Articles additionnels après l'article 18
M. le président. L'amendement n° 794 rectifié bis, présenté par Mme Desmarescaux, MM. Darniche, Seillier, Türk et Mme Létard, est ainsi libellé :
« Après l'article 18, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article L. 351-3 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 7° Les périodes pendant lesquelles l'assuré a exercé son activité de sapeur-pompier volontaire, en dehors de ses horaires professionnels rémunérés. »
« II. - Les charges et pertes de recettes éventuelles qui résulteraient de l'application de la présente loi sont compensées à due concurrence par une augmentation des tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à Mme Sylvie Desmarescaux.
Mme Sylvie Desmarescaux. Je vous remercie, monsieur le président, de donner la parole à un godillot de la majorité ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Monsieur Domeizel, en tant que femmes, mes collègues et moi-même avons été très choquées par vos propos. Je vous croyais un élu respectueux, je me trompais ! Ce n'est pas en nous affublant de ce titre que vous défendrez les femmes, comme vous prétendez le faire avec vos collègues depuis le début de l'examen de ce projet de loi. (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
J'en viens à l'amendement n° 794 rectifié bis, qui concerne les sapeurs-pompiers volontaires. Cet amendement vise à prendre en compte, pour le calcul du montant des années requises pour bénéficier de la retraite, les périodes consacrées volontairement et hors du temps de travail à l'organisation des services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS.
En effet, les sapeurs-pompiers volontaires apportent une contribution importante aux SDIS et diminuent, par là même, la charge des conseils généraux. Or, lorsque les sapeurs-pompiers partent en mission hors de leur lieu de travail mais pendant leur temps de travail pour participer aux missions à caractère opérationnel et aux activités de formation, les indemnités qu'ils perçoivent sont prises en compte pour le calcul de leurs droits en matière de prestations sociales. Au contraire, lorsqu'ils interviennent hors de leur temps de travail, les vacations horaires versées, qui ne sont assujetties à aucun impôt et qui ne sont pas soumises aux prélèvements sociaux, ne sont pas non plus prises en compte pour le calcul de leur retraite.
Il convient donc de remédier à cette situation, afin d'encourager les vocations. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. A chaque fois que l'on évoque les pompiers, particulièrement les pompiers volontaires, le sujet devient sensible.
Madame Desmarescaux, la possibilité que vous évoquez de prendre en compte des périodes supplémentaires de validation pour bénéficier de la retraite n'est pas, vous le comprendrez, sans conséquence.
Il s'agit, d'une part, d'une démarche très particulière, exceptionnelle, qui, si elle était retenue, aurait pour effet, à terme, d'« alourdir la barque », si je puis m'exprimer ainsi. Dans ces conditions, l'article 40 pourrait être à nouveau invoqué.
D'autre part, madame Demarescaux, vous nous dites qu'il s'agit d'encourager les vocations des jeunes pompiers volontaires. Or ce sont principalement des adolescents, et je ne suis pas certain qu'à cet âge l'argument selon lequel ils pourront valider ces périodes pour s'assurer une meilleure pension de retraite soit prépondérant. De surcroît, cela ne me semble pas aller dans le sens de la démarche que nous suivons avec ce projet de loi, à savoir redonner une certaine noblesse et une certaine valeur au travail.
La commission s'est montrée très réservée sur cet amendement. Je demande donc à Mme Desmarescaux de bien vouloir le retirer ; à défaut, je serais contraint d'invoquer l'article 40. (Murmures amusés et exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Odette Terrade. Les femmes de la majorité ne sont pas mieux traitées que celles de l'opposition !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cela étant, le Gouvernement a peut-être quelques précisions à nous donner. (Mme Danièle Pourtaud s'exclame.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. La force des principes s'impose à toute situation d'amitié et de sympathie. C'est justement ce qui honore le Parlement et le politique que de faire en sorte que les principes s'appliquent indépendamment des aspects purement catégoriels ou personnels. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. le rapporteur applaudit également.)
M. Jacques Valade. Très bien !
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Cela étant dit, madame Desmarescaux, je vous remercie d'avoir très clairement posé une question qui interpelle en réalité l'ensemble de la société, à savoir que les services de la sécurité civile, notamment, qui sont dans une situation difficile, s'appuient sur le bénévolat.
En effet, quelle que soit la qualité de l'encadrement professionnel - et Dieu sait si, depuis quelques années, les collectivités territoriales ont fourni un effort considérable -, les services d'incendie et de secours ne peuvent pas fonctionner sans les volontaires.
Aujourd'hui, nous avons à faire face à une crise de vocation qu'a d'ailleurs très clairement ciblée le ministre de l'intérieur, et à laquelle il est en train de réfléchir (Ah ! sur les travées du groupe CRC)...
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. ... en vue de faire des propositions précises sur l'amélioration de leur situation en matière d'assurance vieillesse. (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition, je ferai part à mon collègue ministre de l'intérieur de l'impatience que vous manifestez à vouloir l'écouter, ce que je peux comprendre (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC), notamment parce que vous êtes, vous aussi, compte tenu de votre implication en faveur de la culture, toujours respectueux du talent !
Madame Desmarescaux, si nous partageons sur le fond cette reconnaissance de fidélité, nous ne pouvons pas être favorables à la création d'une nouvelle période assimilée, et ce pour trois raisons.
Premièrement, la période assimilée permet la validation au titre de l'assurance vieillesse d'une période durant laquelle l'assuré n'est plus en activité, du fait d'aléas au cours de sa carrière ou d'événements dans sa vie professionnelle. Il ne s'agit donc pas de la solution la plus adéquate pour le volontariat.
Deuxièmement, ce mode de validation pourrait créer des incohérences au sein même de notre système en introduisant le risque de double validation. Cela soulèverait par ailleurs des difficultés financières auxquelles nous pourrions au moins réfléchir.
Troisièmement, cette solution ne serait pas opérationnelle compte tenu de la très grande diversité des situations professionnelles des volontaires, issus tant du secteur public que du secteur privé et relevant donc de régimes différents.
Pour toutes ces raisons, je souhaite le retrait de cet amendement, pour lequel l'article 40 de la Constitution pourrait être invoqué. Mais, je vous demande, madame le sénateur, de bien vouloir apporter votre contribution à M. le ministre de l'intérieur, qui cherche actuellement, avec les organisations professionnelles, les réponses qu'il conviendrait d'apporter pour maintenir les vocations et soutenir toutes celles et tous ceux qui, par leur volontariat, permettent à la vie associative et aux services de sécurité de fonctionner dans nos collectivités locales.
M. le président. L'amendement n° 794 rectifié bis est-il maintenu, madame Desmarescaux ?
Mme Sylvie Desmarescaux. Au regard des informations et des explications claires apportées par M. le ministre, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 794 rectifié bis est retiré.
M. Paul Loridant. Je le reprends, monsieur le président.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 794 rectifié ter.
M. Jean-Paul Delevoye, ministre J'invoque alors l'article 40 de la Constitution !
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l'article 40 est-il applicable ?
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Il l'est, monsieur le président.
M. le président. L'article 40 étant applicable, l'amendement n° 794 rectifié ter n'est pas recevable.
M. Paul Loridant et Mme Odette Terrade. Il est gagé !
M. le président. L'amendement n° 921, présenté par MM. Estier, Domeizel et Chabroux, Mme Printz, M. Krattinger, Mmes Campion et Blandin, M. Godefroy, Mmes San Vicente et Pourtaud, MM. Lagauche et Vantomme, Mme Herviaux, M. Frimat, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Mano et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Après l'article 18, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Tout salarié qui exerce un métier pénible voit cette pénibilité reconnue par une bonification de la durée des années d'assurance.
« La définition des métiers pénibles est renvoyée aux accords de branche pour le régime général. »
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Madame Desmarescaux, si je vous ai froissée tout à l'heure en employant le mot « godillot » - mot dont je ne connais d'ailleurs pas le féminin, serait-ce « godillotte » ? -, je vous prie de bien vouloir m'en excuser.
M. René Garrec. Il aggrave son cas !
M. Claude Domeizel. Je constate tout de même que 95 % des amendements adoptés par l'Assemblée nationale sont des amendements mineurs, qui visent soit à créer des comités, des enquêtes, soit à modifier une phrase sans en changer le sens, bref, des amendements dont nous pourrions nous passer. Je constate que l'Assemblée nationale a fait du « suivisme », pour employer un autre terme, et vous venez de démontrer que vous êtes « suiviste » également en retirant un amendement qui méritait selon moi d'être discuté...
Mme Odette Terrade. Absolument !
M. Claude Domeizel. ... concernant la retraite de ceux qui consacrent une part importante de leurs loisirs aux autres.
A ce propos, permettez-moi de saluer le travail accompli par les sapeurs-pompiers volontaires, en particulier dans la région que je représente, alors que nous sommes confrontés à une situation météorologique particulièrement difficile.
M. René Garrec. Démagogie !
M. Claude Domeizel. Dans ma commune, j'ai annulé le feu d'artificie du quatorze juillet, après que les pompiers, que j'ai rencontrés, m'ont dit très simplement qu'ils en avaient « par dessus la tête » et qu'ils ne tiendraient pas le coup.
J'aurais vraiment souhaité que cet amendement soit repris, à l'instar de notre collègue Paul Loridant.
J'en reviens à l'amendement n° 921, monsieur le président, et je serai bref. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)
De même que la loi affirme le choix de la répartition, nous considérons qu'elle doit reconnaître la notion de pénibilité. Certes, les sénateurs qui siègent à votre gauche, monsieur le président, en ont beaucoup parlé, alors que ceux qui siègent à votre droite sont restés plutôt silencieux, mais il est vrai qu'ils parlent très peu ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Nous avons déjà évoqué la pénibilité, mon cher collègue, lors de l'examen de l'article 16 ter, qui renvoie à des accords de branche. Ces accords permettent d'apprécier cette notion au plus près, dans les branches professionnelles. Cette position est parfaitement logique, la commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Personne ne peut se prévaloir, dans cet hémicycle, d'avoir le monopole du soutien des pompiers. Nous sommes au contraire extrêmement solidaires (Brouhaha sur les travées du groupe CRC) envers celles et ceux qui consacrent une partie de leur temps à l'intérêt général.
Par ailleurs, nous sommes bien conscients que l'essentiel est non pas de faire ou non du suivisme, mais bien de respecter les accords qui ont été signés avec les organisations syndicales, notamment concernant la pénibilité. Le ministre des affaires sociales s'est d'ailleurs exprimé sur ce sujet à maintes reprises. La France fait aujourd'hui figure d'exception en Europe en introduisant la notion de pénibilité en faisant confiance aux partenaires sociaux, puisque la négociation aura lieu branche par branche. Il revient donc aux partenaires sociaux de définir la notion de pénibilité.
C'est la raison pour laquelle nous émettons un avis défavorable sur cet amendement. Nous aurions pu invoquer l'article 40 de la Constitution (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC), mais nous ne l'avons pas fait, de façon à laisser toute liberté au débat. Je vous demande à présent de bien vouloir retirer cet amendement. A défaut, je me verrais dans l'obligation de demander l'application de l'article 40 de la Constitution.
M. le président. Monsieur Domeizel, l'amendement n° 921 est-il maintenu ?
M. Claude Domeizel. Oui, monsieur le président.
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. J'invoque donc l'article 40 de la Constitution.
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l'article 40 est-il applicable ?
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Il l'est, monsieur le président.
M. le président. L'article 40 étant applicable, l'amendement n° 921 n'est pas recevable.
L'amendement n° 1091, présenté par M. Chérioux, est ainsi libellé :
« Après l'article 18, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Les assurés des régimes financièrement intégrés au régime général bénéficient du montant minimum prévu au premier alinéa de l'article L. 351-10 du code de la sécurité sociale à compter du 1er janvier 2008. »
La parole est à M. Jean Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je souhaite que nos collègues de l'opposition nous respectent (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC) et qu'ils respectent notre conception du débat. C'est notre affaire, ce n'est pas la leur !
M. Robert Bret. C'est un monologue !
M. Jean Chérioux. Ils se répètent, nous le constatons et nous le déplorons, mais nous ne leur en faisons pas grief.
S'agissant du règlement, ils prétendent être les seuls à avoir le droit de l'interpréter. Mais, pour qu'une assemblée délibère normalement, le seul moyen est qu'elle s'en remette aux autorités, c'est-à-dire à celui qui préside les débats. Pour notre part, nous ne remettons pas en cause le fait que vous fassiez du filibustering. Alors, laissez-nous agir comme nous l'entendons ! Si nous le faisons, c'est que nous en avons le droit, et nous n'avons jamais outrepassé nos droits. Ayez un peu de respect ; c'est cela, la démocratie ! Je crains que vous ne soyez à la limite...
M. Claude Domeizel. Monsieur Chérioux !
M. Jean Chérioux. ... et que, dans certains cas, vous ne la dépassiez même ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
J'en viens maintenant à l'amendement n° 1091.
Certains régimes financièrement intégrés au régime de sécurité sociale général n'octroient que de très faibles ressources à leurs assurés. Ainsi, les ministres du culte ne perçoivent que 350 ou 360 euros de retraite mensuelle, ce qui est vraiment très peu, voire misérable. C'est la raison pour laquelle je souhaite que les assurés de ces régimes financièrement intégrés bénéficient du montant contributif minimum tel qu'il est prévu dans votre texte, monsieur le ministre, afin qu'il y ait, à compter du 1er janvier 2008, égalité de traitement à l'intérieur du régime général.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Le problème posé par notre collègue M. Jean Chérioux concerne des personnes qui n'ont actuellement pas une carrière complète. L'article 17, que nous venons de voter, règlerait, il est vrai, cette situation, mais uniquement pour ceux qui, à l'heure actuelle, bénéficient bien de 160 trimestres de cotisation. Pour ces régimes intégrés, comment prendre en compte les périodes où il n'existait pas encore de caisse de retraite ou les périodes de cotisation incomplètes ?
Sur cette question soulevée par l'amendement de M. Jean Chérioux, la commission des affaires sociales sollicite l'avis de M. le ministre.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Monsieur Chérioux, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, car je suis convaincu qu'il est d'ores et déjà satisfait.
En effet, qu'il s'agisse des assurances sociales agricoles ou de l'assurance vieillesse des ministres du culte, les régimes financièrement intégrés à la branche vieillesse du régime général bénéficient du minimum contributif dans les conditions du droit commun, respectivement au terme de l'article L. 742-3 du code rural et L. 721.6 du code de la sécurité sociale. Cela découle d'ailleurs de la nature même de l'intégration financière, qui n'est envisageable qu'entre des régimes servant des prestations comparables, ou du moins pour autant que les prestations faisant l'objet de cette intégration le soient.
Il ne serait d'ailleurs pas souhaitable que ce principe dût être affirmé prestation par prestation. Ainsi, pour une même durée de cotisation, un ministre du culte percevra exactement le même montant du minimum contributif qu'un salarié du régime général, c'est-à-dire 577 euros en 2008, en euros constants, proratisé, si le nombre d'années cotisées est inférieur à 40 années.
Mais le Gouvernement a déposé un amendement à l'article 20 visant à permettre le rachat d'années d'assurance, comme vous en avez émis le souhait. C'est la raison pour laquelle, monsieur le sénateur, je sollicite le retrait de votre amendement, qui est satisfait dans le texte que nous vous proposons.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'article 40 s'applique !
M. le président. Monsieur Chérioux, l'amendement n° 1091 est-il maintenu ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'article 40 s'applique !
M. Jean Chérioux. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Vous êtes allé au-devant de mes préoccupations en termes de rachat et de proratisation. Puisque le Gouvernement déposera un amendement en ce sens sur l'article 20, et que ma demande sera donc satisfaite, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 1091 est retiré.
M. le président. « Art. 19. - I. - La sous-section 4 de la section 1 du chapitre Ier du titre VI du livre Ier du code de la sécurité sociale est complétée par un paragraphe 5 ainsi rédigé :
« Paragraphe 5. - Revalorisation des pensions de vieillesse.
« Art. L. 161-23-1. - Le coefficient annuel de revalorisation des pensions de vieillesse servies par le régime général et les régimes alignés sur lui est fixé par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, conformément à l'évolution prévisionnelle des prix à la consommation hors tabac prévue dans le rapport économique, social et financier annexé à la loi de finances pour l'année considérée.
« Si l'évolution constatée des prix à la consommation hors tabac, mentionnée dans le rapport économique, social et financier annexé à la loi de finances pour l'année suivante, est différente de celle qui avait été initialement prévue, il est procédé, dans des conditions fixées par voie réglementaire, à un ajustement destiné à assurer, pour ladite année suivante, une revalorisation conforme à ce constat.
« Par dérogation aux dispositions du premier alinéa et sur proposition d'une conférence présidée par le ministre chargé de la sécurité sociale et réunissant les organisations syndicales et professionnelles représentatives au plan national, dont les modalités d'organisation sont fixées par décret, une correction au taux de revalorisation de l'année suivante peut être apportée, en fonction de la situation financière des régimes d'assurance vieillesse et de l'évolution de la croissance économique, par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale. »
« II. - L'article L. 351-11 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 351-11. - Les cotisations et salaires servant de base au calcul des pensions sont revalorisés chaque année par application du coefficient annuel de revalorisation mentionné à l'article L. 161-23-1. »
« III. - Le chapitre VI du titre Ier du livre VIII du même code est complété par un article L. 816-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 816-2. - Les montants des allocations définies au présent titre et des plafonds de ressources prévus pour leur attribution sont revalorisés aux mêmes dates et selon les mêmes conditions que celles prévues pour les pensions de vieillesse de base par l'article L. 161-23-1. »
« IV. - Les dispositions du présent article sont applicables à compter du 1er janvier 2004. »
La parole est à M. Claude Domeizel, sur l'article.
M. Claude Domeizel. L'article 19 porte sur l'indexation des pensions sur les prix et renvoie à une éventuelle revalorisation et à une révision tous les trois ans.
Cette disposition maintient le système adopté par la réforme Balladur en 1993 pour le régime général et les régimes alignés.
Elle s'appliquera désormais aux allocations supplémentaires de vieillesse et d'invalidité, ainsi qu'aux plafonds de ressources prévus pour leur attribution. Je ne manquerai pas l'occasion de dire que cet article est, une fois encore, la démonstration que votre réforme n'est ni équitable ni juste.
Par la baisse des pensions et l'allongement de la durée de cotisation, c'est encore une fois les salariés qui vont devoir payer l'addition ! Pourquoi oubliez-vous de parler des entreprises ? Ne savez-vous pas qu'elles sont parties intégrantes de la vie économique et qu'elles peuvent, elles aussi, contribuer à l'effort national en faveur des retraités ? Après cela, vous oserez encore nous dire que le Gouvernement et le MEDEF ce n'est pas la même chose ! Et ne me répondez pas que j'exagère, car nous n'exagérons jamais : n'avez-vous pas relevé que ce sont les salariés qui devront supporter 91 % de l'effort financier ?
Il aurait semblé plus opportun d'organiser une conférence annuelle des retraites, composée de partenaires sociaux, des représentants des régimes de vieillesse et des associations de retraités, qui aurait la charge d'analyser l'évolution des pensions.
Malgré votre article 1er, uniquement ambitieux - mais j'oubliais que vous êtes les spécialistes des grands principes - , la retraite par répartition n'est nullement sauvegardée. Pis : avec cette mesure de l'article 19, vous mettez fin à la traditionnelle revalorisation du minimum vieillesse et vous êtes sur le chemin qui mène à la création d'une nouvelle catégorie de pauvres, ... les retraités.
Cette indexation ne garantira en rien le pouvoir d'achat des retraites. Les retraités, qu'il faudra s'habituer à classer dans la catégorie « nouveaux pauvres », verront leur pension baisser de 35 % par rapport au salaire moyen pour un homme à la fin de sa vie, si l'augmentation annuelle moyenne de 1,6 % du salaire réel, hypothèse avancée par le COR, est avérée, les femmes étant, quant à elles, plus lourdement pénalisées encore !
Désormais, les seuls moyens de compenser peu ou prou cette baisse des pensions seront la solidarité familiale, la capitalisation - mais vous oubliez que ceux qui bénéficient du minimum vieillesse n'auront pas les moyens d'épargner - et, enfin, l'accession aux « emplois-vieux », facilitée par votre système de cumul emploi-retraite.
Tout cela pour dire que la retraite par répartition à 60 ans n'est plus qu'un leurre !
Contrairement à d'autres, je ne crois pas que les Français soient des veaux. Cette réforme, vous pouvez en être sûr, ils ne l'oublieront pas, car ils la subiront... Les Français mesurent bien qu'avec les 42 annuités et le système pernicieux du bonus malus ils n'auront plus d'autre choix que de travailler plus s'ils aspirent à une retraite honorable, surtout que, depuis 1993, le calcul des retraites se fait sur les 25 dernières années !
Pour éviter la paupérisation des retraités, ne pourriez-vous pas introduire dans la loi, monsieur le ministre, le principe de garantie du pouvoir d'achat des pensions ?
Cette réforme est, somme toute, une véritable régression sociale. Trop peu de nos concitoyens, il faut le répéter, pourront totaliser les annuités de cotisations exigées. C'est une baisse programmée des pensions et donc, à terme, une véritable paupérisation des retraités.
C'est un projet de loi dans lequel les références à l'aspect humain et au progrès social sont inexistantes. La retraite des gens et leur bien-vivre dans la vieillesse ne doivent pas être réduits à des économies d'épicier, à des formules mathématiques. Je m'étonne toujours - mais il est vrai qu'après trois ou quatre jours de débat je ne devrais plus être étonné - parce que votre politique, depuis un an, ne repose exclusivement que sur des économies et des réductions. Je ne vous rappellerai que la réforme de l'APA, celles de la CMU et de l'AME, les déremboursements des médicaments, le RMA, la suppression de la loi de modernisation sociale et la limitation des 35 heures.
Oui, lorsque vous réformez, ce n'est jamais en faveur des plus modestes, alors que la solidarité et l'effort de la nation doivent leur être destinés et non servir à favoriser ceux qui n'en avaient pas besoin, j'entends par là ceux qui profitent et qui profiteront encore de la baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu et les assujettis à l'ISF.
N'en déplaise à ceux qui en doutent encore, il y aura toujours une différence entre la gauche et la droite, car nous ne traiterons décidément jamais de la même façon les grands sujets sociaux. Sachez aussi, je vous le dis, que je me réjouis non pas de votre attitude, mais du fait que nous traitions ces problèmes d'une manière différente ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Finalement, je ne regrette pas d'avoir entendu notre collègue Claude Domeizel avant d'avoir pu m'exprimer.
Je voudrais lui rappeler que, ces trois dernières années, en commission des affaires sociales, à l'occasion du vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous éprouvions toujours un sentiment de malaise au moment de donner notre avis sur la revalorisation qui nous est proposée au titre des pensions. En effet, loin de résulter d'une règle préétablie et stable, comme celle que nous vous proposons aujourd'hui, cette revalorisation résultait jusqu'à maintenant du fameux mécanisme du « coup de pouce » laissé à la discrétion du Gouvernement.
Aujourd'hui, il nous faut, à l'égard tant des pensionnés que des gestionnaires des caisses, des règles connues de tous, afin d'établir cette fameuse transparence et cette projection dans l'avenir. A cet égard, je regrette l'absence en séance de notre collègue M. Chabroux,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il ne manque pas souvent ! Il vient de sortir, d'ailleurs.
M. Claude Domeizel. Il est interrogé par la chaîne Public Sénat !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. ... qui, tout à l'heure, vous l'avez entendu comme moi, nous a lancé un cri tellement pathétique que j'en ai été ému et que je l'ai noté. Il nous disait : « Chers collèges de la majorité, tout reste à faire ! »
Il ne s'agirait pas d'un sujet comme les pensions, on pourrait ironiser ! Mais lisez bien le rapport. Aujourd'hui, nous sommes sans règle depuis 1998, puisque la règle de 1993 était valable pour cinq ans.
Tout reste à faire ? Mais qui était en charge du gouvernement ces dernières années pour proposer la règle que vous vouliez ?
Vous avez terminé votre propos, cher collègue Domeizel, en disant que la différence entre la droite et la gauche réapparaissait à chaque instant du débat. Vous l'avez vu, quand on discute des articles, un véritable débat s'instaure. Comme le disait tout à l'heure notre colllègue Yann Gaillard, il existe aujourd'hui un projet de loi. Personne n'a dit qu'il réglait la totalité des problèmes, car là encore, comme pour la revalorisation des retraites, il y aura non pas une conférence annuelle, mais des rendez-vous tous les trois ans, ce qui est nouveau.
Par ailleurs - et cela est plus que nouveau - le dialogue social sera restauré entre l'Etat et les partenaires sociaux, et, enfin - même si cela ne vous fait pas plaisir -, quelqu'un « tient le manche », c'est-à-dire un gouvernement courageux et responsable. C'est la raison pour laquelle la majorité du Sénat appuie cette réforme et votera bien entendu cet article 19. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. L'article 19 du présent projet de loi est l'un des articles pivots du texte. Il porte, en effet, sur la question essentielle du financement de la réforme, qu'il assure pour partie en « corsetant » le niveau de revalorisation des pensions et retraites dans un cadre pour le moins étroit, celui qui est défini par la seule évolution des prix.
En effet, les différents paragraphes de l'article 19 déclinent les conditions de l'indexation des pensions et retraites sur les prix.
On sait ce que ce processus, entamé dès 1987 pour le minimum contributif et prolongé en 1993 par la réforme Balladur, a occasionné en pertes de pouvoir d'achat pour les retraités et pensionnés. C'est d'ailleurs le rapport lui-même qui décrit les choses comme elles sont. A la page 56 figure ainsi un intéressant tableau qui nous indique que, de 1990 à 2003, l'indice des prix a crû de 23 %, tandis que le SMIC brut progressait de 47 %, le minimum vieillesse de 30 %, et le minimum contributif de 25 %.
En clair, le minimum contributif est resté quasiment stable au regard de l'évolution des prix - et cela ne va pas aller en s'arrangeant -, le minimum vieillesse a obtenu sept points de pouvoir d'achat en plus en treize ans, en bonne partie imputables aux efforts accomplis pendant la législature précédente, tandis que le pouvoir d'achat des smicards progressait de vingt-quatre points, dont l'essentiel, là encore, lors de la législature précédente.
Ce qu'il nous est donc proposé de valider est clairement défini : c'est un recul social qui fera végéter le pouvoir d'achat des retraites au niveau le plus faible possible, c'est-à-dire juste aux alentours de la progression de l'indice des prix à la consommation.
Ce montage financier recèle de désastreuses conséquences.
La première est la paupérisation organisée des retraités et, singulièrement, des femmes retraitées ou des retraités aux carrières incomplètes, dont le niveau de vie sera durablement affecté par ce quasi-gel de la valeur des pensions et retraites.
On constatera, à la lecture de l'article, que deux dispositions a priori correctrices sont également contenues dans le texte qui nous est soumis.
Le premier correctif est celui qui provient d'une forme de régularisation de la revalorisation sur le constat des différences entre prévision d'évolution des prix et constatation. Ce correctif est d'une portée limitée. Même s'il peut mettre en jeu des sommes non négligeables, il n'apportera pas grand-chose aux retraités en termes de valeur monétaire.
Le second correctif est celui qui est posé par la convocation, sous la responsabilité du ministre, des partenaires sociaux pour déterminer, « en fonction de la situation financière des régimes d'assurance vieillesse et de l'évolution de la croissance économique », si l'on peut apporter une correction au taux de revalorisation.
Que l'on ne s'y trompe pas : même posé, ce principe de prise en compte partielle de la croissance dans la revalorisation des retraites ne fait pas le compte.
De surcroît, il rend les organisations syndicales de salariés coresponsables de la gestion éventuelle de la pénurie et de la modicité des pensions et retraites.
Dans les faits, si le troisième alinéa du I de cet article, dont nous reparlerons, consiste à gagner le soutien de quelques organisations syndicales à la réforme, force est de constater qu'il est surtout la porte ouverte à des décisions prises à l'issue de conclusions acceptées minoritairement.
Je conclurai donc cette intervention sur cet aspect.
La présente réforme des retraites n'a été acceptée que par deux des cinq organisations confédérées de salariés, qui ne rassemblent donc pas la majorité des salariés de ce pays. L'une d'elles se pose d'ailleurs de sérieuses questions.
En revanche, elle a été validée par les organisations patronales, dont la représentativité est cependant problématique ; nous le constatons lors des élections.
Cette réforme n'est donc approuvée que par une minorité, et pourtant nous en discutons.
Cet article 19, qui en constitue l'un des éléments essentiels, ne peut rencontrer notre assentiment. Par conséquent, nous ne le voterons pas.
M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Monsieur le président, en vertu de l'article 38, alinéa 2, du règlement, je demande la clôture de la discussion.
M. le président. En application de l'article 38 du règlement, je suis saisi d'une demande de clôture de la discussion de l'article 19.
Conformément à l'alinéa 4 du même article, je consulte le Sénat à main levée...
La clôture est prononcée.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour un rappel au règlement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Notre collègue Patrice Gélard arrive un peu comme les carabiniers, puisqu'il n'y avait plus d'inscrit sur l'article 19 !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pas de provocation !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'en viens à mon rappel au règlement.
Je regrette que M. le rapporteur ait cru devoir déplorer, à l'instant, l'absence de notre collègue Gilbert Chabroux de l'hémicycle. Ce n'est pas l'usage !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'était par amitié !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous sommes heureux, bien évidemment, que, comme nous, il apprécie les interventions de Gilbert Chabroux dans ce débat, mais ce n'est pas le sénateur le moins assidu à nos débats !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. S'il nous a quittés quelques instants, c'est parce qu'il a été invité à donner le point de vue de notre groupe à Public Sénat.
M. Josselin de Rohan. Ce sont les meilleurs qui partent les premiers !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais je lui ferai part de votre regret et il essaiera de ne plus vous contrarier.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Serge Vinçon.)