M. le président. « Art. 1er. - Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
« 1° Le titre III du livre Ier est complété par un chapitre III ainsi rédigé :
« Chapitre III
« Rémunération au titre du prêt en bibliothèque
« Art. L. 133-1. - Lorsqu'une oeuvre a fait l'objet d'un contrat d'édition en vue de sa publication et de sa diffusion sous forme de livre, l'auteur ne peut s'opposer au prêt d'exemplaires de cette édition par une bibliothèque accueillant du public.
« Ce prêt ouvre droit à rémunération au profit de l'auteur selon les modalités prévues à l'article L. 133-4.
« Art. L. 133-2. - La rémunération prévue par l'article L. 133-1 est perçue par une ou plusieurs des sociétés de perception et de répartition des droits régies par le titre II du livre III et agréées à cet effet par le ministre chargé de la culture.
« L'agrément prévu au premier alinéa est délivré en considération :
« - de la diversité des associés ;
« - de la qualification professionnelle des dirigeants ;
« - des moyens que la société propose de mettre en oeuvre pour assurer la perception et la répartition de la rémunération au titre du prêt en bibliothèque ;
« - de la représentation équitable des auteurs et des éditeurs parmi ses associés et au sein de ses organes dirigeants.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions de délivrance et de retrait de cet agrément.
« Art. L. 133-3. - La rémunération prévue au second alinéa de l'article L. 133-1 comprend deux parts.
« La première part, à la charge de l'Etat, est assise sur une contribution forfaitaire par usager inscrit dans les bibliothèques accueillant du public pour le prêt, à l'exception des bibliothèques scolaires. Un décret fixe le montant de cette contribution, qui peut être différent pour les bibliothèques des établissements d'enseignement supérieur, ainsi que les modalités de détermination du nombre d'usagers inscrits à prendre en compte pour le calcul de cette part.
« La seconde part est assise sur le prix public de vente hors taxes des livres achetés, pour leurs bibliothèques accueillant du public pour le prêt, par les personnes morales mentionnées au troisième alinéa (2°) de l'article 3 de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre ; elle est versée par les fournisseurs qui réalisent ces ventes. Le taux de cette rémunération est de 6 % du prix public de vente.
« Art. L. 133-4. - La rémunération au titre du prêt en bibliothèque est répartie dans les conditions suivantes :
« 1° Une première part est répartie à parts égales entre les auteurs et leurs éditeurs à raison du nombre d'exemplaires des livres achetés chaque année, pour leurs bibliothèques accueillant du public pour le prêt, par les personnes morales mentionnées au troisième alinéa (2°) de l'article 3 de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 précitée, déterminé sur la base des informations que ces personnes et leurs fournisseurs communiquent à la ou aux sociétés mentionnées à l'article L. 133-2 ;
« 2° Une seconde part, qui ne peut excéder la moitié du total, est affectée à la prise en charge d'une fraction des cotisations dues au titre de la retraite complémentaire par les personnes visées au second alinéa de l'article L. 382-12 du code de la sécurité sociale. » ;
« 2° et 3° Non modifiés. »
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
M. le président. « Art. 4 bis. - Le Gouvernement présentera au Parlement, deux ans après l'entrée en vigueur de la présente loi, un rapport sur son application et ses incidences financières. »
L'amendement n° 1, présenté par Mmes Pourtaud et Blandin, MM. Lagauche, Weber et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi cet article :
« Deux ans après l'entrée en vigueur de la présente loi, le Gouvernement dépose conjointement sur le bureau des deux assemblées un rapport sur l'exécution des dispositions de celle-ci qui fait l'objet d'une présentation devant les commissions compétentes.
« Ce rapport dresse, plus particulièrement, un bilan :
« - de la perception effective de la rémunération due au titre du prêt en bibliothèque par les auteurs et les éditeurs ;
« - des fonds perçus au titre de la prise en charge des cotisations dues au titre de la retraite complémentaire des auteurs ;
« - du coût de la réforme pour les personnes morales gérant une bibliothèque accueillant du public et, plus particulièrement, de la modification éventuelle de leur capacité d'achat d'ouvrages de leurs bibliothèques du fait de l'application des dispositions de l'article 3 de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 précitée ;
« - de son incidence financière pour les libraires réalisant des ventes conformément à l'article 3 de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 précitée.
« Ce rapport fait l'objet d'un débat en séance publique à l'Assemblée nationale et au Sénat. »
Avant de donner la parole à Mme Danièle Pourtaud pour défendre cet amendement, permettez-moi de rappeler - phrase puisée elle aussi des Evangiles, monsieur le ministre - qu'« une femme vaillante est plus précieuse qu'une perle ». (Sourires.)
M. Jacques Valade, président de la commission. Très bien !
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le président, vous allez me faire rougir ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. Vous avez la parole pour présenter l'amendement n° 1, madame Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Par cet amendement, nous vous proposons de revenir au texte que le Sénat avait adopté en première lecture, sur l'initiative du groupe socialiste.
L'Assemblée nationale a préféré adopter une formulation beaucoup plus floue, qui n'apporte pas, à nos yeux, les garanties nécessaires d'un bon contrôle des incidences qu'aura le dispositif sur l'ensemble des parties intéressées par ce texte.
Nous déposons donc un amendement identique à celui que, dans sa grande sagesse, la Haute Assemblée avait adopté en première lecture.
Notre texte prévoit qu'un bilan gouvernemental sera présenté au Parlement au bout de deux ans d'application de la loi, document qui devra bien mettre en lumière les incidences financières du projet de loi, pour l'ensemble des acteurs concernés.
Ces acteurs sont nombreux. Ils ont réussi à se mettre d'accord sur les termes de la transposition de la directive, après une longue période de concertation voulue par Catherine Trautmann et Catherine Tasca. On ne peut cependant pas exclure un surcoût de charges pour les collectivités territoriales, principales gestionnaires des bibliothèques publiques de prêt.
Il a déjà souvent été fait état, dans des notes de projection fournies localement par les conservateurs et responsables de bibliothèques, d'un risque de perte, estimée entre 10 % et 15 %, de la capacité d'achat d'ouvrages par ces établissements.
Monsieur le ministre, vous venez de nous annoncer que l'Etat, par le biais du Centre national du livre, aiderait les bibliothèques qui maintiendront leur niveau d'achat. Cette promesse constitue, certes, une avancée, mais elle n'aidera que les bibliothèques qui auront déjà les moyens de maintenir leurs achats. Nous continuons donc à penser que l'évaluation est nécessaire.
Par ailleurs, il serait opportun de savoir si la rémunération des auteurs et des éditeurs et si la retraite complémentaire des auteurs se trouveront substantiellement améliorées grâce à l'application de la loi dont nous débattons aujourd'hui.
Enfin, alors que le circuit des petites librairies avait pu être préservé grâce à la loi Lang, de 1981, il sera éclairant de savoir si la modification de ce même texte, tendant à plafonner les réductions des ouvrages acquis pour être prêtés en bibiothèques, aura permis aux librairies de pénétrer le marché des bibliothèques, puisque c'est l'objectif, contribuant ainsi au maintien de cet indispensable tissu de commerce de proximité.
Nous souhaitons donc que le Sénat et l'Assemblée nationale soient informés des conséquences précises de l'application de cette loi, au moyen de ce bilan soumis à leurs commissions des affaires culturelles.
Je demande donc au Sénat de bien vouloir confirmer le vote qui fut le sien en première lecture.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Eckenspieller, rapporteur. Nous comprenons bien le souci des auteurs de cet amendement, qui tiennent à s'assurer autant que possible de l'exhaustivité du rapport qui sera élaboré par le Gouvernement afin de pouvoir tirer le bilan de l'application de la loi.
Aussi la commission des affaires culturelles puis le Sénat avaient-ils jugé bienvenu l'amendement présenté en première lecture par Mme Pourtaud. On est effectivement en droit de s'interroger sur la mise en oeuvre des mécanismes extrêmement complexes que la loi prévoit.
Toutefois, à trop entrer dans le détail, on risque de perdre de vue l'essentiel, et une énumération précise et exhaustive pourrait, par là même, être limitative.
Il nous a donc semblé plus sage, au bénéfice des engagements que M. le ministre a déjà pris en première lecture et qu'il voudra bien réitérer ici même, je l'espère, de nous en tenir à une formulation plus classique et plus générale.
Enfin, la rédaction retenue par l'Assemblée nationale présente également l'avantage de ne pas exclure du champ du rapport les éléments nouveaux introduits dans la loi, en particulier la réforme de la taxe sur les vidéogrammes et le devenir de la Cité de l'architecture et du patrimoine.
C'est la raison pour laquelle je suggère aux auteurs de cet amendement de bien vouloir le retirer, faute de quoi la commission émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Aillagon, rapporteur. C'est désormais clair, le Gouvernement accepte le principe d'un rapport au Parlement. Il estime cependant qu'une formulation plus resserrée est préférable. En effet, l'énumération des points très précis - de nature infralégislative - lui semble disproportionnée.
Par ailleurs, le bilan que le Gouvernement vous présentera ne manquera pas d'aborder tous les sujets que vous avez évoqués.
Plus largement, soyez bien persuadée, madame Pourtaud, que le Gouvernement sera attentif à l'évaluation d'une réforme à laquelle il attache une grande importance et pour laquelle il mobilisera lui-même des moyens importants.
Si l'amendement n° 1 est maintenu, le Gouvernement y sera défavorable.
En outre, madame la sénatrice, je tiens à vous rassurer sur notre volonté de préserver la capacité d'acquisition des bibliothèques, notamment de celles qui relèvent des petites collectivités. Ce sont en effet celles-là qui, hélas, jusqu'à présent, ne bénéficiaient que des rabais les plus modestes. Les rabais importants étaient surtout accordés aux collectivités disposant d'un grand réseau de bibliothèques, et je pense plus particulièrement à la capitale de notre pays, dont je connais bien la situation. La Ville de Paris exige en effet des grossistes des rabais considérables. Certes, elle se verra privée de ces rabais mais, chacun le sait, son budget est bien plus important que celui des autres municipalités.
M. le président. Madame Pourtaud, maintenez-vous l'amendement n° 1 ?
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le président, si vous me permettez de continuer le jeu des citations, j'aimerais soumettre celle-ci à la réflexion de M. le rapporteur : « Le diable est dans les détails. » (Sourires.)
Je maintiens l'amendement n° 1.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 4 bis.
(L'article 4 bis est adopté.)
M. le président. « Art. 5. - Hormis les articles suivant le présent article, la présente loi entre en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant sa publication au Journal officiel.
« Jusqu'à l'expiration d'un délai d'un an à compter de la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le taux de la rémunération prévue au troisième alinéa de l'article L. 133-3 du code de la propriété intellectuelle est fixé à 3 %. Durant ce délai, le prix effectif de vente mentionné au premier alinéa de l'article 3 de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre peut être compris entre 88 % et 100 % du prix de vente au public fixé par l'éditeur ou l'importateur.
« Les dispositions prévues au troisième alinéa de l'article L. 133-3 du code de la propriété intellectuelle et aux trois premiers alinéas de l'article 3 de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 précitée ne s'appliquent pas aux marchés publics dont l'avis d'appel public à la concurrence a été envoyé à la publication avant la date d'entrée en vigueur de la présente loi.
« Les marchés publics en cours d'exécution à la date d'entrée en vigueur de la présente loi et les marchés publics dont l'avis d'appel public à la concurrence a été envoyé à la publication avant cette même date doivent être résiliés au plus tard un an après l'entrée en vigueur de la présente loi dès lors qu'ils comportent des dispositions non conformes aux trois premiers alinéas de l'article 3 de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 précitée.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe en tant que besoin les conditions d'application de la présente loi. » - (Adopté.)
Article 6
M. le président. « Art. 6. - I. - Après l'article 302 bis KD du code général des impôts, il est inséré un chapitre VII quinquies intitulé "Taxe sur les ventes et les locations de vidéogrammes destinés à l'usage privé du public" et comprenant un article 302 bis KE ainsi rédigé :
« Art. 302 bis KE. - Il est institué, à compter du 1er juillet 2003, une taxe sur les ventes et locations en France, y compris dans les départements d'outre-mer, de vidéogrammes destinés à l'usage privé du public.
« Cette taxe est due par les redevables qui vendent ou louent des vidéogrammes à toute personne qui elle-même n'a pas pour activité la vente ou la location de vidéogrammes.
« La taxe est assise sur le montant hors taxe sur la valeur ajoutée du prix acquitté au titre de l'opération visée ci-dessus.
« Le taux est fixé à 2 %.
« La taxe est exigible dans les mêmes conditions que celles applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée.
« Elle est constatée, liquidée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe. »
« II. - L'article 1647 du même code est complété par un IX ainsi rédigé :
« IX. - Pour frais d'assiette et de recouvrement, l'Etat effectue un prélèvement de 2,5 % sur le montant de la taxe mentionnée à l'article 302 bis KE. »
« III. - A compter du 1er juillet 2003, le quatrième alinéa du a du 1° et le deuxième alinéa du a du 2° du II de l'article 57 de la loi de finances pour 1996 (n° 95-1346 du 30 décembre 1995) sont ainsi rédigés :
« - dans des proportions établies chaque année par la loi de finances, le produit des taxes prévues aux articles 302 bis KB et 302 bis KE du code général des impôts ; ».
« IV. - A compter du 1er juillet 2003, l'article 49 de la loi de finances pour 1993 (n° 92-1376 du 30 décembre 1992) est abrogé. » - (Adopté.)
M. le président. « Art. 7. - La Cité de l'architecture et du patrimoine est un établissement public à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle du ministre chargé de la culture. Elle a pour mission de promouvoir la connaissance du patrimoine et de l'architecture, leur histoire et leur insertion dans les territoires, ainsi que la diffusion de la création architecturale tant en France qu'à l'étranger. Elle participe à la valorisation de la recherche et à la formation des agents publics et des professionnels du patrimoine et de l'architecture.
« Elle est administrée par un conseil d'administration et dirigée par un président nommé par décret. Le conseil d'administration est composé de représentants de l'Etat, de représentants élus du personnel et de personnalités qualifiées désignées par le minitre chargé de la culture.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 2 est présenté par Mmes Pourtaud et Blandin, MM. Lagauche, Weber et les membres du groupe socialiste et apparenté.
L'amendement n° 5 est présenté par M. Renar, Mme David, MM. Ralite, Autain et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Dans la première phrase du premier alinéa de cet article, remplacer les mots : "industriel et commercial" par le mot : "administratif". »
La parole est à Mme Danièle Pourtaud, pour présenter l'amendement n° 2.
Mme Danièle Pourtaud. La Cité de l'architecture et du patrimoine ouvrira ses portes, en principe, au début de l'année 2005. Elle prendra place dans l'aile Passy du palais de Chaillot, où les travaux d'aménagement ont débuté depuis un an et demi. Seront installés dans cette Cité l'actuel Musée des monuments français, le Centre des hautes études de Chaillot - le CEDHEC - et l'Institut français d'architecture - l'IFA.
Je m'étonne, comme mon ami Patrick Bloche, lors du débat à l'Assemblée nationale, que vous ayez retenu le statut d'EPIC pour la future Cité. En effet, sauf renversement de la charge de la preuve en ce qui concerne cumulativement l'objet du service, son mode de gestion et son mode de financement, tout service public est présumé à caractère administratif.
Les activités assumées par les trois entités précitées relèvent effectivement toutes de missions de service public, et leur mode de financement est public.
Le Musée des monuments français, en tant que musée national, devrait, comme tous les autres musées nationaux, avoir un statut d'établissement public administratif ou de service à compétence nationale. Aucun des trente-trois musées nationaux n'a aujourd'hui le statut d'EPIC, sauf la Cité des sciences et de l'industrie, dont l'activité principale est, il est vrai, la gestion d'une salle de spectacle.
Le nombre de musées nationaux bénéficiant aujourd'hui du statut d'EPA va bientôt doubler, puisque vous avez annoncé, monsieur le ministre, lors du conseil des ministres du 4 juin dernier, qu'Orsay et Guimet allaient rejoindre le Louvre et Versailles dans cette catégorie. L'application du dispositif de l'article 7 va donc constituer une première : un musée national prend le statut d'EPIC. Pourquoi inverser la tendance et faire glisser l'activité muséographique vers le secteur marchand ?
La mission assumée par le CEDHEC a, elle aussi, tout d'une mission de service public : le CEDHEC forme des paysagistes, des architectes et des urbanistes par un enseignement de spécialisation sur le patrimoine architectural, formation sanctionnée par l'obtention d'un diplôme. Je constate là encore qu'aucun autre établissement d'enseignement supérieur sous tutelle du ministère de la culture n'a le statut d'EPIC, si ce n'est l'Ecole nationale supérieure de la création industrielle, mais cela est dû à la spécificité de l'enseignement dispensé, qui entraîne la commercialisation des projets des élèves, et aux relations entretenues avec le secteur de l'industrie par cette école. Je m'étonne donc que le CEDHEC puisse être géré sous forme d'EPIC.
J'en viens à la dernière mission, celle qu'assure l'Institut français d'architecture, qui relève tout particulièrement du service public puisque l'Institut a été créé en tant qu'association de préfiguration de la future Cité. Ses archives appartiennent aux Archives nationales. L'Institut assume donc bien une mission de service public.
C'est un comble : le Gouvernement transforme une autre association, à savoir l'Ecole nationale supérieure de la photographie, en EPA à l'article 8 - autre « cavalier » de ce même projet de loi -, mais il refuse cette possibilité à l'IFA alors que ces deux associations assument le même type de missions.
Je crois avoir parfaitement démontré que les trois entités qui composeront la future Cité de l'architecture et du patrimoine devraient chacune individuellement relever du statut d'établissement public administratif.
Le rassemblement en une même structure de ces trois institutions renforce mon sentiment que seul un EPA est à même de les gérer. Les missions culturelles et éducatives de service public s'accommodent mal d'obligations de résultats commerciaux. Le statut d'EPIC représente une menace tant pour l'indépendance intellectuelle de la programmation de l'établissement que pour la sécurité de l'emploi des personnels.
Pour toutes ces raisons, je demande au Sénat de bien vouloir adopter cet amendement et de remplacer le statut d'EPIC par le statut d'EPA.
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour présenter l'amendement n° 5.
M. Ivan Renar. Il faut rappeler que les missions comparables à celles de la Cité de l'architecture et du patrimoine assurées au sein du ministère de la culture incombent soit à des EPA, soit à des services du ministère. J'ajoute d'ailleurs que les circulaires d'application relatives aux établissements publics de coopération culturelle, les EPCC, que transmettent actuellement les préfets, prévoient le statut d'EPA pour ce genre d'établissements.
Tout service public est présumé à caractère administratif ; la qualification industrielle et commerciale est incompatible avec la nature des activités qui se rattachent aux prérogatives de puissance publique et à leur mode de financement, qui est exclusivement d'origine budgétaire.
En inscrivant la Cité de l'architecture et du patrimoine dans le cadre industriel et commercial, le Gouvernement met en jeu le principe de la séparation des pouvoirs posé par la loi des 16 et 24 août 1790 et déroge largement à la compétence du juge administratif.
L'histoire de notre législation démontre que l'exception culturelle a une assise profonde. Elle pourrait inspirer l'étranger et notre pays faire des émules en Europe. Au lieu de cela, nous assistons à des dérapages très peu contrôlés dont le présent article est encore un exemple, puisqu'il place les missions de la Cité de l'architecture et du patrimoine dans le secteur marchand, sans que les personnels concernés par cette réforme soient pris en considération.
Tels sont les motifs de cet amendement que je vous demande de voter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Eckenspieller, rapporteur. La commission considère que le choix effectué par le Gouvernement concernant le statut de l'établissement public de la Cité de l'architecture et du patrimoine est judicieux, car il offre la souplesse de gestion qui, précisément, manque à d'autres établissements publics nationaux à caractère administratif dans le secteur de la culture.
La diversité des personnels auxquels devra recourir la Cité de l'architecture et du patrimoine ainsi que la possibilité de réaliser des recettes commerciales substantielles militent également en faveur du choix du statut d'EPIC.
C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Je partage tout à fait, cela va de soi, l'analyse de la commission.
Je rappelle que la plus grande partie des personnels qui constitueront le personnel de la future Cité de l'architecture et du patrimoine relèvent aujourd'hui d'une association, et donc du droit privé. Il s'agit en effet des agents de l'Institut français d'architecture.
De plus, nous comptons bien que, à travers tant ses actions de formation que de production d'expositions et d'édition, la Cité de l'architecture et du patrimoine soit en mesure de générer des recettes propres.
Par ailleurs, et de façon plus générale, j'observe qu'il ne faut surtout pas opposer service public et statut d'établissement public à caractère industriel et commercial. Ce statut est au contraire propice à l'émergence de projets artistiques ou culturels autonomes.
L'Opéra national de Paris est un établissement public à caractère industriel et commercial : il est évident que ce statut n'enlève pas un gramme à la responsabilité de programmation de M. Gall !
La Cité des sciences et de l'industrie est un établissement public à caractère industriel et commercial : les bibliothécaires de la Cité des sciences et de l'industrie ne sont pas privés d'un seul gramme, ni même d'un seul décigramme de leurs responsabilités professionnelles !
Je suis pour ma part tout à fait convaincu que, selon les cas, un projet de service public peut se développer dans le cadre d'un établissement public à caractère industriel et commercial comme dans le cadre d'un établissement public à caractère administratif.
Vous avez d'ailleurs remarqué que nous ne sommes pas dogmatiques puisque, au cours de la même délibération, il vous est proposé, d'un côté, d'ériger, compte tenu de sa situation particulière, la Cité de l'architecture et du patrimoine en établissement public à caractère industriel et commercial et, de l'autre, de faire de l'Ecole nationale supérieure de la photographie un établissement public à caractère administratif pour mettre cet établissement dans une situation conforme à celle des autres établissements de même nature.
Je suis donc défavorable aux amendements identiques présentés par Mme la sénatrice de Paris et par M. le sénateur du Nord.
M. le président. La parole est à M. Denis Badré, pour explication de vote sur les amendements n°s 2 et 5.
M. Denis Badré. Je suis opposé aux amendements identiques de Mme Pourtaud et de M. Renar, et j'abonde dans le sens de M. le rapporteur et de M. le ministre.
Je citais en préambule de mon exposé dans la discussion générale la fable du violoniste et du comptable de Yehudi Menuhin. Vous avez raison, pour un violoniste, il est profondément choquant que l'on puisse envisager de faire du commerce avec des pièces de musée. Cependant, mon expérience - puisque dans une vie antérieure j'ai dirigé des établissements publics à caractère administratif et des EPIC - m'autorise à dire que le statut d'EPIC donne beaucoup plus de marges de manoeuvre, marges qui nous sont d'autant plus nécessaires que le monde dans lequel il nous appartient de faire rayonner notre pays et de concurrencer nos partenaires est ouvert. Combien de fois ai-je regretté, lorsque je dirigeais une grande école, d'être à la tête d'un établissement public à caractère administratif et d'être privé des marges de manoeuvre que nous aurait données le statut d'EPIC !
Le pragmatisme doit nous guider dans le choix de la formule la plus opérationnelle pour un établissement de cette nature. Ne nous installons pas dans le passé : préparons l'avenir. C'est ce que permet le statut de l'EPIC.
Sans doute faudra-t-il d'ailleurs un jour appeler autrement les EPIC pour ouvrir ce statut au plus grand nombre d'établissements possible, mais c'est plus une question de sémantique qu'une question de fond.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Tout à fait !
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.
M. Ivan Renar. Je partage la dernière réflexion de notre collègue Denis Badré. C'est d'ailleurs ce qui nous a conduits à voter la loi relative à la création d'établissements publics de coopération culturelle, loi qui aurait dû permettre d'éviter ce vrai-faux débat, ou ce faux-vrai débat, sur la nature profonde de ces établissements.
Il faudra bien un jour reconnaître que les établissements publics de coopération culturelle peuvent être à la fois à caractère administratif, industriel ou commercial, mais sont avant tout des établissements publics à caractère culturel, cette notion correspondant d'ailleurs à celle d'exception culturelle.
C'était le sens du débat qui a conduit à l'adoption, à l'unanimité, de la proposition de loi sur les établissements de coopération culturelle. Et il est vrai que la méfiance disparaîtrait avec un changement de dénomination. En somme, il faudrait plus de souplesse dans les EPA et peut-être plus de rigueur dans les EPIC.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 2 et 5.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par Mmes Pourtaud et Blandin, MM. Lagauche, Weber et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Dans la deuxième phrase du premier alinéa de cet article, après les mots : "leur insertion dans les territoires," insérer les mots : "la conservation et la mise en valeur des collections,". »
La parole est à Mme Danièle Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. La future Cité de l'architecture et du patrimoine englobera notamment l'Institut français d'architecture et le Musée des monuments français, déjà sur le site de Chaillot.
Je rappelle que l'IFA a été créé il y a maintenant plus de dix ans sous forme d'association de préfiguration de la future Cité.
Cet institut a, depuis lors, assumé une mission importante de centre de documentation de l'architecture. Il accueille une bibliothèque et un centre d'archives d'architecture du xxe siècle, qui comprend aujourd'hui plus de 250 fonds appartenant aux archives nationales et traitées à l'IFA.
Les deux institutions qui seront accueillies par la Cité de l'architecture et du patrimoine possèdent donc un important fonds patrimonial. Le nouvel établissement public devra de facto assumer au titre de ses missions la conservation et la valorisation de ces collections.
Le Gouvernement a vraisemblablement omis d'inscrire ces missions dans la loi, qui en énumère pourtant d'autres : connaissance du patrimoine et de l'architecture, histoire et insertion de ces disciplines dans les territoires, diffusion de la création architecturale tant en France qu'à l'étranger, valorisation de la recherche et formation des agents et des professionnels.
Nous vous proposons donc de réparer cet oubli et d'ajouter à cette liste la mission de « conservation et de mise en valeur du patrimoine », qui concernera et le Musée des monuments français et l'IFA.
J'ajoute que cette mission s'inscrit dans le droit-fil de la loi n° 2002-5 du 4 janvier 2002 relative aux musées de France.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Eckenspieller, rapporteur. Il nous semble que la définition des missions de la Cité de l'architecture et du patrimoine telle qu'énoncée à l'article 7 du projet de loi est suffisamment large pour que l'on puisse considérer qu'y sont incluses les missions de conservation.
Nous partageons la préoccupation des auteurs de l'amendement quant à la conservation et à la mise en valeur des collections, notamment de celles qui relèvent aujourd'hui du Musée des monuments français et de l'Institut français d'architecture, collections dont nous connaissons tous l'intérêt, mais également les conditions de conservation, actuellement très précaires.
Je souhaite par conséquent que M. le ministre nous précise la place exacte qui sera dévolue à cette mission dans le nouvel établissement public.
Si ces explications devaient vous satisfaire, je vous demanderais, madame Pourtaud, de bien vouloir retirer l'amendement n° 3. A défaut, je serais amené à émettre un avis défavorable à son adoption.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Il est évident que l'une des missions de la Cité de l'architecture et du patrimoine sera la conservation des collections, c'est-à-dire, d'une part, du patrimoine du Musée des monuments français, d'autre part, du patrimoine constitué par l'Institut français d'architecture sur la mémoire de l'architecture française des xxe et xxie siècle.
L'étendue de cette mission sera précisée dans le décret statutaire qui réglera le fonctionnement et l'organisation de l'institution.
Pour ma part, j'estime que la loi est suffisamment précise : elle n'exclut pas, même si elle ne la mentionne pas expressément, la mission patrimoniale de la Cité de l'architecture et du patrimoine.
La situation du Musée des monuments français appelle en effet notre vigilance. Ce musée a été victime d'une longue négligence, sans même parler des effets de l'incendie qui, dévastant la toiture de l'aile Paris du palais de Chaillot, a également dévasté les collections, ensuite abondamment arrosées par les pompiers.
Ces collections, constituées de moulages des principaux monuments français et d'éléments larges de leur système décoratif ou de leur architecture - des portails, par exemple, comme ceux de la cathédrale de Chartres ou de Vézelay - mais également de reproductions des principaux systèmes de peinture des grands monuments de l'époque romane et de l'époque gothique, sont en cours de dépose et de restauration. Elles seront valorisées dans le Musée des monuments français.
N'oublions pas que ce musée avait été voulu, par Viollet-le-Duc d'abord, par son élève Anatole de Baudot ensuite, comme un musée pédagogique. Son association avec un établissement dont l'activité est centrée sur l'architecture contemporaine et sur la formation des architectes qui se consacreront aux interventions sur les monuments historiques est donc tout à fait judicieuse.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à l'amendement n° 3.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 6, présenté par M. Renar, Mme David, MM. Ralite, Autain et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnels employés à la date de promulgation de la présente loi pour une durée indéterminée par l'association "Institut français d'architecture" pourront, à titre individuel, à leur demande, bénéficier d'un contrat de droit public à durée indéterminée, en conservant leur régime de retraite complémentaire et de prévoyance. Ils continueront à recevoir une rémunération nette au moins égale à leur rémunération globale antérieure nette. »
L'amendement n° 4, présenté par Mmes Pourtaud et Blandin, MM. Lagauche, Weber et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Après le deuxième alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« A compter de la création de l'établissement public dénommé "Cité de l'architecture et du patrimoine", les personnels employés à la date de promulgation de la présente loi pour une durée indéterminée par l'association "Institut français d'architecture" pourront, à titre individuel, sur leur demande et dans la limite des emplois budgétaires inscrits sur le budget de l'établissement, bénéficier d'un contrat de droit public à durée indéterminée, en conservant leur régime de retraite complémentaire et de prévoyance. Ils continueront à percevoir une rémunération nette au moins égale à leur rémunération globale antérieure nette. »
La parole est à M. Ivan Renar, pour présenter l'amendement n° 6.
M. Ivan Renar. Cet amendement tend à permettre aux personnels de la Cité de l'architecture et du patrimoine de préserver leurs droits acquis en matière d'emploi, de rémunération et de régime de retraite.
Nous pensons que tous les personnels doivent être intégrés, ce que le budget de l'établissement devrait rendre possible.
Je tiens à dire par ailleurs que nous regrettons qu'aucune concertation n'ait eu lieu à ce sujet avec les représentants du personnel.
M. le président. La parole est à Mme Danièle Pourtaud, pour présenter l'amendement n° 4.
Mme Danièle Pourtaud. Cet amendement, qui relève du même esprit que celui de nos collègues du groupe CRC, vise à appliquer aux personnels de la future Cité de l'architecture et du patrimoine les dispositions prévues par le précédent « cavalier » pour les personnels de l'IFA.
Certes, l'article 7 du projet de loi donne à la Cité de l'architecture et du patrimoine le statut d'EPIC. Nous souhaitons néanmoins que les futurs personnels se voient garantir des droits qu'ils ont acquis dans l'association de préfiguration. Nous voulons en particulier que des postes budgétaires puissent leur être ouverts.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Eckenspieller, rapporteur. Le statut d'EPIC de la Cité de l'architecture et du patrimoine ayant été confirmé, ces amendements me semblent sans objet.
En tout état de cause, la commission y est défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Je me range à l'avis de M. le rapporteur : ces amendements ne sont en effet pas cohérents avec le rejet par la Haute Assemblée des amendements tendant à donner à la Cité de l'architecture et du patrimoine le statut d'EPA.
Je reviens à ce que disait M. le sénateur des Hauts-de-Seine : il faut donner à nos établissements une gestion dynamique et souple. Ayant présidé un établissement public à caractère administratif, j'ai trop mesuré les inconvénients de la gestion rigide qui découle de ce statut.
Croyez-moi, madame la sénatrice, monsieur le sénateur, nous offrons une grande chance à la Cité de l'architecture et du patrimoine en lui permettant de bénéficier d'un statut aussi souple. C'est également une chance pour le développement de l'emploi au sein de cette future structure.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)