TITRE Ier
DÉCENTRALISATION EN MATIÈRE DE
REVENU MINIMUM D'INSERTION
Article additionnel avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 86, présenté par Mme Blandin, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, les mots : "qui est âgée de plus de vingt-cinq ans" sont remplacés par les mots : "qui est âgée de plus de dix-huit ans". »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'ordre de l'examen des articles et des amendements me conduit à vous présenter, en ouverture de ces débats, une proposition lourde de sens puisqu'elle vise à abaisser l'âge, pour l'accès à ce dispositif, de vingt-cinq ans à dix-huit ans.
Alors que la plupart des pays européens disposent de mesures d'aide qui prennent effet à la majorité légale, il n'existe en France aucune allocation pour assurer l'autonomie financière des adultes de dix-huit à vingt-cinq ans.
L'esprit de votre projet de loi est, dites-vous, l'incitation. En ouvrant l'ensemble du dispositif à ceux que l'on dit encore aujourd'hui « en âge d'entrer dans la vie active », sans attendre que ne s'installent la perte d'espoir, le renoncement, voire les tentations de l'économie parallèle, vous feriez un geste réel d'encouragement. De plus, vous éviteriez que ne se construisent des parcours de vie commençant par sept années de pauvreté - quel début ! - pour tous ceux qui n'ont pas eu la chance de naître riches.
Monsieur le ministre, alors que de multiples rapports ont révélé l'insuffisance des moyens de nombreux jeunes, cette proposition serait une réponse claire à leurs besoins.
Le fait que le RMA sera accessible aux RMIstes, l'espoir que, tout à l'heure, puisse être voté l'assouplissement des temps d'allocation nécessaires pour accéder au RMA, ne me conduisent à faire valoir que de nombreux jeunes qui n'ont même pas accès aux études ou à l'apprentissage pour trouver une sorte d'exercice de leur savoir-faire potentiel trouveraient dans cet accès dès dix-huit ans au RMI, et donc au RMA, le moyen de vivre décemment, le premier moyen d'être actifs dans la société.
Savez-vous que de nombreux lycées des quartiers modestes voient arriver les élèves, valise à la main, chassés de chez eux au lendemain de leur dix-huitième anniversaire ? Au point qu'un lycée de Roubaix a organisé un accueil d'hébergement nocturne d'attente !
Je vous invite, au surplus, à considérer le nombre de ces jeunes exclus qui, en l'absence de moyens et d'emploi, vivent déjà en couple et ont de jeunes enfants.
Aucun jugement ne doit être porté. En revanche, l'attention aux jeunes, l'attention aux générations futures que sont ces bébés invitent le Parlement à rejoindre les pays voisins qui ouvrent les dispositifs de ce type aux jeunes dès l'âge de la majorité légale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.
Je rappelle, au passage, que les jeunes qui ont des enfants à charge peuvent déjà, par dérogation, bénéficier du RMI. Cela concerne plus de 27 000 personnes.
Par ailleurs, une telle extension du dispositif doit s'inscrire dans la problématique plus large de l'autonomie des jeunes, qui doit être envisagée au regard d'abord des autres dispositifs, comme les bourses d'études à caractère social, les allocations familiales ou encore les dispositifs d'apprentissage.
Au total, c'est prioritairement le problème de l'insertion des jeunes qui doit être considéré, avant celui de leur autonomie dans un dispositif précaire, si l'on veut éviter de les enfermer prématurément dans une situation insatisfaisante et de ne pas les stimuler suffisamment.
Le problème soulevé me semble être, pour les moins de vint-cinq ans, tellement vaste que la proposition faite par Mme Blandin rique d'être une fausse bonne idée.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement est profondément hostile à cet amendement. Je constate, d'ailleurs, que la même proposition avait fait l'objet de nombreux débats au cours de la législature précédente, mais que le gouvernement de l'époque n'avait pas décidé de mettre en place ce revenu minimum pour les moins de vingt-cinq ans, précisément pour ne pas précariser ni installer dans l'exclusion un nombre de personnes plus important encore qu'aujourd'hui.
Le revenu minimum est un outil de sauvetage qui ne doit être utilisé que face à des situations graves d'exclusion, lorsque des personnes sont dans l'incapacité de s'insérer professionnellement.
Constater que, dès dix-huit ans, avant même qu'il ait abordé le monde du travail, un jeune est déjà dans une situation d'impossibilité d'insertion professionnelle - même si, bien entendu, un certain nombre de jeunes connaissent des difficultés -, c'est envoyer un signal qui me paraît dangereux et aller contre l'esprit de générosité qui sous-tend la proposition de Mme Blandin.
Il faut incontestablement améliorer les dispositifs de soutien aux jeunes en commençant par l'insertion professionnelle. A cet égard, tous ceux qui ont combattu, dans le passé, les formations en alternance ou le développement de certaines formes d'apprentissage doivent aujourd'hui revoir leur position.
Nous travaillons sur ce dossier, et j'aurai l'occasion, à l'automne prochain, de présenter un projet de loi portant sur la formation professionnelle.
De la même manière, nous devons rechercher ensemble comment aider les jeunes qui ont des projets : il s'agit non pas de leur offrir une sorte de salaire minimum automatique, mais de les inciter à construire leurs projets. Ce sera l'objet du CIVIS, le contrat d'insertion dans la vie sociale, dont nous aurons l'occasion de reparler avant la fin de cette année.
Pour toutes ces raisons, je souhaite le rejet de l'amendement n° 86.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 86.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. « Art. 1er. - L'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles est remplacé par les dispositions suivantes : "Le revenu minimum d'insertion varie dans des conditions fixées par voie réglementaire selon la composition du foyer et du nombre de personnes à charge. Son montant est fixé par décret et révisé une fois par an en fonction de l'évolution des prix". »
L'amendement n° 87, présenté par Mme Blandin, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par cet article pour l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles, après les mots : "revenu minimum d'insertion", insérer les mots : "est un droit individuel dont le montant". »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Ce deuxième amendement n'est pas de « toilettage » : il est aussi lourd de sens et de conséquence que le précédent et tend à remettre en cause certains pans du dispositif.
Il vise à transformer le RMI en droit individuel, identique pour toutes et tous, revendication formulée de longue date par certains et à laquelle le présent texte nous donne l'occasion de répondre. Dès lors qu'au RMI, qui devient alors RMA, est associée la possibilité d'exercer une activité, il est en effet injuste de séparer les droits et les rémunérations de chacun.
Bien entendu, la situation familiale devra être prise en compte, selon des modalités fixées par décret, afin d'empêcher qu'un bénéficiaire du RMI puisse être déclaré simultanément comme personne à charge par un conjoint exerçant une activité rémunérée.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Cet amendement fait le choix de revenir sur le principe de l'attribution du RMI au foyer en ouvrant à titre individuel le droit à chaque membre du couple. La question peut se poser, mais si ce choix n'a pas été retenu lors de la création du RMI, c'est que, s'il présente par certains aspects des avantages, il a aussi de nombreux effets pervers et fort complexes.
Sur cette question, je vous renvoie, ma chère collègue, au rapport de Jean-Michel Belorgey, bien que j'avoue ne pas être parvenu à me faire moi-même une opinion définitive à partir de ce document.
En l'état actuel de la question, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement ne souhaite pas, du moins actuellement, modifier les conditions d'attribution du RMI, ce qui est d'ailleurs le signe qu'il adhère à la philosophie de ce dispositif.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 87.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 97, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après les mots : "et révisé", rédiger comme suit la fin de la seconde phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles : "deux fois par an en fonction de l'évolution du salaire minimum interprofessionnel de croissance". »
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Cet amendement vise à rétablir le RMI dans sa nature première, à savoir comme un élément de droit s'inscrivant dans une politique nationale de solidarité.
Même si l'élaboration d'une politique visant à réduire sensiblement le nombre de personnes en situation d'exclusion ne semble pas être un impératif pour le Gouvernement, il nous faut nous saisir de l'occasion que nous donne la discussion de ce projet de loi pour essayer d'avancer sur la voie de l'amélioration du sort des deux millions de personnes qui tentent de survivre avec des revenus dérisoires.
Jusqu'à présent, le dispositif prévoyait deux réévaluations annuelles. Le texte du Gouvernement en supprime une.
Nous demandons le retour au rythme de la réévaluation biannuelle.
Nous avons, par ailleurs, souligné, lors de la discussion générale, que le montant du RMI soulevait des questions : il est inférieur à la majorité des minima vitaux adoptés dans la plupart des autres pays européens. Le RMI, comme tous les minima sociaux, devrait en outre être indexé sur les salaires, et non pas sur les prix.
Nous proposons donc, son indexation sur le SMIC, et non plus sur l'évolution des prix. C'est indispensable pour que le RMI reste lié à l'évolution de la vie économique. Ce serait une mesure de justice.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Cet amendement vise à retenir une revalorisation biannuelle, c'est-à-dire à rétablir un principe qui n'a en fait jamais été appliqué. En effet, dans la pratique, le RMI n'a été revalorisé qu'une fois par an depuis 1988.
L'évolution de son montant comparée à celle de l'inflation démontre que ces revalorisations annuelles successives ont permis un gain de pouvoir d'achat d'environ 6 %. L'objectif prioritaire me semble donc être atteint.
C'est pourquoi la commission des affaires sociales émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Cet amendement pourrait être pour moi l'occasion de reprendre le discours de M. Fischer sur le « décrochage » du SMIC, mais je le réserve pour le mois de juillet (rires sur les travées de l'UMP), puisque les augmentations auxquelles le Gouvernement procédera alors seront parmi les plus importantes des dix dernières années...
Quant à l'amendement n° 97, je voudrais mettre en garde tous ceux qui voudraient faire du SMIC une sorte de référence universelle, ce qui, finalement, lui retirerait sa vraie signification et sa fonction.
Le SMIC n'est pas un minima social, et vouloir systématiquement asseoir les minima sociaux sur le SMIC est une erreur pour les salariés en même temps qu'une erreur au regard de la question fondamentale, et souvent évoquée, du différentiel entre revenu du travail et revenu de l'assistance.
Je souhaite que le Sénat ne retienne pas la référence au SMIC.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 97.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Articles additionnels après l'article 1er
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 88, présenté par Mme Blandin, est ainsi libellé :
« Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 262-3 du code de l'action sociale et des familles est complété in fine par un alinéa ainsi rédigé :
« Avant le 30 novembre de chaque année, une allocation de fin d'année d'un montant égal au montant mensuel de l'allocation est versée en supplément au bénéficiaire. »
L'amendement n° 98, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 262-3 du code de l'action sociale et des familles est complété in fine par un alinéa ainsi rédigé :
« Le bénéficiaire du revenu minimum d'insertion a également droit au versement d'une prime de Noël dont le montant est égal à une fois et demie le montant de son allocation. »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l'amendement n° 88.
Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement tend à prévoir le versement, avant le 30 novembre, d'une allocation de fin d'année d'un montant égal au montant mensuel de l'allocation versée aux bénéficiaires du RMI.
Ces bénéficiaires, comme tous les citoyens, sont confrontés en fin d'année à des dépenses sortant du budget mensuel ordinaire. Il est juste de leur permettre de bénéficier d'une allocation de fin d'année à l'instar des nombreux salariés qui perçoivent ou des primes ou un treizième mois.
Inscrire dans la loi ce droit serait un signal fort de reconnaissance des difficultés des personnes en situation précaire.
Si M. Muzeau y consent, monsieur le président, je souhaiterais que le vote sur cet amendement intervienne après celui sur l'amendement n° 98, qui s'éloigne plus du texte puisque la prime de Noël proposée s'élève à une fois et demie le montant de l'allocation mensuelle.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 98.
M. Roland Muzeau. Chaque année à la même époque, lorsque le froid fait ses premières victimes, les chômeurs et les personnes en situation précaire font irruption sur le devant de la scène, visibles tout à coup pour revendiquer le relèvement des minima sociaux et une « prime de Noël ».
C'est évidemment le reflet d'une réalité, de l'impossibilité de vivre, de « joindre les deux bouts », de payer son loyer, de se nourrir, de se vêtir, de se déplacer, de se permettre un « extra », en l'occurrence de faire des cadeaux à ses enfants, avec des revenus inférieurs au seuil de pauvreté.
Cela témoigne aussi du fait que, malgré les plans de lutte contre l'exclusion, l'urgence n'est pas traitée, et qu'il convient d'agir en profondeur, en amont des ruptures, sur les causes de l'exclusion notamment, en sécurisant l'emploi, en renforçant les trajectoires d'accès à l'emploi des personnes les plus en difficulté et en donnant au droit au logement toute son efficacité.
Le présent projet de loi ne traite pas l'ensemble des questions qui pourtant se posent si on souhaite réformer le RMI, qu'il s'agisse de l'articulation des dispositifs d'assurance et d'assistance chômage ou du niveau du RMI, comme l'a regretté le rapporteur général du CERC que nous avons auditionné.
Votre texte, monsieur le ministre, renvoie aux départements la responsabilité financière de l'allocation du RMI, mais il ne prévoit pas toutes les conséquences possibles de ce transfert de compétences.
Qu'adviendra-t-il par exemple de la prime de Noël ? Comment fonctionneront demain les commissions d'action de secours d'urgence ? Les fonds de l'Etat et des collectivités territoriales seront-ils toujours mobilisés ?
Pour revenir à la prime de Noël, les départements qui versent une allocation de fin d'année aux allocataires du RMI ne risquent-ils pas de la supprimer ?
Le présent amendement, qui prévoit que le bénéficiaire du RMI a également droit au versement d'une prime de Noël, dont le montant est égal à une fois et demie le montant de son allocation, est un amendement d'appel, monsieur le ministre, et nous attendons de vous des réponses claires sur ces questions qui ne sont pas de détail.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Les amendements n°s 88 et 98 sont inspirés d'une même philosophie puisqu'ils pérennisent une pratique reconduite, il est vrai, sans discontinuité depuis 1998 : l'attribution d'une prime de Noël aux bénéficiaires du RMI.
La question n'est pas sans intérêt. Deux cas de figure sont envisageables, selon que le Gouvernement entend ou non pérenniser cette pratique.
Dans le premier cas, la dépense doit être inscrite dans le texte et elle doit donner lieu, au nom du respect de ce que j'ai appelé les « termes de l'échange », à une juste compensation financière pour les départements. La décentralisation implique en outre un verrouillage de la prime, qui ne saurait, à l'avenir, être revalorisée plus généreusement que la prestation elle-même.
Dans le second cas, le Gouvernement entend à l'avenir s'interdire d'attribuer cette prime, sauf à rembourser son coût aux départements par dotation budgétaire au gré de ses décisions.
Les solutions préconisées par Mme Blandin, d'une part, et par le groupe CRC, d'autre part, ne diffèrent en fait véritablement que par leur montant.
J'ajoute, à titre d'information, que les départements seront autorisés, sur la base de l'article L. 124-4 du code de l'action sociale et des familles, à verser une prime additionnelle au RMI puisqu'il s'agira d'une aide sociale facultative. Se risqueront-ils pour autant à rendre le RMI plus attractif en instaurant entre eux une sorte de compétition à l'échelle nationale, en fonction des primes additionnelles au titre de l'aide sociale facultative ? C'est une question que je ne soulèverai pas.
J'ajoute que le coût de ces amendements serait bien supérieur à l'effort que la collectivité est en mesure de réaliser et qu'elle a consenti jusqu'à ce jour, puisque la prime à titre individuel n'était que de 150 euros.
Tout en demandant au Gouvernement s'il peut nous préciser dès à présent ses intentions quant à la pérennisation éventuelle de ce type de prime - à défaut, la navette pourra être l'occasion de décider de leur avenir -, la commission souhaite le retrait ou sinon le rejet de ces amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Premièrement, le Gouvernement ne souhaite pas rendre cette dépense obligatoire, c'est-à-dire qu'il ne souhaite pas la transférer aux départements.
Deuxièmement, la pratique ne concerne pas seulement les allocataires du RMI mais vise aussi les bénéficiaires de divers minima sociaux.
La question restera donc une question nationale, qui se posera chaque année dans les conditions où elle se posait jusqu'à présent.
M. le président. A la demande de Mme Blandin, je mets d'abord aux voix l'amendement n° 98.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 88.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. « Art. 2. - I. - Le 3e de l'article L. 121-7 du code de l'action sociale et des familles est abrogé.
« II. - L'article L. 262-4 du même code est abrogé. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 59 est présenté par M. Chabroux, Mme Blandin, M. Cazeau et les membres du groupe socialiste et apparenté.
L'amendement n° 99 est présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour présenter l'amendement n° 59.
M. Gilbert Chabroux. Le projet de loi ne présente pas les garanties suffisantes en matière de financement de la décentralisation. Il est donc prématuré dans ces conditions de permettre à l'Etat de se désengager du financement.
L'amendement a pour principal objet de rappeler que le revenu minimum d'insertion est une prestation à caractère national dont la pérennité et le montant doivent être garantis par l'Etat, lequel incarne l'expression de la solidarité nationale.
Il est inquiétant de voir l'Etat se dégager ainsi de sa responsabilité. C'est une question de fond. La décentralisation n'est certes pas néfaste en elle-même, et ce n'est pas sur les travées de la Haute Assemblée qu'elle sera critiquée, mais, le dispositif prévu relevant de la solidarité nationale, il aurait été souhaitable d'organiser un véritable débat préalable avec l'ensemble des partenaires concernés.
Peut-être ce débat nous aurait-il permis, monsieur le président de la commission des affaires sociales, de disposer d'une étude sur le RMI et d'un premier bilan d'application de la loi de lutte contre les exclusions. Cela n'aurait pas été superflu avant d'envisager une réforme aussi importante que la décentralisation du RMI et la création du RMA. Certes, les grandes associations nous font parvenir leurs propres évaluations et il faut les en remercier. Mais quand ces bilans et ces propositions ont-ils été examinés, comparés à la lumière des expériences des uns et des autres, discutés en vue d'aboutir à des propositions communes s'appuyant sur un consensus aussi large que possible ?
Cela n'a pas été fait. Je ne critique pas le travail qui a été accompli par la commission dans des conditions extrêmement difficiles, et encore moins celui du rapporteur, M. Seillier, qui a beaucoup de mérite. Mais la commission n'a procédé qu'à quelques auditions - quatre pour être précis -, ce qui est manifestement insuffisant sur un tel sujet. En outre, le Gouvernement n'a même pas attendu le rapport que doit lui remettre M. Seillier sur l'exclusion.
Cette façon d'agir est désagréable, pour ne pas dire plus. Nous avons le sentiment - sentiment assez largement répandu d'ailleurs - que l'on entend arracher au Sénat un vote qui permettra d'acter la décentralisation de ces prestations, ce qui se traduira par un désengagement de l'Etat précipité et ficelé à la hâte, et par un contrat aidé au rabais pour le secteur marchand.
Ces aspects sont néanmoins secondaires par rapport aux questions de fond que soulèvent de telles dispositions. Devons-nous encore considérer, au vu du contenu de ce texte, que la lutte contre la pauvreté et contre les exclusions reste un impératif national, comme nous l'avons tous affirmé en 1998 ? Il faut avouer que le doute s'installe.
La réduction des crédits d'insertion, le gel des reports de crédits de 2002, la réduction du nombre de contrats aidés, la fin du programme TRACE pour les jeunes en difficulté - je ne cite que quelques exemples - démontrent que les priorités du Gouvernement sont ailleurs, dans l'augmentation des effectifs de police et dans la baisse de la fiscalité, par exemple.
C'est bien entendu le droit légitime du Gouvernement, mais il lui revient d'assumer - et c'est particulièrement vrai dans la période actuelle - ses choix.
Le problème sur le plan pratique est que la situation des plus démunis va désormais en s'aggravant : leur chance d'insertion professionnelle diminue, et il y a moins de construction de logements sociaux, par exemple. Aujourd'hui, le Gouvernement met la dernière touche à son plan de restriction budgétaire en se désengageant du dispositif du RMI et en le transférant au département.
Les collectivités territoriales ont l'habitude de jouer pleinement leur rôle, et nous y reviendrons lors de l'examen de l'article 3. Néanmoins, nous tenons à marquer dès à présent notre désapprobation et notre inquiétude face à ce désengagement de l'Etat et à cet abandon, déjà en partie réalisé et qui se poursuit, de la lutte contre l'exclusion et contre la grande pauvreté comme impératif national.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour défendre l'amendement n° 99.
M. Roland Muzeau. Profitant de la fenêtre ouverte par la réforme constitutionnelle du 28 mars dernier relative à la décentralisation de la République, mais en s'écartant de la méthode retenue par le Premier ministre, à savoir celle de l'expérimentation, le Gouvernement nous propose par le présent texte le transfert immédiat et total aux départements du dispositif du RMI.
S'il était nécessaire de résoudre le problème de la difficile articulation des compétences du département et de l'Etat, qui nuit à l'efficacité de l'insertion, s'il était par conséquent envisageable, dans le cadre de la décentralisation, d'attribuer au département l'intégralité du volet insertion du RMI, il ne nous semble pas opportun, en revanche, d'aller au-delà, en transférant la gestion et la responsabilité financière de l'allocation elle-même au département.
Plusieurs arguments militent en faveur de la gestion confiée à l'Etat.
Tout d'abord, le RMI repose sur la notion de droit, et non sur la notion de besoins qui caractérise les prestations d'aide sociale. Il s'inscrit dans le cadre de la solidarité nationale, et non de la solidarité de voisinage. Par conséquent, l'Etat doit rester garant de ce droit.
Ensuite, la reprise totale du RMI, allocation plus insertion, par les départements, est, pour ces derniers, une opération lourde.
Dans un contexte général inflationniste, marqué par l'augmentation de la fiscalité locale, il est à craindre que les départements ne gèrent différemment le volet RMI et le volet RMA, d'autant que a priori, en cas de « dérapage » du nombre d'allocataires, aucun mécanisme de garantie n'est prévu. Il est à craindre également que, à l'avenir, on ne passe d'un dispositif universel à une prestation d'aide sociale, voire à la remise en cause du RMI.
Par ailleurs, dans la mesure où le projet de loi est laconique concernant les conditions financières de la décentralisation du RMI et du RMA, la grande liberté d'action laissée aux départements, puisque l'Etat ne gardera aucun véritable droit de regard sur la gestion du RMI, nous semble particulièrement dangereuse.
Pour toutes ces raisons, nous pensons qu'il convient de faire en sorte que l'Etat ne se désengage pas du financement du RMI. Aussi, nous vous invitons, mes chers collègues, à voter cet amendement de suppression de l'article.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable. En effet, ces deux amendements visent à supprimer le transfert des financements de l'allocation de l'Etat aux départements. Ils remettent en cause la logique même de décentralisation, qui constitue l'objet essentiel de la première partie du projet de loi. Ces amendements reviendraient à confier au département l'ensemble des décisions individuelles et le pilotage du dispositif d'insertion, sans lui donner la responsabilité de l'ensemble. Cela serait contraire au principe adopté dès les lois de décentralisation et selon lequel « Qui décide paie » ou « Qui paie décide ».
Votre rapporteur insiste, une fois encore, sur le pari de la responsabilité que constitue la décentralisation. Responsable des allocations versées, le département l'est aussi de l'amélioration de l'insertion, et donc de la sortie des bénéficiaires du dispositif.
Je crois dans les vertus de la proximité pour analyser, intervenir et définir les programmes des stratégies d'insertion et l'augmentation de l'offre d'insertion.
Par ailleurs, s'agissant des garanties financières données aux départements, je ne doute pas que M. le ministre apportera toutes les précisions souhaitables lorsque nous examinerons l'article 3.
Enfin, pour ne plus entendre au cours des débats la sollicitude touchante de mes collègues, je rappelle que la mission qui m'a été confiée est beaucoup plus large qu'ils ne le pensent. Je tiens ma lettre de mission à leur disposition. Ce projet de loi ne diminue pas l'intérêt de la mission, il le renforce, dans la mesure où le dispositif qu'il prévoit entre dans le champ sur lequel je suis appelé à émettre des propositions de rationalisation ou d'efficacité supplémentaire. En tout état de cause, la préparation de ce texte était quasiment achevée lorsque cette mission auprès de M. le ministre m'a été confiée.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Comment le Gouvernement pourrait-il être favorable à des amendements qui visent à réduire à néant le projet de loi qu'il vous propose, notamment en ce qui concerne le transfert aux départements de ce volet essentiel de l'action sociale qu'est le revenu minimum d'insertion ?
Je répondrai sur les deux arguments qui ont été mis en avant.
Le premier, c'est l'idée selon laquelle l'Etat serait mieux placé pour conduire ces politiques que les départements. Je me suis longuement expliqué sur ce point dans mon discours introductif. Je précise simplement que ce n'est pas la philosophie du Gouvernement, qui considère, au contraire, que les départements ont démontré leur aptitude à gérer l'action sociale de proximité. D'ailleurs, je n'ai entendu aucune critique de fond sur la manière dont les départements assument aujourd'hui leurs responsabilités dans ce domaine.
Quant à la critique récurrente de M. Chabroux concernant le manque de recul, de rapports et d'études, je lui fournirai les références des innombrables rapports publiés sur ce sujet. Je citerai le rapport publié en 1999 par la DREES, la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques. Ce document, qui est d'ailleurs particulièrement intéressant, permettrait de modifier bien des jugements qui ont été portés tout à l'heure sur les comparaisons avec les autres pays européens en matière de revenu minimum. Je citerai également le rapport de la Cour des comptes publié en 2001, et que j'ai évoqué précédemment.
Sur de nombreux sujets, vous aimez les rapports, monsieur Chabroux : les rapports sur l'insécurité, les rapports sur les retraites et les rapports sur le RMI. Nous, nous préférons les projets de loi, qui permettent d'apporter des modifications en profondeur. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 59 et 99.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
M. le président. « Art. 3. - Les charges financières résultant, pour les départements, des transfert et création de compétences réalisés par la présente loi sont compensées par l'attribution de ressources équivalentes constituées d'une partie du produit d'un impôt perçu par l'Etat dans les conditions fixées par la loi de finances. »
La parole est à M. Gilbert Chabroux, sur l'article.
M. Gilbert Chabroux. Cela paraît une évidence de dire que la décentralisation doit être entourée de garanties, particulièrement dans le domaine social où elle peut entraîner des conséquences sur les plus fragiles de nos concitoyens.
Or l'imprécision règne dans les modalités de transfert, pas en ce qui a trait aux compétences, jamais en ce qui concerne les compétences, ai-je envie de dire, mais bien évidemment s'agissant des ressources.
Il faut rappeler que les départements ne se sont jamais dérobés devant l'action sociale.
M. Michel Mercier. Très bien !
M. Gilbert Chabroux. Ils y consacrent déjà 70 % de leurs engagements budgétaires. Depuis 1986, la dépense nette d'action sociale des départements a augmenté de 120 %, alors que l'inflation était de 45 %. Il existe évidemment de notables différences sur l'aide sociale facultative, mais il s'agit d'une autre question.
En l'occurrence, nous sommes en présence d'une prestation obligatoire, avec des barèmes et des procédures définis par l'Etat. C'est un minimum pour préserver la solidarité. Mais, comme c'est trop souvent le cas, ce minimum n'est pas pleinement assumé. La lecture du texte ne nous autorise aucune illusion. D'ailleurs, les amendements présentés par la commission des finances en témoignent.
On nous dit que l'impôt dont le produit sera transféré est la TIPP. Il n'est point besoin d'être un spécialiste des finances pour savoir que le produit d'un impôt est, par définition, variable, et surtout celui-là ! Cela seul, mes chers collègues, devrait suffire à nous inquiéter. On va nous parler de modulations de taux, de mécanismes très compliqués ; on attendra la loi de finances et on ne sera pas plus avancé !
Puis-je également remarquer que la base qui nous est indiquée est la dépense réelle pour 2003 ? Or nous savons ce qu'il est advenu des crédits en 2003, compte tenu des restrictions qui ont été décidées. De plus, je me permettrai de rappeler que le nombre de RMIstes avait baissé ces deux dernières années, avec un décalage de un à deux ans sur le taux de chômage, comme c'est toujours le cas pour les publics les plus en difficulté.
Ne pouvons-nous pas craindre, dans ces conditions, que la base de calcul proposée pour le transfert de ressources ne soit calculée au plus juste, alors même que le chômage et le nombre de RMIstes augmentent de nouveau ?
Nous avons tout lieu de craindre d'être pris dans un effet de ciseau entre un transfert de ressources réduit et une hausse du besoin d'insertion. Quelle décision devront prendre les conseils généraux ? Devront-ils baisser les dotations pour l'insertion ou augmenter l'impôt pour ne pas abandonner nos concitoyens à la misère ? C'est là un problème pratique auquel nous allons, au-delà de la sensibilité politique de tel ou tel président de conseil général, être bientôt confrontés.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, sur l'article.
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le ministre, nous en sommes parvenus à l'examen de l'article 3, qui aborde les charges financières du dispositif. Nous sommes exactement au coeur des questions que nous posions dans cette enceinte au Gouvernement lors des débats sur la décentralisation.
Voici aujourd'hui un exemple clair : c'est sur son initiative, sans évaluation ni expérimentation, que l'Etat transfère une compétence...
M. Roger Karoutchi. Et l'allocation personnalisée d'autonomie ?
Mme Marie-Christine Blandin. ... et c'est seul, sans débat avec les collectivités concernées, qu'il en définit les modalités et la compensation des charges financières en résultant.
M. Roger Karoutchi. Il faut oser !
Mme Marie-Christine Blandin. Le moins que l'on puisse dire est que la rédaction de l'article 3 ne peut qu'accroître notre inquiétude quant à votre conception de la décentralisation, monsieur le ministre !
L'imprécision relève de l'euphémisme. Vous vous référez à un impôt perçu par l'Etat. Vous transformez un dispositif pérenne en un système assujetti aux aléas de la conjoncture économique. Aucune modalité d'évolution des transferts n'est prévue, sinon l'évolution de la TIPP.
Permettez-moi de vous rappeler la signature de la France à Kyoto et le discours du Président de la République à Johannesburg : vous vous êtes engagés à réduire les gaz à effet de serre, donc les carburants brûlés, donc les ressources issues de la TIPP si vous maintenez son taux. Si cette dotation est insuffisante, pensez-vous que la situation des départements demeurera inchangée et que le nombre d'allocataires sera immuable ? Le rapporteur pour avis de la commission des finances, M. Mercier, n'a d'ailleurs pu taire cette question que posent toutes les collectivités.
Je tiens, ici, à vous rappeler précisément le débat sur le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République. Nous avions présenté, sur l'article 6, un amendement visant à inscrire dans la Constitution : « L'Etat est le garant de la solidarité. » Le message était clair et la forme simple. Pour justifier son refus, M. Devedjian avait répondu que « l'article 1er de la Constitution indique que la République est sociale ». Mais la République, ce sont aussi les collectivités, et préciser le rôle de garant de l'Etat n'était pas un luxe. Sa responsabilité dans l'équilibre des droits des citoyens ne saurait s'effacer.
Aujourd'hui, plusieurs orateurs s'inquiètent. M. de Montesquiou a dit - ce ne sont pas ses termes et je le prie de bien vouloir m'en excuser - qu'il n'était pas question que des départements comme le Gers soient victimes.
Hélas ! que n'avez-vous voté notre amendement ! Nous sommes aujourd'hui au pied du mur, dans le concret, avec les coudées franches que la majorité du Parlement vous a données, monsieur le ministre, pour décentraliser un dispositif sans garantir une péréquation durable pour l'ensemble du territoire.
M. Roger Karoutchi. Il faut oser !
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, sur l'article.
M. Michel Mercier. Monsieur le président, je n'ai décidé d'intervenir sur l'article qu'après avoir entendu nos deux collègues s'exprimer. En effet, même s'il ne faut pas avoir trop de mémoire en politique, certains ont tout de même la mémoire courte ce soir !
Madame Blandin et monsieur Chabroux, je vous apprécie beaucoup, mais, tout de même, si vous aviez tenu les mêmes propos voilà un an et demi au moment de la création de l'APA... (Jean-Jacques Hyest opine.)
Aujourd'hui, nous créons une charge de 4,5 milliards d'euros pour les départements. Le Gouvernement, comme la Constitution l'y oblige désormais, met en face 4,5 milliards d'euros.
Que l'on discute sur le périmètre des dépenses à prendre en compte et sur l'évolution de la ressource mise en face, c'est nécessaire. Mais il est extraordinaire que ceux qui ont mis à la charge des départements une dépense à peu près semblable sans rien mettre en face viennent nous donner des leçons ce soir !
M. Jean-Jacques Hyest. Effectivement !
M. Gilbert Chabroux. Vous l'avez demandée, l'APA !
M. Michel Mercier. Nous n'avons rien demandé, si ce n'est quelques ressources que nous n'avons jamais obtenues ! Aujourd'hui, la modestie s'impose à ceux qui ont mis en place l'APA. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. Michel Mercier. Il faut quand même dire les choses telles qu'elles sont. Certes, le passé peut éclairer le présent, mais, si vous aviez fait pour l'APA ce qui est fait pour le RMI, les finances des départements ne seraient pas dans l'état dans lequel elles sont !
Il est normal d'essayer d'améliorer l'article 3, car c'est la tâche du Parlement. J'ai moi-même déposé un certain nombre d'amendements. J'espère que quelques-uns seront adoptés dès ce soir et que d'autres le seront par la suite. Mais il est faux d'affirmer que l'on ne peut pas discuter de l'article au motif que tout ne serait pas parfait. Sinon, il n'y aurait pas d'APA aujourd'hui. N'oublions pas que ce qui pèse aujourd'hui sur les finances départementales, c'est en premier lieu l'APA. Et s'il est une chose à ne plus jamais refaire, c'est bien ce que vous avez fait avec l'APA ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, sur l'article.
M. Roland Muzeau. Je voudrais réagir à l'intervention de mon collègue Michel Mercier.
M. Jean Chérioux. Pas de réaction !
M. Roland Muzeau. Il a une confiance absolue et remarquable qui, à mon avis, ne durerea pas, dans les engagements du Gouvernement, notamment en ce qui concerne le vote du budget. En effet, vous avez bien noté, mes chers collègues, que les questions de financement relatives à la décentralisation de la mesure que nous examinons ce soir seront également visées demain, dans le cadre de l'examen budgétaire, ne serait-ce que s'agissant d'une possible répartition de la TIPP.
Comment pouvons-nous avoir, comme vous, l'assurance de voir respecter un certain nombre de décisions ? Ce serait remarquable, comme ça l'aurait été hier. Or ce n'est pas le cas. Vous n'êtes pas naïf, mon cher collègue !
M. Jean Chérioux. Mais vous, vous l'avez été ! (Sourires.)
M. Roland Muzeau. Monsieur Chérioux, ce que je vais dire maintenant, c'est pour vous.
M. Roger Karoutchi. Ah !
M. Roland Muzeau. Dans une note en date du 14 mai 2003, qu'elle a adressée à l'ensemble des directeurs régionaux du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle et qui a pour objet la délégation et les gels de crédits, la direction générale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle indique que 75 millions d'euros de crédits d'insertion destinés aux personnes qui ont besoin d'être réinsérées dans l'emploi sont gelés sur des actions engagées par les associations et les entreprises d'insertion en 2002, au titre de conventions passées avec l'Etat.
Ces 75 millions d'euros gelés par le Gouvernement - disons, pour ne fâcher personne, par le ministère des finances -, afin de respecter les diktats de Bruxelles, feront tout simplement défaut. La consigne qui est donnée aux directeurs régionaux du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle consiste ni plus ni moins à utiliser les crédits 2003 pour solder les engagements 2002 sur des actions déjà réalisées au titre de conventions signées avec l'Etat.
Face à ce cri d'alarme que j'ai reçu aujourd'hui dans la Lettre aux parlementaires émanant du comité national des entreprises d'insertion, devant de tels actes qui touchent aux plus démunis de notre société, comment penser, ne serait-ce qu'un instant, que les contraintes budgétaires rencontrées par l'Etat, et je ne parle pas du Gouvernement, ne retomberont pas, à travers la décentralisation, sur le dos des collectivités que sont les départements ? Admettez que l'on puisse avoir cette crainte. Vous l'avez eue hier. Aujourd'hui, vous êtes rassérénés at vous pensez qu'il n'y aura acucun problème. On en reparlera. Mais la Lettre aux parlementaires que j'ai évoquée, et que nous avons tous reçue, est une lettre d'alerte. J'espère que ce gel de crédits sera remis en cause. Monsieur le ministre, il importe que vous vous prononciez sur ce point.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 100, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
Les trois amendements suivants sont présentés par M. Mercier, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 50 est ainsi libellé :
« Dans cet article, supprimer le mot : "financières". »
L'amendement n° 51 est ainsi libellé :
« Dans cet article, supprimer le mot : "équivalentes". »
L'amendement n° 52 rectifié est ainsi libellé :
« A la fin de cet article, remplacer les mots : "d'une partie du produit d'un impôt perçu par l'Etat dans les conditions fixées par la loi de finances." par les mots : ", dans les conditions fixées par la loi de finances, d'un ou plusieurs impôts, ou d'une part d'impôt perçu par l'Etat, dont les départements pourront, pour au moins une part, moduler le taux.". »
La parole est à M. Guy Fischer, pour défendre l'amendement n° 100.
M. Guy Fischer. Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'article 3, qui traite pourtant des conditions financières de la décentralisation du RMI et de la création du RMA, se caractérise par sa discrétion ! La solution, nous l'aurons lors de l'élaboration du projet de loi de finances pour 2004.
Nous sommes tous d'accord, je pense, pour reconnaître que cette imprécision et ce laconisme sont inacceptables, d'autant qu'il est tout de même question, notamment, d'éléments de la politique de lutte contre l'exclusion et de la politique d'insertion.
Le texte mentionne que ce transfert de compétences sera compensé par « l'attribution d'une partie d'un impôt perçu par l'Etat ».
Auditionné par la commission des affaires sociales, M. le ministre a bien voulu nous dire de quel impôt il s'agirait : la TIPP, taxe décidément sollicitée pour tout, un peu comme l'est la taxe sur les tabacs !
En revanche, nous entamons ce débat sans avoir de précisions quant aux modalités de cette compensation.
A priori, le Gouvernement n'envisage pas de clause prévoyant l'évolution de la dotation en fonction des dépenses réelles d'allocation, puisque l'évolution du transfert « devrait suivre celle du produit de l'impôt ».
La commission des finances, qui s'est livrée à une simulation du transfert de la compétence du RMI aux départements en 1993 et a comparé l'évolution de la dépense et d'une quote-part de la TIPP, en conclut que les « dépenses du département au titre du RMI pourraient évoluer de manière beaucoup plus dynamique que les recettes qui lui seraient attribuées en compensation de cette charge, soit une quote-part de la TIPP » ; M. Mercier a longuement insisté sur cet aspect des choses.
Pour parer à d'éventuels écarts, il est envisagé dans un amendement que chaque département puisse librement fixer les taux de l'impôt perçu. Ainsi, pour garantir à l'avenir le RMI et le RMA, on nous propose une TIPP locale !
L'expérience de l'APA doit, au contraire, nous conduire à une extrême prudence en ce domaine.
A nous satisfaire de principes vagues de compensation ne prévoyant même pas le minimum, c'est-à-dire un transfert au franc le franc concernant les dépenses du RMI, un mécanisme d'évolution de cette compensation au regard non pas de la conjoncture mais des dépenses réelles, nous prenons aujourd'hui le risque de rogner demain sur les droits des bénéficiaires du RMI.
Toutes ces observations montrent que le présent texte n'est pas abouti. Elles nous confortent dans l'idée qu'en l'état, aucune garantie n'étant donnée quant aux recettes dont disposeront les départements pour financer la décentralisation du RMI, il convient de ne pas s'engager dans cette voie ; et cette appréciation vaut plus encore pour nos départements et territoires d'outre-mer. Tel est le sens de cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre les amendements n°s 50, 51 et 52 rectifié.
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Avant d'aborder le fond de ces trois amendements, je voudrais rappeler que, en la matière, les choses ont fondamentalement changé avec la révision constitutionnelle : le Gouvernement a désormais l'obligation de compenser toutes les charges transférées. Et, aux termes des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances, il doit le faire en loi de finances. C'est ce qui explique probablement en partie le décalage dans le temps.
D'ailleurs, si la loi de finances ne prévoyait pas les moyens pour compenser les charges transférées, le texte dont nous débattons n'aurait pas de valeur juridique. L'article 3 comporte d'ailleurs, conformément à la Constitution, une disposition en quelque sorte suspensive : « Les charges financières résultant, pour les départements, des transfert et création de compétences réalisés par la présente loi sont compensées par l'attribution de ressources équivalentes constituées d'une partie du produit d'un impôt perçu par l'Etat dans les conditions fixées par la loi de finances. »
Les amendements n°s 50 et 51 ont pour objet de bien définir le périmètre financier des charges transférées, autrement dit ce qu'il y a à compenser.
L'amendement n° 50 vise à supprimer le mot : « financières » après le mot : « charges », et ce, d'une part, parce que l'expression « charges financières » n'existe ni dans la Constitution ni dans les dispositions du code général des collectivités territoriales, et, d'autre part, parce que l'expression : « charges financières » paraît un peu trop restrictive. Mieux vaut garder le seul mot : « charges » afin de couvrir la totalité des charges de toutes natures qui seront transférées au département avec le transfert du RMI et la création du RMA, ainsi que, même si elles sont très faibles, les charges de personnel.
L'amendement n° 51 vise à supprimer l'adjectif : « équivalentes ». En effet, certaines charges devant être créées, notamment par le RMA, on n'en connaît pas encore, par définition, le montant.
L'amendement n° 52 rectifié est d'une tout autre nature. Alors que les deux amendements précédents avaient pour objet de définir le périmètre des charges résultant des compétences transférées, l'amendement n° 52 rectifié vise à prévoir une recette évolutive pour les couvrir.
Il est vrai qu'à ce jour on ne sait pas quel sera l'impôt dont une partie sera transférée aux départements. Ce que l'on sait déjà, parce que le texte du projet de loi dont nous discutons aujourd'hui le dispose, c'est qu'il ne s'agira pas d'une dotation budgétaire. C'est plutôt une bonne chose, car les dotations budgétaires, ces dernières années, n'ont évolué, à l'instar de la dotation globale de fonctionnement, que de 2 % en moyenne par an, soit beaucoup moins rapidement que l'évolution du montant du RMI. D'après les renseignements fournis par les services du ministère du budget, par ceux du ministère de l'intérieur, et d'après les propres déclarations du ministre des affaires sociales, l'impôt dont une partie ferait l'objet du transfert serait la taxe intérieure sur les produits pétroliers.
Pourquoi cet impôt ? Parce qu'il y en a peu d'autres et que ceux dont le produit pourrait être transféré aux départements se trouvent déjà utilisés pour autre chose. Il y a bien la CSG, mais, dans quelques mois, devra être réglé le problème du financement de l'assurance maladie, et la CSG pourra alors trouver toute son utilité. De plus, quel autre impôt, hormis la TIPP, peut-il produire sans difficulté 15 milliards d'euros ?
D'autres impôts pourront-ils être transférés ? Peut-être, mais leur produit n'est pas aussi important que celui de la TIPP.
L'article 3 du projet de loi prévoit donc que, pour couvrir les charges financières des transfert et création de compétences, une partie du produit d'un impôt perçu par l'Etat « sera attribuée aux départements ». Mais M. le ministre nous a très clairement précisé que, une fois la partie d'impôt transférée en vue de compenser les charges financières, les deux éléments évolueraient séparément, sans indexation aucune.
Le RMI a beaucoup varié, et presque toujours dans le sens de la hausse puisqu'il n'a connu qu'une seule baisse, ainsi que l'a rappelé la Cour des comptes dans son rapport pour 2001.
De 1993 à 2003, soit en dix ans, le coût de l'allocation est passé de 2,5 milliards d'euros à 4,5 milliards d'euros. Le transfert va donc porter sur 4,5 milliards d'euros, la moitié de ce que représentera, financièrement, la décentralisation pour les départements.
Cette mesure est donc extrêmement importante pour les départements, et il est normal que nous en parlions ce soir.
La taxe intérieure sur les produits pétroliers, dans le même temps, est passée de 2,5 milliards d'euros par définition, puisque c'est le montant transféré, à 3 milliards d'euros ; il y a donc un différentiel de 1,5 milliard d'euros.
Or, la TIPP évolue en fonction de la consommation puisque c'est un tarif par hectolitre de produit. Il y a donc une divergence fondamentale d'évolution entre le RMI et la TIPP.
L'amendement n° 52, que j'ai rectifié après avoir entendu M. Jean-Pierre Fourcade afin d'ouvrir des possibilités de réponse favorable à M. le ministre, vise à ce que la TIPP, ou tout autre impôt qui pourrait être transféré aux départements pour équilibrer les charges nées du RMI et du RMA, puisse évoluer au moins en partie en fonction de taux votés par l'assemblée départementale.
En effet, l'impôt transféré ne doit pas évoluer simplement en fonction de l'attitude des contribuables dès lors que le coût total de l'allocation du RMI varie beaucoup plus que tous les impôts dont on pourrait envisager le transfert.
En l'absence d'une telle possibilité, les départements n'auront qu'une solution pour équilibrer leur budget : augmenter la fiscalité directe classique. La taxe professionnelle ayant été très largement amputée de ses possibilités au cours des dernières années, il ne restera que la taxe d'habitation pour équilibrer le budget des départements. Nous nous trouverons confrontés à une véritable difficulté, que nous ne souhaitons pas connaître. C'est pourquoi nous proposons, par l'amendement n° 52 rectifié, de donner aux départements une compétence nouvelle en matière fiscale, qu'ils exerceront, nous n'en doutons pas, avec le sens de la responsabilité. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. S'agissant tout d'abord de l'amendement n° 100, j'ai eu l'occasion, à propos des amendements n°s 59 et 99 tendant à la suppression de l'article 2, d'expliquer pourquoi la commission était favorable au principe de décentralisation. Par concordance, elle ne peut donc être que défavorable à cet amendement de suppression de l'article 3, qui suit la même logique que les autres amendements de suppression et dont l'adoption aboutirait à supprimer la base constitutionnelle de la décentralisation.
J'en viens aux amendements n°s 50 et 51, déposés par M. Mercier, au nom de la commission des finances. J'ai déjà souligné dans mon rapport écrit que les charges financières comprennent les charges relatives au personnel. Les deux commissions ont la même appréciation sur le périmètre des dépenses afférentes au RMI, et la commission des affaires sociales est donc favorable à ces deux amendements.
Quant à l'amendement n° 52 rectifié, il tend à permettre aux départements de moduler le taux de la quotité de la TIPP qui leur sera affectée en compensation de la décentralisation du RMI.
Lors de l'examen du projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République, le Gouvernement, par la voix du garde des sceaux, avait fait part de sa volonté de mettre « un coup d'arrêt à cette évolution progressive vers le développement des dotations budgétaires ». L'esprit de la décentralisation est ainsi d'être accompagné par la concession aux collectivités locales d'un paquet de recettes fiscales modulables dans leurs assiettes et dans leur taux.
La difficulté du cas présent, excellemment soulignée par l'amendement de M. Michel Mercier, est que les départements n'ont aucune prise sur la quotité de TIPP qui pourrait leur être affectée. Il n'est certes pas facile de localiser aujourd'hui des impôts dynamiques qui soient en même temps bien répartis. La TIPP peut-elle répondre à ces critères ? La commission souhaite avant tout connaître l'avis du Gouvernement sur cet amendement, qui s'appuie sur les engagements pris au moment de la révision de la Constitution en mars dernier.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Ce débat est évidemment fondamental, mais il est prématuré pour la bonne raison que c'est dans le cadre du projet de loi de décentralisation, dont vous allez être saisis très prochainement, que l'ensemble des questions touchant aux transferts financiers sera réglé !
Cela étant dit, il existe des garanties que jamais les collectivités n'ont eu dans notre pays, garanties qui sont prévues à la fois dans la loi constitutionnelle et dans le texte qui vous est soumis aujourd'hui : non seulement l'article 3 renvoie très clairement aux dispositions de la Constitution, mais l'article 41 renforce encore la sécurité dont disposent les collectivités locales en prévoyant que « les dispositions de la présente loi sont applicables (...) sous réserve de l'entrée en vigueur (...) des dispositions de la loi de finances prévues à l'article 3 ». Les craintes évoquées à l'instant par les uns et les autres, notamment quant aux gels budgétaires, sont donc sans fondement.
M. Chabroux, avec l'habileté qu'on lui connaît, a voulu tout à l'heure semer le doute dans les esprits sur la date choisie pour la référence quant au coût du revenu minimum d'insertion.
Monsieur Chabroux, 2003 a été choisie parce que c'est l'année au cours de laquelle la dépense en matière de RMI a été la plus élevée depuis l'existence de celui-ci. Cela montre bien que les critiques que vous aviez formulées ici quant aux insuffisances bugétaires pour financer le RMI n'était pas fondées : le RMI est en effet une prestation qui n'est pas définie bugétairement. C'est donc sur la base des dépenses constatées à la fin de 2003 que les compensations seront effectuées.
Le Gouvernement est évidemment hostile à l'amendement n° 100 pour les raisons que je viens d'indiquer.
Il est favorable à l'amendement n° 50, présenté par M. Mercier. Les modalités de compensation du transfert de charges de l'Etat aux départements seront déterminées par la loi de finances. S'agissant des personnels, les éventuels transferts s'organiseront dans le cadre des conventions conclues localement entre le représentant de l'Etat et le président du conseil général, comme pour l'ensemble des compétences transférées.
Le Gouvernement est également favorable à l'amendement n° 51.
Quant à l'amendement n° 52 rectifié, si le Gouvernement comprend le souci de M. le rapporteur pour avis de garantir aux départements une ressource équivalente à la compétence qui leur est transférée, il ne peut pas être favorable à l'introduction, dans ce texte, d'une possibilité pour les départements de moduler le taux de l'impôt dont le produit leur sera partiellement transféré.
M. Mercier comprendra qu'il est difficile d'introduire dans un texte de loi un principe de modulation d'un impôt que l'on ne connaît pas et qui n'est pas fixé dans le texte lui-même. D'ailleurs, l'article 36 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances prévoit que « l'affectation, totale ou partielle, à une autre personne morale d'une ressource établie au profit de l'Etat ne peut résulter que d'une disposition de loi de finances ». Cela vaut particulièrement pour les modalités de cette affectation et de son évolution.
Je souhaite donc que M. Mercier retire cet amendement dont l'objet donnera lieu à un débat lors de la discussion du projet de loi de finances.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote sur l'amendement n° 100.
M. Claude Domeizel. Tout à l'heure, M. Mercier a tenté d'assimiler le présent débat à la discussion que nous avions eue sur l'APA. Soyons sérieux, monsieur Mercier ! Vous n'avez pas été le dernier à demander la compétence départementale pour l'APA, et vous savez bien que les difficultés tiennent au fait que le gouvernement actuel n'a pas rempli ses obligations ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
J'en viens aux amendements.
On peut lire, à la page 27 du rapport - M. Seillier a oublié d'y faire allusion dans son intervention -, le titre suivant : « L'enjeu financier : "le grand flou" ». Voilà qui résume tout l'article 3 de ce projet de loi dans lequel demeure effectivement un grand flou !
Le rapport de la commission fait également état d'« interrogations qui subsistent ». Certaines de ces interrogations ont reçu une réponse. C'est le cas de la prime de Noël. Je vous ai bien écouté, monsieur le ministre, et j'ai bien compris que la prime de fin d'année demeurerait de compétence nationale. (M. le ministre acquiesce.) Cette réponse est importante parce qu'elle conditionne certains aspects financiers.
Cependant, deux autres points demeurent en suspens.
D'une part, on ignore le coût de la charge administrative que représenteront les transferts de compétences.
D'autre part - et c'est un point très important à mes yeux -, le projet de loi est muet sur l'instauration d'une éventuelle péréquation entre les départements. On peut lire à la page 60 du rapport : « Le présent article ne prévoit aucun mécanisme de solidarité destiné à, selon l'article 72-2 de la Constitution, favoriser l'égalité entre les départements ».
Les amendements n°s 50 et 51 ne lèvent pas cette interrogation.
Notre collègue de la Réunion a souligné les difficultés qu'allait rencontrer ce département compte tenu du nombre de RMIstes qu'il compte. Mais le département de la Réunion n'est pas seul dans ce cas. De nombreux départements vont aussi rencontrer des difficultés. Je représente l'un de ces départements, et je suis en droit de me poser des questions.
Aujourd'hui, c'est ce transfert coûteux qui est en cause. Sera-t-il totalement et égalitairement compensé ? Demain, il semble que ce soit le transfert des personnels de l'éducation nationale, soit 120 000, 130 000, 150 000 personnes, qui interviendra. Ce n'est pas encore fait d'ailleurs, parce que, si j'ai bien compris, le Gouvernement ne sait pas trop où il va dans ce domaine. Il n'a pas toutes les données, il ne sait pas exactement combien cela va coûter aux uns et aux autres.
Il y a donc vraiment un danger, et on peut, à cet égard, comprendre l'inquiétude de ceux qui défilent dans les rues. Mais il faut aussi comprendre l'inquiétude que peuvent ressentir les collectivités dans les départements à faible démographie.
Pour ce qui nous concerne, nous ne sommes pas prêts à adhérer à cet exercice d'apprenti sorcier.
Il est certain que les amendements n°s 50 et 51 définissent mieux le périmètre financier qui sera concerné et, par conséquent, nous les voterons.
Pour ce qui est de l'amendement n° 52 rectifié, on peut toujours rêver ! Toutefois, si on pensait qu'il pourrait être adopté, on devrait se poser des questions à son égard : garantira-t-il l'égalité entre tous les départements ? Ne risque-t-on pas de créer un système du genre de celui de la vignette, avec des taxes plus ou moins importantes dans les différents départements ? C'est la raison pour laquelle nous voterons contre.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 100.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 50.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 51.
(L'amendement est adopté.)
Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° 52 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Monsieur le président, avant de me prononcer, j'aimerais connaître l'avis de la commission. Je vous rappelle que cette dernière a souhaité savoir quelle était la position du Gouvernement.
M. le président. En effet : quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Si j'ai demandé l'avis du Gouvernement, c'est que je comptais le suivre : je souhaite donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur Mercier, que décidez-vous ?
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Je comprends bien la position de M. le ministre des affaires sociales, qui ne peut pas nous dire ce qu'il ne sait pas. Néanmoins, il faut être conscient du fait que ce soir, en cinq minutes, nous aurons effectué le tiers de la décentralisation, en termes financiers. Dans ces conditions, il est bien normal que l'on pose quelques questions.
L'amendement que je soumets à la Haute Assemblée ne va pas beaucoup plus loin que ce que nous propose le Gouvernement : il donne simplement les moyens de payer.
Que l'on insère cette disposition dans le projet de loi ou pas ne change pas la nature du problème. Si l'on compare les impôts transférables - qu'il s'agisse de la TIPP ou d'autres impôts, dont le produit est bien inférieur - et les charges que représentent le RMI, voire demain l'entretien des routes nationales ou la formation professionnelle, on ne peut que constater la distorsion qu'il y a, et qu'il y aura toujours, entre l'évolution de l'impôt et l'évolution de la dépense.
Il faut dire très clairement que les impôts dont disposent aujourd'hui les collectivités territoriales, qui, après la réforme de la taxe professionnelle, sont pratiquement réduits à la seule taxe d'habitation, ne pourront en aucun cas suffire à combler l'écart.
Il y a là un vrai problème pour la décentralisation. Pour faire en sorte qu'elle soit le plus crédible possible, il faut dire explicitement que des impôts transférés - sans préciser aujourd'hui lesquels - pourront faire l'objet d'une modulation par les collectivités. Ainsi, ces dernières pourront assumer les responsabilités qui leur seront dévolues.
On nous dit que la TIPP va résoudre le problème. Mais, sur dix ans, il manquera 1,5 milliard. On nous dit aussi que nous bénéficierons d'un impôt. Mais il ne comblera pas toute la dépense. Il le fera au début, puis de moins en moins. Et, en même temps, on nous oblige à appliquer la règle des 17 %.
Monsieur le ministre, il faut choisir ! Si vous creusez un trou des deux côtés à la fois, je me demande ce qui restera aux pauvres collectivités locales ! Vous ne pouvez pas à la fois leur transférer un impôt qui ne comblera pas toute la dépense dans l'avenir et, en même temps, leur imposer de dépenser une telle somme. C'est un peu excessif !
Je suis prêt à accepter tout ce que l'on voudra, mais, monsieur le ministre, il serait bon que vous nous laissiez un peu d'espoir pour que l'enthousiasme des collectivités territoriales, aujourd'hui prêtes à vous aider à réaliser vos ambitions, ne retombe pas complètement.
L'amendement que j'ai déposé est un amendement d'appel. J'ai voulu lancer un avertissement avant que nous ne nous engagions complètement dans la décentralisation.
Monsieur le ministre, les collectivités territoriales sont inquiètes et nous sommes obligés de prendre en compte cette inquiétude. J'espère avoir pu faire partager à la Haute Assemblée le souci que j'éprouve à l'égard du financement de la décentralisation, souci qu'elle doit avoir, elle aussi, en tant que chambre du Parlement représentant les collectivités territoriales et devant, à ce titre, veiller à leur bon fonctionnement.
Au demeurant, devant une coalition qui regroupe MM. Chabroux, Domeizel et Seillier, que me reste-t-il à faire ?
M. Guy Fischer. Courage !
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Je suis obligé d'admettre que je n'ai pas su convaincre.
Par conséquent, je vais retirer cet amendement.
Pour autant, je reste persuadé que, si le Gouvernement prend en compte un jour ma proposition, la décentralisation pourra se faire. Dans le cas contraire, la décentralisation n'aura pas lieu.
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 52 rectifié est retiré.
La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre. Monsieur Mercier, vous avez eu raison d'ouvrir ce débat, qui est fondamental.
Les questions que vous posez, vous le savez bien, dépassent très largement le cadre de ce texte puisqu'elles touchent à tout l'équilibre de la décentralisation que nous sommes en train de construire. Autoriser les régions et les départements à moduler la TIPP, par exemple, semble susciter de sérieuses difficultés. Il faudrait sans doute trouver des impôts différents. C'est un sujet sur lequel je ne peux pas répondre aujourd'hui, sinon en vous livrant des avis personnels, qui n'ont par conséquent aucun intérêt.
Ce qui m'a frappé dans l'argumentation brillante de M. Mercier, c'est qu'elle dépasse, et de loin, ce que pourrait faire le marchand le plus habile sur le marché de Château-Gontier. (Sourires.) En somme, il me demande de donner un avis favorable sur un amendement à venir portant sur la règle des 17 %, à propos duquel j'ai dit tout à l'heure que le Gouvernement était très ouvert, en échange du retrait d'un amendement qui n'est pas acceptable juridiquement, puisqu'il va à l'encontre d'une loi organique qui ne permet pas de prendre une telle disposition. Je ne saurais donc accepter un tel marché, mais je ne peux que rendre hommage à une telle habileté. (Nouveaux sourires.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je voudrais indiquer à M. le ministre que, à Château-Gontier, on ne serait pas entré dans ce type de marché et que, avant d'accepter ce texte fondamental, dont chacun mesure les conséquences lourdes, on eût exigé d'examiner les dispositions d'ordre financier pour s'assurer que l'ensemble du projet était viable.
Je remercie Michel Mercier d'avoir défendu avec autant de conviction ses amendements et d'avoir posé un principe qui ne peut être transgressé. La logique de la décentralisation, c'est l'exercice de la responsabilité au plus près du terrain et des hommes. Il me semble que, s'il devait y avoir transfert de ressources fiscales sans possibilité de modulation des taux par les collectivités territoriales, nous serions alors en contradiction avec le principe fondamental de responsabilité qui caractérise la décentralisation.
J'ai bien entendu, moi aussi, les arguments développés par M. le ministre. J'ai bon espoir que la loi organique et les dispositions financières consacreront ce principe. Mais, monsieur le ministre, c'est parce qu'il y a quelques interrogations, semble-t-il, sur l'application d'une modulation du taux de la TIPP, tant à l'échelon régional qu'à l'échelon départemental, que Michel Mercier, au nom de la commission des finances, a souhaité déposer cet amendement de précaution.
Nous faisons confiance au Gouvernement tout en mesurant la difficulté qu'il devra surmonter pour nous proposer un texte applicable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)