M. le président. Art. 1er. - Dans le titre unique du livre Ier de la première partie du code général des collectivités territoriales, il est inséré un chapitre III ainsi rédigé :
« Chapitre III
« Expérimentation
« Art. L.O. 1113-1. - La loi qui autorise, sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales à déroger, à titre expérimental, aux dispositions législatives régissant l'exercice de leurs compétences, définit l'objet de l'expérimentation ainsi que sa durée, qui ne peut excéder cinq ans, et mentionne les dispositions auxquelles il peut être dérogé.
« La loi précise également la nature juridique et les caractéristiques des collectivités territoriales autorisées à participer à l'expérimentation ainsi que, le cas échéant, les cas dans lesquels l'expérimentation peut être entreprise. Elle fixe le délai dans lequel les collectivités territoriales qui remplissent les conditions qu'elle a fixées peuvent demander à participer à l'expérimentation.
« Art. L.O. 1113-2. - Toute collectivité territoriale entrant dans le champ d'application défini par la loi mentionnée à l'article L.O. 1113-1 peut demander, dans le délai prévu à l'article précédent, par une délibération motivée de son assemblée délibérante, à bénéficier de l'expérimentation mentionnée par cette loi. Sa demande est transmise au représentant de l'Etat qui l'adresse, accompagnée de ses observations, au ministre chargé des collectivités territoriales. Le Gouvernement vérifie que les conditions légales sont remplies et publie, par décret, la liste des collectivités territoriales autorisées à participer à l'expérimentation.
« Art. L.O. 1113-3. - Les actes à caractère général et impersonnel d'une collectivité territoriale portant dérogation aux dispositions législatives mentionnent leur durée de validité. Ils font l'objet, après leur transmission au représentant de l'Etat, d'une publication au Journal officiel de la République française. Leur entrée en vigueur est subordonnée à cette publication.
« Art. L.O. 1113-4. - Le représentant de l'Etat peut assortir un recours dirigé contre un acte pris en application du présent chapitre d'une demande de suspension ; cet acte cesse alors de produire ses effets jusqu'à ce que le tribunal administratif ait statué sur cette demande. Si le tribunal administratif n'a pas statué dans un délai d'un mois suivant la saisine, l'acte redevient exécutoire.
« Art. L.O. 1113-5. - Avant l'expiration de la durée fixée pour l'expérimentation, le Gouvernement transmet au Parlement, aux fins d'évaluation, un rapport assorti des observations des collectivités territoriales qui ont participé à l'expérimentation. Ce rapport expose les effets des mesures prises par ces collectivités en ce qui concerne notamment le coût et la qualité des services rendus aux usagers, l'organisation des collectivités territoriales et des services de l'Etat ainsi que leurs incidences financières et fiscales.
« Chaque année, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport retraçant l'ensemble des propositions d'expérimentation et demandes formulées au titre de l'article L.O. 1113-2 que lui ont adressées les collectivités, en exposant les suites qui leur ont été réservées.
« Art. L.O. 1113-6. - Avant l'expiration de la durée fixée pour l'expérimentation, et au vu de son évaluation, la loi détermine selon le cas :
« - les conditions de la prolongation ou de la modification de l'expérimentation pour une durée qui ne peut excéder trois ans ;
« - le maintien et la généralisation des mesures prises à titre expérimental ;
« - l'abandon de l'expérimentation.
« Le dépôt d'une proposition ou d'un projet de loi ayant l'un de ces effets proroge cette expérimentation jusqu'à l'adoption définitive de la loi, dans la limite d'un an à compter du terme prévu dans la loi ayant autorisé l'expérimentation. Mention est faite de cette prorogation au Journal officiel de la République française.
« En dehors des cas prévus ci-dessus, l'expérimentation ne peut être poursuivie au-delà du terme fixé par la loi qui l'avait organisée.
« Art. L.O. 1113-7. - Le Gouvernement, agissant par voie de décret en Conseil d'Etat, autorise, sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales à déroger, à titre expérimental, aux dispositions réglementaires régissant l'exercice de leurs compétences. Ce décret contient les précisions mentionnées à l'article L.O. 1113-1.
« Les collectivités territoriales peuvent demander à bénéficier de l'expérimentation prévue par le décret mentionné à l'alinéa qui précède, dans les conditions et selon les procédures définies à l'article L.O. 1113-2. Les actes d'une collectivité territoriale dérogeant aux dispositions réglementaires sont soumis au régime défini à l'article L.O. 1113-3 et peuvent faire l'objet d'un recours du représentant de l'Etat dans les conditions exposées à l'article L.O. 1113-4. Le décret en Conseil d'Etat mentionné au premier alinéa précise les modalités d'évaluation des dispositions prises sur le fondement de l'autorisation.
« Le Gouvernement adresse au Parlement un bilan des évaluations auxquelles il est ainsi procédé.
« L'expérimentation ne peut être poursuivie au-delà de l'expiration du délai mentionné par le décret en Conseil d'Etat qui l'avait autorisée, si elle n'a pas fait l'objet, par décret en Conseil d'Etat, de l'une des mesures prévues à l'article L.O. 1113-6. »
Je suis saisi de dix-neuf amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune ; pour la clarté du débat, je les appellerai successivement.
L'amendement n° 20, présenté par Mmes Mathon et Borvo, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. Il s'agit d'un amendement de suppression.
J'ose espérer que M. le ministre ainsi que M. le rapporteur auront écouté les arguments que nous avons développés lors de la discussion générale. Je ne me fatiguerai pas en en disant plus !
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Mauroy, Dauge, Lagauche, Frimat, Marc et les membre du groupe socialiste, apparenté et rattaché, est ainsi libellé :
« Avant la première phrase du texte proposé par cet article pour l'article L.O. 1113-1 du code général des collectivités territoriales, ajouter une phrase ainsi rédigée :
« Les expérimentations sont mises en oeuvre dans l'objectif de leur généralisation. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement est extrêmement important. Nous avons en effet remarqué cet après-midi, lors de la discussion du projet de loi organique relatif au référendum local, qu'il régnait sur ce sujet une grande confusion.
Le rapport de M. Michel Piron à l'Assemblée nationale montre bien, lui aussi, que les idées ne sont absolument pas claires sur ce point.
J'en veux pour preuve cette citation :
« Un troisième cas étudié, même s'il est quelque peu différent des autres puisqu'il appelle une intervention législative, concerne l'expérimentation qui donne des résultats satisfaisants dans une collectivité, mais qui, compte tenu de la situation particulière de la collectivité, paraît difficilement transposable à l'ensemble du territoire.
« La rénovation du pouvoir réglementaire local dans le domaine qui a fait l'objet de l'expérimentation par le biais d'une loi, confiant le domaine en question à la compétence des collectivités territoriales, constitue une première solution. La collectivité à l'origine de l'expérimentation peut ainsi poursuivre la réglementation qu'elle a pratiquée pendant la durée de l'expérimentation, les autres collectivités pouvant la suivre ou décider de maintenir les règles en vigueur.
« Il y a dans ce cas non pas généralisation de l'expérimentation, mais affirmation de l'initiative locale dans le respect de l'article 34 de la Constitution sur les domaines réservés à la loi et au règlement.
« La seconde approche consiste à raisonner en termes de statut particulier, comme le rappelait le ministre délégué aux libertés locales à l'Assemblée nationale lors de l'examen de la loi constitutionnelle s'agissant d'une expérimentation qui aurait réussi et qui ne serait pas généralisable. »
Cela signifie que, dès lors que l'expérimentation est achevée, chacun peut choisir une solution : mettre fin à l'expérimentation, la généraliser, ou considérer que les dispositions en vigueur continuent à l'être dans la collectivité considérée.
Nous ouvrons ainsi la porte à ce que j'ai qualifié tout à l'heure de « République en patchwork », c'est-à-dire à un dispositif selon lequel chaque collectivité, chaque catégorie de collectivité pourra peu à peu imaginer son règlement, voire ses « morceaux » de législation.
Nous ne voulons pas de cela. Nous sommes favorables à une expérimentation qui permette à la loi républicaine de produire son effet dans de bonnes conditions sur l'ensemble du territoire et non pas à une expérimentation qui aboutisse à démanteler le principe d'égalité et à faire que chaque collectivité soit en quelque sorte une principauté qui s'autogouverne avec des règles et des lambeaux de loi qu'elle choisit à sa guise.
Voila pourquoi nous proposons que la phrase : « Les expérimentations sont mises en oeuvre dans l'objectif de leur généralisation. » figure explicitement dans le projet de loi.
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Mauroy, Dauge, Lagauche, Frimat, Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans la première phrase du texte proposé par cet article pour l'article L.O. 1113-1 du code général des collectivités territoriales, après le mot : "objet", insérer les mots : "d'intérêt général". »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement est très facile à défendre puisqu'il vise à en revenir au texte originel du Gouvernement. Et, pour défendre notre point de vue, je m'appuierai sur quelques éléments du rapport de M. Longuet, que j'ai lu pendant la pause que vous nous avez accordée, monsieur le président.
A la page 30 de votre rapport, monsieur Longuet, vous soulignez que les expérimentations normatives traduisent la reconnaissance d'un droit à la spécificité et que ce droit « consacre au contraire la vocation des collectivités territoriales à incarner l'intérêt général et invite les autorités nationales, en particulier le législateur, à fixer les règles communes, déterminer les principes fondamentaux garantissant les mêmes droits aux citoyens, tout en laissant au pouvoir local le soin de les mettre en oeuvre ». D'où l'importance de la précision !
Monsieur le rapporteur, à la page 34 de votre rapport, vous indiquez également que l'objet de l'expérimentation devrait être « d'intérêt général ». Vous ajoutez - de manière redondante, mais pour la bonne cause : « Seul un motif d'intérêt général pourait en effet justifier une dérogation temporaire et expériementale au principe d'égalité. »
Puisque le groupe socialiste propose de reprendre la rédaction initiale du Gouvernement et que nous pouvons nous appuyer sur le rapport de M. Longuet pour soutenir cette position, je ne doute pas que le Gouvernement va émettre un avis favorable sur cet amendement qui pourra donc être adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Mauroy, Dauge, Lagauche, Frimat, Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans la première phrase du texte proposé par cet article pour l'article L.O. 1113-1 du code général des collectivités territoriales après les mots : "l'objet de l'expérimentation", insérer les mots : "qui ne peut être contraire aux prérogatives d'une autre collectivité territoriale". »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. L'amendement n° 4 vise à indiquer que l'objet de l'expérimentation ne peut être contraire aux prérogatives d'une autre collectivité territoriale.
C'est très important, car nous avons bien vu cet après-midi, lorsque nous avons parlé d'expérimentation sur les compétences d'une région pour les lycées ou d'un département pour les collèges, qu'il apparaissait très difficile de mettre en oeuvre un tel dispositif sans consulter et même sans obtenir l'accord de l'autre collectivité locale ou de l'autre catégorie de collectivités locales concernée.
A cet égard, j'ai été très intéressé, une fois encore, par le rapport de M. Longuet. Page 38, il fait allusion au rapport de M. Piron, rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale, qui estime qu'« il n'est pas envisageable de penser qu'une même expérimentation pourrait être conduite par exemple par un département et une commune, puisque l'expérimentation est une dérogation à la loi régissant une compétence donnée. Or il paraît exclu, compte tenu du principe de répartition par blocs de compétences entre collectivités, qu'une même compétence soit exercée à différents niveaux ».
Puis M. le rapporteur poursuivait : « Si cette préoccupation est tout à fait légitime, la rédaction retenue ne semble pas lui donner satisfaction. Elle n'interdit en effet nullement au législateur de permettre à la fois à un département et à une région de déroger à des dispositions législatives régissant une compétence partagée. Il est inutile de rappeler combien le principe fondateur des lois de décentralisation d'une répartition par blocs de compétences entre collectivités territoriales a été battu en brèche au fil des ans. »
Par conséquent, monsieur le rapporteur, dans le droit-fil de votre rapport, nous proposons d'indiquer que l'objet de l'expérimentation ne peut être contraire aux prérogatives d'une autre collectivité territoriale. Comme nous devons avoir le sens de l'intérêt général, il n'est pas possible d'envisager une expérimentation sans considérer les répercussions de toute nature, y compris financières, qu'elle pourra avoir pour les autres collectivités concernées, soit parce qu'elles vont récupérer une compétence ou une partie de compétence, soit parce qu'elles vont perdre une compétence ou une partie de compétence.
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Mauroy, Dauge, Lagauche, Frimat, Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans la première phrase du texte proposé par cet article pour l'article L.O. 1113-1 du code général des collectivités territoriales, après les mots : "cinq ans", insérer les mots : " non prorogeable". »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement est pour nous un amendement de fond. Nous l'avons déjà défendu, les uns et les autres, au cours de nos interventions cet après-midi.
Nous considérons que cinq ans est une durée suffisante pour une expérimentation. Sinon, de prorogation en prorogation, on ne sera plus dans une expérimentation. Finalement, la situation deviendra permanente, et l'on aura beaucoup de mal à revenir en arrière.
Il nous paraît donc sain de prévoir que l'expérimentation dure cinq ans et que cette durée ne peut pas être prorogée.
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Mauroy, Dauge, Lagauche, Frimat, Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Après la première phrase du texte proposé par cet article pour l'article L.O. 1113-1 du code général des collectivités territoriales, insérer une phrase ainsi rédigée : "L'expérimentation ne peut porter atteinte au service public de l'éducation nationale". »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. L'amendement n° 6 est très important, car il a pour objet d'inscrire noir sur blanc dans la loi : « L'expérimentation ne peut porter atteinte au service public de l'éducation nationale. »
Cela va de soi. Toutefois, au cours des derniers mois, nous avons vu qu'une grande partie du personnel de l'éducation nationale, dont nombre d'enseignants, mais aussi un grand nombre de parents d'élèves ont exprimé leurs craintes, à tort ou à raison, que la mise en oeuvre de la décentralisation « modèle Raffarin » ne porte atteinte au service public de l'éducation nationale et à l'égalité des citoyens devant lui.
M. Alain Fouché. Désinformation !
M. Jean-Pierre Sueur. Il nous paraît donc utile d'inscrire une telle phrase dans le texte de loi. Mes chers collègues, soyez-en sûrs, cette inscription ne sera pas inutile, car elle sera perçue comme un message très positif par tous ceux qui avaient fait part de leurs préoccupations et de leurs inquiétudes.
Un amendement similaire, rédigé pratiquement dans les même termes, a été déposé à l'Assemblée nationale par nos collègues du groupe des députés communistes et républicains. Lors de son examen, monsieur le ministre, vous avez déclaré que cet amendement était inconstitutionnel. Cela figure au Journal officiel, et je ne pense pas que les rédacteurs du Journal officiel se soient trompés. Je ne comprends absolument pas pourquoi vous avez dit cela. J'ai entendu tout à l'heure vos déclarations sur la Constitution et je ne comprends pas pourquoi le fait de porter une attention toute particulière au service public de l'éducation nationale serait inconstitutionnel. Vous nous l'expliquerez sans doute...
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Mauroy, Dauge, Lagauche, Frimat, Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans la deuxième phrase du texte proposé par cet article pour l'article L.O. 1113-1 du code général des collectivités territoriales, supprimer les mots : "le cas échéant". »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 7 est retiré.
L'amendement n° 8, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Mauroy, Dauge, Lagauche, Frimat, Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L.O. 1113-1 du code général des collectivités territoriales par un alinéa ainsi rédigé :
« Elle fixe les conditions des compensations financières versées à une collectivité territoriale lorsque la mise en oeuvre d'une expérimentation accroît ses charges. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. L'amendement n° 8 est très important.
M. le président. Lui aussi !
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, vous devez y être sensible, vous qui êtes très attaché aux maires de notre pays, à leurs charges, à leurs ressources financières ! Je vous ai entendu souvent parler de ces sujets avec beaucoup de pertinence.
En l'occurrence, nous proposons l'insertion d'un nouvel alinéa ainsi rédigé : « Elle fixe les conditions des compensations financières versées à une collectivité territoriale lorsque la mise en oeuvre d'une expérimentation accroît ses charges. »
Ce qui préoccupe bien des élus locaux, maires, présidents de conseils généraux et de conseils régionaux - nous en avons d'innombrables témoignages - c'est la question financière.
Si la nouvelle étape de la décentralisation se traduisait essentiellement par des transferts de charges, elle susciterait le mécontentement de très nombreux élus qui sont aujourd'hui inquiets, à juste titre, de cet aspect des choses.
Monsieur le ministre, dans votre esprit, les collectivités devront-elles financer elles-mêmes le coût de l'expérimentation sur leur budget propre ?
Si la réponse est oui, dans ce cas, il serait logique que vous repoussiez notre amendement.
Mais si la réponse est non, ce que nous espérons, dites-nous alors quel dispositif permettra ce financement.
L'Etat compensera-t-il les expérimentations ? Pouvez-vous vous engager à ce sujet ? Si oui, autant que vous ayez le bénéfice politique de cette affirmation : soutenez donc avec beaucoup de chaleur l'amendement que nous avons déposé.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Timeo Danaos... (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Mauroy, Dauge, Lagauche, Frimat, Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L.O. 1113-1 du code général des collectivités territoriales par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces dérogations ne peuvent porter atteinte au principe d'égalité devant le service public. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. L'amendement n° 9 s'inspire du même esprit que l'amendement précédent, mais il porte sur un domaine plus large.
Il ne vous aura pas échappé, mes chers collègues, que si des craintes se manifestaient dans le secteur de l'éducation nationale, il y en avait aussi dans d'autres secteurs ; je pense à la santé tout particulièrement.
Nous considérons que l'expérimentation peut être bénéfique à condition de ne pas être en contradiction avec le principe d'égalité des citoyens devant le service public.
Tous nos concitoyens doivent disposer d'un service public de qualité, qu'ils vivent ou non dans une collectivité territoriale où se déroule une expérimentation.
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Mauroy, Dauge, Lagauche, Frimat, Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Après le texte proposé par cet article pour l'article L.O. 1113-1 du code général des collectivités territoriales, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L.O.... - Sans préjudice des dispositions de l'article 39 de la Constitution, les assemblées délibérantes des collectivités territoriales peuvent être à l'initiative de propositions tendant à modifier ou à adapter les dispositions législatives qui régissent les compétences qu'elles exercent. Ces propositions sont adressées au représentant de l'Etat aux fins de transmission au Premier ministre. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement vise à compléter le projet de loi qui nous est apparu assez centraliseur.
En effet, l'expérimentation ne peut pas être décidée uniquement par la loi.
Si nous sommes d'accord pour dire que l'expérimentation doit être décidée par la loi et mise en oeuvre dans le cadre de mesures à caractère législatif, il nous paraît malgré tout singulier que vous n'ayez pas prévu que les collectivités territoriales puissent avoir l'initiative de l'expérimentation.
Cela figure dans le projet de loi, certes, mais seulement lorsqu'il est question d'un rapport ; c'est un peu restrictif.
Si notre amendement n° 10 était adopté, cela conférerait une dignité et une force toute particulière à l'initiative des collectivités territoriales en termes d'expérimentation.
Il ne s'agit pas pour nous de revenir sur le caractère législatif des décisions de l'expérimentation, nous souhaitons simplement que l'initiative des collectivités soit reconnue comme importante et qu'à ce titre elle soit prévue dans le projet de loi.
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Mauroy, Dauge, Lagauche, Frimat, Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Après le texte proposé par cet article pour l'article L.O. 1113-1 du code général des collectivités territoriales, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L.O... - Dans le cas où le législateur est amené à modifier les dispositions législatives faisant l'objet de dérogations, il précise les conséquences de ces modifications sur les expérimentations.
« La suppression de dispositions législatives faisant l'objet de dérogations entraîne de fait la fin de l'expérimentation. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. L'amendement n° 11 consiste à prévoir que la suppression de dispositions législatives faisant l'objet de dérogations entraîne de fait la fin de l'expérimentation. Cette disposition est d'une grande clarté et je ne vois pas comment elle pourrait susciter des objections majeures.
M. le président. L'amendement n° 12, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Mauroy, Dauge, Lagauche, Frimat, Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Après le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L.O. 1113-5 du code général des collectivités territoriales, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de non-transmission de ce rapport d'évaluation au Parlement, la loi ne peut prolonger, modifier ou généraliser les mesures prises à titre expérimental. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous avons l'habitude de prévoir à la fin des projets et propositions de loi qu'un rapport sera présenté par le Gouvernement. Des centaines, peut-être des milliers d'articles prévoient de tels rapports. Or, lorsque le rapport ne paraît pas, rien ne se passe, il n'y a aucune sanction.
Dès lors, nous souhaitons inscrire dans la loi qu'en cas de non-transmission du rapport d'évaluation la loi ne peut prolonger, modifier ou généraliser les mesures prises à titre expérimental.
M. le président. L'amendement n° 13, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Mauroy, Dauge, Lagauche, Frimat, Marc et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L.O. 1113-5 du code général des collectivités territoriales par un alinéa ainsi rédigé :
« L'évaluation continue de cette expérimentation est confiée, dans chaque assemblée parlementaire, à une commission composée à la représentation proportionnelle des groupes. Cette commission présente des rapports d'évaluation qui peuvent conduire le législateur à mettre fin à l'expérimentation avant le terme prévu. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. L'amendement n° 13 prévoit de confier l'évaluation continue de l'expérimentation dans chaque assemblée parlementaire à une commission composée à la représentation proportionnelle des différents groupes.
Il convient d'attacher une grande importance à l'évaluation de l'expérimentation, mes chers collègues, parce qu'il ne s'agit pas d'engager n'importe quel processus dans un grand nombre de collectivités. Il faudra déterminer les résultats de l'expérimentation quant au bien-être ou à l'intérêt de nos concitoyens.
M. le président. L'amendement n° 14, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Mauroy, Dauge, Lagauche, Frimat, Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L.O. 1113-6 du code général des collectivités territoriales. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement est un amendement de coordination.
Nous avons dit tout à l'heure que nous souhaitions que l'expérimentation soit limitée à cinq années. Nous proposons, en conséquence, de supprimer le deuxième alinéa du texte présenté pour l'article L.O. 1113-6 du code général des collectivités territoriales.
M. le président. L'amendement n° 15, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Mauroy, Dauge, Lagauche, Frimat, Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L.O. 1113-6 du code général des collectivités territoriales :
« - les conditions de la modification de l'expérimentation pour une durée qui ne peut excéder deux ans ; ».
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. L'amendement n° 15 est un amendement de repli au cas où l'amendement précédent ne serait pas adopté. Il limite la possibilité de prolonger l'expérimentation à une durée qui ne peut excéder deux ans.
M. le président. L'amendement n° 16, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Mauroy, Dauge, Lagauche, Frimat, Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L.O. 1113-6 du code général des collectivités territoriales :
« - les conditions de la modification de l'expérimentation pour une durée qui ne peut excéder un an ; ».
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. L'amendement n° 16 est également un amendement de repli limitant la possibilité de prolonger l'expérimentation à un an.
M. le président. L'amendement n° 17, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Mauroy, Dauge, Lagauche, Frimat, Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Supprimer l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L.O. 1113-6 du code général des collectivités territoriales. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement a pour objet, dans la même logique, de supprimer la possibilité de proroger l'expérimentation d'un an par le simple dépôt d'un projet de loi.
M. le président. L'amendement n° 18, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Mauroy, Dauge, Lagauche, Frimat, Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Au début de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L.O. 1113-6 du code général des collectivités territoriales remplacer les mots : "Le dépôt" par les mots : "L'adoption". »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. J'ai longuement défendu cet amendement lors de la présentation de la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Nous considérons qu'il est complètement absurde de prévoir que le dépôt d'un projet ou d'une proposition de loi puisse permettre la prolongation de l'expérimentation. Toutefois, si l'on se place dans votre logique - qui est différente de la nôtre, puisque nous estimons qu'il faut en rester à une expérimentation de cinq ans -, il nous semble impossible que le dépôt d'un projet ou d'une proposition de loi suffise à permettre la prorogation de l'expérimentation une seconde fois. Pour cela, ce projet ou cette proposition de loi doivent être adoptés.
M. le président. L'amendement n° 19, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Mauroy, Dauge, Lagauche, Frimat, Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L.O. 1113-6 du code général des collectivités territoriales par un alinéa ainsi rédigé :
« L'expérimentation ne peut être prolongée ou modifiée qu'une seule fois. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. L'amendement n° 19 est un amendement de conséquence, puisque nous prévoyons que l'expérimentation ne peut être prolongée ou modifiée qu'une seule fois. C'est également un amendement de repli au cas où les amendements précédents n'auraient pas été retenus.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Longuet, rapporteur. La commission a examiné ces amendements avec intérêt, mais, dans l'ensemble, elle n'y est pas favorable, pour diverses raisons que je vais évoquer successivement.
L'amendement n° 20, présenté par Mme Mathon, vise à supprimer l'article 1er du projet de loi organique. Il est dans la logique de la motion tendant à opposer la question préalable. Comme nous avons envie de débattre de ce texte, nous proposons au Sénat de repousser cet amendement.
L'amendement n° 2 est intéressant. Mais, chers collègues, votre souci est pris en compte dans le dispositif prévu à l'article L.O. 1113-6 du code général des collectivités territoriales, qui édicte très clairement que la vocation de l'expérimentation, c'est la généralisation. Deux autres cas sont prévus : soit la prolongation, que vous récusez, mais qui permet une modification et une expérience complémentaire de trois ans, soit l'abandon pur et simple.
J'ai écouté votre argumentation avec intérêt. En effet, Michel Piron, rapporteur de ce projet de loi à l'Assemblée nationale, avait envisagé une solution qui, pour un Alsacien-Lorrain, présentait un intérêt par la référence au droit local.
Or c'est précisément ce que le projet gouvernemental écarte : il ne s'agit pas de créer des droits locaux, il s'agit d'expérimenter localement des textes qui ont vocation à être généralisés, ainsi que la rédaction de l'article L.O. 1113-6 l'exprime avec force sans aucune ambiguïté.
Ne craignez pas le patchwork, chers collègues ; il n'est pas possible avec le dispositif prévu dans ce texte !
L'amendement n° 3 a pour objet de préciser que l'objet de l'expérimentation est d'intérêt général. Certes, c'est proposer le retour au texte du Gouvernement. Mais, monsieur le ministre, ne vous formalisez pas si je vous dis que cela va de soi et que, s'il y a des choses qui, paraît-il, vont mieux en les disant, en l'occurrence, cela alourdit le texte inutilement. La loi est d'intérêt général, et c'est notre travail collectif que de dégager cet intérêt général sans qu'il soit besoin en permanence de nous le rappeler.
L'amendement n° 4 est important, mes chers collègues : il évoque un sujet qui va revenir d'une façon récurrente dans toutes les lois de décentralisation. Il s'agit de rappeler qu'aucune collectivité ne peut exercer de tutelle sur une autre.
La Constitution mentionne ce principe. C'est la raison pour laquelle la commission n'a pas retenu cet amendement, non pas qu'elle en combatte l'esprit, bien au contraire, mais parce qu'elle considère que l'article 72-2 de la Constitution a plus de force qu'un amendement.
Nous aurons à expliciter, à travers une jurisprudence constitutionnelle, le sens même de cette absence d'autorité hiérarchique d'une collectivité sur une autre, tout en définissant - et ce sera sans doute plus difficile - la notion de chef de file. Au demeurant, nous aurons l'occasion, grâce aux lois en préparation sur la décentralisation, d'approfondir cette innovation juridique.
Sur l'amendement n° 5, la commission n'est pas favorable à l'abandon de la prorogation de trois ans, pour des raisons qui sont liées à l'expérimentation la plus connue,...
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. La plus emblématique !
M. Gérard Longuet, rapporteur. ... celle des transports express régionaux. Elle était prévue pour cinq ans et a finalement été prolongée de deux ans. L'expérimentation la plus convaincante a donc duré sept ans.
Vous voulez limiter la durée des expérimentations à cinq ans. Or, compte tenu du temps nécessaire pour la mise en oeuvre des dispositifs - et nous sommes, nous, élus locaux, bien placés pour en parler -, la commission a estimé que cinq ans, c'était un peu court. Une durée maximale de huit ans lui a paru plus pertinente.
L'amendement n° 6 vise à préciser que « l'expérimentation ne peut porter atteinte au service public de l'éducation nationale ». Cher collègue, l'expérimentation ne peut s'opérer sur l'initiative d'une collectivité locale que dans son domaine de compétence lié !
Deux cas de figure sont alors possibles.
Premier cas de figure : la loi autorise - et c'est une volonté du Parlement - les collectivités locales à s'impliquer dans l'organisation du service public de l'éducation nationale. Or, à ma connaissance, ce n'est pas le cas, à l'exception des problèmes logistiques qui, depuis Jules Ferry, sont gérés par les communes pour l'enseignement primaire et, depuis les lois de décentralisation, par les départements ou par les régions pour les collèges et les lycées. Dès lors que nous sommes ainsi liés, n'ayez pas d'inquiétude, nous ne nous saisirons pas de domaines dans lesquels nous n'avons pas compétence.
Second cas de figure : dans sa sagesse, le législateur décide de confier des compétences nouvelles aux collectivités locales, auquel cas cet amendement n'aurait pas beaucoup de sens. Nous sommes donc là dans le domaine de la compétence liée.
Je vous remercie d'avoir retiré l'amendement n° 7, car j'aurais été incapable de l'expliquer et de le commenter ! (Rires.)
L'amendement n° 8 est satisfait dans la mesure où l'article 72-2 de la Constitution apporte justement la sécurité financière, avec une autorité et une force auxquelles un amendement ne peut prétendre.
L'amendement n° 9 vise à préciser que les dérogations ne peuvent porter atteinte au principe d'égalité devant le service public. Vous avez tout à fait raison monsieur le sénateur. Mais tel est le sens même de tout le travail du législateur - et celui de la jurisprudence - qui considère qu'à situation identique, les traitements doivent être égaux. Mais si les situations ne sont pas égales - et c'est justement l'objet de l'expérimentation -, les solutions doivent être différentes. La commission n'a pas retenu votre amendement, parce que l'égalité devant le service public est une construction extrêmement solide de la jurisprudence, à laquelle, naturellement, le législateur doit se soumettre.
L'amendement n° 10 me paraît satisfait par la rédaction d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale et visant à rappeler que le Gouvernement doit présenter annuellement un rapport sur l'ensemble des demandes d'habilitation formulées par les collectivités locales dans les domaines ouverts à l'expérimentation, mais également sur l'ensemble des propositions d'expérimentations nouvelles présentées par les collectivités locales dans des domaines où les lois d'habilitation n'existent pas encore - et, par conséquent, sur les demande de lois d'habilitation à venir. Le débat est donc organisé très formellement par la nouvelle rédaction de l'article L.O. 1113-1 du code général des collectivités territoriales. C'est la raison pour laquelle nous avons rejeté cet amendement.
L'amendement n° 11 dispose notamment que « la suppression de dispositions législatives faisant l'objet de dérogations entraîne de fait la fin de l'expérimentation ». Le législateur n'est pas dessaisi par l'expérimentation de son droit de légiférer en toutes circonstances. Toutefois, s'il décide de légiférer alors qu'une expérimentation est engagée, il faut qu'il en tire les conséquences, c'est-à-dire que l'expérimentation doit s'arrêter. Votre amendement n'est pas choquant, mais il est inutile de rappeler au Parlement qu'il demeure libre puisqu'il a déjà le sentiment de l'être et a bien l'intention de le rester.
L'amendement n° 12 a pour objet d'insérer un alinéa ainsi rédigé : « En cas de non-transmission de ce rapport d'évaluation au Parlement, la loi ne peut prolonger, modifier ou généraliser les mesures prises à titre expérimental. »
Cet amendement est contraire à la Constitution en ce qu'il porte atteinte au droit d'initiative législative du Parlement.
En ce qui concerne l'amendement n° 13, je vous rappelle qu'il appartient aux assemblées parlementaires de s'organiser comme elles l'entendent, en particulier de créer des missions d'information. Cher collègue membre de la commission des lois, vous savez surtout qu'il existe un office parlementaire d'évaluation de la législation, d'ailleurs présidé par le président de la commission des lois du Sénat, et qu'il sera parfaitement dans son rôle en conduisant le travail d'évaluation que vous proposez dans l'amendement n° 13.
M. Jean-Pierre Sueur. Il se réunira ?
M. Gérard Longuet, rapporteur. Sans doute !
En ce qui concerne l'amendement n° 14, je suis, contrairement à vous, convaincu qu'il faut pouvoir prolonger ou modifier l'expérimentation. Très honnêtement, si l'on veut que l'expérimentation porte sur des sujets majeurs, il faut se donner la possibilité de dépasser le cadre de cinq ans, car cinq années sont vite passées.
Les amendements n°s 15 et 16, qui visent à maintenir la possibilité de modifier l'expérimentation pour deux ans et un an, sont des amendements de repli. Nous avons échappé à un amendement tendant à proposer dix-huit mois, ce dont je vous suis très reconnaissant, mon cher collègue. (Sourires.)
L'amendement n° 17, je dois le dire, est un bon amendement de fond. Je pense en effet, monsieur Sueur, que vous avez soulevé un problème important sur lequel le Gouvernement s'était d'ailleurs exprimé à la fin de la discussion générale. Je reste convaincu - et la commission des lois a bien voulu suivre mon avis - que nous devons, dans ces expérimentations de courte durée - cinq ans, avec une prolongation de trois ans -, éviter une caducité automatique que personne n'aurait souhaité et qui s'imposerait à tous au motif que l'encombrement parlementaire n'aurait pas permis l'examen d'un texte.
J'ajoute que les alternances politiques jouent, ce qui est une bonne chose. C'est ainsi que, si une majorité avait la tentation d'étouffer une expérimentation précédemment décidée, l'opposition aurait toujours la faculté, par le dépôt d'une proposition de loi, d'obtenir un délai supplémentaire et de suggérer que l'assemblée saisie, Sénat ou Assemblée nationale, puisse débattre publiquement de la poursuite de cette expérimentation.
M. Jean-Pierre Sueur. Il y a plusieurs manières d'expérimenter !
M. Gérard Longuet, rapporteur. La commission n'a pas adopté non plus l'amendement n° 18, qui est également un amendement de repli. En effet, à partir du moment où l'on adopte une loi, cela veut bien dire que l'expérimentation est conclue. Le dépôt, c'est une façon d'obtenir un sursis, et l'adoption, c'est la transformation d'une expérimentation, selon les principes définis aux trois derniers alinéas de l'article L.O. 1113-6 du code général des collectivités territoriales.
J'en viens enfin à l'amendement n° 19, qui prévoit que « l'expérimentation ne peut être prolongée ou modifiée qu'une seule fois ». Il me semble que tel est bien le sens du texte du Gouvernement, mais je me tourne vers ce dernier. Pour sa part, la commission a considéré que le texte gouvernemental prévoyait que seul comptait le délai maximal de trois ans et qu'à l'intérieur de ce délai maximal on n'imaginait pas de reconfiguration de l'expérimentation dans la seconde séquence.
Telles sont, mes chers collègues, les décisions de la commission des lois sur ces amendements qui, pour avoir contribué à enrichir le débat, ne l'ont pas pour autant modifié considérablement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. En ce qui concerne l'amendement n° 20, qui tend à la suppression de l'article 1er, vous ne serez pas étonnés, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement y soit défavorable.
L'amendement n° 2 prévoit que « les expérimentations sont en mises en oeuvre dans l'objectif de leur généralisation ». En fait, le véritable objectif est l'expérimentation. On espère la généraliser, mais, comme on a des doutes, on expérimente pour savoir. C'est une technique. Il n'est donc pas exact de dire que le but de l'expérimentation est la généralisation. Il se peut aussi qu'on y mette fin rapidement, parce que l'on s'est trompé, ou parce qu'elle est devenue caduque.
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas ce que j'ai dit !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Moi, c'est ce que je vous réponds.
L'amendement n° 3 porte sur le respect de l'intérêt général. Or le propre de la loi est de définir l'intérêt général. Cet amendement est donc redondant.
M. Jean-Pierre Sueur. Le Gouvernement n'écrit pas très bien !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement, en effet, ne rédige pas toujours très bien ses textes. C'est la raison pour laquelle il a intérêt au débat parlementaire. Figurez-vous que le Parlement sert à quelque chose !
Mme Françoise Henneron. Bravo !
M. Jean-Pierre Sueur. On le voit ce soir !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il sert à améliorer les textes. Le Gouvernement, qui en est bien conscient, l'écoute. D'ailleurs, quand il regarde vers Portalis (M. le ministre se tourne vers la statue de Portalis, qui domine l'hémicycle), l'inspiration lui vient et il sait quelle est la bonne rédaction. En l'occurrence, l'Assemblée nationale a été bien inspirée.
M. le président. Voilà une affirmation rassurante, monsieur le ministre !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Elle va presque de soi, monsieur le président, mais M. Sueur avait besoin de cette confirmation « redondante », pour employer son expression.
L'amendement n° 4 est satisfait par la Constitution, qui prévoit déjà qu'une collectivité ne peut exercer de tutelle sur une autre. C'est ce que vous demandiez, monsieur Sueur.
L'amendement n° 5 exprime votre refus, que l'on retrouvera à d'autres reprises, de prolonger l'expérimentation. Comme vous l'a montré M. Longuet, le délai de sept ans n'était pas inutile pour mettre en place les trains express régionaux. Lorsque les choses sont simples, il vaudrait mieux en effet prévoir moins de cinq ans. Malheureusement, elles peuvent parfois être complexes. Par conséquent, se priver de la possibilité de réorienter une expérimentation qui avait peut-être initialement été mal conçue me paraît une erreur. En tout cas, le législateur est souverain. Pourquoi voulez-vous le priver de cette possibilité de prolonger sa propre décision ?
M. Paul Blanc. Il faut laisser le temps au temps ! (Sourires.)
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Tout à fait !
J'en viens à l'amendement n° 6, selon lequel « l'expérimentation ne peut porter atteinte au service public de l'éducation nationale ». Je me demande d'ailleurs si votre intention est d'interdire l'expérimentation dans le domaine de l'éducation nationale, car on peut pratiquer l'expérimentation dans l'éducation nationale sans porter atteinte au service public. Si telle est bien votre intention, cette garantie, sachez-le, figure d'ores et déjà dans la Constitution. Donc, monsieur Sueur, l'amendement n° 6 est redondant par rapport à la Constitution.
L'amendement n° 8, qui tend à prévoir des compensations financières, est très clairement satisfait par l'article 72-2, alinéa 4, de la Constitution, auquel vous devriez vous reporter, mais que vous connaissez sûrement, monsieur Sueur, car je me suis aperçu que vous défendiez des positions sans même y croire. (Rires sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur. Vous ne pouvez dire cela ! Nous n'avons pas voté cette réforme constitutionnelle, mais c'est la Constitution et nous sommes parfaitement fondés à vouloir la modifier.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Tout à l'heure, monsieur Sueur, alors que je m'étais trompé en disant que la rédaction de l'article 39 avait été proposée par le Sénat, vous m'avez corrigé - à raison - en précisant qu'elle l'avait été par l'Assemblée nationale. C'est dire que vous connaissiez bien la modification constitutionnelle et toute la portée juridique qu'on peut en tirer. Par conséquent, cela signifie que votre argumentation elle-même est démentie par votre propre connaissance des faits.
Sur l'amendement n° 8, c'est un peu la même chose, me semble-t-il. Je suis sûr, en effet, que vous connaissez bien la Constitution, laquelle, à son article 72-2, prévoit que « tout transfert de compétence entre l'Etat et les collectivités locales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice ».
Donc, même en matière expérimentale, en matière de transfert provisoire de compétences, l'Etat doit donner les moyens financiers correspondants. Le texte stipulant « tout transfert », il n'y a pas d'exception à ce principe. Puisqu'il est posé par la Constitution elle-même, il n'est nul besoin que la loi organique intervienne sur ce sujet.
L'amendement n° 9 vise à éviter que les expérimentations ne portent atteinte au principe d'égalité devant le service public. La Constitution vous donne déjà satisfaction et votre amendement est donc redondant.
L'amendement n° 10 est également satisfait. Je ne crois pas que vous ayez envisagé de saisine directe, puisque c'est par l'intermédiaire du préfet que le Gouvernement peut être saisi. Par conséquent, l'amendement me paraît inutile.
L'amendement n° 11 prévoit que le législateur doit préciser les conséquences des modifications législatives sur les expérimentations. Bien qu'il appartienne au législateur de tirer les conséquences de ses actes, le Parlement reste souverain. Il est donc préférable, vous avez raison, que le législateur rédige des textes de bonne qualité, mais il ne sert à rien d'en poser le principe. On ne peut qu'y veiller. Mais je suis tranquille, monsieur Sueur : tant qu'il y aura des parlementaires de votre qualité, nous serons certains que les erreurs ne passerons pas inaperçues. (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Gérard Longuet, rapporteur. Ce n'est pas le seul !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Ce n'est naturellement pas le seul, monsieur Longuet, et nous avons un excellent rapporteur (Nouveaux sourires sur les mêmes travées.) qui a soigneusement déminé le terrain. Pardon, monsieur Longuet, de vous avoir oublié dans cette distribution de compliments, mais j'avais cru comprendre que vous étiez conscient de l'estime que le Gouvernement vous porte. Je m'adressais à M. Sueur parce qu'il est l'auteur des amendements, mais quand c'est vous, monsieur Longuet, qui êtes à l'origine des modifications, j'y suis sensible...
Mme Nicole Borvo. Oh ! M. le ministre a des choses à se faire pardonner !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. L'amendement n° 12 vise à empêcher le Parlement de statuer lorsqu'il y a défaut de transmission du rapport d'évaluation. Naturellement, ce serait un moyen trop facile de bloquer le Parlement ! On ne peut pas laisser un refus de transmission bloquer les travaux du Parlement.
L'amendement n° 13 me semble relever du fonctionnement interne des assemblées dans l'organisation de leur travail. Le Gouvernement n'entend pas se mêler de ce qui relève de leur champ de compétence.
L'amendement n° 14 traduit de nouveau le refus de la prolongation, je n'y reviens pas. Le Gouvernement est hostile à cet amendement, car il croit à la prolongation.
Les amendements n°s 15 et 16 sont des amendements de repli de l'amendement n° 14. Pour les raisons déjà énoncées, le Gouvernement y est défavorable.
J'ai eu l'occasion de donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 17 en soulignant le principe de la stabilité juridique et il me paraît nécessaire de nous y tenir.
L'amendement n° 18 étant un amendement de repli par rapport à l'amendement n° 17, les mêmes observations peuvent lui être appliquées. Il en est de même pour l'amendement n° 19.
M. Jean-Pierre Sueur. L'amendement n° 18 prévoit l'adoption d'une loi et non pas une prorogation de délai !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Monsieur Sueur, l'amendement n° 18 est un amendement de repli par rapport à l'amendement n° 17. Par l'amendement n° 17, vous refusez le délai qui résulte du dépôt d'un projet ou d'une proposition de loi. Je vous ai indiqué que le Gouvernement y tient, pour des raisons juridiques. En effet, comme l'a souligné M. Longuet, laisser un texte devenir caduc simplement par carence ou par encombrement parlementaire me paraît la pire manière de légiférer. Le Gouvernement veut éviter cet écueil. A cet égard, les amendements n°s 18 et 19 sont donc des amendements de repli par rapport à votre refus de délai formulé dans l'amendement n° 17.
Le Gouvernement est donc tout à fait défavorable à l'ensemble de ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20.
(L'amendement n'est pas adopté.)