COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

MISSIONS D'INFORMATION

M. le président. L'ordre du jour appelle l'examen des demandes d'autorisation de missions d'information suivantes :

1°) Demande présentée par la commission des affaires économiques et du Plan tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission d'information afin de se rendre en Russie pour y étudier la situation des secteurs de l'énergie, de l'agriculture et des transports, de l'économie de ce pays ;

2°) Demande présentée par la commission des affaires sociales tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission d'information afin de se rendre en Afrique du Sud pour y étudier la politique sanitaire de ce pays.

Il a été donné connaissance de ces demandes au Sénat au cours de sa séance du jeudi 12 juin 2003.

Je vais consulter sur ces demandes.

Il n'y a pas d'opposition ?...

En conséquence, les commissions intéressées sont autorisées, en application de l'article 21 du règlement, à désigner ces missions d'information.

3

INITIATIVE ÉCONOMIQUE

Adoption d'un projet de loi en deuxième lecture

 
Dossier législatif : projet de loi pour l'initiative économique
Art. 2

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi (n° 338, 2002-2003), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, pour l'initiative économique. [Rapport n° 353 (2002-2003).]

J'informe le Sénat que la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi pour l'initiative économique m'a fait connaître qu'elle a d'ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu'elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi actuellement en cours d'examen.

Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous en sommes parvenus à la deuxième lecture devant le Sénat d'un texte qui comprend désormais cinquante-quatre articles et qui aborde tous les thèmes importants pour la création, la reprise et le développement des entreprises.

Les formalités liées à la création d'une entreprise ont été simplifiées. Plus de salariés pourront faire le choix de la création d'entreprise. Les financements de la petite et de la moyenne entreprise ont été considérablement améliorés. L'accompagnement est inscrit dans le droit. La transmission d'entreprise bénéficie d'exonérations fiscales sans précédent depuis de très nombreuses années.

Ce texte a fait l'objet d'un examen plutôt consensuel par les deux assemblées, qui ont su travailler dans la même direction, celle du développement économique de notre pays. Plus de dix-sept articles ont d'ailleurs été adoptés sans difficulté dès la première lecture.

Ce projet de loi est novateur grâce aux nombreuses avancées réalisées, tout particulièrement au Sénat, que je remercie pour sa contribution essentielle à l'élaboration de ce texte.

Lorsque j'ai présenté ce texte, j'ai émis le souhait que le Parlement puisse disposer d'une grande liberté pour le modifier, car il me semble très important que nos lois soient élaborées conjointement par le Parlement et par le Gouvernement. C'est le cas de ce projet qui, de tous ceux qui ont été examinés depuis le début de la législature, est probablement l'un des plus richement amendés par le Sénat et par l'Assemblée nationale. C'est pour moi une grande source de satisfaction, partagée, je l'imagine, par les auteurs de ces amendements.

Quinze nouveaux articles ont été adoptés par le Sénat. Parmi les nouveaux thèmes abordés, je citerai : les qualifications professionnelles ; la modernisation du droit des sociétés ; le renforcement de la protection et de l'information des cautions professionnelles - il s'agit d'un sujet important et douloureux sur lequel nous aurons l'occasion de revenir - ; le travail dominical en Alsace-Moselle ; l'utilisation des sommes versées dans différents instruments financiers, les PEA par exemple ; l'accès des PME aux marchés publics ; l'atténuation de l'effet de seuil de la mesure d'exonération des plus-values de cession, mesure phare de ce projet quant à la réduction de la fiscalité sur les plus petites entreprises de ce pays.

Les autres thèmes nouveaux introduits par le Sénat sont l'amélioration du dispositif à l'exportation avec la fusion du Centre français du commerce extérieur, le CFCE, et de l'Agence française pour le développement international des entreprises, Ubifrance, ainsi que les dispositions concernant les crises agricoles, les interprofessions viticoles et la sous-traitance dans le bâtiment.

Mesdames, messieurs les sénateurs, il se passe quelque chose en France depuis que le Gouvernement a lancé l'idée de développer la création d'entreprises et, plus largement, l'esprit d'entreprise. Ce qui est nouveau, c'est que nos concitoyens ont compris que le temps où l'on prétendait pouvoir redistribuer des richesses sans les avoir créées est révolu.

Nos concitoyens ont bien compris maintenant que le progrès social auquel nous sommes attachés suppose une création de richesse, car on ne peut redistribuer que ce que l'on a créé. Or, pour redistribuer, il faut des entreprises qui créent de la richesse, ce qui explique l'intérêt très vif de nos concitoyens pour l'entreprise, notamment pour la formule de réussite sociale que constitue la création de sa propre entreprise.

Les chiffres, à cet égard, sont significatifs. En novembre 2002, il fallait remonter jusqu'au mois d'août 2000 pour enregistrer un nombre d'entreprises nouvelles plus élevé. En décembre 2002, le record d'août 2000 tombait et il fallait remonter jusqu'à janvier 1996 pour connaître un nombre plus élevé. En février 2003, le record de janvier 1996 tombait. Les mois de mars et d'avril 2003 confirment cette tendance puisqu'il faut désormais remonter jusqu'à 1994 pour constater un nombre de créations d'entreprises plus élevé.

Il y a donc un engouement naissant pour la création d'entreprises parce qu'elle correspond à une vocation naturelle de l'économie parce que de nombreux Français ont compris que la réussite sociale pouvait passer par cette voie et parce que le Gouvernement soutenait et accompagnait ce type d'initiative. C'est la raison pour laquelle le nombre de créations d'entreprises au premier trimestre 2003 a connu une forte augmentation, de 5,4 %, par rapport au premier trimestre de l'année 2002.

A ce rythme, l'objectif ambiteux fixé par le Président de la République - créer un million d'entreprises en cinq ans - pourra être atteint. C'est une nouvelle de bon augure pour la création de richesse dans notre pays. Bien sûr, quelques points sur lesquels nous ne sommes pas toujours d'accord restent à clarifier. Nous nous y attèlerons dans les minutes qui viennent. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission spéciale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, partant du constat que la création d'entreprises est moins forte en France que dans les autres pays et même si M. le secrétaire d'Etat vient d'indiquer qu'il y avait une remontée très sensible du nombre des créations - ce qui montre bien qu'un nouvel état d'esprit n'est pas nécessairement lié à de nouvelles dispositions administratives et qu'il ne faut donc pas trop bouleverser les dispositions en vigueur - le Gouvernement, par ce projet de loi, nous a proposé les voies et moyens pour favoriser l'initiative économique.

Il s'agit d'un projet de loi important que nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture. L'Assemblée nationale et le Sénat sont parvenus dès à présent à un large accord sur l'ensemble du dispositif. Mais ce serait une erreur de perspective que de vouloir à tout prix favoriser la création d'entreprise sans assurer également, autant que faire se peut, la viabilité des entreprises ainsi que la sécurité pour les tiers, les co-contractants et les clients.

Nous devons avoir en vue la protection des consommateurs. A cet effet, nous devons garantir une qualification à laquelle nos collègues d'Alsace et de Moselle, notamment, sont extrêmement sensibles.

Dans le même temps, il faut assurer au créateur d'entreprise qui prend des risques qu'un échec possible n'entraînera pas des conséquences dramatiques pour lui-même et sa famille.

C'est pourquoi la possibilité de demander l'insaisissabilité du domicile, notamment les mesures protectrices en matière de cautionnement, les règles permettant de faciliter la transition entre les statuts de salarié et d'entrepreneur, bref, tout ce qui concerne l'appui aux projets d'entreprise ne peut, bien entendu, qu'être approuvé, de même que les volets fiscal et social destinés à faciliter la transmission des entreprises. Nos collègues Mme Annick Bocandé et M. René Trégouët développeront la position de la commission spéciale sur ce sujet.

Au titre Ier, l'Assemblée nationale a ajouté deux articles visant à assouplir le régime juridique applicable aux sociétés d'architecture. Sous réserve de trois amendements qui n'en remettent pas en cause le principe, nous vous proposerons de les approuver, en cette période où les architectes - vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat - sont inquiets du fait de certaines dispositions adoptées en matière de maîtrise d'oeuvre à l'occasion de la discussion d'un autre texte. Il nous faut être attentifs à ce que cette profession puisse conserver toute sa qualité.

M. Roland Muzeau. Mieux vaut tard que jamais !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Notons aussi que, dans la ligne que nous avons adoptée, tant dans la loi relative à la sécurité financière que dans le texte qui nous est soumis, le remplacement par des sanctions civiles de sanctions pénales largement obsolètes a reçu l'accord de l'Assemblée nationale, qui a complété le dispositif que nous avions voté en première lecture. C'est l'objet de l'article 6 bis A.

Les autres dispositions dont l'examen m'a été confié ne soulèvent pas de difficultés particulières. Toutefois, vous ne vous étonnerez sans doute pas que, compte tenu de la littérature abondante dont nous avons tous été destinataires, mes chers collègues, et de la focalisation du débat sur l'article 2 visant à créer un récépissé de création d'entreprise, un RCE, je me doive de développer quelque peu cet aspect du projet de loi et d'expliciter la position de la commission spéciale qui, je pense, a été mal comprise par certains.

Mon analyse sera en trois points, suivant la méthode de saint Thomas d'Aquin : je pose des questions et je tente d'y répondre.

Tout d'abord, je rappellerai le dispositif actuel permettant la création d'entreprise.

Ensuite, je m'interrogerai sur les obstacles réels à cette création et j'insisterai sur le fait qu'il convient de veiller à sa sécurité. Quoi qu'en disent certains, on ne crée pas une entreprise comme on achète une voiture ou un paquet de cigarettes.

Je traiterai enfin du rôle respectif des organismes devant lesquels doit obligatoirement passer tout créateur d'entreprise et des règles européennes et nationales qui s'imposent dans un ordonnancement juridique cohérent.

Premier point : les enquêtes dites « flash » ne constituent pas toujours une vraie démonstration et il est certain que le dispositif actuel fonctionne assez bien, que la responsabilité des acteurs est largement partagée en matière de retard - je pourrai apporter des éléments complémentaires sur ce sujet lors de la discussion des articles - et qu'il existera toujours des exemples aberrants. Mais doit-on légiférer pour régler quelques cas particuliers ?

La responsabilité des acteurs est largement partagée en matière de retard et peut être imputée tant aux centres de formalités des entreprises, les CFE, qu'aux greffes des tribunaux de commerce. Les exemples d'aberrations sont parfois anciens, il faut donc s'interroger sur la pertinence des textes actuels avant d'accepter de les modifier.

Les textes en vigueur imposent des règles précises aux centres de formalités des entreprises et aux greffes. Je me permets de les rappeler, pour mes collègues qui n'auraient pas une pratique habituelle de ces questions.

Le centre des formalités des entreprises doit transmettre dans les vingt-quatre heures au greffe le dossier complet de création d'entreprise. Dans l'hypothèse où ce dossier serait incomplet, ce centre indique au créateur d'entreprise qu'il doit communiquer les pièces manquantes dans un délai de quinze jours. Au terme de ce délai, le dossier est transmis au greffe en l'état, complet ou non.

Ce délai pourrait être réduit parce qu'il est sans doute à l'origine de bien des retards.

Il serait également utile, monsieur le secrétaire d'Etat, de simplifier le décret concernant les pièces à fournir, puisque nous sommes dans une période de simplification.

Mais cela relève du domaine réglementaire puisque tous ces textes sont de nature réglementaire.

Le centre de formalités des entreprises doit immédiatement délivrer un récépissé de dépôt de dossier de création d'entreprise. S'il s'était agi de légaliser cette procédure, je n'aurais pas soulevé d'objections, puisque ce récépissé n'a pas de conséquences juridiques et qu'il permet simplement de fixer le point de départ de l'acte de création. Rien n'empêche d'ailleurs, à partir de là, d'entreprendre des démarches auprès de divers organismes.

Il appartient, monsieur le ministre, au Gouvernement de réglementer cet aspect des choses, j'en conviens parfaitement.

Dès que le dossier est complet, le greffe est obligé de délivrer, dans un délai de vingt-quatre heures, l'extrait du registre du commerce et des sociétés avec le numéro SIREN ou SIRET pour que ce numéro figure dans l'extrait K bis.

Mais, monsieur le ministre, nous connaissons tous le temps que met parfois l'INSEE pour délivrer les numéros d'identification, et nous savons bien que les délais seront les mêmes demain, quel que soit l'organisme qui délivre le récépissé. Il faudrait tout de même moderniser et informatiser tous ces systèmes afin que ce numéro soit inséré immédiatement dans le fameux extrait K bis.

La situation est identique s'agissant du registre des métiers et du registre de l'agriculture. Je rappelle que ce dernier registre n'est toujours pas opérationnel alors même que les chambres d'agriculture revendiquent la délivrance du récépissé de création d'entreprise, le RCE. Cela prouve que l'on vit un peu dans le virtuel !

Nous voyons donc bien que, si tous appliquaient strictement les textes, les délais de création d'entreprise seraient très brefs - quarante-huit heures au maximum - et que le RCE, pour séduisant qu'il soit, ne fait qu'ajouter une complexité nouvelle et, ce qui est plus grave, une insécurité juridique dangereuse.

De surcroît, même si l'on confère au RCE un caractère officiel, la délivrance de l'extrait K bis, quoi qu'on en dise, n'en sera pas forcément plus rapide. Et je ne parle pas des risques de voir se développer les sociétés de fait et, hélas ! les fraudes...

Enfin, de mon point de vue, cela va à l'encontre de l'intérêt des créateurs d'entreprise, qui doit être notre seule préoccupation. Celle-ci paraît largement oubliée au profit d'une querelle que l'on serait tenté de qualifier de « querelle de boutique » si l'on n'éprouvait pas une considération particulière pour les acteurs en présence et si l'on n'avait d'eux une impression positive.

Les centres de formalités des entreprises jouent un rôle indispensable en matière de conseil et de soutien aux créateurs en leur permettant de s'adresser à un guichet unique pour les formalités administratives, qui, qu'elles soient sociales ou fiscales, sont très complexes. La place des CFE doit être soulignée et renforcée.

Au demeurant, je rappelle que les créateurs d'entreprise, lorsqu'ils se présentent directement au greffe, sont tenus d'informer les centres de formalités des entreprises des créations ou des modifications des entreprises.

Puis-je me permettre - ce sera mon troisième point - de rappeler les termes de l'article 1842 du code civil qui régit les sociétés depuis des siècles maintenant ? Cet article dispose que « les sociétés autres que les sociétés en participation [...] jouissent de la personnalité morale à compter de leur immatriculation ». La Cour de cassation a eu l'occasion, dans un arrêt récent, de souligner qu'il convenait, pour éviter les risques liés à l'existence d'une société créée de fait, d'attendre avant toute exploitation que la société ait acquis la personnalité morale par son immatriculation au registre du commerce et des sociétés.

Enfin - et l'on ne peut pas négliger cet aspect des choses -, il faut rappeler que la directive européenne du 9 mars 1968 impose en son article 10 la mise en oeuvre d'un « contrôle préventif, administratif ou judiciaire lors de la constitution de la société ». La protection des tiers doit être assurée par des dispositions limitant autant que faire se peut les clauses de non-validité des engagements pris au nom de la société.

Ce contrôle préventif ne peut donc être exercé que par des personnes habilitées à cet effet et doit être mis en oeuvre avant que le processus de création de la société ne commence à produire ses effets juridiques. Cela explique l'existence des dispositions concernant les chambres de métiers et les chambres d'agriculture, qui ne peuvent concerner que des personnes physiques. Si tel n'est pas le cas, les entreprises doivent être inscrites au registre du commerce et des sociétés, quoi qu'en pensent certains !

Il ressort de ces constatations que si le RCE est maintenu dans son état actuel, assorti des commentaires et des précisions qui en définissent le contour, il est nécessaire de prévoir qu'il soit délivré par les greffiers. C'est ma conclusion, j'en suis désolé ! Cette mesure figure d'ailleurs dans le projet de loi initial, et le Gouvernement l'avait soutenue en première lecture. Les arguments qui ont été développés au cours de la navette ne nous permettent pas de changer d'avis.

Nous regrettons franchement le tour polémique qu'a pris le débat. C'est excessif - je dis bien excessif - et très désagréable pour un rapporteur qui a à coeur de défendre le seul intérêt général sans tenir compte des intérêts particuliers de telle ou telle corporation. Je n'ai pas pour habitude de me coucher devant des lettres envoyées en nombre ou des pétitions : je m'efforce, en m'appuyant sur la réalité des choses, d'agir dans l'intérêt des créateurs d'entreprise.

M. Henri de Raincourt. Très bien !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je suis parlementaire depuis assez longtemps pour ne pas légiférer en fonction du nombre de fax reçus !

MM. Henri de Raincourt et François Trucy. Très bien !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Comme l'indiquait le rapporteur de la commission spéciale de l'Assemblée nationale, le récépissé de création d'entreprise, pour avoir une valeur juridique et une utilité supérieures au récépissé de dossier existant, doit remplir certaines conditions de sécurité juridique.

Vouloir, par ailleurs, détacher l'existence économique de l'entreprise de son existence juridique constitue à mes yeux - mais il est vrai que je n'ai pas encore l'expérience de certains responsables de chambre de commerce ! - une curiosité peu à même de sécuriser les relations commerciales. Or il ne suffit pas de favoriser la création d'entreprise ; encore faut-il que les relations commerciales soient équilibrées et sécurisées ! C'est un véritable enjeu pour notre pays. Je pense que, en la matière, nous pouvons faire confiance à ceux qui, depuis très longtemps, veillent à ce que le registre du commerce et des sociétés soit un élément de stabilité.

J'ajoute qu'il me paraît paradoxal, au moment où nous sommes en train de « vendre » à l'Europe tout entière le modèle du registre du commerce et des sociétés, de nous appliquer, en France, à le rendre quasiment inutile.

Le RCE ne serait à mes yeux qu'un succédané. Pourtant, il suffirait sans doute, monsieur le secrétaire d'Etat, de contraindre les partenaires obligés que sont les CFE et les greffiers à appliquer strictement les règles existantes ! Je n'aime pas légiférer parce que les gens ne font pas leur travail. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Bocandé, rapporteur.

Mme Annick Bocandé, rapporteur de la commission spéciale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au cours de sa séance du 4 juin dernier, l'Assemblée nationale a examiné en deuxième lecture le volet social du projet de loi pour l'initiative économique. Sur les dix-huit articles de ce volet issus de la première lecture par le Sénat, elle en a voté dix conformes. Restent donc en discussion huit articles, qui font l'objet du rapport de deuxième lecture que j'ai aujourd'hui l'honneur de vous présenter.

Si la majeure partie des modifications apportées par le Sénat n'ont pas été substantiellement remises en cause par l'Assemblée nationale, je suis convaincue que c'est en raison de l'équilibre que notre assemblée a su donner, grâce à une trentaine d'amendements, au volet social du projet de loi.

Une première série d'amendements avait pour objet d'harmoniser les dispositions du projet de loi avec celles qui étaient inscrites dans d'autres textes en cours d'élaboration. Aussi le Sénat avait-il souhaité transférer trois articles du projet de loi pour l'initiative économique dans celui qui vise à habiliter le Gouvernement à simplifier le droit par ordonnances. Il s'agit de l'article 6 quater, relatif au guichet unique pour les entreprises ; de l'article 6 quinquies, relatif au chèque-emploi-entreprise ; et de l'article 18 bis, relatif au guichet unique pour les travailleurs indépendants.

Sur ce dernier point, M. le secrétaire d'Etat avait soutenu notre assemblée avec la constance qui est la sienne depuis l'examen du texte par l'Assemblée nationale. Ainsi, dans le cadre tracé par le projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, adopté il y a quelques jours par le Sénat, les projets de guichets uniques et de chèques-emploi seront formalisés sous peu par voie d'ordonnances, conformément aux voeux du Sénat.

Une deuxième série d'amendements visait à préciser les modalités d'application de certains dispositifs en faveur de la création d'entreprise. Le Sénat avait donc élargi aux repreneurs, quelquefois contre l'avis du Gouvernement, les mesures en faveur des créateurs d'entreprise. Il avait également refusé que le contrat d'accompagnement, désormais appelé plus justement « contrat d'appui au projet d'entreprise », soit soumis à un régime de responsabilité qui aurait risqué de décourager les accompagnateurs.

Une troisième série d'amendements traduisait le souci de notre assemblée de rendre certaines dispositions du projet de loi plus équitables. C'est pourquoi, avec cette fois le soutien du Gouvernement, elle avait, d'une part, obtenu l'extension des mesures d'exonération de charges sociales aux bénéficiaires de l'allocation parentale d'éducation qui souhaitent créer ou reprendre une entreprise et, d'autre part, élargi les dispositions relatives aux créateurs ou aux repreneurs en difficulté aux professions libérales, qui en étaient exclues.

Le Sénat avait également obtenu que les entrepreneurs occasionnels ne soient pas soumis à un seuil minimal de cotisations sociales trop élevé. De même, l'équité étant non pas seulement une exigence sociale mais aussi une exigence territoriale, le Sénat avait souhaité mettre fin à l'« exception orientale » que constitue l'Alsace-Moselle en étendant les dérogations relatives au travail continu à ces trois départements, où le maintien d'un droit local quelquefois désuet pénalise la compétitivité économique des entreprises.

Enfin, le Sénat avait souhaité rendre le projet de loi plus clair, car cela est essentiel pour la sécurité juridique des projets d'entreprise. Il avait donc tenu à voir les nouvelles dispositions relatives au temps partiel harmonisées avec les mesures existantes. Il avait également multiplié les initiatives susceptibles de permettre aux caisses de sécurité sociale de se préparer à ces changements.

Ainsi, jugeant le projet de loi pour l'initiative économique à la hauteur de l'ambition affichée, à savoir la création d'un million d'entreprises en cinq ans, le Sénat l'avait amélioré en ces divers points. Entre recherche d'efficacité et souci d'équité, ses travaux ont abouti, je pense, à un texte équilibré.

De son côté, l'Assemblée nationale, saluant la contribution de la Haute Assemblée - le vote conforme de dix articles du volet social en témoigne -, n'a adopté que douze amendements.

D'une part, outre quelques amendements rédactionnels, sa commission spéciale a souhaité un retour au texte initial sur les points suivants : l'extension des exonérations de cotisations sociales en faveur des mères au foyer qui souhaitent créer ou reprendre une entreprise ; le maintien de dispositifs concurrents de passage à temps partiel ; enfin, le maintien d'une cotisation minimale pour les entrepreneurs occasionnels.

D'autre part, le Gouvernement a été à l'origine, notamment, de deux modifications substantielles : l'une a pour effet de changer opportunément le nom du contrat d'accompagnement, comme M. le secrétaire d'Etat s'y était engagé devant notre assemblée ; l'autre vise à exonérer de l'impôt sur le revenu les bénéficiaires du dispositif Encouragement au développement d'entreprises nouvelles, EDEN, destiné aux personnes en difficulté qui souhaitent créer ou reprendre une entreprise.

Les travaux de l'Assemblée nationale traduisent donc un compromis entre le souci légitime d'assouplir les contraintes liées aux projets d'entreprise et la volonté de rester fidèle au texte initial.

C'est pourquoi la commission spéciale du Sénat vous propose d'avaliser les positions, souvent pertinentes, de l'Assemblée nationale et vous suggère dans le même temps des solutions alternatives pour dépasser les trois points de blocage qui subsistent entre nos deux assemblées.

En effet, la plupart des amendements adoptés par l'Assemblée nationale semblent aller dans le bon sens en ce qu'ils clarifient la lecture du projet de loi. La commission spéciale vous propose donc de voter conformes les articles 10 et 11, dans lesquels le contrat d'accompagnement a été qualifié de « contrat d'appui au projet d'entreprise », et l'article 9, qui vise à laisser aux salariés le libre choix du dispositif de passage à temps partiel.

Par ailleurs, d'autres amendements, émanant souvent du Gouvernement, ont introduit des innovations salutaires. Par exemple, l'article 19 bis nouveau, tendant à exonérer d'impôt sur le revenu le dispositif EDEN, mérite d'être adopté sans modification, sous réserve que cette mesure ne soit pas cumulable avec les réductions d'impôt appliquées aux entreprises non cotées.

A vrai dire, mes chers collègues, je doute que les chômeurs créateurs d'entreprise soient soumis à l'impôt sur le revenu et, plus encore, qu'ils soient susceptibles d'être concernés par la réserve de non-cumul prévue à la fin de l'article ! Mais puisque le Gouvernement, sur la foi des déclarations du ministre des finances, affirme que son amendement répond à des situations concrètes diagnostiquées par ses services, nous lui faisons confiance.

Pour autant, deux points doivent être rediscutés avec nos collègues de l'Assemblée nationale.

Dans un premier temps, la commission spéciale vous proposera de supprimer de nouveau l'article 8 bis, rétabli par l'Assemblée nationale.

Le Sénat avait supprimé cet article relatif à la création ou à la reprise d'entreprise par les mères au foyer en contrepartie d'un amendement d'origine gouvernementale visant à étendre les exonérations de cotisations sociales aux bénéficiaires de l'allocation parentale d'éducation. Or le retour au texte initial opéré par l'Assemblée nationale me paraît contrevenir au souci d'équité que nous avions exprimé lors de la première lecture du projet de loi. La commission spéciale vous invitera donc à revenir à la rédaction que nous avions adoptée en première lecture.

Dans un second temps, la commission spéciale vous suggérera à l'article 9 bis un amendement rédactionnel tendant à expliciter mieux que ne le fait l'Assemblée nationale les cas de passage provisoire à temps partiel pour lesquels le remplacement du salarié absent est envisagé.

Reste un dernier point qui mérite d'être précisé. Il s'agit de l'amendement, adopté par l'Assemblée nationale, tendant, à l'article 12, à rétablir un seuil minimal de cotisations sociales applicable aux travailleurs occasionnels. Contre l'avis du Gouvernement, qui arguait du coût de la mesure, la Haute Assemblée avait souhaité prendre comme base de calcul le bénéfice réel, sans qu'un plancher minimal soit fixé. Cependant, convaincue par certains arguments de l'Assemblée nationale, la commission spéciale vous proposera de renoncer à l'amendement que le Sénat avait adopté en première lecture, à la condition expresse que M. le secrétaire d'Etat s'engage ici même, comme il l'a promis, à fixer par décret le seuil minimal de cotisations sociales à un montant égal au plus à deux mois de cotisations.

Pour conclure, monsieur le secrétaire d'Etat, je saluerai en quelques mots la pertinence de votre projet de loi, que vous défendez avec un enthousiasme légitime et, sachez-le, partagé. Vous avez su, dans sa rédaction initiale, puis au cours de nos débats, lui imprimer la marque du pragmatisme et de l'efficacité. En ce sens, il reflète une certaine idée - généreuse et ambitieuse - que vous vous faites de l'entreprenariat dans notre pays, qui, il est vrai, en a bien besoin.

Soucieux d'encourager tous les acteurs économiques à contribuer à la création d'entreprise, vous n'avez oublié personne : ni les salariés, ni les femmes, ni les exclus. Favorable à la mise en place d'un environnement propice à la création d'entreprises, vous avez utilisé toute la gamme des outils à votre disposition : allégements de charges sociales, accompagnement en amont, participation des collectivités publiques, ou encore simplifications administratives. C'est pourquoi le million de créations d'entreprise que vous visez est un objectif ambitieux mais, je l'espère, réalisable. Ces nouvelles entreprises, j'en suis sûre, contribueront de façon non négligeable à la compétitivité et à l'attractivité du territoire.

Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez annoncé un projet de loi sur le développement de l'entreprise qui viendra bientôt compléter les dispositions de celui que nous examinons aujourd'hui. Parallèlement, le Sénat vient d'adopter le projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit. Parmi les nombreuses mesures de simplification à prendre par ordonnances figurera la création d'un guichet unique pour les entreprises et d'un chèque-emploi entreprises, que le Sénat, unanime, a vigoureusement soutenues. Croyez bien que, au moment de la ratification des ordonnances les concernant, les sénateurs seront présents pour veiller à ce que celles-ci soient conformes aux idées réformatrices que vous avez exprimées ici même il y a quelques semaines et que notre assemblée a saluées. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. René Trégouët, rapporteur.

M. René Trégouët, rapporteur de la commission spéciale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je crois que nous pouvons nous féliciter de la convergence de vues entre l'Assemblée nationale et le Sénat sur les deux titres du projet de loi pour l'initiative économique dont j'ai l'honneur d'être le rapporteur, les titres III et V, relatifs respectivement au financement des entreprises et à leur transmission.

Au titre III, dont les onze articles proposent un éventail de mesures de nature à calatyser une nouvelle dynamique en faveur du financement des PME et, plus spécifiquement, en faveur de la création d'entreprises ne restent ainsi en discussion que trois articles.

En effet, l'Assemblée nationale a adopté conformes trois des articles introduits ou modifiés par le Sénat : l'article 14 bis, introduit sur l'initiative de la commission spéciale du Sénat et portant correction d'une erreur de codification du code monétaire et financier ; l'article 17 bis, qui vise à étendre à l'exonération d'imposition forfaitaire annuelle la sortie en sifflet applicable à la zone franche de Corse ; enfin, l'article 17 ter prévoyant le dépôt d'un rapport annuel au Parlement sur les achats de l'Etat aux PME, qui a été introduit sur l'initiative de la commission spéciale, inspirée des excellents travaux de M. Francis Grignon sur la small business administration aux Etats-Unis.

De surcroît, deux des trois articles encore en discussion font l'objet d'un accord intellectuel entre nos deux assemblées : à l'article 13 B, introduit par le Sénat sur l'initiative de notre collègue M. Marc Massion et tendant à permettre le retrait anticipé des sommes investies dans un livret d'épargne entreprise si elles sont investies dans le financement ou la création d'une entreprise, l'Assemblée nationale n'a ainsi apporté que des modifications rédactionnelles, tandis que le Gouvernement en levait le gage ; à l'article 16 bis, l'Assemblée nationale n'a adopté qu'un amendement de coordination.

En fait, le seul véritable point de discussion est l'article 13 portant création des fonds d'investissement de proximité, les FIP. Nos deux assemblées s'accordent sur la philosophie de ce dispositif particulièrement novateur, mais divergent quelque peu sur deux détails techniques.

D'une part, l'Assemblée nationale a supprimé le critère alternatif du siège social pour l'éligibilité au financement par un FIP, qui avait été introduit par le Sénat, tout en précisant que les entreprises éligibles devront exercer « principalement » leurs activités - et non plus exercer « la majeure partie » de leurs activités - dans la zone géographique couverte par le FIP. Or il nous semble que cette rédaction, même si elle constitue un progrès, ne prévient pas entièrement le risque de voir certaines entreprises en développement, pourtant bien ancrées dans un territoire, n'être éligibles à aucun FIP parce que leurs activités s'exerceraient dans plusieurs régions non limitrophes. C'est pourquoi votre commission spéciale vous proposera un amendement de compromis.

D'autre part, l'Assemblée nationale a prolongé, à titre transitoire, la période à l'issue de laquelle les FIP doivent respecter leur quota d'investissement de 60 %, ce qui, en première analyse, nous semble peu justifié. En effet, on voit mal le législateur fixer une règle pour aussitôt poser une dérogation !

J'en viens maintenant au titre V, relatif à la transmission des entreprises, qui, pour l'essentiel, fait également l'objet d'un large accord entre nos deux assemblées. En effet, ne restent en discussion que cinq des dix articles que comptait ce titre à l'issue de son examen par le Sénat en première lecture.

En particulier, l'Assemblée nationale a adopté conforme l'article 22 portant relèvement du seuil d'exonération des plus-values professionnelles. M. Gilles Carrez, rapporteur au nom de la commission spéciale de l'Assemblée nationale, a salué en séance l'amélioration apportée par le Sénat, sur l'initiative de sa commission spéciale, qui permet de supprimer les effets de seuil du dispositif initialement proposé par le Gouvernement ; je l'en remercie.

En outre, il n'y a sans doute pas lieu de revenir sur deux des cinq articles encore en discussion.

A l'article 24 visant à encourager la transmission anticipée d'entreprise, l'Assemblée nationale n'a adopté qu'un amendement rédactionnel.

A l'article 24 bis, introduit par le Sénat et visant à supprimer le droit supplémentaire perçu en cas de non-respect d'un engagement collectif de conservation ouvrant droit à l'allégement des droits de mutation à titre gratuit pour la transmission d'une entreprise, l'Assemblée nationale a adopté un amendement sur lequel le Gouvernement a levé le gage.

Ne subsistent ainsi que trois points de désaccord entre nos deux assemblées.

Tout d'abord, l'Assemblée nationale a supprimé, avec un avis favorable du Gouvernement, l'article 23 bis introduit par le Sénat sur l'initiative de notre collègue Jean Chérioux et qui visait à rétablir un ancien dispositif d'incitation à la reprise d'une entreprise par ses salariés, le RES. Notre collègue député Gilles Carrez, rapporteur au nom de la commission spéciale de l'Assemblée nationale, a en effet estimé que ces dispositions étaient « inutiles ».

La commission spéciale du Sénat, qui avait donné en première lecture un avis défavorable sur ces mesures, pour des raisons qui sont longuement exposées dans le rapport écrit, partage l'analyse de l'Assemblée nationale s'agissant de leur suppression, mais elle n'adhère aucunement au qualificatif « inutiles ». Cela étant dit, la commission vous propose de confirmer la suppression de cet article.

En revanche, l'Assemblée nationale a introduit aux articles 26 bis et 26 ter deux modifications sur lesquelles la commission vous proposera de revenir.

A l'article 26 bis, qui introduit un abattement de 50 % au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune, l'ISF, pour les parts ou actions de société que les propriétaires s'engagent à conserver dans le cadre d'un engagement collectif de conservation, l'Assemblée nationale a durci le régime de déchéance introduit par le Sénat : en cas de rupture de cet engagement, toutes les parties prenantes à un engagement collectif de conservation seraient désormais pénalisées de la même manière que la personne à l'origine de la rupture, c'est-à-dire avec la reprise intégrale de l'avantage fiscal consenti assortie de pénalités de retard si, après cette rupture, leur pacte collectif ne franchit plus le seuil de détention de parts sociales prévu.

Certains des signataires se trouveraient ainsi gravement pénalisés sur le plan fiscal pour une situation qui ne serait pas de leur fait, ce qui pose un problème d'égalité incompréhensible pour les redevables qui attendent beaucoup de cette disposition.

Enfin, à l'article 26 ter, qui prévoit d'exonérer de l'ISF les titres reçus en contrepartie d'apports au capital de PME, l'Assemblée nationale a exclu du périmètre de l'exonération les apports en nature que le Sénat avait souhaité inclure, alors même que la rédaction proposée par le Sénat, qui ne concernait évidemment que les apports de biens nécessaires à l'activité, était conforme à la définition du périmètre des biens professionnels telle que prévue dans les articles du code général des impôts relatifs à l'ISF.

Pour ces deux dernières dispositions, la commission vous proposera donc de revenir au texte adopté par le Sénat en première lecture, ne doutant pas que l'esprit constructif qui règne entre nos deux assemblées pour le volet fiscal et financier de ce projet de loi nous permettra de trouver un point d'équilibre consensuel. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants : Groupe Union pour un mouvement populaire : 20 minutes ; Groupe socialiste : 13 minutes ; Groupe de l'Union centriste : 8 minutes ; Groupe communiste républicain et citoyen : 7 minutes.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Marc Massion.

M. Marc Massion. Monsieur le secrétaire d'Etat, lors de la première lecture, j'avais eu l'occasion de vous dire le peu de bien que je pensais de ce texte, notamment sur le plan fiscal. Son passage à l'Assemblée, nationale ne m'a pas fait changer d'avis, bien au contraire.

Malgré tout, nous avions voulu redonner à ce texte ce qui aurait dû être son véritable sens en déposant des amendements concernant les PME, les toutes petites entreprises, les artisans, l'aménagement du territoire, la formation des créateurs d'entreprise. Le plus souvent, ce fut sans succès. Néanmoins, objectivement, je remercie le Gouvernement d'avoir bien voulu, lors du débat à l'Assemblée nationale, lever le gage sur l'amendement que j'avais présenté ici, au nom de mon groupe, concernant le réemploi des sommes d'un PEA dans le financement d'une création ou d'une reprise d'entreprise.

Mais je le redis aujourd'hui, on retiendra avant tout de votre texte les cadeaux fiscaux en faveur, évidemment, des plus privilégiés, puisque vous amorcez le démantèlement de l'ISF.

M. François Marc. C'est scandaleux !

M. Marc Massion. Ce n'est pas juste, ce ne sera pas efficace et, surtout, ce n'est pas opportun, alors même que le Gouvernement sollicite l'effort de l'ensemble des salariés.

Même le rapporteur général du budget au Sénat, sans changer d'avis sur le fond, se montre d'une grande prudence sur la réforme de l'ISF dans une récente déclaration à la presse, « alors même » - ce sont ses propres mots - « qu'on demande des sacrifices aux salariés pour préserver le système de retraites ».

Comme je l'ai dit en première lecture, nous sommes favorables à un vrai débat public sur l'ISF, mais très hostiles à ces aménagements discrets, mais réels. « Oui » à un vrai débat sur la réforme de l'assiette, l'actualisation des barèmes, le plafonnement. Mais « non » à des mesures ponctuelles greffées, pour passer presque inaperçues, sur un texte dont l'objet n'est pas a priori fiscal.

Votre projet de loi, qui était très attendu, monsieur le secrétaire d'Etat, a créé de nombreuses déceptions. Vous avez manqué votre cible et votre objectif affiché d'amélioration de la situation de l'emploi ne sera pas atteint.

Pourquoi n'avez-vous pas cherché à assurer la pérennité des entreprises, dont vous voulez favoriser la création, en améliorant la formation des chefs d'entreprises en confortant leurs réseaux d'accompagnement ou en sécurisant les concours bancaires ?

Pourquoi avez-vous privilégié la fiscalité au lieu d'aborder plus sérieusement les délais de paiement, les relations entre les distributeurs et les fournisseurs, qui ont de si grandes répercussions sur la vie des entreprises et de leurs salariés ?

Par ailleurs, comment voulez-vous que votre intérêt affiché pour les petites et moyennes entreprises soit crédible, alors même que la réforme subreptice et dangereuse du code des marchés publics, va aggraver leurs difficultés ?

J'ajoute que le gel, le report ou l'annulation des crédits de la recherche constitueront un sérieux handicap pour nos entreprises et, surtout, les PME en recherche de compétitivité.

Mais au delà de ce texte se pose une question essentielle, voire fondamentale : avez-vous les moyens de votre politique, monsieur le secrétaire d'Etat ? Plus précisément, pouvez-vous exonérer, alléger, supprimer ? Pouvez-vous réduire les rentrées fiscales, alors même que, ce matin, le rapporteur général du budget, dans la préparation du débat d'orientation budgétaire, nous a parlé de « recettes fragiles » ?

Les temps qui viennent seront difficiles. Il se trouve qu'hier, en commission des finances, nous avons entendu le directeur des études économiques de la Caisse des dépôts et consignations, dont la compétence est reconnue par tous. Quelles sont les prévisions ? Une croissance faible - 1 %, voire moins - et qui va le rester ; un déficit qui s'élèvera à un peu plus de 4 % en 2003, et peut-être à 5 % en 2004.

Nous sommes loin, très loin, des 3 % de croissance par an annoncés à la légère, voilà un peu plus d'un an, par le candidat Jacques Chirac. (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste.)

Comment, dans ces conditions, envisager une baisse des impôts, et notamment des exonérations de l'ISF ?

Comment pouvez-vous solliciter la France d'en bas alors que vous favorisez la France d'en haut ? (Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste.)

Je sais bien que le rappel de la formule est facile, mais celui qui l'a lancée n'avait certainement pas imaginé qu'elle aurait un effet boomerang. Il est vrai qu'à l'époque il était sur son petit nuage et caracolait dans les sondages.

Aujourd'hui, la réalité est tout autre. Et je n'ai pas le temps ici de replacer notre situation, ni dans le cadre européen ni dans le cadre international. Mais il n'y aurait rien à y trouver pour diminuer les zones d'ombre, bien au contraire. En effet, que devient le pacte de solidarité ? Quel avenir pour nos entreprises dans une Europe élargie et au sein de laquelle cohabitent et, surtout, vont cohabiter des réglementations fiscales et sociales aussi différentes les unes des autres ? Il n'y aura pas d'harmonisation sans construction politique réelle.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous êtes certainement animé d'une bonne intention, mais l'idéologie à laquelle fait référence le gouvernement auquel vous appartenez - et c'est évidemment son droit - conduit finalement à enlever tout son sens à votre démarche annoncée.

Dans ces conditions, comme en première lecture, notre groupe votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les quelques aspects positifs de ce projet de loi, que nous avions soulignés en première lecture, ne nous empêchent pas d'émettre de nouveau des réserves et des critiques à l'égard d'un texte dont le caractère fiscal est prédominant et qui ne répond pas aux besoins essentiels de nos petites entreprises.

Nos PME sont devenues une donnée essentielle en termes d'emplois et d'aménagement du territoire. Elles jouent un rôle fondamental pour le développement économique local et la production de lien social. Nous savons très bien que la disparition de nos petites entreprises peut, à terme, condamner, dans certains de nos départements déjà largement éprouvés par la politique des plans sociaux à répétition menée par les grands groupes, l'activité économique et la vie sociale de certaines zones, qu'elles soient rurales ou périurbaines.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous venez de nous détailler les chiffres record de créations d'entreprise, lesquelles sont en nette progression en ce début d'année 2003. Vous savez pourtant comme moi qu'en soi ces chiffres n'ont guère de sens : ce qui compte en matière de développement économique, c'est la création nette d'entreprises, donc la viabilité, à moyen terme, des entreprises créées. Or 40 % des entreprises créées disparaissent au bout de trois ans, dont 47 % quand le créateur est chômeur.

Comment s'enorgueillir du fait que les plus démunis soient aujourd'hui « les plus nombreux à s'engager sur la voie de la création d'entreprise », alors que nombre d'entre eux sont d'ores et déjà condamnés à l'echec faute d'un réel soutien, d'une véritable politique en matière de formation et d'aides efficaces aux plus petites de nos entreprises ? Nous l'avions dit en première lecture ! Or votre texte ne comble pas ce vide.

Au cours des cinq premiers mois de l'année, plus de 21 000 PME ont déposé leur bilan, ce qui représente une augmentation de 12,8 % par rapport à 2002. Les études montrent que les défaillances touchent plus particulièrement les très petites entreprises, dont l'effectif est souvent inférieur à dix personnes.

Or, en dépit de certaines mesures positives, je continue de penser que votre texte rate sa cible d'origine, à savoir, précisément, les petites entreprises et l'artisanat.

En fait, votre projet de loi est devenu, au gré des amendements, le prétexte à une déréglementation sociale préjudiciable aux salariés. J'en veux pour preuve toutes les mesures de régression sociale qu'il contient : durcissement du régime d'aide à la création d'entreprise en faveur des personnes en difficulté, retour à la présomption de non-salariat, assouplissement du droit du travail concernant les pratiques d'essaimage, de marchandage, voire de tâcheronnage, renforcement des liens de subordination des sous-traitants aux grandes entreprises donneuses d'ordre.

De telles dispositions, dont la portée ultralibérale est bien entendu beaucoup plus générale qu'il n'y paraît, témoignent d'une réelle confusion entre l'esprit d'entreprendre que vous souhaiteriez « libérer » et votre volonté de desserrer, de supprimer les quelques contraintes sociales, les quelques « rigidités » qui entraveraient ce fameux « esprit d'entreprendre ».

Ces rigidités se situent évidemment toujours du côté du droit du travail, d'une réglementation sociale qui nuirait au libre fonctionnement du marché du travail et qui serait la cause de tous nos maux économiques.

Or, comme le soulignait à juste titre Lacordaire, « entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ».

L'analyse des causes des défaillances d'entreprises montre combien nos PME, pour la plupart sous-traitantes, ont besoin, elles aussi, d'être protégées contre la pression toujours plus forte concernant les coûts, les délais, les exigences de flexibilité et de malléabilité qu'exercent, à leur égard, les donneurs d'ordre.

Le développement, depuis une vingtaine d'années, de la sous-traitance et de l'externalisation exige plus de volontarisme en matière de réglementation de ces nouvelles pratiques. Dans le cas contraire, les PME seront toujours plus fragilisées et, loin de continuer à jouer leur rôle d'amortisseur au niveau de l'emploi dans les conjonctures basses, elles contribueront, comme c'est le cas aujourd'hui, à amplifier la dynamique récessive du fait de la rationalisation que leur imposent les sièges et les groupes dans une fuite en avant à la rentabilité immédiate et à la baisse des coûts.

Nous avions fait des propositions en ce domaine, s'agissant, par exemple, d'interdire pour les entreprises l'achat de biens ou de services à des prix qui mettent directement en péril les activités des sous-traitants et les conduisent à diminuer les salaires, à déroger au droit du travail par de multiples pratiques illicites.

En première lecture, tous nos amendements ont été balayés sans qu'une réelle discussion de fond ait été menée.

J'observe, par ailleurs, que des mesures de protection contre certaines pratiques abusives de la part de la grande distribution, bien que largement insuffisantes à mes yeux, ont été adoptées en ce qui concerne l'agriculture.

Pourquoi - cela aurait dû être l'un des objets de ce texte - ne pas poser des limites du même type en matière de fixation de prix de cession, parfois extrêmement bas, auxquels sont soumis les sous-traitants en bout de chaîne ? C'était, là aussi, l'une nos propositions.

Nos PME ont aujourd'hui d'énormes besoins, au premier rang desquels se trouve un environnement stable, fondé sur un accès facilité à des crédits bancaires sûrs et renouvelables, à des taux d'intérêt faibles. C'était le sens de notre proposition : il s'agissait de créer un pôle public bancaire capable d'assurer le financement des activités créatrices d'emplois et génératrices de qualifications.

Au lieu de cela, votre politique manque d'ambition et ne résiste pas à la tentation ultralibérale, qui n'a d'autre objet que de faire triompher, au mépris de l'accroissement des inégalités, le laisser-faire libéral. Le retour à la loi Madelin en est significatif.

Par ailleurs, une politique incitative qui se réduit à des exonérations fiscales est nécessairement limitée dans ses objectifs quand - et c'est le cas ici - elle ne verse pas, de manière délibérée, dans l'injustice fiscale et sociale qui frise l'indécence.

Vous programmez, en effet, dans un texte qui n'est pourtant pas un projet de loi de finances, le démantèlement de l'ISF au prétexte qu'il encouragerait les délocalisations.

Dois-je rappeler que la plupart des défaillances des PME que j'ai évoquées n'ont pas pour cause la délocalisation ? Il s'agit de fermetures pures et simples, conséquences des plans de licenciement en amont décidés par les grands groupes, à l'exemple de Metaleurop, qui se répercutent en chaîne sur l'ensemble des sous-traitants et des petits fournisseurs.

A l'exception de quelques secteurs comme le textile-habillement, qui emploie une main-d'oeuvre importante et qui est fortement exposé à la concurrence internationale des pays à bas salaires, la plupart des PME, de services notamment, qui disposent d'une main-d'oeuvre qualifiée sont peu soumises aux contraintes de la concurrence internationale.

Les avantages fiscaux que vous accordez sont d'ailleurs complètement disproportionnés au vu d'une justification économique déjà plus que douteuse.

Certaines dispositions - je pense notamment à l'article 26 ter -, loin de décourager la délocalisation, renforceront les disparités fiscales à l'échelle de l'Union européenne par le biais d'une surenchère à la défiscalisation.

En réduisant la notion de compétitivité à son expression la plus primaire qui soit, à savoir une compétitivité-coût qui a pour cible la baisse des charges, vous commettez une erreur de raisonnement économique.

Le dernier rapport du Conseil d'analyse économique, le CAE, a une tout autre approche de la notion de compétitivité. Intégrant les considérations de long terme, le rapport insiste sur les dimensions sociales et environnementales, facteur de compétitivité, telles que la qualité du service public et des infrastructures, l'innovation, la formation et la qualification.

S'agissant du coût pour les finances publiques des allégements de l'ISF, ce sont autant de crédits qui feront défaut dans d'autres domaines où les financements se réduisent comme peau de chagrin.

Les choix de société de ce gouvernement en matière de retraites, de privatisation des services publics, de déréglementation sociale ne font qu'attiser les tensions sociales, alors que la situation exigerait des solutions plus volontaristes et plus innovantes.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre un texte qui constitue un véritable recul quant à l'ISF et une remise en cause du socle de notre législation sociale garantissant la protection des salariés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain.

M. Jean-Louis Lorrain. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi que le Gouvernement nous soumet aujourd'hui en deuxième lecture tend à encourager la création d'entreprise à soutenir le développement des petites et moyennes entreprises et à faciliter leur transmission.

Lever les freins administratifs et fiscaux est l'une des premières revendications des entrepreneurs. Permettre à l'entreprise de renforcer ses fonds propres et d'accéder aux prêts sont des atouts majeurs pour que les entrepreneurs puissent entreprendre sereinement. Par ailleurs, il est vital d'assurer la pérennité des PME en en abaissant le coût de la transmission et en en facilitant la reprise.

Le texte du Gouvernement est novateur et paraît cohérent pour favoriser les créations et les reprises d'entreprise, car il prend en compte le fait que la création d'entreprise plafonne aujourd'hui à un niveau inférieur à celui qui était constaté dans les années quatre-vingt. Les conséquences en sont un non-renouvellement du tissu économique d'autant plus grave que le nombre de faillites augmente et que beaucoup d'entreprises - 50 000 par an - disparaissent faute de repreneur. C'est un risque majeur pour l'emploi entraînant la désertification de certaines régions.

Tout doit donc être fait pour favoriser la pérennité et la croissance des petites et moyennes entreprises. Il est temps de donner de l'air aux jeunes entreprises pour leur permettre de vivre et de se développer, lorsque l'on sait que moins d'une entreprise sur deux franchit le cap des cinq ans.

Dans le monde rural, outre les exploitations agricoles, les entreprises artisanales tiennent une place importante et doivent la conserver et la développer. C'est la raison pour laquelle je me félicite de voir que le projet du Gouvernement, complété par les amendements adoptés par le Sénat en première lecture, apporte aux entreprises artisanales des solutions pratiques, réclamées de longue date par le secteur des métiers et assorties de moyens budgétaires et juridiques adaptés.

La libre détermination du capital social, la protection du patrimoine de l'entrepreneur individuel, le relèvement du seuil d'exonération des plus-values de cession, l'amélioration des conditions de domiciliation chez soi de son entreprise sont autant de mesures qui sont faites pour les entreprises artisanales et qui améliorent l'attractivité des métiers auprès des jeunes et des chefs d'entreprise.

S'agissant de la taxation des plus-values, les plafonds de chiffre d'affaires, même réévalués, continuent d'exclure du bénéfice de l'exonération de nombreuses entreprises, parmi celles qui méritent le plus d'être transmises dans de bonnes conditions.

Le problème est encore plus crucial pour les entreprises agricoles, et il est absolument impératif de mettre en place une fiscalité incitative pour l'installation des jeunes agriculteurs.

La taxation des plus-values professionnelles constitue indéniablement un frein à la transmission de l'entreprise agricole, mettant ainsi l'investissement en péril et contraignant à le réduire afin de faire face à la charge fiscale. Ce point me paraît essentiel, notamment pour l'avenir du monde rural.

C'est la raison pour laquelle nous nous félicitons, avec mes collègues du groupe de l'UMP, de l'adoption sans modification de l'article 22 par l'Assemblée nationale, en deuxième lecture, dans la rédaction issue des travaux du Sénat. Seront ainsi évités les effets de seuil entre les montants d'exonération totale, restés inchangés, et les plafonds d'exonération partielle, qui ont été, en revanche, doublés.

L'amendement que le Sénat a adopté en première lecture le 27 mars dernier tend en effet à lisser le bénéfice des exonérations partielles lorsque le montant des recettes annuelles est compris entre les seuils d'exonération totale et le double des plafonds ouvrant droit, dans le dispositif initial, à l'exonération de 25 %.

Dans ce nouveau dispositif, le taux de l'exonération décroît de manière linéaire et continue de 100 % jusqu'à 0 % en fonction du pourcentage de dépassement des seuils fixés. Ainsi, l'exonération reste totale si le montant des recettes n'excède pas 250 000 euros, ou 90 000 euros, selon les activités précitées. L'exonération est ensuite dégressive pour atteindre un taux nul lorsque les recettes excèdent 350 000 ou 126 000 euros suivant les mêmes activités, soit respectivement 250 000 euros plus 40 % et 90 000 euros plus 40 %.

C'est une première étape dont nous nous félicitons, car ce sujet nous tient particulièrement à coeur.

Le coût des allégements fiscaux va donc s'élever à 250 millions d'euros. Ainsi, pour 83 % des mutations d'entreprises, la taxation va être ramenée de 26 % à 0 %. Ce ne sont pas les gros contribuables qui vont bénéficier de cette mesure, mais les plus petits d'entre eux : les commerçants, les artisans, les professions libérales. Avec mes collègues du groupe de l'UMP, je tiens à saluer l'effort du Gouvernement, qui a accepté l'amendement du Sénat.

Mes collègues du groupe de l'UMP et moi-même voterons ce texte qui tend à porter une réelle attention à la problématique de l'artisanat et des petites et moyennes entreprises et qui, par conséquent, va leur permettre de reprendre un nouveau souffle. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Christian Gaudin.

M. Christian Gaudin. Monsieur le président, monsieur le sécrétaire d'Etat, mes chers collègues, à l'heure où les perspectives de croissance ont été fortement révisées à la baisse et où la conjoncture internationale pèse encore lourdement sur l'activité, il apparaît à la fois urgent et vital de redynamiser l'économie française, et ce d'autant plus qu'au même titre que le rétablissement de la sécurité des personnes la lutte pour l'emploi est et demeure une priorité nationale.

La création d'emplois marchands dans le cadre d'un marché du travail flexibilisé est la seule manière d'obtenir une réduction durable du chômage structurel, chômage dont le niveau demeure compris entre 9 % et 10 % dans notre pays.

Pour s'attaquer à ce noyau de chômage incompressible sur lequel se heurtera une éventuelle reprise, nous avons la possibilité d'actionner de multiples leviers. La relance de la création d'entreprises nouvelles et l'encouragement à l'innovation se comptent incontestablement parmi les plus prometteurs. Comme vous le rappeliez tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat, quand la création d'entreprise ralentit et quand la transmission en est difficile, l'emploi recule.

Le projet de loi pour l'initiative économique est appelé à devenir une pièce importante du dispositif que votre gouvernement, monsieur le sécrétaire d'Etat, met en place en matière de lutte contre le chômage. Avec lui se poursuit la bataille pour l'emploi. Elle ne pourra être gagnée que si le législateur desserre le carcan réglementaire et légal dont de nombreux chefs d'entreprise se plaignent aujourd'hui et qui dissuade un grand nombre d'entrepreneurs potentiels de créer leur propre structure.

L'emploi souffre incontestablement de la morosité de l'entreprenariat français.

Pour répondre à la baisse croissante du nombre d'entreprises créées chaque année en France, la loi pour l'initiative économique simplifie, allège, encourage. Non seulement ce texte réforme les formalités administratives de constitution de sociétés individuelles, de sociétés de capitaux ou de personnes et crée un véritable statut du salarié entrepreneur, mais, en outre, elle aide les entreprises existantes à se pérenniser.

La réforme de la transmission d'entreprise vise à permettre aux petites structures de survivre à leur fondateur.

Toutes ces mesures auront incontestablement un effet bénéfique sur l'emploi. Elles participent à la fois d'une vision défensive et offensive des politiques d'emploi.

La loi pour l'initiative économique était ardemment attendue par ceux-là même qui impriment son dynamisme à notre économie, à ceux qui font la croissance, les entrepreneurs. Elle est aujourd'hui saluée par l'entreprenariat français.

Notre pays avait depuis longtemps besoin d'un texte complet, d'un texte global susceptible d'embrasser tous les stades et tous les aspects de la création d'entreprise, depuis la mise en place de la structure juridique jusqu'à la transmission des entreprises et leur développement à l'international en passant par la recherche de financement.

Au point où nous en sommes de la navette parlementaire, l'essentiel du texte est bouclé. L'Assemblée nationale a adopté les articles les plus importants dans leur rédaction issue des travaux du Sénat. Pour le reste, l'essentiel de notre travail consistera à procéder à quelques réglages fins et à enregistrer quelques améliorations à la marge.

Cependant, il reste encore un point fondamental, un point-clé, sur lequel le texte qui nous est présenté pèche étrangement. Vous l'aurez sans doute compris, monsieur le secrétaire d'Etat, je veux parler de l'article 2 portant création du récépissé de création d'entreprise.

La question s'est posée de savoir à qui il appartenait de délivrer le nouveau RCE. Tandis que l'Assemblée nationale introduisait en première lecture, et contre l'avis du Gouvernement, un amendement ouvrant aux centres de formalités des entreprises le droit de délivrer le récépissé, au Sénat, la commission spéciale défendait le monopole des greffes dans le droit de délivrance du nouveau récépissé. Après que l'Assemblée nationale a rétabli en deuxième lecture le texte de l'amendement qu'elle avait adopté en faveur des chambres de commerce et d'industrie, la question se pose de nouveau à nous de savoir quelle solution privilégier.

Monsieur le secrétaire d'Etat, votre texte est bon, car il permet l'entreprenariat, mais il serait sans doute meilleur si on l'expurgeait des mesures dont l'utilité n'apparaît pas toujours évidente.

On se pose la question de savoir qui doit délivrer le RCE. Monsieur le secrétaire d'Etat, est-ce la bonne question ? Ne faut-il pas tout simplement envisager la suppression de cet article ?

Sous cette réserve, et comme vous l'aurez sans doute déjà compris, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le groupe de l'Union centriste votera le présent projet de loi. Il me reste à vous remercier, monsieur le secrétaire d'Etat, et à féliciter la commission spéciale, notamment son président, M. Francis Grignon, et ses rapporteurs, M. Jean-Jacques Hyest, Mme Annick Bocandé et M. René Trégouët, de leur excellent travail. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, concernant ses aspects sociaux, le texte qui nous revient de l'Assemblée nationale en deuxième lecture ne contient plus que huit articles restant en discussion : six au titre II, et deux au titre IV.

Lors de mon intervention de première lecture, j'avais attiré votre attention sur trois dispositions : le guichet social unique pour les travailleurs indépendants, le chèque-emploi entreprises et la présomption de non-salariat.

Les deux premières ont, certes, disparu du texte sur l'initiative du Sénat, mais pour finalement réapparaître dans le texte relatif aux ordonnances.

Permettez-moi de rappeler mes regrets quant au fait que le Parlement soit dessaisi de ces questions, en particulier après l'important travail réalisé par la commission spéciale du Sénat. Nous aurions aimé aller jusqu'au bout de la démarche de conciliation entamée avec l'ensemble des partenaires sociaux. Néanmoins, on se consolera en disant que les arguments développés en première lecture ont, si ce n'est convaincu le Gouvernement, du moins quelque peu infléchi sa position.

La troisème disposition, elle, demeure. Adoptée conforme, elle n'est même plus en discussion. Je rappelle néanmoins l'opposition de mon groupe à la présomption de non-salariat introduite par l'article 12 bis du projet de loi.

Je dirai à nouveau tout le mal que je pense de cette disposition, qui est véritablement une invitation à la fausse sous-traitance. L'objectif reste, pour les employeurs, de transformer le contrat de travail en contrat de prestation de services, afin de se désengager des obligations juridiques et sociales qui s'attachent au premier, comme le respect du code du travail et des conventions collectives ou le paiement des cotisations sociales, notamment.

Cette disposition participe incontestablement de votre volonté politique à long terme, ou plutôt à court terme, de briser la relation salariale et l'ensemble des garanties juridiques et sociales qui ont été progressivement conquises par les salariés.

Concernant les propositions formulées par Mme Bocandé au nom de la commission spéciale, j'exprimerai un satisfecit et un regret.

S'agissant de la nouvelle suppression de l'article 8 bis, j'apporte de nouveau le soutien de mon groupe à Mme le rapporteur. Comme nous l'avons fait remarquer en première lecture, cet article contrevient au principe d'équité : il n'y a pas de raison de favoriser les conjoints de demandeurs d'emploi indemnisés qui pourraient bénéficier d'une exonération de charges sans condition, alors que ces derniers seraient tenus de passer par le dispositif ACCRE - aide aux chômeurs créateurs et repreneurs d'entreprise -, beaucoup plus contraignant.

Le désaccord entre nos deux assemblées demeure à cet égard.

Concernant la proratisation des cotisations sociales des entrepreneurs occasionnels à l'article 12, on regrette seulement, madame le rapporteur, que vous renonciez à rétablir la « version Sénat » de cet article, qui nous semblait en effet plus juste et plus proche des réalités vécues par nos concitoyens. Pourquoi renoncer à l'inscrire dans le texte législatif, alors même que le Gouvernement y adhère ? Pourquoi ne pas s'engager par écrit plutôt que par oral, monsieur le secrétaire d'Etat ?

Pour conclure, je rappelle que le groupe socialiste votera contre ce projet de loi, comme l'a rappelé mon collègue Marc Massion.

S'agissant de son volet social, ce texte m'apparaît largement menaçant pour certains pans du droit du travail, notamment si l'on y ajoute les dispositions prévues par la loi d'habilitation. Nous voterons donc également contre ce volet social. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets de loi, la discusion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.