l'équipe qu'il anime avec un très grand talent.
Je lis une première définition : « action d'organiser ». Nul ne le contestera !
M. Roger Karoutchi. Jusque-là, ça va !
M. Jean-Pierre Sueur. Autre définition : « façon dont un ensemble est constitué en vue de son fonctionnement ». Voilà une belle définition ! Comment soutenir, si on la retient, que l'expérimentation qui, de façon dérogatoire, par exception, en quelque sorte, à la loi commune, entraînera l'établissement de nouvelles règles pour le fonctionnement, la prise de décision, l'élaboration des projets au sein des collectivités territoriales, n'a aucun rapport avec l'organisation de ces dernières ? Une telle affirmation contredirait entièrement ce dictionnaire éminent, ainsi d'ailleurs que les autres dictionnaires auxquels je me permets de vous renvoyer pour gagner du temps.
J'en arrive à ma conclusion.
J'ai pensé que, finalement, plus encore qu'au dictionnaire, nous avions le devoir de nous référer à la définition de l'organisation qui a été donnée par le Sénat lui-même.
A cet instant, je souhaite citer l'un de nos collègues qui, pour des raisons que nous comprenons parfaitement, n'est pas présent parmi nous ce soir, à savoir M. René Garrec, président de la commission des lois, ancien conseiller d'Etat, qui a rapporté le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République. A l'occasion de l'examen de ce texte, M. Jean-Claude Peyronnet lui avait demandé quelle était sa définition de l'organisation. Je vous donne lecture, mes chers collègues, de la réponse donnée par M. le président Garrec lors de la séance du 11 décembre 2002, reproduite à la page 5671 du Journal officiel :
« Monsieur Peyronnet, le terme d'"organisation" des collectivités territoriales a été défini comme recouvrant, selon la structure du code général des collectivités territoriales, le choix du nom des collectivités territoriales, la détermination des règles relatives à leurs organes et à leurs actes, ainsi que la fixation de leurs limites territoriales. »
Au coeur de la définition de M. le président de la commission des lois figure donc bien la détermination des règles relatives aux organes et aux actes des collectivités territoriales !
Je trouve que cette définition est belle et juste. Personne ici ne l'a d'ailleurs contestée, et je voudrais savoir, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, quels arguments vous pourriez opposer à cela. Comment pourriez-vous prétendre que ce texte relatif à l'expérimentation par les collectivités territoriales ne concerne pas l'organisation de celles-ci, dès lors que l'on définit l'organisation comme la « détermination des règles relatives à leurs organes et à leurs actes » ? Il est tout à fait évident que les modifications qui vont être apportées par le biais des expérimentations toucheront au coeur du fonctionnement, des actes et des méthodes de travail des collectivités locales !
Par conséquent, il est tout à fait clair que ce texte aurait dû être examiné en premier lieu par le Sénat, en vertu de la nouvelle rédaction de la Constitution.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Et en dépit de votre demande !
M. Jean-Pierre Sueur. Tels sont les deux arguments que je voulais présenter au nom du groupe socialiste pour défendre cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Longuet, rapporteur. La commission n'est pas favorable à l'adoption de cette motion.
J'ai écouté attentivement les deux arguments principaux de M. Jean-Pierre Sueur. Je commencerai par évoquer le second, qui a trait à l'article 39 de la Constitution.
M. Sueur a eu l'amabilité de citer M. le président de la commission des lois du Sénat, auquel je transmettrai cet hommage tardif. En ce qui concerne les règles relatives aux organes et aux actes des collectivités territoriales, la lecture du code général des collectivités territoriales montre bien qu'il s'agit de la vie interne de ces dernières, c'est-à-dire de leur nom, de leurs limites territoriales, de leurs organes délibérants et de la nature juridique de leurs actes, mais en aucun cas des pouvoirs et des compétences qu'elles exercent.
Or nous sommes ici, avec l'examen de ce texte, sur le terrain des compétences, et non pas sur celui de l'organisation. Compétences et organisation ne sont pas de même nature. Nous débattons d'un projet de loi organique, ce qui implique, en application de l'article 46 de la Constitution, la saisine automatique du Conseil constitutionnel. Une jurisprudence va se constituer à propos de ce nouvel article 39 ; pour sa part, la commission a considéré que le Gouvernement était libre de soumettre le texte en premier lieu à l'Assemblée nationale dès lors qu'il s'agissait des pouvoirs et non pas de l'organisation des collectivités territoriales.
Le premier point soulevé par M. Sueur me paraît plus important. Notre collègue pose un vrai problème, mais il feint d'ignorer qu'il s'agit ici d'une expérimentation limitée dans le temps.
Traditionnellement, les lois s'inscrivent dans la durée. Nous nous plaignons d'ailleurs parfois d'être prisonniers de lois anciennes, qui ont été oubliées. Ainsi des actes de Vichy s'appliquent encore aujourd'hui. Or nous entrons, avec ce texte, dans une logique complètement différente, où le législateur veut habiliter une collectivité territoriale à déroger à des dispositions législatives régissant l'exercice de ses compétences, c'est-à-dire, en réalité, à légiférer pour une durée déterminée.
Cela pose alors un problème nouveau : celui de la gestion du temps et de cette période où la caducité risque de devenir automatique alors que ni la collectivité concernée, ni le Parlement, ni les administrés ne se seront exprimés. En effet, nous connaissons, hélas ! l'encombrement de l'ordre du jour parlementaire et nous risquons de voir des expérimentations devenir juridiquement caduques à tout moment, sans qu'il ait été possible, pour des raisons tout à fait étrangères à la qualité de l'expérimentation, de se prononcer au cours d'un débat.
Le Gouvernement, en introduisant, par le biais d'un projet de loi, l'idée d'une prolongation d'un an des expérimentations, et l'Assemblée nationale, en proposant d'ouvrir la même possibilité par le biais d'une proposition de loi, veulent permettre le traitement d'un problème inédit, celui que pose cet instant particulier où l'on sait que le texte va devenir caduc et où, pour des raisons extérieures à l'expérimentation, cette dernière risque de s'éteindre d'elle-même.
Je pense donc que le principe du dépôt est pertinent. L'initiative du Gouvernement est judicieuse, et nous avons à organiser ce moment particulier où une expérimentation prend fin sans que l'encombrement de l'ordre du jour parlementaire ait permis de faire adopter le texte devant faire suite à l'évaluation. Le dépôt a une valeur d'alerte, et permet au Gouvernement, au Parlement - donc à l'opposition - et surtout, permettez-moi de le dire avec l'expérience de président d'un conseil régional qui est la mienne, aux collectivités locales concernées, par l'intermédiaire des parlementaires qui les représentent - fût-ce d'un seul d'entre eux - d'obtenir la prorogation de l'expérimentation pour une durée malheureusement limitée à un an. Si l'on ne règle pas le problème dans ce délai, la caducité deviendra automatique.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il est plaisant d'entendre M. Sueur défendre de façon sourcilleuse les droits du Sénat à être saisi en premier lieu, lui qui s'était opposé avec tant de force à la nouvelle rédaction de l'artice 39 de la Constitution.
M. Jean-Pierre Sueur. Je l'ai dit !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. C'est exact ! La vie parlementaire veut que nous soyons souvent contraints de défendre ce que nous avions combattu auparavant ! C'est notre punition à tous, le Parlement est une école d'humilité pour nous tous, monsieur Sueur. Je me garde bien de donner des leçons !
Je voudrais, à l'instar de M. le rapporteur, commencer par répondre à votre second argument, puisque j'ai cru comprendre qu'il était le plus important. En tout cas, il était le plus développé.
L'article 39 de la Constitution prévoit que sont soumis en premier lieu au Sénat les projets de loi ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales. Votre argument consiste à dire que les compétences relèvent peu ou prou de l'organisation territoriale.
Hélas ! les travaux parlementaires ont démontré le contraire ! Le projet initial de rédaction de l'article 39 de la Constitution du Gouvernement prévoyait que les projets de loi ayant pour principal objet la libre administration des collectivités territoriales, leurs compétences ou leurs ressources sont soumis en premier lieu au Sénat. La notion de compétences figurait donc à l'origine dans le texte gouvernemental ; si celui-ci était resté inchangé, vous auriez raison, monsieur Sueur. Mais le Sénat a précisément voulu évacuer...
M. Jean-Pierre Sueur. C'est l'Assemblée nationale qui l'a voulu !
Mme Nicole Borvo. Oui, c'est l'Assemblée nationale !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Oui, vous avez raison, monsieur Sueur, c'était bien l'Assemblée nationale. Vous le saviez donc déjà, mais cela ne vous a pas empêché de soutenir votre argument ! (Sourires.) Vous n'ignoriez pas que le Parlement avait écarté de la rédaction de l'article 39 le concept de compétences. Vous êtes vraiment de mauvaise foi, monsieur Sueur !
M. Jean-Pierre Sueur. Non !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Vous auriez pu être avocat ! (Rires.)
M. Jean-Pierre Sueur. L'expérimentation va au-delà des compétences !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Parlement a décidé d'inscrire à l'article 39 de la Constitution la notion d'organisation des collectivités territoriales, en excluant celle de compétences.
Je vous avouerai humblemement Monsieur Sueur, que le Gouvernement se posait lui aussi quelques questions ; le Conseil d'Etat lui a répondu, sur ce point, d'une façon parfaitement claire. Nous attendons donc avec sérénité que le Conseil constitutionnel se prononce.
S'agissant maintenant de votre premier argument, monsieur Sueur, je n'ai, à vrai dire, pas bien compris quel était l'article de la Constitution qui vous semblait être violé par ce dispositif.
M. Jean-Pierre Sueur. Celui qui définit le domaine de la loi !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. C'est donc l'article 34.
Si vous avez déposé une motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité, c'est bien parce que vous estimez qu'une disposition est contraire à la Constitution. Or, si vous avez jugé que le texte est excessif, vous n'avez pas indiqué en quoi le simple fait de proroger pour un an le dispositif serait contraire à un quelconque article de la Constitution.
Vous avez souligné que l'expérimentation pourra durer neuf ans. Il s'agit d'un maximum ! La première expérimentation pourra durer au plus cinq ans, selon la décision souveraine du législateur. Ensuite, au terme de ce délai,...
M. Jean-Pierre Sueur. Il n'est plus souverain !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... il n'est pas obligé de proroger le dispositif, il peut interrompre l'expérimentation. Si par exemple, la durée de l'expérimentation ayant été fixée à trois ans, celle-ci se révèle rapidement catastrophique, le législateur peut choisir, au terme des trois ans, de modifier le dispositif et de le proroger pour trois ans au maximum, non pour le plaisir de faire durer les choses et de perpétuer ce que vous croyez être une illégalité, monsieur Sueur, mais simplement parce qu'il considère avoir commis une erreur d'organisation au départ.
A l'échéance, il faut bien statuer. Si aucun projet ou proposition de loi n'est déposé dans le délai d'un an, le dispositif expérimental devient caduc. Le calendrier parlementaire étant ce qu'il est, comme l'a souligné à juste titre M. Longuet, nous avons, par réalisme, prévu un petit délai pour que le législateur puisse trancher. Si, par exemple, le Gouvernement, à la fin de l'expérimentation, ne veut pas déposer de projet de loi, il suffira qu'un seul parlementaire dépose une proposition de loi. Cela entraînera une prolongation d'une année au maximum et si, à cette échéance, le texte n'est pas venu en débat, l'expérimentation sera alors caduque.
C'est donc par précaution, pour éviter la caducité automatique, que nous mettons en place ce dispositif. Je ne crois pas qu'il contrevienne à l'esprit ni à la lettre de la Constitution. Au contraire, le Conseil constitutionnel considère que la stabilité du droit est un principe à valeur constitutionnelle. Il s'agit ici de permettre qu'il ne soit pas légiféré par défaut, la pire étant en effet que l'expérimentation devienne caduque par négligence. C'est quand même là la plus mauvaise manière de légiférer !
Par conséquent, nous avons proposé d'instaurer ce dispositif de prudence pour éviter qu'une telle situation ne se produise, pour permettre la stabilité du droit, ce qui me paraît parfaitement conforme à la Constitution et à son esprit.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi organique.
(La motion n'est pas adoptée.)
M. le président. Je suis saisi, par Mmes Mathon et Borvo, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° 22, tendant à opposer la question préalable.
Cette notion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi organique adopté par l'Assemblée nationale relatif à l'expérimentation par les collectivités locales (n° 400, 2002-2003). »
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Nicole Borvo, auteur de la motion.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si je défends au nom du groupe CRC cette motion tendant à opposer la question préalable, c'est qu'il ne nous apparaît pas opportun de débattre du projet de loi organique relatif à l'expérimentation par les collectivités territoriales. Aujourd'hui, les conditions ne sont pas réunies, et ce dans plusieurs domaines.
Les textes qui nous sont soumis aujourd'hui, que ce soit le projet de loi organique relatif au référendum local, qui a été voté cet après-midi, ou celui relatif à l'expérimentation par les collectivités territoriales, sont des poupées gigognes qui s'emboîtent les unes dans les autres - comme chacun le sait - et forment un ensemble d'une grande cohérence : libéralisation, déréglementation, remise en cause profonde des mécanismes de solidarité et d'égalité, réponse aux exigences libérales.
L'objectif est clair : il s'agit tout simplement d'affaiblir l'Etat dans ses fonctions de régulation et de service aux populations, un Etat qui, tel qu'il est, est aux yeux de la majorité un frein à la libre circulation des capitaux et à la libre exploitation des hommes et des femmes.
Dans la vision ultralibérale de la décentralisation qui est la vôtre, il s'agit de réduire le rôle de l'Etat au minimum en dégageant celui-ci d'une partie de ses obligations et en transférant celles-ci aux collectivités locales, qui seraient contraintes d'en supporter les coûts et d'en assurer la responsabilité politique.
J'ai déjà eu l'occasion de vous citer, monsieur le ministre, et je le fais de nouveau parce que j'apprécie cette interview que vous avez donnée, au Parisien Libéré, me semble-t-il, avant le vote de la loi constitutionelle relative à l'organisation décentralisée de la République. Peut-être est-ce du passé ? Vous déclariez pourtant : « Si les citoyens ne sont pas contents, ils manifesteront devant la mairie plutôt que devant la préfecture. Si une collectivité veut accroître ses dépenses, libre à elle, quitte à s'en expliquer devant ses administrés. »
Cette citation résume bien l'objectif de ces textes relatifs à la décentralisation. Ils sont la colonne vertébrale d'un projet plus vaste, visant à bouleverser en quelques mois l'architecture de nos institutions.
Il n'y a pas eu de véritable consultation, quoi qu'on en dise, et vous avez obtenu du Congrès un vote modifiant la Constitution que s'est donnée notre peuple sans s'en remettre à lui par la voie, pourtant naturelle, du référendum.
La voie référendaire n'a pas été choisie et le peuple n'a pas été consulté sur une réforme aussi bouleversante de sa Constitution.
Malheureusement, les premières mesures concrètes connues, le pays s'en est ému. La communauté scolaire, qui s'est particulièrement mobilisée pour défendre le caractère national de son organisation, a réussi à faire admettre au Gouvernement qu'il valait mieux, en définitive, se reprendre, ouvrir une discussion, apporter des explications, et, au bout du compte, reconnaître qu'il aurait peut-être fallu consulter davantage.
Il aura fallu que des personnels cessent le travail pendant plusieurs semaines pour commencer à être entendus. Encore que,... puisque nous continuons nos discussions comme si de rien n'était.
Il aura fallu au Gouvernement mobiliser jusqu'au ministre de l'intérieur pour renouer les fils du dialogue avec les responsables syndicaux de l'éducation nationale !
Alors que, dans ce secteur, la tension n'est retombée qu'avec la période de congés éparpillant les acteurs du débat, vous nous proposez de remettre de l'huile sur le feu, qui plus est en leur absence. Votre texte permettrait, en effet, d'attribuer aux collectivités des compétences relatives à l'enseignement, à son organisation, à son financement, ses personnels.
Il n'est pas opportun de l'adopter, sauf à ignorer la majorité des personnels de l'éducation nationale, sauf à sous-estimer gravement leur détermination à faire entendre à juste titre leurs revendications, et donc à sous-estimer les risques de perturbation de la rentrée scolaire, dans quelques semaines.
A moins de rechercher la provocation de conflits majeurs, ce qui ne peut être le cas d'un gouvernement républicain, il est nécessaire, à notre avis, de remettre sur le métier le débat sur les lois d'application de cette réforme constitutionnelle dont, en premier lieu, l'expérimentation.
Il existe une deuxième raison qui ne peut être entachée de vision partiale. En effet, un vote légal, dans des conditions légales, s'est déroulé à la demande du Gouvernement pour appliquer concrètement à une région de France sa doctrine particulière de la décentralisation. Il faut d'ailleurs féliciter le Gouvernement d'avoir demandé l'avis des premiers intéressés par sa réforme.
Chacun connaît les résultats obtenus en Corse lors de cette consultation ! Les électeurs, après avoir reçu huit visites du ministre de l'intérieur, deux du Premier ministre, une du président du Sénat, et pris connaissance de la réflexion du Président de la République sur ce sujet particulier, se sont donc majoritairement déplacés dans les bureaux de vote pour repousser ce projet. Il s'agissait, en quelque sorte, d'une première expérimentation ! ...
Au-delà de l'incontestable sanction politique, que va-t-il se passer maintenant ? N'y a-t-il pas, avec le projet de loi que vous voulez soumettre à notre approbation, le risque pour les Corses de voir ce contre quoi ils se sont prononcés revenir sous l'appellation différente d'expérimentation ? L'article 2 de votre texte permet à un établissement plublic regroupant, par exemple, deux conseils généraux et une collectivité territoriale d'administrer particulièrement des compétences jusqu'ici relevant de l'Etat.
Il n'est pas envisageable qu'un Gouvernement républicain ne tienne pas compte d'un vote qu'il a lui-même organisé. Vous dites d'ailleurs, monsieur le ministre, que vous entendez bien le prendre en considération.
Une troisième raison a conduit notre groupe à déposer une motion tendant à opposer la question préalable. Il s'agit du grand inconnu de ce dossier : le financement des expérimentations.
Avec quels moyens les collectivités géreraient-elles de nouvelles compétences dans des conditions a fortiori inexplorées jusque-là ? Mystère !
Aucune réflexion ne semble même engagée sur ce sujet, aucune disposition n'est prise.
Vous invoquez suffisamment régulièrement le célèbre article 40 pour que, à notre tour, nous vous mettions en garde sur les budgets des collectivités locales. Nombre d'entre elles sont en difficulté en cette période de ralentissement de la croissance, de multiplication des plans sociaux et de fermeture de services publics locaux.
Vous avez certes prévu, lors de la réforme constitutionnelle, que chaque transfert de compétences serait accompagné du transfert de ressources équivalent. Mais nous ne sommes pas dans ce cadre et, curieusement, la question de la péréquation n'est pas à l'ordre du jour des réformes envisagées jusqu'ici.
M. Karoutchi a une vision idyllique des transferts de compétences et de richesses.
M. Roger Karoutchi. Idyllique, idyllique !...
Mme Nicole Borvo. Mon cher collègue, la région d'Ile-de-France, à laquelle nous appartenons tous les deux, est riche ; cependant, vous n'ignorez pas que la péréquation existe et que notre région redéploie vers le reste de la France beaucoup de richesses,...
M. Roger Karoutchi. Dites-le à Jean-Paul Huchon, pas à moi !
Mme Nicole Borvo. ... puisqu'elle collecte 48 % de la TVA et n'en recueille que 28 %.
En la matière, rien n'est parfait, loin s'en faut ! Mais les services publics nationaux ont tout de même une vertu : celle de redistribuer à l'ensemble des régions. On peut cependant modifier complètement ce cadre avec la décentralisation que vous nous proposez.
Une quatrième raison nous incite à vouloir revoir ce projet plutôt maintenant qu'après la saisine du Conseil constitutionnel.
J'approuve la motion d'irrecevabilité défendue par notre collègue Jean-Pierre Sueur, mais je voudrais ajouter que, si la loi constitutionnelle reconnaît l'ouverture à l'expérimentation des EPCI, toutefois, ces établissements publics ne sont pas reconnus comme des collectivités territoriales par la Constitution.
Telle est la difficulté majeure : l'article 2 du projet de loi évoque des établissements publics regroupant exclusivement des collectivités publiques, c'est-à-dire les établissements publics de coopération intercommunale, qui n'ont aucune légitimité constitutionnelle. Comment dès lors les inclure dans une loi organique ? Cette proposition pourrait très bien constituer un motif supplémentaire d'inconstitutionnalité.
Monsieur le ministre, votre vision de la décentralisation ne reçoit pas l'accord enthousiaste de nos concitoyens, loin s'en faut ! Même s'ils n'ont pas a priori bien saisi de quoi il retournait, au fur et à mesure que l'application se fera plus précise, je crains qu'ils n'en mesurent les méfaits.
Dans la mesure où vous agissez dans la précipitation, en session extraordinaire et à la fin du mois de juillet, « ni vu ni connu » si je puis dire, je crois que nous pourrions suspendre la discussion de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Longuet, rapporteur. La commission est défavorable à l'adoption de cette question préalable.
Mme Borvo est intervenue comme si le monde n'avait pas changé. Mais le monde a changé, puisque la France s'oriente vers une décentralisation maîtrisée.
Pour répondre à une exigence constitutionnelle et pour mettre en oeuvre la réforme du 28 mars 2003, nous devons adopter une loi organique.
Le parti communiste, qui a une fertilité législative considérable - il nous en a donné la démonstration en déposant de très nombreux amendements dans un débat récent -, aurait pu, sur ce texte, faire preuve d'imagination. Sans doute épuisé par le débat précédent, il n'a pas été en mesure de participer à celui-ci.
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Gérard Longuet, rapporteur. Je le regrette, parce que son inventivité est en général incommensurable.
Mais, à cet instant, je dois reconnaître que se priver de débat serait priver la France de l'évolution vers une décentralisation souhaitée par une immense majorité de nos compatriotes, en particulier par les plus concernés d'entre eux, les élus locaux. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. A une nuance près par rapport à M. le rapporteur, puisque Mme Mathon a tout de même déposé un amendement à l'article 2,...
M. Gérard Longuet, rapporteur. Certes ! Et il a été annoncé par Mme Borvo !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... ce qui prouve que le groupe CRC considère qu'il y a lieu de délibérer, je suis du même avis que la commission : défavorable.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 22, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi organique.
(La motion n'est pas adoptée.)
M. le président. En conséquence, nous passons à la discusion des articles.
M. le président. Art. 1er. - Dans le titre unique du livre Ier de la première partie du code général des collectivités territoriales, il est inséré un chapitre III ainsi rédigé :
« Chapitre III
« Expérimentation
« Art. L.O. 1113-1. - La loi qui autorise, sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales à déroger, à titre expérimental, aux dispositions législatives régissant l'exercice de leurs compétences, définit l'objet de l'expérimentation ainsi que sa durée, qui ne peut excéder cinq ans, et mentionne les dispositions auxquelles il peut être dérogé.
« La loi précise également la nature juridique et les caractéristiques des collectivités territoriales autorisées à participer à l'expérimentation ainsi que, le cas échéant, les cas dans lesquels l'expérimentation peut être entreprise. Elle fixe le délai dans lequel les collectivités territoriales qui remplissent les conditions qu'elle a fixées peuvent demander à participer à l'expérimentation.
« Art. L.O. 1113-2. - Toute collectivité territoriale entrant dans le champ d'application défini par la loi mentionnée à l'article L.O. 1113-1 peut demander, dans le délai prévu à l'article précédent, par une délibération motivée de son assemblée délibérante, à bénéficier de l'expérimentation mentionnée par cette loi. Sa demande est transmise au représentant de l'Etat qui l'adresse, accompagnée de ses observations, au ministre chargé des collectivités territoriales. Le Gouvernement vérifie que les conditions légales sont remplies et publie, par décret, la liste des collectivités territoriales autorisées à participer à l'expérimentation.
« Art. L.O. 1113-3. - Les actes à caractère général et impersonnel d'une collectivité territoriale portant dérogation aux dispositions législatives mentionnent leur durée de validité. Ils font l'objet, après leur transmission au représentant de l'Etat, d'une publication au Journal officiel de la République française. Leur entrée en vigueur est subordonnée à cette publication.
« Art. L.O. 1113-4. - Le représentant de l'Etat peut assortir un recours dirigé contre un acte pris en application du présent chapitre d'une demande de suspension ; cet acte cesse alors de produire ses effets jusqu'à ce que le tribunal administratif ait statué sur cette demande. Si le tribunal administratif n'a pas statué dans un délai d'un mois suivant la saisine, l'acte redevient exécutoire.
« Art. L.O. 1113-5. - Avant l'expiration de la durée fixée pour l'expérimentation, le Gouvernement transmet au Parlement, aux fins d'évaluation, un rapport assorti des observations des collectivités territoriales qui ont participé à l'expérimentation. Ce rapport expose les effets des mesures prises par ces collectivités en ce qui concerne notamment le coût et la qualité des services rendus aux usagers, l'organisation des collectivités territoriales et des services de l'Etat ainsi que leurs incidences financières et fiscales.
« Chaque année, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport retraçant l'ensemble des propositions d'expérimentation et demandes formulées au titre de l'article L.O. 1113-2 que lui ont adressées les collectivités, en exposant les suites qui leur ont été réservées.
« Art. L.O. 1113-6. - Avant l'expiration de la durée fixée pour l'expérimentation, et au vu de son évaluation, la loi détermine selon le cas :
« - les conditions de la prolongation ou de la modification de l'expérimentation pour une durée qui ne peut excéder trois ans ;
« - le maintien et la généralisation des mesures prises à titre expérimental ;
« - l'abandon de l'expérimentation.
« Le dépôt d'une proposition ou d'un projet de loi ayant l'un de ces effets proroge cette expérimentation jusqu'à l'adoption définitive de la loi, dans la limite d'un an à compter du terme prévu dans la loi ayant autorisé l'expérimentation. Mention est faite de cette prorogation au Journal officiel de la République française.
« En dehors des cas prévus ci-dessus, l'expérimentation ne peut être poursuivie au-delà du terme fixé par la loi qui l'avait organisée.
« Art. L.O. 1113-7. - Le Gouvernement, agissant par voie de décret en Conseil d'Etat, autorise, sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales à déroger, à titre expérimental, aux dispositions réglementaires régissant l'exercice de leurs compétences. Ce décret contient les précisions mentionnées à l'article L.O. 1113-1.
« Les collectivités territoriales peuvent demander à bénéficier de l'expérimentation prévue par le décret mentionné à l'alinéa qui précède, dans les conditions et selon les procédures définies à l'article L.O. 1113-2. Les actes d'une collectivité territoriale dérogeant aux dispositions réglementaires sont soumis au régime défini à l'article L.O. 1113-3 et peuvent faire l'objet d'un recours du représentant de l'Etat dans les conditions exposées à l'article L.O. 1113-4. Le décret en Conseil d'Etat mentionné au premier alinéa précise les modalités d'évaluation des dispositions prises sur le fondement de l'autorisation.
« Le Gouvernement adresse au Parlement un bilan des évaluations auxquelles il est ainsi procédé.
« L'expérimentation ne peut être poursuivie au-delà de l'expiration du délai mentionné par le décret en Conseil d'Etat qui l'avait autorisée, si elle n'a pas fait l'objet, par décret en Conseil d'Etat, de l'une des mesures prévues à l'article L.O. 1113-6. »
Je suis saisi de dix-neuf amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune ; pour la clarté du débat, je les appellerai successivement.
L'amendement n° 20, présenté par Mmes Mathon et Borvo, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. Il s'agit d'un amendement de suppression.
J'ose espérer que M. le ministre ainsi que M. le rapporteur auront écouté les arguments que nous avons développés lors de la discussion générale. Je ne me fatiguerai pas en en disant plus !
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Mauroy, Dauge, Lagauche, Frimat, Marc et les membre du groupe socialiste, apparenté et rattaché, est ainsi libellé :
« Avant la première phrase du texte proposé par cet article pour l'article L.O. 1113-1 du code général des collectivités territoriales, ajouter une phrase ainsi rédigée :
« Les expérimentations sont mises en oeuvre dans l'objectif de leur généralisation. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement est extrêmement important. Nous avons en effet remarqué cet après-midi, lors de la discussion du projet de loi organique relatif au référendum local, qu'il régnait sur ce sujet une grande confusion.
Le rapport de M. Michel Piron à l'Assemblée nationale montre bien, lui aussi, que les idées ne sont absolument pas claires sur ce point.
J'en veux pour preuve cette citation :
« Un troisième cas étudié, même s'il est quelque peu différent des autres puisqu'il appelle une intervention législative, concerne l'expérimentation qui donne des résultats satisfaisants dans une collectivité, mais qui, compte tenu de la situation particulière de la collectivité, paraît difficilement transposable à l'ensemble du territoire.
« La rénovation du pouvoir réglementaire local dans le domaine qui a fait l'objet de l'expérimentation par le biais d'une loi, confiant le domaine en question à la compétence des collectivités territoriales, constitue une première solution. La collectivité à l'origine de l'expérimentation peut ainsi poursuivre la réglementation qu'elle a pratiquée pendant la durée de l'expérimentation, les autres collectivités pouvant la suivre ou décider de maintenir les règles en vigueur.
« Il y a dans ce cas non pas généralisation de l'expérimentation, mais affirmation de l'initiative locale dans le respect de l'article 34 de la Constitution sur les domaines réservés à la loi et au règlement.
« La seconde approche consiste à raisonner en termes de statut particulier, comme le rappelait le ministre délégué aux libertés locales à l'Assemblée nationale lors de l'examen de la loi constitutionnelle s'agissant d'une expérimentation qui aurait réussi et qui ne serait pas généralisable. »
Cela signifie que, dès lors que l'expérimentation est achevée, chacun peut choisir une solution : mettre fin à l'expérimentation, la généraliser, ou considérer que les dispositions en vigueur continuent à l'être dans la collectivité considérée.
Nous ouvrons ainsi la porte à ce que j'ai qualifié tout à l'heure de « République en patchwork », c'est-à-dire à un dispositif selon lequel chaque collectivité, chaque catégorie de collectivité pourra peu à peu imaginer son règlement, voire ses « morceaux » de législation.
Nous ne voulons pas de cela. Nous sommes favorables à une expérimentation qui permette à la loi républicaine de produire son effet dans de bonnes conditions sur l'ensemble du territoire et non pas à une expérimentation qui aboutisse à démanteler le principe d'égalité et à faire que chaque collectivité soit en quelque sorte une principauté qui s'autogouverne avec des règles et des lambeaux de loi qu'elle choisit à sa guise.
Voila pourquoi nous proposons que la phrase : « Les expérimentations sont mises en oeuvre dans l'objectif de leur généralisation. » figure explicitement dans le projet de loi.
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Mauroy, Dauge, Lagauche, Frimat, Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans la première phrase du texte proposé par cet article pour l'article L.O. 1113-1 du code général des collectivités territoriales, après le mot : "objet", insérer les mots : "d'intérêt général". »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement est très facile à défendre puisqu'il vise à en revenir au texte originel du Gouvernement. Et, pour défendre notre point de vue, je m'appuierai sur quelques éléments du rapport de M. Longuet, que j'ai lu pendant la pause que vous nous avez accordée, monsieur le président.
A la page 30 de votre rapport, monsieur Longuet, vous soulignez que les expérimentations normatives traduisent la reconnaissance d'un droit à la spécificité et que ce droit « consacre au contraire la vocation des collectivités territoriales à incarner l'intérêt général et invite les autorités nationales, en particulier le législateur, à fixer les règles communes, déterminer les principes fondamentaux garantissant les mêmes droits aux citoyens, tout en laissant au pouvoir local le soin de les mettre en oeuvre ». D'où l'importance de la précision !
Monsieur le rapporteur, à la page 34 de votre rapport, vous indiquez également que l'objet de l'expérimentation devrait être « d'intérêt général ». Vous ajoutez - de manière redondante, mais pour la bonne cause : « Seul un motif d'intérêt général pourait en effet justifier une dérogation temporaire et expériementale au principe d'égalité. »
Puisque le groupe socialiste propose de reprendre la rédaction initiale du Gouvernement et que nous pouvons nous appuyer sur le rapport de M. Longuet pour soutenir cette position, je ne doute pas que le Gouvernement va émettre un avis favorable sur cet amendement qui pourra donc être adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Mauroy, Dauge, Lagauche, Frimat, Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans la première phrase du texte proposé par cet article pour l'article L.O. 1113-1 du code général des collectivités territoriales après les mots : "l'objet de l'expérimentation", insérer les mots : "qui ne peut être contraire aux prérogatives d'une autre collectivité territoriale". »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. L'amendement n° 4 vise à indiquer que l'objet de l'expérimentation ne peut être contraire aux prérogatives d'une autre collectivité territoriale.
C'est très important, car nous avons bien vu cet après-midi, lorsque nous avons parlé d'expérimentation sur les compétences d'une région pour les lycées ou d'un département pour les collèges, qu'il apparaissait très difficile de mettre en oeuvre un tel dispositif sans consulter et même sans obtenir l'accord de l'autre collectivité locale ou de l'autre catégorie de collectivités locales concernée.
A cet égard, j'ai été très intéressé, une fois encore, par le rapport de M. Longuet. Page 38, il fait allusion au rapport de M. Piron, rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale, qui estime qu'« il n'est pas envisageable de penser qu'une même expérimentation pourrait être conduite par exemple par un département et une commune, puisque l'expérimentation est une dérogation à la loi régissant une compétence donnée. Or il paraît exclu, compte tenu du principe de répartition par blocs de compétences entre collectivités, qu'une même compétence soit exercée à différents niveaux ».
Puis M. le rapporteur poursuivait : « Si cette préoccupation est tout à fait légitime, la rédaction retenue ne semble pas lui donner satisfaction. Elle n'interdit en effet nullement au législateur de permettre à la fois à un département et à une région de déroger à des dispositions législatives régissant une compétence partagée. Il est inutile de rappeler combien le principe fondateur des lois de décentralisation d'une répartition par blocs de compétences entre collectivités territoriales a été battu en brèche au fil des ans. »
Par conséquent, monsieur le rapporteur, dans le droit-fil de votre rapport, nous proposons d'indiquer que l'objet de l'expérimentation ne peut être contraire aux prérogatives d'une autre collectivité territoriale. Comme nous devons avoir le sens de l'intérêt général, il n'est pas possible d'envisager une expérimentation sans considérer les répercussions de toute nature, y compris financières, qu'elle pourra avoir pour les autres collectivités concernées, soit parce qu'elles vont récupérer une compétence ou une partie de compétence, soit parce qu'elles vont perdre une compétence ou une partie de compétence.
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Mauroy, Dauge, Lagauche, Frimat, Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans la première phrase du texte proposé par cet article pour l'article L.O. 1113-1 du code général des collectivités territoriales, après les mots : "cinq ans", insérer les mots : " non prorogeable". »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement est pour nous un amendement de fond. Nous l'avons déjà défendu, les uns et les autres, au cours de nos interventions cet après-midi.
Nous considérons que cinq ans est une durée suffisante pour une expérimentation. Sinon, de prorogation en prorogation, on ne sera plus dans une expérimentation. Finalement, la situation deviendra permanente, et l'on aura beaucoup de mal à revenir en arrière.
Il nous paraît donc sain de prévoir que l'expérimentation dure cinq ans et que cette durée ne peut pas être prorogée.
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Mauroy, Dauge, Lagauche, Frimat, Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Après la première phrase du texte proposé par cet article pour l'article L.O. 1113-1 du code général des collectivités territoriales, insérer une phrase ainsi rédigée : "L'expérimentation ne peut porter atteinte au service public de l'éducation nationale". »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. L'amendement n° 6 est très important, car il a pour objet d'inscrire noir sur blanc dans la loi : « L'expérimentation ne peut porter atteinte au service public de l'éducation nationale. »
Cela va de soi. Toutefois, au cours des derniers mois, nous avons vu qu'une grande partie du personnel de l'éducation nationale, dont nombre d'enseignants, mais aussi un grand nombre de parents d'élèves ont exprimé leurs craintes, à tort ou à raison, que la mise en oeuvre de la décentralisation « modèle Raffarin » ne porte atteinte au service public de l'éducation nationale et à l'égalité des citoyens devant lui.
M. Alain Fouché. Désinformation !
M. Jean-Pierre Sueur. Il nous paraît donc utile d'inscrire une telle phrase dans le texte de loi. Mes chers collègues, soyez-en sûrs, cette inscription ne sera pas inutile, car elle sera perçue comme un message très positif par tous ceux qui avaient fait part de leurs préoccupations et de leurs inquiétudes.
Un amendement similaire, rédigé pratiquement dans les même termes, a été déposé à l'Assemblée nationale par nos collègues du groupe des députés communistes et républicains. Lors de son examen, monsieur le ministre, vous avez déclaré que cet amendement était inconstitutionnel. Cela figure au Journal officiel, et je ne pense pas que les rédacteurs du Journal officiel se soient trompés. Je ne comprends absolument pas pourquoi vous avez dit cela. J'ai entendu tout à l'heure vos déclarations sur la Constitution et je ne comprends pas pourquoi le fait de porter une attention toute particulière au service public de l'éducation nationale serait inconstitutionnel. Vous nous l'expliquerez sans doute...
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Mauroy, Dauge, Lagauche, Frimat, Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans la deuxième phrase du texte proposé par cet article pour l'article L.O. 1113-1 du code général des collectivités territoriales, supprimer les mots : "le cas échéant". »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 7 est retiré.
L'amendement n° 8, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Mauroy, Dauge, Lagauche, Frimat, Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L.O. 1113-1 du code général des collectivités territoriales par un alinéa ainsi rédigé :
« Elle fixe les conditions des compensations financières versées à une collectivité territoriale lorsque la mise en oeuvre d'une expérimentation accroît ses charges. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. L'amendement n° 8 est très important.
M. le président. Lui aussi !
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, vous devez y être sensible, vous qui êtes très attaché aux maires de notre pays, à leurs charges, à leurs ressources financières ! Je vous ai entendu souvent parler de ces sujets avec beaucoup de pertinence.
En l'occurrence, nous proposons l'insertion d'un nouvel alinéa ainsi rédigé : « Elle fixe les conditions des compensations financières versées à une collectivité territoriale lorsque la mise en oeuvre d'une expérimentation accroît ses charges. »
Ce qui préoccupe bien des élus locaux, maires, présidents de conseils généraux et de conseils régionaux - nous en avons d'innombrables témoignages - c'est la question financière.
Si la nouvelle étape de la décentralisation se traduisait essentiellement par des transferts de charges, elle susciterait le mécontentement de très nombreux élus qui sont aujourd'hui inquiets, à juste titre, de cet aspect des choses.
Monsieur le ministre, dans votre esprit, les collectivités devront-elles financer elles-mêmes le coût de l'expérimentation sur leur budget propre ?
Si la réponse est oui, dans ce cas, il serait logique que vous repoussiez notre amendement.
Mais si la réponse est non, ce que nous espérons, dites-nous alors quel dispositif permettra ce financement.
L'Etat compensera-t-il les expérimentations ? Pouvez-vous vous engager à ce sujet ? Si oui, autant que vous ayez le bénéfice politique de cette affirmation : soutenez donc avec beaucoup de chaleur l'amendement que nous avons déposé.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Timeo Danaos... (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Mauroy, Dauge, Lagauche, Frimat, Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L.O. 1113-1 du code général des collectivités territoriales par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces dérogations ne peuvent porter atteinte au principe d'égalité devant le service public. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. L'amendement n° 9 s'inspire du même esprit que l'amendement précédent, mais il porte sur un domaine plus large.
Il ne vous aura pas échappé, mes chers collègues, que si des craintes se manifestaient dans le secteur de l'éducation nationale, il y en avait aussi dans d'autres secteurs ; je pense à la santé tout particulièrement.
Nous considérons que l'expérimentation peut être bénéfique à condition de ne pas être en contradiction avec le principe d'égalité des citoyens devant le service public.
Tous nos concitoyens doivent disposer d'un service public de qualité, qu'ils vivent ou non dans une collectivité territoriale où se déroule une expérimentation.
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Mauroy, Dauge, Lagauche, Frimat, Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Après le texte proposé par cet article pour l'article L.O. 1113-1 du code général des collectivités territoriales, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L.O.... - Sans préjudice des dispositions de l'article 39 de la Constitution, les assemblées délibérantes des collectivités territoriales peuvent être à l'initiative de propositions tendant à modifier ou à adapter les dispositions législatives qui régissent les compétences qu'elles exercent. Ces propositions sont adressées au représentant de l'Etat aux fins de transmission au Premier ministre. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement vise à compléter le projet de loi qui nous est apparu assez centraliseur.
En effet, l'expérimentation ne peut pas être décidée uniquement par la loi.
Si nous sommes d'accord pour dire que l'expérimentation doit être décidée par la loi et mise en oeuvre dans le cadre de mesures à caractère législatif, il nous paraît malgré tout singulier que vous n'ayez pas prévu que les collectivités territoriales puissent avoir l'initiative de l'expérimentation.
Cela figure dans le projet de loi, certes, mais seulement lorsqu'il est question d'un rapport ; c'est un peu restrictif.
Si notre amendement n° 10 était adopté, cela conférerait une dignité et une force toute particulière à l'initiative des collectivités territoriales en termes d'expérimentation.
Il ne s'agit pas pour nous de revenir sur le caractère législatif des décisions de l'expérimentation, nous souhaitons simplement que l'initiative des collectivités soit reconnue comme importante et qu'à ce titre elle soit prévue dans le projet de loi.
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Mauroy, Dauge, Lagauche, Frimat, Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Après le texte proposé par cet article pour l'article L.O. 1113-1 du code général des collectivités territoriales, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L.O... - Dans le cas où le législateur est amené à modifier les dispositions législatives faisant l'objet de dérogations, il précise les conséquences de ces modifications sur les expérimentations.
« La suppression de dispositions législatives faisant l'objet de dérogations entraîne de fait la fin de l'expérimentation. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. L'amendement n° 11 consiste à prévoir que la suppression de dispositions législatives faisant l'objet de dérogations entraîne de fait la fin de l'expérimentation. Cette disposition est d'une grande clarté et je ne vois pas comment elle pourrait susciter des objections majeures.
M. le président. L'amendement n° 12, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Mauroy, Dauge, Lagauche, Frimat, Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Après le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L.O. 1113-5 du code général des collectivités territoriales, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de non-transmission de ce rapport d'évaluation au Parlement, la loi ne peut prolonger, modifier ou généraliser les mesures prises à titre expérimental. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous avons l'habitude de prévoir à la fin des projets et propositions de loi qu'un rapport sera présenté par le Gouvernement. Des centaines, peut-être des milliers d'articles prévoient de tels rapports. Or, lorsque le rapport ne paraît pas, rien ne se passe, il n'y a aucune sanction.
Dès lors, nous souhaitons inscrire dans la loi qu'en cas de non-transmission du rapport d'évaluation la loi ne peut prolonger, modifier ou généraliser les mesures prises à titre expérimental.
M. le président. L'amendement n° 13, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Mauroy, Dauge, Lagauche, Frimat, Marc et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L.O. 1113-5 du code général des collectivités territoriales par un alinéa ainsi rédigé :
« L'évaluation continue de cette expérimentation est confiée, dans chaque assemblée parlementaire, à une commission composée à la représentation proportionnelle des groupes. Cette commission présente des rapports d'évaluation qui peuvent conduire le législateur à mettre fin à l'expérimentation avant le terme prévu. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. L'amendement n° 13 prévoit de confier l'évaluation continue de l'expérimentation dans chaque assemblée parlementaire à une commission composée à la représentation proportionnelle des différents groupes.
Il convient d'attacher une grande importance à l'évaluation de l'expérimentation, mes chers collègues, parce qu'il ne s'agit pas d'engager n'importe quel processus dans un grand nombre de collectivités. Il faudra déterminer les résultats de l'expérimentation quant au bien-être ou à l'intérêt de nos concitoyens.
M. le président. L'amendement n° 14, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Mauroy, Dauge, Lagauche, Frimat, Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L.O. 1113-6 du code général des collectivités territoriales. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement est un amendement de coordination.
Nous avons dit tout à l'heure que nous souhaitions que l'expérimentation soit limitée à cinq années. Nous proposons, en conséquence, de supprimer le deuxième alinéa du texte présenté pour l'article L.O. 1113-6 du code général des collectivités territoriales.
M. le président. L'amendement n° 15, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Mauroy, Dauge, Lagauche, Frimat, Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L.O. 1113-6 du code général des collectivités territoriales :
« - les conditions de la modification de l'expérimentation pour une durée qui ne peut excéder deux ans ; ».
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. L'amendement n° 15 est un amendement de repli au cas où l'amendement précédent ne serait pas adopté. Il limite la possibilité de prolonger l'expérimentation à une durée qui ne peut excéder deux ans.
M. le président. L'amendement n° 16, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Mauroy, Dauge, Lagauche, Frimat, Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L.O. 1113-6 du code général des collectivités territoriales :
« - les conditions de la modification de l'expérimentation pour une durée qui ne peut excéder un an ; ».
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. L'amendement n° 16 est également un amendement de repli limitant la possibilité de prolonger l'expérimentation à un an.
M. le président. L'amendement n° 17, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Mauroy, Dauge, Lagauche, Frimat, Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Supprimer l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L.O. 1113-6 du code général des collectivités territoriales. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement a pour objet, dans la même logique, de supprimer la possibilité de proroger l'expérimentation d'un an par le simple dépôt d'un projet de loi.
M. le président. L'amendement n° 18, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Mauroy, Dauge, Lagauche, Frimat, Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Au début de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L.O. 1113-6 du code général des collectivités territoriales remplacer les mots : "Le dépôt" par les mots : "L'adoption". »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. J'ai longuement défendu cet amendement lors de la présentation de la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Nous considérons qu'il est complètement absurde de prévoir que le dépôt d'un projet ou d'une proposition de loi puisse permettre la prolongation de l'expérimentation. Toutefois, si l'on se place dans votre logique - qui est différente de la nôtre, puisque nous estimons qu'il faut en rester à une expérimentation de cinq ans -, il nous semble impossible que le dépôt d'un projet ou d'une proposition de loi suffise à permettre la prorogation de l'expérimentation une seconde fois. Pour cela, ce projet ou cette proposition de loi doivent être adoptés.
M. le président. L'amendement n° 19, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Mauroy, Dauge, Lagauche, Frimat, Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L.O. 1113-6 du code général des collectivités territoriales par un alinéa ainsi rédigé :
« L'expérimentation ne peut être prolongée ou modifiée qu'une seule fois. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. L'amendement n° 19 est un amendement de conséquence, puisque nous prévoyons que l'expérimentation ne peut être prolongée ou modifiée qu'une seule fois. C'est également un amendement de repli au cas où les amendements précédents n'auraient pas été retenus.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Longuet, rapporteur. La commission a examiné ces amendements avec intérêt, mais, dans l'ensemble, elle n'y est pas favorable, pour diverses raisons que je vais évoquer successivement.
L'amendement n° 20, présenté par Mme Mathon, vise à supprimer l'article 1er du projet de loi organique. Il est dans la logique de la motion tendant à opposer la question préalable. Comme nous avons envie de débattre de ce texte, nous proposons au Sénat de repousser cet amendement.
L'amendement n° 2 est intéressant. Mais, chers collègues, votre souci est pris en compte dans le dispositif prévu à l'article L.O. 1113-6 du code général des collectivités territoriales, qui édicte très clairement que la vocation de l'expérimentation, c'est la généralisation. Deux autres cas sont prévus : soit la prolongation, que vous récusez, mais qui permet une modification et une expérience complémentaire de trois ans, soit l'abandon pur et simple.
J'ai écouté votre argumentation avec intérêt. En effet, Michel Piron, rapporteur de ce projet de loi à l'Assemblée nationale, avait envisagé une solution qui, pour un Alsacien-Lorrain, présentait un intérêt par la référence au droit local.
Or c'est précisément ce que le projet gouvernemental écarte : il ne s'agit pas de créer des droits locaux, il s'agit d'expérimenter localement des textes qui ont vocation à être généralisés, ainsi que la rédaction de l'article L.O. 1113-6 l'exprime avec force sans aucune ambiguïté.
Ne craignez pas le patchwork, chers collègues ; il n'est pas possible avec le dispositif prévu dans ce texte !
L'amendement n° 3 a pour objet de préciser que l'objet de l'expérimentation est d'intérêt général. Certes, c'est proposer le retour au texte du Gouvernement. Mais, monsieur le ministre, ne vous formalisez pas si je vous dis que cela va de soi et que, s'il y a des choses qui, paraît-il, vont mieux en les disant, en l'occurrence, cela alourdit le texte inutilement. La loi est d'intérêt général, et c'est notre travail collectif que de dégager cet intérêt général sans qu'il soit besoin en permanence de nous le rappeler.
L'amendement n° 4 est important, mes chers collègues : il évoque un sujet qui va revenir d'une façon récurrente dans toutes les lois de décentralisation. Il s'agit de rappeler qu'aucune collectivité ne peut exercer de tutelle sur une autre.
La Constitution mentionne ce principe. C'est la raison pour laquelle la commission n'a pas retenu cet amendement, non pas qu'elle en combatte l'esprit, bien au contraire, mais parce qu'elle considère que l'article 72-2 de la Constitution a plus de force qu'un amendement.
Nous aurons à expliciter, à travers une jurisprudence constitutionnelle, le sens même de cette absence d'autorité hiérarchique d'une collectivité sur une autre, tout en définissant - et ce sera sans doute plus difficile - la notion de chef de file. Au demeurant, nous aurons l'occasion, grâce aux lois en préparation sur la décentralisation, d'approfondir cette innovation juridique.
Sur l'amendement n° 5, la commission n'est pas favorable à l'abandon de la prorogation de trois ans, pour des raisons qui sont liées à l'expérimentation la plus connue,...
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. La plus emblématique !
M. Gérard Longuet, rapporteur. ... celle des transports express régionaux. Elle était prévue pour cinq ans et a finalement été prolongée de deux ans. L'expérimentation la plus convaincante a donc duré sept ans.
Vous voulez limiter la durée des expérimentations à cinq ans. Or, compte tenu du temps nécessaire pour la mise en oeuvre des dispositifs - et nous sommes, nous, élus locaux, bien placés pour en parler -, la commission a estimé que cinq ans, c'était un peu court. Une durée maximale de huit ans lui a paru plus pertinente.
L'amendement n° 6 vise à préciser que « l'expérimentation ne peut porter atteinte au service public de l'éducation nationale ». Cher collègue, l'expérimentation ne peut s'opérer sur l'initiative d'une collectivité locale que dans son domaine de compétence lié !
Deux cas de figure sont alors possibles.
Premier cas de figure : la loi autorise - et c'est une volonté du Parlement - les collectivités locales à s'impliquer dans l'organisation du service public de l'éducation nationale. Or, à ma connaissance, ce n'est pas le cas, à l'exception des problèmes logistiques qui, depuis Jules Ferry, sont gérés par les communes pour l'enseignement primaire et, depuis les lois de décentralisation, par les départements ou par les régions pour les collèges et les lycées. Dès lors que nous sommes ainsi liés, n'ayez pas d'inquiétude, nous ne nous saisirons pas de domaines dans lesquels nous n'avons pas compétence.
Second cas de figure : dans sa sagesse, le législateur décide de confier des compétences nouvelles aux collectivités locales, auquel cas cet amendement n'aurait pas beaucoup de sens. Nous sommes donc là dans le domaine de la compétence liée.
Je vous remercie d'avoir retiré l'amendement n° 7, car j'aurais été incapable de l'expliquer et de le commenter ! (Rires.)
L'amendement n° 8 est satisfait dans la mesure où l'article 72-2 de la Constitution apporte justement la sécurité financière, avec une autorité et une force auxquelles un amendement ne peut prétendre.
L'amendement n° 9 vise à préciser que les dérogations ne peuvent porter atteinte au principe d'égalité devant le service public. Vous avez tout à fait raison monsieur le sénateur. Mais tel est le sens même de tout le travail du législateur - et celui de la jurisprudence - qui considère qu'à situation identique, les traitements doivent être égaux. Mais si les situations ne sont pas égales - et c'est justement l'objet de l'expérimentation -, les solutions doivent être différentes. La commission n'a pas retenu votre amendement, parce que l'égalité devant le service public est une construction extrêmement solide de la jurisprudence, à laquelle, naturellement, le législateur doit se soumettre.
L'amendement n° 10 me paraît satisfait par la rédaction d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale et visant à rappeler que le Gouvernement doit présenter annuellement un rapport sur l'ensemble des demandes d'habilitation formulées par les collectivités locales dans les domaines ouverts à l'expérimentation, mais également sur l'ensemble des propositions d'expérimentations nouvelles présentées par les collectivités locales dans des domaines où les lois d'habilitation n'existent pas encore - et, par conséquent, sur les demande de lois d'habilitation à venir. Le débat est donc organisé très formellement par la nouvelle rédaction de l'article L.O. 1113-1 du code général des collectivités territoriales. C'est la raison pour laquelle nous avons rejeté cet amendement.
L'amendement n° 11 dispose notamment que « la suppression de dispositions législatives faisant l'objet de dérogations entraîne de fait la fin de l'expérimentation ». Le législateur n'est pas dessaisi par l'expérimentation de son droit de légiférer en toutes circonstances. Toutefois, s'il décide de légiférer alors qu'une expérimentation est engagée, il faut qu'il en tire les conséquences, c'est-à-dire que l'expérimentation doit s'arrêter. Votre amendement n'est pas choquant, mais il est inutile de rappeler au Parlement qu'il demeure libre puisqu'il a déjà le sentiment de l'être et a bien l'intention de le rester.
L'amendement n° 12 a pour objet d'insérer un alinéa ainsi rédigé : « En cas de non-transmission de ce rapport d'évaluation au Parlement, la loi ne peut prolonger, modifier ou généraliser les mesures prises à titre expérimental. »
Cet amendement est contraire à la Constitution en ce qu'il porte atteinte au droit d'initiative législative du Parlement.
En ce qui concerne l'amendement n° 13, je vous rappelle qu'il appartient aux assemblées parlementaires de s'organiser comme elles l'entendent, en particulier de créer des missions d'information. Cher collègue membre de la commission des lois, vous savez surtout qu'il existe un office parlementaire d'évaluation de la législation, d'ailleurs présidé par le président de la commission des lois du Sénat, et qu'il sera parfaitement dans son rôle en conduisant le travail d'évaluation que vous proposez dans l'amendement n° 13.
M. Jean-Pierre Sueur. Il se réunira ?
M. Gérard Longuet, rapporteur. Sans doute !
En ce qui concerne l'amendement n° 14, je suis, contrairement à vous, convaincu qu'il faut pouvoir prolonger ou modifier l'expérimentation. Très honnêtement, si l'on veut que l'expérimentation porte sur des sujets majeurs, il faut se donner la possibilité de dépasser le cadre de cinq ans, car cinq années sont vite passées.
Les amendements n°s 15 et 16, qui visent à maintenir la possibilité de modifier l'expérimentation pour deux ans et un an, sont des amendements de repli. Nous avons échappé à un amendement tendant à proposer dix-huit mois, ce dont je vous suis très reconnaissant, mon cher collègue. (Sourires.)
L'amendement n° 17, je dois le dire, est un bon amendement de fond. Je pense en effet, monsieur Sueur, que vous avez soulevé un problème important sur lequel le Gouvernement s'était d'ailleurs exprimé à la fin de la discussion générale. Je reste convaincu - et la commission des lois a bien voulu suivre mon avis - que nous devons, dans ces expérimentations de courte durée - cinq ans, avec une prolongation de trois ans -, éviter une caducité automatique que personne n'aurait souhaité et qui s'imposerait à tous au motif que l'encombrement parlementaire n'aurait pas permis l'examen d'un texte.
J'ajoute que les alternances politiques jouent, ce qui est une bonne chose. C'est ainsi que, si une majorité avait la tentation d'étouffer une expérimentation précédemment décidée, l'opposition aurait toujours la faculté, par le dépôt d'une proposition de loi, d'obtenir un délai supplémentaire et de suggérer que l'assemblée saisie, Sénat ou Assemblée nationale, puisse débattre publiquement de la poursuite de cette expérimentation.
M. Jean-Pierre Sueur. Il y a plusieurs manières d'expérimenter !
M. Gérard Longuet, rapporteur. La commission n'a pas adopté non plus l'amendement n° 18, qui est également un amendement de repli. En effet, à partir du moment où l'on adopte une loi, cela veut bien dire que l'expérimentation est conclue. Le dépôt, c'est une façon d'obtenir un sursis, et l'adoption, c'est la transformation d'une expérimentation, selon les principes définis aux trois derniers alinéas de l'article L.O. 1113-6 du code général des collectivités territoriales.
J'en viens enfin à l'amendement n° 19, qui prévoit que « l'expérimentation ne peut être prolongée ou modifiée qu'une seule fois ». Il me semble que tel est bien le sens du texte du Gouvernement, mais je me tourne vers ce dernier. Pour sa part, la commission a considéré que le texte gouvernemental prévoyait que seul comptait le délai maximal de trois ans et qu'à l'intérieur de ce délai maximal on n'imaginait pas de reconfiguration de l'expérimentation dans la seconde séquence.
Telles sont, mes chers collègues, les décisions de la commission des lois sur ces amendements qui, pour avoir contribué à enrichir le débat, ne l'ont pas pour autant modifié considérablement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. En ce qui concerne l'amendement n° 20, qui tend à la suppression de l'article 1er, vous ne serez pas étonnés, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement y soit défavorable.
L'amendement n° 2 prévoit que « les expérimentations sont en mises en oeuvre dans l'objectif de leur généralisation ». En fait, le véritable objectif est l'expérimentation. On espère la généraliser, mais, comme on a des doutes, on expérimente pour savoir. C'est une technique. Il n'est donc pas exact de dire que le but de l'expérimentation est la généralisation. Il se peut aussi qu'on y mette fin rapidement, parce que l'on s'est trompé, ou parce qu'elle est devenue caduque.
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas ce que j'ai dit !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Moi, c'est ce que je vous réponds.
L'amendement n° 3 porte sur le respect de l'intérêt général. Or le propre de la loi est de définir l'intérêt général. Cet amendement est donc redondant.
M. Jean-Pierre Sueur. Le Gouvernement n'écrit pas très bien !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement, en effet, ne rédige pas toujours très bien ses textes. C'est la raison pour laquelle il a intérêt au débat parlementaire. Figurez-vous que le Parlement sert à quelque chose !
Mme Françoise Henneron. Bravo !
M. Jean-Pierre Sueur. On le voit ce soir !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il sert à améliorer les textes. Le Gouvernement, qui en est bien conscient, l'écoute. D'ailleurs, quand il regarde vers Portalis (M. le ministre se tourne vers la statue de Portalis, qui domine l'hémicycle), l'inspiration lui vient et il sait quelle est la bonne rédaction. En l'occurrence, l'Assemblée nationale a été bien inspirée.
M. le président. Voilà une affirmation rassurante, monsieur le ministre !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Elle va presque de soi, monsieur le président, mais M. Sueur avait besoin de cette confirmation « redondante », pour employer son expression.
L'amendement n° 4 est satisfait par la Constitution, qui prévoit déjà qu'une collectivité ne peut exercer de tutelle sur une autre. C'est ce que vous demandiez, monsieur Sueur.
L'amendement n° 5 exprime votre refus, que l'on retrouvera à d'autres reprises, de prolonger l'expérimentation. Comme vous l'a montré M. Longuet, le délai de sept ans n'était pas inutile pour mettre en place les trains express régionaux. Lorsque les choses sont simples, il vaudrait mieux en effet prévoir moins de cinq ans. Malheureusement, elles peuvent parfois être complexes. Par conséquent, se priver de la possibilité de réorienter une expérimentation qui avait peut-être initialement été mal conçue me paraît une erreur. En tout cas, le législateur est souverain. Pourquoi voulez-vous le priver de cette possibilité de prolonger sa propre décision ?
M. Paul Blanc. Il faut laisser le temps au temps ! (Sourires.)
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Tout à fait !
J'en viens à l'amendement n° 6, selon lequel « l'expérimentation ne peut porter atteinte au service public de l'éducation nationale ». Je me demande d'ailleurs si votre intention est d'interdire l'expérimentation dans le domaine de l'éducation nationale, car on peut pratiquer l'expérimentation dans l'éducation nationale sans porter atteinte au service public. Si telle est bien votre intention, cette garantie, sachez-le, figure d'ores et déjà dans la Constitution. Donc, monsieur Sueur, l'amendement n° 6 est redondant par rapport à la Constitution.
L'amendement n° 8, qui tend à prévoir des compensations financières, est très clairement satisfait par l'article 72-2, alinéa 4, de la Constitution, auquel vous devriez vous reporter, mais que vous connaissez sûrement, monsieur Sueur, car je me suis aperçu que vous défendiez des positions sans même y croire. (Rires sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur. Vous ne pouvez dire cela ! Nous n'avons pas voté cette réforme constitutionnelle, mais c'est la Constitution et nous sommes parfaitement fondés à vouloir la modifier.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Tout à l'heure, monsieur Sueur, alors que je m'étais trompé en disant que la rédaction de l'article 39 avait été proposée par le Sénat, vous m'avez corrigé - à raison - en précisant qu'elle l'avait été par l'Assemblée nationale. C'est dire que vous connaissiez bien la modification constitutionnelle et toute la portée juridique qu'on peut en tirer. Par conséquent, cela signifie que votre argumentation elle-même est démentie par votre propre connaissance des faits.
Sur l'amendement n° 8, c'est un peu la même chose, me semble-t-il. Je suis sûr, en effet, que vous connaissez bien la Constitution, laquelle, à son article 72-2, prévoit que « tout transfert de compétence entre l'Etat et les collectivités locales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice ».
Donc, même en matière expérimentale, en matière de transfert provisoire de compétences, l'Etat doit donner les moyens financiers correspondants. Le texte stipulant « tout transfert », il n'y a pas d'exception à ce principe. Puisqu'il est posé par la Constitution elle-même, il n'est nul besoin que la loi organique intervienne sur ce sujet.
L'amendement n° 9 vise à éviter que les expérimentations ne portent atteinte au principe d'égalité devant le service public. La Constitution vous donne déjà satisfaction et votre amendement est donc redondant.
L'amendement n° 10 est également satisfait. Je ne crois pas que vous ayez envisagé de saisine directe, puisque c'est par l'intermédiaire du préfet que le Gouvernement peut être saisi. Par conséquent, l'amendement me paraît inutile.
L'amendement n° 11 prévoit que le législateur doit préciser les conséquences des modifications législatives sur les expérimentations. Bien qu'il appartienne au législateur de tirer les conséquences de ses actes, le Parlement reste souverain. Il est donc préférable, vous avez raison, que le législateur rédige des textes de bonne qualité, mais il ne sert à rien d'en poser le principe. On ne peut qu'y veiller. Mais je suis tranquille, monsieur Sueur : tant qu'il y aura des parlementaires de votre qualité, nous serons certains que les erreurs ne passerons pas inaperçues. (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Gérard Longuet, rapporteur. Ce n'est pas le seul !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Ce n'est naturellement pas le seul, monsieur Longuet, et nous avons un excellent rapporteur (Nouveaux sourires sur les mêmes travées.) qui a soigneusement déminé le terrain. Pardon, monsieur Longuet, de vous avoir oublié dans cette distribution de compliments, mais j'avais cru comprendre que vous étiez conscient de l'estime que le Gouvernement vous porte. Je m'adressais à M. Sueur parce qu'il est l'auteur des amendements, mais quand c'est vous, monsieur Longuet, qui êtes à l'origine des modifications, j'y suis sensible...
Mme Nicole Borvo. Oh ! M. le ministre a des choses à se faire pardonner !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. L'amendement n° 12 vise à empêcher le Parlement de statuer lorsqu'il y a défaut de transmission du rapport d'évaluation. Naturellement, ce serait un moyen trop facile de bloquer le Parlement ! On ne peut pas laisser un refus de transmission bloquer les travaux du Parlement.
L'amendement n° 13 me semble relever du fonctionnement interne des assemblées dans l'organisation de leur travail. Le Gouvernement n'entend pas se mêler de ce qui relève de leur champ de compétence.
L'amendement n° 14 traduit de nouveau le refus de la prolongation, je n'y reviens pas. Le Gouvernement est hostile à cet amendement, car il croit à la prolongation.
Les amendements n°s 15 et 16 sont des amendements de repli de l'amendement n° 14. Pour les raisons déjà énoncées, le Gouvernement y est défavorable.
J'ai eu l'occasion de donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 17 en soulignant le principe de la stabilité juridique et il me paraît nécessaire de nous y tenir.
L'amendement n° 18 étant un amendement de repli par rapport à l'amendement n° 17, les mêmes observations peuvent lui être appliquées. Il en est de même pour l'amendement n° 19.
M. Jean-Pierre Sueur. L'amendement n° 18 prévoit l'adoption d'une loi et non pas une prorogation de délai !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Monsieur Sueur, l'amendement n° 18 est un amendement de repli par rapport à l'amendement n° 17. Par l'amendement n° 17, vous refusez le délai qui résulte du dépôt d'un projet ou d'une proposition de loi. Je vous ai indiqué que le Gouvernement y tient, pour des raisons juridiques. En effet, comme l'a souligné M. Longuet, laisser un texte devenir caduc simplement par carence ou par encombrement parlementaire me paraît la pire manière de légiférer. Le Gouvernement veut éviter cet écueil. A cet égard, les amendements n°s 18 et 19 sont donc des amendements de repli par rapport à votre refus de délai formulé dans l'amendement n° 17.
Le Gouvernement est donc tout à fait défavorable à l'ensemble de ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20.
(L'amendement n'est pas adopté.)
ARTICLE L.O. 1113-1 DU CODE GÉNÉRAL
DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
M. le président. Je mets aux voix successivement les amendements n°s 2 à 6.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix successivement les amendements n°s 8 et 9.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix le texte proposé pour l'article L.O. 1113-1 du code général des collectivités territoriales.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLES ADDITIONNELS APRÈS L'ARTICLE L.O. 1113-1
DU CODE GÉNÉRAL DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
M. le président. Je mets aux voix successivement les amendements n°s 10 et 11.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
ARTICLES L.O. 1113-2 À L.O. 1113-4
DU CODE GÉNÉRAL DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
M. le président. Je mets aux voix les textes proposés pour les articles L.O. 1113-2 à L.O. 1113-4 du code général des collectivités territoriales.
(Ces textes sont adoptés.)
ARTICLE L.O. 1113-5 DU CODE GÉNÉRAL
DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
M. le président. Je mets aux voix successivement les amendements n°s 12 et 13.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix le texte proposé pour l'article L.O. 1113-5 du code général des collectivités territoriales.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE L.O. 1113-6 DU CODE GÉNÉRAL
DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
M. le président. Je mets aux voix successivement les amendements n°s 14 à 19.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. Yves Dauge. Hélas !
M. le président. Je mets aux voix le texte proposé pour l'article L.O. 1113-6 du code général des collectivités territoriales.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE L.O. 1113-7 DU CODE GÉNÉRAL
DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
M. le président. Je mets aux voix le texte proposé pour l'article L.O. 1113-7 du code général des collectivités territoriales.
(Ce texte est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'ensemble de l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
M. le président. « Art. 2. - Le chapitre unique du titre unique du livre Ier de la cinquième partie du code général des collectivités territoriales est complété par un article L.O. 5111-5 ainsi rédigé :
« Art. L.O. 5111-5. - Les dispositions des articles L.O. 1113-1 à L.O. 1113-7 sont applicables aux établissements publics regroupant exclusivement des collectivités territoriales. »
L'amendement n° 21, présenté par Mmes Mathon et Borvo, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. Cet amendement est défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Longuet, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi organique, je donne la parole à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, vous avez tenu un certain nombre de propos qui ont été parfois aimables...
M. Gérard César. Il sont toujours aimables !
M. Jean-Pierre Sueur. ... et nous voulons saluer la variation saisonnière de vos appréciations. Tout dépend du mois dans lequel nous nous trouvons et de l'objet du débat. Si nous avions siégé au mois d'août, ...
M. Gérard César. Pourquoi pas ?
M. Dominique Braye. Il n'y a pas de mauvais profit !
M. Jean-Pierre Sueur. ... peut-être aurions-nous pu considérer l'évolution des choses !
Toujours est-il que, quels que soient le ton employé et les arguments du Gouvernement et de la commission, nous devons constater, une fois encore, que l'ensemble des amendements qui ont été déposés par l'opposition ont été rejetés.
M. Roger Karoutchi. Ils ne sont pas bons !
M. Jean-Pierre Sueur. Quels que soient les arguments que nous avons invoqués et les éléments que nous avons pu apporter, quelles que soient les réalités financières auxquelles les responsables des collectivités locales devront faire face et malgré la nécessité dans laquelle nous sommes de prendre des précautions sur un sujet aussi sensible, toutes les suggestions que nous avons faites ont été rejetées.
Il y a là une nouvelle application de cette règle non écrite en vertu de laquelle le vote conforme constitue une nécessité toujours présente...
Mme Nicole Borvo. Une règle d'or !
M. Jean-Pierre Sueur. ... et une sorte de règle d'or pour le Sénat, comme le dit Mme Borvo.
Il a fallu la détermination de M. Hoeffel pour que nous échappions au vote conforme sur le projet de loi organique relatif au référendum local.
Je regrette que nous n'ayons pas pu tirer pleinement parti de la discussion parlementaire pour améliorer le présent projet de loi organique.
Toujours est-il que, pour nous, les choses sont claires.
Premièrement, nous sommes pour l'expérimentation. Mais cette dernière doit être encadrée par la loi.
L'objectif n'est pas de diviser l'espace, le territoire, la République en autant d'entités qui auraient des lois et des règles particulières. L'objectif, c'est de faire en sorte que la loi soit la meilleure possible, ce qui implique que l'expérimentation puisse, dans un certain nombre de cas et de circonstances, être utile et précieuse.
Nous n'observons pas la même logique et la même clarté dans la position du Gouvernement et de la majorité de notre assemblée.
Nous redoutons beaucoup les conséquences que pourrait avoir cette mise en oeuvre de l'expérimentation sur le principe d'égalité, sur les conditions concrètes d'existence des collectivités territoriales. Elle risque, en effet, d'entraîner la résurrection d'une tutelle subreptice de tel ou tel niveau de collectivité, de telle ou telle collectivité sur une autre.
C'est pourquoi nous ne pouvons voter le texte tel qu'il est issu de nos débats et, comme l'a exprimé tout à l'heure M. Pierre Mauroy, nous sommes inquiets quant à l'orientation que prend désormais la décentralisation.
La décentralisation était considérée comme un progrès depuis une vingtaine d'années. Sous tous les gouvernements qui se sont succédé, de très nombreuses lois de toute nature se sont inscrites dans ce mouvement de décentralisation. Prenons garde que la décentralisation n'apparaisse aujourd'hui comme un dispositif complexe, susceptible d'éloigner davantage les citoyens de l'action publique et de porter atteinte au respect du principe d'égalité.
Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons pas voter le présent projet de loi organique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. Monsieur le rapporteur, vous avez raillé le fait que notre groupe n'ait pas déposé d'amendements. C'était sans doute superflu dans la mesure où vous avez décidé que le Sénat devait adopter ce texte conforme et où votre comportement tient parfois de l'euthanasie.
Nous réaffirmons pour notre part notre opposition aux expérimentations telles que vous les concevez car nous voyons dans votre schéma réformateur les prémices d'un fédéralisme qui fera sans doute éclater la cohésion nationale et qui se révélera probablement mortel pour l'égalité des citoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M.
le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 231
:
Nombre de votants | 312 |
Nombre de suffrages exprimés | 311 |
Pour | 200 |
Contre | 111 |
Le Sénat a adopté définitivement le projet de loi organique.
INITIATIVE ÉCONOMIQUE
Adoption des conclusions
d'une commission mixte paritaire
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 368, 2002-2003) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour l'initiative économique.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Francis Grignon, président de la commission spéciale, en remplacement de M. Jean-Jacques Hyest, Mme Annick Bocandé, M. René Trégouët, rapporteurs pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la commission mixte paritaire chargée d'examiner les dispositions restant en discussion du projet de loi pour l'initiative économique s'est réunie au Sénat, le mardi 24 juin.
Je vous rappelle que, lors de la deuxième lecture le mercredi 18 juin, vingt-cinq articles restaient en navette, vingt articles ayant été modifiés, un article rétabli, un article supprimé, trois articles insérés par les députés. S'il en a adopté dix-sept dans le texte de l'Assemblée nationale, le Sénat en a modifié huit et il a inséré un article additionnel.
Ainsi, ce sont neuf articles qui ont été soumis à l'exament de la commission mixte paritaire.
Le premier d'entre eux, l'article 2, était assurément l'un des plus délicats. En deuxième lecture, le Sénat avait rétabli, sur proposition de la commission spéciale, le texte qu'il avait adopté en première lecture et qui visait en substance, comme le prévoyait au demeurant le projet de loi initial, à réserver la délivrance du récépissé de création d'entreprise au greffe du tribunal de commerce pour les entreprises soumises à l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés.
Cette position était différente de celle qui avait été préconisée par l'Assemblée nationale, qui souhaitait, pour des raisons pratiques, autoriser les centres de formalités des entreprises, qui ont vocation à accueillir les créateurs d'entreprise pour les accompagner dans leurs démarches, à délivrer également le récépissé de création d'entreprise, le RCE, lorsque le dossier de création est complet.
La commission mixte paritaire a adopté l'article 2 dans une rédaction de compromis proposée par votre rapporteur, M. Jean-Jacques Hyest. Cette rédaction définit clairement la nature de ce document en lui attribuant le nom de « récépissé de dépôt de dossier de création d'entreprise », ou RDDCE ; elle limite son usage aux seules démarches nécessaires auprès des organismes publics et des organismes privés chargés d'une mission de service public, à l'exclusion par conséquent de la possibilité de retirer les fonds provenant de la libération des parts sociales, possibilité que prévoyait le texte initial du Gouvernement ; elle rappelle que les démarches ainsi entreprises le sont sous la responsabilité personnelle de la personne physique ayant la qualité de commerçant ou qui agit au nom de la société en formation ; elle maintient sur le récépissé la mention « en attente d'immatriculation », que le Sénat avait prévue dès la première lecture.
Un tel compromis devrait être de nature à satisfaire les préoccupations de l'ensemble des intéréssés, car il confirme le rôle éminent de « portail » que constituent les centres de formalités des entreprises pour les créateurs d'entreprise tout en respectant les impératifs de sécurité juridique, auxquels le Sénat s'est montré particulièrement attaché à chaque étape de l'examen du projet de loi.
La commission mixte paritaire a ensuite adopté dans la rédaction du Sénat l'article 6 quater A, qui reporte de six mois la mise en oeuvre des dispositions de l'article 6 ter relatives à la protection des cautions et de l'article 6 sexies, qui assouplit le régime juridique applicable aux sociétés d'architecture.
Elle a également maintenu la suppression de l'article 8 bis, qui visait à étendre le dispositif d'exonération de l'article 8 au créateur d'entreprise n'ayant jamais travaillé et qui bénéficie d'une protection sociale en tant que conjoint ou concubin d'un assuré. Elle a cependant rendu hommage àl'initiateur de cette disposition, notre collègue député M. Jean-Jacques Descamps, et convenu de la nécessité de porter une attention soutenue à la situation des femmes n'ayant jamais travaillé et souhaitant créer une entreprise, en particulier en milieu rural.
La commission mixte paritaire a ensuite adopté dans la rédaction du Sénat l'article 9 bis, qui étend les cas de recours au contrat à durée déterminée au remplacement d'un salarié de passage provisoire à temps partiel.
A l'article 13, relatif aux fonds d'investissement de proximité, elle a retenu une rédaction proposée par MM. René Trégouët et Gilles Carrez, rapporteurs, qui, comme l'avait décidé le Sénat en deuxième lecture, maintient à titre strictement subsidiaire le critère du siège social pour déterminer l'éligibilité d'une entreprise au financement par un fond d'investissement de proximité, un FIP, lorsque les critères économiques s'avèrent infructueux et qui, comme le souhaitait l'Assemblée nationale, rétablit l'allongement transitoire de la période à l'issue de laquelle les FIP créés jusqu'au 31 décembre 2004 doivent respecter leur quota d'investissement de 60 %.
A l'article 26 bis, qui prévoit une exonération partielle de l'impôt de solidarité sur la fortune, l'ISF, pour les parts ou actions de société que les propriétaires s'engagent à conserver dans le cadre d'un accord collectif, la commission mixte paritaire a renoncé à distinguer, en matière de sanctions, la situation de la personne responsable de la rupture de l'engagement collectif de conservation de celle des autres signataires du pacte. En revanche, elle a prévu, sur proposition de M. Gilles Carrez, rapporteur pour l'Assemblée nationale, d'ouvrir un délai d'un an pour permettre à ces derniers signataires de conclure, si cela s'avère nécessaire, un nouveau pacte leur permettant de respecter les seuils de 20 % ou de 34 % du capital, selon que la société est cotée ou non, et de continuer ainsi à bénéficier de l'exonération.
A l'article 26 ter, qui exonère de l'ISF les souscriptions en numéraire au capital de PME non cotées, la commission mixte paritaire a autorisé les apports en nature au capital des PME, comme le souhaitait le Sénat, à l'exception toutefois des actifs immobiliers et des valeurs mobilières, cette limitation ayant été introduire à la demande de M. Gilles Carrez, rapporteur, et formalisée par notre collègue Philippe Marini.
La commission mixte paritaire a enfin adopté dans la rédaction du Sénat l'article 27 G relatif aux sanctions pénales en cas d'absence, dans le contrat de sous-traitance, de la justification de l'existence de garanties de paiement du sous-traitant par le constructeur de maisons individuelles.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les conclusions que la commission mixte paritaire a adoptées et qu'elle vous demande d'approuver. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux de terminer cette longue discussion parlementaire au Sénat et je souhaite tout d'abord adresser mes remerciements à l'ensemble des sénateurs qui, sur toutes les travées, ont participé très activement non seulement au débat, mais également à l'amélioration de ce texte.
Je tiens à remercier tout particulièrement Francis Grignon, président de la commission spéciale, ainsi que les rapporteurs pour le Sénat de la commission mixte paritaire, Jean-Jacques Hyest, Annick Bocandé et René Trégouët.
A l'issue des différents examens du projet de loi, nous avons abouti à un texte important, que la commission mixte paritaire a encore amélioré grâce à un très bon accord en particulier sur trois points comme l'a indiqué le président de cette commission spéciale, voilà un instant : tout d'abord, le récépissé de dépôt de dossier de création d'entreprise permettra de démarrer l'activité sans attendre, après avoir déposé son dossier de création au centre de formalités des entreprises, le CFE, ou auprès du greffe du tribunal de commerce, ce qui devrait permettre de créer une entreprise en un lieu unique et en un jour dans notre pays ; ensuite, la faculté d'octroyer un délai supplémentaire d'un an pour la première génération des fonds d'investissement de proximité donnera la possibilité de lancer ces nouveaux produits dans de meilleures conditions et d'assurer leur montée en charge progressive ; enfin, des amendements ont été présentés s'agissant de la fiscalité sur le patrimoine, les évolutions techniques du texte paraissant en effet le justifier.
Je ne m'étendrai pas sur les aspects juridiques et techniques de ce texte, mais il est peut-être aujourd'hui politiquement rétroactif, à défaut de l'être juridiquement, puisque, depuis la rentrée 2002, nous assistons dans notre pays à une très nette augmentation des créations d'entreprises.
Cette évolution marque une vraie rupture par rapport aux années quatre-vingt-dix. Ainsi, le nombre de créations d'entreprises a augmenté de près de 8 % au premier semestre 2003 par rapport au premier semestre 2002.
Le Président de la République a d'ailleurs souligné cette évolution, lui qui avait annoncé aux Français le projet collectif que nous pouvions nous fixer de créer un million d'entreprises nouvelles en cinq ans.
Mesdames, messieurs les sénateurs, alors que le rythme était de 175 000 entreprises nouvelles par an ces dernières années, nous sommes passés, sans que la croissance puisse modifier ce chiffre - espérons que la progression se pousuivra -, à un rythme de 200 000 créations d'entreprises par an. Cela devrait permettre d'atteindre l'objectif de un million d'entreprises nouvelles dans les cinq ans à venir.
Le débat parlementaire nous a ouvert les yeux et il a attisé les désirs de créer des entreprises pour un très grand nombre de Français. La création d'entreprise, c'est à la fois davantage de liberté, celle d'entreprendre, mais aussi une possibilité de donner à l'égalité des chances d'autres outils que ceux auxquels on pense traditionnellement.
Ce texte est donc au coeur de notre projet républicain. Il vise à créer davantage de croissance et à offrir à tous les Français, quelles que soient leurs origines sociales ou géographiques, quel que soit leur parcours scolaire, une même chance de réussite dans une société qui doit s'appuyer, bien entendu, sur la croissance et le développement économique, mais qui doit aussi permettre à chacun de réussir professionnellement, socialement, et de s'épanouir par d'autres formes de travail.
En ce qui concerne le calendrier, de façon assez géométrique, ces mesures devraient s'appliquer à raison de trois phases successives : un premier tiers à la date de promulgation de la loi ; un deuxième tiers au quatrième trimestre de l'année 2003 ; enfin, un dernier tiers, notamment toutes les mesures fiscales concernant la transmission d'entreprises, au 1er janvier 2004.
Ainsi, en quelques mois, seront instaurées des mesures concrètes et audacieuses, qui mettent bien souvent un terme à des débats anciens de vingt ans et qui couvrent les trois champs de la création d'activité : création, développement et transmission des entreprises.
Je remercie tout particulièrmeent le Sénat de l'apport considérable qui fut le sien et qui marque sa volonté très forte de favoriser la création d'entreprises. La Haute Assemblée, par ses nombreuses initiatives, a montré qu'elle était attentive à tous les créateurs de ce pays ; la participation très importante des sénateurs à ce débat l'a encore montré avec éclat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, lorsqu'il examine après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :
TITRE Ier
SIMPLIFICATION
DE LA CRÉATION D'ENTREPRISE
Article 2
(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)
I. - La sous-section 2 de la section 1 du chapitre III du titre II du livre Ier du code de commerce est complétée par un article L. 123-9-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 123-9-1. - Le greffier du tribunal ou l'organisme mentionné au dernier alinéa de l'article 2 de la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle délivre gratuitement un récépissé de dépôt de dossier de création d'entreprise à toute personne assujettie à l'immatriculation au registre, dès que celle-ci a déposé un dossier de demande d'immatriculation complet. Ce récépissé permet d'accomplir, sous la responsabilité personnelle de la personne physique ayant la qualité de commerçant ou qui agit au nom de la société en formation, les démarches nécessaires auprès des organismes publics et des organismes privés chargés d'une mission de service public. Il comporte la mention : "En attente d'immatriculation."
« Les conditions d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat. »
II. - Après l'article 19 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat, il est inséré un article 19-1 ainsi rédigé :
« Art. 19-1. - La chambre de métiers délivre gratuitement un récépissé de dépôt de dossier de création d'entreprise à toute personne assujettie à l'immatriculation au répertoire des métiers, dès que celle-ci a déposé un dossier de demande d'immatriculation complet. Ce récépissé permet d'accomplir, sous la responsabilité personnelle de la personne physique qui a déposé le dossier, les démarches nécessaires auprès des organismes publics et des organismes privés chargés d'une mission de service public. Il comporte la mention : « En attente d'immatriculation ».
« Les conditions d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat. »
III. - Après l'article L. 311-2 du code rural, il est inséré un article L. 311-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 311-2-1. - La chambre d'agriculture délivre gratuitement un récépissé de dépôt de dossier de création d'entreprise à toute personne exerçant à titre habituel des activités réputées agricoles au sens de l'article L. 311-1, dès que celle-ci a déposé un dossier complet de déclaration de création d'une entreprise agricole. Ce récépissé permet d'accomplir, sous la responsabilité personnelle de la personne physique qui a déposé le dossier, les démarches nécessaires auprès des organismes publics et des organismes privés chargés d'une mission de service public.
« Les conditions d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat. »
Article 6 quater A
(Adoption du texte voté par le Sénat)
Les articles L. 341-2, L. 341-3, L. 341-5 et L. 341-6 du code de la consommation entrent en vigueur six mois après la publication de la présente loi.
Article 6 sexies
(Adoption du texte voté par le Sénat)
L'article 12 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture est ainsi rédigé :
« Art. 12. - Pour l'exercice de leurs activités, les architectes peuvent constituer des sociétés civiles ou commerciales entre eux ou avec d'autres personnes physiques ou morales. Ils peuvent également constituer une société à associé unique. Seules les sociétés qui respectent les règles édictées à l'article 13 et qui sont inscrites au tableau régional des architectes peuvent porter le titre de sociétés d'architecture et être autorisées à exercer la profession d'architecte. Ces sociétés peuvent grouper des architectes ou des sociétés d'architecture inscrits à différents tableaux régionaux.
« Toute société d'architecture doit communiquer ses statuts, la liste de ses associés ainsi que toute modification statutaire éventuelle au conseil régional de l'ordre des architectes sur le tableau duquel elle a demandé son inscription. »
TITRE II
TRANSITION ENTRE LE STATUT DE SALARIÉ
ET CELUI D'ENTREPRENEUR
Article 8 bis
Suppression maintenue
par la commission mixte paritaire
Article 9 bis
(Adoption du texte voté par le Sénat)
Le code du travail est ainsi modifié :
1° Dans le 1° de l'article L. 122-1-1, après les mots : « en cas d'absence, », sont insérés les mots : « de passage provisoire à temps partiel, conclu par avenant à son contrat de travail ou par échange écrit entre ce salarié et son employeur, » ;
2° Dans le 1° de l'article L. 124-2-1, après les mots : « en cas d'absence, », sont insérés les mots : « de passage provisoire à temps partiel, conclu par avenant à son contrat de travail ou par échange écrit entre ce salarié et son employeur, ».
TITRE III
FINANCEMENT DE L'INITIATIVE ÉCONOMIQUE
Article 13
(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)
I. - Après la sous-section 9 de la section 1 du chapitre IV du titre Ier du livre II du code monétaire et financier, il est inséré une sous-section 9-1 ainsi rédigée :
« Sous-section 9-1
« Fonds d'investissement de proximité
« Art. L. 214-41-1. - 1. Les fonds d'investissement de proximité sont des fonds communs de placement à risques dont l'actif est constitué, pour 60 % au moins, de valeurs mobilières, parts de société à responsabilité limitée et avances en compte courant, dont au moins 10 % dans des nouvelles entreprises exerçant leur activité ou juridiquement constituées depuis moins de cinq ans, telles que définies par le 1 et le a du 2 de l'article L. 214-36, émises par des sociétés ayant leur siège dans un Etat membre de la Communauté européenne qui sont soumises à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ou en seraient passibles dans les mêmes conditions si l'activité était exercée en France, et qui remplissent les conditions suivantes :
« a) Exercer leurs activités principalement dans des établissements situés dans la zone géographique choisie par le fonds et limitée à une région ou deux ou trois régions limitrophes, ou, lorsque cette condition ne trouve pas à s'appliquer, y avoir établi leur siège social. Le fonds peut également choisir une zone géographique constituée d'un ou de plusieurs départements d'outre mer.
« b) Répondre à la définition des petites et moyennes entreprises figurant à l'annexe I au règlement (CE) n° 70/2001 de la Commission, du 12 janvier 2001, concernant l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides d'Etat en faveur des petites et moyennes entreprises ;
« c) Ne pas avoir pour objet la détention de participations financières, sauf à détenir exclusivement des titres donnant accès au capital de sociétés dont l'objet n'est pas la détention de participations financières et qui répondent aux conditions d'éligibilité du premier alinéa, du a et du b.
« Les conditions fixées au a et au b s'apprécient à la date à laquelle le fonds réalise ses investissements.
« Sont également prises en compte dans le calcul du quota d'investissement de 60 % les parts de fonds commun de placement à risques mentionnés à l'article L. 214-36 et les actions de sociétés de capital-risque régies par l'article 1er-1 de la loi n° 85-695 du 11 juillet 1985 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier à concurrence du pourcentage d'investissement direct de l'actif de la structure concernée dans les sociétés qui répondent aux dispositions du premier alinéa, du a et du b, à l'exclusion des sociétés ayant pour objet la détention de participations financières.
« Toutefois, un fonds d'investissement de proximité ne peut investir plus de 10 % de son actif dans des parts de fonds communs de placement à risques et des actions de sociétés de capital-risque.
« Sont également prises en compte dans le calcul du quota de 60 % les participations versées à des sociétés de caution mutuelle ou à des organismes de garantie intervenant dans la zone géographique choisie par le fonds.
« 2. Les dispositions du 3, du 4 et du 5 de l'article L. 214-36 s'appliquent aux fonds d'investissement de proximité sous réserve du respect du quota de 60 % et des conditions d'éligibilité tels que définis au 1 du présent article. Toutefois, par dérogation aux dispositions du 5 du même article, les fonds d'investissement de proximité créés jusqu'au 31 décembre 2004 doivent respecter leur quota d'investissement de 60 % au plus tard lors de l'inventaire de clôture du deuxième exercice suivant celui de leur constitution.
« 3. Les parts d'un fonds d'investissement de proximité ne peuvent pas être détenues :
« a) A plus de 20 % par un même investisseur ;
« a bis) A plus de 10 % par un même investisseur personne morale de droit public ;
« b) A plus de 30 % par des personnes morales de droit public prises ensemble.
« 4. Les fonds d'investissements de proximité ne peuvent pas bénéficier des dispositions des articles L. 214-33 et L. 214-37 ;
« 5. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du quota prévu au 1 dans le cas où le fonds procède à des appels complémentaires de capitaux ou à des souscriptions nouvelles. Il fixe également les règles d'appréciation du quota, les critères retenus pour déterminer si une entreprise exerce son activité principalement dans la zone géographique choisie par le fonds ainsi que les règles spécifiques relatives aux cessions et aux limites de la détention des actifs. »
II. - L'article L. 4211-1 du code général des collectivités territoriales est complété par un 11° ainsi rédigé :
« 11° Le financement ou l'aide à la mise en oeuvre des fonds d'investissement de proximité définis à l'article L. 214-41-1 du code monétaire et financier par convention avec la société de gestion du fonds qui détermine les objectifs économiques du fonds, lesquels figurent dans le règlement du fonds.
« Dans le cadre de cette convention, des départements, des communes ou leurs groupements pourront participer financièrement à la mise en oeuvre du fonds.
« Les collectivités territoriales et leurs groupements ne peuvent pas détenir des parts ou actions d'une société de gestion d'un fonds d'investissement de proximité. »
III. - Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au d du I de l'article 125 O A, après les mots : « placement à risques, », sont insérés les mots : « , de fonds d'investissement de proximité » ;
2° A l'avant-dernière phrase du e du 3 du I de l'article 150-0 C, les mots : « de placement à risque, » sont remplacés par les mots : « de placement à risques, des fonds d'investissement de proximité » ;
3° A la dernière phrase du 2 du II de l'article 163 bis G et à la dernière phrase du deuxième alinéa du II de l'article 163 octodecies A, après les mots : « de placement à risques », sont insérés les mots : « , des fonds d'investissement de proximité ».
TITRE IV
ACCOMPAGNEMENT SOCIAL DES PROJETS
TITRE V
DÉVELOPPEMENT ET TRANSMISSION
DE L'ENTREPRISE
Article 26 bis
(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)
Après l'article 885 I du code général des impôts, il est inséré un article 885 I bis ainsi rédigé :
« Art. 885 I bis. - Les parts ou les actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale ne sont pas comprises dans les bases d'imposition à l'impôt de solidarité sur la fortune, à concurrence de la moitié de leur valeur si les conditions suivantes sont réunies :
« a) Les parts ou les actions mentionnées ci-dessus doivent faire l'objet d'un engagement collectif de conservation pris par le propriétaire, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit avec d'autres associés ;
« b) L'engagement collectif de conservation doit porter sur au moins 20 % des droits financiers et des droits de vote attachés aux titres émis par la société s'ils sont admis à la négociation sur un marché réglementé ou, à défaut, sur au moins 34 % des parts ou actions de la société.
« Ces pourcentages doivent être respectés tout au long de la durée de l'engagement collectif de conservation qui ne peut être inférieure à six ans. Les associés de l'engagement collectif de conservation peuvent effectuer entre eux des cessions ou donations des titres soumis à l'engagement.
« La durée initiale de l'engagement collectif de conservation peut être automatiquement prorogée par disposition expresse, ou modifiée par avenant sans pouvoir être inférieure à six ans. La dénonciation de la reconduction doit être notifiée à l'administration pour lui être opposable.
« L'engagement collectif de conservation est opposable à l'administration à compter de la date de l'enregistrement de l'acte qui le constate. Dans le cas de titres admis à la négociation sur un marché réglementé, l'engagement collectif de conservation est soumis aux dispositions de l'article L. 233-11 du code de commerce.
« Pour le calcul des pourcentages prévus au premier alinéa, il est tenu compte des titres détenus par une société possédant directement une participation dans la société dont les parts ou actions font l'objet de l'engagement collectif de conservation visé au a et auquel elle a souscrit. La valeur des titres de cette société bénéficie de l'exonération partielle prévue au premier alinéa à proportion de la valeur réelle de son actif brut qui correspond à la participation ayant fait l'objet de l'engagement collectif de conservation.
« L'exonération s'applique également lorsque la société détenue directement par le redevable possède une participation dans une société qui détient les titres de la société dont les parts ou actions font l'objet de l'engagement de conservation.
« Dans cette hypothèse, l'exonération partielle est appliquée à la valeur des titres de la société détenus directement par le redevable, dans la limite de la fraction de la valeur réelle de l'actif brut de celle-ci représentative de la valeur de la participation indirecte ayant fait l'objet d'un engagement de conservation.
« Le bénéfice de l'exonération partielle est subordonné à la condition que les participations soient conservées inchangées à chaque niveau d'interposition pendant toute la durée de l'engagement collectif ;
« c) L'un des associés mentionnés au a exerce effectivement dans la société dont les parts ou actions font l'objet de l'engagement collectif de conservation son activité professionnelle principale si celle-ci est une société de personnes visée aux articles 8 et 8 ter, ou l'une des fonctions énumérées au 1° de l'article 885 O bis lorsque celle-ci est soumise à l'impôt sur les sociétés, de plein droit ou sur option ;
« d) La déclaration visée à l'article 885 W doit être appuyée d'une attestation de la société dont les parts ou actions font l'objet de l'engagement collectif de conservation certifiant que les conditions prévues aux a et b ont été remplies l'année précédant celle au titre de laquelle la déclaration est souscrite ;
« e) En cas de non-respect de la condition prévue au a par l'un des signataires, l'exonération n'est pas remise en cause à l'égard des autres signataires, dès lors qu'ils conservent entre eux leurs titres jusqu'au terme initialement prévu et que la condition prévue au b demeure respectée. Dans le cas où cette dernière condition n'est pas respectée, l'exonération pour l'année en cours et celles précédant la rupture n'est pas remise en cause pour les autres signataires s'ils concluent, dans un délai d'un an, un nouvel engagement collectif de conservation, incluant a minima les titres soumis à l'engagement précédent, éventuellement avec un ou plusieurs autres associés, dans les conditions prévues au a et au b.
« En cas de non-respect des conditions prévues au a ou au b par suite d'une fusion ou d'une scission au sens de l'article 817 A ou d'une augmentation de capital, l'exonération partielle accordée au titre de l'année en cours et de celles précédant ces opérations n'est pas remise en cause si les signataires respectent l'engagement prévu au a jusqu'à son terme. Les titres reçus en contrepartie d'une fusion ou d'une scission doivent être conservés jusqu'au même terme. Cette exonération n'est pas non plus remise en cause lorsque la condition prévue au b n'est pas respectée par suite d'une annulation des titres pour cause de pertes ou de liquidation judiciaire.
« Au-delà du délai de six ans, l'exonération partielle accordée au titre de la période d'un an en cours lors du non-respect de l'une des conditions prévues au a ou au b est seule remise en cause.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent article, notamment les obligations déclaratives incombant aux redevables et aux sociétés. »
Article 26 ter
(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)
I. - Après l'article 885 I du code général des impôts, il est inséré un article 885 I ter ainsi rédigé :
« Art. 885 I ter. - I. - Sont exonérés les titres reçus par le redevable en contrepartie de sa souscription au capital, en numéraire ou en nature par apport de biens nécessaires à l'exercice de l'activité, à l'exception des actifs immobiliers et des valeurs mobilières, d'une société répondant à la définition des petites et moyennes entreprises figurant à l'annexe I au règlement (CE) n° 70/2001 de la Commission, du 12 janvier 2001, concernant l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides de l'Etat en faveur des petites et moyennes entreprises si les conditions suivantes sont réunies au 1er janvier de l'année d'imposition :
« a) La société exerce exclusivement une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, à l'exclusion des activités de gestion de patrimoine mobilier définie à l'article 885 O quater, et notamment celles des organismes de placement en valeurs mobilières, et des activités de gestion ou de location d'immeubles ;
« b) La société a son siège de direction effective dans un Etat membre de la Communauté européenne.
« II. - Un décret fixe les obligations déclaratives incombant aux redevables et aux sociétés. »
II. - Les dispositions du I s'appliquent aux souscriptions réalisées à compter de la date de publication de la présente loi.
TITRE VI
SOUTIEN AU DÉVELOPPEMENT
INTERNATIONAL DES ENTREPRISES
TITRE VII
DISPOSITIONS DIVERSES
Article 27 G
(Adoption du texte voté par le Sénat)
I. - L'article L. 241-9 du code de la construction et de l'habitation est complété par les mots : « ou aura conclu un contrat ne comportant pas l'énonciation prévue à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 231-13. ».
II. - Les dispositions du I sont applicables à compter du 1er juillet 2004.
Quelqu'un demande-t-il la parole sur l'un de ces articles ?...
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. La présentation du projet de loi initial par M. le secrétaire d'Etat nous avait plutôt mis l'eau à la bouche ! Malheureusement, ce texte a subi quelques dérives au cours de la discussion et des navettes entre l'Assemblée nationale et le Sénat.
En particulier, je souhaiterais que vous nous précisiez, monsieur le rapporteur, si le RDDCE est bien remis gratuitement. (M. le rapporteur le confirme.) Vous avez sans doute oublié de mentionner cet adverbe, auquel nous attachons une certaine importance.
Sur le fond, je regrette qu'un effort plus significatif n'ait pas été accompli en faveur des très petites entreprises, des entreprises personnelles, et que les mesures d'accompagnement ne soient pas plus importantes.
Vous avez cité le nombre de créations d'entreprises. Ce qui compte, c'est la pérennité des entreprises au bout d'un an et de trois ans d'activité.
Par ailleurs, transformer la prime en une avance remboursable est une mesure symbolique, c'est mesquin eu égard au troisième point que je vais aborder. Cette disposition a été introduite par un amendement de l'Assemblée nationale. Lorsqu'on compare cette prime à l'avance remboursable, au vu de ce qui a été fait avec l'ISF, permettez-moi de considérer cela comme une provocation. Cette mesure se situe dans la continuité de ce que l'on observe avec les livrets des caisses d'épargne : ce sont toujours les mêmes qui sont servis ! Aussi, notre groupe votera contre ce texte.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le contexte économique ne cesse de se dégrader depuis plusieurs mois, la croissance se ralentit fortement et le risque de dérapage déflationniste semble se confirmer avec la baisse du taux directeur de la Banque centrale européenne.
Dans un tel climat, monsieur le secrétaire d'Etat, nous aurions besoin d'une véritable politique en faveur de l'emploi, d'une politique de soutien en direction de nos PME qui, jusqu'à maintenant, jouaient un rôle d'amortisseur face aux plans massifs de licenciements auxquels se sont livrés les grands groupes.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous vous êtes félicité d'une certaine reprise de la création d'entreprises au cours de ces derniers mois. Mais, avant de verser dans une attitude de trop grande satisfaction, il importe de considérer que seule la création nette d'entreprises, soit le solde entre les créations et les disparitions, est significative d'un certain dynamisme économique, comme l'a rappelé notre collègue Daniel Raoul.
Un tel critère doit aussi s'apprécier sur le moyen terme, c'est-à-dire au-delà de la barre fatidique des trois ans que, malheureusement, peu d'entreprises arrivent à franchir. Or, au premier semestre, on note une augmentation de 10 % des disparitions d'entreprises.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous savons aussi que c'est le chômage et des situations d'extrême précarité qui poussent certaines personnes à se lancer dans la création de leur propre entreprise. Cela mérite donc des aides et des soutiens à la hauteur, au risque, a contrario, d'un échec.
Or, en son état actuel - nous l'avons dit lors de la première lecture du projet de la loi par notre assemblée et cela demeure vrai après la CMP - ce texte ne répond pas précisément à ces exigences, comme il ne répond pas aux attentes de la profession, notamment à celles des plus petites entreprises, dont les difficultés ne cessent de croître et qui se retrouvent aujourd'hui dans des situations proches de l'étranglement financier.
Le maintien et le développement de notre tissu de PME, indispensable à l'aménagement de notre territoire, exigent une autre politique de crédits permettant de répondre aux besoins financiers de nos entreprises. Vous avez pourtant refusé l'ensemble des propositions de nos députés et de notre groupe sur cette question.
Ce texte de loi rate non seulement ses objectifs premiers, mais aussi sa cible, à savoir les plus petites entreprises, parmi lesquelles se trouvent les entreprises individuelles de l'artisanat.
Nous constatons qu'il est devenu le prétexte à une généralisation de la baisse des charges et de la défiscalisation sur les plus hauts revenus avant d'avoir pu être le lieu d'élaboration de nouveaux instruments efficaces en matière de financement. Ainsi en est-il de vos fonds d'investissement de proximité, les FIP, qui constituent autant d'avantages fiscaux.
Que dire des allégements que vous accordez au titre de l'ISF, si ce n'est qu'ils revêtent un caractère particulièrement indécent dans le contexte actuel ?
Force est de reconnaître que vous avez préféré transformer la prime à la création d'enteprise en avance remboursable. Vous pénalisez, de cette manière, ceux qui font preuve d'esprit d'entreprendre en essayant de se sortir d'une situation de chômage involontaire et de la précarité qu'ils subissent et qui, pour cette même raison, n'ont pas les moyens financiers de mettre en oeuvre leurs projets.
Un tel remboursement pourrait même remettre en cause leur réussite future, et il est particulièrement décourageant.
Autrement dit, vous préférez aider les riches à conforter leur fortune par des exonérations fiscales et des allégements de charges plutôt que de soutenir nos PME en leur donnant des moyens efficaces et d'aider les plus pauvres et les plus démunis à s'en sortir.
M. Dominique Braye. Toujours les riches ! Vous n'avez pas compris que plus personne n'écoute votre discours ?
Mme Odette Terrade. Les mesures d'allégement de l'ISF constituent une première étape du démantèlement de cet impôt de solidarité qui permettait d'assurer la cohésion de notre société. Dans vos rangs, nombreux sont ceux qui n'ont de cesse de réclamer sa suppression.
Dans l'absolu, le Gouvernement remet en cause notre système d'impôt, qui est à la base de la redistribution des richesses créées et qui garantit la solidarité essentielle au maintien de la cohésion de notre société.
Pis encore, les baisses d'impôts consenties - dont le seul allégement de l'ISF se chiffre à plusieurs centaines de millions d'euros compriment d'autant les finances budgétaires et ont pour contrepartie la diminution de la rémunération de l'épargne des foyers les plus modestes.
L'annonce d'une baisse drastique de 0,75 % du taux de rémunération du livret A, qui aura des répercussions en chaîne sur la rémunération de l'ensemble des placements captant l'épargne populaire, devrait rapporter à l'Etat environ 1 milliard d'euros !
Tandis que l'on multiplie les cadeaux au profit des hauts revenus, on réduit les maigres avantages des ménages modestes.
Le Premier ministre avait pourtant affirmé, au printemps dernier, qu'il ne toucherait pas au livret A. Non seulement, et au bénéfice des marchés financiers en pleine déprime, il y procède aujourd'hui, alors qu'une majorité de Français est partie en vacances, mais, qui plus est, il projette de laisser, à l'avenir, la fixation de ce taux à la seule initiative du marché. C'est un grave recul que nous ne pouvons accepter et qui témoigne de la dérive ultralibérale de ce gouvernement.
Une telle mesure viserait à faciliter le financement du logement social. Nous ne sommes pas dupes - et les Français non plus - des prétextes invoqués pour justifier des dispositions aussi rétrogrades !
Enfin, et dans la continuité de cette ligne directrice, vous poussez plus loin encore le processus de déréglementation sociale en laminant la protection des salariés qu'assurait notre code du travail. Vous ouvrez ainsi la porte au développement de la sous-traitance, à la généralisation des pratiques de marchandage et d'essaimage.
Ce texte contient donc des reculs sociaux trop importants en même temps qu'il sape les bases des dispositifs traditionnels de solidarité. Nous ne pouvons accepter le choix de société ultralibérale que vous nous imposez au travers de ce texte. En conséquence, le groupe CRC votera contre.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, dans la rédaction résultant du texte proposé par la commission mixte paritaire.
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
prévention des risques
technologiques et naturels
Adoption des conclusions
d'une commission mixte paritaire
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 411, 2002-2003) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Yves Détraigne, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte commun sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages s'est réunie mercredi dernier. La commission est parvenue à un accord dont j'ai l'honneur de vous présenter les conclusions.
En premier lieu, je tiens à signaler que le travail accompli a été important. Même si le projet de loi a été discuté deux fois devant chaque assemblée, permettant à la navette de parfaire et d'enrichir le texte, il convient de noter que les deux chambres ont parfois divergé sur certaines dispositions du texte, pour ne pas dire qu'elles se sont opposées. Il en est ainsi du contenu de l'article 14, sur lequel je reviendrai.
Sur l'ensemble des autres dispositions, les deux assemblées ont trouvé les voies d'un compromis que je vais vous présenter.
En ce qui concerne la partie consacrée aux risques technologiques, le Sénat a eu en permanence le souci d'adopter des dispositions qui puissent être réellement mises en oeuvre sur le terrain et qui n'accroissent pas de manière superflue et dangereuse pour notre économie les contraintes qui pèsent sur les entreprises.
C'est ainsi qu'à l'article 1er, qui prévoyait une réunion publique obligatoire en cas d'enquête publique portant sur une installation classée Seveso « seuil haut », le Sénat avait préféré remplacer cette réunion publique par la consultation du comité local d'information et de concertation. La commission mixte paritaire a finalement retenu le principe d'une réunion publique obligatoire, mais, nuance importante, dans le seul cas où le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale concerné la demanderait.
A l'article 3 bis relatif aux études de dangers, l'Assemblée nationale a retenu en deuxième lecture une rédaction légèrement différente pour la méthodologie de ces études, mais respectant les grands principes fixés par la Haute Assemblée. De même, à l'article 4, elle a prévu la possibilité de faire figurer dans les plans de prévention des risques technologiques des prescriptions relatives au stationnement et au déchargement des matières dangereuses, et elle a retenu le principe de deux conventions différentes pour la gestion des terrains faisant l'objet de mesures d'urbanisme, d'une part, et pour le relogement des personnes expropriées, d'autre part.
A l'article 4 bis, enfin, elle a opté pour une procédure unifiée dans le code de l'environnement pour l'obligation de réaliser une étude de dangers portant sur les ouvrages routiers, fluviaux, maritimes et ferroviaires et a, en conséquence, réuni en un seul article les dispositions que nous avions introduites sur trois articles différents.
Sur l'ensemble de ces points, qui ne posent pas de question de fond, la commission mixte paritaire s'est rapidement accordée sur la rédaction de l'Assemblée nationale. En outre, à l'article 4 relatif à l'utilisation des terrains situés en zone à risque et rétrocédés aux industriels, elle a trouvé une rédaction commune permettant leur utilisation par les entreprises tout en assurant la protection des personnes.
Sur les deux articles restant en discussion du volet social, la commission mixte paritaire a acté le principe d'une hausse du crédit d'heures dont bénéficieront les membres des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les CHSCT, dans les établissements Seveso « seuil haut », mais limitée à 30 %, ainsi que le principe d'une augmentation, par voie d'accord collectif, du nombre des membres de ces comités dans les mêmes établissements.
Concernant les dispositions assurantielles, qui offrent aux victimes de catastrophes technologiques la possibilité d'être indemnisées dans les trois mois, la commission mixte paritaire, se ralliant à la position du Sénat, a décidé de limiter le bénéfice de cette garantie aux biens à usage d'habitation ou placés dans de tels locaux, l'impératif étant de permettre d'abord le relogement des sinistrés. Elle a également élargi le champ de cette garantie aux logements locatifs détenus par les bailleurs sociaux.
Sur les dispositions relatives à l'indemnisation des victimes de sinistres miniers, l'Assemblée nationale a voté, hormis la rectification d'une erreur matérielle, le texte tel que l'avait adopté la Haute Assemblée en deuxième lecture.
Je tiens à me féliciter de la manière dont nous avons pu traiter cette question, en parfaite collaboration avec le Gouvernement, qui a fait preuve d'ouverture face à nos propositions d'amélioration du texte. Gageons que ces dispositions apporteront une réponse satisfaisante aux situations les plus dramatiques, et dans l'équité pour les victimes d'accidents technologiques.
J'en viens maintenant, mes chers collègues, à l'article 14, qui a constitué le point d'achoppement des discussions avec nos collègues députés en commission mixte paritaire.
Cet article, deux fois supprimé par le Sénat et deux fois rétabli par l'Assemblée nationale, prévoit l'obligation, pour les exploitants d'établissements Seveso « seuil haut », de faire procéder à une estimation de la probabilité d'occurrence des accidents et du coût des dommages matériels potentiels qui pourraient en résulter. Le Sénat avait tout d'abord jugé que ces estimations, par nature hautement approximatives, constituaient une contrainte supplémentaire pour ces activités déjà lourdement réglementées. Comme l'a d'ailleurs souligné l'un des membres de la commission, certains chefs d'entreprise sont aujourd'hui très effrayés par l'accumulation des normes réglementaires s'appliquant aux installations classées.
Notre assemblée avait également craint que ces chiffres, lancés dans la nature, ne puissent être utilisés contre les exploitants en cas de contentieux et qu'ils n'encouragent, dans l'opinion publique, un sentiment de psychose autour de ces établissements, sentiment dont on n'a vraiment pas besoin !
Au-delà du dispositif lui-même, c'est bien la dimension symbolique qui faisait débat. Notre commission des affaires économiques a constamment eu le souci, je le rappelais au début de mon intervention, de ne pas alourdir au-delà du raisonnable la contrainte réglementaire qui pèse sur nos entreprises, alors même que notre pays est frappé par la désindustrialisation et qu'il souffre d'une moindre attractivité par rapport à beaucoup de ses concurrents. Je vous le rappelle, 89 000 emplois industriels ont été perdus en France entre mars 2002 et mars 2003 !
L'Assemblée nationale ne nous a pas suivis dans ce raisonnement et la commission mixte paritaire a adopté cet article 14 contre l'avis des sénateurs membres de la majorité sénatoriale, en l'assortissant néanmoins d'une disposition qui précise que ces estimations ne sont pas opposables à l'exploitant en cas de litige faisant suite à un accident.
Sur les dispositions relatives à la dépollution des sols, la commission mixte paritaire a adopté l'article 16 quater dans la rédaction de l'Assemblée nationale, qui prévoit que le niveau de dépollution peut être négocié par les élus locaux et l'exploitant. En cas d'échec de la concertation, cette dépollution s'opérera en vue d'un usage futur industriel, le préfet pouvant néanmoins, dans certains cas, fixer des exigences plus élevées, en fonction notamment des documents d'urbanisme. Cette rédaction nous a paru équilibrée.
De même, la commission mixte paritaire a retenu un dispositif prévoyant la réalisation d'un état de la pollution des sols à chaque changement notable des conditions d'exploitation et une clause permettant au préfet de mettre en demeure un exploitant ayant mis son site en sommeil pendant trois ans de procéder à l'arrêt définitif de son établissement.
Sur la prise en compte du bilan environnemental en cas de redressement judiciaire, les deux assemblées se sont mises d'accord sur la priorité à donner, dans les plans de redressement, aux mesures intéressant les salariés sur les mesures intéressant l'environnement.
Enfin, la commission mixte paritaire a adopté, outre une modification rédactionnelle, l'article 16 decies, qui accorde un dégrèvement de taxe sur le foncier bâti aux organismes d'HLM réalisant des travaux en application des prescriptions contenues dans un plan de prévention des risques technologiques.
S'agissant maintenant du volet du texte consacré à la prévention des risques naturels, le dispositif sort enrichi de la navette parlementaire, et il faut s'en féliciter, d'autant plus que des dispositions importantes ont été adoptées par le Sénat et confirmées par l'Assemblée nationale. Nous vous avons ainsi suivie, madame la ministre, dans votre volonté de mettre en place des techniques douces de prévention des inondations. La mise en place des servitudes d'utilité publique, prévue par l'article 20 du projet de loi, afin de créer des zones de rétention temporaire de crue ou de restaurer des zones de mobilité du lit mineur d'un cours d'eau, constituent autant d'innovations importantes dans notre corpus législatif. L'engagement de la profession agricole sur le choix de pratiques agricoles adaptées à ces enjeux doit être également souligné.
De même, je voudrais citer la création de la commission départementale des risques majeurs et la reconnaissance législative des établissements publics territoriaux de bassins, dispositions portées par notre collègue Eric Doligé qui vont permettre de coordonner à l'échelle pertinente d'un bassin hydrographique les politiques menées pour prévenir les inondations.
Sur les articles qui restaient en discussion, la commission mixte paritaire est parvenue, sans réelles difficultés, à un texte commun.
Par l'article 17 B, l'Assemblée nationale avait introduit l'obligation, pour le commissaire enquêteur, de consulter les maires des communes concernées par un plan de prévention des risques naturels. La commission mixte paritaire a précisé que cette consultation devait se faire après que le conseil municipal a délibéré sur le projet.
Sur les articles 19 bis A et 19 bis, la commission mixte paritaire a adopté les rectifications proposées par l'Assemblée nationale. De même, à l'article 19 ter, elle a retenu la dernière rédaction proposée, qui élargit la compétence des établissements publics territoriaux de bassins à l'ensemble de la gestion de la ressource en eau.
A l'article 24 bis A, relatif à la création du domaine public fluvial des collectivités territoriales, la commission a retenu l'ensemble des corrections de forme relatives aux droits réservés des riverains et des titulaires de droits fondés en titre, ainsi d'ailleurs que l'article additionnel 24 bis B A, qui préserve les droits de pêche à la ligne flottante sur le domaine public fluvial de l'Etat. Cela a son importance !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Tout à fait !
M. Yves Détraigne, rapporteur. D'autres précisions rédactionnelles ont par ailleurs été confirmées sur l'article 26, qui élargit les cas d'intervention du fonds de prévention des risques naturels majeurs.
En ce qui concerne l'article 26 bis AAA - excusez la numérotation, quelque peu ésotérique - ajouté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture et précisant les modalités de concertation lors de l'élaboration d'un plan de prévention des risques naturels, la commission mixte paritaire est parvenue à un accord pour ne retenir que les seules collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale concernés. Elle a eu, en effet, le souci de ne pas alourdir à l'excès la procédure d'élaboration d'un plan de prévention des risques, considérant que les organisations professionnelles, les chambres consulaires, les propriétaires et les associations concernées sont déjà consultés à travers la commission départementale des risques naturels majeurs dont ils sont membres.
La commission mixte paritaire a également adopté l'article 26 ter, introduit par l'Assemblée nationale ; cet article donne un nouvel intitulé aux différents zonages pouvant être délimités par un plan de prévention des risques naturels prévisibles.
Elle a également retenu, dans la rédaction proposée par l'Assemblée nationale, les articles 27 bis et 28 bis AA précisant les obligations des sociétés d'assurances en matière de garanties contre les catastrophes technologiques et imposant le versement d'avances en cas de dommages consécutifs à des catastrophes naturelles.
S'agissant des dispositions inscrites au titre III du projet de loi, je me félicite de l'accord auquel nous sommes parvenus sur l'article 30, qui donne au propriétaire d'un bien immobilier des obligations d'information à l'égard de tout acquéreur ou locataire d'un bien sur l'existence d'un plan de prévention des risques naturels ou technologiques prescrit ou approuvé. La rédaction retenue précise, s'agissant d'une location, que cette obligation d'information ne porte que sur « les contrats de location écrits constatant l'entrée dans les lieux du nouveau locataire ». Il n'y a donc désormais plus d'ambiguïté sur la volonté de transparence, qui a toujours été celle du Sénat, mais que nous avions souhaité encadrer pour éviter qu'elle ne s'applique de manière indifférenciée dans tous les cas de figure.
M. Daniel Raoul. Que c'est bien dit ! (Sourires.)
M. Yves Détraigne, rapporteur. Les deux derniers articles adoptés par la commission mixte paritaire relèvent, quant à eux, de la catégorie « dispositions diverses », ce qui justifie la modification de l'intitulé du titre III. L'article 36, en effet, maintient la compétence des juridictions d'instruction et de jugement sur les procédures en cours à la date d'entrée en vigueur de la loi du 15 avril 2003 relative à la création d'une zone de protection écologique - on comble donc un vide juridique -, et l'article 37 autorise l'injection d'effluents industriels dans la structure géologique dénommée « crétacé 4000 » et située dans la région de Lacq, sous réserve de prescriptions techniques d'innocuité.
Je souhaite, pour terminer, vous remercier, madame la ministre, vous et l'ensemble de vos collaborateurs, mais aussi les collègues et collaborateurs de la commission des affaires économiques, pour l'important travail qui a été accompli.
Même si elles ont parfois donné lieu à des échanges de vues passionnés, voire divergents - comment pourrait-il en être autrement sur des sujets aussi sensibles ? -, les lectures successives du projet de loi ont permis d'améliorer substantiellement le texte, je le crois réellement, et de l'enrichir avec de nombreuses dispositions non prévues initialement.
Je pense notamment aux amendements sur les sols pollués ainsi que sur le transport des matières dangereuses. Mais, et je répète là ce que j'avais eu l'occasion de dire en seconde lecture, la commission déplore d'avoir été saisie très tardivement de ces dispositions, ce qui n'a pas laissé à notre assemblée le temps de procéder à un examen serein et approfondi de mesures pourtant complexes et fondamentales.
Je tiens à le souligner de nouveau, en conclusion, la majorité sénatoriale regrette que sa position sur l'article 14 n'ait pas pu être mieux prise en compte. Je le répète, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous situons sur le plan des principes. Notre assemblée a la conviction que notre pays a besoin d'une industrie forte et dynamique, créatrice d'emplois et de richesses, et qu'il faut prendre garde de l'assujettir à des normes et obligations toujours plus nombreuses et contraignantes.
Au travers de ce texte, j'espère que nous aurons su conserver un juste équilibre entre la nécessité de mieux assurer la prévention des risques et la protection des populations et celle de permettre le développement économique de notre pays.
Pour toutes ces raisons, je vous invite, mes chers collègues, à voter les conclusions de la commission mixte paritaire, même si, compte tenu du désaccord qui n'a pu être levé sur l'article 14, je m'abstiendrai à titre personnel. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la commission mixte paritaire a recherché et, finalement, je crois, trouvé, dans le courant de la semaine dernière, un compromis entre l'Assemblée nationale et le Sénat. C'est ce compromis qui est aujourd'hui soumis à votre examen.
M. le rapporteur vient de le rappeler, ce compromis a été délicat à faire émerger, et je sais que toutes les passions ne sont pas retombées.
Entendons-nous bien, monsieur le rapporteur : pour le Gouvernement lui-même, cette voie médiane emporte à la fois des satisfactions, et des insatisfactions et c'est la loi du genre de ne pas gagner sur tous les tableaux ! (Sourires.) Un texte issu de la commission mixte paritaire implique des concessions de la part de chacun. Je suis prête, de mon côté, à les faire, parce que je suis persuadée que ce texte doit être adopté, et qu'il doit l'être rapidement.
Certes, dans l'absolu, nous ne sommes pas à quelques mois près. La législation sur les risques industriels n'a pas évolué notablement depuis vingt-cinq ans. Quant au volet relatif aux risques naturels, j'ai dit à de nombreuses reprises que ses effets se feraient sentir sur le long terme, à une échelle de temps plus proche de la décennie que de la semaine.
Mais qui, dans cet hémicycle, est prêt à retarder le début du travail de fond sur ces sujets dont nous savons tous l'importance, alors que l'actualité - les orages et les incendies - venait nous rappeler que le risque reste omniprésent ? Ce ne serait pas raisonnable, sauf à ce que des divergences majeures sur le fond existent encore, ce qui n'est pas le cas.
Certes, quelques aspects du texte qui nous est soumis sont en retrait par rapport à ce que j'aurais souhaité. C'est ainsi le cas, principalement, de l'article 1er concernant la concertation autour des enquêtes publiques Seveso. Je souhaitais une réunion publique obligatoire ; vous proposez de ne la tenir que quand le maire la demandera.
J'aurais préféré que la représentation nationale partage complètement l'analyse du Gouvernement : selon ce dernier, la survie à long terme de l'industrie sur notre territoire passe par une attitude beaucoup plus volontariste qu'aujourd'hui envers les citoyens.
« Pour vivre heureux, vivons cachés » : c'était jusqu'à présent un credo très répandu. Toulouse nous a montré que cette théorie, issue des plus grandes heures de la puissance industrielle de la France, n'avait plus d'avenir. Mais peut-être faudra-t-il un peu plus de temps pour convaincre les uns et les autres que le passage en force n'est pas, dans ce domaine, comme d'ailleurs dans beaucoup d'autres, un bon calcul.
M. Daniel Raoul. Très bien !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. J'ai bien entendu vos arguments sur ce sujet lors des deux lectures de ce texte.
La version de cet article adoptée par la commission mixte paritaire est malgré tout une avancée, et je l'accepte comme telle. Elle implique davantage les élus locaux dans la concertation, en leur donnant le pouvoir de décider de la tenue de la réunion publique.
Mais vous sentez bien que ce nouvel article 1er constitue mon principal regret, et donc mon principal sacrifice, alors même que j'ai fait de la concertation et de la participation deux de mes principales priorités.
Il m'aurait aussi paru heureux que l'article L. 515-19-1 limite moins nettement la construction d'installations industrielles dans les zones délaissées. La formulation que vous avez retenue contient le risque de les transformer en no man's land, alors qu'on aurait pu, dans certains cas, imaginer les dédier à l'occupation industrielle, ce qui est, finalement, leur destination la plus rationnelle. Mais je m'incline sur ce sujet.
La commission mixte paritaire est heureusement aussi source de satisfactions, qui sont des compensations pour le Gouvernement.
Vous savez que l'article 14 constitue un point important pour le Gouvernement, et cela pour deux raisons.
D'abord, il est indissociable de l'article 12, qui fait peser la réparation en première instance sur la communauté des assurés. Le projet de loi fait en effet le choix de demander aux assurances des sinistrés d'assurer un premier remboursement lors des accidents industriels, à travers l'article 12. Cela n'entraîne qu'une augmentation minime des primes, pour peu que les assurances aient la certitude de pouvoir se retourner ensuite vers un responsable industriel solvable.
L'article 14, à travers l'obligation de transparence qu'il met en place, tend à cet objetif de solvabilité, et il est donc le complément indétachable de l'article 12.
Ensuite et surtout, il répond de manière pragmatique à une question qui se pose avec toujours plus d'insistance, en particulier sur le plan européen.
Le projet de directive sur la responsabilité environnementale récemment discuté à Luxembourg comprenait une obligation d'assurance pour les entreprises. La France a plaidé contre cette idée, pour des raisons qui étaient plus de mise en oeuvre pratique que de principe, parce qu'elle estimait que les marchés n'y étaient pas encore assez préparés. Une clause de rendez-vous à cinq ans est posée. L'article 14 est une bonne manière de commencer à répondre par la voie de l'incitation à la question de la solvabilité, qui deviendra sans nul doute cruciale dans les années à venir.
Je sais que ce fameux article 14 éveille de la part du Sénat de très fortes réticences, qui se sont exprimées en commission mixte paritaire. Je voudrais simplement vous redire qu'il ne crée pas une contrainte insurmontable pour les entreprises, ce que plusieurs organisations professionnelles importantes ont, finalement, admis.
Je peux vous dire, monsieur le rapporteur, que ce qui crée la psychose, ce n'est pas la transparence, ce n'est pas l'information, mais c'est au contraire, pour le public, l'opacité et le sentiment qu'on lui cache quelque chose. C'est justement parce que je souhaite que mon pays reste un grand pays industriel que j'ai proposé cet article 14.
Les études de danger, qui visent à évaluer le risque, pour chaque riverain, d'être touché mortellement ou de subir des dommages corporels irréparables sont en effet déjà publiques. Ce n'est donc pas l'évaluation financière des responsabilités pesant sur l'exploitant qui créera un mouvement de panique.
Par ailleurs, à partir de l'étude de danger, dont l'élaboration est obligatoire, le passage à l'estimation financière est une étape techniquement facile et qui implique un surcoût très modeste.
M. Daniel Raoul. Tout à fait !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il me semble enfin que l'initiative prise de rendre l'étude explicitement non opposable permet de lever un dernier obstacle.
Je suis heureuse - et je clos ici le débat sur l'article 14 - que la question de la remise en état des sols ait été réglée à travers la formulation finalement trouvée pour l'article 16 quater. Ce n'était certes pas là la position du Gouvernement initialement, et j'ai eu, lors des lectures successives, l'occasion d'expliquer pourquoi. Mais, par itération et au travers de discussions très constructives, tant en commission qu'en séance, nous avons collectivement, sous l'impulsion initiale du Sénat, évolué vers un point d'équilibre qui me paraît à la fois raisonnable et porteur de progrès pour l'avenir.
La partie relatives aux risques naturels a, quant à elle, atteint son point d'équilibre.
Je retiens, dans ce domaine, que les grandes avancées proposées par le Gouvernement dans le registre du développement de l'information préventive et de la maîtrise de l'aléa en amont des zones urbanisées ont été votées conformes, ou presque, par le Sénat et l'Assemblée nationale dès la première lecture.
Les débats, lors de la deuxième lecture, ont largement porté sur les plans de prévention des risques naturels, les PPR. Que peut-on en dire ?
D'abord que le dispositif des PPR n'est plus le même. Sur l'initiative du Gouvernement, il a été modernisé, en ce sens que le financement en provenance du fonds de prévention des risques naturels permettra d'agir sur les habitats existants. Sur l'initiative des sénateurs, il a été remanié dans le sens d'une plus grande participation des élus à son élaboration.
Les PPR sont des instruments destinés à préserver des vies humaines. Il peut y avoir des dysfonctionnements ici ou là parce que certains services font de l'excès de zèle. Avec les dispositions que nous avons prises, ces comportements vont se raréfier.
Au total, le texte issu de la commission mixte paritaire permet, je crois, de mettre un terme à notre discussion. Le Gouvernement souhaite le soumettre tel quel, et non amendé, à votre vote.
Au moment où vous allez être amenés à vous prononcer, je l'espère pour la dernière fois, sur ce projet de loi, je voudrais engager les différents groupes à exprimer leur approbation sur ce texte.
Chacun aurait voulu, je le sais, qu'on aille plus loin dans tel ou tel domaine, moins loin dans tel autre. D'aucuns nourrissaient sans doute l'espoir qu'on en profite pour réécrire le code minier ou le code du travail.
Malgré tout, au total, le texte que nous adoptons aujourd'hui est une avancée majeure pour la protection des populations contre les risques technologiques et naturels, et je ne crois pas qu'un parlementaire, quel que soit le groupe politique auquel il appartient, puisse se reprocher un jour de l'avoir voté.
Ce texte permettra une meilleure insertion des entreprises à risque dans la société française. Les discussions sur ce sujet ont été menées avec le monde des entreprises sur un ton toujours serein, avec parfois des désaccords, mais qui n'ont à aucun moment approché la rupture.
Il est possible que les organisations professionnelles aient au fond compris ce que je ne cesse de répéter : ce projet de loi peut être avant tout un texte qui protège l'industrie française. Si celle-ci reste sur le reculoir sur la question des risques technologiques, si elle brade la concertation, si elle néglige la nécessaire implication des salariés dans la gestion du risque, elle s'expose à des situations de refus comme on en a connu à Toulouse et comme, régulièrement, on en voit dans d'autres régions moins marquées par un passé tragique, à l'occasion de telle ou telle enquête publique.
Dans le cours de son examen, le Gouvernement comme la majorité parlementaire ont cherché à faire preuve de la plus grande écoute et de la plus grande ouverture aux suggestions, de quelque bord qu'elles viennent. En témoigne tout d'abord la longueur des débats, qui montre que nous n'avons pas esquivé la discussion et que nous avons souhaité prendre le temps de la mener au fond. En témoigne aussi la profonde évolution du texte, passé de 33 articles à plus de 80 aujourd'hui, et qui traite maintenant de sols pollués, de transport de matières dangereuses, d'études de dangers, de désordres miniers, de décentralisation du domaine public fluvial.
De mon point de vue, nous pouvons être fiers de cette discussion, et je relève qu'elle a, à de rares exceptions près, été menée sur tous les bancs avec un réel esprit constructif et sans prise de position partisane excessive. Il me semble donc, je le répète, qu'il n'y aurait pas de déshonneur à ce que ce texte soit voté par tous les groupes ayant contribué à sa construction.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il y a un moment où un texte échappe à ses auteurs. Ce moment est venu pour le projet de loi relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages. Il est temps que les dispositions que nous avons ciselées au cours des lectures successives irriguent les différents codes auxquels elles se rattachent, que les décrets d'application soient rédigés, en un mot que le temps des actes succède au temps de la parole. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'Union centriste et du RDSE, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ? ...
La discussion générale est close.
Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, lorsqu'il examine après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :
TITRE Ier
RISQUES TECHNOLOGIQUES
Chapitre Ier
Information
Article 1er
Le quatrième alinéa de l'article L. 123-9 du code de l'environnement est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque l'enquête publique porte sur une demande d'autorisation concernant une installation figurant sur la liste prévue au IV de l'article L. 515-8, cette réunion est obligatoire à la demande du maire de la commune sur le territoire de laquelle sera sise l'installation ou du président d'un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'urbanisme ou de développement économique dont le périmètre comprend le territoire de la commune sur lequel sera sise l'installation. »
Chapitre II
Maîtrise de l'urbanisation autour des établissements industriels à risques
Article 3 bis
Après le deuxième alinéa de l'article L. 512-1 du code de l'environnement, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Le demandeur fournit une étude de dangers qui précise les risques auxquels l'installation peut exposer, directement ou indirectement, les intérêts visés à l'article L. 511-1 en cas d'accident, que la cause de cet accident soit interne ou externe à l'installation.
« Cette étude donne lieu à une analyse de risques qui prend en compte la probabilité d'occurrence, la cinétique et la gravité des accidents potentiels selon une méthodologie qu'elle explicite.
« Elle définit et justifie les mesures propres à réduire la probabilité et les effets de ces accidents. »
Article 3 ter
(Supprimé)
Article 4
Le chapitre V du titre Ier du livre V du code de l'environnement est complété par une section 6 ainsi rédigée :
« Section 6
« Installations soumises à un plan de prévention
« des risques technologiques
« Art. L. 515-15. - L'Etat élabore et met en oeuvre des plans de prévention des risques technologiques qui ont pour objet de limiter les effets d'accidents susceptibles de survenir dans les installations figurant sur la liste prévue au IV de l'article L. 515-8 et pouvant entraîner des effets sur la salubrité, la santé et la sécurité publiques directement ou par pollution du milieu.
« Ces plans délimitent un périmètre d'exposition aux risques en tenant compte de la nature et de l'intensité des risques technologiques décrits dans les études de dangers et des mesures de prévention mises en oeuvre.
« Art. L. 515-16. - A l'intérieur du périmètre d'exposition aux risques, les plans de prévention des risques technologiques peuvent, en fonction du type de risques, de leur gravité, de leur probabilité et de leur cinétique :
« I. - Délimiter les zones dans lesquelles la réalisation d'aménagements ou d'ouvrages ainsi que les constructions nouvelles et l'extension des constructions existantes sont interdites ou subordonnées au respect de prescriptions relatives à la construction, à l'utilisation ou à l'exploitation.
« Dans ces zones, les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale compétents peuvent instaurer le droit de préemption urbain dans les conditions définies à l'article L. 211-1 du code de l'urbanisme.
« II. - Délimiter, à l'intérieur des zones prévues au I, des secteurs où, en raison de l'existence de risques importants d'accident à cinétique rapide présentant un danger grave pour la vie humaine, les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale compétents peuvent instaurer un droit de délaissement des bâtiments ou parties de bâtiments existant à la date d'approbation du plan qui s'exerce dans les conditions définies aux articles L. 230-1 et suivants du code de l'urbanisme. Toutefois, pour la détermination du prix d'acquisition, la valeur du bien est appréciée sans tenir compte de la dépréciation supplémentaire éventuelle apportée par l'intervention de la servitude instituée en application du I. La commune ou l'établissement public de coopération intercommunale peut, par convention passée avec un établissement public, lui confier le soin de réaliser l'acquisition des biens faisant l'objet du délaissement.
« III. - Délimiter, à l'intérieur des zones prévues au I, des secteurs où, en raison de l'existence de risques importants d'accident à cinétique rapide présentant un danger très grave pour la vie humaine, l'Etat peut déclarer d'utilité publique l'expropriation, par les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale compétents et à leur profit, dans les conditions prévues par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, des immeubles et droits réels immobiliers lorsque les moyens de sauvegarde et de protection des populations qu'il faudrait mettre en oeuvre s'avèrent impossibles ou plus coûteux que l'expropriation.
« La procédure prévue par les articles L. 15-6 à L. 15-8 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est applicable lorsque la gravité des risques potentiels rend nécessaire la prise de possession immédiate.
« Pour la détermination du prix d'acquisition ou du montant des indemnités, il n'est pas tenu compte de la dépréciation supplémentaire éventuelle apportée au bien par l'intervention de la servitude instituée en application du I.
« IV. - Prescrire les mesures de protection des populations face aux risques encourus, relatives à l'aménagement, l'utilisation ou l'exploitation des constructions, des ouvrages, des installations et des voies de communication existant à la date d'approbation du plan, qui doivent être prises par les propriétaires, exploitants et utilisateurs dans les délais que le plan détermine. Ces mesures peuvent notamment comprendre des prescriptions relatives aux mouvements et au stationnement des véhicules de transport de matières dangereuses.
« Lorsque des travaux de protection sont prescrits en application de l'alinéa précédent, ils ne peuvent porter que sur des aménagements dont le coût n'excède pas des limites fixées par le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 515-24.
« V. - Définir des recommandations tendant à renforcer la protection des populations face aux risques encourus et relatives à l'aménagement, l'utilisation ou l'exploitation des constructions, des ouvrages, des voies de communication et des terrains de camping ou de stationnement de caravanes, pouvant être mises en oeuvre par les propriétaires, exploitants et utilisateurs.
« Art. L. 515-17. - Les mesures visées aux II et III de l'article L. 515-16 ne peuvent être prises qu'à raison de risques créés par des installations existantes à la date de publication de la loi n° ... du ... relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages.
« Art. L. 515-18. - Les mesures prévues par les plans de prévention des risques technologiques, en particulier au II et au III de l'article L. 515-16, sont mises en oeuvre progressivement en fonction notamment de la probabilité, de la gravité et de la cinétique des accidents potentiels ainsi que du rapport entre le coût des mesures envisagées et le gain en sécurité attendu.
« Art. L. 515-19. - I. - L'Etat, les exploitants des installations à l'origine du risque et les collectivités territoriales compétentes ou leurs groupements compétents, dès lors qu'ils perçoivent la taxe professionnelle dans le périmètre couvert par le plan, assurent le financement des mesures prises en application du II et du III de l'article L. 515-16. A cet effet, ils concluent une convention fixant leurs contributions respectives. Avant la conclusion de cette convention, le droit de délaissement mentionné au II du même article ne peut être instauré et l'expropriation mentionnée au premier alinéa du III du même article ne peut être déclarée d'utilité publique que si la gravité des risques potentiels rend nécessaire la prise de possession immédiate selon la procédure mentionnée au deuxième alinéa de ce III.
« Sans préjudice des obligations mises à la charge de l'exploitant par le préfet en application des articles L. 512-1 à L. 512-5 et de l'article L. 512-7, ces conventions peuvent permettre à l'Etat, aux collectivités territoriales ou à leurs groupements de participer au financement par l'exploitant de mesures supplémentaires de prévention des risques permettant de réduire les secteurs mentionnés aux II et III de l'article L. 515-16 lorsque cette participation financière est inférieure aux coûts qu'ils supporteraient en raison de la mise en oeuvre des mesures prévues à ces II et III.
« II. - Une convention conclue entre les collectivités territoriales compétentes ou leurs groupements et les exploitants des installations à l'origine du risque, dans le délai d'un an à compter de l'approbation du plan de prévention des risques technologiques, précise les conditions d'aménagement et de gestion des terrains situés dans les zones mentionnées au I et dans les secteurs mentionnés aux II et III de l'article L. 515-16.
« III. - Une convention conclue entre les collectivités territoriales compétentes ou leurs groupements, les exploitants des installations à l'origine du risque et les organismes d'habitations à loyer modéré mentionnés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation bailleurs d'immeubles situés dans les secteurs mentionnés au III de l'article L. 515-16 du présent code définit, le cas échéant, un programme de relogement des occupants des immeubles situés dans ces secteurs. Cette convention peut également associer les autres bailleurs d'immeubles situés dans ces mêmes secteurs.
« Art. L. 515-19-1. - Les terrains situés dans le périmètre du plan de prévention des risques technologiques que les communes ou leurs groupements et les établissements publics mentionnés à la dernière phrase du II de l'article L. 515-16 ont acquis par préemption, délaissement ou expropriation peuvent être cédés à prix coûtant aux exploitants des installations à l'origine du risque.
« L'usage de ces terrains ne doit pas aggraver l'exposition des personnes aux risques.
« Art. L. 515-20. - Le plan de prévention des risques technologiques mentionne les servitudes d'utilité publique instituées en application de l'article L. 515-8 autour des installations situées dans le périmètre du plan.
« Art. L. 515-21. - Le préfet définit les modalités de la concertation relative à l'élaboration du projet de plan de prévention des risques technologiques dans les conditions prévues à l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme.
« Sont notamment associés à l'élaboration du plan de prévention des risques technologiques les exploitants des installations à l'origine du risque, les communes sur le territoire desquelles le plan doit s'appliquer, les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d'urbanisme et dont le périmètre d'intervention est couvert en tout ou partie par le plan ainsi que le comité local d'information et de concertation créé en application de l'article L. 125-2.
« Le préfet recueille leur avis sur le projet de plan qui est ensuite soumis à enquête publique dans les conditions mentionnées aux articles L. 123-1 et suivants.
« Le plan de prévention des risques technologiques est approuvé par arrêté préfectoral.
« Il est révisé selon les mêmes dispositions.
« Art. L. 515-22. - Le plan de prévention des risques technologiques approuvé vaut servitude d'utilité publique. Il est porté à la connaissance des maires des communes situées dans le périmètre du plan en application de l'article L. 121-2 du code de l'urbanisme. Il est annexé aux plans locaux d'urbanisme, conformément à l'article L. 126-1 du même code.
« Art. L. 515-23. - I. - Les infractions aux prescriptions édictées en application du I de l'article L. 515-16 du présent code sont punies des peines prévues à l'article L. 480-4 du code de l'urbanisme.
« II. - Les dispositions des articles L. 460-1, L. 480-1, L. 480-2, L. 480-3 et L. 480-5 à L. 480-12 du code de l'urbanisme sont également applicables aux infractions visées au I, sous la seule réserve des conditions suivantes :
« 1° Les infractions sont constatées, en outre, par les fonctionnaires et agents commissionnés à cet effet par l'autorité administrative compétente en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement et assermentés ;
« 2° Supprimé ;
« 3° Le droit de visite prévu à l'article L. 460-1 dudit code est également ouvert aux représentants de l'autorité administrative compétente en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement.
« Art. L. 515-24. - Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application des articles L. 515-15 à L. 515-23 et les délais d'élaboration et de mise en oeuvre des plans de prévention des risques technologiques. Pour les installations classées relevant du ministère de la défense et les dépôts de munitions anciennes, ce décret peut, en tant que de besoin, prévoir des modalités de consultation et d'information du public adaptées aux exigences de la défense nationale ou spécifiques aux dépôts de munitions anciennes. »
Article 4 bis
Après l'article L. 551-1 du code de l'environnement, il est inséré un article L. 551-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 551-2. - Lorsque du fait du stationnement, chargement ou déchargement de véhicules ou d'engins de transport contenant des matières dangereuses, l'exploitation d'un ouvrage d'infrastructure routière, ferroviaire, portuaire ou de navigation intérieure ou d'une installation multimodale peut présenter de graves dangers pour la sécurité des populations, la salubrité et la santé publiques, directement ou par pollution du milieu, le maître d'ouvrage fournit à l'autorité administrative compétente une étude de dangers. Cette étude est mise à jour au moins tous les cinq ans par l'exploitant. Lorsqu'il s'agit d'un ouvrage ou d'une installation faisant l'objet d'un rapport sur la sécurité ou d'un diagnostic au titre des articles L. 118-1 et suivants du code de la voie routière, 13-1 et 13-2 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs, 30 du code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure ou L. 155-1 du code des ports maritimes, cette étude de dangers est intégrée à ce rapport ou à ce diagnostic.
« Pour les ouvrages et installations en service à la date de publication de la loi n° ... du ... relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, cette étude est fournie, au plus tard, dans les trois années suivant l'entrée en vigueur de ladite loi.
« Les modalités d'application du présent article, et notamment les catégories d'ouvrages concernés, sont déterminées, pour chaque mode de transport, par décret en Conseil d'Etat. »
Article 4 ter
(Supprimé)
Article 4 quater
(Supprimé)
Chapitre III
Mesures relatives à la sécurité
du personnel
Article 5 A
Après le premier alinéa de l'article L. 236-7 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les établissements comprenant au moins une installation figurant sur la liste prévue au IV de l'article L. 515-8 du code de l'environnement ou visée à l'article 3-1 du code minier, le temps laissé aux représentants du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail pour exercer leurs fonctions est majoré de 30 %. »
Article 8 bis A
Après le deuxième alinéa de l'article L. 236-5 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les établissements comprenant au moins une installation figurant sur la liste prévue au IV de l'article L. 515-8 du code de l'environnement ou visée à l'article 3-1 du code minier, le nombre de membres de la délégation du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est augmenté par voie de convention collective ou d'accord entre le chef d'entreprise et les organisations syndicales reconnues comme représentatives dans l'entreprise. »
Chapitre IV
Indemnisation des victimes
de catastrophes technologiques
Article 12
Le titre II du livre Ier du code des assurances est complété par un chapitre VIII ainsi rédigé :
« Chapitre VIII
« L'assurance des risques
« de catastrophes technologiques
« Art. L. 128-1. - En cas de survenance d'un accident dans une installation relevant du titre Ier du livre V du code de l'environnement et endommageant un grand nombre de biens immobiliers, l'état de catastrophe technologique est constaté par une décision de l'autorité administrative qui précise les zones et la période de survenance des dommages auxquels sont applicables les dispositions du présent chapitre.
« Les mêmes dispositions sont applicables aux accidents liés au transport de matières dangereuses ou causés par les installations mentionnées à l'article 3-1 du code minier.
« Le présent chapitre ne s'applique pas aux accidents nucléaires définis par la convention sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire signée à Paris le 29 juillet 1960.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article.
« Art. L. 128-2. - Les contrats d'assurance souscrits par toute personne physique en dehors de son activité professionnelle et garantissant les dommages d'incendie ou tous autres dommages à des biens à usage d'habitation ou placés dans des locaux à usage d'habitation situés en France, ainsi que les dommages aux corps de véhicules terrestres à moteur, ouvrent droit à la garantie de l'assuré pour les dommages résultant des catastrophes technologiques affectant les biens faisant l'objet de ces contrats.
« Cette garantie s'applique également aux contrats souscrits par ou pour le compte des syndicats de copropriété, et garantissant les dommages aux parties communes des immeubles d'habitation en copropriété, ainsi qu'aux contrats souscrits par les organismes visés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation et garantissant les dommages aux immeubles d'habitation dont ils ont la propriété.
« Cette garantie couvre la réparation intégrale des dommages, dans la limite, pour les biens mobiliers, des valeurs déclarées ou des capitaux assurés au contrat.
« Sauf stipulations plus favorables, les indemnisations résultant de cette garantie doivent être attribuées aux assurés dans un délai de trois mois à compter de la date de remise de l'état estimatif des biens endommagés ou des pertes subies ou de la date de publication, lorsque celle-ci est postérieure, de la décision administrative prévue à l'article L. 128-1.
« Art. L. 128-3. - L'entreprise d'assurance intervenant au titre de l'article L. 128-2 est subrogée dans les droits des assurés indemnisés à concurrence des sommes versées à ce titre.
« Toute personne victime de dommages mentionnés aux articles L. 128-2 ou L. 421-16 établit avec son entreprise d'assurance ou le fonds de garantie un descriptif des dommages qu'elle a subis. Le montant des indemnités versées en application des articles précités est mentionné au descriptif. Lorsque le montant des indemnités qui sont ainsi versées à la victime est inférieur à des montants précisés par décret en Conseil d'Etat, celle-ci est présumée avoir subi les dommages mentionnés au descriptif et les indemnités sont présumées réparer lesdits dommages dans les conditions des articles précités, même s'il n'a pas été procédé à une expertise ou si une expertise a été réalisée par un expert choisi par l'assureur ou le fonds de garantie. Ces présomptions sont simples. En tout état de cause, le montant des indemnités versées à la victime lui reste acquis. »
Article 13 bis
Le chapitre Ier du titre II du livre IV du code des assurances est complété par une section 11 intitulée « Dispositions particulières applicables aux dommages immobiliers d'origine minière » et comprenant un article L. 421-17 ainsi rédigé :
« Art. 421-17. - I. - Toute personne propriétaire d'un immeuble ayant subi des dommages, survenus à compter du 1er septembre 1998, résultant d'une activité minière présente ou passée alors qu'il était occupé à titre d'habitation principale est indemnisée de ces dommages par le fonds de garantie. Toutefois, lorsque l'immeuble a été acquis par mutation et qu'une clause exonérant l'exploitant minier de sa responsabilité a été valablement insérée dans le contrat de mutation, seuls les dommages visés au deuxième alinéa du II de l'article 75-2 du code minier subis du fait d'un sinistre minier au sens dudit article, constaté par le représentant de l'Etat, sont indemnisés par le fonds.
« II. - L'indemnisation versée par le fonds assure la réparation intégrale des dommages visés au I, dans la limite d'un plafond. Lorsque l'ampleur des dégâts subis par l'immeuble rend impossible la réparation de ces désordres, la réparation intégrale doit permettre au propriétaire de l'immeuble sinistré de recouvrer dans les meilleurs délais la propriété d'un immeuble de consistance et de confort équivalents. Si ces dommages font l'objet d'une couverture d'assurance, l'indemnisation versée par le fonds vient en complément de celle qui est due à ce titre.
« III. - Toute personne victime de tels dommages établit avec le fonds de garantie un descriptif des dommages qu'elle a subis. Le montant des indemnités versées par le fonds est mentionné au descriptif. Lorsque le montant de ces indemnités est inférieur à un montant précisé par décret en Conseil d'Etat, la victime est présumée avoir subi les dommages mentionnés au descriptif et les indemnités versées par le fonds de garantie sont présumées réparer lesdits dommages dans les conditions du II, si une expertise a été réalisée par un expert choisi par le fonds de garantie. Ces présomptions sont simples. En tout état de cause, le montant des indemnités versées à la victime lui reste acquis.
« III bis. - Sauf stipulations plus favorables, les indemnisations du fonds doivent être attribuées aux personnes victimes de tels dommages dans un délai de trois mois à compter de la date de remise du descriptif des dommages ou de la date de publication, lorsque celle-ci est postérieure, du constat de sinistre minier du représentant de l'Etat prévu à l'article 75-2 du code minier.
« IV. - Le fonds de garantie est subrogé dans les droits des personnes indemnisées à concurrence des sommes qu'il leur a versées. »
Chapitre V
Dispositions diverses
Article 14
Le chapitre V du titre Ier du livre V du code de l'environnement est complété par un article L. 515-25 ainsi rédigé :
« Art. L. 515-25. - Tout exploitant d'un établissement comportant au moins une installation figurant sur la liste prévue au IV de l'article L. 515-8 du présent code ou visée à l'article 3-1 du code minier est tenu de faire procéder à une estimation de la probabilité d'occurrence et du coût des dommages matériels potentiels aux tiers en cas d'accident survenant dans cette installation et de transmettre le rapport d'évaluation au préfet ainsi qu'au président du comité local d'information et de concertation sur les risques créé en application de l'article L. 125-2 du présent code.
« Cette estimation est réalisée pour chacun des accidents majeurs identifiés dans l'étude de dangers de l'établissement réalisée au titre de la réglementation des installations classées. Elle est révisée à l'occasion des révisions de l'étude de dangers précitée.
« Cette estimation n'est pas opposable à l'exploitant par les tiers en cas de litige lié à un accident survenant dans l'installation.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article. »
Article 16
Après l'article L. 225-102-1 du code de commerce, il est inséré un article L. 225-102-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 225-102-2. - Pour les sociétés exploitant au moins une installation figurant sur la liste prévue au IV de l'article L. 515-8 du code de l'environnement, le rapport mentionné à l'article L. 225-102 du présent code :
« - informe de la politique de prévention du risque d'accident technologique menée par la société ;
« - rend compte de la capacité de la société à couvrir sa responsabilité civile vis-à-vis des biens et des personnes du fait de l'exploitation de telles installations ;
« - précise les moyens prévus par la société pour assurer la gestion de l'indemnisation des victimes en cas d'accident technologique engageant sa responsabilité. »
Article 16 bis A
I. - Après le deuxième alinéa de l'article L. 621-54 du code de commerce, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cas où l'entreprise exploite une ou des installations classées au sens du titre Ier du livre V du code de l'environnement, le bilan économique et social est complété par un bilan environnemental que l'administrateur fait réaliser dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. »
II. - Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce projet tient compte des travaux recensés par le bilan environnemental. »
Article 16 quater
Le chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement est complété par un article L. 512-17 ainsi rédigé :
« Art. L. 512-17. - Lorsque l'installation est mise à l'arrêt définitif, son exploitant place son site dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et qu'il permette un usage futur du site déterminé conjointement avec le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'urbanisme et, s'il ne s'agit pas de l'exploitant, le propriétaire du terrain sur lequel est sise l'installation.
« A défaut d'accord entre les personnes mentionnées au premier alinéa, lorsque l'installation est mise à l'arrêt définitif, son exploitant place son site dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et qu'il permette un usage futur du site comparable à celui de la dernière période d'exploitation de l'installation mise à l'arrêt.
« Toutefois, dans le cas où la réhabilitation prévue en application de l'alinéa précédent est manifestement incompatible avec l'usage futur de la zone, apprécié notamment en fonction des documents d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle l'exploitant fait connaître à l'administration sa décision de mettre l'installation à l'arrêt définitif et de l'utilisation des terrains situés au voisinage du site, le préfet peut fixer, après avis des personnes mentionnées au premier alinéa, des prescriptions de réhabilitation plus contraignantes permettant un usage du site cohérent avec ces documents d'urbanisme.
« Pour un nouveau site sur lequel les installations ont été autorisées à une date postérieure de plus de six mois à la publication de la loi n° du relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, l'arrêté d'autorisation détermine, après avis des personnes mentionnées au premier alinéa, l'état dans lequel devra être remis le site à son arrêt définitif.
« Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat. »
Article 16 quinquies A
Le chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement est complété par un article L. 512-18 ainsi rédigé :
« Art. L. 512-18. - L'exploitant d'une installation classée relevant des catégories visées à l'article L. 516-1 est tenu de mettre à jour à chaque changement notable des conditions d'exploitation un état de la pollution des sols sur lesquels est sise l'installation. Cet état est transmis par l'exploitant au préfet, au maire de la commune concernée et, le cas échéant, au président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'urbanisme concerné ainsi qu'au propriétaire du terrain sur lequel est sise l'installation. Le dernier état réalisé est joint à toute promesse unilatérale de vente ou d'achat et à tout contrat réalisant ou constatant la vente des terrains sur lesquels est sise l'installation classée.
« Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat. »
Article 16 quinquies B
Le code de l'environnement est ainsi modifié :
1° Le chapitre II du titre Ier du livre V est complété par un article L. 512-19 ainsi rédigé :
« Art. L. 512-19. - Lorsqu'une installation n'a pas été exploitée durant trois années consécutives, le préfet peut mettre en demeure l'exploitant de procéder à la mise à l'arrêt définitif. » ;
2° Dans le I de l'article L. 514-11, après la référence : L. 514-10, sont insérés les mots : "ou de ne pas se conformer à l'arrêté de mise en demeure pris en application de l'article L. 512-19". »
Article 16 decies
Après l'article 1391 C du code général des impôts, il est inséré un article 1391 D ainsi rédigé :
« Art. 1391 D. - Il est accordé sur la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties afférente à des immeubles affectés à l'habitation appartenant aux organismes d'habitations à loyer modéré visés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation ou à des sociétés d'économie mixte ayant pour objet statutaire la réalisation de logements ainsi qu'aux immeubles, logements-foyers et centres d'hébergement et de réinsertion sociale visés aux 3° et 4° de l'article L. 302-5 du même code un dégrèvement égal aux dépenses payées, à raison des travaux prescrits en application du IV de l'article L. 515-16 du code de l'environnement, au cours de l'année précédant celle au titre de laquelle l'imposition est due.
« Lorsque l'imputation des dépenses ne peut être effectuée dans sa totalité sur les cotisations des immeubles en cause, le solde des dépenses déductibles est imputé sur les cotisations afférentes à des immeubles imposés dans la même commune ou dans d'autres communes relevant du même centre des impôts au nom du même bailleur et au titre de la même année.
« Le dégrèvement est accordé sur réclamation présentée dans le délai indiqué par l'article R. 196-2 du livre des procédures fiscales et dans les formes prévues par ce même livre. »
TITRE II
RISQUES NATURELS
Chapitre Ier
Information
Article 17 B
L'article L. 562-3 du code de l'environnement est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Au cours de cette enquête, sont entendus, après avis de leur conseil municipal, les maires des communes sur le territoire desquelles le plan doit s'appliquer. »
Article 19 bis A
Après l'article L. 563-2 du code de l'environnement, il est inséré un article L. 563-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 563-6. - I. Les communes ou leurs groupements compétents en matière de documents d'urbanisme élaborent, en tant que de besoin, des cartes délimitant les sites où sont situées des cavités souterraines et des marnières susceptibles de provoquer l'effondrement du sol.
« II. - Toute personne qui a connaissance de l'existence d'une cavité souterraine ou d'une marnière dont l'effondrement est susceptible de porter atteinte aux personnes ou aux biens, ou d'un indice susceptible de révéler cette existence, en informe le maire, qui communique, sans délai, au représentant de l'Etat dans le département et au président du conseil général les éléments dont il dispose à ce sujet.
« La diffusion d'informations manifestement erronées, mensongères ou résultant d'une intention dolosive relatives à l'existence d'une cavité souterraine ou d'une marnière est punie d'une amende de 30 000 euros.
« III. - Le représentant de l'Etat dans le département publie et met à jour, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat, la liste des communes pour lesquelles il a été informé par le maire de l'existence d'une cavité souterraine ou d'une marnière et de celles où il existe une présomption réelle et sérieuse de l'existence d'une telle cavité. »
Article 19 bis
Le code de l'environnement est ainsi modifié :
l° Le titre VI du livre V est complété par un chapitre V ainsi rédigé :
« Chapitre V
« Commissions départementales et schémas
de prévention des risques naturels majeurs
« Art. L. 565-1. - Il est institué dans chaque département une commission départementale des risques naturels majeurs.
« Cette commission présidée par le préfet comprend en nombre égal :
« 1° Des représentants élus des collectivités territoriales, des établissements publics de coopération intercommunale et des établissements publics territoriaux de bassin situés en tout ou partie dans le département ;
« 2° Des représentants d'organisations professionnelles dont un représentant des organisations d'exploitants agricoles, un représentant des organismes consulaires, un représentant des assurances, un représentant des notaires, des représentants d'associations dont un représentant d'associations de sinistrés lorsque de telles associations existent, des représentants de la propriété foncière et forestière et des personnalités qualifiées dont un représentant de la presse écrite ou audiovisuelle locale ;
« 3° Des représentants des administrations, notamment l'inspection d'académie et les services de secours, ainsi que des établissements publics de l'Etat concernés.
« Cette commission donne notamment un avis sur :
« a) Les actions à mener pour développer la connaissance des risques et notamment les programmes de sensibilisation des maires à la prévention des risques naturels ;
« b) Les documents d'information sur les risques élaborés en application de l'article L. 125-2 ;
« c) La délimitation des zones d'érosion et les programmes d'action correspondants ainsi que leur application, définis dans les conditions prévues par l'article L. 114-1 du code rural ;
« d) La délimitation des zones de rétention temporaire des eaux de crue ou de ruissellement ou des zones de mobilité d'un cours d'eau visées à l'article L. 211-12, ainsi que les obligations des propriétaires et des exploitants en résultant ;
« e) La programmation, la conception, la mise en oeuvre et l'actualisation des plans de prévention des risques naturels prévisibles ;
« f) La nature et le montant prévisionnel des aides aux travaux permettant de réduire le risque ;
« g) Les expropriations pour cause de risque naturel majeur ;
« h) Un rapport, établi par le préfet, sur les autres utilisations du fonds de prévention des risques naturels majeurs ;
« i) Les retours d'expériences suite à catastrophes.
« Elle est informée annuellement des demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.
« Elle est habilitée à donner un avis sur tout rapport, programme ou projet ayant trait à la prévention ou à la gestion des risques naturels qui lui est soumis par le préfet.
« Elle peut également être saisie par le préfet de toute réflexion sur l'impact des servitudes instituées en application de l'article L. 211-12 sur le développement durable de l'espace rural concerné. » ;
2° Dans la deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 131-1, après les mots : « du conseil départemental d'hygiène » sont insérés les mots : « et de la commission départementale des risques naturels majeurs. »
Article 19 ter
La section 6 du chapitre III du titre Ier du livre II du code de l'environnement est ainsi modifiée :
1° Son intitulé est ainsi rédigé : « Organismes à vocation de maîtrise d'ouvrage » ;
2° Les articles L. 213-10 à L. 213-12 sont remplacés par un article L. 213-10 ainsi rédigé :
« Art. L. 213-10. - Pour faciliter, à l'échelle d'un bassin ou d'un sous-bassin hydrographique, la prévention des inondations et la gestion équilibrée de la ressource en eau, les collectivités territoriales intéressées et leurs groupements peuvent s'associer au sein d'un établissement public territorial de bassin.
« Cet organisme public est constitué et fonctionne, selon les cas, conformément aux dispositions du code général des collectivités territoriales régissant les établissements constitués en application des articles L. 5421-1 à L. 5421-6 ou des articles L. 5721-1 à L. 5721-8 du même code.
« Le préfet coordonnateur de bassin délimite, par arrêté et après avis du comité de bassin et des collectivités territoriales concernées et, s'il y a lieu, après avis de la commission locale de l'eau, le périmètre d'intervention de cet établissement public.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article. »
Chapitre II
Utilisation du sol et aménagement
Chapitre III
Travaux
Article 24 bis A
I. - 1. Avant le dernier alinéa de l'article 1er du code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« - les cours d'eaux, canaux, lacs et plans d'eau appartenant au domaine public fluvial des collectivités territoriales et de leurs groupements. »
2. - Après l'article 1er du même code, sont insérés quatre articles 1er-1, 1er-2, 1er-3 et 1er-4 ainsi rédigés :
« Art. 1er-1. - Le domaine public fluvial des collectivités territoriales et de leurs groupements est constitué des cours d'eau, canaux, lacs et plans d'eau dont ils sont ou deviennent propriétaires, soit par acquisition amiable ou par voie d'expropriation classés dans leur domaine public en application de la procédure prévue à l'article 2-1, soit par transfert de propriété du domaine public fluvial de l'Etat ou d'une autre personne publique, ou qu'ils créent.
« Les transferts de propriété du domaine public fluvial au profit d'une collectivité territoriale ou d'un groupement de la part de l'Etat ou d'une autre personne publique peuvent être opérés à la demande de l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale ou du groupement. Ils le sont à titre gratuit. Toutefois, les parties de cours d'eau, canaux, lacs ou plans d'eau inclus dans le périmètre d'une concession accordée par l'Etat au titre de l'utilisation de l'énergie hydraulique ne peuvent pas faire l'objet d'un transfert de propriété au profit des collectivités territoriales ou de leurs groupements.
« Ces transferts s'opèrent en priorité au profit de la région ou du groupement de régions territorialement compétent qui en fait la demande. Lorsque d'autres collectivités ou groupements de collectivités territorialement compétents souhaitent bénéficier d'un tel transfert, leurs demandes sont transmises pour avis à la région. Ils peuvent bénéficier de ce transfert si, à l'issue d'un délai de six mois à compter de la saisine pour avis, la région territorialement compétente n'a pas elle même formulé la demande.
« Le transfert est refusé si la cohérence hydraulique ne peut pas être assurée.
« Art. 1er-2. - Une expérimentation peut être engagée pour une durée maximale de six ans pendant laquelle la collectivité ou le groupement de collectivités est compétent pour aménager et exploiter le domaine dont la propriété ne lui est pas transférée.
« Le transfert de propriété deviendra effectif à l'issue de cette période, sauf si la collectivité ou le groupement de collectivités a renoncé au transfert au moins six mois avant la clôture de l'expérimentation. Le transfert s'opère dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.
« L'Etat et la collectivité ou le groupement de collectivités ayant opté pour l'expérimentation déterminent conjointement les cours d'eau, canaux, lacs et plans d'eau concernés par le transfert. Ils signent une convention définissant les conditions et la durée de l'expérimentation. Durant cette période d'expérimentation, la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités territoriales peut faire appel à l'établissement public à caractère industriel et commercial Voies navigables de France selon des modalités qui seront définies par une convention tripartite entre l'Etat, les collectivités concernées et Voies navigables de France.
« Art. 1er-3. - Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions du transfert dans le domaine public d'une collectivité ou d'un groupement de collectivités et les modalités selon lesquelles les différentes personnes publiques ayant bénéficié du transfert de propriété et de compétences assurent la cohérence de la gestion du domaine public ayant fait l'objet du transfert. Ce décret fixe également la liste des cours d'eau et canaux d'intérêt national notamment utiles au transport de marchandises qui ne peuvent faire l'objet d'un transfert.
« Art. 1er-4. - La collectivité territoriale ou le groupement est chargé de l'aménagement et de l'exploitation de son domaine. L'autorité exécutive de la collectivité territoriale ou du groupement exerce les pouvoirs de police y afférents, sous réserve des attributions dévolues aux maires et des compétences de l'Etat en matière de police de l'eau, de réglementation générale de la navigation et d'utilisation de l'énergie hydraulique. »
II. - Le premier alinéa de l'article 2-l du même code est ainsi rédigé :
« Le classement d'un cours d'eau, d'une section de cours d'eau, d'un canal, lac ou plan d'eau dans le domaine public fluvial de l'Etat pour l'un des motifs énumérés à l'article 1er est prononcé, après enquête publique, par arrêté du préfet territorialement compétent, tous les droits des riverains du cours d'eau ou des propriétaires du lac et des tiers demeurant réservés. Le classement d'un cours d'eau, d'une section de cours d'eau, d'un canal, lac ou plan d'eau dans le domaine public fluvial d'une collectivité territoriale ou d'un groupement est prononcé après enquête publique par arrêté du préfet coordonnateur de bassin, après avis des assemblées délibérantes des collectivités territoriales sur le territoire desquelles se situe le domaine à classer, ainsi que du comité de bassin compétent, tous les droits des riverains du cours d'eau ou des propriétaires du lac et des tiers demeurant réservés. »
III. - L'article 4 du même code est ainsi rédigé :
« Art. 4. - 1. Le déclassement d'un cours d'eau, d'une section de cours d'eau, d'un canal, lac ou plan d'eau faisant partie du domaine public fluvial de l'Etat est prononcé, après enquête publique et consultation des collectivités territoriales intéressées, par arrêté du préfet territorialement compétent, tous les droits des riverains et des tiers demeurant réservés.
« Le déclassement d'un cours d'eau, d'une section de cours d'eau, d'un canal, lac ou plan d'eau faisant partie du domaine public fluvial de l'Etat emporte sa radiation de la nomenclature des voies navigables ou flottables de l'Etat.
« Dans le cas d'un transfert de propriété du domaine public fluvial de l'Etat au profit d'une collectivité territoriale ou d'un groupement, tel que prévu à l'article 1er-1, l'acte opérant le transfert emporte déclassement du domaine public fluvial de l'Etat.
« 2. Le déclassement d'un cours d'eau, d'une section de cours d'eau, d'un canal, lac ou plan d'eau faisant partie du domaine public fluvial d'une collectivité territoriale ou d'un groupement est prononcé après enquête publique par la personne responsable de l'autorité exécutive de la collectivité territoriale ou du groupement, après consultation du comité de bassin et des assemblées délibérantes des autres collectivités territoriales sur le territoire desquelles se situe le domaine à déclasser, tous les droits des riverains et des tiers demeurant réservés. »
IV. - Le même code est ainsi modifié :
1° Les six premiers alinéas, le huitième et le neuvième alinéas de l'article 7 sont supprimés ;
2° Le septième alinéa de l'article 7 est complété par les mots : « , de la collectivité territoriale ou du groupement, selon le cas » ;
3° Après le premier alinéa de l'article 10, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l'application des dispositions de l'article 560 du code civil concerne un cours d'eau domanial appartenant à une collectivité territoriale ou un groupement, ce dernier est substitué à l'Etat. » ;
4° Au premier alinéa de l'article 14, les mots : « est à la charge de l'Etat » sont remplacés par les mots : « est à la charge du propriétaire du domaine public fluvial concerné » ;
5° Au dernier alinéa de l'article 14, les mots : « sous réserve de l'approbation préalable du ministre des travaux publics » sont supprimés ;
6° Aux premier et second alinéas de l'article 16, les mots : « par arrêté ministériel » sont remplacés par les mots : « sur décision de l'autorité gestionnaire » ;
7° Après le premier alinéa de l'article 35, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sur les cours d'eau, sections de cours d'eau, canaux, lacs et plans d'eau appartenant à une collectivité territoriale ou un groupement, la redevance est perçue à son profit. Elle est établie par délibération de l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale ou du groupement, dans des limites fixées par décret en Conseil d'Etat. » ;
8° A l'article 37, les mots : « Le Gouvernement concédera, aux conditions qu'il aura fixées, » sont remplacés par les mots : « L'Etat, les collectivités territoriales et leurs groupements concéderont, aux conditions qu'ils auront fixées, » ;
9° A l'article 37, les mots : « du domaine public fluvial » sont remplacés par les mots : « de leur domaine public fluvial » ;
10° Au premier alinéa de l'article 39, les mots : « entre l'Etat et les propriétaires » sont remplacés par les mots : « entre le propriétaire du domaine public fluvial et les propriétaires » ;
11° Au deuxième alinéa de l'article 39, les mots : « arrêté préfectoral sous réserve de l'approbation préalable du ministre des travaux publics » sont remplacés par les mots : « décision de l'autorité compétente » ;
12° Le premier alinéa de l'article 41 est ainsi rédigé :
« Les contraventions sont constatées concurremment par les fonctionnaires des services de l'Etat, des collectivités territoriales et de leurs groupements, les conducteurs de chantier ou agents de travaux assermentés à cet effet ou par les maires ou adjoints et les gardes champêtres. »
Article 24 bis BA
L'article L. 436-4 du code de l'environnement est complété par un III ainsi rédigé :
« III. - Les dispositions du I et du II sont également applicables dans les eaux qui faisaient partie du domaine public fluvial de l'Etat à la date de promulgation de la loi n° du relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages et qui ont fait l'objet d'un transfert à une collectivité territoriale en application de ladite loi. »
Chapitre IV
Dispositions financières
Article 26
L'article L. 561-3 du code de l'environnement est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, avant les mots : « Le fonds de prévention des risques naturels majeurs est chargé de financer », il est inséré la mention : « I. - » ;
2° Les deuxième, troisième et quatrième alinéas sont remplacés par huit alinéas ainsi rédigés :
« Il peut également, sur décision préalable de l'Etat et selon des modalités et conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, contribuer au financement des mesures de prévention intéressant des biens couverts par un contrat d'assurance mentionné au premier alinéa de l'article L. 125-1 du code des assurances. Les mesures de prévention susceptibles de faire l'objet de ce financement sont :
« 1° L'acquisition amiable par une commune, un groupement de communes ou l'Etat d'un bien exposé à un risque prévisible de mouvements de terrain ou d'affaissements de terrain dus à une cavité souterraine ou à une marnière, d'avalanches, de crues torrentielles ou à montée rapide menaçant gravement des vies humaines ainsi que les mesures nécessaires pour en limiter l'accès et en empêcher toute occupation, sous réserve que le prix de l'acquisition amiable s'avère moins coûteux que les moyens de sauvegarde et de protection des populations ;
« 2° L'acquisition amiable, par une commune, un groupement de communes ou l'Etat, de biens à usage d'habitation ou de biens utilisés dans le cadre d'activités professionnelles relevant de personnes physiques ou morales employant moins de vingt salariés et notamment d'entreprises industrielles, commerciales, agricoles ou artisanales et de leurs terrains d'assiette ainsi que les mesures nécessaires pour en limiter l'accès et en empêcher toute occupation, sous réserve que les terrains acquis soient rendus inconstructibles dans un délai de trois ans, lorsque ces biens ont été sinistrés à plus de la moitié de leur valeur et indemnisés en application de l'article L. 125-2 du code des assurances ;
« 3° Les opérations de reconnaissance des cavités souterraines et des marnières, dont les dangers pour les constructions ou les vies humaines sont avérés, ainsi que le traitement ou le comblement des cavités souterraines et des marnières qui occasionnent des risques d'effondrement du sol menaçant gravement des vies humaines, dès lors que ce traitement est moins coûteux que l'expropriation prévue à l'article L. 561-1 ;
« 4° Les études et travaux de prévention définis et rendus obligatoires par un plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé en application du 4° du II de l'article L. 562-1 sur des biens à usage d'habitation ou sur des biens utilisés dans le cadre d'activités professionnelles relevant de personnes physiques ou morales employant moins de vingt salariés et notamment d'entreprises industrielles, commerciales, agricoles ou artisanales ;
« 5° Les campagnes d'information, notamment celles menées en application du deuxième alinéa de l'article L. 125-2 du présent code, portant sur les garanties visées à l'article L. 125-1 du code des assurances.
« Le financement par le fonds des acquisitions amiables mentionnées au 1° et au 2° est subordonné à la condition que le prix fixé pour ces acquisitions n'excède pas le montant des indemnités calculées conformément au quatrième alinéa de l'article L. 561-1. Lorsqu'une collectivité publique autre que l'Etat a bénéficié d'un financement en application du 2° et que les terrains acquis n'ont pas été rendus inconstructibles dans le délai de trois ans, elle est tenue de rembourser le fonds.
« Le financement par le fonds des opérations de reconnaissance et des études et travaux mentionnés au 3° et au 4° est réalisé déduction faite du montant des indemnités perçues, le cas échéant en application de l'article L. 125-2 du code des assurances pour la réalisation d'études ou de travaux de réparation susceptibles de contribuer à ces opérations de reconnaissance ou à ces études et travaux de prévention. » ;
3° Au cinquième alinéa, avant les mots : « Ce fonds est alimenté », il est inséré la mention : « II. - » ;
4° La première phrase du sixième alinéa est ainsi rédigée :
« Le taux de ce prélèvement est fixé par l'autorité administrative dans la limite de 4 %. »
Article 26 bis AAA
Au début de l'article L. 562-3 du code de l'environnement, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Le préfet définit les modalités de la concertation relative à l'élaboration du projet de plan de prévention des risques naturels prévisibles.
« Sont associés à l'élaboration de ce projet les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale concernés. »
Article 26 ter
Le II de l'article L. 562-1 du code de l'environnement est ainsi modifié :
1° Dans le l° , après les mots : « aux risques », sont insérés les mots « , dites "zones de danger", » ;
2° Dans le 2° , après les mots : « les zones », sont insérés les mots : « , dites "zones de précaution", »
Article 27 bis
Il est inséré, dans le chapitre VIII du titre II du livre 1er du code des assurances, un article L. 128-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 128-4. - Dans les zones, telles que définies au I de l'article L. 515-16 du code de l'environnement, délimitées par un plan de prévention des risques technologiques approuvé dans les conditions prévues à l'article L. 515-21 du même code, l'obligation prévue au premier alinéa de l'article L. 128-2 du présent code ne s'impose pas aux entreprises d'assurance à l'égard des biens mentionnés au même article, à l'exception, toutefois, des biens existant antérieurement à la publication de ce plan.
« Cette obligation ne s'impose pas non plus aux entreprises d'assurance à l'égard des biens immobiliers construits en violation des règles administratives en vigueur lors de leur mise en place et tendant à prévenir les dommages causés par une catastrophe technologique.
« Les entreprises d'assurance ne peuvent toutefois se soustraire à cette obligation que lors de la conclusion initiale ou du renouvellement du contrat. »
Article 28 bis AA
L'article L. 125-2 du code des assurances est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En tout état de cause, une provision sur les indemnisatés dues au titre de cette garantie doit être versée à l'assuré dans les deux mois qui suivent la date de remise de l'état estimatif des biens endommagés ou des pertes subies, ou la date de publication, lorsque celle-ci est postérieure, de la décision administrative constatant l'état de catastrophe naturelle. »
Chapitre V
Dispositions relatives à l'Office national des forêts
TITRE III
DISPOSITIONS DIVERSES
Article 30
Le chapitre V du titre II du livre Ier du code de l'environnement est complété par un article L. 125-5 ainsi rédigé
« Art. L. 125-5. _ I. _ Les acquéreurs ou locataires de biens immobiliers situés dans des zones couvertes par un plan de prévention des risques technologiques ou par un plan de prévention des risques naturels prévisibles, prescrit ou approuvé, ou dans des zones de sismicité définies par décret en Conseil d'Etat, sont informés par le vendeur ou le bailleur de l'existence des risques visés par ce plan ou ce décret.
« Un état des risques fondé sur les informations mises à disposition par le préfet est annexé à toute promesse unilatérale de vente ou d'achat et à tout contrat réalisant ou constatant la vente.
« I bis. _ Pour les locataires de biens immobiliers situés dans les zones mentionnées au I, l'état des risques prévu au I est annexé aux contrats de location écrits constatant l'entrée dans les lieux du nouveau locataire.
« I ter. _ Le préfet arrête la liste des communes dans lesquelles les dispositions du I et du I bis sont applicables ainsi que, pour chaque commune concernée, la liste des risques et des documents à prendre en compte.
« II. _ Lorsqu'un immeuble bâti a subi un sinistre ayant donné lieu au versement d'une indemnité en application de l'article L. 125-2 ou de l'article L. 128-2 du code des assurances, le vendeur ou le bailleur de l'immeuble est tenu d'informer par écrit l'acquéreur ou le locataire de tout sinistre survenu pendant la période où il a été propriétaire de l'immeuble ou dont il a été lui-même informé en application des présentes dispositions. En cas de vente de l'immeuble, cette information est mentionnée dans l'acte authentique constatant la réalisation de la vente.
« III. _ En cas de non-respect des dispositions du présent article, l'acquéreur ou le locataire peut poursuivre la résolution du contrat ou demander au juge une diminution du prix.
« IV. _ Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article. »
Article 36
Les juridictions d'instruction et de jugement saisies en application de l'article L. 218-29 du code de l'environnement avant la promulgation de la loi n° 2003-346 du 15 avril 2003 relative à la création d'une zone de protection écologique au large des côtes du territoire de la République demeurent compétentes jusqu'à l'issue de la procédure.
Article 37
Nonobstant toutes dispositions contraires, l'injection d'effluents industriels dans la structure géologique, dénommée Crétacé 4000, située dans la région de Lacq (Pyrénées-Atlantiques) peut être autorisée, après avis du Conseil supérieur des installations classées, sous réserve que l'exploitant des injections démontre par une étude de sûreté à long terme leur innocuité pour la matrice réceptrice, notamment vis-à-vis de son confinement naturel.
Quelqu'un demande-t-il la parole sur l'un de ces articles ?...
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Yves Coquelle, pour explication de vote.
M. Yves Coquelle. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après la catastrophe meurtrière de l'usine AZF qui aura coûté la vie à trente et une personnes, dont ving-deux salariés de l'entreprise, un tel texte de loi était d'une impérieuse nécessité. Au cours des première et deuxième lectures, nous avions souligné les aspects positifs et les avancées qu'il contenait. Pour autant, nous aurions voulu, sur de nombreux points, améliorer ce projet de loi, corriger ses lacunes et insuffisances afin d'assurer aux populations et aux salariés, premières victimes des accidents industriels, la sécurité à laquelle ils ont droit.
Nous avions, en ce sens, fait de nombreuses propositions pour favoriser la prévention et la réduction des risques industriels à la source. Ainsi, nos principaux amendements avaient pour objet l'accroissement du rôle des CHSCT, les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le renforcement du droit d'alerte, une réglementation plus stricte pour éviter le développement sur les sites à risque de la sous-traitance en cascade, le renforcement des contraintes en matière de dépollution des sites.
Aucun de nos amendements, madame la ministre, n'a été accepté et nous avons dû a contrario faire face à une offensive libérale de la part de la droite sénatoriale, qui n'a eu de cesse de supprimer certaines des dispositions positives de ce texte ou les améliorations introduites à l'Assemblée nationale.
Oui, mes chers collègues, au prétexte d'hypothétiques risques de délocalisation de nos entreprises, vous avez repoussé tout ce qui, dans un souci de prévention et de réduction des risques technologiques à la source, avait un caractère contraignant pour les entreprises.
Ainsi, vous vous êtes opposés à l'obligation d'une réunion publique lors des enquêtes publiques concernant l'autorisation des installations industrielles les plus dangereuses. Vous avez cherché à affaiblir le rôle des CHSCT sans leur donner les moyens d'agir.
A chacune des lectures, vous avez supprimé les dispositions qui visaient à accroître le temps laissé aux représentants du personnel au CHSCT pour qu'ils exercent leurs missions sur les sites les plus dangereux, comme vous avez supprimé celles des mesures qui permettaient d'augmenter le nombre des représentants du personnel au CHSCT.
Non seulement, sur de nombreux points, le texte du Sénat est donc en retrait, mais les quelques améliorations apportées par l'Assemblée n'ont pu être préservées que sous réserve de leur affaiblissement.
Enfin, vous avez supprimé à deux reprises le fameux article 14, qui prévoyait de responsabiliser les entreprises afin de réduire les risques à la source. Cet article faisait en effet peser quelques contraintes sur les entreprises les plus dangereuses en les obligeant à procéder à une estimation de la probabilité d'occurrence et du coût des dommages matériels causés aux tiers afin de prévoir une couverture financière par les exploitants en cas d'accident. Il prévoyait aussi la transmission du rapport d'évaluation au préfet et au président du CLIC, le comité local d'information et de concertation.
Lors de la réunion de la commission mixte paritaire, nous avons assisté à une réaction ultralibérale de la part de la majorité sénatoriale, qui s'est livrée à un véritable chantage en s'abstenant sur l'ensemble du texte pour marquer son opposition à cet article.
Si nous voulons éviter que des drames semblables à ceux de l'usine AZF se reproduisent, nous devons exiger des entreprises qu'elles prennent toutes les dispositions pour réduire les risques à la source, et c'était bien le sens de cet article 14 que nous avait présenté le Gouvernement.
Il est de l'entière responsabilité des entreprises à risque de réaliser les investissements nécessaires en faveur de la sécurité sur leur site. Mais, à chaque fois que des mesures allant en ce sens ont été proposées, elles ont déchaîné, au prétexte qu'elles décourageaient l'esprit d'entreprise et aggravaient les risques de délocalisation, une opposition virulente de la part de la majorité sénatoriale.
A chaque fois, mes chers collègues, que vous prenez des mesures défavorables aux salariés, comme celles qui visent à alléger l'impôt sur la fortune ou, comme c'est le cas ici, à assurer une meilleure protection des populations et des salariés, vous invoquez le risque d'affaiblissement de la compétitivité et de l'attractivité de notre pays. Je vous invite donc à prendre connaissance du dernier rapport du Conseil d'analyse économique sur ce sujet, car il montre que, de ce point de vue, la France est, sur le plan international et européen, en bonne position.
Concernant les risques naturels, le texte demeure également insuffisant sur le plan des moyens nécessaires, qu'ils soient humains ou matériels, pour éviter la répétition des catastrophes que nous avons connues ces derniers temps.
Nous avions souligné que notre vote final dépendrait des améliorations susceptibles d'être apportées à ce texte. Nous constatons, malheureusement, que, malgré les efforts de certains, elles ne sont pas suffisantes. C'est pourquoi le groupe CRC s'abstiendra.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Je ne paraphraserai pas Mme la ministre, mais, après le temps de la réflexion - engagée, en particulier, après la catastrophe de l'usine AZF - et après les travaux de la commission parlementaire, il importait en effet de passer à l'action.
Je dois saluer la virtuosité de notre rapporteur pour aplanir certaines difficultés : je ne serais pas étonné qu'il soit champion de surf ! (Sourires.)
M. Gérard César. Sur la Marne !
M. Daniel Raoul. Par ailleurs, je souhaiterais que la culture du « non-passage en force » se développe au sein du Gouvernement et s'applique sur d'autres textes. Vous venez de dire, madame la ministre, que le passage en force se payait toujours. Au basket, c'est au moins un avertissement, sinon une exclusion temporaire. Je ne voudrais pas que cela arrive à l'ensemble du Gouvernement, car cela me chagrinerait franchement. (Sourires.)
M. Paul Blanc. C'est gentil !
M. Daniel Raoul. J'en viens au fond, mes chers collègues, pour expliquer mon vote et celui des membres du groupe socialiste.
En première lecture, nous avions fait crédit à la raison et au bon sens en considérant que le texte qui était issu des travaux de notre assemblée n'avait été qu'un peu dénaturé.
En deuxième lecture, le passage à la moulinette des différentes dispositions concernant l'information, la transparence, la responsabilité nous avait poussés à l'abstention.
En commission mixte paritaire, nous avons obtenu, avec les membres de l'Assemblée nationale, des avancées significatives, et je reconnais que l'abstention des représentants du Sénat a permis d'arriver à un texte d'équilibre.
Madame la ministre, personne n'est certes gagnant sur tous les fronts, mais je crois néanmoins que ce texte constitue une avancée importante.
Sans revenir sur l'article 14 et sur la liaison entre cet article et l'article 12, je veux souligner ce qui me paraît le plus important : le changement culturel, c'est-à-dire le passage d'une culture déterministe à une culture probabiliste. J'y vois un premier pas dans ce domaine, et il me paraît important de le franchir, au-delà des arguments relatifs aux coûts qu'on nous oppose.
Cette logique est clairement exposée dans l'article 14. Il faudra certes du temps pour parvenir - peut-être dix ans - à cette évolution culturelle, et, sans doute, les équipes de recherche devront-elles aussi s'investir dans ce domaine.
Sans doute sommes-nous en retard en matière de probabilités et d'études d'occurrence ; je regrette cependant, je dois le dire, que les associations et les chambres consulaires ne soient pas davantage associées. Je regrette aussi, même s'ils ne relèvent pas directement de votre ministère, que les aspects miniers n'aient pas été davantage pris en compte.
En tout cas, les avancées en ce qui concerne la transparence et la responsabilité, étant significatives, les membres du groupe socialiste voteront ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Gautier.
Mme Gisèle Gautier. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, c'est au terme d'un long débat que nous nous apprêtons à voter ce texte. Il a fallu deux lectures et un accord en commission mixte paritaire pour aboutir à un consensus somme toute relatif.
Nous avons défendu ce texte et l'ensemble - je dis bien l'ensemble ! - de ses dispositions. Pourquoi ? Parce qu'il nous a paru essentiel d'éviter de refaire les mêmes erreurs que par le passé. En effet, quoi de plus désolant que de voir tant de villages dévastés par des crues d'une exceptionnelle violence, tant de maisons détruites par une explosion parce qu'elles se trouvaient au mauvais endroit ! Aux conséquences matérielles s'ajoute, bien sûr, la détresse morale et psychologique.
C'est pourquoi je voudrais saluer votre courage, madame la ministre, d'avoir défendu avec conviction ce texte, même si cela a parfois provoqué quelques tiraillements avec notre assemblée.
Je tiens également à saluer le travail du Sénat et de notre rapporteur, collègue et ami, Yves Détraigne, qui, notamment sur le titre Ier, a tenté d'obtenir un équilibre entre, d'une part, les exigences de prévention, et, d'autre part, la nécessité de ne pas faire peser trop de contraintes sur les entreprises installées sur notre territoire.
Toutefois, sur l'article 14, qui prévoit la réalisation d'une estimation de la probabilité d'occurrence des accidents et du coût des dommages matériels potentiels qui en résultent, le compromis n'a malheureusement pas été trouvé. Le vote en commission mixte paritaire a abouti au rétablissement de cet article, que notre assemblée avait décidé de supprimer.
Le groupe de l'Union centriste est donc réservé sur cet article, qui selon lui présente un danger pour l'économie de notre pays.
Nous le savons, la France souffre cruellement d'une désindustrialisation croissante. En tant qu'ancienne chef d'entreprise, je déplore cet alourdissement des contraintes administratives, sans parler des charges patronales. Nous considérons que les coûts seront trop élevés et risquent d'empêcher les entreprises de s'installer et de prospérer.
S'agissant des risques naturels, je reviendrai seulement sur une disposition qui illustre parfaitement l'esprit de ce texte, à savoir la responsabilisation de tous les acteurs de la société. Il s'agit de recenser, notamment avec la profession agricole, les « bonnes pratiques » susceptibles de limiter l'écoulement des eaux et de réduire l'érosion des sols. Cette mesure présente en premier lieu l'avantage de préserver les paysages ruraux et, en second lieu, celui de responsabiliser les agriculteurs, qui seront ainsi des acteurs privilégiés de la lutte contre les risques naturels. Les collectivités locales ne doivent pas être les seuls promoteurs de cette politique préventive.
Voilà, brièvement exposée, la position du groupe de l'Union centriste, qui s'abstiendra sur l'ensemble de ce texte pour les raisons précédemment évoquées à l'égard de l'article 14.
Enfin, permettez-moi, madame la ministre, de profiter de cette occasion pour rendre hommage aux sapeurs-pompiers, qui, malgré l'ampleur des sinistres, ont montré une fois encore, le week-end dernier, le courage qu'on leur connaît. Bien sûr, pour nous tous, le spectacle est désolant. La sécheresse exceptionnelle de cette année en est certes le facteur principal, mais la main de l'homme n'est, hélas ! jamais innocente.
Mes chers collègues, donnons aux élus locaux les moyens de prévenir ces désastres, dans l'intérêt de la préservation de la nature, de nos paysages et de nos territoires, mais aussi dans celui des habitants des zones sinistrées. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye.
M. Dominique Braye. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici parvenus, à l'issue de plus de sept mois de réflexions et de discussions, à la fin de l'examen de ce texte relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages. Il nous est demandé aujourd'hui d'adopter les conclusions de la commission mixte paritaire.
Les catastrophes technologiques et naturelles, qui ont lourdement frappé notre pays ces derniers mois, ont mis en lumière la nécessité de légiférer afin de prévenir les dangers potentiels et de remédier aux situations les plus dangereuses.
Cette exigence ne doit pas pour autant conduire les parlementaires que nous sommes à légiférer sous le coup de l'émotion. Certes, nous nous devons d'être à l'écoute des demandes de nos concitoyens : il faut davantage de transparence, une anticipation accrue des dangers et une meilleure protection face aux risques.
Toutefois, le risque zéro, cela a été répété à de nombreuses reprises, n'existe pas, et une société qui aurait la volonté d'atteindre cet objectif se condamnerait inéluctablement, dans le monde de concurrence internationale dans lequel nous vivons, à l'immobilisme, et donc au déclin.
L'initiative, la création, l'innovation : autant de pratiques qui nous conduisent à générer de nouveaux risques. Sans prise de risque, pas de dynamisme, pas d'activités innovantes, pas de richesses et, partant, pas d'emplois et donc plus de chômeurs ! Comme l'a souligné fort justement le président de la commission des affaires économiques, M. Gérard Larcher, si le carcan réglementaire conduit à freiner tout esprit d'initiative, il sera impossible de redistribuer ce que nous ne produirons plus.
Alors, naturellement, il faut trouver un équilibre entre les exigences de nos concitoyens, demandeurs de davantage de sécurité, et le développement de l'industrie. Pour autant, nous ne devons pas négliger le fait que notre pays est aujourd'hui confronté à un phénomène de « surréglementation » qui le handicape profondément.
Certes, le groupe de l'UMP se félicite des nombreuses mesures contenues dans ce projet de loi, en particulier de celles qui visent à éloigner nos concitoyens des installations industrielles les plus dangereuses. Ces dispositions permettront de concilier de manière harmonieuse le développement économique et l'urbanisation de nos territoires, en évitant de reproduire les erreurs du passé.
Toutefois, même s'il pouvait être nécessaire de légiférer sur certains aspects, laissez-moi, madame la ministre, vous dire que, sur le plan des principes, notre Haute Assemblée a été, tout au long des débats, sceptique quant à l'opportunité de plusieurs dispositions.
A cet égard, l'exemple le plus emblématique est, vous le savez bien, celui de l'article 14 du projet de loi, dont plusieurs orateurs ont déjà parlé et sur lequel la majorité sénatoriale a toujours exprimé de très vives réserves.
J'ai eu personnellement l'occasion de discuter, comme je l'ai rappellé en commission mixte paritaire, avec des chefs d'entreprise de mon département, dans lequel sont installées plusieurs installations de type Seveso. Je ne ferai que citer ces entrepreneurs, madame la ministre, en vous disant qu'ils sont horrifiés par certaines dispositions du présent projet de loi.
Il est nécessaire, aujourd'hui, de faire un choix. Notre majorité, issue des dernières élections, a décidé de s'engager dans un ambitieux programme pour libérer les énergies, développer la créativité, favoriser le développement économique et la création d'entreprises, comme nous venons d'ailleurs de le faire, à l'instant, en adoptant les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi pour l'initiative économique. Au surplus, nous prônons les vertus de la simplification administrative et nous habilitons le Gouvernement à procéder à ces simplifications par voie d'ordonnances.
Quelle serait alors la cohérence de l'action du Gouvernement et du Parlement si, parallèlement à ces initiatives, nous contribuions à accroître un peu plus la sédimentation législative et réglementaire ?
Est-il cohérent, est-il acceptable, madame la ministre, mes chers collègues, d'adopter dans la même soirée les conclusions de deux commissions mixtes paritaires dont certaines dispositions libèrent les entreprises et favorisent le développement économique tandis que d'autres, celles que nous allons voter, entravent et freinent considérablement celui-ci ?
Alors, je le sais bien, nos collègues députés de la majorité gouvernementale et les sénateurs de gauche de la commission mixte paritaire ont adopté cet article 14 dans la rédaction qui nous est proposée aujourd'hui, en nous répétant sans cesse, et d'ailleurs trop souvent pour qu'ils soient crédibles, que leur but n'était pas de porter atteinte aux entreprises. Mais malheureusement, monsieur Raoul, comme je l'ai rappelé au cours de cette commission mixte paritaire, de même que M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir, ces membres de la commission mixte paritaire alourdissent encore les contraintes pesant sur nos entreprises sans le vouloir, ou plutôt - si je veux vraiment être honnête - en refusant de l'admettre.
Mes chers collègues, cette question est fondamentale. Il y va de la cohérence de notre action économique, mais aussi - et même peut-être surtout - de la cohérence entre le discours que doit tenir la majorité gouvernementale et son action.
Il ne s'agit pas aujourd'hui de rejeter un compromis élaboré en commission mixte paritaire, compromis qui donne satisfaction au Sénat sur de nombreux points.
Toutefois, permettez-moi, madame la ministre, de vous dire que nous sommes un peu surpris qu'il soit demandé à notre assemblée de voter des dispositions adoptées, comme je le rappelais il y a un instant, par des majorités de circonstance en commission mixte paritaire.
Aussi, pour toutes ces raisons, en tant que représentant de la commission des affaires économiques, et comme l'ont fait tous les membres de la majorité sénatoriale en commission mixte paritaire, je m'abstiendrai sur le vote de ces conclusions, exprimant ainsi des réserves que partagent de nombreux collègues du groupe de l'UMP.
M. Jean-Pierre Sueur. Heureusement qu'il y a des socialistes, madame la ministre !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, dans la rédaction résultant du texte proposé par la commission mixte paritaire.
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION
M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Pierre Masseret un rapport d'information fait au nom des délégués élus par le Sénat sur les travaux de la Délégation française à l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale au cours de la première partie de la 49e session ordinaire - 2003 - de cette assemblée, adressé à M. le président du Sénat, en application de l'article 108 du règlement.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 416 et distribué.
ORDRE DU JOUR
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mardi 22 juillet 2003, à dix heures, seize heures et le soir :
1. Discussion en deuxième lecture du projet de loi (n° 412, 2002-2003), modifié par l'Assemblée nationale, relatif à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives.
Rapport (n° 414, 2002-2003) de M. Bernard Murat, fait au nom de la commission des affaires culturelles.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
2. Discussion des conclusions du rapport (n° 395, 2002-2003) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive.
M. Jacques Legendre, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.
3. Discussion du projet de loi (n° 398, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.
Rapport (n° 401, 2002-2003) de M. Pierre André, fait au nom de la commission des affaires économiques.
Avis (n° 404, 2002-2003) de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la commission des lois.
Avis (n° 403, 2002-2003) de Mme Nelly Olin, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Avis (n° 405, 2002-2003) de M. Eric Doligé, fait au nom de la commission des finances.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 22 juillet 2003, à neuf heures.
Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant réforme des retraites.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 23 juillet 2003, à dix-sept heures.
Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, visant à restreindre la consommation de tabac chez les jeunes (n° 394, 2002-2003).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 23 juillet 2003, à dix-sept heures.
Pour chacun des textes inscrits à l'ordre du jour autres que le projet de loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, la conférence des présidents a fixé le délai limite pour le dépôt des amendements à dix-sept heures, la veille de la discussion du texte.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mardi 22 juillet 2003, à zéro heure cinquante.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD
ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du lundi 21 juillet 2003
SCRUTIN (n° 229)
sur l'amendement n° 1, présenté par M. Daniel Hoeffel au nom de la commission des lois, à l'article unique du projet de loi organique, modifié par l'Assemblée nationale, relatif au référendum local (conditions pour l'entrée en vigueur des actes soumis à délibération).
Nombre de votants : 313
Nombre de suffrages
exprimés : 313
Pour : 291
Contre : 22
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Contre : 22.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Guy Fischer, qui présidait la séance.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (27) :
Pour : 27.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (17) :
Pour : 17.
GROUPE SOCIALISTE (83) :
Pour : 83.
GROUPE DE L'UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE (166) :
Pour : 164.
N'ont pas pris part au vote : 2. _ MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Emmanuel Hamel.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :
N'ont pas pris part au vote : 5.
Ont voté pour
Nicolas About
Jean-Paul Alduy
Nicolas Alfonsi
Jean-Paul Amoudry
Michèle André
Pierre André
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
Robert Badinter
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Michel Bécot
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Claude Belot
Maryse Bergé-Lavigne
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Besson
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Marie-Christine Blandin
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Didier Boulaud
Joël Bourdin
Brigitte Bout
André Boyer
Jean Boyer
Yolande Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Claire-Lise Campion
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Ernest Cartigny
Auguste Cazalet
Bernard Cazeau
Charles Ceccaldi-Raynaud
Monique Cerisier-ben Guiga
Gérard César
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cléach
Jean Clouet
Christian Cointat
Yvon Collin
Gérard Collomb
Gérard Cornu
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Yves Dauge
Marcel Debarge
Robert Del Picchia
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Rodolphe Désiré
Yves Détraigne
Eric Doligé
Claude Domeizel
Jacques Dominati
Michel Doublet
Michel Dreyfus-Schmidt
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Claude Estier
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
François Fortassin
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Jean-Claude Frécon
Yves Fréville
Bernard Frimat
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Charles Gautier
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Jean-Pierre Godefroy
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Jean-Noël Guérini
Michel Guerry
Hubert Haenel
Claude Haut
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Odette Herviaux
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Alain Journet
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kerguéris
Yves Krattinger
Christian de La Malène
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Dominique Larifla
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
André Lejeune
Serge Lepeltier
Louis Le Pensec
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Claude Lise
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Jean-Louis Masson
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Michel Mercier
Louis Mermaz
Lucette Michaux-Chevry
Gérard Miquel
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Jean-Marc Pastor
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jacques Peyrat
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Xavier Pintat
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Henri de Raincourt
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Roger Rinchet
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Gérard Roujas
André Rouvière
Janine Rozier
Michèle San Vicente
Bernard Saugey
Claude Saunier
Jean-Pierre Schosteck
Michel Sergent
Bruno Sido
René-Pierre Signé
Daniel Soulage
Louis Souvet
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Michel Teston
Michel Thiollière
Jean-Marc Todeschini
Henri Torre
René Trégouët
Pierre-Yvon Tremel
André Trillard
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
André Vantomme
Alain Vasselle
André Vézinhet
Jean-Pierre Vial
Marcel Vidal
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Jean-Paul Virapoullé
Henri Weber
François Zocchetto
Ont voté contre
François Autain
Jean-Yves Autexier
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Nicole Borvo
Robert Bret
Yves Coquelle
Annie David
Michelle Demessine
Evelyne Didier
Thierry Foucaud
Gérard Le Cam
Paul Loridant
Hélène Luc
Josiane Mathon
Roland Muzeau
Jack Ralite
Ivan Renar
Odette Terrade
Paul Vergès
N'ont pas pris part au vote
Christian Poncelet, président du Sénat, Guy Fischer, qui présidait la séance, Philippe Adnot, Philippe Darniche, Sylvie Desmarescaux, Emmanuel Hamel, Bernard Seillier et Alex Türk.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 315
Nombre de suffrages
exprimés : 315
Majorité absolue des suffrages exprimés : 158
Pour :
292
Contre : 23
Mais, après vérification, ces nombres ont été
rectifiés conformément à la liste ci-dessus.
SCRUTIN (n° 230)
sur l'ensemble du projet de loi organique, modifié par l'Assemblée nationale, relatif au référendum local.
Nombre de votants : 317
Nombre de suffrages
exprimés : 314
Pour : 207
Contre : 107
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Contre : 22.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Guy Fischer, qui présidait la séance.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (27) :
Pour : 27.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (17) :
Pour : 11.
Contre : 2. _ MM. Gérard Delfau et François Fortassin.
Abstentions : 3. _ MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer et Yvon Collin.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Nicolas Alfonsi.
GROUPE SOCIALISTE (83) :
Contre : 83.
GROUPE DE L'UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE (166) :
Pour : 164.
N'ont pas pris part au vote : 2. _ MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Emmanuel Hamel.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :
Pour : 5.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Ernest Cartigny
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cléach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Philippe Darniche
Robert Del Picchia
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Rodolphe Désiré
Sylvie Desmarescaux
Yves Détraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kerguéris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Dominique Larifla
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean-Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto
Ont voté contre
Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
François Fortassin
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
Yves Krattinger
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vézinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Abstentions
Jean-Michel Baylet, André Boyer et Yvon Collin.
N'ont pas pris part au vote
Christian Poncelet, président du Sénat, Guy Fischer, qui présidait la séance, Nicolas Alfonsi et Emmanuel Hamel.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 317
Nombre de suffrages
exprimés : 315
Majorité absolue des suffrages exprimés : 158
Pour :
207
Contre : 108
Mais, après vérification, ces nombres ont été
rectifiés conformément à la liste ci-dessus.
SCRUTIN (n° 231)
sur l'ensemble du projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'expérimentation par les collectivités territoriales.
Nombre de votants : 312
Nombre de suffrages
exprimés : 311
Pour : 200
Contre : 111
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Contre : 23.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (27) :
Pour : 26.
Abstention : 1. _ M. Yves Detraigne.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (17) :
Pour : 11.
Contre : 5. _ MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau et François Fortassin.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Nicolas Alfonsi.
GROUPE SOCIALISTE (83) :
Contre : 83.
GROUPE DE L'UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE (166) :
Pour : 163.
N'ont pas pris part au vote : 3. _ MM. Christian Poncelet, président du Sénat, Daniel Hoeffel, qui présidait la séance, et Emmanuel Hamel.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :
N'ont pas pris part au vote : 5.
Ont voté pour
Nicolas About
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Ernest Cartigny
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cléach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Robert Del Picchia
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Rodolphe Désiré
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kerguéris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Dominique Larifla
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean-Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto
Ont voté contre
Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Yvon Collin
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Guy Fischer
François Fortassin
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
Yves Krattinger
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vézinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Abstention
Yves Détraigne.
N'ont pas pris part au vote
Christian Poncelet, président du Sénat, Daniel Hoeffel, qui présidait la séance, Philippe Adnot, Nicolas Alfonsi, Philippe Darniche, Sylvie Desmarescaux, Emmanuel Hamel, Bernard Seillier et Alex Türk.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 313
Nombre de suffrages
exprimés : 312
Majorité absolue des suffrages exprimés : 157
Pour :
201
Contre : 111
Mais, après vérification, ces nombres ont été
rectifiés conformément à la liste ci-dessus.