SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
1. Procès-verbal (p. 1).
2. Décès d'anciens sénateurs (p. 2).
3. Décisions du Conseil constitutionnel (p. 3).
4. Dépôt d'un rapport en application d'une loi (p. 4).
5. Annulation de l'élection d'un sénateur (p. 5).
6. Vacance d'un siège de sénateur (p. 6).
7. Désignation d'un sénateur en mission (p. 7).
8. Questions orales (p. 8).
DÉPENSES DE RECHERCHE
ET DE DÉVELOPPEMENT MILITAIRE (p. 9)
Question de M. Pierre Laffitte. - Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense ; M. Pierre Laffitte.
ORGANISATION DES ÉLECTIONS
POUR LES COMMISSIONS CONSULTATIVES
PARITAIRES DE LA FONCTION PUBLIQUE (p. 10)
Question de Mme Nicole Borvo. - M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat ; Mme Nicole Borvo.
POLITIQUE EN FAVEUR DES ENFANTS HANDICAPÉS (p. 11)
Question de M. Georges Mouly. - Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées ; M. Georges Mouly.
PRISE EN CHARGE DES FRAIS DE RENTRÉE SCOLAIRE
AU TITRE DE L'AIDE SOCIALE À L'ENFANCE (p. 12)
Question de M. Bruno Sido. - Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées ; M. Bruno Sido.
GESTION DES COURS D'EAU (p. 13)
Question de M. Bernard Piras. - Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable ; M. Bernard Piras.
RÉGLEMENTATION RELATIVE
À LA PROTECTION INCENDIE DES COMMUNES (p. 14)
Question de M. René-Pierre Signé. - MM. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer ; René-Pierre Signé.
AVENIR DES PHARES (p. 15)
Question de M. Pierre-Yvon Trémel. - MM. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer ; Pierre-Yvon Trémel.
MISE EN OEUVRE DE L'ACCORD CADRE
« PLAN BOIS CONSTRUCTION ENVIRONNEMENT » (p. 16)
Question de M. Philippe Leroy. - MM. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer ; Philippe Leroy.
CONDITIONS DE RÉALISATION
DE LA LIAISON EST-OUEST À AVIGNON (p. 17)
Question de M. Alain Dufaut. - MM. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer ; Alain Dufaut.
RÉGLEMENTATION APPLICABLE AUX CONSTRUCTIONS
À PROXIMITÉ DE COURS D'EAU (p. 18)
Question de M. Jean-Jacques Hyest. - MM. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer ; Jean-Jacques Hyest.
AVENIR DE L'OBSERVATOIRE DE SAINT-MICHEL (p. 19)
Question de M. Claude Domeizel. - Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies ; M. Claude Domeizel.
INFORMATION DES COLLECTIVITÉS LOCALES
SUR LA LOCALISATION DES INFRASTRUCTURES
DE TÉLÉCOMMUNICATIONS FILAIRES (p. 20)
Question de M. André Lardeux. - Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie ; M. André Lardeux.
AVENIR DES SERVICES PUBLICS ÉCONOMIQUES
ET FINANCIERS À DIEPPE (p. 21)
Question de M. Thierry Foucaud. - Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie ; M. Thierry Foucaud.
DEVENIR DE LA COMPAGNIE FINANCIÈRE EULIA (p. 22)
Question de Mme Marie-Claude Beaudeau. - Mmes Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie ; Marie-Claude Beaudeau.
CONCURRENCE SUR LE MARCHÉ DES PRODUITS
DE RADIODIFFUSION ET TÉLÉVISION (p. 23)
Question de Mme Brigitte Luypaert. - Mmes Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie ; Brigitte Luypaert.
TRANSFORMATION DE LA TAXE PARAFISCALE HORLOGERIE,
BIJOUTERIE, JOAILLERIE, ORFÈVRERIE (p. 24)
Question de M. Louis Souvet. - Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie ; M. Louis Souvet.
DROIT LOCAL EN ALSACE-MOSELLE
EN MATIÈRE DE DÉCLARATION DOMICILIAIRE (p. 25)
Question de M. Joseph Ostermann. - MM. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales ; Joseph Ostermann.
Suspension et reprise de la séance (p. 26)
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
9. Conférence des présidents (p. 27).
10. Programmation militaire pour les années 2003 à 2008. - Discussion d'un projet de loi (p. 28).
Discussion générale : Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense ; MM. le président, Serge Vinçon, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
MM. Maurice Blin, rapporteur pour avis de la commission des finances ; François Trucy, rapporteur pour avis de la commission des finances ; André Dulait, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ; Mme le ministre.
MM. Jean-Yves Autexier, Xavier de Villepin, Mme Jacqueline Gourault, M. Jean-Pierre Masseret, Mme Josiane Mathon, MM. Philippe de Gaulle, Didier Boulaud, Paul Girod.
Renvoi de la suite de la discussion.
11. Dépôt d'un rapport d'information (p. 29).
12. Dépôts rattachés pour ordre au procès-verbal de la séance du 19 décembre 2002 (p. 30).
13. Ordre du jour (p. 31).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
vice-président
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le procès-verbal de la séance du jeudi 19 décembre 2002 a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté.
DÉCÈS D'ANCIENS SÉNATEURS
M. le président. Mes chers collègues, j'ai le regret de vous rappeler le décès de nos anciens collègues Paul Pillet, qui fut sénateur de la Loire de 1974 à 1983, et André Jouany, qui fut sénateur du Tarn-et-Garonne de 1978 à 1986.
DÉCISIONS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date du 27 décembre 2002, le texte de la décision rendue par le Conseil constitutionnel sur la loi de finances pour 2003.
Acte est donné de cette communication.
Cette décision du Conseil constitutionnel a été publiée au Journal officiel, édition des lois et décrets.
M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date du 13 janvier 2003, le texte de la décision rendue par le Conseil constitutionnel sur la loi relative aux salaires, aux temps de travail et au développement de l'emploi.
Acte est donné de cette communication.
Cette décision du Conseil constitutionnel sera publiée au Journal officiel, édition des lois et décrets.
DÉPÔT D'UN RAPPORT
EN APPLICATION D'UNE LOI
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président de la commission permanente de contrôle des sociétés de perception et de répartition des droits le premier rapport annuel établi par cette commission en application de l'article L. 321-13-III du code de la propriété intellectuelle.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
ANNULATION DE L'ÉLECTION
D'UN SÉNATEUR
M. le président. En application de l'article 40 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, le Conseil constitutionnel a communiqué à M. le président du Sénat le texte d'une décision rendue le 19 décembre 2002 par laquelle le Conseil constitutionnel a annulé l'élection de M. Christian Bergelin, le 29 septembre 2002, comme sénateur du département de la Haute-Saône.
Acte est donné de cette communication.
Cette décision du Conseil constitutionnel sera publiée au Journal officiel à la suite du compte rendu de la présente séance.
VACANCE D'UN SIÈGE DE SÉNATEUR
M. le président. M. le président du Sénat a été informé par lettre du 23 décembre 2002 de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales qu'à la suite de l'annulation, le 19 décembre 2002, de l'élection de M. Christian Bergelin, sénateur de la Haute-Saône, le siège devenu vacant sera pourvu, selon les termes de l'article L.O. 322 du code électoral, par une élection partielle organisée à cet effet dans les délais légaux.
DÉSIGNATION D'UN SÉNATEUR
EN MISSION
M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre une lettre en date du 13 janvier 2003 par laquelle il a fait part au Sénat de sa décision de placer en mission temporaire auprès du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité M. Alain Gournac, sénateur des Yvelines.
Acte est donné de cette communication.
QUESTIONS ORALES
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
DÉPENSES DE RECHERCHE
M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte, auteur de la question n° 91, adressée à Mme la ministre de la défense.
M. Pierre Laffitte. Madame la ministre, je me réjouis, comme la majorité de notre assemblée, de l'augmentation du budget de la défense pour l'année 2003. Ma question porte essentiellement sur la partie recherche et développement de celui-ci.
Depuis dix-sept ans, je rapporte pour avis le budget de la recherche au nom de la commission des affaires culturelles et je suis régulièrement amené à constater que, contrairement à ce qui se passe outre-Atlantique, la part du budget militaire consacrée à la recherche diminue. C'est assez curieux, car la sophistication croissante des fonctions de défense devrait normalement s'accompagner d'une sophistication croissante des armes, et donc d'un accroissement des dépenses de recherche et de développement.
J'ai demandé, à l'occasion de la préparation de mes rapports, leurs avis aux responsables de la direction générale de l'armement, la DGA, et à plusieurs hauts responsables militaires, qui m'ont déclaré préférer acheter « sur étagères » certains produits et services. Bien entendu, ils procèdent aussi à des développements internes et collaborent avec le Commissariat à l'énergie atomique et le Centre national d'études spatiales, mais, d'une façon générale, ils ne considèrent pas que la notion de recherche duale puisse être appliquée en France, faute surtout de crédits mais aussi parce que cette notion ne correspond pas à notre politique.
Madame la ministre, ma question est très simple : compte tenu de la nécessité de renforcer le développement et la recherche dans le domaine militaire, envisagez-vous d'opter pour une stratégie et pour une politique différentes ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur le président, puisqu'il s'agit de la première séance du Sénat cette année, permettez-moi, en mon nom personnel et au nom du Gouvernement, d'adresser mes voeux pour 2003 aux membres de la Haute Assemblée.
Monsieur Laffitte, la recherche et la préparation de l'avenir sont en effet essentielles, et elles le sont tout particulièrement en matière de défense. Vous avez donc parfaitement raison : alors que nous entrons dans une programmation de production - nous en reparlerons cet après-midi puisque le Sénat entamera l'examen du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008 -, il est plus que jamais nécessaire de faire un effort.
Nous devons toujours nous projeter dans l'avenir et, je tiens à vous rassurer, la recherche et la préparation de l'avenir sont bien une priorité de mon ministère, priorité qui se traduira très concrètement dans la loi de programmation militaire puisque j'ai décidé d'inscrire dans celle-ci un effort financier significatif sur les cinq ans à venir, soit 3,8 milliards d'euros, ce qui représente une augmentation de plus de 16 % par rapport à la précédente loi de programmation militaire.
Grâce à cet effort, le différentiel entre le budget de la France et celui de la Grande-Bretagne par exemple sera pratiquement ramené à zéro au cours de la programmation. Bien entendu, nous serons encore loin de l'effort financier qui est réalisé par les Etats-Unis en la matière, mais nos pays n'ont pas non plus la même taille !
Je veux cependant vous faire remarquer que le différentiel qui a toujours existé ne nous a pas empêché d'être très performants dans divers domaines. Il suffit à cet égard de citer Airbus et Ariane, exemples qui montrent que nous sommes capables d'être en tête, même si globalement nos crédits sont moins importants.
Cela signifie simplement que nous sommes obligés de mieux cibler notre effort de recherche.
Un travail prospectif à trente ans, réactualisé chaque année, nous permet d'identifier les technologies qui nous seront nécessaires et, ainsi, de les inscrire dans le développement des futurs programmes. L'une des caractéristiques des programmes du ministère de la défense est qu'ils s'étalent souvent sur quinze ou vingt ans, et que nous sommes obligés de nous projeter très loin dans l'avenir.
L'accent est mis sur les technologies qui concourent aux moyens de communication, d'observation et de renseignement. Il est en effet essentiel pour notre indépendance nationale en matière de défense de disposer des éléments d'information qui nous permettent d'établir notre jugement et de faire nos choix.
Un effort portera aussi sur les systèmes de commandement et de moyens, autres éléments qui nous permettent d'être maîtres de notre politique de défense.
D'autres systèmes de force font également l'objet d'une attention toute particulière : la préparation de l'amélioration à mi-vie du M 51, la capacité antimissiles balistiques ou encore la furtivité des avions et des drones, qui devient une exigence dans les conflits modernes.
Enfin, si nous avons moins de crédits, nous devons les affecter de manière optimale. De ce point de vue, j'ai demandé à la DGA d'étudier avec les industriels les moyens d'optimiser les crédits puis de me faire des propositions.
Bien entendu, nous ne travaillons pas seulement dans le cadre national. Il est important de mettre nos efforts en synergie avec ceux des autres pays européens.
Dans le cadre européen d'une stratégie globale et cohérente indispensable et du programme baptisé European Technology Acquisition Program, un large partenariat a été instauré avec les industriels en mesure de concevoir des systèmes et d'y contribuer en tant qu'équipementiers.
Cette démarche s'appuie sur une étude conjointe qui a été lancée pour clarifier les besoins capacitaires de l'Europe à l'horizon de 2020, puis pour nous permettre d'identifier et de mettre en oeuvre les systèmes qui répondront aux besoins d'une défense nationale et européenne.
M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Madame la ministre, votre réponse me confirme que nous nous trouvons à un tournant.
Nous sommes à huit jours du quarantième anniversaire du traité de l'Elysée signé par le général de Gaulle et le chancelier Adenauer - je m'honore d'ailleurs d'avoir reçu le prix de Gaulle-Adenauer - et il serait particulièrement intéressant qu'à cette occasion puisse être relancé en faveur de la recherche militaire européenne - terme pour l'instant banni des discours bruxellois - le moteur franco-allemand, d'autant que, dans ce domaine, la Grande-Bretagne a, pour une fois, une ligne de pensée militaire assez proche de la nôtre. Nous pouvons donc envisager de réunir au moins quatre ou cinq grands pays européens.
Cela nous permettrait non seulement de renforcer la sécurité du programme Galileo, que notre gouvernement a eu le mérite d'appuyer fortement, mais aussi de développer ce qui a fait la force de l'Amérique. On ne sait pas assez en effet que, pour la Silicon Valley comme pour la région de Boston, tout est parti de contrats avec le Département de la défense : ce sont ces contrats militaires qui ont permis de relancer la machine économique et stratégique.
Après tout, l'Europe est aussi puissante que les Etats-Unis sur le plan économique, et nous devrions tirer parti de cet état de fait. Quoi qu'il en soit, je vous remercie, madame la ministre, de votre prise de position ferme et claire.
M. le président. Madame la ministre, je vous remercie des voeux que vous avez adressés au Sénat. Je vous souhaite, au nom de notre assemblée, un parfait succès dans l'accomplissement de votre mission, et je vous remercie de votre présence parmi nous ce matin.
ORGANISATION DES ÉLECTIONS
POUR LES COMMISSIONS CONSULTATIVES PARITAIRES
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, auteur de la question n° 109, adressée à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.
Mme Nicole Borvo. Je souhaite attirer l'attention du ministre chargé de la fonction publique et la vôtre, monsieur le secrétaire d'Etat, sur les mesures réglementaires qui devraient à mon sens permettre aux personnels non titulaires de la fonction publique de participer aux commissions consultatives paritaires mises en place par certaines collectivités territoriales.
Ainsi, par deux délibérations adoptées lors de ses séances des 18 et 19 novembre 2002, le Conseil de Paris a créé une commission consultative paritaire compétente s'agissant des personnels non titulaires de la commune et du département de Paris.
Sur proposition des élus de mon groupe, le Conseil de Paris a émis le voeu que les emplois-jeunes, les contrats emplois consolidés, les CEC, et les contrats emploi-solidarité, les CES, ainsi que l'ensemble des emplois aidés - dont relèvent les agents non titulaires des deux collectivités parisiennes - puissent bénéficier de la mise en place de cette commission consultative paritaire.
Or l'article 8 du décret du 30 mai 1985 relatif aux comités techniques paritaires des collectivités territoriales et de leurs établissements publics exclut du corps électoral les agents non titulaires n'occupant pas un emploi permanent, ainsi que les agents de droit privé.
Jusqu'à présent, le ministère chargé de la fonction publique n'a pas modifié ces dispositions. Pourtant, un arrêt du Conseil d'Etat du 10 juillet 2002 a annulé les décisions implicites par lesquelles le Premier ministre a refusé de les abroger ou de les revoir. Le Conseil d'Etat fonde son argumentation notamment sur une directive européenne du 12 juin 1989 relative à la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des salariés au travail, en particulier par le biais des comités d'hygiène et de sécurité, dont l'action concerne l'ensemble des agents, qu'ils soient ou non titulaires.
Le Conseil de Paris a donc souhaité que le Gouvernement modifie le décret régissant l'élection des instances paritaires compétentes pour les collectivités territoriales, de manière que l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat soit pleinement appliqué à Paris. Cela permettrait aux différents personnels non titulaires des administrations parisiennes de bénéficier de la mise en place de la commission consultative paritaire que j'ai évoquée.
Par conséquent, monsieur le secrétaire d'Etat, j'aimerais savoir si le Gouvernement envisage de modifier les dispositions en question. Dans le cas contraire, pour quelles raisons juge-t-il pertinente la réglementation actuelle ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Monsieur le président, je voudrais tout d'abord former à mon tour des voeux de bonne année à l'adresse de la Haute Assemblée.
Mme Borvo a soulevé une question délicate et importante relative à la possibilité, pour des agents contractuels de la fonction publique territoriale, de prendre part aux élections aux comités techniques paritaires. Cette question apparemment technique est en fait essentielle, puisqu'elle concerne la représentativité des comités techniques paritaires et, par voie de conséquence, l'association des salariés à la définition des mesures visant à améliorer leur sécurité et leur santé au travail.
Vous avez fait référence, madame Borvo, à un voeu émis, sur l'initiative du groupe auquel vous appartenez, par le Conseil de Paris. Permettez-moi de rappeler que les fonctionnaires des administrations parisiennes sont régis par des dispositions particulières et que, pour l'essentiel, les textes relatifs à la fonction publique territoriale ne leur sont pas applicables.
D'ailleurs, qu'il s'agisse des administrations parisiennes ou des administrations d'Etat, les représentants du personnel au sein des comités techniques paritaires sont désignés librement par les organisations syndicales compte tenu du nombre de voix obtenues lors de l'élection des représentants du personnel aux commissions administratives paritaires. Il en est de même, sous certaines conditions, pour la prise en compte des résultats obtenus par les organisations syndicales en ce qui concerne les commissions consultatives paritaires, dont les compétences sont identiques. Sachant votre groupe très attaché au dialogue avec les syndicats, je ne doute pas que vous soyez très vigilante sur ce sujet !
Cela étant, quels sont les éléments juridiques du débat s'agissant de la fonction publique territoriale ? Comme vous l'avez rappelé, par une décision du 10 juillet 2002 « Fédération CFDT INTERCO », le Conseil d'Etat a jugé que le Gouvernement avait imparfaitement transposé la directive européenne du 12 juin 1989 concernant les mesures à promouvoir pour améliorer la sécurité et la santé des salariés au travail. Il a donc écarté comme non conformes les dispositions réglementaires qui excluaient certains agents contractuels, à savoir les agents non titulaires n'occupant pas un emploi permanent et les agents de droit privé, du corps électoral pour les élections aux comités techniques paritaires dans la fonction publique territoriale. Nous ne pouvons bien évidemment qu'appliquer cette décision.
Ce sujet intéresse au premier chef les organisations syndicales et exige un dialogue et une concertation approfondis. C'est pourquoi Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, a inscrit ce point à l'ordre du jour des négociations sur l'évolution de la gestion des ressources humaines dans les trois fonctions publiques qu'il a engagées avec l'ensemble des syndicats de la fonction publique.
C'est dans ce cadre que le Gouvernement ouvrira le débat sur les enjeux relatifs au dialogue social dans les administrations et que sera évoquée de façon très précise la représentation des agents non titulaires au sein des comités techniques paritaires.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de me renvoyer aux organisations syndicales ! (Sourires.) Je suis évidemment tout à fait favorable à ce que la question que j'ai soulevée soit débattue avec ces dernières, mais la situation demeure bloquée dans l'attente de l'issue des négociations. Quoi qu'il en soit, le ministère devra prendre un décret si un accord intervient avec les organisations syndicales.
Cela étant, qu'il soit bien clair que notre objectif n'est pas d'institutionnaliser la précarité ! Nous souhaitons au contraire permettre à des personnels qui ne relèvent pas du statut de la fonction publique et dont les effectifs, aujourd'hui importants, sont certainement appelés à décroître, à défaut, hélas ! de titularisation et d'intégration, de participer tout de même à la prise de décisions concernant leur vie quotidienne au travail.
En l'occurrence, la directive européenne qui a été évoquée me paraît aller plutôt dans le bon sens. Je tiens à le souligner ici, car cette directive européenne, indépendamment des questions de statut, tend à considérer que tous les agents employés par une administration doivent pouvoir être associés, en particulier, au fonctionnement des organes consultatifs sur les conditions de travail.
Je souhaiterais donc que la situation évolue rapidement, afin que nous puissions déboucher sur une issue positive en ce qui concerne les administrations parisiennes. Certes, comme vous l'avez relevé, monsieur le secrétaire d'Etat, la situation parisienne est spécifique, mais, pour l'heure, les titulaires d'emplois-jeunes ou d'autres contrats non permanents ne peuvent prendre part aux élections aux commissions consultatives paritaires. Telle est du moins l'interprétation de la loi retenue par les administrations parisiennes, et il serait dommage que cette situation perdure.
POLITIQUE EN FAVEUR DES ENFANTS HANDICAPÉS
M. le président. La parole est à M. Georges Mouly, auteur de la question n° 102, adressée à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.
M. Georges Mouly. Madame la secrétaire d'Etat, comme tout un chacun, je porte intérêt à la situation des personnes handicapées, plus précisément à leurs choix de vie.
En préalable à la modernisation de la loi de 1975 - j'espère d'ailleurs que celle-ci fera l'objet d'une loi de programmation accompagnée de moyens -, vous avez déclaré, madame la secrétaire d'Etat, que, « à court terme, la priorité des priorités concerne les enfants handicapés et l'intégration scolaire dans les meilleures conditions ».
Il est vrai que, lorsqu'elle est possible, la scolarisation en milieu ordinaire représente bien la meilleure voie vers l'intégration sociale. Cependant, la réussite de cette politique d'intégration est directement liée aux moyens mis en oeuvre.
A cet égard, les auxiliaires de vie sociale constituent désormais un élément incontournable du projet éducatif de l'enfant ou de l'adolescent : M. le sénateur-maire de Brive et moi-même vous avons adressé deux courriers sur ce sujet en septembre et en octobre derniers. Lors de la discussion budgétaire, vous avez annoncé le maintien des postes créés au titre des emplois-jeunes jusqu'en juin 2003 ainsi que la création de cinq cents nouveaux postes au sein des associations. Voilà qui est bien, mais cela éclaire peut-être insuffisamment l'avenir. En effet, la mise en oeuvre de ces mesures restera encore soumise au dynamisme et à la bonne volonté des associations - celles-ci n'en manquent certes pas, au demeurant - avec une répartition inégale liée au degré actuel de structuration ou d'équipement des territoires.
Par ailleurs, dès ce mois de janvier, s'élaborent les projets pédagogiques et thérapeutiques des enfants handicapés intégrés à la prochaine rentrée scolaire ; pour certains d'entre eux, l'incertitude relative aux moyens d'accompagnement rend les prévisions particulièrement délicates.
Il est donc important, me semble-t-il, de préciser la ventilation des postes d'auxiliaire de vie sociale et de les pérenniser avant juin 2003, tout en leur conférant un statut. A cet égard, madame la secrétaire d'Etat, peut-on espérer que le groupe de travail que vous avez constitué rende rapidement ses conclusions ? J'ai appris tout récemment que votre collègue le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche avait confié à un député une mission sur l'intégration des enfants handicapés en milieu scolaire : je suppose qu'il y aura parfaite articulation.
Au demeurant, cette politique d'intégration ne peut être développée au détriment des moyens accordés aux établissements spécialisés, qui conservent toute leur raison d'être. Ces établissements, dans la plupart des cas, se sont d'ailleurs résolument ouverts au monde extérieur, et je sais qu'un travail en réseau se met en place entre établissements scolaires ordinaires et établissements spécialisés.
Ce principe, que vous avez vous-même réaffirmé, madame la secrétaire d'Etat, lors de la discussion budgétaire, est parfois quelque peu mis à mal en raison de l'absence de dispositifs ou de structures ad hoc.
Ainsi, il arrive souvent qu'un parcours d'intégration s'achève brutalement, non pas à cause de la faiblesse du potentiel de l'individu, mais parce que la structure ou le dispositif susceptible de l'accueillir est complet ou ne dispose plus de moyens de fonctionnement suffisants : c'est un constat que l'on peut dresser sur le terrain.
Dans mon département, la plupart des projets d'intégration sont liés à la prise en charge de l'élève par un SESSAD, un service d'éducation spéciale ou de soins à domicile. L'absence d'une telle prise en charge, qui laisse l'instituteur confronté seul aux problèmes quotidiens, est préjudiciable à la mise en oeuvre du projet d'intégration. Or les services fonctionnent souvent en sureffectif, leur agrément étant insuffisant, ce qui affecte lourdement l'équilibre budgétaire. Est-il concevable de réduire l'aide apportée par le biais de ce dispositif à la scolarisation, voire de la réserver à des prises en charge moins « lourdes », comme nous pouvons parfois être contraints de le faire ?
Il convient donc de doter les projets d'intégration des moyens qui permettront la réalisation des objectifs assignés au projet pédagogique, éducatif et thérapeutique pour la prochaine rentrée scolaire. Il me semble que, là encore, quelques zones d'ombre subsistent.
Vous avez déclaré, madame la secrétaire d'Etat, qu' « une meilleure intégration scolaire contribue davantage à l'épanouissement des enfants, les prépare ainsi à une vie adulte se déroulant au maximum dans un milieu ordinaire ». Cela suppose que cette intégration ne soit pas menacée par le couperet des « orientations par défaut » à l'issue d'un cycle.
A cette époque de l'année où de nombreux projets sont élaborés en vue de la prochaine rentrée scolaire, il serait pour le moins opportun - mais tel est sans aucun doute votre sentiment, madame la secrétaire d'Etat - que l'on puisse savoir quels moyens seront mobilisés.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi, à mon tour, de vous présenter mes voeux les plus chaleureux pour cette nouvelle année et de souhaiter que vous puissiez accomplir un travail très fructueux dans tous les domaines, en particulier dans celui dont j'ai la responsabilité, la tâche étant immense.
L'intégration scolaire, monsieur le sénateur, est une de mes priorités, je crois l'avoir dit depuis le premier jour. Les enfants ont l'obligation d'aller à l'école et l'éducation nationale a le devoir d'accueillir tous les enfants. Ils ont le droit à la scolarité. Celle-ci résulte d'une politique définie et mise en oeuvre, conjointement, je vous rassure, par le ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche et par le secrétariat d'Etat aux personnes handicapées.
Les réponses apportées doivent être souples et diversifiées afin que puissent être mis en oeuvre des projets individualisés correspondant au mieux aux besoins de chaque enfant.
Ces besoins peuvent être décrits selon trois axes principaux : pédagogique, éducatif et thérapeutique, l'importance de chacun de ces domaines variant en fonction des besoins de l'enfant considéré. Ils doivent être organisés dans le temps car il ne peut y avoir, vous l'avez dit et je partage votre point de vue, de discontinuité depuis l'accueil en maternelle jusqu'à la formation professionnelle ou universitaire, voire jusqu'à l'insertion professionnelle.
Vous abordez, dans votre question, des éléments qui me paraissent déterminants : il faut définir un projet pour chaque enfant et permettre la scolarisation de la plupart des enfants et adolescents ; l'école est le milieu naturel de cette scolarisation ; les auxiliaires de vie scolaire et les services d'éducation spécialisée et de soins à domicile, les SESSAD, doivent y contribuer lorsque cela s'avère nécessaire.
C'est pourquoi les conclusions du groupe de travail qui a été mis en place pour étudier la pérennisation du service rendu par les auxiliaires de vie scolaire sont attendues très prochainement, d'ici à la fin du mois, monsieur le sénateur. Mais, d'ores et déjà, le Président de la République a souhaité que le nombre d'auxiliaires de vie scolaire soit porté à 6 000 à la rentrée prochaine, ce qui renforcera notablement les moyens actuels.
Le nombre de places en service d'éducation spécialisée et de soins à domicile reste, je vous l'accorde, notoirement insuffisant. Il a tout de même progressé depuis de nombreuses années, puisque l'on est passé de 6 500 places en 1988 à 17 600 places en 1998. Des chiffres plus récents seront disponibles d'ici à deux mois. Mais tout laisse à penser que cette dynamique sera maintenue, voire amplifiée, car c'est nécessaire.
S'agissant des établissements médico-éducatifs, ils se sont ouverts - ils doivent continuer à le faire - pour faciliter, en particulier, l'intégration scolaire, notamment en développant des services d'éducation spécialisée et de soins à domicile, je viens de le dire. Ils doivent également s'attacher à recevoir les enfants les plus lourdement handicapés : trop d'enfants ayant d'importants troubles du comportement ou polyhandicapés, pour ne citer que ceux-là, ne pourront, on le sait, bénéficier d'un accueil à temps complet à l'école. Inversement, ils doivent, là où ils se trouvent, pouvoir bénéficier, quelles que soient leurs difficultés, d'un apport pédagogique, celui-ci devant être le plus adapté possible.
Il est nécessaire, aujourd'hui, de trouver des réponses pour des dizaines de milliers d'enfants pour lesquels l'orientation par les CDES, les commissions départementales de l'éducation spéciale, n'a pu aboutir. Aucun enfant ne doit rester sans solution. Monsieur le sénateur, je reviens d'un voyage éclair en Suède, au cours duquel j'ai visité un certain nombre d'établissements et observé les réponses qui étaient apportées au problème. En matière d'intégration scolaire, notamment, l'exemple de la Suède est très probant, et je compte m'en inspirer dans le projet de loi qui vous sera soumis prochainement.
Les instructions qui seront bientôt données aux DDASS pour la mise en oeuvre de la loi de financement de la sécurité sociale confirmeront les orientations que je viens de vous présenter.
M. le président. La parole est à M. Georges Mouly.
M. Georges Mouly. Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie de cette réponse détaillée, qui mérite d'être examinée attentivement. Les chiffres dont vous avez fait état révèlent le caractère concret de vos engagements.
J'ai noté que le secrétariat d'Etat aux personnes handicapées et le ministère de la recherche, de l'éducation nationale et de la jeunesse travaillent en parfaite coordination, mais le contraire m'aurait surpris. Qui ne pourrait souscrire à l'idée essentielle que sont les projets individualisés, allant jusqu'à l'insertion professionnelle ? Vous avez mentionné le point de vue du Président de la République. Elu de son département, je puis attester de la réalité profonde de cet engagement.
En cette période de voeux, permettez-moi, madame la secrétaire d'Etat, de vous souhaiter un plein succès dans l'exercice de vos lourdes responsabilités. Il s'agit d'un immense chantier. Pour le mener à bon port, vous pouvez compter sur le soutien de chacun d'entre nous.
PRISE EN CHARGE DES FRAIS DE RENTRÉE SCOLAIRE
AU TITRE DE L'AIDE SOCIALE À L'ENFANCE
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, auteur de la question n° 110, adressée à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. Bruno Sido. Ma question, qui concerne l'allocation de rentrée scolaire, l'ARS, destinée aux enfants confiés aux conseils généraux au titre de l'aide sociale à l'enfance, s'adresse à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je vous remercie, madame la secrétaire d'Etat, de me transmettre sa réponse.
A l'heure actuelle, de nombreux parents dont les enfants sont placés chez des assistantes maternelles à titre permanent, employées par les conseils généraux, perçoivent l'allocation de rentrée scolaire versée par la caisse d'allocations familiales alors même qu'ils n'assument pas les frais de scolarité de leurs enfants. Parallèlement, certains conseils généraux, dont celui de la Haute-Marne, versent aux assistantes maternelles en charge de ces enfants une indemnité d'un montant équivalent à celui qui est octroyé par la caisse d'allocations familiales. Il s'agit, à mes yeux, d'une mesure d'équité. Ce versement n'est pas obligatoire. Ainsi, la collectivité publique peut être amenée à verser deux fois une allocation pour un même mineur.
Dans l'état actuel du droit, seul le juge des enfants dispose du pouvoir d'attribuer au département l'allocation de rentrée scolaire en faveur de l'enfant qu'il confie au président du conseil général, ce qu'il n'a pratiquement jamais fait jusqu'à présent.
Je souhaiterais donc connaître la position du ministre sur cette question et savoir si la législation et la réglementation en vigueur ne pourraient pas être modifiées de façon à permettre le versement systématique de l'allocation de rentrée scolaire à la collectivité gardienne et responsable de l'enfant, ce qui aurait un double mérite : simplification et économie des deniers publics. Cette mesure permettrait, en outre, d'éviter le dévoiement de cette allocation, qui s'apparente plus à une allocation de rentrée qu'à une allocation de rentrée scolaire.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. En premier lieu, je tiens à excuser M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, qui aurait souhaité répondre lui-même à votre question, monsieur le sénateur, mais qui est retenu en cet instant à l'Assemblée nationale. Je vais donc vous faire part des éléments qu'il m'a chargée de vous transmettre.
Les parents des enfants confiés aux services de l'aide sociale à l'enfance, l'ASE, et placés en famille d'accueil sont tenus envers eux à l'obligation alimentaire prévue par le code civil. La participation financière exigée d'eux en pareil cas ne peut pas être inférieure au montant des allocations familiales proprement dites. A ce titre, les allocations familiales étant destinées à l'entretien continu de l'enfant, l'article L. 521-2 du code de la sécurité sociale prévoit le versement, au profit des services de l'ASE, de la part des allocations familiales due pour l'enfant placé.
Ce versement ne s'applique toutefois qu'aux seules allocations familiales, l'allocation de rentrée scolaire, au même titre que les autres prestations, échappant à ce dispositif.
En effet, actuellement, afin de préserver l'équilibre souvent fragile des familles concernées et de favoriser le retour au foyer de l'enfant, le bénéfice des prestations autres que les allocations familiales est, en règle générale, maintenu aux parents lorsque ces derniers conservent avec l'enfant les liens affectifs et éducatifs, situation que seul le service d'action sociale à l'enfance est habilité à préciser lorsqu'il accueille l'enfant. J'ajoute que dans le cas où aucun de ces liens n'est préservé le versement de l'ARS est purement et simplement supprimé, même s'il est vrai que le juge des enfants dispose du pouvoir d'attribuer au département l'allocation de rentrée scolaire, en faveur de l'enfant qu'il a confié au conseil général.
Mais il est tout aussi vrai que, généralement, le service d'aide sociale à l'enfance éprouve quelques réticences à constater la rupture de liens, rendant ainsi ces cas rares.
Le ministre délégué à la famille voit dans cette situation à tout le moins un paradoxe, auquel certains conseils généraux, dont celui que vous présidez, monsieur le sénateur, ont essayé de trouver une réponse, en versant aux familles d'accueil une indemnité d'un montant équivalent à celui qui est versé par les caisses d'allocations familiales. De fait, comme vous le soulignez, la collectivité publique peut ainsi être amenée à verser deux fois une allocation pour un mineur alors même que ses parents ne participent pas aux frais de scolarité.
Par ailleurs, il n'est pas inutile de rappeler que la jurisprudence tend à reconnaître, désormais, au tiers digne de confiance, le TDC, la charge effective et permanente de l'enfant qui lui est confié, comme le précise la circulaire n° 2002-032 de la Caisse nationale des allocations familiales.
Fort de ce constat et de ces évolutions, M. Christian Jacob, qui est sensible aux difficultés engendrées par cette différence de traitement entre allocations familiales et allocation de rentrée scolaire, mais dont on peut penser qu'elle vaut aussi pour d'autres prestations familiales, ne serait pas hostile à l'approfondissement de deux solutions potentielles qui exigeront, de la part de ces services, qu'il vient de saisir, une analyse.
La première solution reviendrait à faire entrer l'ARS dans la participation financière minimale exigée de la part des parents dont les enfants sont placés, telle qu'elle ressort de la loi du 21 août 1946, et ce au regard des évolutions de notre société vis-à-vis de la scolarité.
La seconde consisterait à explorer les voies de droit permettant de classer au rang d'allocataires les services de l'aide à l'enfance, au titre du statut de tiers dignes de confiances, voire les familles d'accueil.
Les conclusions de cette réflexion pourraient conduire le ministre délégué à la famille à proposer une modification législative sur ce point.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido.
M. Bruno Sido. Madame la secrétaire d'Etat, je suis très satisfait de cette réponse dont vous voudrez bien remercier M. le ministre délégué à la famille.
Le conseil général est effectivement un tiers digne de confiance. Il pourrait donc faire l'objet du traitement réservé aux TDC classiques. Quant à l'assimilation de l'ARS à une allocation familiale, c'est une autre solution.
Pour des raisons tant d'équité que d'économie, je souhaite que cette question soit réglée le plus rapidement possible.
M. le président. La parole est à M. Bernard Piras, auteur de la question n° 97, adressée à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
M. Bernard Piras. Madame la ministre, je voudrais attirer votre attention sur certaines dispositions de la loi sur l'eau, qui, de portée très générale, ne sont pas forcément adaptées à certaines catégories de rivière.
Il en est ainsi de la mesure aux termes de laquelle les prélèvements dans les lits des rivières, notamment de gravier, sont très limités. Cette règle, qui se justifie sans aucun doute dans certaines hypothèses, est inadaptée à la problématique des rivières de type méditerranéen et torrentiel comme l'Eygue, la Durance, l'Ouvèze, pour citer les plus connues.
Les riverains, et ou les communes sont tenus de redynamiser les bancs, par le passage d'un scarificateur, par exemple. Mais, faute de moyens suffisants, aucun revenu ne pouvant être tiré de ce travail d'entretien, cette redynamisation est de moins en moins effectuée.
La mutualisation des moyens sur les rivières nécessitera, hélas ! encore de nombreuses années, sans négliger les problèmes inhérents aux rivières constituant les limites administratives des départements et des régions.
La conséquence directe en est que les îlots se forment et se végétalisent. Cette végétation, plus ou moins dense, située dans le lit de la rivière, constitue à terme des obstacles qui favorisent l'érosion des berges, la divagation de la rivière et donc les risques d'inondation.
Dans le passé, des entreprises prélevaient ces atterrissements et dévégétalisaient ces îlots. Commercialisant ces prélèvements, elles réalisaient l'entretien nécessaire sans que cela grève le budget des collectivités ou des syndicats - donc des contribuables - gérant ces rivières.
Si l'on pouvait, tout en soumettant à un contrôle rigoureux les prélèvements, autoriser de nouveau cette solution, cela permettrait de remédier à la situation que nous connaissons actuellement, qui est source de risques importants. Une telle évolution serait en outre conforme à l'esprit de la loi sur l'eau.
C'est pourquoi je me permets de vous saisir de cette question pour savoir s'il est envisageable d'amender la loi sur l'eau dans ce sens.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. A l'occasion de cette première séance de questions orales sans débat de l'année, j'adresse, à mon tour, mes voeux à vous-même, monsieur le président, et à Mmes et MM. les sénateurs, ainsi qu'aux fonctionnaires de la Haute Assemblée.
Monsieur Bernard Piras, j'ai pris connaissance, bien sûr avec intérêt, de votre question relative à l'entretien régulier des cours d'eau dans le souci de prévenir les inondations.
Instruite par mes mandats locaux, l'un de mes premiers chantiers en arrivant au ministère a été, et cela ne vous surprendra pas, la prévention des inondations. L'actualité des crues dramatiques du Gard et des départements limitrophes (M. Bernard Piras s'exclame) démontre l'urgence de légiférer. D'ailleurs, le 3 janvier dernier, le conseil des ministres a adopté un projet de loi relatif aux risques technologiques et naturels.
J'y ai intégré des dispositions, dont un certain nombre reprennent les conclusions de la mission d'enquête parlementaire mise en place en 2001 à la suite des crues de la Somme dont vous vous souvenez. (M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer opine). Je souhaite en particulier que les moyens donnés aux collectivités soient complétés, notamment, par des procédures simplifiées, lorsqu'elles interviennent sur des cours d'eau dont elles n'assurent pas la gestion habituelle, en cas d'urgence pour la sécurité publique.
En ce qui concerne les extractions commerciales dans le lit mineur des cours d'eau, celles-ci, vous en conviendrez, ont été menées de manière excessive dans le passé...
M. Bernard Piras. J'en conviens.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. ... et ont provoqué un approfondissement du lit de nombreux cours d'eau, parfois jusqu'à dix mètres.
Cet approfondissement a souvent entraîné la déstabilisation de ponts, de digues latérales et d'ouvrages en rivière, ainsi qu'une accélération des crues qui peut encore avoir aujourd'hui de graves conséquences à l'aval. Je n'oublie pas, bien sûr, les phénomènes d'érosion rétrograde bien connus chaque fois que l'on approfondit le lit d'une rivière.
En application de la législation sur les installations classées, les extractions commerciales dans le lit mineur des cours d'eau sont interdites depuis l'arrêté du 22 septembre 1994, si elles n'ont pas pour objet l'entretien du lit mineur ou son aménagement. Les curages et dragages d'entretien restent donc possibles en étant soumis, vous l'avez rappelé, à la loi sur l'eau ou à la législation sur les installations classées en fonction de la quantité de matériaux extraits et de leur utilisation.
Pour les cours d'eau de montagne, la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de la nature prévoit, dans son article 29, une disposition particulière : une évaluation des excédents de débit solide doit être effectuée, par bassin de rivière, par les services de l'Etat.
Au vu de cette évaluation, le préfet peut accorder, après avis de la commission des carrières, des autorisations d'extraction lorsque est constaté un encombrement du lit de nature à provoquer des inondations. Les modalités d'instruction de ces autorisations ont été précisées par une circulaire du 9 mai 1995 prise par le ministre de l'environnement de l'époque.
En cas d'urgence motivée par la sécurité publique, les responsables de l'entretien des cours d'eau peuvent faire effectuer des dragages d'urgence sans procédure préalable, et notamment sans enquête publique, sous réserve d'en rendre compte ultérieurement à l'autorité administrative.
De même, aucune procédure préalable n'est requise, au titre de la loi sur l'eau, pour les opérations courantes de curage et de dragage des cours d'eau réalisées selon la technique dite « vieux fonds, vieux bords », c'est-à-dire lorsque ces opérations ne modifient pas la géométrie du lit des cours d'eau.
Comme vous le constatez, les textes élaborés en 1994 et 1995 offrent déjà des possibilités d'intervention répondant à vos attentes. Je souhaite que ces possibilités soient simplement utilisées, sans application extensive des textes.
M. le président. La parole est à M. Bernard Piras.
Je vous remercie, madame la ministre, de cette réponse parfaitement claire.
M. Bernard Piras. Il faut porter les possibilités offertes par les textes à la connaissance des collectivités locales et des syndicats de façon qu'ils puissent, en relation avec l'administration centrale, y recourir sans que se reproduisent les excès que nous avons connus.
RÉGLEMENTATION RELATIVE À LA PROTECTION
M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé, auteur de la question n° 32, adressée à monsieur le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
M. René-Pierre Signé. Ma question porte sur le problème que pose aux communes rurales l'application de la circulaire de 1951 qui prévoit que tout terrain situé à plus de 200 mètres d'un poteau d'incendie ne pourra pas bénéficier d'un certificat d'urbanisme favorable, sauf, pour la commune, à prendre en charge la réalisation de ce poteau.
Dans les communes ne disposant pas d'un plan d'occupation des sols, les règles relatives à la construction ont toujours été appliquées avec bon sens et avec une certaine souplesse par rapport au règlement national d'urbanisme et à la loi sur le mitage.
En zone rurale, les réseaux d'eau potable ne sont pas adaptés à la connexion à un poteau d'incendie compte tenu du diamètre, considérable, des canalisations et de la pression nécessaire. L'application stricte du texte ne permettra plus de construire dans nos petites communes, sauf à exécuter d'amples travaux d'adduction d'eau dont l'utilité serait douteuse ou à créer des réserves d'eau très coûteuses, d'autant qu'elles doivent être espacées et nombreuses.
Serait-il envisageable, monsieur le ministre, dans les territoires à faible densité démographique, d'appliquer avec souplesse la circulaire de 1951, d'autant que les corps des sapeurs-pompiers disposant de camions-citernes à forte contenance et à haut débit n'ont que très rarement recours aux réserves d'eau et aux bornes à incendie ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux à mon tour vous présenter mes meilleurs voeux. Je souhaite que l'année 2003 soit pour vous une excellente année sur le plan personnel et aussi qu'elle soit marquée par de nombreux et fructueux échanges entre l'exécutif et le législatif.
Monsieur Signé, la circulaire intérministérielle du 10 décembre 1951 traite de l'extinction des incendies dans les communes rurales et urbaines en envisageant l'ensemble des dispositifs auquel il peut être recouru. Toutefois, cette circulaire ne prévoit nullement de subordonner l'octroi d'un certificat d'urbanisme favorable à la localisation d'un poteau d'incendie situé à moins de 200 mètres d'un terrain.
De plus, la portée juridique d'une telle circulaire ne saurait subroger les règles nationales d'urbanisme en vigueur, notamment celles qui sont relatives à la desserte des constructions (et qui sont visées à l'article R. 111-4 du code de l'urbanisme.
Même si les techniques et les moyens de lutte contre l'incendie ont évolué depuis 1951, la circulaire propose des solutions toujours adaptées pour la mise en place d'une défense incendie dans les communes rurales à très faible densité de population et d'urbanisation.
Dans un tel cas, la circulaire n'impose pas la mise en place systématique de poteaux ou de bouches d'incendie - c'est-à-dire d'hydrants - sur le réseau de canalisation d'eau, lorsqu'il existe. L'installation d'hydrants de ce type dans les communes à habitat dispersé représente un coût très élevé et hors de portée de communes disposant de faibles ressources financières. La priorié est alors donnée à l'utilisation de points d'eau naturels utilisables en permanence ou, à défaut, à l'aménagement de réserves artificielles en des endroits judicieusement choisis par rapport aux bâtiments à défendre. L'aménagement de tels points d'eau permet d'ailleurs d'assurer une défense suffisante contre un risque moyen situé dans un rayon de 400 mètres.
Dans chaque commune, la défense contre l'incendie, placée sous l'autorité du mairie de la commune au titre de ses pouvoirs de police administrative, doit être réglée au niveau local en partenariat avec les sapeurs-pompiers et le distributeur d'eau. Pourra ainsi être retenue la solution technique la plus adaptée au risque présent. De plus, une étude hydraulique peut être réalisée par le service départemental d'incendie et de secours. Elle permet aux élus de planifier l'équipement des infrastructures hydrauliques de leur commune en disposant d'un avis technique adapté.
M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.
M. René-Pierre Signé. Je vous remercie, monsieur le ministre, de cette réponse, qui ne me surprend d'ailleurs pas. Je me suis aperçu que cette circulaire n'était pas appliquée de la même façon dans tous les départements. Ainsi, dans la Nièvre, elle est appliquée par la direction départementale de l'équipement avec une rigueur qui me paraît un peu excessive.
Bref, même si les orientations du texte sont bonnes, l'application qui en est faite est parfois contestable.
Ainsi que vous l'avez souligné vous-même, monsieur le ministre, les dépenses sont trop lourdes : il ne peut être question de doubler les canalisations d'eau potable ni d'installer une réserve d'eau tous les 200 mètres.
Je vous remercie également d'avoir confirmé que les SDIS devaient systématiquement être consultés en cas de doute.
Ainsi, dans de nombreuses communes rurales ou semi-urbaines, bien des dossiers conflictuels pourraient trouver une issue conforme à l'avis des maires. Je crois que votre réponse, que je ne manquerai pas de leur communiquer, les satisfera.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel, auteur de la question n° 55, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. M. Pierre-Yvon Trémel. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur un sujet que vous connaissez bien : l'avenir des phares.
Outre leur rôle en matière de navigation, et malgré l'existence, aujourd'hui, d'autres systèmes de signalisation, sonore ou lumineuse, les phares constituent un patrimoine bâti tout à fait remarquable et précieux. Certains sont même allés jusqu'à les appeler les « palais de notre littoral ».
La préservation et la mise en valeur des phares est une nécessité : vis-à-vis des générations futures, nous avons le devoir de préserver ces monuments irremplaçables.
En application du plan de modernisation des phares, le précédent gouvernement avait attribué des dotations spécifiques pour la remise à niveau d'un certain nombre d'établissements de signalisation maritime.
En 2000, il avait en outre lancé des études sur le patrimoine que constituent les phares et les instruments de signalisation maritime et confié à l'Ecole nationale des ponts et chaussées une mission qui devait déboucher, à la fin de 2001, sur un rapport d'étape.
Les résultats de ces différentes études devaient permettre de dresser un état des lieux ainsi que de définir une politique adaptée et ambitieuse de protection et de mise en valeur de ce patrimoine tout à fait remarquable.
Ces conclusions devaient également nous conduire à mener une réflexion sur le système de gestion à adopter, sans doute en collaboration avec les collectivités locales et les associations, afin de préserver nos phares et de les rendre accessibles à tous, au même titre que tout monument historique.
Je souhaite donc, monsieur le ministre, que vous fassiez le point sur les résultats des études conduites par le ministère et par l'Ecole nationale des ponts et chaussées. Je saisis également l'occasion que me donne cette question orale pour vous demander quelles orientations vous entendez suivre concernant l'ensemble du dossier des phares.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Je ne suis pas surpris que l'élu des Côtes-d'Armor qu'est M. Trémel se préoccupe des phares, car ils sont nombreux dans son département.
Je rappelle que l'on compte en France 159 phares dont 139 en métropole.
Vous avez raison, monsieur le sénateur, de souligner l'importance de ce patrimoine, et il ne me paraît pas excessif d'employer, au sujet des phares, l'expression de « palais du littoral ».
Il est tout à fait nécessaire de prendre en compte, outre les impératifs techniques de signalisation maritime, la conservation d'un bâti qui présente souvent des caractéristiques exceptionnelles, justifiant par là même l'intérêt que lui manifeste le public.
La priorité d'utilisation des crédits mis en place par mon ministère portant sur la création et la maintenance des aides à la navigation, des ressources complémentaires doivent être mobilisées pour assurer la visite des phares. Une réflexion est en cours à ce sujet mais plusieurs actions ont d'ores et déjà été lancées. L'objectif est de disposer, avant le milieu de l'année 2003, des éléments permettant de définir une véritable politique.
La première de ces actions s'inscrit dans le cadre d'une convention signée avec le ministère de la culture - ce qui souligne l'aspect patrimonial des phares - qui vise à réaliser un inventaire des 139 phares métropolitains.
Cet inventaire a pour objet d'établir, pour chaque phare, un triple état des lieux : sur le plan technique ; sur le plan historique et architectural ; au regard de l'ouverture au public.
L'inventaire des phares concerne aussi l'ensemble des objets qui se trouvent à l'intérieur de chacun et les éventuels bâtiments annexes. Ce recensement est réalisé à l'occasion du passage dans les subdivisions territoriales d'un consultant qui présente l'action, sensibilise les responsables à l'objectif recherché et, compte tenu de ses connaissances du domaine, peut repérer des objets intéressants.
L'utilité d'une action concernant les archives a en outre été reconnue.
D'autres actions seront également entreprises dans le cadre de cette coopération, qui concernent d'autres éléments du dispositif de signalisation maritime : les petits feux, les signaux sonores, les bouées, etc.
Pour les deux autres aspects, des fiches sont aussi établies selon un modèle standardisé.
L'inventaire est terminé : l'utilisation des informations recueillies est en cours. La deuxième action concerne les visites des phares. Une étude menée par l'Ecole nationale des ponts et chaussées, et qui consistait en un recensement et une analyse de conditions d'exploitation des visites dans les phares, dans le cadre d'un projet de fin d'études, a débouché sur un rapport définitif. Celui-ci comporte les propositions suivantes pour cette stratégie nationale de valorisation du patrimoine des phares : faire du Créac'h, à Ouessant, un lieu national dédié à la mémoire des phares ; impliquer un acteur central dans les initiatives locales de valorisation du patrimoine ; préparer - c'est le point le plus délicat - un plan national de sauvegarde des phares en mer ou isolés.
L'analyse de toutes ces propositions est en cours.
La troisième action sera probablement lancée au début de 2003 : elle concerne l'analyse des besoins à venir en matière de sécurité maritime, ainsi que les propositions éventuelles sur le caractère nautique ou sur les équipements eux-mêmes.
M. le président. La parole est à M. Pierre-YvonTrémel.
M. Pierre-Yvon Trémel. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, qui montre bien que le stade de l'inventaire est désormais dépassé et que des propositions ont été formulées. Comme vous, je souhaite bien entendu que nous passions vraiment à l'action.
Plusieurs phares se trouvent en très mauvais état : ce sont des chefs-d'oeuvre en péril ! Je pourrais en citer plusieurs, mais je me contenterai de rappeler qu'il faut rapidement intervenir sur les phares de l'archipel des Glénan, plus particulièrement le phare de la Vieille, qui se trouve dans le Raz de Sein ; au-delà de leur remise en état, il faudra tout mettre en oeuvre pour permettre leur ouverture au public. A cette fin, les collectivités locales comme les associations, qui sont très motivées, sont prêtes à coopérer avec l'Etat.
Nous aurons manifestement l'occasion de revenir sur ce dossier en 2003. Pour ma part, j'y resterai très attentif.
MISE EN OEUVRE DE L'ACCORD-CADRE
« PLAN BOIS CONSTRUCTION ENVIRONNEMENT »
M. le président. La parole est à M. Philippe Leroy, auteur de la question n° 108, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
M. Philippe Leroy. Monsieur le ministre, dans sa sagesse, le Parlement, en adoptant la loi sur l'air en 1996, a prévu d'encourager l'utilisation du bois comme matériau de construction.
Le bois présente en effet de nombreux avantages au regard de la protection de l'environnement. Outre que son exploitation est faiblement consommatrice d'énergie, il constitue un véritable « puits de carbone » puisqu'il stocke du gaz carbonique. Le bois contribue ainsi à l'amélioration de la qualité de l'air. Il faut savoir que, en moyenne, un mètre carré de surface de logement correspond à soixante kilos de gaz carbonique !
Si l'on augmentait ne serait-ce que de 25 % la consommation de bois dans la construction, la France pourrait satisfaire à environ 15 % des engagements qu'elle a pris à Kyoto quant à la diminution de la pollution atmosphérique.
Un recours plus intense au bois dans la construction est donc de nature à satisfaire les amoureux de l'air pur, mais aussi, bien sûr, les professionnels de la filière bois, dont le rôle est particulièrement important dans le monde rural. Le développement de l'utilisation du bois que j'appelle de mes voeux serait d'ailleurs susceptible de créer 20 000 à 30 000 emplois.
Or le décret d'application de la disposition en faveur du bois figurant dans la loi sur l'air n'est pas encore publié. Il est évident que l'élaboration de ce décret a nécessité de nombreuses recherches mais on peut raisonnablement penser que celles-ci ont maintenant été menées à bien et que le décret peut être pris. Tant qu'il ne l'est pas, malheureusement, l'accord-cadre « Plan bois construction environnement » passé entre différents ministères et les professionnels ne peut être mis en oeuvre. Monsieur le ministre, pouvez-vous me dire s'il pourra l'être prochainement ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur Leroy, comme vous le soulignez fort justement, la mise en oeuvre du « plan bois construction environnement » permettra à la France de respecter une part importante des engagements qu'elle a pris dans le cadre du protocole de Kyoto pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Le Gouvernement, soucieux que l'on passe de la parole aux actes, est donc particulièrement attaché à la mise en oeuvre opérationnelle de ce plan.
Ce plan repose, d'une part, sur un projet de décret d'application de l'article 21-5 - effectivement inspiré par la sagesse du Parlement - de la loi n° 96-1236 du 30 décembre 1996, dite « loi sur l'air », et, d'autre part, sur une charte signée le 28 mars 2001 par huit ministres, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, ainsi que l'ensemble des organisations professionnelles intéressées par la construction et le bois.
Le projet de décret relatif à la quantité minimale de bois à incorporer dans certaines constructions a été élaboré en concertation avec l'ensemble des partenaires. Une première version de ce décret a été soumise au Conseil d'Etat, qui a émis un avis défavorable. Je lui transmettrai prochainement une nouvelle version tenant compte des observations qu'il a précédemment formulées.
La charte est un document par lequel chacun des signataires s'engage à agir en fonction de ses compétences et de ses moyens pour faire passer la part du bois dans la construction de 10 à 12,5 % en dix ans.
Le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer a rempli l'essentiel de ses engagements et continuera à le faire, en particulier en ce qui concerne son implication dans la recherche et le soutien aux études. Il a ainsi consacré à la filière bois un budget de recherche de 1,25 million d'euros, soit une multiplication par trois de son effort dans ce domaine.
Il est vrai que la mise en oeuvre effective du plan à l'échelon local peine à trouver son rythme de croisière. Cela provient probablement d'un déficit d'explicitation des enjeux, qui empêche chacun de s'approprier véritablement ce plan.
Vous contribuez par votre question, monsieur le sénateur, à remédier à ce déficit, et je vous en remercie.
Afin de relancer la dynamique de l'accord-cadre, je compte réunir prochainement les signataires et examiner avec eux les évolutions à apporter au dispositif.
M. le président. La parole est à M. Philippe Leroy.
M. Philippe Leroy. Monsieur le ministre, je vous remercie vivement de l'engagement que vous venez de prendre de réunir les professionnels concernés pour faire avancer ce projet.
CONDITIONS DE RÉALISATION
DE LA LIAISON EST-OUEST À AVIGNON
M. le président. La parole est à M. Alain Dufaut, auteur de la question n° 113, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
M. Alain Dufaut. Monsieur le ministre, je ne vais pas à nouveau vous expliquer ce qu'est la liaison Est-Ouest, plus communément baptisé la LEO chez nous, ni combien elle est vitale pour l'agglomération du Grand Avignon. Au demeurant, lorsque j'ai déposé la présente question orale, il y a un peu plus d'un mois, je ne savais pas que vous me recevriez au ministère, le 17 décembre, avec trois autres parlementaires concernés par le sujet.
Il est vrai, monsieur le ministre, qu'à cette occasion vous nous avez apporté des garanties quant à l'inscription de 7,5 millions d'euros en autorisations de programme en 2003, en vue du démarrage à la fin de la présente année des travaux préparatoires puis, au début de 2004, du lancement des consultations pour deux ouvrages d'art sur la Durance.
Compte tenu de ces éléments, que vous avez confirmés par écrit, le 7 janvier, c'est donc une question complémentaire que je vais vous poser aujourd'hui.
Sachant que la mise globale de la LEO à deux fois deux voies entre le carrefour des Angles, dans le Gard, et l'échangeur de Bonpas, sur l'A 7, se chiffre à environ 2,5 milliards de francs -je m'exprime en francs car cela me paraît plus explicite-, considérant que le projet, dans sa première phase qui doit démarrer fin 2003, ne bénéficie que d'une inscription au contrat de plan d'environ 720 millions de francs, soit uniquement 30% du budget définitif, considérant par ailleurs que cette première phase ne prévoit pas le pont sur le Rhône, qui est évidemment l'ouvrage le plus cher et le plus important, considérant que les voies express de cette deuxième phase seront à deux fois une voie seulement, alors qu'elles devraient déjà être à deux fois deux voies, considérant qu'aucune date prévisionnelle n'a été annoncée aux élus pour la deuxième phase, considérant enfin que la seule première tranche durera vraisemblablement de 2003 à 2010, alors que, d'ores et déjà, l'évolution du trafic au sud de l'agglomération d'Avignon imposerait la réalisation définitive du projet, je crois, monsieur le ministre, que nous sommes en droit de nous interroger sur la pertinence d'une telle programmation, tout à fait incompatible avec l'urgence des besoins.
Une vraie desserte de la nouvelle gare TGV d'Avignon ainsi que le développement économique de l'agglomération et le désengorgement de son trafic ne pourront pas attendre raisonnablement encore quinze ou vingt ans, voire plus.
Aussi, sans remettre en cause le financement de la première phase, assuré par 720 millions de francs inscrits au contrat de plan, ne peut-on pas envisager, afin de financer l'énorme différentiel et d'accélérer le tout, une mise à péage de la LEO ? Seule une telle formule permettrait effectivement - comme l'avait confirmé une étude de 1995 - une mise en service définitive de cette infrastructure d'ici à cinq ou six ans.
Etant donné le caractère exceptionnel de cette voie, située sur deux régions et trois départements différents irriguant tout un bassin de vie, ne pourrait-on pas envisager une expérimentation dans le cadre des nouvelles lois, de décentralisation afin d'autoriser la communauté d'agglomération du Grand Avignon, la COGA, à emprunter sur la base des recettes d'une concession trentenaire et assurer ainsi la maîtrise d'ouvrage de la LEO dans un délai raisonnable ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le sénateur, le principe de concession dont vous parlez avait déjà fait l'objet de différentes analyses lors des phases d'études préliminaires, et des concertations préalables. Plusieurs scénarii de concession avaient ainsi été portés à la connaissance des élus, qui ne s'étaient alors pas prononcés en faveur de ce mode de financement.
Les raisons principales ayant conduit à s'orienter vers un mode de financement non concédé, dans le cadre des contrats de plan, étaient les suivantes.
Sur le plan fonctionnel, la mise à péage de la LEO entraînerait, d'après les études, une baisse très importante de trafic sur cet itinéraire de rocade d'Avignon et, parallèlement, maintiendrait un trafic important sur les itinéraires gratuits traversant l'agglomération, ce qui n'est pas tout à fait le but recherché. L'étude réalisée en 1996 sur différents scénarii de concession montrait, que en fonction du taux de péage appliqué, cette perte de trafic, par rapport à une solution exempte de péage de la LEO, s'établissait, selon les sections, entre 17 % et 30 % à l'Ouest, entre 24 % et 44 % au Centre et entre 57 % et 64 % à l'Est.
Par ailleurs, en termes financiers, outre la remise en cause des dispositions du contrat Etat-région et de la convention spécifique de financement signée entre l'Etat, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et les départements des Bouches-du-Rhône et du Vaucluse le 24 juillet 2001, les trafics prévisionnels empruntant l'itinéraire à péage - et notamment la faible part du trafic de transit - conduiraient très vraisemblablement à une insuffisance des recettes engendrées par la concession, et donc à l'apport par l'Etat et les collectivités d'une subvention d'équilibre.
Seule une analyse plus fine nécessitant de reprendre les études de trafic permettrait de déterminer les conditions d'une éventuelle concédabilité. Cette analyse, qui porterait sur l'ensemble de la liaison entre A 7 et A 9, demanderait au moins six mois.
J'ajoute que l'implantation d'un péage en milieu péri-urbain peut présenter certaines difficultés lorsque - et c'est le cas pour la LEO - les points d'échanges sont relativement nombreux. Il serait alors nécessaire soit de supprimer des échangeurs, ce qui irait à l'encontre de la desserte urbaine, soit d'admettre la mise hors péage de certaines sections, ce qui conduirait à diminuer les recettes de péage et donc à augmenter le montant de la subvention.
Enfin, en termes de délai, une mise en concession de la LEO ne peut s'inscrire dans le cadre de l'enquête publique de la section centrale entre la RN 100 aux Angles et la RN 7 aux Amandiers qui s'est déroulée du 4 mars au 18 avril 2002 et qui a donné lieu à un avis favorable de la commission d'enquête le 17 juillet dernier.
Un projet concédé nécessiterait d'engager une nouvelle phase de concertation publique dans le cadre du programme global de l'itinéraire A7-A9 et pourrait même faire l'objet d'un débat public. Une nouvelle enquête publique serait ensuite nécessaire une fois réalisées les études techniques sur l'ensemble de la liaison.
En conséquence, indépendamment du problème de la concédabilité financière de la LEO, la reprise des études techniques et des procédures administratives - concertation, enquête publique, appel d'offres de concession - repousserait l'engagement des travaux de la section centrale de plusieurs années, sans garantie que la population du Grand Avignon accepte la remise en cause du principe de gratuité affiché jusqu'à présent et présenté à l'enquête publique.
Tous ces éléments militent, me semble-t-il - mais le débat reste ouvert et vous serez toujours le bienvenu au ministère -, pour poursuivre dans la voie actuellement tracée et permettre ainsi un démarrage des travaux avant la fin de l'année.
Dans le cadre du débat parlementaire que le Gouvernement organisera au printemps sur les infrastructures de transport, les deux questions centrales seront les suivantes : quel schéma national pour les vingt ans à venir, et quel financement pour le mettre en oeuvre ?
C'est, à mes yeux, un débat très important pour l'avenir, notamment dans la perspective de l'élargissement de l'Europe, pour pallier les difficultés présentes à investir dans la réalisation d'infrastructures selon un bon rythme.
M. le président. La parole est à M. Alain Dufaut.
M. Alain Dufaut. Monsieur le ministre, je vous ai écouté, bien évidemment, avec beaucoup d'intérêt. Lorsque les élus locaux, au début des années quatre-vingt-dix, avaient évoqué la possibilité d'une concession, personne n'imaginait que le projet s'étalerait sur quinze à vingt ans, tout le monde pensait que l'investissement serait inscrit en totalité au contrat de plan, c'est-à-dire sur une durée raisonnable de six à sept ans. Mais nous constatons aujourd'hui que l'on n'y arrivera pas.
Nous sommes tous d'accord pour que ne soient surtout pas remis en cause le financement actuel ni la réalisation à partir de l'enquête d'utilité publique de la partie centrale. C'est vital, il est hors de question que l'on y touche !
En revanche, lorsqu'il est question de relier les autoroutes A7 et A9 au niveau de la deuxième phase, on pourra peut-être imaginer un système de concession très simple pour ce tronçon : nous avons en effet intérêt à accélérer un peu les réalisations autoroutières dans notre pays.
RÉGLEMENTATION APPLICABLE AUX CONSTRUCTIONS
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, auteur de la question n° 115, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le ministre, je vais citer dans ma question un exemple concret, mais celle-ci pourrait s'appliquer à d'autres cas. Vous l'avez bien compris, j'attends une réponse juridique au sujet des autorisations de construire.
La commune de Bagneaux-sur-Loing souhaite aménager un terrain à bâtir. Le maire de cette commune, qui est aussi le président de l'office local d'HLM, avait ainsi prévu la construction de trente et un pavillons et de dix logements.
A la suite de la révision du plan local d'urbanisme, PLU finalisé en 2001 et approuvé en janvier 2002, la commune s'était donné les moyens de favoriser la construction de ces nouveaux logements et avait fait l'acquisition foncière des terrains nécessaires, au prix du terrain à bâtir, bien sûr, compte tenu du certificat d'urbanisme délivré.
Or le plan d'occupation des sols valant PLU, approuvé par la commune avec l'avis favorable des services de l'Etat - dont celui de la navigation du Loing - se voit remis en cause aujourd'hui par le préfet, la DDE ayant émis un avis défavorable au permis de construire de l'OPHLM au prétexte que le « terrain est situé en zone d'aléas forts, telle qu'elle ressort de la carte des aléas établie en 2001 dans l'élaboration du plan de prévention des risques d'inondations du Loing ».
La carte des aléas servant de base pour l'établissement d'un PPRI, un plan de prévention des risques d'inondations, dont l'étude débutera peut-être en 2003, n'a aucune valeur réglementaire et n'a pas été mise à enquête publique - seul le PLU s'impose - mais elle a pour conséquence de maintenir la commune et les propriétaires de foncier dans une insécurité juridique totale, avec les conséquences que cela peut avoir, notamment pour ceux qui ont vendu, en particulier les notaires, puisque les certificats d'urbanisme n'ont plus aucune valeur.
Le maire de la commune ayant maintenu son projet d'aménagement, le préfet lui demande de retirer son arrêté de permis de construire, en vertu du « principe de précaution » - c'est extraordinaire ! -, alors que la commune de Bagneaux-sur-Loing n'a subi jusqu'à présent aucune inondation, car elle est protégée par le canal du Loing.
Monsieur le ministre, je passe devant le terrain concerné chaque jour depuis quarante ans : je n'ai jamais vu une goutte d'eau ! Même en 1910, ce terrain n'a pas été inondé. Il est vrai que des travaux énormes ont été réalisés sur le Loing pour éviter les inondations. Cela n'a pas empêché un jeune fonctionnaire du service de la navigation de m'expliquer qu'il s'agissait d'une rivière « torrentielle » ! Je ne le savais pas : depuis le XIIe siècle, il n'en a jamais été fait mention.
Dans ces conditions, ma première remarque portera sur le fait que, lors de l'acceptation du PLU qui a amené la commune à se porter acquéreur de certains terrains, le plan de prévention des risques d'inondations existait déjà, et que, à ce moment-là, aucune opposition n'avait été faite au plan d'aménagement.
Ma seconde remarque tient au fait que, à force de vouloir tout protéger et tout anticiper sur les risques éventuels, on assiste à une superposition de textes et réglementations divers qui, dans certains cas, sont contradictoires. Or la réglementation devrait être appliquée de façon objective et s'adapter au contexte local.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je souhaiterais savoir si une étude dont les éléments n'ont aucune valeur juridique peut être opposée à un document d'urbanisme approuvé et opposable aux tiers. Cette situation ne manquerait pas, si elle n'était pas réglée, de susciter de graves difficultés contentieuses et d'entraîner des conséquences économiques très graves. En effet, à côté de ce terrain, est située une immense usine de verrerie, Corning France. Interdira-t-on demain l'extension des ateliers de cette entreprise, extension qui serait pourtant nécessaire à sa modernisation ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le sénateur, c'est certainement à votre jeunesse que vous devez de ne pas avoir connu la présence d'eau sur les terrains concernés...
M. Jean-Jacques Hyest. J'ai consulté les archives !
M. Gilles de Robien, ministre. En tout cas, dans la Somme, certains terrains n'ont jamais vu une goutte d'eau depuis des décennies. Or, selon les archives, au XVIe siècle, des crues terribles ont fait monter de dix ou douze pieds - soit environ trente centimètres par pied - le niveau de l'eau en une nuit. Depuis ce temps-là, aucune crue n'a été déplorée ; puis, en 2000, 2001 et 2002, les nappes phréatiques ont atteint un niveau tel qu'ont été rendus inconstructibles un certain nombre de terrains.
Le problème est cependant réel, et je comprends votre question.
Dans le cas de la commune de Bagneaux-sur-Loing, l'élaboration d'un plan de prévision des risques d'inondations a été prescrite le 3 août 2001, mais elle n'est pas aujourd'hui terminée. Cependant, une carte des secteurs inondables a été adressée à la commune le 6 décembre 2001. Or la mise en oeuvre du plan d'occupation des sols de cette commune était déjà très avancée, puisque le conseil municipal l'a approuvé le 17 janvier 2002. Dans ces conditions, il est compréhensible que le POS n'ait pas pu intégrer cette carte des aléas.
Nous nous trouvons donc dans la situation d'un risque connu et bien réel mais qui n'est, à ce jour, pas encore traduit dans les documents d'urbanisme. Dans un tel cas, il me semble que les pouvoirs publics ne peuvent ignorer ce risque. L'article R. 111-2 du code de l'urbanisme prévoit, en effet, qu'un permis peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de prescriptions spéciales si le projet présente un risque du point de vue de la sécurité publique.
Dans une telle situation, il convient d'examiner au cas par cas les projets et d'en tirer les conclusions. Dans cet esprit, j'ai demandé à mes services d'étudier attentivement le cas des deux opérations dont vous faites état.
Celle qui concerne la construction d'une dizaine de logements individuels semble pouvoir être autorisée, sous réserve de quelques modifications du projet que l'office d'HLM serait prêt à accepter, notamment en ce qui concerne le niveau des planchers habitables, pour échapper aux inondations.
L'autre opération, plus compliquée, est située dans une zone non urbanisée et dans le champ d'expansion des crues. Elles pose beaucoup plus de problèmes et a fait l'objet, dès l'origine, d'un avis défavorable des différents services de l'Etat. Une issue analogue à celle qui a été proposée pour la première opération paraît difficilement envisageable dans une telle zone située à l'extérieur de l'urbanisation existante.
J'ai demandé à mes services de se tenir tout particulièrement à la disposition de la commune et de lui apporter toute l'assistance nécessaire pour résoudre les difficultés auxquelles elle est aujourd'hui confrontée.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le ministre, dans la vallée du Loing, il est arrivé que des décisions contradictoires soient rendues à quinze jours d'intervalle. Ainsi, à Souppes-sur-Loing, un jour, on accorde un permis, puis, quinze jours plus tard, on le refuse sur un terrain pourtant contigu. N'y a-t-il pas là une source d'incertitude dans l'attribution des cotes ?
Monsieur le ministre, je vous rappelle aussi qu'un ouvrage extrêmement important sépare la commune de Bagneaux-sur-Loing du fleuve : il s'agit du canal du Loing, qui représente tout de même un obstacle considérable ! Or, depuis sa construction, sous Colbert, la commune de Bagneaux n'a jamais connu aucune inondation. Les archives en témoignent ! Je suis maire d'une commune voisine, qui est exactement dans le même cas : il n'y a jamais eu d'inondation.
Quoi qu'il en soit, un PPRI, ce n'est pas seulement le fruit d'un calcul fait par ordinateur ! Il faut étudier concrètement la situation sur le terrain. Au demeurant, si le canal du Loing n'était pas véritablement un obstacle, une digue, je serais alors très inquiet, monsieur le ministre, parce que toutes les habitations qui sont situées au-delà du canal, et qui sont extrêmement nombreuses dans cette vallée, seraient alors soumises au risque d'inondation.
Je souhaite en tout cas que le dialogue soit renforcé avec les communes, car les services imposent trop souvent aux collectivités, sans débat, des mesures qui ne sont pas comprises et qui peuvent avoir des conséquences économiques dramatiques, notamment pour les collectivités qui ont acheté des terrains au prix du terrain à bâtir.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. Je vais essayer de rassurer M. Hyest : je vais donner des consignes précises aux services afin qu'ils dialoguent avec les communes pour trouver des solutions techniques aux deux projets qu'il a cités. Le premier semble facile à réaliser, le second un peu plus compliqué, mais tout le monde doit travailler ensemble pour trouver une solution.
AVENIR DE L'OBSERVATOIRE DE SAINT-MICHEL
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, auteur de la question n° 100, adressée à Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies.
M. Claude Domeizel. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur l'activité de l'observatoire de Saint-Michel.
Je tiens à souligner la grande place tenue par cet établissement dans les Alpes-de-Haute-Provence, et la collaboration étroite qui s'est instaurée entre la commune de Saint-Michel-l'Observatoire et le conseil général des Alpes-de-Hautes-Provence, lesquels sont à l'origine de la création récente du centre d'astronomie chargé de développer la culture scientifique auprès du grand public.
Mais il est surtout utile, madame la ministre, de rappeler la contribution de cet observatoire au profit de la découverte et de la recherche scientifique. Pour mémoire, c'est à l'observatoire de Haute-Provence, l'OHP, qu'a été découverte en 1995 la première planète en orbite autour d'une étoile autre que le soleil.
L'installation programmée de moyens technologiques, tels que le spectrographe SOPHIE ou le télescope automatique ARAGO, sont des gages de la place occupée par l'observatoire au niveau international.
A contrario de ces perspectives scientifiques d'avenir se profilent toutefois des craintes d'ordre humain et matériel. La baisse constante des effectifs - ingénieurs, techniciens, administratifs, ainsi que l'histogramme des âges particulièrement pénalisant pour la structure, ne permettront plus à l'observatoire de répondre à la demande des chercheurs venus du monde entier si le renouvellement des effectifs n'est pas assuré.
Aussi souhaiterais-je connaître les programmations budgétaires réservées au Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, en général, et à la recherche astronomique en particulier, afin que l'un des premiers observatoires du monde puisse disposer de moyens humains et matériels suffisants pour lui permettre d'affronter la compétition internationale et garder la place qu'il y occupe actuellement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Monsieur le sénateur, j'ai eu le grand plaisir, voilà quelques mois, de visiter l'observatoire de Haute-Provence en votre compagnie et celle de M. Sivan, qui m'en a présenté les différents éléments et qui m'a bien évidemment rappelé le rôle très important que ce laboratoire a joué, depuis sa création, dans le développement de l'astronomie française.
L'OHP compte quatre télescopes principaux, dont celui de 193 centimètres, qui a permis, vous l'avez rappelé, la découverte en 1995 de la première planète dite extrasolaire. Sur la centaine de découvertes qui ont été faites, dix-neuf sont liées à l'observation effectuée dans cet observatoire.
Outre cette activité, on connaît la performance de l'activité de recherche et de développement instrumental et son exceptionnelle qualité pour certaines installations de l'observatoire européen installé au Chili. Cette activité est une force importante de l'OHP.
L'OHP est aussi un grand site d'observation géophysique et un lieu de formation pour les jeunes étudiants en doctorat.
L'OHP permet donc une multiplicité de réalisations.
S'agissant des moyens liés à ces activités, permettez-moi tout d'abord de vous rappeler, monsieur le sénateur, qu'il n'y a pas de programmation pluriannuelle au CNRS. C'est votre assemblée qui, chaque année, vote les budgets correspondant aux programmations proposées. Il est particulièrement important d'attirer l'attention sur cet aspect si nous voulons réaliser des programmes ambitieux.
Mais, plus qu'à la croissance des budgets, c'est plutôt à une utilisation optimale des ressources que nous devons veiller pour que ces laboratoires, ces observatoires astronomiques soient en mesure de mener à bien des projets ambitieux et encore plus importants que par le passé.
Bien sûr, la question des ressources humaines et des personnels mis à disposition est tout à fait importante pour maintenir la compétence. Il y a actuellement à l'OHP cinq chercheurs et soixante ingénieurs, techniciens, administratifs, les ITA. Mais une vingtaine de départs en retraite sont prévus d'ici à la fin de l'année 2006.
Nous avons analysé très précisément la situation en tenant compte des projets scientifiques et techniques qui ont été présentés par le laboratoire, de l'évaluation faite conjointement par le CNRS et le ministère pour les prochaines années, ainsi que des évolutions instrumentales qu'il faut prendre en compte, enregistrées ou prévisibles dans le plan d'action.
Il ne sera pas nécessaire, nous semble-t-il, de remplacer nombre à nombre chacun des départs mais, en tout cas, nous veillerons à préserver tous les moyens nécessaires à la réalisation des objectifs.
En ce qui concerne la spécificité thématique de l'OHP, la recherche systématique des planètes autour d'étoiles solaires, une équipe franco-suisse travaille beaucoup, au sein de l'observatoire, à l'étude d'un nouveau spectrographe qui permettra de renforcer les actions dans ce domaine. Un financement est prévu en partie au niveau régional et en partie au niveau national par l'intermédiaire du CNRS. Nous soutenons, c'est vrai, le leadership d'une équipe française dans la conduite de ce projet particulier et nous veillerons à leur apporter les moyens nécessaires, en particulier grâce à l'automatisation améliorée des équipements.
Nous sommes donc attentifs à la fois à la budgétisation nécessaire et aux équipes, notamment à la présence d'équipes françaises de haut niveau pour les observations menées à l'OHP.
Vous avez précisé, cela me paraît très important, l'activité du site en liaison avec le centre d'astronomie de Saint-Michel-l'Observatoire. Cette création récente est tout à fait portée par les collectivités locales, qui ont compris l'attractivité que cela représenterait pour le lieu, notamment en termes de développement touristique. Cette dualité, qui est une très belle possibilité, est appropriée à l'évolution de cet observatoire. L'ensemble des missions de l'observatoire est d'une haute importance et je serai très vigilante en matière de diffusion des connaissances scientifiques au service de la culture et des citoyens.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Madame la ministre, votre réponse détaillée prouve votre attachement à l'observatoire de Haute-Provence. Nous vous recevrons volontiers de nouveau dans notre département pour venir voir d'en bas le chemin parcouru en haut voilà quelque temps. (Sourires.)
Votre réponse ne me satisfait qu'à demi, car vous avez déclaré que les remplacements ne seront peut-être pas effectués nombre à nombre. La masse critique pour que l'observatoire soit opérationnel étant vraisemblablement atteinte ou proche de l'être, c'est inquiétant.
INFORMATION
DES COLLECTIVITÉS LOCALES
SUR LA LOCALISATION DES INFRASTRUCTURES
DE TÉLÉCOMMUNICATIONS FILAIRES
M. le président. La parole est à M. André Lardeux, auteur de la question n° 106, adressée à Mme la ministre déléguée à l'industrie.
M. André Lardeux. Madame la ministre, ma question s'inscrit dans le cadre de l'information des collectivités territoriales sur la présence des infrastructures de télécommunications filaires. Le réseau téléphonique filaire est déployé en grande partie sur la voie publique. La connaissance de la géographie de ce réseau est aujourd'hui un élément déterminant de la politique locale de développement numérique. Elle est indispensable à toute politique cohérente d'aménagement numérique du territoire. Seule la connaissance des zones couvertes à partir d'un même point de concentration permet en effet de planifier correctement les futurs réseaux de desserte et de positionner efficacement les investissements publics d'infrastructure. Ce découpage ne correspond à aucun autre découpage territorial administratif ni aux bassins de population.
Le code des postes et télécommunications impose aux opérateurs de fournir des informations relatives à la localisation des infrastructures de leurs réseaux filaires aux autres opérateurs titulaires de l'autorisation prévue à l'article L. 33-1 du même code. A ce jour, les opérateurs tels que France Télécom ne peuvent donc fournir ces informations qu'à d'autres opérateurs, mais refusent de les fournir aux collectivités. La mention de raisons de sécurité ne paraît pas légitime dans la mesure où l'accès à ces informations a pour seul objet de permettre aux collectivités locales et à leurs partenaires d'optimiser la construction des équipements en cause dans le plus strict respect des consignes de sécurité en vigueur.
Face au refus des opérateurs de communiquer ces informations, les collectivités territoriales sont de ce fait aveugles sur les plans de desserte de leurs administrés par les réseaux à haut débit reposant sur ces infrastructures.
L'objectif étant d'informer les collectivités territoriales sur le positionnement de câbles physiques desservant leurs administrés, il est nécessaire de rendre obligatoire la communication des zones desservies par les répartiteurs téléphoniques aux collectivités territoriales d'autant que leur recensement physique est pratiquement impossible.
En effet, la fourniture de ces informations aux collectivités est indispensable au plein exercice par celles-ci des compétences qui leur sont reconnues à l'article L. 1511-6 du code général des collectivités territoriales en matière de création et de mise à disposition d'infrastructures de télécommunications.
Seule la connaissance des zones couvertes à partir d'un même point de concentration de lignes d'abonnés permet en effet de planifier correctement les futurs réseaux de desserte et de positionner efficacement les investissements publics d'infrastructures. La fourniture de telles informations paraît d'autant plus légitime que la réglementation des télécommunications et les décisions de l'Autorité de régulation des télécommunications, l'ART, favorisent systématiquement les solutions de partage d'insfrastructures. Par ailleurs, l'ART s'est déclarée favorable à une extension du champ d'intervention des collectivités locales.
En outre, la lettre même de l'article L. 1511-6 du code général des collectivités territoriales, qui prévoit qu'une consultation publique soit conduite par les collectivités afin de définir les besoins des opérateurs et des utilisateurs, semble inciter à la fourniture de telles informations, tant il est vrai qu'une juste appréciation des besoins en réseaux et services de télécommunications n'est pertinente que si l'offre existante peut être correctement appréhendée.
Les conséquences pourraient s'avérer coûteuses en études pour redécouvrir une information qui existe déjà, mais aussi en argent public dépensé à des endroits où il est peut-être inutile.
Afin d'assurer le développement rapide du haut débit en France dans les meilleures conditions techniques et financières sous l'action des collectivités locales, madame la ministre, je souhaite connaître la position qu'adoptera le Gouvernement afin de permettre aux collectivités locales de disposer des informations nécessaires et suffisantes pour s'assurer de la nature de la couverture par des moyens de télécommunications filaires de leurs territoires et les moyens que vous pensez pouvoir mettre en oeuvre pour inciter, voire obliger, les opérateurs de télécommunications à informer les collectivités sur les déploiements existants et prévus de leurs infrastructures, tant en termes de quantité que de nature et de disponibilité.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le sénateur, la législation concernant les télécommunications n'impose pas, en effet, de façon générale aux opérateurs de communiquer des informations sur la localisation de leurs infrastructures. Au contraire, ces informations sont considérées, c'est vrai, comme commercialement sensibles et traitées de façon confidentielle. Ainsi, l'article R. 20-47 du code prévoit que : « L'autorité compétente [pour l'attribution des permissions de voirie] traite la demande dans le respect du secret des affaires. »
En outre, certaines infrastructures des opérateurs sont le support de réseaux utilisés à des fins de défense et de sécurité publique. La localisation de ces infrastructures est donc, par nature, très sensible.
Des dispositions particulières peuvent imposer à certains opérateurs, dans certaines circonstances, de fournir des informations sur la localisation de leurs infrastructures. France Télécom est ainsi tenue, en application de l'article D. 99-23 du code des postes et télécommunications, de fournir aux autres opérateurs les informations nécessaires à la mise en oeuvre du dégroupage de la boucle locale, ce qui peut inclure la localisation de certains équipements techniques.
Toutefois, les collectivités sont clairement fondées à connaître les infrastructures de télécommunications qui empruntent leur domaine public, par exemple les infrastructures établies le long des voies communales. J'ai le sentiment que cette précision répond, au moins pour une large part, à votre question. La fourniture des informations correspondantes s'effectue dans le cadre de l'attribution des permissions de voirie et est prévue par le code des postes et télécommunications. Il appartient bien entendu aux collectivités de tenir à jour la liste de l'ensemble des installations qui empruntent leur domaine, afin notamment de faciliter les travaux futurs.
M. le président. La parole est à M. André Lardeux.
M. André Lardeux. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse. Bien qu'elle soit précise, elle ne me satisfait pas complètement, car les collectivités locales, notamment les départements, sont fortement sollicitées pour développer les réseaux numériques sur leur territoire.
Nous sommes quelque peu embarrassés car, du fait du « monopole » dont il bénéficie, l'opérateur historique fait pression sur nous pour que nous passions par lui en excluant les autres, ce qui est contraire au code de bonne concurrence.
Je me permets donc d'insister pour que soit complétée ou améliorée l'information des collectivités, sans nuire au secret des affaires que vous avez rappelé.
AVENIR DES SERVICES PUBLICS ÉCONOMIQUES
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, auteur de la question n° 114, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Thierry Foucaud. Je souhaite interroger Mme la ministre sur la situation de nos services économiques et financiers, situation particulièrement délicate sous l'effet conjugué de deux réformes : celle du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, et la restructuration de la Banque de France.
Alors qu'on nous promet plus de décentralisation, les projets dont nous avons écho concernant la Banque de France et les recettes des impôts vont au contraire dans le sens d'une recentralisation, d'une concentration de ces services, avec notamment la suppression des structures de proximité actuellement en place dans des villes de petite ou moyenne importance.
A titre d'illustration, je citerai le cas de la commune de Dieppe, dans le département de la Seine-Maritime. Des menaces de fermeture pèsent à la fois sur la succursale de la Banque de France et sur la recette des finances.
S'agissant de la succursale de la Banque de France, à Dieppe, il faut savoir que ses vingt-deux agents traitent chaque année près de 700 dossiers de surendettement. D'autres succursales de la région de Haute-Normandie, également menacées, en traitent un nombre tout aussi important : près de 1 500 au Havre, 400 à Bernay, près de 700 à Vernon. Pourtant, la proximité du service facilite, à n'en pas douter, la démarche de ces populations fragilisées. Il en va de même, bien sûr, de la mise en oeuvre du droit au compte, que la Banque de France doit garantir.
Les succursales participent également au développement en donnant la possibilité aux acteurs économiques locaux d'accéder aux nombreuses données qu'elles recensent concernant leur territoire et permettant d'évaluer la situation économique locale. La recette des finances participe également à cette collecte d'informations.
La recette de Dieppe assure aussi le suivi de 1 162 comptes de collectivités territoriales ; ses vingt-deux agents conseillent, le cas échéant, les élus locaux. Parmi ses nombreuses fonctions figure le contrôle des comptes des lycées de l'arrondissement ainsi que des casinos de Dieppe, du Tréport, de Forges-les-Eaux.
Le dernier point, et non des moindres, est que ce projet de restructuration des succursales aura pour effet, entre autres conséquences, de rallonger les distances, notamment pour les transports de fonds, ce qui est un facteur d'insécurité. Nul doute, en effet, que les risques d'agression des convoyeurs s'en trouveront multipliés : les systèmes actuels de sécurité, permettant de rendre inutilisable l'argent dérobé, ne protègent pas en effet ceux qui transportent les fonds !
Enfin, seule la Banque de France trie la monnaie avec un matériel suffisamment performant pour en garantir la qualité. Les vérifications par sondage ou pesage utilisées dans d'autres établissements ont leurs limites : j'en veux pour preuve les pièces thaïlandaises qui circulent actuellement - j'en ai une ici -, qui passent sans difficulté pour des pièces de 2 euros alors qu'elles valent 60 centimes.
Voilà pourquoi, madame la ministre, je souhaite avoir des précisions sur l'avenir de ces deux services publics du département de la Seine-Maritime en l'occurrence, Dieppe.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Le réseau des succursales de la Banque de France comprend 211 implantations, dont le maillage et l'organisation sont, vous le savez, hérités du xixe siècle et des deux premières décennies du xxe siècle. Cette situation fait que la Banque de France possède aujourd'hui le réseau le plus dense de toute l'Europe.
Cet organisme est engagé depuis plusieurs années dans un double mouvement de modernisation de ses activités et d'adaptation de ses structures et de ses méthodes, qui tient compte des importantes mutations que connaissent les activités exercées dans ses comptoirs et au siège.
La poursuite de ce mouvement de modernisation et de baisse des coûts constitue incontestablement une nécessité de gestion pour la Banque de France, alors que les taux d'intérêt sont très bas et que la circulation fiduciaire de l'euro est beaucoup moins importante que celle du franc.
Dans ce contexte, le gouverneur de la Banque de France a annoncé le 15 octobre 2002 le lancement d'une mission de réflexion sur l'évolution du réseau de succursales et sur l'avenir des opérations avec la clientèle particulière.
Confiée au secrétaire général de la Banque de France, cette mission va se traduire notamment par une concertation très approfondie avec les partenaires sociaux, de même qu'avec les élus locaux.
Comme tout organisme public, la Banque de France doit veiller à rendre à la collectivité nationale le meilleur service au meilleur coût, en prenant en compte l'ensemble des évolutions qui affectent ses métiers et les attentes légitimes du public en matière de qualité et d'efficacité du service rendu.
Vous savez que nos partenaires européens ont récemment tiré les conséquences de ces mutations en procédant à des réformes de leur banque centrale. La France ne peut demeurer, bien évidemment, en retrait de ces évolutions.
L'Etat entend conforter la Banque de France dans le rôle qu'il veut lui voir jouer dans la vie économique locale et qui doit être conçu dans le souci d'optimiser la gestion dont cet établissement est comptable devant la nation.
Monsieur le sénateur, vous avez évoqué la recette des finances de Dieppe.
Le projet « Bercy en mouvement » a pour objectif de renforcer l'efficacité des structures du ministère et plus particulièrement de ses services de proximité. Le ministère dispose en effet de réseaux garantissant un service public de proximité et qui constituent un véritable atout pour l'aménagement du territoire ; encore faut-il s'assurer que la taille de ces services leur permette d'exercer correctement leur mission. Il faut donc être pragmatique et rechercher une organisation garantissant cette proximité et cette qualité.
S'agissant du réseau des recettes des finances, la fermeture de la moitié environ des 55 postes existants a été annoncée en octobre dernier : l'idée est de ne maintenir que les postes se situant dans les arrondissements les plus importants.
La liste des recettes qui seront fermées n'est pas encore arrêtée ; elle le sera prochainement en fonction de critères qui sont, d'une part, la taille de l'arrondissement financier, d'autre part, les éléments économiques et géographiques propres au département.
Le département de la Seine-Maritime dispose actuellement de deux recettes des finances, l'une au Havre et l'autre à Dieppe. Seuls quarante-cinq départements sont dotés de recettes de finances, à raison d'une seule recette dans trente-huit départements ; sept départements seulement disposent de deux recettes des finances ou plus.
Je souligne, en outre, que les recettes des finances n'ont plus, depuis 1996, mission de recevoir le public. Elles sont centrées sur les fonctions de pilotage, de soutien et de suivi des trésoreries des arrondissements qui leur sont rattachées.
La fermeture d'une partie des recettes des finances constitue une réorganisation purement interne au Trésor public : elle ne change en rien les conditions dans lesquelles le service est rendu par les trésoreries au public et aux collectivités locales. Elle n'est donc pas de nature à modifier la présence du service public économique et financier.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Madame la ministre, votre réponse comporte des éléments à la fois positifs et négatifs. Je suis un peu inquiet lorsque vous vantez le système européen, alors que le système français est beaucoup plus compétitif.
Comme vous l'avez indiqué, il faudrait que les partenaires sociaux, et les élus locaux puissent participer aux discussions tout en prenant en compte les soucis exprimés au préalable dans cette intervention. Il s'agit du service public, de la proximité, au moment où l'on parle de décentralisation et de sécurité. J'ai évoqué les transporteurs de fonds, mais j'ai aussi donné l'exemple de la pièce de deux euros de et de la pièce thaïlandaise d'une valeur de soixante centimes d'euros qui peuvent se confondre, ce qui risque poser un problème.
Se pose aussi La question de la satisfaction des besoins, qui sont toujours présents. Je vous ai cité les chiffres concernant les dossiers de surendettement en ce qui concerne Vernon, Le Havre, Rouen et Dieppe. Les personnels de la Banque de France doivent pouvoir continuer à travailler sur ces dossiers.
Je veux enfin souligner qu'il importe, dans la discussion avec les élus locaux et les partenaires sociaux, de ne pas s'inscrire dans un plan de diminution du nombre des salariés du service public. Bien au contraire, dans le département de Seine-Maritime comme dans les autres, il convient de maintenir un service public de proximité efficace et permanent, qui assure la satisfaction des besoins.
DEVENIR DE LA COMPAGNIE FINANCIE`RE EULIA
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, auteur de la question n° 105, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Madame la ministre, tout d'abord, je vous remercie de répondre ce matin à une question qui a été posée le 19 novembre dernier à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Voilà quelques jours, le 8 janvier, le nouveau directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, M. Francis Mayer, prêtait serment. Au moment où le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie finalise ce qui est appelé improprement « la feuille de route » du nouveau directeur général, ma question porte sur l'avenir de la compagnie financière Eulia.
Depuis 2001, Eulia regroupe les activités financières jugées « concurrentielles » de la Caisse des dépôts et consignations, et celles correspondantes de la Caisse nationale des caisses d'épargne. Avec 17 milliards d'euros de fonds propres, elle constitue l'équivalent de la troisième banque d'affaires française. Cette holding publique est détenue à 50,1 % par la Caisse des dépôts et consignations et à 49,9 % par les caisses d'épargne.
Depuis plusieurs mois, une intense et inquiétante campagne s'organise pour préconiser la privatisation d'Eulia et le désengagement de la Caisse des dépôts et consignations. La fondation Concorde recommande ainsi « un transfert rapide d'Eulia vers le privé », à l'instar de l'économiste Elie Cohen dans son article paru dans Libération le 5 décembre dernier et intitulé : « A quoi sert la Caisse des dépôts et consignations ? ». Plusieurs personnalités politiques de la majorité, notamment au Sénat, s'expriment dans le même sens : « On devrait recentrer la Caisse des dépôts et consignations sur ses missions d'intérêt général ».
Hier encore, dans Le Figaro, le président du directoire de la Caisse nationale des caisses d'épargne s'est affiché candidat à la prise de contrôle totale d'Eulia et multiplie les déclarations en ce sens.
Enfin, au coeur d'Eulia et de la Caisse des dépôts et consignations, c'est la filiale CDC-Ixis qui rassemble les activités financières « concurrentielles » de la Caisse des dépôts et consignations qui, bien entendu, est particulièrement en ligne de mire. Détenue à 53 % par Eulia et à 43,55 % directement par la Caisse des dépôts et consignations, sa privatisation rapporterait, selon certain experts, 3,5 milliards d'euros.
Or l'objectif du Gouvernement n'est-il pas de dégager des recettes nouvelles pour alimenter un budget à la dérive, à l'instar des annonces faites ces jours-ci par M. le ministre de l'équipement sur l'ouverture du capital des sociétés autoroutières ?
Madame la ministre, ces perspectives sont extrêmement préoccupantes. La privatisation et le démembrement au moins partiels de la Caisse des dépôts et consignations seraient lourds de conséquences. Vous savez bien que la loi assigne à l'ensemble de la Caisse des dépôts et consignations, donc à toutes ses filiales, des objectifs et missions de service public et d'intérêt général.
La séparation entre activités répondant à l'intérêt général et activités concurrentielles serait tout à fait arbitraire dans ce cadre. En effet, une éventuelle séparation d'Eulia et d'Ixis pénaliserait nécessairement les autres activités de la Caisse. Par ailleurs, elle ne manquerait pas, à terme, de créer les conditions pour une banalisation des produits d'épargne réglementés.
Enfin, n'oublions pas que le statut des personnels fonctionnaires d'Ixis de la Caisse nationale de prévoyance, - 1 700 salariés sont concernés - serait remis en cause, et ce de façon défavorable.
Face à ces conséquences prévisibles, je voudrais vous rappeler, madame la ministre, qu'Eulia et Ixis constituent toujours, malgré l'orientation vers la logique du privé qui leur est assignée en ce moment, un moyen d'intervention essentiel au service de l'Etat, la pièce maîtresse du pôle public financier au service de l'intérêt général.
Je suis persuadée que les bases de ce pôle existent encore et peuvent même se développer. N'oublions pas qu'Ixis gère l'épargne de La Poste, qu'Eulia développe des produits en direction des collectivités locales et que la Caisse des dépôts et consignations est toujours détentrice de 35 % du capital des caisses d'épargne.
Aussi, madame la ministre, je suis conduite à vous interroger sur les intentions du Gouvernement s'agisssant de l'avenir d'Eulia et de CDC-Ixis. Le Gouvernement s'engage-t-il à maintenir la Caisse des dépôts et consignations dans son intégralité et comment envisage-t-il d'articuler les rapports futurs entre la Caisse des dépôts et consignations et les autres institutions publiques financières ?
Enfin, madame la ministre, vous savez bien que la Caisse des dépôts et consignations est placée, depuis 1816, directement sous le contrôle, la « surveillance spéciale » du Parlement, notamment afin de protéger sa mission essentielle de sécurisation de l'épargne populaire.
Comptez-vous régler l'avenir de la Caisse des dépôts et consignations, en tout cas de deux de ses composantes essentielles, Eulia et Ixis, en passant outre ce mandat du Parlement ? Je ne saurais le penser.
Ne croyez-vous pas plutôt, comme le proposent les organisations syndicales - que nous soutenons - qu'un grand débat, parlementaire et national, s'impose à propos non seulement de la Caisse des dépôts et consignations, mais également de l'avenir de tout le secteur public et semi-public financier ?
Salariés, épargnants, donc presque tout le pays, sont concernés par votre réponse, madame la ministre.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Madame la sénatrice, un nouveau directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, M. Francis Mayer, a en effet été nommé le 18 décembre dernier en conseil des ministres. Il a prêté serment devant la commission de surveillance de l'institution le 8 janvier.
Le Gouvernement, en concertation avec le nouveau directeur général, définira les orientations de cette grande institution publique pour les prochaines années.
Notre objectif est avant tout de conforter le rôle de la Caisse des dépôts et consignations au service de la collectivité nationale. La Caisse des dépôts et consignations exerce en effet ses activités d'intérêt général dans des domaines prioritaires de l'action publique où ses moyens peuvent compléter utilement l'action de l'Etat. Je pense, notamment, à la gestion de fonds qui réclament une protection spécifique, les fonds d'épargne, sur lesquels le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a demandé une mission d'expertise dont les conclusions seront transmises dans le courant de ce mois. Je pense aussi à la gestion sous mandat de caisses de retraite publique, ou à des programmes d'intérêt général qui jouent un rôle majeur dans notre économie et dans notre société.
Ainsi, le rôle de cette institution en matière de renouvellement urbain ou de soutien aux petites et moyennes entreprises participe de cette mission publique que nous devons soutenir, tout en améliorant encore son efficacité.
Cette réflexion sur la clarification des priorités d'action de la Caisse et le renforcement de leur efficacité doit, bien sûr, également porter sur ses interventions dans le secteur concurrentiel. C'est ainsi que le Gouvernement va procéder à un examen au cas par cas de ces questions sans dogmatisme et dans le seul souci du développement des différentes entités concernées. Cette approche pragmatique et volontariste concerne naturellement la compagnie financière Eulia, comme elle concerne d'autres entités du groupe Caisse des dépôts et consignations.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, mais je la trouve assez décevante : elle ne corrige nullement l'impression ressentie d'une mise à l'écart du Parlement dans cette évolution qui va conduire, je le répète, à la destruction d'un système qui a pourtant apporté la preuve de son efficacité dans un certain nombre de domaines.
Vous avez parlé du renouvellement urbain, mais vous n'avez pas abordé, parmi les missions d'intérêt général de la Caisse des dépôts et consignations, la question du logement social, qui est pourtant l'une des grandes missions qui lui ont été confiées pour compléter l'action de l'Etat. Je pense également à l'équipement des villes et villages de notre pays.
Tout ce que je sais, madame la ministre, je l'apprends - et c'est certainement le cas de nombre de mes collègues - par la presse. Trouvez-vous cela normal ?
Par ailleurs, des besoins nouveaux se font jour pour moderniser nos administrations et nos équipements. Par conséquent, remettre en cause le pôle public existant reviendrait, finalement, à contester cette modernisation nécessaire pour notre pays. Ce n'est pas le secteur privé, vous le savez bien, qui investira pour les missions d'intérêt général.
De telles orientations constituent une antithèse des déclarations du Président de la République et du Premier ministre, surtout à l'heure promise de la décentralisation.
CONCURRENCE
SUR LE MARCHÉ DES PRODUITS
DE RADIODIFFUSION ET TÉLÉVISION
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Luypaert, auteur de la question n° 88, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Mme Brigitte Luypaert. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, une enquête assez stupéfiante publiée dans le numéro du mois de novembre 2002 de la revue 60 millions de consommateurs, qui est l'émanation de l'Institut national de la consommation, et intitulée « Comment le cartel du brun a tué la concurrence », semble mettre en lumière certaines pratiques anti-concurrentielles qui, si elles étaient avérées, pourraient causer un préjudice considérable aux consommateurs.
C'est ainsi qu'en prenant comme base de comparaison un lecteur de DVD les enquêteurs de cette revue se sont rendu compte qu'un seul modèle a été trouvé dans douze magasins sur quatorze, ce, à un prix rigoureusement identique et, au demeurant, 10 % plus cher que sur les sites internet allemands.
En outre, s'agissant toujours de DVD, pas moins de deux cents références ont été trouvées pour vingt-neuf marques existantes ; aucun modèle de lecteur n'est vendu dans les six principales enseignes à la fois ; seuls 2 % des modèles de lecteurs se retrouvent dans cinq enseignes à la fois, soit 4 modèles sur 200. De plus 78 % des références ne sont proposées que par un seul distributeur et le choix par marque est curieusement très faible : alors qu'une marque très connue propose une vingtaine d'appareils, dans les points de vente on en trouve seulement de un à quatre. Chaque distributeur semble avoir ses références quasi-exclusives, mais si les références sont bien différentes, les appareils semblent se ressembler étrangement.
Dans ces conditions, si, en effet, chaque enseigne ne distribue que ses propres références de grandes marques, les consommateurs peuvent difficilement effectuer un comparatif de prix et donc faire jouer la concurrence. Or les exclusivités de vente concertées sont prohibées par l'article L. 420-1 du code de commerce, qui interdit de « répartir les marchés ».
Il en va de même des ententes sur les prix : au demeurant, le Conseil de la concurrence a déjà condamné une grande enseigne et des groupements de commerçants pour harmonisation de leurs prix, des fournisseurs pour refus de livrer à des revendeurs pratiquant des prix bas, des marques d'électroménager pour avoir fait pression sur certains distributeurs, afin qu'ils remontent leurs prix à la demande, semble-t-il, d'un autre distributeur.
Que dire, enfin, des engagements pris par de nombreux distributeurs de « rembourser la différence » si le consommateur trouvait, par miracle, un produit similaire meilleur marché dans une certaine zone de chalandise. Outre que, comme je viens de l'évoquer, les comparaisons de prix sont très difficiles à réaliser, ce slogan ne servirait-il pas, en réalité, à transformer les consommateurs en vigies permettant de signaler un distributeur moins cher sur un produit, lequel se verrait « invité » par son malheureux concurrent à aligner son prix vers le haut ? Cette pratique serait, dès lors, tout autant répréhensible, dans la mesure où le code de commerce interdit de « faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ».
J'ajoute qu'il semble surprenant de voir, en France, une aussi faible concurrence des produits bruns sur Internet, alors que celle-ci est bien plus importante à l'étranger.
Toutes les pratiques évoquées par 60 millions de consommateurs ont déjà été, par le passé, condamnées par le Conseil de la concurrence ou par la justice. Mais l'enquête réalisée en 2002 semble démontrer qu'elles se poursuivent, voire s'amplifient : tout semble fait pour annihiler la concurrence et maintenir, dans la mesure du possible, des prix élevés.
Ma question est donc simple : que comptez-vous faire, madame la ministre, afin qu'une saine et libre concurrence puisse jouer dans ce secteur et qui soit véritablement profitable aux consommateurs ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Mme Luypaert a appelé mon attention sur des pratiques anticoncurrentielles qui ont été mises en oeuvre par certains fabricants et distributeurs d'appareils d'électronique grand public, communément appelés « produits bruns ». En effet, par une décision du 28 juin 2002, le Conseil de la concurrence a lourdement sanctionné pour entente anticoncurrentielle deux fabricants et cinq distributeurs de ce type d'appareils.
Cette décision est intervenue à la suite d'une enquête effectuée par la Direction nationale des enquêtes de concurrence, de consommation et de répression des fraudes de 1989 à 1992, qui avait permis de mettre en évidence le fait que les distributeurs pratiquaient des prix identiques ou très proches pour les références des marques des deux fabricants mis en cause. Le Conseil de la concurrence a constaté que cet alignement des prix procédait d'une série d'ententes verticales entre fabricants et distributeurs sur les prix de vente au détail lors des négociations commerciales.
Ces ententes de prix, qui pénalisent le consommateur en faussant le libre jeu de la concurrence par les prix, constituent des pratiques anticoncurrentielles systématiquement relevées et sanctionnées par les autorités de la concurrence. Elles sont d'autant plus graves que les entreprises en cause sont des acteurs importants du marché.
Parallèlement à l'action vigilante de surveillance du marché menée par les services de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, différentes mesures législatives ont été prises pour renforcer la transparence des relations entre distributeurs et fournisseurs : ainsi, la loi du 1er juillet 1996 sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales et la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques ont introduit de nouvelles dispositions en matière de droit de la concurrence qui ont été intégrées dans le livre IV du code de commerce.
Nous veillerons à ce que le consommateur puisse largement bénéficier de ces mesures, qui ont pour objetde favoriser un fonctionnement plus concurrentiel du marché.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Luypaert.
Mme Brigitte Luypaert. Je tenais simplement à vous remercier, madame la ministre, de votre réponse très détaillée.
TRANSFORMATION DE LA TAXE PARAFISCALE
HORLOGERIE, BIJOUTERIE, JOAILLERIE, ORFÈVRERIE
M. le président. La parole est à M. Louis Souvet, auteur de la question n° 103, adressée à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
M. Louis Souvet. En ces temps de rigueur budgétaire, indispensable tant pour la remise en ordre de l'économie qu'au regard des impératifs communautaires, il n'est pas sain de proposer une solution budgétaire pour résoudre tous les problèmes, par exemple la transformation de la taxe parafiscale horlogerie, bijouterie, joaillerie, orfèvrerie.
En effet, d'une part, cela présente l'inconvénient majeur de faire supporter par l'ensemble des contribuables des actions que les professionnels sont eux-mêmes prêts à financer, et, d'autre part, la reconduction, d'une année sur l'autre, des budgets est aléatoire, comme le prouvent la dotation budgétaire des collectivités locales ou celle des centres techniques déjà en partie budgétisés.
L'incompatibilité avec des actions de politique industrielle nécessairement menées dans la durée est évidente. En outre, l'hypothèse de l'imposition de toute nature ne grève pas le budget de l'Etat, ce qui représente un avantage non négligeable, me semble-t-il. Enfin, cette solution permet d'assurer une proximité incontestable entre les objectifs et leur réalisation. Sont garantis tout à la fois le contrôle par le Parlement et le Gouvernement ainsi que l'implication tangible des professionnels.
Le comité professionnel de développement de l'horlogerie, de la bijouterie, de la joaillerie ainsi que le centre technique sont à l'origine - faut-il le rappeler ? - d'actions collectives synonymes d'une politique économique de proximité et de solidarité entre tous les acteurs de la production, de l'artisanat et de la distribution. Les sacro-saints dogmes budgétaires doivent savoir quelquefois laisser la place à des initiatives pragmatiques dictées par la seule efficacité professionnelle.
Or, précisément, ces professionnels sont parfaitement conscients de l'importance des problèmes auxquels ils sont confrontés, qu'il s'agisse de la contrefaçon - les douanes interviennent très souvent pour cette raison -, des vols à main armée - on en parle beaucoup -, du dumping social et de toutes les conséquences de la pratique, en Chine et dans tous les pays d'Asie, de salaires évidemment beaucoup plus faibles qu'en France. Ces professionnels sont donc prêts à mettre en oeuvre collectivement des moyens pour assurer le développement du secteur. Il faut les encourager en ce sens.
Le salut de nos fabricants - tout un chacun peut en convenir - passe nécessairement par le développement de la qualité, de la création et de l'exportation.
Madame le ministre, j'aimerais savoir, au terme de ce court plaidoyer, si votre collègue ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire acceptera que soit mise en place, comme le souhaitent les professionnels, l'imposition de toute nature.
Je vous remercie par avance de la réponse que vous voudrez bien m'apporter.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur Souvet, comme vous le savez, l'industrie horlogère française dispose incontestablement d'atouts : une tradition historique importante, mais également une capacité certaine en termes d'innovation et de créativité.
J'ai la conviction que, comme dans beaucoup d'autres secteurs industriels traditionnels, la chance de la France réside dans l'intelligence, c'est-à-dire dans la plus-value apportée aux produits. La promotion de l'innovation et de la créativité est donc la pierre angulaire de la politique industrielle que je souhaite mener.
En la matière, le tissu industriel français, en particulier les PME-PMI, dispose, avec les centres techniques de l'industrie et les comités professionnels de développement économique, d'un outil de mutualisation dont chacun a reconnu l'utilité.
La disparition des taxes parafiscales, programmée pour la fin de l'année 2003, ces taxes qui assurent aujourd'hui tout ou partie du financement de ces organismes, a préoccupé nombre d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, aussi bien, d'ailleurs, que les professionnels. J'ai été particulièrement attentive à ces préoccupations.
Il était grand temps, après plusieurs années d'incompréhension, de reposer, collectivement, les bases d'une vraie relation partenariale entre l'Etat et les industriels.
C'est la raison pour laquelle nous avons tout récemment décidé de mettre en place un système de financement qui maintienne, dès lors que cela est souhaité, l'implication directe des industriels.
Nous allons donc proposer à chacun des centres techniques industriels et des comités professionnels de développement économique concernés de choisir entre une budgétisation ou la mise en place d'une imposition affectée. En parallèle, nous allons leur demander de renforcer le caractère collectif de leurs actions et de nous aider à simplifier et à rationaliser les dispositifs de financement.
Des contrats d'objectifs pluriannuels permettront de clarifier les actions de service public ou d'intérêt collectif et de définir une véritable stratégie collective de développement industriel. Ils devront faire l'objet d'un suivi annuel afin de permettre, bien évidemment, aux assemblées d'en évaluer et d'en contrôler l'exécution.
M. le président. La parole est à M. Louis Souvet.
M. Louis Souvet. Madame le ministre, non sans vous avoir remerciée de votre réponse, je souhaite verser quelques arguments supplémentaires au débat.
L'industrie horlogère dispose, certes, d'atouts - l'innovation et la création -, mais cela ne suffit plus, madame le ministre. La Franche-Comté, dont je suis un élu, compte tout à la fois une importante industrie de construction automobile et, en montagne, une activité séculaire d'horlogerie. Or, en montagne, la température est descendue ces derniers jours jusqu'à trente degrés au-dessous de zéro ! Les entreprises y sont familiales ; les salariés vivent et travaillent sur place. Cela ressemble beaucoup à ce que connaît la Suisse, toute proche.
Donc, l'innovation, la création ne suffisent plus à protéger nos industriels. Vous savez, d'ailleurs, ce qu'il reste de l'industrie horlogère : les effectifs ont été divisés par dix ! Certes, pour ce qui est du bijou de luxe ou de la montre de luxe, l'innovation et la création jouent à plein, et la France est d'ailleurs très présente sur ces marchés. Hélas !, pour ce qui est des produits horlogers de consommation courante, nous avons d'ores et déjà perdu presque tous les marchés. Alors, j'espère, comme vous, que cette innovation sera la chance de la France.
A la suite de la disparition de la taxe parafiscale, les industriels et les centres techniques que vous avez cités ont manifesté leur préoccupation. Ils auront donc dorénavant la possibilité de choisir. Je souhaite que cette solution leur apporte le « plus » dont ils ont un grand besoin, car, si nous persistons sur la pente actuelle, dans quelques années, nous n'aurons plus d'horlogerie du tout !
DROIT LOCAL EN ALSACE-MOSELLE
EN MATIÈRE DE DÉCLARATION DOMICILIAIRE
M. le président. La parole est à M. Joseph Ostermann, auteur de la question n° 107, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
M. Joseph Ostermann. Je souhaitais attirer l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les dispositions applicables en droit local d'Alsace-Moselle en matière de déclaration domiciliaire.
En effet, trois ordonnances prises par les autorités allemandes en 1883 prévoient l'obligation, pour toute personne qui change de domicile, d'en faire la déclaration aux autorités locales. Depuis lors, les communes des trois départements concernés tiennent des fichiers domiciliaires.
Cette réglementation est toujours en vigueur. Elle a toutefois été modifiée par un décret de 1919 abrogeant les sanctions pénales prévues en cas de non-respect de cette obligation.
Cette modification a conduit de nombreuses communes à appliquer le droit général, en vertu duquel la déclaration domiciliaire est facultative.
Certains juristes évoquent une possible caducité du droit local du fait des modifications apportées au décret de 1789 sur lequel reposent les ordonnances de 1883. D'autres évoquent encore son caractère contraire à la liberté d'aller et venir, sans toutefois que le Conseil constitutionnel lui-même se soit jamais prononcé sur ce cas d'espèce.
Or, selon une loi du 17 octobre 1919 relative au régime transitoire de l'Alsace et de la Lorraine, le droit local doit être considéré comme maintenu s'il n'a pas été abrogé depuis 1918.
Il en résulte une situation de flou juridique que déplorent les élus de ces trois départements. Aujourd'hui, une majorité d'entre eux se déclarent très favorables au maintien de ce système, qui facilite la gestion de leurs communes. En outre, l'application de l'obligation de déclaration domiciliaire dans des pays comme l'Allemagne ou la Belgique témoigne de l'intérêt et de l'efficacité de ce système.
Ne conviendrait-il pas, par conséquent, d'entreprendre des démarches en vue de clarifier les dispositions applicables en Alsace-Moselle, et, éventuellement, de les étendre au reste du territoire national ?
M. Le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Monsieur le sénateur, je reconnais bien dans vos propos le tropisme d'une Alsace qui, souvent heureuse de son particularisme, souhaite immanquablement le voir étendu à l'ensemble du territoire ! (Sourires.)
D'une façon générale, les personnes récemment installées dans une commune ne sont pas assujetties à l'obligation de déclarer en mairie leur nouveau domicile, à l'exception, cependant, des ressortissants étrangers et ce en application d'un décret du 31 décembre 1947.
L'article 104 du code civil laisse aux administrés la faculté d'effectuer une déclaration de changement de domicile uniquement à des fins probatoires.
Les nouveaux administrés sont toutefois appelés à se rendre spontanément à la mairie, à l'occasion d'un changement de résidence, pour accomplir diverses formalités, notamment en vue de leur inscription sur les listes électorales, de l'obtention de certificats, fiches ou documents, ou de l'inscription des enfants à la cantine scolaire, par exemple.
Cependant, monsieur le sénateur, des dispositions particulières en matière de déclaration domiciliaire sont effectivement applicables en Alsace-Moselle. Trois ordonnances prises, sous l'Empire allemand, les 15, 16 et 18 juin 1883, par les présidents des trois districts alsaciens-lorrains rendent obligatoires les déclarations de domicile et de changement de domicile auprès de l'autorité de police communale.
Par ailleurs, en application des décrets du 25 novembre 1919 introduisant en Alsace-Lorraine la législation pénale française, les sanctions pénales propres au droit local pour la méconnaissance de ces dispositions ont été abrogées ; celles-ci relèvent désormais de l'article R. 610-5 du code pénal, qui dispose que la « violation des interdictions ou le manquement aux obligations édictées par les décrets et arrêtés de police sont punis de l'amende prévue pour les contraventions de la 1re classe ».
Toutefois, il n'est pas évident du tout, de mon point de vue, que les obligations administratives de déclaration domiciliaire soient aujourd'hui compatibles avec nos principes constitutionnels, notamment avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui consacre la liberté d'aller et de venir comme principe de valeur constitutionnelle. C'est notamment le cas d'une décision du Conseil constitutionnel du 12 juillet 1979.
Il me semble, monsieur Ostermann, que la liberté d'aller et de venir implique le droit de ne pas en rendre compte ou du moins de ne pas y être contraint. Et qu'est-ce qu'une obligation qui ne peut pas être sanctionnée ?
Si, effectivement, monsieur le sénateur, le fait de déclarer le changement de domicile constitue indiscutablement un acte de civisme utile, le rendre obligatoire et assortir le manquement d'une sanction destinée à rendre effective l'obligation serait, je le crois, incompatible avec notre dispositif constitutionnel.
M. le président. La parole est à M. Joseph Ostermann.
M. Joseph Ostermann. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Néanmoins, je crois qu'il est difficile, pour des départements qui ont pris l'habitude d'un certain ordre, d'admettre que l'on ait le droit de se déplacer d'une commune à une autre sans déclarer sa nouvelle domiciliation en mairie.
La question que je viens de poser est le fruit de la dernière réunion de l'association des maires de mon départements, qui, très attentifs à ce problème, souhaitent savoir s'ils peuvent ou non obliger leurs nouveaux concitoyens, qui sont, bien entendu, les bienvenus, à déclarer leur nouveau domicile.
Pour prendre l'exemple de ma commune, il est tout de même assez étrange qu'il faille attendre la rentrée scolaire pour savoir combien d'enfants sont arrivés au cours des deux mois précédents ! Cela pose des problèmes, raison pour laquelle nous souhaitons que cette question soit approfondie, monsieur le ministre délégué.
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président. La séance est reprise.
CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
Mercredi 15 janvier 2003 :
A 15 heures :
1° Nomination des membres :
- de la commission d'enquête sur la maltraitance envers les personnes handicapées accueillies en institution et les moyens de la prévenir ;
- de la commission d'enquête sur la politique nationale de lutte contre les drogues illicites ;
(Les candidatures à ces deux commissions d'enquête devront être déposées au secrétariat central du service des commissions au plus tard le mardi 14 janvier 2003, à 17 heures.)
Ordre du jour prioritaire
2° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008.
Jeudi 16 janvier 2003 :
Ordre du jour prioritaire
A 9 h 30 :
1° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République d'Ouzbékistan en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune (ensemble un protocole et un échange de lettres) (n° 364, 2001-2002) ;
2° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le gouvernement français et le gouvernement macédonien en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (n° 397, 2001-2002) ;
3° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sur la conservation des cétacés de la mer Noire, de la Méditerranée et de la zone atlantique adjacente (n° 63, 2001-2002) ;
4° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République fédérative du Brésil relatif à l'emploi salarié des membres des familles des agents des missions officielles de chaque Etat dans l'autre (ensemble un échange de lettres) (n° 294, 2001-2002) ;
5° Projet de loi autorisant l'approbation de l'amendement au protocole de Montréal du 16 septembre 1987 relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone, adopté à Montréal le 17 septembre 1997 (n° 316, 2001-2002) ;
6° Projet de loi autorisant l'approbation de l'amendement au protocole de Montréal du 16 septembre 1987 relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone, adopté à Pékin le 3 décembre 1999 (n° 317, 2001-2002) ;
(La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune) ;
7° Projet de loi autorisant la ratification de la convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international (n° 387, 2001-2002) ;
8° Projet de loi autorisant la ratification du protocole coordonnant la convention internationale de coopération pour la sécurité de la navigation aérienne « Eurocontrol » du 13 décembre 1960 suite aux différentes modifications intervenues (n° 388, 2001-2002) ;
A 15 heures :
9° Questions d'actualité au Gouvernement ;
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance, avant 11 heures.)
Mardi 21 janvier 2003 :
A 16 heures et le soir :
Ordre du jour prioritaire
1° Projet de loi relatif à la création d'une zone de protection écologique au large des côtes du territoire de la République (n° 261, 2001-2002) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 20 janvier 2003, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 20 janvier 2003.)
En outre, à 17 heures :
2° Désignation des dix membres, autres que les deux membres de droit, de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé (application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003) ;
(Les candidatures devront être remises par les groupes politiques au service de la séance au plus tard le mardi 21 janvier 2003, à 16 heures.)
Mercredi 22 janvier 2003 :
A 15 heures :
Réception solennelle, dans la salle des séances, de M. Wolfgang Böhmer, président du Bundesrat de la République fédérale d'Allemagne.
Ordre du jour prioritaire
A 17 heures et le soir :
1° Projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, relatif au mandat d'arrêt européen (n° 102, 2002-2003) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 21 janvier 2003, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à dix minutes le temps d'intervention pour le président de la délégation pour l'Union européenne ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 21 janvier 2003) ;
(En application de l'article 59 du règlement du Sénat, il sera procédé à un scrutin public ordinaire lors du vote sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle) ;
2° Deuxième lecture du projet de loi organique, modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux juges de proximité (n° 103, 2002-2003) ;
(La conférence des présidents a décidé de fixer au mardi 21 janvier 2003, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
Jeudi 23 janvier 2003 :
Ordre du jour réservé
A 9 h 30, à 15 heures et, éventuellement, le soir :
1° Question orale avec débat (n° 5) de M. Jacques Pelletier à M. le ministre des affaires étrangères sur le respect des engagements internationaux en matière de droits de l'homme ;
(En application des premier et deuxième alinéas de l'article 82 du règlement, la conférence des présidents a fixé à deux heures trente la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 22 janvier 2003) ;
2° Question orale avec débat (n° 6) de M. Jean-Paul Amoudry à M. le Premier ministre sur les conclusions et propositions formulées par la mission d'information du Sénat sur la politique de la montagne ;
(En application des premier et deuxième alinéas de l'article 82 du règlement, la conférence des présidents a fixé à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 22 janvier 2003) ;
3° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à aggraver les peines punissant les infractions à caractère raciste, antisémite ou xénophobe (n° 90, 2002-2003) ;
(La conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 22 janvier 2003, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte) ;
4° Conclusions de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi de M. Gérard Le Cam et de plusieurs de ses collègues tendant à préserver les services de proximité en zone rurale (n° 292, 2001-2002) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- au mercredi 22 janvier 2003, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 22 janvier 2003.)
Mardi 28 janvier 2003 :
Ordre du jour prioritaire
A 9 h 30 :
1° Projet de loi portant ratification de l'ordonnance n° 2000-549 du 15 juin 2000 relative à la partie législative du code de l'éducation (n° 470, 1999-2000) ;
(La conférence des présidents a décidé de fixer au lundi 27 janvier 2003, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte) ;
A 16 heures et, éventuellement, le soir :
2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la bioéthique (n° 189, 2001-2002) ;
(La conférence des présidents a :
- fixé au lundi 27 janvier 2003, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- attribué un temps de parole spécifique de quinze minutes à la délégation parlementaire aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes ;
- fixé à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 27 janvier 2003.)
Mercredi 29 janvier 2003 :
Ordre du jour prioritaire
A 15 heures et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la bioéthique.
Jeudi 30 janvier 2003 :
A 9 h 30 :
Ordre du jour prioritaire
1° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la bioéthique ;
A 15 heures :
2° Questions d'actualité au Gouvernement ;
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)
Ordre du jour prioritaire
3° Projet de loi relatif à la répression de l'activité de mercenaire (n° 287, 2001-2002) ;
(La conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 29 janvier 2003, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
Mardi 4 février 2003 :
A 10 h 30 :
1° Quatorze questions orales :
L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 104 de M. François Fortassin à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer (Procédure de réorganisation - Partage des services de la DDE des Hautes-Pyrénées) ;
- n° 111 de M. Claude Biwer à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Calcul de l'impôt sur le revenu) ;
- n° 112 de M. Philippe Richert à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales (Conditions de représentation des communes associées) ;
- n° 116 de M. Serge Lagauche à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable (Prévention et protection contre les inondations dans le bassin hydrographique de la Seine) ;
- n° 119 de M. Gérard Roujas à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer (Réalisation du contrat de plan Etat-région 2002-2006 en Haute-Garonne) ;
- n° 121 de Mme Nicole Borvo à Mme la ministre déléguée à l'industrie (Fermeture des foyers de La Poste en Ile-de-France et à Paris) ;
- n° 122 de Mme Danièle Pourtaud à Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle (Avenir des délégations et des centres d'information aux droits des femmes) ;
- n° 124 de M. Gérard Larcher à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer (Travaux sur la RN 10 entre Rambouillet - pont de la Droue et Ablis) ;
- n° 125 de M. Dominique Leclerc à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer (Application de l'article 55 de la loi SRU dans les communes inondables) ;
- n° 126 de M. Louis Souvet à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées (Evolution des effectifs infirmiers) ;
- n° 127 de Mme Valérie Létard à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire (Réforme de la fiscalité locale) ;
- n° 128 de M. Nicolas About à M. le garde des sceaux, ministre de la justice (Réglementation applicable aux administrateurs de sociétés) ;
- n° 129 de Mme Sylvie Desmarescaux à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité (Application de la législation sur la réduction du temps de travail dans les petites entreprises) ;
- n° 133 de M. Jean-François Picheral à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Implantation des succursales de la Banque de France).
Ordre du jour prioritaire
A 16 heures et, éventuellement, le soir :
2° Projet de loi relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages (n° 116, 2002-2003) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 3 février 2003, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à trois heures trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 3 février 2003.)
Mercredi 5 février 2003, à 15 heures et le soir, et jeudi 6 février 2003, à 9 h 30, à 15 heures et le soir :
Ordre du jour prioritaire
Suite du projet de loi relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages.
Mardi 11 février 2003 :
Ordre du jour réservé
L'ordre du jour de cette séance sera réglé ultérieurement par la conférence des présidents.
Mercredi 12 février 2003 :
Ordre du jour prioritaire
A 15 heures :
Projet de loi relatif aux entreprises de transport, et notamment à la société Air France (n° 108, 2002-2003) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 11 février 2003, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 11 février 2003.)
Jeudi 13 février 2003 :
A 9 h 30 :
Ordre du jour prioritaire
1° Suite du projet de loi relatif aux entreprises de transport, et notamment à la société Air France ;
A 15 heures :
2° Questions d'actualité au Gouvernement ;
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance, avant 11 heures.)
Ordre du jour prioritaire
3° Suite de l'ordre du jour du matin.
Par ailleurs, je vous rappelle que le Sénat a décidé de suspendre ses travaux en séance publique du 16 au 23 février prochain.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Ces propositions sont adoptées.
PROGRAMMATION MILITAIRE
POUR LES ANNÉES 2003 À 2008
Discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 84, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008. [Rapport n° 117 (2002-2003) et avis n° 123 (2002-2003).]
Dans la discussion générale la parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d'abord de remercier tous ceux qui ont aidé à la préparation de cette discussion. Je remercie tout particulièrement les membres de la commission des affaires étrangères, ainsi que ceux de la commission des finances, et leurs présidents respectifs, MM. Dulait et Arthuis, sans oublier les rapporteurs, MM. Vinçon, Blin et Trucy, avec lesquels nous avons eu l'occasion de nous entretenir longuement.
En effet, la présentation d'un projet de loi de programmation militaire est un moment à la fois solennel et important dans la vie d'un pays, un moment qui mérite donc d'être préparé.
C'est un moment important, d'abord parce que les sommes en jeu sont considérables. De plus, cette loi constitue en quelque sorte la « feuille de route » des armées et, plus généralement, du ministère de la défense pour les cinq années à venir. Elle donne également une indication forte aux industriels qui oeuvrent dans les domaines de l'armement.
Enfin et surtout, une loi de programmation militaire, c'est l'expression d'une volonté politique, celle de la nation, d'assurer sa propre défense, et, pour cette raison, le débat que nous aurons cet après-midi et demain est le moment qui donne sa légitimité à cette loi.
C'est pourquoi il me paraît important que nous examinions ensemble les enjeux du projet de loi de programmation pour les années 2003 à 2008, que nous en voyions plus précisément les objectifs et le contenu, enfin, que nous évoquions les méthodes et les moyens qui devront contribuer à la mise en oeuvre effective de votre volonté au cours des années que couvre la loi de programmation.
Quels sont les enjeux de cette loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008 ? Ce sont ceux qui traduisent la volonté de la France.
La France, mesdames, messieurs les sénateurs, entend se donner les moyens qui lui permettront de tenir son rang dans le monde : son rang de membre du Conseil de sécurité des Nations unies, son rang de grande puissance, son rang de pays qui sert de référence ou de repère pour bon nombre d'autres Etats.
La France entend tenir son rang d'abord en défendant ses citoyens sur son territoire comme dans le monde entier, en défendant ses intérêts et ses valeurs, celles qu'elle porte historiquement depuis longtemps.
La France entend aussi tenir son rang en soutenant sa vision de l'Europe, une Europe en cours de construction, comme sa vision du monde et de ses équilibres.
Le premier enjeu consiste donc à nous permettre de défendre nos concitoyens face à la multiplication des menaces que nous constatons depuis plusieurs années.
Qu'est-ce qu'un pays ? Comment un pays serait-il grand s'il n'était pas à même de défendre ses citoyens ? Il est vrai qu'après la chute du mur de Berlin nous avons espéré entrer dans une période de paix. Or il n'en est rien. Nous constatons, au contraire, la multiplication des crises dans le monde : je pense aux Balkans ou, plus récemment, à la Côte d'Ivoire, ces deux exemples ne constituant que la partie émergée de l'iceberg qui nous menace.
Nous constatons également l'instabilité dans le monde à travers la prolifération, un peu partout, d'un certain nombre d'armes qui sous-tend effectivement la menace potentielle de crise. Faut-il parler des relations entre le Pakistan et l'Inde ? Faut-il parler des nouvelles menaces qui surgissent en Corée ? Faut-il parler de tous les foyers d'instabilité qui existent au Moyen-Orient ?
Par ailleurs, depuis le 11 septembre 2001, nous voyons surgir une nouvelle forme de menace, celle du terrorisme de masse, dont on ne sait quelles armes il pourra utiliser. Certes, nous connaissons le terrorisme : en 1985, en 1995, nous avons subi sur notre territoire ce terrorisme aveugle qui frappe au hasard. Aujourd'hui, nous voyons effectivement, à la suite des attentats de Karachi, de Bali, du Koweït, à la fois le développement de ce terrorisme de grande ampleur et le danger que pourrait représenter un terrorisme qui détiendrait un certain nombre d'armes non conventionnelles, notamment bactériologiques ou chimiques.
Face à ces menaces, il est important que nous sachions nous défendre. C'est la raison pour laquelle - mais j'y reviendrai - il est important de conserver une force de dissuasion, à n'utiliser effectivement qu'en ultime recours, mais qui nous permette de nous protéger contre certains de ces risques. Il est important que nous disposions des capacités de projection qui nous permettent d'intervenir à la fois pour prévenir un certain nombre de crises, pour éventuellement empêcher leur développement, ou, comme nous l'avons fait en Afghanistan, pour, le cas échéant, cerner le terrorisme à ses sources géographiques. Tel est le premier enjeu de ce projet de loi.
Le deuxième enjeu tient au fait que nous sommes membres du Conseil de sécurité des Nations unies et que, conscients des responsabilités qui, à ce titre, nous incombent, nous entendons être à même de les assumer.
Etre membre du Conseil de sécurité, cela signifie aussi pouvoir s'exprimer et pouvoir choisir. Cela signifie aussi que nous n'entendons pas être subordonnés à d'autres pour les choix que nous serions conduits à faire ou pour les actions que nous pourrions avoir à mener. Lorsque nos intérêts vitaux sont en jeu et nos capacités de jugement sont sollicitées pour prendre une décision, nous devons être à même de nous déterminer.
Qu'est-ce que cela signifie ? Cela veut dire, en particulier, que nous devons avoir en mains les éléments nous permettant d'analyser une situation de manière autonome, car c'est la seule façon pour nous de prendre une décision éclairée.
Enfin, le troisième enjeu de ce projet de loi de programmation est lié à notre vision de l'Europe et du monde. Oui, nous avons, en France, une certaine vision de l'Europe. Oui, nous voulons construire l'Europe, parce que nous savons que c'est pour notre pays une façon de créer un environnement de stabilité et de paix et que, après les conflits que nous avons connus sur notre continent, notre première responsabilité est d'offrir à nos concitoyens, à nos enfants et à nos petits-enfants la perspective d'un développement sur un continent pacifique.
Nous voulons construire l'Europe de la défense pour nous défendre en Europe mais également pour prévenir dans le monde entier les crises qui, directement ou indirectement, menaceraient l'Europe.
Il ne s'agit plus de se contenter de discours. Il est indispensable aujourd'hui que la construction de l'Europe de la défense se manifeste par des gestes concrets. Ces gestes sont inscrits dans la loi de programmation militaire, ils transparaissent à travers les chiffres, et notamment à travers les équipements qui concrétiseront ces chiffres.
Bien entendu, la volonté de construire l'Europe de la défense n'est pas exclusive de l'OTAN. Nous ne rejetons pas l'OTAN, qui, pour nous, reste le cadre de protection, celui qui permet la défense ultime de l'Europe, mais nous disons qu'il n'y a pas de contradiction entre l'existence d'une Europe de la défense et celle de l'OTAN.
La preuve en est qu'après les accords qui ont pu intervenir entre l'OTAN et l'Union européenne, notamment sur « Berlin plus », cette dernière se prépare à prendre, d'ici à quelques semaines ou d'ici à quelque mois, la relève de l'OTAN en Macédoine puis en Bosnie. C'est encore un élément concret de nature à accroître la visibilité de la construction de l'Europe de la défense et à préciser les liens qui doivent s'établir entre celle-ci et l'OTAN.
Je vous le disais, nous avons une certaine vision du monde, vision selon laquelle chaque peuple a droit à la paix et à la sécurité, mais également à son identité. Nous ne voulons pas d'un monde uniforme, sous la coupe d'un seul. Dans la grande tradition gaulliste, nous voulons au contraire permettre à chacun d'exister et d'affirmer son identité.
Nous voulons être à même de lutter pour défendre, le cas échéant, cette vision du monde contre ceux qui cherchent à étouffer sous les dictatures la libre expression des peuples.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, les enjeux de la présente loi de programmation militaire.
Ces enjeux doivent bien entendu se traduire en objectifs, et ce sont ces objectifs que concrétise la loi de programmation militaire.
Nous devons ainsi disposer de forces dotées des équipements et des personnels adaptés, et entraînées pour les missions qui leur seront, le cas échéant, confiées.
Je commencerai par les équipements tout d'abord.
La première priorité inscrite dans la loi de programmation militaire est la restauration de la disponibilité des équipements mis à la disposition des armées.
Au cours des cinq années de la précédente loi de programmation militaire, les armées ont accompli un effort considérable pour réaliser leur professionnalisation. La suppression du service national s'est accompagnée de la disparition de 120 000 emplois et d'une restructuration complète. Les armées ont d'ailleurs été, je tiens à le souligner, les seules au sein de l'Etat à être capables d'accomplir un tel effort. Leur mutation constitue un élément essentiel de modernisation de l'Etat, et elles méritent, je crois, d'être saluées. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Il faut cependant reconnaître que les crédits destinés à l'entretien des matériels mis à leur disposition n'ont pas suivi. Il y a au contraire eu une suppression des crédits prévus dans la précédente loi de programmation militaire ! Or, ces crédits étaient nécessaires, et, résultat - l'excellent rapport de M. Vinçon le démontre -, nous avons constaté il y a quelques mois que près de 50 % de nos aéronefs, qu'il s'agisse d'avions ou d'hélicoptères, étaient cloués au sol faute de pièces de rechange et d'entretien, les taux d'indisponibilité des matériels terrestres et maritimes étant pratiquement équivalents.
Telle était la situation que nous avons trouvée, situation dans laquelle nos armées s'affaiblissaient parce qu'on ne leur donnait pas les moyens d'accomplir leurs missions.
C'est la raison pour laquelle j'ai tenu à ce que la première priorité inscrite dans la présente loi de programmation militaire soit l'entretien des matériels. L'annuité moyenne inscrite dans la loi de programmation militaire à ce titre s'élève ainsi à 2,4 milliards d'euros.
Dans le même temps, car l'argent n'est pas tout, nous avons prévu dans cette loi la rationalisation des organes de maintenance.
Parce qu'il est lié à l'opérationnalité, nous y avons également inscrit - c'est une « première » - les crédits nécessaires à l'entraînement régulier de nos troupes, crédits dont le montant sera garanti par une procédure prévoyant la réserve automatique chaque année de 20 % des crédits du titre III pour l'entraînement des militaires.
Le premier objectif est donc la restauration de la disponibilité des matériels existants, mais, bien entendu, on ne peut s'en contenter. Notre deuxième objectif est ainsi la modernisation des équipements et la préparation des nouveaux programmes.
Il s'agit premièrement de rétablir nos capacités dans quatre domaines prioritaires, à commencer par la pérennisation de la dissuasion.
Je vous le disais, la dissuasion est l'ultime recours et s'inscrit, bien entendu, dans le concept de non-emploi et de stricte suffisance, ce qui marque bien qu'elle relève pour nous de la défense. Dix-neuf pour cent des ressources prévues dans la loi de programmation militaire y sont consacrées et seront affectées à la mise en service du troisième sous-marin nucléaire lanceur d'engins nouvelle génération, Le Vigilant, à la livraison du troisième lot de missiles M 45, à la poursuite de la construction du quatrième SNLE, Le Terrible, au développement du missile balistique M 51 pour l'équipement de ce quatrième SNLE en 2010, à la mise en service du missile air-sol de moyenne portée, à la rénovation des réseaux de transmissions, au développement des têtes nucléaires océaniques et, enfin, à la poursuite du laser Mégajoules.
Il s'agit deuxièmement de renforcer notre autonomie de décision et notre autonomie d'action. C'est un des enjeux de notre politique.
Nous allons donc mettre à niveau ou créer les capacités de renseignement et de commandement, notamment à travers le développement du satellite Hélios de nouvelle génération dont le but est de nous fournir des images de haute résolution de jour comme de nuit, ce que nous ne pouvons faire aujourd'hui. La participation à la programmation et à l'exploitation des futurs satellites radars de haute résolution européens nous donnera en outre les capacités d'observation tout temps, qui nous font défaut aujourd'hui.
Au niveau des théâtres d'opération, la mise en service de nouveaux capteurs aériens et des nouveaux drones répondra elle aussi à notre souci d'obtenir l'information.
Dans le domaine du commandement, afin de nous permettre d'exercer les responsabilités internationales correspondant à notre statut de grande nation, nous avons prévu la réalisation d'une chaîne complète de commandement allant du niveau stratégique au niveau tactique. Nous avons décidé d'agir pour que la France soit à même, à partir de 2006, de tenir le rôle de « nation cadre » lors d'opérations dirigées par l'Union européenne.
Toujours dans cette perspective, nous allons réaliser le nouveau centre de planification et de conduite des opérations, le CPCO, indispensable à un commandement européen, et poursuivre le programme SYRACUSE, nous dotant ainsi d'une capacité satellitaire commune.
Notre troisième priorité est de développer notre capacité de projection et d'action. Compte tenu du contexte actuel, nous avons là encore décidé de faire un effort considérable, notamment dans le domaine de la projection, avec le programme A 400 M, à propos duquel je vous avais rassurés quant aux intentions de nos partenaires allemands, intention qu'ils ont d'ailleurs concrétisées quelques jours plus tard.
Parallèlement au programme A 400 M, nous nous équiperons de deux nouveaux avions de transport à long rayon d'action. Nous avons en outre l'intention de rénover quatorze avions ravitailleurs en vol pour assurer la projection.
Deux bâtiments de projection de commandement seront livrés en 2005 et 2006. Vingt-quatre Cougar et quarante-cinq Puma seront rénovés pendant la période de programmation. Les premiers NH 90 de l'armée de terre seront livrés en 2011 : bien entendu, ils seront construits au cours de la période de programmation. Nous acquerrons dix Cougar supplémentaires pour les forces spéciales et les premiers Rafale de l'armée de l'air seront livrés en 2006. Nous avons également prévu d'augmenter le nombre de missiles de croisière lancés à partir de plates-formes navales pour qu'ils soient opérationnels à partir de 2011.
Nous avons commandé le deuxième porte-avions. La loi de programmation prévoit le lancement de la commande en 2005, le choix du mode de propulsion et le choix du modèle devant encore être arrêtés et l'accomplissement des procédures administratives demandant encore, même si elles sont en voie d'amélioration, de simplification et d'accélération, plusieurs mois.
Notre quatrième priorité quant aux matériels est le renforcement de la protection en tenant compte, bien entendu, des nouvelles menaces. Il s'agit de développer la composante de défense antimissile de théâtre à partir de 2010, de maintenir le niveau d'effort destiné à notre protection nucléaire et chimique, d'augmenter sensiblement l'effort consacré à la défense biologique.
Dans un premier temps, nous pourrons assurer la protection contre une arme biologique de 35 000 hommes, nombre qu'il faudra, bien sûr, augmenter par la suite.
Toujours en ce qui concerne la protection contre le risque terroriste sur notre territoire et en cohérence avec les dispositions de loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité intérieure, la gendarmerie recevra elle aussi de nouveaux moyens, et notamment quatorze hélicoptères qui seront livrés dans les prochains mois, quinze autres étant commandés.
Nous avons prévu également le remplacement des véhicules blindés à roues.
Ces efforts auront des implications importantes pour les armées, mais également - il ne faut pas l'oublier - pour les industriels auxquels la loi de programmation militaire offre une visibilité et des perspectives de développement.
C'est la raison pour laquelle cette loi de programmation militaire sera également mise à profit par les industries de l'armement que sont DCN et GIAT, en ouvrant des perspectives à l'une et en confortant l'autre, après les nécessaires adaptations.
Au-delà de ces réalisations, il est évident, compte tenu de la durée des programmes militaires, compte tenu aussi de la nécessité de nous projeter dans l'avenir si nous voulons jouer notre rôle et assurer la protection de nos concitoyens, que nous devons mettre l'accent sur la recherche. Comme je le disais ce matin en réponse à une question orale, les crédits de recherche ont fait l'objet d'une attention toute particulière de ma part. La priorité que je leur accorde se traduit par une augmentation de 16 % par rapport à la précédente loi de programmation militaire.
Notre objectif est de maîtriser en 2015 une quarantaine de capacités technologiques. Je citerai, à titre d'exemple, la numérisation de l'espace de bataille, les munitions intelligentes ou le soutien médical en opération extérieure.
La série de mesures prises pour doter nos armées des matériels nécessaires pour atteindre les objectifs qui sont les nôtres et faire face aux enjeux de la défense de demain n'est pas négligeable, vous l'avouerez. Ces mesures n'ont cependant pas de sens si la motivation, la compétence et le dévouement des personnels ne sont pas à la hauteur des enjeux.
C'est la raison pour laquelle la loi de programmation militaire prévoit un effort particulier en vue de consolider la professionnalisation. La consolidation se traduit par la création de plus de 10 000 postes : 7 000 postes pour la gendarmerie, 2 500 postes pour l'armée de terre, 570 postes de médecin et infirmière pour les services de la santé, auxquels s'ajoutent des postes pour le renseignement.
Dans une armée professionnelle, de la même façon qu'on ne saurait se contenter de pesonnels « captifs », on doit recruter des personnels qui font le choix de s'engager, et tout simplement parce que l'armée est maintenant en concurrence avec le secteur privé, on doit prendre des mesures pour garantir non seulement l'attractivité, mais également la fidélisation de ces hommes et de ces femmes qui choisissent de servir la France et de la défendre.
C'est la raison pour laquelle je propose la création d'un fonds de consolidation qui sera doté de 573 millions d'euros, fonds dont l'objectif est justement de garantir l'attractivité et la fidélisation.
Enfin, à côté du personnel « régulier » de notre armée, il y a les réserves, et je sais qu'à juste titre la Haute Assemblée s'en préoccupe. Les réserves assurent en effet à nos forces les compétences techniques qui peuvent leur être nécessaires à des moments particuliers. La loi de programmation militaire prévoit à cet égard un axe d'action : un travail de réflexion sera mené tout au long de l'année 2003 de façon que, lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2004, je puisse vous faire des propositions concrètes.
Mais la loi de programmation militaire prévoit d'ores et déjà plusieurs éléments, et d'abord la montée de la réserve opérationnelle : de 25 000 aujourd'hui, elle devra passer à 82 000 hommes à la fin de 2008, ce qui implique de notre part un effort important. Si, aujourd'hui, il n'est pas trop difficile de recruter des officiers, voire des sous-officiers, le déficit est important en hommes du rang. Ce sera l'objet du chantier de réflexion qui sera ouvert cette année.
La réserve citoyenne ne doit pas être oubliée. Peu de choses ont été faites en sa faveur jusqu'à présent, mais les menaces et enjeux auxquels nous sommes confrontés nous imposent un changement d'attitude.
Dans le même temps, nous essaierons de rendre plus efficace, plus utile et plus attractive la JAPD, la journée d'appel de préparation à la défense, ce moment privilégié qui permet enfin aux jeunes de notre pays de tenter de comprendre ce que signifie la défense et ce que sont les armées.
Dans le même esprit, j'entends également vous proposer une sorte de service civil, sur une base volontaire, qui permettrait de mieux faire comprendre aux jeunes qu'ils sont citoyens d'une nation et qu'être citoyen implique, non pas d'attendre tout de son pays, mais d'apprendre à le servir, en étant solidaire de tous ceux qui peuvent être dans le besoin.
Tous ces objectifs, mesdames, messieurs les sénateurs, sont - vous le voyez - en correspondance étroite avec les enjeux que nous avons déterminés.
Il nous revient maintenant d'exposer les méthodes et les moyens destinés à leur mise en oeuvre. Nous avons conscience que la nation fait un effort très important à travers cette loi de programmation militaire, effort d'autant plus méritoire que notre situation économique est difficile, en faveur de ses armées. J'entends donc que l'utilisation des ressources humaines et matérielles qui nous seront attribuées, si vous acceptez de voter la programmation, soit la plus stricte et la plus efficace possible. Cela implique de changer certaines méthodes, d'adapter certaines de nos préoccupations.
Nous voulons donc que l'effort de modernisation du ministère de la défense soit poursuivi. A cette fin, nous allons développer les expériences de partage de prestations de soutien entre les armées à l'échelon local. En outre, nous sommes en train de mettre en place un système de dématérialisation des procédures d'achat, au travers notamment d'un portail internet qui devrait être opérationnel ces jours prochains, s'il ne l'est déjà.
Nous allons également développer le contrôle de gestion et améliorer les circuits administratifs, pour les rendre plus simples et plus rapides. Parallèlement, nous avons l'intention de mettre en oeuvre des financements innovants qui nous permettront d'optimiser l'utilisation des ressources que vous aurez bien voulu mettre à notre disposition.
Enfin, j'ai l'intention d'affirmer le recentrage des personnels militaires sur les missions de défense pour lesquelles ceux-ci se sont engagés, ainsi que celui des personnels civils, qui sont animés par cette même motivation de défense. Il s'agit donc d'éviter que leurs efforts et leurs compétences ne se perdent dans l'accomplissement de tâches qui ne sont pas au coeur de leur métier. Dans cette perspective, nous mènerons une externalisation pragmatique, non idéologique, en vue d'utiliser au mieux la motivation et l'expertise de tous les personnels, civils et militaires.
Mesdames, messieurs les sénateurs, cet exposé a sans doute été un peu long, mais le sujet méritait à mon sens qu'on lui consacre un certain temps. Telle est la teneur du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008 que j'ai l'honneur de vous présenter : il s'agit d'un texte ambitieux, qui exprime un effort considérable de la nation.
Il prévoit ainsi 14,81 milliards d'euros de crédits de paiement en annuité moyenne, soit 5,5 milliards d'euros supplémentaires par rapport à la loi de programmation pour la période 1997-2002. Pour autant, ces chiffres considérables ne sont ni excessifs ni démesurés. Ils correspondent à une nécessité : protéger nos concitoyens ; ils correspondent à une ambition : faire en sorte que la France tienne son rang et soit à même de défendre les valeurs qui sont les siennes.
Votre vote, mesdames, messieurs les sénateurs, représentera non seulement la légitimation de cette ambition et de cette volonté, mais aussi une marque de confiance et de soutien à l'égard de ces hommes et de ces femmes qui acceptent, jour après jour - je l'ai encore constaté à Kaboul récemment -, des contraintes pesant sur leurs vies personnelles et familiales, qui acceptent des risques allant jusqu'à la mort pour l'idée qu'ils se font du service, des valeurs de la paix, de la France. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Adrien Gouteyron. Bravo !
M. le président. Madame le ministre, le Sénat unanime s'associe à l'hommage que vous avez rendu à ces hommes et à ces femmes qui servent là où le pays leur a commandé d'aller, et que nul n'a le droit de critiquer.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Serge Vinçon, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, l'examen d'un projet de loi de programmation militaire constitue toujours un moment fort pour nos assemblées parlementaires. Les orientations débattues engageront notre pays pour de nombreuses années dans un domaine essentiel, sa défense, avec toutes les conséquences qui en découleront pour la sécurité de la France, pour sa capacité d'action internationale, directement ou au travers de l'Europe, mais également pour l'importante communauté humaine, civile et militaire, liée à la défense, ainsi que pour quelques-unes de nos industries les plus performantes et les plus porteuses d'avenir.
Le projet de loi de programmation qui nous est présenté constitue le deuxième rendez-vous sur un parcours défini en 1996 et devant mener, en trois lois successives, vers un modèle d'armée cohérent, élaboré avec précision afin d'assurer au mieux les grandes fonctions assignées à notre outil de défense.
S'inscrivant dans cette nécessaire continuité, il intervient toutefois dans un contexte international différent de celui qui prévalait voilà six ans : nos armées ont participé à deux conflits ; elles se trouvent, depuis quatre ou cinq ans, engagées comme jamais sur les théâtres extérieurs ; notre vulnérabilité face aux actions terroristes a été tragiquement révélée et la question de la prolifération des armes de destruction massive pèse fortement sur la stabilité internationale - les cas de l'Irak et de la Corée du Nord sont là pour nous le rappeler.
En examinant ce projet de loi, nous devons donc non seulement tenir compte d'un environnement de sécurité plus incertain et plus instable, au sein duquel émergent des menaces nouvelles et diversifiées, mais aussi ne pas oublier les facteurs permanents et les missions essentielles qui inspirent notre politique de défense et lui donnent toute sa cohérence.
Aux yeux de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, ce projet de loi de programmation répond bien à ce double souci. Il dégage les moyens financiers permettant de poursuivre une adaptation nécessaire engagée voilà six ans. Il intègre ou accélère la mise en oeuvre de programmes répondant plus spécialement à des préoccupations nouvelles.
Notre défense aborde la programmation pour la période 2003-2008 en bénéficiant de certains acquis dans son processus de réforme et de modernisation, mais aussi en souffrant de plusieurs facteurs de fragilité.
La professionnalisation doit être consolidée et le budget d'équipement ne pouvait être durablement maintenu au niveau atteint en 2002 sans remise en cause de notre modèle d'armée. La philosophie générale du projet de loi part de ce constat et peut se résumer par deux objectifs : préserver et adapter le modèle d'armée.
Tout d'abord, le Gouvernement considère que la réalisation du modèle d'armée 2015 demeure nécessaire, et la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées l'approuve pleinement sur ce point. Ce modèle intégrait la dimension européenne et il a été bâti à partir d'une analyse géostratégique prenant en compte des évolutions qui se sont confirmées : développement des crises régionales, risques liés à la prolifération, terrorisme. Cette analyse a directement inspiré le dimensionnement de notre modèle d'armée et la définition de ses capacités.
Certes, le monde est en constante évolution et nous savons qu'il faut aujourd'hui pouvoir faire face à un plus large éventail de situations. Mais les capacités nouvelles nécessaires ont vocation à s'ajouter et non à se substituer à celles du modèle d'armée.
Faut-il abandonner la dissuasion alors que, depuis 1997, trois nouveaux pays - l'Inde, le Pakistan et la Corée du Nord - ont révélé leur capacité nucléaire ? Il convient au contraire de maintenir cette garantie ultime de nos intérêts vitaux - vous venez de le rappeler, madame le ministre - et de l'adapter aux nouveaux risques émanant de puissances régionales.
Rien n'est à retrancher, bien au contraire, aux moyens dévolus à la fonction de prévention, c'est-à-dire au renseignement, et à celle de protection, qu'il s'agisse de la protection du territoire, des communautés françaises à l'étranger ou des troupes déployées.
Quant aux capacités de projection et d'action, elles doivent toujours permettre d'assurer nos engagements classiques - opérations nationales en Afrique, opérations en coalition aux frontières de l'Europe -, mais aussi d'intervenir rapidement sur des théâtres éloignés d'où proviennent des menaces nouvelles.
Il ne manque pas de commentateurs pour affirmer, en quelques formules lapidaires, que notre modèle d'armée serait aujourd'hui dépassé ou périmé. Mais, au-delà de ces généralités, et après un examen attentif, on ne voit guère quelle capacité serait devenue inutile ou sans objet, ou encore dans quel domaine il faudrait renoncer à renouveler nos équipements. La définition de notre outil militaire ne saurait reposer sur des jugements sommaires ou approximatifs, variant au gré de l'actualité la plus immédiate. C'est donc à juste titre que le Gouvernement, par ce projet de loi de programmation, veut redresser le cap vers la réalisation du modèle d'armée 2015.
Pour autant, ce modèle doit être actualisé, adapté aux changements de l'environnement international et aux évolutions technologiques. Le projet de loi y concourt dans divers domaines que j'évoquerai plus précisément en abordant la question des équipements : citons simplement le lancement d'un programme de drones d'observation, le renforcement des capacités de frappes de précision à longue distance, le rétablissement, à l'horizon 2015, de la permanence du groupe aéronaval, les moyens nouveaux dévolus aux forces spéciales, l'acquisition d'une première capacité de défense contre les missiles balistiques de théâtre, ainsi que de défense biologique, la remise à niveau de la protection de nos approches aériennes et maritimes et, enfin, le renforcement des moyens de la gendarmerie, qui contribue directement à la protection de nos populations.
Cette orientation s'inscrit aussi pleinement dans les objectifs assignés à la politique européenne de sécurité et de défense. Alors que l'invocation de l'Europe a trop souvent servi de prétexte au relâchement des efforts nationaux, la pleine réalisation et l'actualisation du modèle d'armée 2015 permettront à notre pays d'apporter une contribution concrète à la résorption du déficit capacitaire européen, conformément aux objectifs définis à Helsinki.
Il est certes toujours possible de regretter que des programmes d'équipement ne traduisent pas une dimension européenne plus prononcée, mais il faut rappeler ici une évidence : la loi de programmation française n'engage que les autorités françaises. Elle ne peut aller au-delà, en matière de coopération, de l'avancement des accords avec nos partenaires. Au cours des six prochaines années, la part des programmes conduits en coopération européenne représentera tout de même 12 % des crédits du titre V : c'est un progrès par rapport aux 7 % de 1997. Quant à moi, je suis convaincu que le redressement engagé du budget d'équipement français contribuera à relancer la dynamique européenne.
J'en viens au premier objectif du projet de loi : consolider l'armée professionnelle. A cet instant, nous voulons nous associer à l'hommage qui a été rendu à celle-ci par Mme le ministre et M. le président.
La professionnalisation a été conduite avec succès. Le recrutement de militaires du rang professionnels s'est effectué sans difficulté, ce qui n'était pas acquis, convenons-en, lorsque la réforme a été lancée. Les chiffres montrent également - contrairement à ce qui est parfois affirmé - que l'enveloppe financière prévue n'a pas été dépassée. Dans le budget pour 2002, le montant des crédits du titre III est conforme, à 40 millions d'euros près, à l'annuité de la programmation. S'il y a eu un surcoût au titre III, il est surtout apparu au cours de l'exécution budgétaire, du fait des opérations extérieures.
Cette satisfaction globale, qui doit beaucoup à l'engagement sans réserve de tous les personnels du ministère de la défense, que la commission tient à saluer, ne doit pas occulter deux points faibles, que vous avez d'ailleurs relevés, madame le ministre.
D'une part, on constate un déficit encore important, même s'il diminue depuis un an, pour les postes de personnel civil, un échec relatif de la formule du volontariat, surtout dans l'armée de terre, et une réalisation très insuffisante de la réserve opérationnelle - sur ce point, madame le ministre, vous avez d'ailleurs annoncé des réformes pour les mois qui viennent - s'agissant notamment des militaires du rang.
D'autre part, le sentiment d'une dégradation des conditions de vie et de travail s'est développé au fil des six dernières années. Notre commission l'avait souligné avec inquiétude avant que n'éclate, à la fin de l'année 2001, une crise grave.
Ces deux points faibles appellent une consolidation de la professionnalisation. Le projet de loi permet, à cet effet, un ajustement des effectifs, qui nous semble bienvenu, au profit des forces affectées à la sécurité intérieure, de l'armée de terre, du service de santé et des services de renseignement.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est particulièrement sensible à la mise en oeuvre de deux mesures qu'elle préconisait depuis plusieurs années : la transformation de postes de volontaire en postes d'engagé dans les forces terrestres et le renforcement du service de santé, notamment en médecins et en infirmiers militaires.
Nous nous demandons, en revanche, si la création d'une centaine de postes supplémentaires prévue au profit des services de renseignement sera suffisante, compte tenu des besoins importants liés à l'exploitation des nouveaux moyens techniques de recueil du renseignement et du rôle accru que ces services sont appelés à jouer dans le contexte international actuel.
La commission se félicite par ailleurs de l'enveloppe importante dégagée en vue de financer des mesures visant à renforcer l'attractivité et la fidélisation, dans le cadre du fonds de consolidation de la professionnalisation que vous venez de créer, madame le ministre, et de l'effort prévu en faveur de la réserve opérationnelle. Il s'agit d'un défi important pour les années à venir, qui impose la mobilisation de moyens financiers, mais aussi la diffusion d'une sensibilité nouvelle dans la société, notamment au sein des entreprises.
Enfin, nous approuvons totalement les mesures prévues par le projet de loi pour assurer à l'armée professionnelle un environnement de travail à la hauteur des missions dévolues aux personnels, que ce soit en matière de budget de fonctionnement, de normes d'activité et d'entraînement ou d'entretien programmé des matériels. Sur ce dernier point, le redressement engagé dès l'été de 2002 était indispensable. Pour revenir à des taux de disponibilité satisfaisants, il faudra toutefois prolonger l'effort financier par une action très vigoureuse visant à améliorer l'organisation et les délais de réaction des services de maintenance.
En ce qui concerne les crédits d'équipement, le bilan de la mise en oeuvre de la précédente loi de programmation a été, nous le savons, très décevant.
De 1997 à 2002, le produit intérieur brut de la France a progressé de 20 % en monnaie courante, tandis que le budget de l'Etat a augmenté de 12 % : seul, parmi les dix budgets les plus importants, à ne pas suivre cette pente ascendante, le budget de la défense a diminué de 1 %. Le budget d'équipement militaire a régressé, quant à lui, de 9 %, et il a constamment subi des annulations en cours d'exercice, l'équivalent d'une annuité complète ayant été perdu par rapport aux objectifs de la loi de programmation
Au travers de leurs votes sur les projets de loi de finances, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et le Sénat se sont opposés à cette politique qui n'avait pas de justification stratégique, au moment où nos troupes participaient à deux conflits, ni de justification économique, puisque les objectifs de la loi de programmation de 1996 n'étaient en rien déraisonnables au regard de la situation financière de notre pays. Ils se situaient en outre, faut-il le rappeler, notablement en retrait par rapport aux niveaux atteints les années antérieures.
L'important, s'agissant de notre débat d'aujourd'hui, est que cette érosion prolongée fragilise, à court et à moyen termes, notre outil de défense.
A court terme, la réduction des crédits de maintien en condition opérationnelle a contribué à la chute de la disponibilité des matériels, même si ce n'est pas le seul facteur en cause.
A moyen terme, la mise en oeuvre de nombreux programmes a été décalée, imposant le maintien en service d'appareils vieillissants et réduisant nos marges de manoeuvre pour acquérir des capacités nouvelles. Les crédits d'études, gages de nos capacités futures, ont servi de variable d'ajustement.
Prolonger cette tendance aurait inévitablement conduit à l'affaiblissement durable de nos capacités et à une nouvelle révision à la baisse de notre modèle d'armée.
Le projet de loi que vous nous présentez, madame le ministre, opère sur ce point un très net changement de cap, en prévoyant une annuité moyenne supérieure de 17 % aux crédits d'équipement effectivement consommés de 1997 à 2002.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a conscience de l'ampleur de l'effort qui a été décidé, dans un contexte budgétaire difficile, par rapport aux trois dernières années. Elle sait également que, malgré ce relèvement, nous ne ferons que revenir, à peu de chose près, aux montants fixés en 1996, qui traduisaient alors une diminution du format et des crédits.
C'est pourquoi la nouvelle loi de programmation s'analyse avant tout, à nos yeux, comme un rattrapage, étant bien précisé que ce rattrapage est d'ordre financier et non pas d'ordre capacitaire, les retards pris en matière d'équipement des forces ne pouvant être effacés.
Ce rattrapage était absolument indispensable pour faire face aux besoins de paiement qui s'annoncent si l'on veut respecter, sans nouveau retard, le calendrier de livraison de nos équipements. Il est également nécessaire pour relever les dépenses dites « de flux », qui ont été très comprimées ces dernières années. Outre le maintien en condition opérationnelle, on pense aux crédits d'infrastructure et, surtout, aux études-amont, qui bénéficieront d'une hausse de 18 % d'ici à 2008.
Il faut se réjouir que le périmètre de l'enveloppe budgétaire affectée au titre V ait été clarifié, en excluant le développement de la Polynésie, le démantèlement des usines nucléaires de Marcoule et Pierrelatte et la recapitalisation des entreprises publiques. Nous demeurerons attentifs à la façon dont sera traitée, au-delà de 2003, la question de la contribution de la défense au budget civil de recherche et développement, en espérant que toute contribution éventuelle sera proportionnée aux retombées réelles pour la défense.
Notre commission partage également toutes les orientations retenues par le projet de loi de programmation afin de moderniser la gestion du ministère. Il est désormais indispensable de traduire très rapidement ces intentions en actions concrètes. Vous avez d'ailleurs indiqué voilà quelques instants que les directives que vous venez de prendre vont dans ce sens.
De nombreux domaines justifient une approche interarmées plus affirmée ; je pense à la formation ou au secteur complexe des systèmes d'information et de commandement. L'externalisation, pour la formation et la maintenance, doit être accentuée, en liaison avec les industriels. Enfin, il faut réellement aller de l'avant sur la question des financements innovants, pour trouver les moyens d'avancer l'acquisition d'équipements ou de capacités. Une impulsion politique forte est nécessaire pour dépasser les habitudes et l'inertie administrative. Il sera également nécessaire de poursuivre la réforme de la DGA, la délégation générale pour l'armement. Des progrès ont été accomplis, mais il reste sans doute beaucoup à faire pour améliorer nos structures d'acquisition.
J'en viens aux commentaires de la commission sur les choix relatifs à l'équipement militaire de 2003 à 2008.
Plus que tout autre, le domaine de la dissuasion nucléaire impose une vision à long terme. Il requiert donc, aux yeux de la commission, continuité et cohérence. Une révision importante de notre posture a été décidée en 1996 ; il s'agit désormais d'en tirer toutes les conséquences. Le projet de loi prévoit une enveloppe financière correspondant aux stricts besoins des programmes de modernisation de nos deux composantes et de la simulation. Il s'agit d'assurer, sur le long terme, la pérennité de notre capacité de dissuasion tout en l'adaptant à la nature et à la variété des menaces. Nous mesurons sur ce point l'importance des précisions apportées le 8 juin 2001 par le Président de la République. Elles soulignent en quoi notre outil reste pertinent dans un contexte marqué par la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs balistiques.
Les systèmes de commandement, de communication et de renseignement voient leur importance augmenter dans notre effort d'équipement, avec la mise à niveau des systèmes de commandement, le lancement cette année du satellite Syracuse III, puis, l'an prochain, du satellite Hélios II.
Le développement du programme de drones moyenne altitude longue endurance répond pleinement à un besoin nouveau, en matière tant d'imagerie que de désignation d'objectif ou de transmission de données. Toutefois, l'échéance de livraison, prévue en 2009, nous semble bien tardive compte tenu de l'usage croissant de ces matériels dans les opérations actuelles. Lors du débat budgétaire au Sénat, vous avez évoqué, madame la ministre, la possibilité d'anticiper l'échéance si des marges de manoeuvre apparaissaient dans la réalisation de la loi. Ce serait certainement un élément très positif, que notre commission approuverait.
Plus globalement, nous devons constater qu'en dépit d'efforts méritoires, mais assez isolés en Europe, l'amélioration des capacités françaises dans le domaine des communications et du renseignement n'est pas aussi rapide que l'évolution de toutes les technologies contribuant à la maîtrise de l'information en temps réel.
Notre effort devra donc être accentué dans les prochaines années, notamment en ce qui concerne les moyens humains et techniques d'analyse du renseignement, mais nous ne pourrons changer d'échelle en matière d'équipements spatiaux que par une coopération européenne accrue.
L'accord intervenu pour permettre notre accès aux satellites radars que développent l'Allemagne et l'Italie est une avancée positive. Il est regrettable que la coopération ait échoué sur les satellites de télécommunication, car un programme mené avec le Royaume-Uni et l'Allemagne aurait permis de construire sans doute un satellite plus performant que Syracuse III. Il faudra aussi aller plus loin pour élargir nos capacités dans le domaine de la détection des tirs de missiles balistiques ou de l'écoute électronique.
Nos moyens de projection et de mobilité souffrent de lacunes qui ne pourront malheureusement être corrigées qu'à moyen terme. Ce constat n'est pas une surprise, car il découle de l'arrivée tardive dans nos armées de deux équipements majeurs, l'A 400 M et le NH 90, prévus néanmoins dans la loi de programmation.
En matière de transport aérien, nous souhaiterions avoir des précisions sur les moyens d'atténuer les conséquences du retard pris pour le lancement de l'A 400 M. Allons-nous recourir aux capacités de nos partenaires européens, notamment britanniques ou allemands ? Au-delà des affrètements ponctuels d'avions commerciaux lorsque les conditions le permettront, faudra-t-il procéder à la location de longue durée d'avions gros porteurs, comme les Antonov, voire les C 17 ?
Le second point critique concerne les hélicoptères de transport. Malgré le relèvement des crédits d'équipement, il n'a pas été possible d'avancer la livraison à l'armée de terre des NH 90. Elle les recevra en 2011, soit sept ans après son homologue allemande. Le projet de loi de programmation finance en revanche la remise à niveau des Cougar et d'une partie du parc Puma, ce qui n'empêchera pas une certaine érosion de la capacité aéromobile entre 2005 et 2011.
Le système de force « frappe dans la profondeur » est sans doute celui dans lequel l'effort de redressement opéré par le projet de loi est le plus sensible.
Tout d'abord, l'hypothèque pesant sur la permanence du groupe aéronaval est levée. Cette décision mérite d'être saluée et rejoint l'analyse qui avait été effectuée voilà trois ans par notre commission, soulignant l'incohérence d'un groupe aéronaval indisponible le tiers du temps. L'importance de l'investissement prévu pour le groupe aérien embarqué impose que soit franchi le dernier pas, qui ne sera pas le plus coûteux et qui donnera toute son efficacité à l'ensemble.
Le groupe aéronaval a joué un rôle très important lors des opérations du Kosovo, et plus encore pour celles de l'Afghanistan, avant que ne soit ouverte la possibilité de baser nos Mirage à Manas. En restaurant sa permanence, le projet de loi répond directement à l'instabilité croissante de l'environnement international, en confortant notre capacité à agir sur des théâtres éloignés.
Le deuxième axe d'effort porte sur les munitions de précision. En Afghanistan, 85 % des frappes aériennes de la coalition utilisaient des munitions guidées. La proportion n'était que de 35 % au Kosovo et de 10 % lors de la guerre du Golfe.
Nos capacités, aujourd'hui limitées, vont être notablement améliorées lors de la loi de programmation, grâce au programme d'armement air-sol modulaire et au missile de croisière Scalp.
S'agissant du missile de croisière naval, sa livraison n'est prévue qu'en 2011. Cette date peut paraître tardive compte tenu de l'intérêt d'une telle capacité. Par ailleurs, ce calendrier semble peu propice à une éventuelle extension de la coopération européenne existant actuellement sur le Scalp d'emploi général. Nous souhaiterions que soit mise à l'étude la possibilité d'avancer le calendrier de ce programme, en sachant toutefois qu'il reste soumis à des contraintes techniques fortes, en raison de la nécessité d'équiper à la fois des frégates et des sous-marins d'attaque.
Pour terminer sur la frappe dans la profondeur, nous nous félicitons également que le projet de loi prévoie un renforcement important des forces spéciales, en hommes, en hélicoptères spécialisés et en moyens de transmission hautement performants. L'aptitude des forces spéciales à agir en coordination avec des opérations aériennes s'en trouvera améliorée.
S'agissant des autres systèmes de force, notre commission relève avec satisfaction le respect des échéances de livraison de nombreux programmes et la commande d'une troisième frégate anti-aérienne Horizon, qui n'était pas prévue par le projet de loi du précédent gouvernement, de même que l'accent mis sur la protection des approches maritimes et aériennes, avec la réactivation et la modernisation des sémaphores et l'acquisition de nouveaux radars de détection d'aéronefs.
Enfin, l'acquisition, à l'horizon 2010, d'une première capacité de défense contre les missiles balistiques de théâtre pour la protection des troupes déployées nous semble très importante compte tenu de la prolifération des missiles balistiques.
J'évoquerai, en dernier lieu, la place de la recherche dans le projet de loi.
L'effort de recherche et technologie, financé par les crédits d'études-amont, a été mis à mal ces dernières années. Il est aujourd'hui inférieur d'environ 50 % à celui des Britanniques.
Le projet de loi opère un redressement notable, de l'ordre de 18 %. Il s'agit d'un effort indispensable pour prétendre conserver une certaine capacité à acquérir des capacités technologiques clefs, qui ont d'ailleurs été identifiées il y a plusieurs années dans le cadre d'un « plan prospectif à trente ans ». L'accent mis sur le développement de démonstrateurs technologiques répond bien à la nécessité de pouvoir rapidement intégrer des technologies nouvelles aux futurs programmes d'armement.
Nous amorçons donc une évolution positive, mais l'ampleur des domaines d'études justifierait des moyens beaucoup plus importants, qui ne pourront être trouvés qu'en fédérant plusieurs pays européens.
L'implication de certains de nos partenaires dans le développement de l'avion américain JSF constitue sur ce point un signal négatif. Nous espérons que, à l'inverse, l'actuel plan européen sur les capacités débouchera sur le lancement de programmes de recherche communs.
En conclusion, mes chers collègues, je souhaite souligner que la nécessité de financer les priorités les plus urgentes, à savoir la restauration de la disponibilité des matériels et la réalisation de programmes majeurs lancés depuis longtemps, a bien évidemment réduit les marges disponibles pour acquérir des technologies et des capacités nouvelles tenant compte des enseignements de nos derniers engagements militaires et des besoins de sécurité nouveaux.
Malgré l'effort très important programmé d'ici à 2008, des lacunes identifiées depuis longtemps vont persister : le transport aérien, l'aéromobilité, le vieillissement des blindés légers, et certaines échéances de livraison d'équipements modernes, tels les drones ou le missile de croisière naval, demeurent lointaines, alors qu'aucun programme réellement nouveau ne pourra être lancé dans un secteur aussi important que le domaine spatial.
Le projet de loi possède l'immense mérite de replacer notre effort de défense sur la bonne trajectoire, tout en permettant certaines inflexions liées à l'environnement stratégique d'aujourd'hui. Dans le contexte budgétaire actuel, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées considère qu'il représente le meilleur arbitrage qui pouvait être raisonnablement escompté en faveur de l'équipement des armées.
Ce retour à la cohérence de notre effort suppose, pour être crédible, une traduction fidèle dans les lois de finances successives et, bien sûr, dans leur application.
L'inscription en loi de finances initiale d'une ligne budgétaire relative aux opérations extérieures doit enclencher une pratique vertueuse, supprimant leur financement par des ponctions équivalentes au titre V.
M. Adrien Gouteyron. Très bien !
M. Serge Vinçon, rapporteur. Il importe surtout que la gestion des crédits en cours d'exercice tienne compte de la réalité des besoins financiers liés au déroulement des programmes, en conformité avec la loi que nous allons voter. Notre commission entend demeurer très vigilante sur ce point et s'est félicitée des propos tenus le 7 janvier par le Président de la République, soulignant qu'il veillerait à la bonne exécution de la loi de programmation. Nous le savons, madame la ministre, vous serez vous-même très vigilante.
Sous le bénéfice de ces observations, notre commission estime que le projet de loi répond largement aux préoccupations qu'elle a régulièrement exprimées ces dernières années. Dans un environnement international dégradé, il ouvre la perspective de moyens plus adaptés à la protection de notre population et au rôle que la France entend jouer pour préserver la paix, la sécurité et la stabilité, par son action propre ou dans le cadre de l'Union européenne.
En conséquence, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a approuvé pleinement ce projet de loi et vous demande, mes chers collègues, de l'adopter sans modification. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
(M. Daniel Hoeffel remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
vice-président
M. le président. La parole est à M. Maurice Blin, rapporteur pour avis.
M. Maurice Blin, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après le très brillant exposé de M. le rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, le rôle qui m'est imparti n'est pas facile. Pour ma part, je m'en tiendrai aux seuls aspects financiers de cette loi de programmation militaire. On ne peut valablement les apprécier qu'en se référant à celle qui l'a précédée et aux aléas qu'elle a connus. Je voudrais brièvement les rappeler.
Comme le disait à l'instant notre collègue M. Vinçon, entre 1997 et 2002, le budget général de l'Etat a augmenté de 12 %, tandis que celui de la défense diminuait de 1 % et son titre V, c'est-à-dire les crédits d'équipement, de 9 %. De fait, l'an dernier, la France n'a consacré à sa défense que 1,77 % de son PIB, contre 2,9 % aux Etats-Unis et 2,3 % en Grande-Bretagne. Par combattant - les chiffres ici sont encore plus éloquents -, l'écart d'équipement est peut-être encore plus grand. La Grande-Bretagne vient en tête avec 218 000 francs par combattant, suivie par les Etats-Unis avec 212 500 francs, l'équipement du Français, tout compris bien sûr, ne représentant que 135 000 francs.
Cette situation, regrettable et inquiétante à terme, résulte des ponctions successives qu'ont subies, au cours des dix dernières années, les crédits consacrés à la défense. Au total - on l'a dit mais il faut le répéter à temps et à contretemps tant le chiffre est lourd -, l'équivalent d'une année d'équipement a été perdu.
Sous peine de nous laisser définitivement distancer par nos partenaires et alliés, il fallait donc engager un effort de redressement. C'est ce qu'entreprend la loi que nous examinons aujourd'hui, et nous nous en félicitons. Chaque année, notre pays consacrera désormais à l'équipement de ses armées 14,6 milliards d'euros, soit, je le répète après d'autres, 17 % de plus que les crédits effectivement consommés entre 1977 et 2002. Il lui faut, en effet - et la tâche n'est pas mince -, à la fois rattraper le retard accumulé au cours des dernières années et répondre au défi nouveau que comporte la loi d'aujourd'hui. Celle d'hier avait été surtout consacrée à la conception d'équipements nouveaux. Demain, il s'agira de produire ces équipements à un rythme et en quantité suffisants. Et cela coûtera évidemment davantage. D'où l'engagement d'un abondement de 88,8 milliards d'euros au profit du titre V sur six ans.
Ainsi, à l'effort financier exceptionnel qu'a permis la réussite de la professionnalisation doit se joindre demain celui qui assurera la modernisation et le renouvellement des matériels, qui conditionnent plus que jamais l'efficacité d'une armée moderne. Mais la voie sur laquelle la nôtre va s'engager - ne nous y trompons pas, mes chers collègues - est parsemée de nombreux obstacles.
C'est ainsi que le retard qu'ont subi certains programmes lourds ne se rattrapera pas en un jour. Il va entraîner une indisponibilité de matériels qu'il sera difficile de pallier. Je citerai deux exemples. Les Transall, qui ont en moyenne plus de trente ans d'âge, seront hors service vers 2005 alors que l'A 400 M ne sera opérationnel, au mieux, qu'en 2008, voire en 2009.
Mme Hélène Luc. Eh oui !
M. Jacques Peyrat. Hélas !
M. Maurice Blin, rapporteur pour avis. Le porte-avions Charles-de-Gaulle sera immobilisé entre 2006 et 2008 alors que le second porte-avions, dont la construction - et nous nous en réjouissons - est enfin décidée et prévue, ne verra le jour qu'en 2012.
Par ailleurs, l'entretien d'un matériel à bout de souffle et donc sans avenir, mais aussi celui d'un matériel neuf sont très cher. Par exemple, le maitien en fonctionnement du char Leclerc coûte quatre fois plus que celui de l'ancien AMX 30 qui l'a précédé.
De même, la réduction des séries renchérit le coût de chaque appareil. Ce sera le cas du char Leclerc, du Rafale, ou encore de l'A 400 M et du missile aéroporté Meteor construit en coopération avec certains de nos voisins européens qui, malheureusement et contrairement à nous, n'ont pas fait de leur budget militaire une priorité.
Enfin, l'environnement géostratégique dans lequel s'inscrit cette loi de programmation militaire est en plein bouleversement. L'émergence de pays dotés de l'arme nucléaire, la multiplication des conflits régionaux, la menace d'un terrorisme susceptible d'utiliser l'arme biologique ou chimique, tout cela confère à l'impératif de défense un caractère multiforme dans lequel, la veille, le renseignement, la participation de l'armée de réserve joueront un rôle accru.
La guerre de l'ombre entraînera donc, elle aussi, un coût et des contraintes nouvelles. Comment répondre à la fois aux exigences de la défense d'aujourd'hui et de toujours - je songe à l'arme nucléaire, qui absorbe 20 % des crédits du titre V - dont l'urgence n'a pas faibli, et à celles de demain ? Ces urgences, leurs contraintes et leurs coûts n'ont peut-être pas été suffisamment mesurées dans la loi.
Cette loi de programmation doit relever deux défis à la fois : tenir les engagements que la précédente n'a pas tenus ; élaborer un concept de défense tant civile que militaire qui suppose l'engagement de la nation tout entière derrière une armée de plus en plus requise par des opérations extérieures.
Dans le même temps, elle doit répondre à une accélération spectaculaire et coûteuse de la technologie militaire.
Le bouclage entre commandement, conduite, communication, renseignement, appelé communément C 3 R, c'est-à-dire le délai de réponse à une menace ou sa prévention, était, lors de la guerre du Golfe, voilà plus de dix ans, de deux jours ; il était de six heures lors du conflit du Kosovo ; il est aujourd'hui de vingt minutes.
Dans cette course à l'efficacité engagée par les Etats-Unis, l'Europe est pratiquement absente, comme elle risque d'être absente, demain, de la défense anti-missile qu'ils mettent en place. Et pourtant la France y aurait tout naturellement sa place car elle dispose dans ce domaine d'entreprises singulièrement performantes.
Notre pays ne pourra tenter de relever tous ces défis qu'à la condition que son budget de défense soit libéré des charges indues qui pèsent sur lui, comme l'a très bien dit tout à l'heure notre collègue Serge Vinçon. Or c'est très précisément ce qui est prévu dans la loi de programmation.
A l'avenir, ce budget ne supportera plus le poids du coût de la compensation à la fermeture du centre d'expérimentation du Pacifique, ni celui du démantèlement des installations atomiques de Marcoule, ni celui des opérations militaires sur les théâtres extérieurs, les OPEX - quoique en la matière les choses soient moins claires - pour lesquelles une ligne spéciale sera créée, ni surtout le coût si lourd de la recapitalisation de la DCN, la direction des constructions navales, et du GIAT, le groupement industriel des armements terrestres.
S'agissant du GIAT, il serait sans doute instructif, madame la ministre, de comparer la situation de notre industrie d'armement terrestre à celle de nos voisins.
Cela permettrait sans doute de mieux comprendre comment et pourquoi la nôtre en est venue là et d'éviter de renouveler à jamais des erreurs si coûteuses car notre armée, à l'image de son homologue britannique, devra demain, impérativement, pratiquer la vertu d'économie.
C'est ainsi que sera poursuivi l'effort entrepris par la DGA pour réduire ses effectifs et les délais de conception des matériels, domaine dans lequel l'armée, utilisateur final, devrait être associée plus en amont. Ainsi serait porté remède à la lenteur avec laquelle, en cours d'année, certains crédits sont consommés - j'ose dire, étaient consommés hier - et au retard qu'a subi dans le passé la définition des spécifications techniques de programmes aussi importants que l'hélicoptère Tigre, le Rafale biplace ou le VBCI, le véhicule blindé de combat d'infanterie.
Ainsi, la concertation, parfois difficile, il est vrai, entre les trois acteurs que sont la DGA, l'industrie et l'armée, sera améliorée.
En ce qui concerne l'entretien des matériels, les armées ont entrepris depuis quelque temps une rationalisation des différents organismes, jusqu'ici dispersés et mal coordonnés, qui en étaient chargés. Mais le recours au secteur privé, qui souvent fabrique ces matériels, pourrait être une source d'économies. Telle est d'ailleurs la voie que les Britanniques - encore eux ! - ont choisie. Cette externalisation ne fait que consacrer les liens étroits qui, dans une armée moderne, unissent le militaire et le civil.
La décision prise de resserrer les liens entre les crédits de paiement et les autorisations de programme va dans le même sens, et nous approuvons pleinement cette initiative, madame la ministre.
Elle favorisera la lisibilité et assurera à l'industrie une sécurité plus grande grâce à la pratique de commandes pluriannuelles. Ce couplage est d'autant plus opportun qu'en matière de renseignement les technologies militaire et civile aujourd'hui se recouvrent.
Enfin, une dernière novation, et non la moindre, attend le budget des armées, à savoir la mise en application en 2006 de la loi organique du 1er août 2001, disposition qui, vous pouvez l'imaginer, madame la ministre, a retenu l'attention toute particulière de la commission des finances. Cette loi conduira à abandonner la distinction traditionnelle entre fonctionnement et équipement pour lui substituer la notion, plus dynamique, plus réaliste, de programmes liés à des missions. Mais elle entraînera la fongibilité entre les crédits du titre III et ceux du titre V, qui, d'ailleurs, en tant que tels, disparaîtront. La répartition de ces crédits sera laissée à l'initiative des responsables des armées, à deux exceptions près, d'ailleurs fort heureuses : la rémunération des personnels et les frais de fonctionnement, soit l'entretien du matériel et l'entraînement des forces dont les crédits ne pourront pas être inférieurs à 20 % de ceux du titre III.
Cette souplesse d'utilisation est bien venue. Mais elle implique une contrepartie, c'est-à-dire un contrôle a posteriori de l'emploi qui aura été fait de ces crédits.
D'ores et déjà, à l'issue du dernier débat budgétaire et sur l'initiative de l'Assemblée nationale, a été prévu un comité trimestriel du suivi de leur consommation. C'est une idée tout à fait opportune. Quant à leur utilisation finale, il serait essentiel, madame la ministre, que le Parlement puisse en juger, fût-ce par le truchement des rapporteurs du budget des armées dans chaque assemblée. Le Parlement est, en effet, le lien matériel plus que jamais nécessaire entre l'armée et l'opinion publique, qui est légitimement soucieuse de sécurité - tous les sondages le confirment - mais souvent aussi peu avertie de la grandeur et des servitudes du métier militaire.
Le temps me manque, mes chers collègues, pour évoquer la situation difficile - le mot est faible - de l'Europe de la défense, au sein de laquelle notre pays doit tenir toute sa place.
A côté d'une Grande-Bretagne largement adossée aux Etats-Unis et qui, contrairement à nous, n'a pas, depuis six ans, relâché son effort, le redressement que la France entreprend aujourd'hui est un signal fort adressé à ses voisins du continent. A plusieurs reprises, en particulier dans le domaine spatial, elle a pallié la défaillance de plusieurs d'entre eux et a vaillamment poursuivi seule son chemin, mais, seule, elle ne peut pas tout. Puisse son exemple être suivi !
Je conclurai par un constat et par un voeu.
Voici le constat : la plupart des grands programmes inscrits dans le projet de loi dont nous délibérons ne devant pas aboutir avant 2008, en réalité notre débat engage donc non pas une mais bien deux lois de programmation ; les défaillance dans l'exécution de la première retentiraient sur la seconde - nous venons de le constater avec la loi de programmation précédente -, d'où l'importance que revêtira la rigueur avec laquelle sera appliquée celle que la commission des finances vous conseille d'adopter ce soir, mes chers collègues.
Malgré la conjoncture économique et donc financière du moment, il faudra que le budget pour 2004 amplifie encore l'effort de celui de 2003 si nous voulons rattraper une partie du retard accumulé au cours des six dernières années.
Je le sais : le défi est redoutable, mais telle est la condition de la survie d'une armée digne de ce nom.
Compte tenu des aléas qui surgiront sans doute au fil du temps, dans un contexte géostratégique en plein bouleversement, c'est un pari dont nous devons, mes chers collègues, mesurer l'ampleur.
Madame la ministre, le Sénat sera à vos côtés pour le relever.
Quant à mon voeu, il est fort simple, peut-être trop simple d'ailleurs : je souhaiterais, ainsi que mes collègues, que, sur la période qui s'ouvre, l'effort consenti par la France soit, le plus vite possible, équivalent à celui de la Grande-Bretagne, c'est-à-dire passe de 1,9 % à 2,3 % du PIB.
M. Maurice Blin, rapporteur pour avis. Par rapport à l'ancienne loi, un progrès a déjà été accompli : il est remonté de 1,75 % à presque 2 %. Il faudrait, madame la ministre, que, avant les cinq années qui viennent, il atteigne 2 % et passe au-delà : ce que la Grande-Bretagne a fait, pourquoi ne le ferions-nous pas ?
C'est un beau défi, il peut être gagné. C'est affaire de volonté politique, mais aussi sans doute affaire d'information et de pédagogie à l'égard d'une opinion qui risque de devenir de plus en plus ignorante des exigences d'une armée moderne.
Cette dernière n'est pas seulement un instrument de puissance, de présence au monde ; elle est aussi, selon la belle formule de Paul Valéry, « le bouclier où le peuple se mire ».
Sur ce point encore, madame la ministre, le Sénat peut vous apporter beaucoup. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. François Trucy, rapporteur pour avis.
M. François Trucy, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Après l'intervention de notre collègue Maurice Blin, qui a évoqué les perspectives d'ensemble, je voudrais, en complément, également au nom de la commission des finances, centrer mon propos non sur les matériels de nos armées mais sur les hommes qui les utilisent.
Je dirai d'emblée que, sur l'exécution de la loi de programmation militaire précédente, je porte le même jugement que les orateurs qui sont intervenus avant moi.
Tout comme Maurice Blin, je crois que si la loi susvisée, en tout cas son titre III, a été respectée dans sa lettre, elle ne l'a pas été dans son esprit.
Si les objectifs quantitatifs ont été atteints en ce qui concerne ce titre III, c'est au prix du sacrifice, année après année, des titres V et VI. Ce point a déjà été évoqué, mais il ne faut cesser de le rappeler.
Ce succès quantitatif est la traduction budgétaire de la réussite de la professionnalisation des armées. A cet égard, permettez-moi de saluer le caractère exemplaire, au regard de la réforme de l'Etat, des efforts accomplis par tous les acteurs de cette transformation radicale.
Le présent projet de loi de programmation ne « programme » pas le titre III ; il se contente de le « baliser » en fixant un certain nombre d'objectifs physiques en matière d'effectifs, d'activité des forces et de frais de fonctionnement, hors entretien programmé des matériels.
Ce choix méthodologique, sur lequel je reviendrai à la fin de mon exposé, n'affecte pas le jugement très favorable que je porte sur le projet de loi de programmation.
Les objectifs physiques visés me semblent cadrer parfaitement avec la volonté de redressement que traduit ce texte.
En matière d'effectifs, il prévoit la création de près de 7 000 postes de gendarmes ainsi que la transformation de certains postes de volontaires en postes d'engagés. Cette transformation est apparemment neutre sur le plan quantitatif mais, dans la mesure où ces postes n'étaient pas pourvus, elle se traduira par une augmentation effective des moyens disponibles de l'armée de terre.
Le projet fixe également des objectifs en matière de taux d'activité, qui devraient retrouver dès cette année les niveaux de l'OTAN : 100 jours de terrain pour l'armée de terre, 100 jours de mer pour la marine et 180 heures de vol pour les pilotes. C'est une bonne nouvelle pour nos troupes. Cette mesure permettra à la fois de maintenir leur qualité opérationnelle et de préserver leur moral.
A cet égard, j'ai pris bonne note de l'effort réalisé en matière d'entretien programmé du matériel même si « l'acharnement thérapeutique » auquel on procède pour certains matériels n'est peut-être pas la meilleure des méthodes du point de vue de l'utilisation rationnelle des crédits et ne permettra pas d'échapper aux ruptures capacitaires annoncées dans nos forces de projection ; comme l'a souligné notre collègue Maurice Blin.
Par ailleurs, il est prévu, dans le rapport annexé au présent projet de loi, que les frais de fonctionnement, hors entretien programmé, devront atteindre 20 % du titre III en 2008. Il est en effet nécessaire de « sanctuariser » les moyens de fonctionnement - essence, munitions, etc. - nécessaires à nos armées.
Tout fléchissement, tout retour aux pratiques antérieures de gels de crédits ou de décalages systématiques entre budget voté et budget exécuté remettrait en cause ce nouveau souffle et provoquerait un effet « boomerang » qui priverait le Gouvernement du fruit de ses efforts, notamment en matière de condition militaire.
Deux zones d'ombre méritent tout de même d'être relevées.
Premièrement, il conviendra de suivre attentivement la question des vacances de postes car il ne suffit pas de prévoir une progression des effectifs, ce qui est une bonne chose, encore faut-il que les postes soient pourvus. S'il est bon de prévoir la création de 250 postes de médecins et de 350 postes d'infirmiers, il faut encore être en mesure de les pourvoir. Vous-même, madame la ministre, dans votre propos introductif, nous avez dit que c'était loin d'être évident compte tenu de la concurrence du secteur privé et de l'importance des départs à la retraite.
Cette question de l'attractivité des carrières militaires, qui vous préoccupe beaucoup, nous le savons, a justifié la création très opportune du fonds de consolidation de la professionnalisation.
Deuxièmement, la question importante des réserves devra faire l'objet d'une réflexion d'ensemble - vous en avez évoqué le principe devant la commission des finances, madame la ministre - dans la mesure où ce ne sont pas les crédits encore modestes, fixés à 85 millions d'euros pour la durée de la loi de programmation, qui vous permettront d'atteindre les objectifs prévus pour 2015 et dont nous sommes particulièrement éloignés s'agissant des hommes du rang.
A l'Assemblée nationale, nos collègues députés se sont efforcés d'inciter le Gouvernement à affiner sa doctrine sur deux points.
D'une part, les députés ont souhaité qu'une ligne budgétaire soit créée en loi de finances initiale pour recevoir les crédits affectés aux opérations extérieures. Peut-être aurait-on pu aller plus loin et montrer la voie au Gouvernement en indiquant que cette ligne devait ou devrait être dotée de crédits en rapport avec les dépenses effectivement constatées au cours des années précédentes. Toutefois, nous nous rallions volontiers à la position finalement adoptée par nos collègues consistant à s'en remettre à l'expertise de la mission technique actuellement confiée à l'inspection des finances et au contrôle général des armées.
D'autre part - seconde innovation -, un contrôle, que je qualifierai volontiers de continu et surtout de conjoint, de la gestion des crédits entre le Parlement, représenté par ses rapporteurs, et les corps de contrôle compétent a été obtenu au cours des débats qui se sont déroulés à l'Assemblée nationale. Cette innovation est d'autant plus importante qu'il nous faut d'ores et déjà nous préparer à l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001.
J'ai relevé une certaine perplexité chez notre collègue Maurice Blin face aux très importantes marges de manoeuvre qui vont être ainsi laissées aux gestionnaires de crédits avec l'entrée en vigueur, en 2006, de cette loi organique.
La fongibilité des crédits va effectivement permettre de transformer des crédits d'équipement en crédits de fonctionnement, avec pour seule limite l'impossibilité d'augmenter les dépenses de rémunération.
Le caractère « asymétrique » de cette fongibilité constitue un garde-fou appréciable, certes, mais, en l'occurrence, il sera d'autant plus facile à contourner que l'on souhaite développer l'externalisation d'un certain nombre de prestations.
En tout état de cause, le haut degré de liberté qui va ainsi être octroyé aux responsables administratifs des programmes et des missions aura naturellement pour conséquence le renforcement des contrôles. Telle est la raison pour laquelle l'intiative consistant à mettre en place un contrôle continu et conjoint de l'action administative est particulièrement opportune dans la mesure où celui-ci doit être au point avant l'entrée en vigueur de la loi organique.
S'agissant toujours des méthodes, madame la ministre, je voudrais conclure mon intervention en évoquant l'option prise dans le présent projet de loi de programmation de ne pas fixer une enveloppe financière pour le titre III, et de se limiter à définir des objectifs physiques.
A ce sujet, j'avoue être partagé.
D'un côté, je m'inquiète de ne pas voir la loi garantir la progression des moyens dont nos armées ont besoin pour fonctionner correctement.
De l'autre, je reconnais que, dans l'esprit de la loi organique, l'essentiel est moins de dépenser des crédits que d'atteindre des objectifs. De ce point de vue, le choix opéré par le Gouvernement paraît aller dans le sens de la modernisation de la gestion de l'Etat.
S'il faut effectivement se préoccuper des enveloppes financières, des taux de consommation des crédits ou du fait que les postes budgétaires soient bien pourvus, il faut plus encore s'assurer du bon emploi des crédits, de la poursuite de la recherche de gains de productivité et mettre en place des batteries d'indicateurs qui permettront de mesurer les progrès ; comme cela a été prévu dans la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.
Telles étaient les considérations que je tenais à formuler à la suite de mon collègue Maurice Blin pour justifier l'avis favorable émis par la commission des finances sur ce projet de loi de programmation, qui, de toute façon, devra être confirmé, chaque année, au moment du vote des lois de finances et qui, bien que comportant des objectifs fixés en termes de loi de finances initiale, devra être jugé, en exécution, au niveau de la loi de règlement.
Je ne doute pas, madame la ministre, qu'avec votre pugnacité et votre constance vous saurez écarter les menaces, toujours renaissantes, de gels et d'annulations de crédits. Cela permettra à cette future loi de programmation d'être et ce serait une première intégralement respectée, car il en est d'une loi de programmation militaire comme de la guerre en général, c'est un art tout d'exécution !
Ma conclusion ne vous surprendra pas : vous avez surmonté avec succès de très sérieux obstacles dans la restauration de notre défense, mais rien n'est achevé pour vous, ni pour nous, si vous voulez bien de notre appui. Il faut protéger la programmation, continuer à progresser dans l'excellence de notre défense, améliorer encore les conditions de vie et de travail des militaires, et cela en dépit de difficultés de tout ordre. Sachez cependant, madame le ministre, que, pour l'accomplissement de cette rude tâche, vous avez à la fois notre confiance et notre soutien. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. André Dulait, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, l'examen d'une loi de programmation militaire constitue pour le Parlement un rendez-vous crucial puisqu'il s'agit de débattre et de voter sur l'orientation générale de notre défense et sur l'effort financier qui doit la soutenir.
Cet exercice est cependant aussi, trop souvent, pour les élus que nous sommes, un sujet d'amertume et d'insatisfaction. En effet, passé le temps des engagements solennels et du vote, nous assistons régulièrement, à chaque budget annuel et au gré des annulations de crédits décidées en cours d'année, au démontage méthodique de ce qui a été construit.
Je voudrais donc, madame le ministre, saluer à mon tour votre détermination à tout faire pour qu'il n'en soit plus ainsi avec le texte que vous nous présentez aujourd'hui, conformément d'ailleurs aux récentes déclarations du chef de l'Etat sur ce point, de manière que nous puissions, chaque année, valider les décisions que nous aurons prises à l'occasion de ce débat.
Ce projet de loi est, en effet, pour reprendre les termes de notre excellent rapporteur, Serge Vinçon, ambitieux et volontariste. Il l'est à la fois par nécessité et par choix stratégique.
Par nécessité, tout d'abord, dans la mesure où il s'agit de réparer les dommages dus à une exécution défaillante de la précédente programmation. On sait bien - les rapporteurs viennent de nous le rappeler - que c'est au total une annuité entière de crédits d'équipement qui a été perdue pour la défense au cours des cinq dernières années : les conséquences concrètes en sont aujourd'hui tangibles.
Il importe donc de mettre en oeuvre des mesures d'urgence sur l'existant, c'est-à-dire sur le matériel dont nos armées ont à faire un usage quotidien, à l'entraînement comme en mission. L'indisponibilité des moyens indispensables à l'exercice de missions par définition exigeantes constitue, pour les personnels d'une armée professionnelle, outre un risque opérationnel, une atteinte constante à leur motivation et à leur moral. Le projet de loi assigne donc un objectif de disponibilité moyen de 75 %, qui ne pourra être atteint que grâce à un financement adéquat, mais aussi à de nouvelles méthodes d'organisation des services de maintenance qui sont au demeurant déjà partiellement mises en oeuvre, ainsi que vous l'avez souligné, madame le ministre.
Le cadre humain du projet, c'est essentiellement la professionnalisation de nos forces, qui a été menée à bien au cours des cinq dernières années, mais qu'il reste à consolider pour permettre, en particulier, un flux de recrutement de qualité.
Ce sont aussi, bien sûr, des possibilités d'entraînement accrues, dont les normes sont notablement réévaluées par le texte qui nous est proposé, de manière qu'elles soient rendues cohérentes avec celles de nos principaux alliés, en particulier britanniques.
Si ce projet répond donc à une urgente nécessité, il est aussi le résultat d'un choix stratégique fondé sur une évolution internationale qui a vu, en quelques mois, s'accumuler des menaces toujours plus graves et diffuses.
Un terrorisme de masse a fait irruption sur la scène internationale. Il est bien organisé, généreusement financé, disséminé dans des zones instables, sur le territoire d'Etats défaillants ou bienveillants, mais aussi sur notre propre sol.
Une telle situation imposait de replacer la protection du territoire et de nos populations, en France et à l'étranger, au coeur des principales missions de nos armées. C'est donc l'une des principales orientations de la programmation à venir.
A cet égard, la nécessité d'une réserve opérationnelle en « état de marche » s'impose plus que jamais : des crédits spécifiques sont inscrits à cette fin dans le texte et nous attendons avec beaucoup d'intérêt les conclusions de la réflexion conduite sur ce point sous votre autorité, madame le ministre.
Si la nature et l'ampleur des agressions dont nos pays peuvent être victimes se sont accrues et diversifiées, les méthodes de riposte et les capacités militaires qu'elles requièrent n'ont pas, pour autant, fondamentalement changé : elles n'en sont que plus nécessaires et exigent, de façon urgente, des moyens adaptés.
Depuis plusieurs années, nos forces sont ainsi régulièrement engagées sur des théâtres extérieurs pour y assurer un éventail toujours plus large de missions. En ce moment même, dans les Balkans, en Afghanistan et en Afrique, pour ne citer que les exemples les plus visibles, nous participons à des actions qui recouvrent tous les types d'engagements possibles : dans un cadre bilatéral ou international, sous l'égide de l'ONU ou de l'OTAN, pour des missions de combat, de maintien de la paix ou d'interposition. Et nous voyons aujourd'hui, avec le cas de la Côte d'Ivoire, que de telles opérations ne sont pas dénuées de risques importants.
Madame le ministre, sur ce sujet préoccupant de la situation en Côte d'Ivoire, vous répondriez à une forte attente de la commission, et sans doute de l'ensemble du Sénat, si vous pouviez tout à l'heure faire le point devant nous des conditions du déroulement de l'opération Licorne. Nos soldats ont là une mission dont nul, je le crois, ne conteste le bien-fondé, mais qui est aussi délicate, périlleuse, et dont l'échéance est plus qu'incertaine. Les informations que vous pourrez nous donner seront donc les bienvenues.
M. Didier Boulaud. Merci !
M. André Dulait, président de la commission des affaires étrangères. Le texte qui nous est soumis prend en compte la donne internationale nouvelle tout en gardant comme objectif la réalisation d'un modèle d'armée qui, à mon sens, demeure pertinent.
La priorité conférée aux capacités de renseignement et aux moyens de commandement découle des enseignements tirés des crises récentes, notamment en Afghanistan. Les moyens de renseignements humains sont accrus, les programmes satellitaires confortés. Je reste cependant sur ma faim, comme mes collègues, dans la mesure où l'arrivée des premiers drones dans nos unités n'est prévue que pour 2009. C'est bien tardif ! Mais peut-être pourrez-vous, madame le ministre, commencer à nous rassurer sur ce point.
Nos capacités de projection sont améliorées grâce aux décisions relatives à la commande du second porte-avions ; nous saurons vers le mois de juin, à l'issue de l'étude que vous avez commandée, quelle sera exactement notre position à cet égard et quels accords nous pourrons éventuellement nouer avec d'autres puissances européennes.
Le renforcement de nos forces spéciales ou l'arrivée du missile de croisière SCALP-EG sont également des éléments tout à fait réconfortants. Qu'il me soit néanmoins permis de regretter, là aussi, la longue attente qu'impose la réalisation de l'A 400 M, qui n'interviendra qu'en 2009 - mais cela ne dépend pas de nous -, et l'arrivée tardive dans l'armée de terre de l'hélicoptère de transport NH 90, puisque celle-ci n'en sera pourvue qu'en 2011.
La dissuasion demeure l'une de nos grandes orientations stratégiques. On voit mal, en effet, ce qui justifierait aujourd'hui, dans l'état des menaces à long terme, que nous renoncions à nos capacités dans ce domaine. Il reste que des évolutions de doctrine sont perceptibles et que la réflexion sur l'adaptation progressive de notre dispositif de dissuasion, voire sur son incidence sur les enjeux européens, n'est pas achevée. Il faudra sans doute en clarifier les contours.
Madame le ministre, je voudrais enfin évoquer l'ambition de l'Europe de la défense, qui constitue aussi une donnée essentielle du projet de loi de programmation.
Le chantier est loin d'être parvenu à son terme et, en la matière, la tonalité est plus à la circonspection qu'à l'enthousiasme. Je constate qu'une large majorité des futurs membres de l'Union y voit davantage les opportunités économiques et financières dont celle-ci est porteuse que l'occasion d'une cohésion politique pour une « Europe-puissance ». L'appartenance à l'OTAN est désormais acquise ou quasiment acquise pour huit d'entre eux : elle semble constituer la seule garantie crédible à leurs yeux pour leur sécurité. Il nous faut les attacher sérieusement à une véritable Europe de la défense, qui n'est pas contradictoire avec l'appartenance à l'OTAN.
Enfin, si l'on met bout à bout la faiblesse des efforts budgétaires pour la défense, certains choix industriels pour l'équipement, notamment en avions de combat - je pense, par exemple, à l'engagement de certains de nos partenaires pour le F 35 américain - ou encore la modestie des propositions du groupe de travail spécialisé de la Convention pour l'avenir de l'Europe, on voit bien que la France, comme hier, reste bien seule avec ses ambitions.
Cependant, avec ce projet, notre pays - et c'est à son honneur - fait ce qu'il dit et montre aussi ce qu'il attend de ses partenaires. Il entend associer les capacités qu'il développe à celles dont l'Europe a besoin pour s'affranchir d'une dépendance militaire et donc politique, ce qui, à terme, servira les intérêts de chacun de ses membres.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, dans sa majorité, soutient résolument un projet de loi qui tend à redonner à notre pays les moyens de sa sécurité et de ses ambitions pour la paix. J'invite le Sénat à faire de même. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur le président, je souhaite en effet répondre dès à présent à la question relative à la Côte d'Ivoire que vient de me poser M. le président Dulait, dans la mesure où il s'agit d'un sujet qui ne concerne pas directement le projet de loi de programmation militaire.
Je tiens à saluer à mon tour le remarquable travail qu'accomplissent actuellement les militaires français en Côte d'Ivoire, travail très difficile mais essentiel pour éviter des effusions de sang. Tous ceux qui se sont rendus sur place, à commencer par le ministre des affaires étrangères, Dominique de Villepin, ont souligné l'excellence de ce travail.
Le dispositif Licorne est, aujourd'hui, fort de 2 500 hommes. La plupart appartiennent à des troupes qui étaient déjà positionnées dans différents pays africains, notamment au Gabon, au Tchad, à Djibouti. En Côte d'Ivoire même, ils étaient déjà environ 560.
Quelles sont les missions effectuées par les hommes du dispositif Licorne ?
Premièrement, il s'agit de protéger les ressortissants français et, plus généralement, les ressortissants étrangers qui risquent de se trouver dans des zones de combats. Cela a conduit nos militaires à procéder à des évacuations, en particulier à Bouaké, et à définir des sortes de périmètres de sécurité permettant de protéger ces personnes.
Deuxièmement, il s'agit de stabiliser la situation sur le terrain, notamment de faire respecter le cessez-le-feu, ou plutôt les cessez-le-feu successifs et, dans toute la mesure possible, d'éviter toute action qui mettrait en cause le processus de paix que nous nous efforçons d'encourager.
Troisièmement, il s'agit d'aider à la mise en place de la force de la CEDEAO, la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest. Depuis le début de la crise, nous souhaitons que celle-ci puisse jouer son rôle et qu'elle contribue effectivement au rétablissement de la sécurité. La force de la CEDEAO devait être installée le 7 novembre dernier. Aujourd'hui, elle n'est toujours pas véritablement en place, même si le commandement de la CEDEAO ainsi qu'un embryon de force sont d'ores et déjà présents en Côte d'Ivoire. Toutefois, les prochaines semaines devraient voir les choses prendre tournure.
Cela étant, il nous faudra de toute façon appuyer la force de la CEDEAO. Le désengagement des forces françaises ne pourra se faire que progressivement, au fur et à mesure de l'installation de la force de la CEDEAO et du rétablissement de la paix ou au moins d'une cessation des affrontements.
Enfin, quatrièmement, il s'agit de contribuer effectivement à ce que soient réunies toutes les chances d'un rétablissement de la paix, donc d'un dialogue politique, car c'est bien la seule solution en Côte d'Ivoire, en veillant à éviter que se produisent des actions qui mettraient à mal cette volonté de paix que nous essayons de faire prévaloir.
Bien entendu, monsieur le président de la commission, je me tiens à votre disposition pour vous communiquer des informations plus détaillées sur les moyens matériels que nous avons d'ores et déjà déployés, ainsi que sur l'implantation de nos forces, mais je crois vous avoir dit l'essentiel sur le dispositif de notre présence dans l'opération Licorne.
M. André Dulait, président de la commission des affaires étrangères. Je vous remercie, madame le ministre.
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire : 115 minutes.
Groupe socialiste : 59 minutes.
Groupe de l'Union centriste : 22 minutes.
Groupe communiste républicain et citoyen : 20 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Yves Autexier.
M. Jean-Yves Autexier. Monsieur le président, madame la ministre, c'est dans les périodes de plus grande incertitude que le devoir de programmation est le plus difficile mais aussi le plus nécessaire.
L'univers stratégique a profondément changé. Depuis 1995, trois éléments décisifs sont apparus.
Le premier, c'est bien entendu le terrorisme de grande envergure. Nos nations ne sont plus sanctuarisées : elles peuvent être frappées de l'intérieur ; elles peuvent être menacées par des groupes ou des réseaux qui bénéficient de soutiens disséminés, nourris par le ressentiment. A la mort du vieux clivage Est-Ouest, l'injustice et la violence qui président aux actuels rapports Nord-Sud ont atteint un tel niveau qu'il est devenu aisé de recruter, par centaines, des militants d'un terrorisme fanatique, unis par la conviction de briser l'ordre injuste du monde et instrumentés pour des actions criminelles.
Le deuxième facteur capital du changement, c'est l'affirmation d'un unilatéralisme américain sans complexe.
La quête pathétique par les Etats-Unis du prétexte qui leur permettrait de changer la donne en Irak et dans tout le Proche-Orient est apparue pour ce qu'elle est à tous les citoyens du monde. Personne n'ignore plus la motivation des dirigeants américains, qui paraissent se préoccuper bien plus des armements qui n'existent plus en Irak que de ceux dont se dote la Corée du Nord. Les deuxièmes réserves pétrolières du monde, situées près, si près, du théâtre israélo-palestinien, attirent l'intervention des Etats-Unis comme un aimant, car elles touchent à leurs intérêts immédiats.
Nous devons le savoir : l'unilatéralisme américain, c'est la capacité d'agir, même si les conséquences de cette action sont dramatiques pour le reste du monde. Cet égoïsme, porté à l'échelon de la planète, est devenu un risque pour la sécurité du monde, donc pour notre sécurité.
Qui supporterait, demain, les conséquences d'un conflit ainsi orchestré entre l'Occident et le monde arabo-musulman ? Qui est riverain de la Méditerranée ? Qui vit en contact étroit avec nos voisins de la rive sud ? Oui, l'égoïsme irréfléchi et erratique de l'administration Bush est devenu un péril pour notre sécurité !
Le troisième facteur d'instabilité tient à la remise en cause des accords ABM. La sanctuarisation mutuelle des territoires des deux blocs sera anéantie par une course aux armements anti-missiles dont Washington peut penser à juste titre qu'elle y épuisera la Russie, puis la Chine, mais qui exposera le territoire de l'Europe en affaiblissant le principe de dissuasion.
La défense de la France doit donc affronter ces nouveaux défis. La dissuasion, qui était la clé, menace d'être contournée aussi bien par la dénonciation du traité ABM que par le terrorisme.
Il nous faut donc, en premier lieu, réaffirmer le primat de la dissuasion comme outil du refus de la guerre, arme de l'indépendance. Il n'est nullement contradictoire avec les perspectives de coopération européenne. La dissuasion française est la seule dissuasion indépendante en Europe ; elle met l'Europe occidentale à l'abri de la guerre. Le dialogue franco-allemand à ce propos ne pourra que s'enrichir.
La coopération européenne en matière d'industrie de défense ne trouve jamais la France en défaut ! Et, à ceux qui voudraient substituer une « programmation européenne » à la programmation française, faut-il rappeler les choix britanniques dans la crise d'Irak ou les options de nos voisins en faveur du JSF ou du F 16 ?
Faut-il rappeler le tropisme américain des nouveaux pays membres, sans évoquer, bien sûr, celui de la Turquie ?
Devant un champ magnétique d'incertitudes polarisées par Washington, la dissuasion reste l'outil majeur de l'indépendance. La clé de notre sécurité ne repose pas dans une OTAN si élargie que même les Etats-Unis ne comptent plus sur elle, sinon pour les basses besognes. La dissuasion reste la garantie ultime de la sécurité, nullement incompatible avec le respect de nos engagements du traité de l'Atlantique Nord.
Vouloir inscrire notre effort de défense dans le cadre européen, comme l'affirme l'exposé des motifs, exige beaucoup de lucidité : quand nous parlons Europe de la défense, nos partenaires répondent encore plus fort OTAN. Il leur faudra du temps pour mesurer les risques que fait courir l'unilatéralisme américain et ses relais ! D'ici là, c'est à la France de tenir bon, avant que la réalité ne fasse évoluer les esprits.
Le temps est venu pour la défense de se recentrer sur ses missions. La loi de programmation répond-elle à ces exigences ? Je ne le crois pas, même si elle marque un effort de remise à niveau de l'outil de défense et si elle permet la revalorisation, bien nécessaire, de la condition militaire pour ceux qui servent sous nos armes.
Au demeurant, ne pouvaient attendre « les dividendes de la paix » que ceux qui avaient pris au sérieux les contes du grand méchant loup et qui désignaient l'ancienne Union soviétique comme la seule source de périls. Les autres, tous les autres, ceux qui voyaient dans l'URSS la Russie de toujours, ceux qui savent que les peuples et les nations font l'histoire, ceux qui mesurent l'immense appel à la justice que lancent les pays du Sud ne croyaient pas à ces fredaines. Le monde de l'après 1989 est devenu plus périlleux qu'il ne l'était auparavant !
En prenant la mesure de la nécessité de revaloriser l'outil de défense, la loi de programmation invite, certes, au changement nécessaire. Mais, à mes yeux, elle ne tire par les conséquences de la profondeur des changements stratégiques intervenus. Comme d'habitude, les choix d'hier pèsent lourdement sur les choix d'aujourd'hui.
C'est toujours le modèle des armées 2015 qui est proposé ; mais, conçu en 1995, avant tout pour préparer les esprits à la professionnalisation, il comporte d'immenses lacunes.
On lit, dans l'exposé des motifs : « La projection et l'action ont structuré la conception du modèle d'armée. » La capacité à projeter des forces, aussi bien en Europe qu'à l'extérieur du continent européen, et notre aptitude à engager et soutenir des groupements de forces interarmées sur un théâtre en sont les clés. La professionnalisation est liée à une volonté de privilégier les opérations extérieures, les contributions françaises à toutes sortes d'interventions, le plus souvent sous l'égide de l'OTAN ou sous le contrôle opérationnel américain, pour lesquelles le lien avec nos intérêts nationaux est de plus en plus ténu.
Ce sont 14 000 hommes en moyenne et 620 millions d'euros qui ont été engagés chaque année depuis dix ans, et le projet nous propose de porter à 26 000 hommes la capacité de projection.
Je m'en tiens, moi, aux termes de l'ordonnance du 7 janvier 1959, qui définit la politique de défense de la France : « La défense a pour objet d'assurer en tous temps, en toutes circonstances et contre toutes formes d'agression, la sécurité et l'intégrité du territoire ainsi que la vie de la population. »
Nous n'avons pas vocation à fournir les éléments de corps expéditionnaires partout où les Etats-Unis veulent intervenir sans exposer la vie de leurs soldats...
Cette orientation néfaste nous a fait beaucoup de tort depuis 1996. Vous savez que nous avons multiplié les OPEX sans en avoir les moyens. Le financement des OPEX et de la professionnalisation a été pris sur le titre V. Du même coup, les armées étaient à la fois sollicitées de partout et leurs moyens d'équipement et d'entretien de matériels s'affaiblissaient à mesure.
J'aurais souhaité une rupture sur ce point, je ne le trouve point. Et, bien entendu, l'affaire d'Irak sera un révélateur : si, malgré l'absence de preuves décelées du fait des inspections, les Etats-Unis décidaient d'une intervention unilatérale, la France se devrait de condamner fermement cette violation du droit international. Aucun recours à la force ne peut intervenir sans une seconde résolution explicite du Conseil de sécurité et si Washington, sans preuve, proposait une telle délibération, c'est à un veto français que le droit international devrait d'être respecté.
Mme Hélène Luc. C'est vrai !
M. Jean-Yves Autexier. C'est non pas l'isolement qui guetterait alors la France, mais un immense soutien des opinions publiques du monde entier... et puis-je y ajouter modestement notre soutien ? Alors, notre débat d'aujourd'hui, madame le ministre, prendrait sans doute une autre tournure, parce qu'il serait tranché.
La France ne serait plus ce pourvoyeur d'effectifs pour des opérations extérieures décidées quelquefois par injonction médiatique, mais une nation recouvrant son autonomie et son jugement.
Les interventions extérieures ne peuvent être décidées qu'à bon escient - certaines sont nécessaires lorsqu'elles sont conformes au droit international ou aux accords de sécurité et de défense que nous avons conclus, ou encore à nos intérêts propres - mais elles n'ont pas à être décidées, comme on le vit jadis, en fonction de considérations médiatiques.
Les interventions extérieures ne sont pas un remède de fond au terrorisme qui appelle, plus que des solutions militaires, des solutions politiques. Devant le terrorisme, il faut d'abord faire face, ne rien céder, ne rien compromettre. Il faut ensuite empêcher qu'une politique absurde ne jette dans les bras des réseaux terroristes des milliers de gens révoltés par l'injustice et la partialité.
Faire face, c'est se préoccuper de la sécurité du territoire. Nos approches maritimes et aériennes doivent être mieux surveillées. La sécurité de nos transports maritimes et de nos approvisionnements doit pouvoir être assurée en cas de crise, et ce dès la haute-mer. L'amélioration des capacités de renseignement sera décisive. Notre territoire recèle un grand nombre de points sensibles qui peuvent être les cibles du terrorisme : aéroports, centrales nucléaires, réseaux d'eau potable, d'électricité et de téléphone. Contre une menace bactériologique ou chimique de quelque ampleur, nous serions fort dépourvus. Là réside la priorité d'une défense qui soit nationale et que personne n'assurera à notre place.
La fin de la conscription a privé notre défense de dizaines de milliers d'hommes, qui seraient bien nécessaires à présent ; or la réforme de la défense du territoire n'a pas été engagée.
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Jean-Yves Autexier. Avec la suppression du service national, le lien armée-nation, si indispensable en cas de menace terroriste, s'est, à l'évidence, affaibli.
L'idée d'une garde nationale de 60 000 hommes et femmes volontaires, alimentée par un service court et sportif, doit être creusée. A tout le moins l'organisation des réserves mérite-t-elle d'être repensée à cette fin.
L'organisation de nos armées, dans l'hypothèse privilégiée d'une participation à de lointaines expéditions collectives, doit céder la place à l'organisation de la défense de la nation.
De plus, éviter de jeter des milliers de gens dans les bras du terrorisme, c'est mener une politique de respect des peuples, des cultures, des nations, c'est opposer le dialogue des cultures au choc des civilisations. C'est également, face au monde arabo-musulman, se faire les avocats d'une solution juste et équilibrée au Proche-Orient, et prendre partout le pari de la modernité dans le monde arabe. La France doit se trouver là où on l'attend, non pour ajouter quelques bombes au déluge de missiles américains qui submergerait l'Irak, mais pour opposer la force du droit à l'arbitraire du puissant. C'est faire le choix du développement pour lutter contre la misère et l'humiliation, qui sont le terreau de l'intégrisme fanatisé.
Trop marqué, à nos yeux, par les priorités données aux engagements extérieurs, ne tirant pas suffisamment les conséquences de cette nouvelle donne que sont le terrorisme et les risques de l'unilatéralisme américain, ce projet de loi de programmation ne fait pas l'usage souhaitable des moyens nouveaux dont disposera notre défense.
C'est la raison pour laquelle, malgré la qualité du travail effectué par nos rapporteurs, malgré la force de conviction qu'ils ont su déployer et malgré l'intervention convaincante du président de notre commission, nous ne voterons pas ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Xavier de Villepin.
M. Xavier de Villepin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans un monde de terrorisme de masse, de prolifération d'armes de destruction massive, de multiplication des crises régionales et de guerre annoncée, disposer d'une défense moderne est plus que jamais nécessaire. Il y a là un enjeu vital pour la France et pour l'Europe. Nous sommes donc particulièrement heureux, en ce début d'année 2003, de pouvoir discuter avec vous, madame la ministre, du projet de loi de programmation militaire.
Depuis la chute du mur de Berlin en 1989, notre budget de la défense est passé de 3 % à 1,67 % du PIB en 2002. Au lendemain du choc du 11 septembre 2001, de l'intervention alliée en Afghanistan et à l'heure du renforcement de notre présence en Côte d'Ivoire, l'érosion constante de nos crédits n'est plus acceptable. Un sursaut s'avère donc nécessaire en raison de l'apparition de menaces nouvelles, pour répondre aux ambitions légitimes de notre pays et pour construire l'Europe de la défense.
Au nom du groupe UMP, je voudrais tenter de dresser devant vous un constat sur notre appareil de défense, souligner les mérites du projet de loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008, et réfléchir aux orientations souhaitables pour notre pays.
Mais, tout d'abord, je voudrais exprimer notre reconnaissance à l'armée française. Elle s'est réformée dans les délais et conformément aux prévisions. Partout où notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées l'a rencontrée, elle accomplit son devoir avec courage et dignité. En France ou dans les opérations extérieures, nos forces sont un bel exemple et font honneur à notre pays. Elles méritent donc les équipements les plus modernes et les plus adaptés à leurs engagements.
J'en viens à l'état des lieux et au constat de notre retard.
Les objectifs de la loi de programmation précédente pour l'investissement ont été régulièrement revus à la baisse, alors même que la France connaissait des années de forte croissance. Nous avons connu toutes les modalités possibles : encoches, revues de programmes, régulations budgétaires, annulations en cours d'exercice, bourrages d'enveloppe et surcoûts des OPEX, soit un véritable désarmement... Nos armées ont, sur les six années de la précédente programmation, perdu, comme l'a souligné notre ami Serge Vinçon, une annuité entière de crédits d'équipements.
En termes concrets, les moyens militaires de la France se sont dégradés du fait de l'insuffisant entretien des matériels, obérant ainsi la disponibilité de nombreuses unités de combat.
En outre, dans tous les domaines, nous pouvons constater des lacunes de capacité : satellites, radars, avions de transport, hélicoptères, retard du programme Rafale, porte-avions, moyens amphibies, frégates anti-aériennes, frégates de lutte anti-sous-marine et d'attaque à terre, missiles de croisière.
Devant cette détérioration, on comprend que notre commission ait voté contre les budgets militaires de ces trois dernières années.
Que retenir du passé ? Simplement que les lois de programmation, sous la Ve République, n'ont généralement pas été appliquées et que notre pays a ainsi perdu son rang. Nous nous retrouvons, dans le désordre mondial, avec un personnel militaire de grande qualité et des équipements insuffisants. Puissions-nous tous ensemble en retenir les leçons !
Ce projet de loi traduit la volonté du Président de la République et du Gouvernement de redresser l'effort de défense français et de contribuer à l'amélioration des capacités européennes.
Il vise à préserver notre autonomie de décision, à maintenir notre capacité d'influence et à conserver une base industrielle et technologique de défense.
La première priorité doit donc être d'opérer un retournement de tendance, pour que le fossé qui nous sépare des Etats-Unis, mais aussi et surtout du Royaume-Uni, cesse de s'élargir. Pour seulement rejoindre le niveau des Britanniques, il faudrait que la France consacre à la défense, en 2004, 2,45 % de son PIB et non pas les 1,93 % prévus par la loi de programmation militaire, soit environ 9 milliards d'euros supplémentaires par an.
La mise en oeuvre de la loi de programmation militaire sera une première étape. Elle permettra de cesser de voir se creuser l'écart avec la Grande-Bretagne, mais elle ne le comblera pas car Londres poursuit son propre effort. Elle permettra de réduire certaines lacunes de notre appareil militaire. Elle doit donc être saluée.
Dans un contexte économique difficile, il faut du courage pour faire de la défense un domaine préservé, se situant à l'avant-garde des choix de notre pays. Or nous pouvons constater un effort financier réel sous forme d'une annuité moyenne d'équipements de 14,64 milliards d'euros.
Un autre progrès doit être relevé : la création d'un fonds de consolidation de la professionnalisation, qui devrait être doté de 572 millions d'euros sur la période.
Notre excellent rapporteur et ami Serge Vinçon a exposé les programmes retenus dans le projet de loi autour de quatre axes principaux : dissuasion, prévention, projection, protection. Il est prévu de réaliser les projets engagés et de lancer des investissements d'envergure : second porte-avions, suite du programme Syracuse III, frégates multi-missions, système anti-missile balistique de théâtre et, nous l'espérons beaucoup, avion de transport stratégique A 400 M.
Pour ma part, je souhaiterais attirer l'attention sur quelques points particuliers.
L'effort de recherche et technologie apparaît en augmentation sensible, avec un montant annuel de 635 millions d'euros en moyenne. Il reste cependant inférieur à celui des Britanniques depuis 1996. Le conseil des industries de défense françaises avait chiffré le besoin à 1 milliard d'euros.
Certains programmes mériteraient, en raison de leur importance, une réalisation dans les délais prévus et une reconsidération budgétaire, par exemple les drones moyenne altitude longue endurance et les missiles de croisière navals, pour coïncider avec l'entrée en service de nos frégates multi-missions en 2008.
Pour l'avenir, il nous paraît important d'organiser un débat entre le ministère de la défense et le Parlement sur les enseignements des derniers conflits, afin de fixer de nouvelles perspectives dans les domaines de l'inter-armée, des systèmes d'armes du futur, notamment de renseignement, de commandement et de conduite des opérations, d'observation via l'espace, ou encore des armes dites « intelligentes ».
Pour tenter d'entrevoir l'horizon militaire, il me semble souhaitable de réfléchir à l'évolution des grandes tendances aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, non par souci d'imitation, mais par exigence d'information et pour aborder les enjeux industriels de la France.
Si les Américains en arrivent à dépenser 1 milliard de dollars par jour pour leur défense, ce n'est pas par simple accumulation de crédits, c'est après avoir étudié la situation mondiale.
L'action préventive au service d'un combat multiforme contre le terrorisme, qu'ils considèrent comme un mal absolu, est au coeur de leur doctrine. L'accent est porté sur la transformation des forces afin de les rendre projetables en tout point du globe. A cela s'ajoute un effort pour créer un dispositif global de sécurité du territoire national.
Pour les années à venir, leur planification affiche des priorités : les acquisitions, la recherche-développement, la technologie et les essais, portant notamment sur le fameux avion Joint Strike Figther, le JSF, les drones, l'anti-missile, le C4ISR, c'est-à-dire le commandement, contrôle, communication, computer, renseignement, surveillance, reconnaissance, et les menaces biologiques.
Malgré les résistances des militaires, les Américains n'ont pas hésité à abandonner des programmes conçus pendant la guerre froide, l'artillerie par exemple. Ils dominent la défense mondiale grâce à la surveillance spatiale, la guerre électronique, les technologies de C4ISR, les bombardements stratégiques, les transports aériens de grande capacité à très long rayon d'action et les hélicoptères de transport lourds.
Avec les Britanniques, nous sommes à une échelle plus proche de la nôtre. Ils ont privilégié la capacité de projection à l'extérieur et accordé une grande priorité aux opérations en coalition et au caractère interarmées des forces et du soutien.
Les Anglais ont choisi, pour leur dissuasion nucléaire, un niveau minimal comprenant une seule composante. En France, nous en détenons deux et des moyens de simulation, ce qui représente une part significative de l'effort de défense : 20 % du Titre V.
Je m'empresse de préciser que, comme vous, madame la ministre, j'approuve entièrement les choix annoncés par le Président de la République sur le nucléaire dans son discours du 8 juin 2001.
A la fin de l'année 2002, les effectifs des ministères de la défense, au Royaume-Uni et en France, sont très proches : 343 000 pour la France et 334 000 pour le Royaume-Uni. Pour ce dernier, on constate une plus grande proportion de personnel civil et un plus large recours à l'externalisation.
Alors que la France allouait 3 milliards d'euros de plus que la Grande-Bretagne à l'équipement de ses forces en 1992, la situation a changé en moins d'une décennie : la Grande-Bretagne y a consacré en 2001 5,5 millions d'euros de plus que notre pays. Le dispositif britannique aligne maintenant des personnels mieux rémunérés, mieux entraînés et mieux équipés, en dotation comme en entretien du matériel.
Peut-on tirer de ces orientations des conclusions pour l'avenir de notre industrie d'armement ?
Ce secteur apporte une contribution significative à l'économie française : environ 14 milliards d'euros en niveau annuel moyen de chiffre d'affaires pour l'armement, dont un tiers à l'exportation, et 170 000 emplois directs.
L'industrie française a évolué avec la constitution de grands groupes tels EADS et Thalès, qui font honneur à notre pays. Pour l'avenir, les points d'interrogation restent nombreux.
Les marchés, en Europe comme ailleurs, nous réservent de mauvaises surprises. C'est le cas de la Pologne pour notre aviation, alors que l'on pouvait espérer mieux d'un pays ami appelé à rejoindre l'Union européenne en 2004.
Deux industries paraissent menacées par de lourds nuages : GIAT et DCN.
L'avenir de GIAT dépend de la réponse que nous apporterons à la question suivante : notre armée a-t-elle besoin d'une industrie française d'armement terrestre ?
Si la réponse est positive, il faut, compte tenu du contexte européen et américain dans ce secteur, en tirer les conséquences sociales et financières avec réalisme mais aussi lucidité pour donner à la société des perspectives durables.
La direction des constructions navales, pour sa part, se trouve dans une tout autre situation de marché. Il n'en reste pas moins que le temps est compté pour réaliser sa transformation en une industrie compétitive car des opérations d'envergure commencent à se produire dans le secteur naval européen.
Nos armées ne pourront plus continuer à toujours acheter des équipements plus chers. C'est la nouvelle donne de l'Europe dans un monde ouvert.
En 2003, notre effort de défense remontera à 1,86 % du PIB. Il faut le comparer à celui du Royaume-Uni où ce taux augmente à peu près de la même façon et atteint 2,36 % du PIB. Avec le présent projet de loi de programmation, madame la ministre, la France prend un engagement fort qui permettra de développer les capacités de nos forces projetables.
Le groupe UMP votera ce projet de loi en vous exprimant, madame la ministre, notre reconnaissance pour le soutien que vous apportez à l'armée française. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. René-Pierre Signé. On aura toujours une guerre de retard !
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, mon intervention s'articulera autour de deux axes.
Le premier tend à saluer un acte politique fort : la priorité retrouvée de notre défense.
Le second réside dans une invitation au renouvellement de notre ambition politique dans le domaine de la défense.
Qu'il me soit permis de souligner l'ambitieuse vision qu'avait pu avoir le général de Gaulle. Fondée sur une volonté d'indépendance vis-à-vis des Etats-Unis, le maintien de l'autonomie d'action et le développement d'une stratégie nucléaire propre, cette politique a permis à la France de jouer un rôle déterminant au cours des cinquante dernières années.
Je crois cependant que le moment est venu de réorienter nettement notre stratégie : les moyens que vous proposez nous en donnent la capacité. Il s'agit désormais d'inscrire notre action dans le cadre du grand projet européen.
Parce qu'il engage la sécurité de la France et des Français, parce qu'il doit nous permettre de garantir l'efficacité de notre action et son autonomie face aux tendances unilatéralistes des Etats-Unis, un tel projet ne peut se concevoir qu'en étroite coordination avec nos voisins européens.
Parce qu'elle a un statut particulier en Europe, seule la France peut être le véritable moteur d'une défense qui doit être européenne pour véritablement acquérir la capacité de faire face aux nouveaux risques. C'est seulement à cette condition que la France retrouvera l'ambition et la vocation qui ont toujours été les siennes.
M. le rapporteur et plusieurs intervenants ont rappelé les conséquences des décisions qui ont été prises au cours des cinq ou six dernières années : un sixième de l'enveloppe prévue par la loi de programmation militaire précédente n'a pas été attribué aux armées, c'est-à-dire l'équivalent d'une année de programmation.
De plus, les crédits inscrits dans les lois de finances n'ont pas été intégralement consommés et de nombreux crédits ont été annulés en cours d'exercice pour financer des opérations extérieures ou recapitaliser le GIAT.
Les effets de ces décisions ont été catastrophiques en ce qui concerne tant le programme d'armement que l'entretien de nos matériels ou les programmes de recherche et développement.
Les stocks de certains matériels sont à des niveaux plancher, les infrastructures militaires ont pris des retards importants. La réalisation des plans d'aménagement de logements pour les militaires ainsi que la remise à niveau du parc immobilier de la gendarmerie sont aujourd'hui nécessaires.
De même, la marine a été particulièrement sacrifiée ces dernières années, par exemple en ce qui concerne la remise en état des installations portuaires.
Sur le plan national, je soulignerai un fait exceptionnel : la montée, l'année dernière, de différents mouvements de mécontentement qui ont mis sur le devant de la scène le malaise profond de nos militaires.
La France, qui a toujours porté une attention particulière à son autonomie stratégique, a ainsi pris du retard par rapport à ses partenaires européens, comme le Royaume-Uni.
On perçoit aujourd'hui les conséquences de ce retard s'agissant de la construction d'une Europe de la défense. La France et le Royaume-Uni sont les deux seuls pays capables d'en forger l'armature.
Il en résulte un affaiblissement des capacités à court et à moyen terme et des difficultés à tenir les engagements européens qui ont été pris lors des sommets d'Helsinki, de Nice et de Laeken.
Bien sûr, je passe sur le fait que le contexte international de ces dernières années n'aurait pas dû nous conduire à la politique qui a été menée pendant cinq ou six ans.
Mais les critiques ne nous exemptent pas de rappeler que d'autres gouvernements n'avaient pas toujours su prendre la mesure des enjeux et des efforts à consentir, ce qui nous oblige par ailleurs à faire preuve de courage et de lucidité pour l'avenir.
Je voudrais ici souligner les limites de certains discours qui exigent de la France, d'un côté, qu'elle adopte des positions autonomes vis-à-vis de l'hyperpuissance américaine et, d'un autre côté, qu'elle dote son armée des moyens nécessaires à la réalisation de cette autonomie. Il faut plus de cohérence !
La défense n'était plus une priorité, et je me félicite, madame la ministre, de voir ce projet de loi renouer avec la tradition politique et stratégique de la France. Nous vous en remercions.
Permettez-moi maintenant d'énumérer rapidement les avancées significatives du projet de loi que vous nous soumettez ; elles me paraissent bien tenir compte des risques et des évolutions actuellement en cours.
Le premier point est l'augmentation des moyens humains et donc l'amélioration de notre capacité à intervenir sur des théâtres extérieurs et à protéger nos populations. Cela se traduit par la consolidation de la professionnalisation de l'armée et la création de plus de 10 000 postes d'ici à 2008, avec un effort particulier pour la gendarmerie.
Dans le domaine du renseignement, les quelque 100 postes créés contribuent utilement à l'effort nécessaire en la matière.
Il me paraît d'ailleurs honnête de saluer l'effort qui avait été engagé par le gouvernement précédent avec la création de plus de 750 postes pour la direction générale de la sécurité extérieure, la DGSE, et de 250 postes pour la direction du renseignement militaire, la DRM. Au-delà de la création de ces postes, il conviendra de mieux veiller à garantir le statut professionnel de nos agents de renseignement.
Permettez-moi de m'interroger, comme notre rapporteur, sur la nécessité d'être plus ambitieux que le texte actuel concernant le recrutement d'agents de renseignement, afin de mieux répondre aux nouveaux besoins de nos armées en ce domaine. La priorité absolue donnée par les Etats-Unis à ces missions nous y invite fortement.
Dans le domaine de la réserve, je tiens à souligner que les différentes mesures proposées contribuent à renforcer nos capacités d'intervention sur les théâtres extérieurs.
Les moyens prévus doivent nous permettre de disposer d'une réserve plus qualifiée et plus disponible dans un contexte de professionnalisation de nos armées. L'objectif qui consiste à disposer d'une réserve opérationnelle de 82 000 hommes dès 2008 est ambitieux et juste.
Les mesures d'incitation prévues grâce aux primes d'incitation à l'engagement pour les militaires du rang et la mise en oeuvre d'un véritable dispositif de formation pour les réservistes civils sont autant de mesures concrètes et positives.
Ce chapitre est pour moi l'occasion de marquer également mon attachement au maintien du lien entre l'armée et la nation, qui me paraît se distendre depuis la professionnalisation de nos armées.
Les enjeux de la défense doivent être mieux connus de nos concitoyens. De même, le sens et la valeur de l'engagement au service de la nation doivent être mieux valorisés.
Madame le ministre, vous avez parlé tout à l'heure d'un service civil. Je vous remercie de lancer cette idée, même si nous aurions préféré qu'elle soit évoquée dans le projet de loi.
La seconde avancée très notable concerne la modernisation de nos équipements et s'articule autour de plusieur points.
C'est d'abord la mise en oeuvre d'un programme d'équipement ambitieux autour du renseignement. Le programme de drone, que M. le rapporteur, a rappelé doit nous permettre d'acquérir des capacités de surveillance et de reconnaissance en toutes circonstances. Ces équipements, déjà largement développés par les Etat-Unis, peuvent en outre intervenir comme relais de communication pour des forces engagées sur un théâtre d'opérations.
C'est ensuite la mise à disposition de nos armées de moyens leur permettant de développer leur capacité de projection et de mobilité des forces. La nécessité d'être en mesure d'atteindre des objectifs précisément localisés se fait plus présente, et la construction d'un second porte-avions, la livraison de Rafale dès 2005, les nouveaux programmes d'armes de précision ou l'acquisition d'avions à longue portée me paraissent être des éléments très positifs dans la restauration de nos capacités d'action.
C'est encore l'accent mis sur les programmes de recherche, avec 7 milliards d'euros prévus pour la période, dont près de 4 milliards pour l'acquisition de technologie, soit un quart de l'effort de recherche des Quinze.
Enfin, et ce n'est pas le point le moins important de notre stratégie de défense, l'autonomie nucléaire est garantie par le projet de loi. Au-delà de la protection de nos intérêts vitaux, elle contribue utilement à la crédibilité d'un futur dispositif de défense européen et donne à la France une responsabilité réaffirmée parmi les quinze, et bientôt les vingt-cinq Etats membres.
Globalement, les moyens ainsi consacrés à l'équipement de nos forces permettent de mieux prendre en compte les besoins de nos armées et de contribuer à leur plus grande disponibilité opérationnelle. Cette augmentation des crédits a en outre un impact positif sur nos industries de défense, qui n'avaient plus la visibilité nécessaire à leur développement.
Cette augmentation des crédits est d'autant plus remarquable qu'elle s'opère dans un contexte budgétaire tendu - vous l'avez rappelé, madame le ministre - et qu'elle permet à nos armées de disposer, en termes d'équipements, d'un budget annuel passant de 13,9 milliards d'euros par an à 14,83 milliards d'euros, en moyenne annuelle, sur la période considérée.
Au-delà de la volonté politique, on trouve donc dans ce projet de loi des actes, et nous vous en félicitons.
Je serais tentée de dire, madame le ministre, que ce projet de loi, en restaurant les différentes capacités militaires de notre pays et en redonnant confiance à nos armées, positionne à nouveau la France sur l'échiquier européen et international
La France doit avoir conscience du rôle déterminant qu'elle est en capacité de jouer pour la construction d'une Europe de la défense. Or cette construction, malgré certaines avancées, est souvent en panne d'inspiration ; et, si ce projet de loi permet à la France de tenir les engagements pris auprès de ses partenaires européens et de restaurer une large part de son autonomie, il me semble que nous devons réfléchir à en faire un outil d'entraînement et de révolution dans la construction d'une Europe de la défense. La France peut en être l'architecte. C'est ce que nous appelons de nos voeux.
Je développerai nos difficultés actuelles et l'intérêt d'un engagement plus fort de la France en ce domaine.
Nos forces armées traversent à l'heure actuelle une profonde mutation technologique aux conséquences stratégiques aussi importantes que l'arme nucléaire à la fin de Seconde Guerre mondiale.
Ces mutations concernent aussi bien la précision des munitions, le développement de nouvelles armes à fort potentiel, comme les lasers opérationnels, les systèmes hyperfréquence, que la mise en place d'espaces de combat presque totalement intégrés entre les forces terrestres aériennes, navales et spatiales. Ce dernier point s'articule en outre sur la mise en oeuvre de réseaux d'information, de communication, de surveillance en temps réels qui structurent les opérations.
La maîtrise de l'ensemble de ces technologies conditionne l'autonomie et donc la crédibilité de toute stratégie de défense. Elles ont leur intérêt, tant pour des conflits de types nouveaux que pour des conflits plus classiques qu'il ne faut jamais exclure.
Or force est de constater qu'aujourd'hui seuls les Etats-Unis ont pris la mesure de ces évolutions et mis en oeuvre les moyens colossaux nécessaires à la réalisation de cette ambition. L'effort de défense des quinze pays de l'Union européenne représente ainsi moins de la moitié de l'effort américain en ce domaine.
Vous avez rappelé tout à l'heure, je ne le redirai donc pas, la différence des dépenses de défense par habitant ou même, comme l'a rappelé M. le rapporteur pour avis, Maurice Blin, par homme engagé. Il faut cependant noter que la différence est particulièrement grande, puisque le rapport est de 1 à 4 en ce qui concerne la recherche-développement.
Notre retard éclaire à mon sens l'attitude de plus en plus unilatéraliste des Etats-Unis, désormais seuls acteurs de cette révolution militaire. L'ambition que la France a portée pour le monde depuis tant d'années ne peut être restaurée, compte tenu des enjeux financiers, dans le stricte cadre hexagonal.
C'est donc au travers d'un projet européen dont la France pourrait porter l'ambition que notre propre avenir stratégique se joue.
Les domaines de l'équipement, de la recherche - développement et du renseignement illustrent parfaitement nos carences actuelles en la matière.
Deux exemples éclairent les limites actuelles de nos coopérations. Tout d'abord, en terme d'observation et de renseignement, on croyait, depuis le Kosovo, les Européens acquis à l'idée du rattrapage nécessaire vis-à-vis des Etats-Unis. Pourtant, les programmes franco-allemands satellitaires d'observation rencontrent des difficultés importantes et le projet de satellite de télécommunications commun à l'Allemagne, au Royaume-Uni et à la France a été abandonné.
Enfin, plus grave, et ô combien paradoxal, est le développement du programme Joint Strike Fighter, JSF, ou F 35. Quatre pays européens - le Royaume-Uni, l'Italie, le Danemark et les Pays-Bas - s'y sont joints en apportant une contribution financière et technique substantielle. Ce projet obère directement nos capacités à développer en commun le même type de projet et, paradoxalement, ce sont les Etats-Unis qui ont su fédérer différents partenaires européens autour d'un projet commun, et non l'Union européenne elle-même.
A ce titre, la décision de la Pologne, sitôt son entrée dans l'Europe, a bien sûr produit un effet désastreux sur l'opinion publique et a été très négative pour l'idée européenne.
Nous devons admettre que désormais, compte tenu des coûts de recherche - développement ou de production, nous ne saurions développer seuls de nouveaux matériels capables de répondre aux défis de demain. La création d'une agence européenne de l'armement est, dans ce contexte, souhaitée par ma famille politique.
Dans ce cadre d'ailleurs, il me semblerait utile de concevoir notre porte-avions, non comme un simple équipement à vocation nationale, mais comme le premier outil opérationnel d'une véritable Europe de la défense. Il me paraît donc aussi important de déterminer son mode de propulsion - nucléaire ou classique - que de déterminer si nous pouvons construire ce porte-avions en coopération avec le Royaume-Uni, qui est lui-même en phase de réflexion à ce sujet.
Outre l'enjeu en termes d'efficacité et de cohérence pour nos équipements, cette démarche nous permettrait non seulement de consolider, pour ne pas dire de restaurer notre place sur la scène internationale, mais aussi - il ne faut pas négliger ce volet - de contribuer au développement de nos économies, comme nous le rappellent souvent nos entreprises de défense.
La restauration de notre place sur la scène internationale passe inévitablement par la capacité à disposer de moyens matériels et de commandement autonomes et efficaces sur les différents théâtres d'opérations. Nous serons alors en position d'être des partenaires audibles et respectés des Américains.
A ce stade de mon propos, je précise que je suis de ceux qui n'oublieront jamais la contribution décisive des Etats-Unis d'Amérique dans les deux conflits mondiaux du XXe siècle.
Si vous me permettez une incursion dans mon département, et puisque tout est toujours lié, la seule base militaire qui reste aujourd'hui en fonction en Loir-et-Cher, à savoir la base de Pruniers-Romorantin, est le prolongement d'un camp de matériel américain installé à cet endroit en 1917 !
J'en profite, madame le ministre, pour rappeler que cette base pourrait utilement assumer la matérialisation du programme Optimisation du réapprovisionnement des rechanges consommables des matériels aéronautiques des forces armées françaises, le programme ORRMA. Son rôle actuel dans la distribution de matériel au sein des armées françaises constitue un point d'entrée naturel pour le matériel acheté par le biais d'ORRMA.
Pour résumer plus globalement mon propos, je souhaitais vous dire, madame le ministre, combien je vous suis reconnaissante d'avoir replacé la défense au coeur des préoccupations de notre pays.
Ce projet de loi, que je voterai avec mes collègues du groupe de l'Union centriste, était l'étape indispensable à l'accomplissement d'une ambition encore plus grande à laquelle je nous invite, celle de renouer avec une France au coeur du concert des nations, celle d'une France moteur de l'Europe, celle d'une construction d'une Europe de la défense.
M. René-Pierre Signé. Oh là !
Mme Jacqueline Gourault. Je connais votre détermination, madame le ministre, à relever ces défis. Vous connaissez notre attachement à l'Europe, et ce d'une manière ni utopique ni échevelée, mais concrète, fondée sur la véritable vocation historique de la France au sein de la civilisation européenne. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. René-Pierre Signé. « Voir et complimenter l'armée française » !
M. le président. La parole est à M. Jean-PierreMasseret.
M. Jean-Pierre Masseret. Mon propos, madame la ministre, ne sera ni technique ni financier ; le fil conducteur, sera l'Europe, la construction de l'Europe de la défense.
Vous avez dit tout à l'heure que la France ne devait pas être subordonnée, et qu'elle devait compter dans le monde. Je suis bien évidemment d'accord avec ce propos, mais nous devons rester réalistes et objectifs si nous voulons être crédibles. Or, être crédible, c'est constater que la France ne peut affronter seule l'ensemble des situations susceptibles de porter atteinte à ses intérêts vitaux. Demain, notre influence passera donc par la défense européenne. C'est dans ce domaine-là que notre pays doit prendre le maximum d'initiatives utiles et fortes. Cette dimension me paraît être trop partiellement prise en compte ce soir et, vous allez le constater, cette critique constitue le fil conducteur de mon propos.
Quels sont nos intérêts vitaux ? Il faut bien commencer par là !
Ce sont la défense de notre territoire - territoire métropolitain et territoires d'outre-mer -, la protection de nos ressortissants, le respect de nos engagements internationaux, la garantie d'approvisionnement de notre appareil productif.
Constatons que nos intérêts vitaux sont également, pour l'essentiel, ceux de nos partenaires de l'Union européenne.
Notre territoire est-il menacé par un ennemi, un Etat du continent européen, un Etat du bassin méditerranéen ? Ma réponse est non.
Depuis cinquante ans, nous avons développé, avec presque tous les Etats du continent européen, des liens politiques, économiques et culturels réguliers, profonds, et solides.
La somme des interdépendances de nos sociétés, les instruments institutionnels d'animation, de régulation et de contrôle, nos engagements de sécurité écartent, me semble-t-il, les menaces territoriales ancestrales.
Depuis plus de dix ans, l'effondrement du bloc soviétique a changé le paysage stratégique. La Russie participe activement au processus d'évolution de l'OTAN qui, d'organisation de défense, se transforme en système de sécurité collective.
La guerre froide et ses plus extrêmes conséquences ont été au coeur de toutes les réflexions stratégiques depuis 1945.
Ces conséquences-là ont encore largement influencé les analyses retenues par le Livre blanc de 1994 et ont pesé sur le choix du format d'armée pour 2015.
L'évolution de la donne stratégique, perceptible dès 1994, a été depuis lors fortement confirmée. C'est pourquoi il aurait été naturel de reprendre la réflexion avant d'arrêter le contenu détaillé de la loi de programmation militaire. C'est aussi pourquoi j'ai parlé d'occasion manquée, madame la ministre. Et, pour être objectif, ce regret s'applique également au gouvernement précédent.
La cohabitation, eu égard aux responsabilités institutionnelles de la Ve République en matière de défense, n'a pas permis un débat, reconnaissons-le, les deux têtes de l'exécutif ne le souhaitant pas. Aujourd'hui, la majorité politique étant la même à l'Elysée et à Matignon, ...
M. René-Pierre Signé. Pas pour longtemps ! (Sourires.) M. Jean-Pierre Masseret. ... l'opportunité existait. C'est ce que nous aurions demandé si le sort électoral nous avait été favorable ; mais c'est une autre histoire...
M. André Dulait, président de la commission des affaires étrangères. Il ne faut pas rêver !
M. Jean-Pierre Masseret. Je n'ai pas assez de temps pour répliquer !
Nos départements et territoires d'outre-mer ne sont menacés par aucun ennemi de l'extérieur. Les problèmes des DOM-TOM sont d'ordre intérieur. Ils sont de nature économique, sociale et culturelle. Ils sont susceptibles d'entraîner des débats politiques majeurs dont les solutions seront seulement et strictement de nature politique.
Nos ressortissants sont présents partout dans le monde. Là où ils se sont installés en nombre, participant à la vie locale quotidienne, l'expérience démontre que nous savons agir avec bonheur et efficacité quand c'est nécessaire, sur la base d'accords bilatéraux ou sous l'égide d'un mandat international. Dans certains cas, nous aurons besoin de nos partenaires européens ou de certains d'entre eux, comme ils auront parfois besoin de nous ; cela s'est déjà vérifié.
Le respect de nos engagements internationaux bilatéraux est une réalité. Plusieurs expériences l'ont démontré et le démontrent encore, même si notre pays se trouve, comme c'est le cas aujourd'hui en Côte d'Ivoire, dans une position relativement délicate.
Mais le moment est sans doute venu d'une rénovation de nos accords.
Les accords bilatéraux sont le fruit d'une histoire partagée avec nos partenaires. Pour tenir ces engagements, notre outil militaire doit être opérationnel et performant. La préparation de la loi de programmation militaire, initiée en 2000-2001 et confirmée par le texte en discussion, va, sur ce point, plutôt dans le bon sens.
Le respect de nos engagements multilatéraux concerne notre place au sein de l'OTAN et de l'Union européenne.
L'OTAN évolue, comme je l'ai déjà signalé, d'une alliance de défense vers un vaste système de sécurité collective dont est pour l'instant écartée la Chine ; mais peut-être demain en sera-t-il autrement. Cette évolution très importante, très significative d'une nouvelle donne stratégique, aurait mérité, dans le cadre de la préparation du présent projet de loi de programmation militaire, une analyse conceptuelle nouvelle. Une autre occasion manquée !
Dans le domaine politique, et singulièrement dans celui de la défense, l'Union européenne n'a pas démontré qu'elle était un acteur sérieux sur la scène internationale. Après Saint-Malo et les quelques sommets européens qui ont suivi, l'Europe fait du surplace et c'est un souci.
La compétence européenne en matière de défense a été limitée par le traité d'Amsterdam aux missions de Petersberg, c'est-à-dire aux opérations de maintien de la paix allant jusqu'à la séparation des belligérants, à l'exclusion de la défense collective en opérations de coercition.
Les travaux sur les capacités militaires de l'Union européenne ont démontré les lacunes importantes de l'Union. Il n'existe pas de démarche commune de la part des Européens pour faire converger les politiques budgétaires dans le domaine de la défense. Le processus d'Helsinki, qui visait à doter l'Europe de matériels d'armement communs ou à répartir les capacités entre pays européens, s'enlise.
Ces rapides constats ont pour objet de démontrer que la question européenne aurait dû être au coeur de la réflexion, car les menaces qui pèsent sur nos intérêts vitaux démocratiques, économiques et sociaux ne peuvent pas être résolues par une politique nationale, même avec des crédits majorés, ce dont, à titre personnel, je me félicite, bien que je doute, je le dis, de la capacité du Gouvernement, engagé comme il l'est dans la voie libérale, de tenir ses engagements.
Nous verrons en 2004 ce qu'il faudra en dire...
La question de la sécurité de l'approvisionnement de notre appareil de production en biens et en matières premières est importante. C'est l'un de nos intérêts vitaux. Comme il n'est pas question d'envisager des initiatives ou des démarches de type colonial, c'est par un ensemble d'éléments touchant tous les domaines et en partenariat avec les autres Etats concernés, principalement nos voisins européens, que cette question doit être abordée. Une fois de plus, la dimension européenne est particulièrement pertinente.
C'est bien parce que j'aime la France que je pense Europe. C'est bien parce que je crois à la portée universelle de la devise de notre République que je pense Europe. C'est bien dans le cadre d'une vision politique à l'échelle du continent européen que les valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité rassembleront celles et ceux qui savent que c'est par la démocratie et le progrès des valeurs que l'on crée les conditions de la paix, de la sécurité, du développement équilibré et juste.
Les actions terroristes, les affrontements ethniques, les comportements barbares de groupes, de clans, de bandes, de voyous ou d'Etats qui n'en ont que le nom sont des menaces concrètes.
Ces menaces sont tellement diffuses, multiples, complexes et diverses, souvent hors du champ strictement militaire, que seule est appropriée une réponse collective, ordonnée, fondée sur des principes, des règles et des valeurs, et animée par des institutions indiscutables.
La France seule ne peut le faire.
Face à ces menaces, il s'agit de mettre en commun des moyens judiciaires, policiers, de protection civile et militaires à l'échelle du continent européen.
Le cadre national n'est plus suffisant et, surtout, il se révélera inefficace. Ce constat appelait la réalisation d'un Livre blanc européen avec une grille d'analyse et une volonté d'agir sur les plans politique et militaire de manière collective et identique.
Nombre de ces menaces dont on parle tant appellent - vous l'aurez noté - des réponses plus politiques que militaires. Mais l'instrument militaire doit être opérationnel au meilleur niveau d'efficacité, ce qui requiert en effet pour tous des choix stratégiques clairs et des matériels d'action adéquats.
Dans ce nouveau contexte stratégique, le modèle d'armée 2015 est-il pertinent ? Je m'interroge. J'ai plutôt tendance à répondre : « Pas tout à fait. » Les vrais programmes d'équipement ne sont-ils pas déclalés, voire un peu dépassés ? C'est mon sentiment.
Les capacités de protection contre les risques chimiques, biologiques et bactériologiques sont-elles insuffisantes ?
Des efforts plus importants encore sont nécessaires dans le domaine de la recherche et du développement en moyens de communication et de commandement. On note un manque d'ambition en terme d'interopérabilité et, surtout, d'« interarmisation ». Il y a trop d'inertie technologique et organisationnelle.
Dès lors, les questions ne manquent pas : comment amener l'Europe à avoir une position cohérente et complémentaire en matière de lutte contre le terrorisme ? Quel partenariat faut-il attendre des Etats-Unis sur ce même sujet ? Comment définir une position commune européenne vis-à-vis de la nouvelle stratégie américaine en matière de défense ?
Ces questions ne sont pas réellement décrites dans la loi de programmation. C'est une occasion manquée, je l'ai dit.
Mais nombre de ces menaces sont la conséquence directe d'une mondialisation non maîtrisée, non contrôlée, d'une exploitation des misères sociales et des faiblesses de la nature humaine : pillages et exploitations désordonnées des richesses de la terre, répartition inégale et injustes des échanges, argent-roi et spéculation déstabilisent la planète.
Ce mode de gestion du monde, qui n'est pas acceptable pour nous, est pourtant celui que privilégient les Etats-Unis, qui ne manquent ni de moyens ni de volonté pour faire partager leurs objectifs et leur manière de voir le monde. Parmi ces moyens figurent, naturellement, la puissance et la suprématie de l'instrument militaire.
Le processus de mondialisation tel qu'il est conduit aujourd'hui sous la pression des intérêts privés, ardents partisans sans réserve ni limite de la gestion libérale de l'économie de marché, constitue un réel danger pour notre modèle de civilisation.
C'est en cela aussi que nos intérêts vitaux et ceux de nos partenaires européens sont menacés. La réponse n'est pas militaire, chacun en convient : elle est politique.
Pour éviter une évolution qui va dans le sens d'une domination sans partage des Etat-Unis sur le monde, l'Europe doit devenir un acteur autonome sur la scène internationale, ayant des intérêts de sécurité propres.
Pour autant, il n'est pas question de remettre en cause l'alliance et l'histoire qui nous unissent aux Etats-Unis. Mais cette alliance n'a de sens que si elle repose sur un vrai partenariat équilibré. C'est la condition de sa viabilité et la garantie qu'elle profite à tous. Une politique de défense intégrée au plan de l'Union européenne est naturellement complémentaire de celle de l'OTAN ; elle permettrait d'assurer une meilleure contribution à l'ensemble atlantique.
On comprend, dès lors, que cette loi de programmation militaire pêche principalement par ce manque de motivation européenne.
La loi de programmation militaire aurait dû être le support politique définissant les intérêts de sécurité commune.
La définition de ces intérêts doit nous amener à développer une doctrine européenne de défense au-delà des missions de Petersberg. La proposition franco-allemande du 21 novembre 2002 est intéressante, mais elle ne précise ni les objectifs, ni les intérêts de sécurité commune, ni la statégie.
Un concept global de sécurité européenne, tant militaire que politique, incluant les moyens non militaires de défense, soit la coopération économique, la veille démocratique et la prévention des conflits, est une nécessité urgente.
Le besoin d'Europe nous conduit donc à aborder plusieurs questions.
Il s'agit, d'abord, de l'avenir des industries d'armements européennes. Les industriels vont-ils finir par réviser leur stratégie face à l'inertie actuelle ? Quels programmes phares faut-il proposer pour relancer le processus ? Comment mettre en place une véritable politique industrielle commune ?
La question de l'outil d'intégration budgétaire est également posée : nous avons besoin d'un budget européen commun pour la défense.
Se pose aussi la question centrale du concept de coopération renforcée. Il est en effet peu probable que les vingt-cinq membres décident d'avancer d'un même pas. Il faut donc permettre à un groupe restreint d'Etats de s'engager dans une coopération renforcée, ouverte au reste des Etats membres, s'ils le souhaitent.
Reste une question encore plus délicate : l'avenir de notre force de dissuasion nucléaire dans le cadre européen. N'est-il pas incohérent d'appeler avec force nos partenaires à réaliser enfin l'Europe de la défense autonome en refusant d'évoquer avec eux la place de notre dissuasion nucléaire ? Il faut oser nous poser ces questions. Cela dit, je ne suis pas contre la force de dissuasion nucléaire simplement, on doit engager une discussion avec nos partenaires. Sinon, nos propositions n'auront pas l'efficacité nécessaire.
Toutes ces questions auraient dû être abordées loyalement, lucidement, avant de proposer une loi de programmation, qui apparaît finalement en décalage avec les grandes questions mondiales auxquelles notre pays comme tous les autres, et notamment nos partenaires européens, se trouvent confrontés.
Les débats sont importants dans le domaine de la défense, madame la ministre. Ils sont nécessaires pour impliquer nos concitoyens, qui sont tout de même les premiers concernés par la paix et par la sécurité.
Sans paix ni sécurité, il est impossible d'améliorer le sort des gens dans leur vie quotidienne.
Sans paix ni sécurité, il n'y a ni progrès économique, ni progrès social, ni progrès culturel.
Sans paix ni sécurité, il est vain de penser faire vivre la démocratie et les valeurs universelles de dignité et de respect.
Or les débats sur la défense sont le type même de débats confisqués. Nous devons veiller à ne pas couper la nation de sa défense.
La professionnalisation de nos armées ne doit être ni perçue ni vécue comme la fonctionnarisation d'une activité qui serait devenue banale et que l'on justifierait par un paiement d'impôt. L'activité militaire mérite, de la part de la nation, respect et reconnaissance.
L'esprit de défense doit irriguer la société française. Ce travail peut être mené avec succès, car on peut démontrer aujourd'hui, avec une certaine facilité, que l'outil militaire n'est pas et ne peut plus être un instrument de conquête ou de domination,...
M. René-Pierre Signé. Il faut le rappeler !
M. Jean-Pierre Masseret. ... il est au service de l'affirmation ou du rétablissement de la paix, de la démocratie, de la protection des innocents qui sont victimes de barbaries.
Mais cette conception a ses exigences, exigences qui nous font toucher du doigt l'actualité. Aujourd'hui, la France ne peut pas osciller devant la manière dont le président des Etats-Unis conduit sa politique extérieure. La guerre, ce n'est ni du yoyo ni un jeu de Monopoly. La France devra user, le cas échéant, de son droit de veto à l'Organisation des Nations unies s'il apparaît que la position des Etats-Unis n'est en rien conforme aux exigences démocratiques dans le cas du conflit avec l'Irak.
J'ai voulu, madame la ministre, inscrire mon propos et mes critiques dans une réflexion qui répond, me semble-t-il, à l'esprit d'une loi de programmation militaire.
En déclarant ne pas pouvoir voter le projet de loi de programmation militaire qui nous est soumis, je sanctionne moins le contenu technique et l'approche financière que le manque de réalisme. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon, Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l'heure où les préparatifs d'une nouvelle campagne guerrière s'intensifient dans le golfe arabo-persique, témoignant du danger extrême de raisonner sur le monde en termes de domination militaire, nous sommes appelés à nous prononcer sur le projet de loi de programmation militaire, donc à dire ce que la France veut faire pour la sécurité, la sienne et celle du monde.
Mon amie Hélène Luc vous fera part de l'opposition résolue des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen au modèle 2015 assigné comme objectif à nos forces armées au travers de cette loi.
Ce modèle est celui d'une armée au service d'une conception hiérarchisée du monde, où prédominent les rapports de forces sur les coopérations, la peur du voisin sur le dialogue entre les peuples. Ce ne sera jamais notre conception de la famille humaine.
La loi de programmation militaire prévoit, entre 2003 et 2008, une augmentation considérable des moyens financiers dévolus à la participation de la France à la domination de la planète. Les crédits d'équipement s'accroîtront ainsi de 5,5 milliards d'euros, Il s'agit, d'abord, des armements nucléaires, armes de destruction massive qui font la démonstration de leur inutilité en ce sens où, utilisées, elles causeraient la destruction de tout ou partie de l'humanité, et, non utilisées, elles entretiennent la loi du plus fort, gèlent des ressources si nécessaires et refusées aux besoins sociaux.
M. Adrien Gouteyron. Voilà un discours neuf !
Mme Josiane Mathon. Adam Smith lui-même avouait que « si les dépenses militaires sont nécessaires, elles sont paupérisantes ».
La course aux armements, relancée par les Etats-Unis comme moyen d'asseoir leur suprématie sur la planète, entraîne à promouvoir le marché des armes. S'inscrire dans ce mouvement, c'est banaliser le recours à la force, aux guerres maintenant dites « préventives », encourager le commerce et le trafic des armes. Ce phénomène s'accompagne d'une course à la rentabilité, à la libéralisation de la production qui touche tous les pays s'inscrivant dans ce mouvement. C'est le cas de la France.
Notre industrie de défense devrait, selon les tenants de ce monde surarmé, être rentabilisée, c'est-à-dire, dans leur conception libérale, privatisée.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen souhaitent que s'affirme une politique claire en matière d'armement : produire sous contrôle public ce qui est nécessaire pour la défense nationale, la protection de la paix en Europe et dans le monde, en respectant le droit international et les institutions mondiales démocratisées. C'est dans cet esprit que nous nous prononçons pour la pérennisation des industries publiques de défense, que, pour le moins, vous malmenez.
Il nous paraît nécessaire que notre pays soit autonome dans sa politique de défense, ce qui implique de disposer des outils dédiés à cette politique. Cela est valable à l'identique pour la coopération européenne. Or nous assistons à un vaste jeu de mécano de privatisations et de fusions des industries d'armement dans l'espace européen, les conduisant à une mise sous influence des intérêts privés américains.
A l'inverse de cette « transatlantisation » de la production, nous proposons une autre conception, d'autres mesures.
Il nous paraît utile de promouvoir un pôle public de l'armement regroupant des entités aux statuts différents - GIAT Industries, DCN - publics ou privés, les assujettissant à des règles intangibles de moralité et d'éthique en ce qui concerne la conception, les processus de fabrication, et bien entendu la destination, donc la vente. Il s'agit de concrétiser une éthique : l'arme n'est pas une marchandise ordinaire.
Ce pôle public, qui doit être constitué sur le plan national, peut avoir une réalité européenne, donnant corps à une politique de défense de l'Union européenne autonome et crédible, tournée vers une garantie de la paix. GIAT Industries est au coeur de ce dossier. Fragilisé par une incroyable mauvaise gestion du contrat Leclerc avec les Emirats arabes unis, mais également, actuellement, par une gestion sociale démoralisatrice, un recours massif à la sous-traitance et au travail intérimaire, cet établissement joue néanmoins un rôle fondamental tant dans la maîtrise publique de l'armement que dans l'aménagement du territoire. C'est à ce double titre, madame la ministre, que nous vous interrogeons.
Afin de conforter GIAT Industries dans ses missions de défense, prenez-vous la décision de lui confier la fabrication du VBCI prévu dans le texte qui nous est soumis aujourd'hui ? Confirmez-vous que le programme FELIN - Fantassin à équipements et liaisons intégrés - sera pris en charge par cet établissement public, ainsi qu'une partie du maintien en condition opérationnelle du parc en service ?
Que suggérez-vous pour conforter la fonction sociale de GIAT Industries, son impact sur son environnement économique ?
Nous proposons de réfléchir à une diversification accrue de ses activités, utiles pour répondre à des besoins civils non satisfaits. Ces possibilités n'existent que par la confirmation de l'unité de cet établissement, du lien étroit de ses activités d'ingénierie, de conception et de réalisation.
Dans la région Rhônes-Alpes, par exemple, la production de matériels de transports ferrés fait défaut. GIAT Industries possède des compétences qui, dans le cadre de coopérations avec des entreprises privées, peuvent être mises à contribution. De même, d'autres possibilités existent dans les domaines de la mécanique, point fort de l'industrie de la Loire, des besoins en équipement pour la protection civile et des risques NRBC : nucléaires, radiologiques, bactériologiques et chimiques.
Seriez-vous prête, madame la ministre, à travailler avec l'ensemble des acteurs de ce dossier ? Que préparez-vous ? Je m'inquiète un peu. J'apprends, en effet, par voie de presse, que les établissements situés dans ma circonscription ont fait l'objet, voilà quelques jours, d'une réunion de travail entre certains parlementaires de la Loire appartenant à la majorité et vous-même. Il en a filtré, toujours selon la presse, que vous prépariez non pas un nouveau plan social, mais quelque chose de plus définitif encore. Peut-être aurons-nous droit à quelques informations...
Mme Hélène Luc. Ce serait bien !
Mme Josiane Mathon. Les salariés de la DCN, dont le statut, malgré notre opposition, je le rappelle, a été transformé l'année dernière, s'inquiètent également de l'avenir de leur entreprise. La mise en concurrence des établissements publics avec des acteurs privés mène à des catastrophes industrielles dont l'actualité en d'autres domaines devrait nous alerter. Quelle assurance avons-nous que les commandes prévues dans le plan de charge seront respectées ?
Il est paradoxal que, dépensant plus pour l'équipement de l'armée, l'Etat prépare des fermetures de sites industriels avec des conséquences désastreuses en termes d'emplois et de développement économique. Madame la ministre, nous nous y opposerons !
Il importe d'ouvrir un débat sincère sur l'avenir de ces entreprises. Des pistes existent pour les redynamiser, les diversifier. Sachons utiliser tout ce potentiel ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe de Gaulle. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe de Gaulle. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je n'ai pas cru devoir intervenir lors de la discussion du budget de la défense, que nous avons déjà voté ; nombre d'entre nous l'ont fait avec pertinence et en détail. Il ne m'a pas paru utile d'ajouter à leurs approbations ou à leurs critiques sur un budget qui est le meilleur possible - les choses étant ce qu'elles sont - dans la situation financière difficile que nous avons trouvée.
Ce budget de la défense pourra encore s'améliorer à proportion des développements économiques à venir même si, dans l'immédiat, la sécurité intérieure - le message de l'opinion publique à l'Etat est extrêmement fort et impératif à cet égard - devait primer sur la sécurité extérieure.
En attendant, et puisque la défense doit être programmée à long terme, permettez-moi d'exprimer quelques réflexions sur les orientations prévues, qui nécessitent une volonté et des prévisions gouvernementales également à long terme ainsi qu'une préparation de la compréhension publique généralement en retard sur les réalités.
Tout d'abord, est-il besoin de rappeler que nous sommes entrés, depuis plus d'un demi-siècle, dans l'ère nucléaire, que nous le voulions ou non ?
En paraphrasant un peu quelqu'un que j'ai bien connu...
M. René-Pierre Signé. La référence !
M. Philippe de Gaulle. ... et qui l'avait compris avant les autres, il est maintenant vain de regretter les lampes à huile, les frégates à voiles, les centrales à charbon ou les machines à mazout. Certes, il y en a encore beaucoup, mais pour combien de temps ? Déjà, sans les centrales nucléaires qui nous fournissent près de 86 % de notre énergie, sans compter l'exportation, les autres ressources que nous avons pourtant essayé de développer, comme les panneaux solaires, les éoliennes, les barrages hydrauliques et l'usine marémotrice de la Rance, qui a été inaugurée en 1962, ne peuvent guère fournir mieux que les 14 % qui restent à ce jour.
Tout cela pour dire que l'Etat doit prévoir, d'ici à une dizaine d'années, le remplacement de nos centrales nucléaires les plus anciennes.
M. André Dulait, président de la commission des affaires étrangères. Très bien !
M. Philippe de Gaulle. D'ailleurs, mieux nous le ferons et plus nous améliorerons notre sécurité nucléaire, qui, autrement, se figerait en l'état et deviendrait périmée.
Certes, on procède en ce moment à la réfection de la vieille centrale de Phénix, en particulier pour perfectionner le retraitement des résidus nucléaires. On aurait mieux fait de ne pas commettre l'erreur du démantèlement, bien plus coûteux, de Super-Phénix. (Très bien ! sur les travées de l'UMP, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
J'en viens aux conséquences qu'il faut en tirer à court terme pour la programmation de la marine nationale, et je m'en tiendrai à la seule marine nationale.
Dans la marine américaine, en avance sur toutes les autres, sur quinze porte-avions, douze sont à propulsion nucléaire et les trois plus vieux sont à propulsion dite « classique » ; ce ne sont plus, en réalité, que des porte-aéronefs auxiliaires et non des porte-avions. De plus, tous leurs bâtiments de surface importants, grandes frégates, bâtiment de commandement et de soutien, etc., sont maintenant à propulsion nucléaire.
La radioactivité gamma contenue dans les affluents liquides de ces bâtiments et de leurs bases de soutien est inférieure à deux millièmes de curie en valeur instantanée, chiffre qui se situe en dessous des radiations provoquées par une simple radio pulmonaire. Ou, si on veut le dire autrement, durant l'année 2000, l'équipage du porte-avions Charles de Gaulle a subi moins de un millisievert, alors que la radioactivité naturelle de la Bretagne est de un à trois millisieverts. (M. René-Pierre Signé s'exclame.)
A propulsion classique, ce sont seulement des porte-aéronefs et non des porte-avions dont disposent actuellement la Grande-Bretagne, l'Italie, l'Espagne, le Brésil et l'Inde. Ils peuvent emporter des hélicoptères et des avions à décollage vertical aux performances limitées.
La Grande-Bretagne n'a pas repoussé l'idée de coopérer avec nous pour la construction d'un porte-avions. Mais il semble à l'ancien président de la Commission permanente des programmes et des essais des bâtiments de la flotte que j'ai été pendant trois ans, entre autres expériences maritimes, que la démarche de ce pays ami est toujours la même. Dans un premier temps, il accepte d'entrer dans la construction d'un bâtiment de guerre, d'une fusée spatiale, comme à Kourou, ou d'une organisation européenne, pour que rien ne se réalise en dehors de lui, et, dans un second temps, il se retire, une fois qu'il a obtenu les renseignements utiles. (Sourires.)
D'autre part, la Grande-Bretagne vient de commander aux Etats-Unis cent cinquante appareils Joint Strike Fighter à Lockheed Martin, d'un montant de 10 milliards de livres, soit 16 milliards d'euros.
A noter qu'il faut autant d'espace pour lancer un avion à décollage vertical sur son tremplin que pour catapulter un avion normal. Le gain de place est nul, et les performances du premier appareil sont trois à quatre fois inférieures à celles du second en ce qui concerne et le rayon d'action et les moyens de combat.
Avec un porte-avions à propulsion conventionnelle, que ferions-nous de nos Rafale, dont les derniers nous seront livrés en 2010 et qui doivent être lancés par des catapultes disposant de chaudières assez puissantes pour leur fournir leur pression de vapeur toutes les trente secondes, tout en montant et en conservant une vitesse élevée ?
Mais, moi qui ai passé huit ans de ma vie sur des porte-avions, je dirai que, en fait de programmation pour la marine, c'est d'abord la composante de sous-marins lance-missiles qui doit être le coeur de notre défense et de ce qu'il faut aujourd'hui envisager de dissuasion contre le chantage et le rançonnement. Dans un univers que le progrès continu rétrécit à vue d'oeil, aucune puissance mondiale ne peut désormais se croire à l'abri du danger, d'où qu'il vienne.
Pour assurer la station opérationnelle d'un seul sous-marin - et il ne peut pas y en avoir moins - il en faut en permanence au total quatre, c'est-à-dire, outre ce premier, un deuxième en transit ou en entraînement, un troisième en révision majeure ou en réparation momentanée et un quatrième en chantier de construction. Un cinquième sous-marin lance-missiles, comme le fondateur de notre force de dissuasion l'avait initialement prévu, permettrait la permanence opérationnelle de deux sous-marins, ce qui serait proportionnel aux moyens de la France et à sa dimension dans la défense du continent européen.
Outre ces quatre ou, mieux, ces cinq sous-marins lance-missiles, colonne vertébrale de notre dissuasion, il faut au moins six sous-marins nucléaires de chasse, non seulement pour compléter nos moyens d'actions maritimes, mais aussi pour fournir une masse suffisante à l'entraînement et à la gestion des personnels de notre force sous-marine.
N'oublions pas que les sous-marins sont l'arme maritime du pauvre, de celui qui est trop faible pour acquérir ou conserver la maîtrise de la mer et qui ne pourrait pas disposer à coup sûr d'un autre moyen de représailles ou de dissuasion.
Est-ce à dire que, la France étant ce qu'elle est, en situation géographique ouverte sur deux mers - situation unique en Europe, avec l'Espagne -, elle doive s'en tenir à cette seule composante sous-marine ?
Sans être partie à la dérive vers des armements excessifs durant ces dernières décennies, bien au contraire, la France dispose d'un groupe aéronaval non seulement pour l'intervention extérieure, mais encore pour prolonger vers l'arrière maritime l'espace stratégique de son territoire métropolitain devenu restreint à l'échelle du monde moderne.
Dans ce que je viens de développer, je me suis efforcé d'indiquer qu'il nous faut un deuxième porte-avions similaire au premier, sans avoir à nous lancer dans les plans, expérimentations et constructions de type nouveau, c'est-à-dire en reproduisant les systèmes de chaudières nucléaires que nous avons déjà appris à bien connaître, et par nos sous-marins lance-missiles ou de chasse et par le porte-avions Charles de Gaulle.
Ce deuxième porte-avions, je le rappelle, représente quarante ans de service. Si nous nous décidions à le construire, non pas à l'identique de son aîné, mais à propulsion dite « classique », ce qui serait revenir en arrière et, pour 50 000 tonnes, à la limite du possible technique aux grandes vitesses - sans parler du grand pétrolier ravitailleur qu'il faudrait aussi construire et lui adjoindre -, alors, mes chers collègues, à mon avis, mieux vaudrait ne pas le programmer du tout !
Et, comme il faut remplacer le vieux croiseur porte-hélicoptères qui, en temps de paix, sert d'école d'application aux enseignes de vaisseau, La Jeanne d'Arc, nous nous contenterions alors de construire ce que l'on appelle maintenant un « bâtiment de projection et de commandement » d'une quinzaine de milliers de tonnes, version perfectionnée de nos deux TCD de type Foudre encore en service - transport de chalands de débarquement à la fois porte-hélicoptères lourds et porte-chalands de débarquement -, qui nous permettrait de soutenir éventuellement quelques interventions extérieures limitées.
Compte tenu du temps de parole qui m'est imparti, je m'en tiendrai à ces conclusions concernant le nucléaire en général, et la marine en particulier. Et, bien que le deuxième porte-avions reste encore à déterminer, je voterai la loi de programmation telle que nous l'avons adoptée en commission des affaires étrangères et telle que l'a rapportée notre collègue Serge Vinçon, d'après les propositions de Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Hélène Luc. Intervention intéressante !
M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud.
M. René-Pierre Signé. On va changer de musique !
M. Didier Boulaud. Vous l'avez dit vous-même, et ce à juste titre, madame la ministre, une loi de programmation militaire est un moment important dans la vie de la nation. Poursuivant les interventions de mon groupe après celle de mon collègue Jean-Pierre Masseret, je veux partager avec lui, fermement, le sentiment que cette loi de programmation est, hélas ! la loi des occasions manquées.
Si ce texte avait été présenté avant le 11 septembre 2001, par vous-même ou par votre prédécesseur, je l'aurais peut-être voté des deux mains. Beaucoup ont dit que, malgré le 11 septembre, le monde n'avait pas changé. Vous pourriez sembler être de ceux-là, à la lecture de votre projet de loi !
Permettez-moi de vous le dire, respectueusement, il est plus que temps d'affirmer haut et fort que le monde a bien changé. L'essor du terrorisme de masse, la nouvelle stratégie américaine, l'élargissement de l'Union européenne, la politique russe en matière de sécurité, le réveil des rivalités stratégiques en Asie, pour ne citer que ces faits-là, nous offrent un panorama planétaire différent de celui qui était évoqué dans le Livre blanc de 1994.
Je n'irai pas jusqu'à affirmer que l'exécution à venir de cette loi, si tant est qu'elle soit jamais exécutée, n'est somme toute que secondaire, sauf, évidemment, sur les plans économique et industriel, tant elle apparaît d'ores et déjà décalée, déphasée par rapport à l'état réel du monde d'aujourd'hui et, surtout, de demain.
J'ai bien entendu, au cours des différentes auditions auxquelles a procédé notre commission, les louanges qu'a suscitées votre projet de loi, par vous-même, d'abord - et c'est bien légitime -, mais également par tant d'autres qui ont retenu - il est vrai que l'on ne peut pas le négliger - le volume des crédits annoncés pour les cinq années à venir, le tout sur fond de critiques vives et récurrentes à l'égard du gouvernement précédent quant à l'exécution de la loi de programmation militaire 1997-2002.
Les uns et les autres, nous aurons toutefois noté votre curieux silence, et celui de vos experts, militaires en tête, quant au projet de loi de programmation militaire mort-né, préparé en 2001. Et pour cause, sans doute, car tant d'entre eux en étaient les auteurs ! Le projet que vous nous présentez est peu différent, excepté s'agissant de l'entretien des matériels et, évidemment, avec la cerise médiatique du second porte-avions. C'est beau, la communication ! Voilà du Raffarin cousu main. Je dirai, et le cadre s'y prête, que c'est de bonne guerre !
Mais c'est toutefois un peu facile et, surtout, très insuffisant pour affirmer que votre projet est bon, madame la ministre.
Je voudrais revenir rapidement sur l'histoire des lois de programmation militaire, dont chacun sait bien ici que, dans les cercles de formation aux questions de défense, il est habituel de les représenter sous la forme de l'épine dorsale d'un poisson, tant elles sont erratiques, chaotiques et jamais exécutées conformément au vote du Parlement, c'est le moins que l'on puisse dire.
Et ce n'est pas parce que vous et vos amis en parlez haut et fort que la loi à venir sera exemplaire. On va voir ce que l'on va voir, et nous serons, soyez en certaine, madame la ministre, extrêmement attentifs à son exécution. Nous avons tout notre temps pour cela.
N'oublions pas que l'avant-dernière loi de programmation, celle de MM. Balladur et Léotard, avait « décroché » budgétairement dès la première annuité. L'expression employée par mon excellent ami Jean-Michel Boucheron, lors du débat à l'Assemblée nationale, me semble adaptée à la situation. D'après lui, « elle fut en apesanteur totale : 25 % au-dessous de la première annuité de la loi, pour plonger à moins 30 % à la fin de la deuxième échéance. Et la loi Juppé-Millon fut réalisée à moins 10 % dès la première année, comme les suivantes, d'ailleurs ».
J'ai, pour ma part, vérifié que les mêmes parlementaires de droite qui poussaient et poussent encore des cris d'orfraie contre les mesures d'Alain Richard, à l'époque, votaient sans barguigner les budgets successifs qui leur étaient présentés. Je ne doute pas un seul instant de ce qu'ils feraient si la loi de programmation Raffarin-Alliot-Marie devait, elle aussi, déraper. C'est la raison pour laquelle je les invite à plus de modération dans leurs diatribes contre un passé récent. C'est au pied du mur qu'on voit les maçons !
Il serait malgré tout un peu hypocrite d'oublier que la dernière loi de programmation, qui vient de s'achever, a été réalisée intégralement en période de cohabitation et que les révisions opérées - par exemple, la fameuse revue des programmes - l'ont été dans la plus parfaite transparence. N'ont-elles pas fait, au préalable, l'objet de réflexions et de décisions au sein même des conseils de sécurité présidés, me semble-t-il, par le Président de la République de l'époque, celui-là même qui, aujourd'hui, n'a pas de mots assez durs pour condamner ce qui a été fait sous son autorité ?
J'entends dire à longueur de temps que le Président de la République est le chef des armées. L'aurait-il moins été pendant cinq ans, ou alors de façon elliptique, ou encore aurait-il failli - ce que je n'ose envisager - à cette mission essentielle d'un chef de l'Etat ? C'est pourtant vrai que, à y regarder de plus près, je n'ai pas le souvenir que, de 1997 à 2001, à l'occasion du traditionnel entretien télévisé du 14 juillet, après la grande parade militaire sur les Champs-Elysées - pourtant, l'occasion s'y serait prêtée à merveille -, la moindre allusion ou la moindre critique ait été portée par ledit chef de l'Etat à l'encontre de la politique menée par son gouvernement de l'époque en matière de défense.
On ne peut pourtant pas dire que, sur d'autres sujets, la même réserve ait été de mise ! Dois-je rappeler tous les crocs-en-jambe - la « cagnotte », les farines animales, les 35 heures, j'en passe et des meilleures - qui furent autant d'occasions d'attaquer le gouvernement de la France ? Alors, pourquoi ne fut-il jamais question de la défense ? La réponse est dans la question : tout simplement parce que le chef de l'Etat est le chef des armées, et qu'il avait donné son accord à la politique mise en oeuvre. Il est un peu facile, après coup, de tenter de rattraper l'affaire. Mais de telles volte-face de sa part ne sont pas pour nous étonner.
La professionnalisation a, quant à elle, été parfaitement et entièrement réalisée. J'en profite pour rendre hommage aux personnels qui servent notre défense, en saluant à ce propos leur exceptionnelle capacité d'adaptation, qui est aussi le signe du sens aigu du service de l'Etat et de la nation qui les anime.
Pourtant, s'il est une mesure qui sortit comme un lapin d'un chapeau, le 22 février 1996, c'est bien la professionnalisation, mesure improvisée, lancée à la cantonade, alors même que les moyens nécessaires à sa mise en oeuvre étaient très sous-évalués par ses concepteurs, en particulier par certains chefs d'état-major de l'époque. Ces moyens ont d'ailleurs dû être, par la suite, sérieusement revus à la hausse. Tel fut le contexte de la mise en oeuvre réelle. MM. Juppé et Millon ont été bien inspirés, quelques mois plus tard - mais on m'a dit qu'ils ne l'avaient pas fait tout à fait exprès -, de ne pas assumer cette énième improvisation élyséenne !
Ne vous en déplaise, mes chers collègues, la loi de programmation militaire pour les années 1997-2002 a été mieux exécutée que les précédentes, et les ajustements qui ont dû être décidés ont été parmi les plus modestes des trente dernières années : je le répète, ils ont été opérés dans la rigueur et dans la transparence. On ne peut pas dire la même chose des « ajustements » - et là, le mot est faible ! - intervenus en 1994, en 1995 et en 1996, sur l'initiative de vos propres amis politiques et sous l'égide de gouvernements auxquels vous apparteniez, madame la ministre.
Et, puisque nous en sommes aux souvenirs qui fâchent, n'oublions pas, en matière de défense européenne, le cuisant et hélas ! risible échec de la tentative de réintégration dans l'OTAN, tout aussi improvisée que la professionnalisation, et ce au début de 1997.
Nous le pensions déjà hier, mais, le débat n'ayant pas eu lieu, puisque l'occasion ne nous a pas été donnée de nous exprimer, nous l'affirmons aujourd'hui : les derniers projets de loi de programmation - celui-ci et le projet mort-né présenté en juillet 2001 - ne prévoient essentiellement que la poursuite des programmes lancés dans le contexte des années 1980 et 1990.
En ce qui concerne le projet de 2001, il avait - personne ne saurait le contester - des circonstances plus qu'atténuantes : d'abord, la cohabitation, ensuite, la période électorale en perspective et, surtout, le très louable souci de ne pas jeter la défense nationale en pâture aux polémiques politiciennes.
Je m'autorise à affirmer que la version 2002 de la programmation a, elle, été préparée dans un contexte très différent qui aurait pu être mis autrement à profit : un certain contexte post-électoral, une situation institutionnelle différente - c'est-à-dire sans cohabitation, le Président de la République disposant de majorités parlementaires conformes à ses voeux -, la majorité absolue dans les deux chambres et un Conseil constitutionnel acquis.
Il aurait été sans aucun doute possible, dans un tel contexte, de revoir en profondeur la copie 2001. C'est pourquoi cette occasion manquée risque de pénaliser durablement l'avenir de notre défense. Curieux manque d'audace !
Par ailleurs, nous avons voté la première annuité avant le débat de ce jour, ce qui n'est pas le moins paradoxal : chacun, qu'il soit militaire ou industriel, d'ailleurs, pouvait bien attendre encore un peu.
Je reste, pour ma part, convaincu que le souci de vous démarquer au plus vite du gouvernement précédent par des effets d'annonce l'a emporté sur toute autre préoccupation, qu'il s'agisse de la réflexion à mener sur le long terme, de la véritable remise à plat de notre outil de défense et de notre stratégie, mais aussi de la construction de l'Europe de la défense, pour ne citer que ces quelques sujets.
Je voudrais centrer ma réflexion sur l'évaluation de l'effort de défense que nous présentons à nos concitoyens, auquel nous devons, me semble-t-il, prêter une grande attention. Souvent, les lois de programmation pèchent par une boulimie programmatique - on veut faire tous les programmes - qui grève considérablement les budgets et qui oblige rapidement, après l'adoption de la loi, à de déchirantes révisions. Nous devrions nous interdire, eu égard au respect que nous devons à nos concitoyens, civils et militaires, de présenter et de voter des projets de loi que nous savons peu sincères du point de vue financier.
Dans le projet de loi présenté par le gouvernement Raffarin, deux points méritent un traitement particulier.
D'une part, je citerai la nécessité de poursuivre la réforme des structures de maintenance. Deux organismes ont été mis en place par votre prédécesseur pour les matériels aéronautiques de la défense, l'un en 1999, la SIMMAD, la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la défense, l'autre en 2000, le SSF, ou service de soutien de la flotte. Il convient de s'attaquer maintenant à la réorganisation du maintien en condition opérationnelle dans l'armée de terre. Vaste programme, sans doute !
D'autre part, le rôle essentiel de la recherche et du développement dans la préparation de l'avenir et dans la survie des industries de défense doit être mis en avant. Notre déficit en la matière n'est pas seulement un mal français. L'Europe tout entière souffre de la comparaison avec les Etats-Unis : un rapport récent de l'assemblée de l'UEO montre que l'écart observé pour les dépenses de défense globales entre les Etats-Unis et l'Europe se creuse en matière de recherche-développement militaire et qu'il en résulte, par conséquent, un écart technologique global entre ces deux entités.
Votre projet de loi fait apparaître un effort certain afin d'augmenter notre capacité de recherche. Cependant, il convient d'insister sur certains aspects du problème.
Tout d'abord, il est nécessaire de continuer à rechercher et à exploiter les complémentarités entre la recherche civile et la recherche militaire, ce qu'il est convenu d'appeler la « dualité de la recherche ». C'est l'une des bottes secrètes, ou plutôt discrètes, de nos amis américains, même s'ils s'en défendent parfois.
Il convient, ensuite et surtout, d'accroître la coopération en matière de recherche et de développement dans un cadre européen.
Enfin, je vous serais reconnaissant de bien vouloir m'apporter une réponse à deux questions sur notre effort de défense, ou tout au moins de me donner votre sentiment sur ces points.
Ma première interrogation, à laquelle ne répond pas le « tristounet » rapport annexé à votre projet de loi, est, à elle seule, tout un programme : dans quelles hypothèses et dans quel périmètre géographique les armées françaises doivent-elles être en mesure d'intervenir de manière entièrement autonome ?
La seconde question aurait, elle aussi, mérité la réflexion en amont de tous, et surtout du Parlement, lequel a été largement tenu à l'écart des questions fondamentales de défense, et ce, j'en conviens, depuis plusieurs années. Quels moyens la France doit-elle privilégier pour peser efficacement, dans le règlement d'une crise régionale, sur la conduite d'opérations menées dans le cadre d'une coalition européenne ou d'une coalition transatlantique ?
Cette dernière interrogation m'amène tout naturellement, vous l'aurez compris, à évoquer le chantier de la défense européenne.
Nous savons tous ici que certains pays européens manifestent d'évidentes réserves à l'égard de la construction d'une Europe de la défense autonome, les uns, parce qu'ils privilégient l'alliance avec les Etats-Unis, d'autres, parce qu'ils ne souhaitent pas avoir de dépenses propres importantes et suffisantes en matière de défense - les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne sont là pour y pourvoir et cela les arrange bien ! Il y a, enfin, des pays que l'on pourrait qualifier de neutres ou de non-alignés, qui ne souhaitent pas prendre des engagements forts en matière de défense et de politique extérieure. Il faut pourtant compter avec eux si l'on veut faire avancer la construction de la politique européenne de sécurité et de défense, et celle de l'Union européenne tout court.
Or, si l'on ne peut avancer dans la définition d'une politique, il est alors impossible de faire des pas en avant sur la question des moyens, et donc du financement, aussi bien d'une politique étrangère que de la défense. Nous avons besoin en la matière de beaucoup plus d'allant, d'une imagination plus féconde, et d'une force de proposition qui, je le crains, manque aujourd'hui à notre propre gouvernement.
Même si l'on peut admettre que les récentes propositions franco-allemandes vont plutôt dans la bonne direction, tout le monde s'accorde dans le même temps pour souligner qu'elles restent notoirement insuffisantes.
Il n'empêche qu'il ne faut pas oublier qu'une défense autonome a un coût : cela doit être compris et accepté par tous. Si l'Europe de demain n'est pas une Europe sociale et politique, si elle ne dispose pas d'une autonomie bien définie en matière de sécurité, il est à craindre qu'elle ne demeure alors qu'un vaste espace marchand libéral, sans véritable conscience politique, et donc incapable de peser sur les affaires du monde et sur toute démarche en faveur de la paix.
Pour notre part, c'est d'une Europe forte et agissante dont nous rêvons, d'une Europe qui soit capable de se défendre et qui soit en même temps active en matière de prévention des conflits, de désarmement et, le cas échéant, qui soit capable d'agir pour la paix. Or, sans capacités adéquates en matière de défense et de politique étrangère, l'Europe n'existera pas !
L'Agence européenne de l'armement est à l'évidence une bonne idée. J'aimerais, madame la ministre, que vous informiez la représentation sénatoriale afin que celle-ci sache très précisément quelles négociations concrètes sont menées actuellement pour faire aboutir cette proposition.
Si l'Europe en construction dans le domaine de la défense reste empêtrée dans des querelles byzantines de prééminence institutionnelle, elle n'avancera pas. Ainsi, est-il vraiment nécessaire de passer des heures à discuter afin de savoir s'il faut fusionner les postes et les fonctions de M. Patten, commissaire aux affaires extérieures, et ceux de M. Solana, responsable de la PESC ? A l'évidence, non, et il m'apparaît beaucoup plus important de penser à des propositions communes sur les affaires qui secouent le monde et qui interpellent l'Europe, même si cette dernière reste désespérément silencieuse : la situation en Tchétchénie, le conflit au Proche-Orient, les menaces de guerre en Irak ou même la crise en Côte d'Ivoire, au règlement de laquelle il ne serait pas inadmissible d'associer nos partenaires européens plutôt que de rester, comme cela semble être le cas, arc-boutés sur nos certitudes africaines un peu désuètes pour ne pas dire suspectes.
On a la curieuse impression dans notre pays, à entendre les uns et les autres, qu'on veut bien faire l'Europe, à condition d'être les seuls à en définir les pratiques, les contours et surtout à condition de tenir les autres à l'écart. Que chacun en soit bien persuadé, ça ne peut pas marcher ainsi, et c'est tant mieux !
Nous avons aussi à clarifier nos relations avec l'Alliance atlantique. Après le sommet de Prague, tout le monde fait comme si le statu quo pouvait durer encore longtemps. Or le rôle de l'OTAN, en tout cas celui que les Etats-Unis veulent lui faire jouer, n'est certainement pas compatible avec les ambitions affichées par la France pour la mise en oeuvre de l'Europe de la défense. Alors disons-le ! Pour le moment, à l'évidence, nos propres faiblesses constituent un handicap important et il ne serait sans doute pas opportun d'ajouter une crise ouverte avec le reste de l'Alliance atlantique. C'est reculer pour mieux sauter, car inévitablement, et sans doute à court terme, cette question devra venir sur la table. Nous aurons alors à la résoudre avec pragmatisme et fermeté. J'aimerais savoir si, sur ce point, le Gouvernement est décidé à agir dans ce sens.
Il faut dire aussi que les propositions discutées actuellement au sein de la Convention européenne, qui nous engagent pour les années à venir, y compris en matière de défense, sont exposées à Bruxelles pendant que nous discutons ici, à Paris, d'une loi de programmation militaire strictement hexagonale qui doit nous mener jusqu'en 2008 avec des programmes qui seront opérationnels pour la plupart d'entre eux en 2010 ou 2015 ! Il y a comme un décalage, n'est-ce pas ?
M. Robert Bret. Bien sûr !
M. Didier Boulaud. La Convention se penche actuellement sur les questions de défense et de sécurité de l'Union européenne et c'est avec une réelle impatience que nous attendons les propositions du Président de la République et celles du Gouvernement. Pour l'instant, hormis la réactivation du couple franco-allemand, la France semble quelque peu atone. Sur le plan intérieur, le manque de débat et d'implication des citoyens est alarmante. Un beau jour, l'Elysée proposera au pays une PESD clés en main, à prendre ou à laisser, sans débat ni participation politique des Français, à l'image de ce qui se passe pour la décentralisation à la mode Raffarin, pour laquelle le candidat Chirac avait promis aux Français, depuis Rouen, la tenue d'un référendum qu'il s'est empressé de ranger aux oubliettes de la République une fois réélu.
M. Jean-Pierre Masseret. Eh oui !
M. Didier Boulaud. Cette politique au fil de l'eau est dangereuse pour l'avenir de l'Europe de la défense et entretient la méfiance de nos concitoyens à l'égard de la construction européenne.
Nous ne pouvons que critiquer ce déficit de débat national et citoyen sur l'avenir de la défense européenne et sur l'Europe en général. Je mets en garde le Gouvernement sur la tentation qui pourrait être celle du peuple français, à force d'être privé de débats ou de consultations, de tout envoyer, comme l'on dit, « balader » au moment de l'indispensable vote sur la future Constitution européenne aux environs du milieu de 2004. Nous avons l'impression que les « Conventionnels » travaillent en tournant le dos aux Français. J'aimerais sur ces sujets connaître réellement les intentions et les propositions de la France.
Un autre sujet mérite enfin d'être accroché à ce volet européen : c'est la question de la dissuasion nucléaire.
Pour ce qui concerne la dissuasion nucléaire, tout d'abord, il convient sans doute de préciser que personne, à de très rares exceptions près, ne songe aujourd'hui à en préconiser l'abandon. Définie en termes de garantie ultime contre une agression qui mettrait dangereusement en cause nos intérêts vitaux, quelles que soient la nature et l'origine de cette agression, l'arme nucléaire, dans le cadre de la stricte suffisance, reste évidemment nécessaire.
Faut-il pour autant fermer les yeux et abandonner toute réflexion sur une nouvelle évolution géostratégique de la planète ?
Faut-il ne pas voir que, depuis les années quatre-vingt-dix, de nouveaux pays, de plus en plus nombreux - l'exemple récent de la Corée du Nord en témoigne - ont révélé leurs capacités nucléaires ? Faut-il faire comme si les puissances régionales nucléaires allaient épouser les doctrines activées pendant la guerre froide ?
Peut-on faire comme si les Etats-Unis n'avaient pas mis en oeuvre tous leurs moyens au service du développement d'une défense antimissile qui aura des conséquences imprévisibles sur les équilibres stratégiques et, en premier lieu, sur le plan de l'arme nucléaire, risquant de remettre en cause le principe même de la dissuasion ?
Quant à nous, pouvons-nous raisonnablement continuer à penser que notre dissuasion nationale est soluble automatiquement dans une défense commune européenne, sans jamais en parler publiquement avec nos concitoyens ou avec nos partenaires européens ?
Est-il illégitime, voire incongru, de s'interroger afin de savoir s'il serait possible de réduire l'effort financier qui lui est accordé sans altérer profondément notre capacité nucléaire et sans mettre en danger notre sécurité et surtout notre indépendance ?
Si j'en crois l'un des vôtres, et non des moindres, le député européen M. Alain Lamassoure, par ailleurs ancien ministre du gouvernement Balladur, qui s'exprimait lors de la dernière session parlementaire de la Convention européenne, le débat est ouvert quand il déclare : « Il faudra aborder de front le tabou de la force nucléaire française dont nos partenaires ne savent pas à quoi elle sert et nous non plus ! » Il ajoutait : « Le Parlement français vient pourtant de décider d'y consacrer sa priorité budgétaire pour les cinq ans qui viennent. Il n'est venu à l'idée de personne, à Paris, d'en parler entre nous, entre partenaires d'une même Union. » C'est édifiant, non !
Je souhaite conclure en tournant quelques instants mon regard vers le sort réservé à la gendarmerie. C'est bien sûr d'abord l'élu d'un département rural qui s'interroge et, avec lui, les populations concernées par le travail des gendarmes. Alors que vos amis ont pendant des mois, voire des années, réveillé les peurs chez nos concitoyens, avec un succès certain, il faut le reconnaître, on assiste aujourd'hui à une réorganisation des brigades de gendarmerie sur le territoire pour le moins curieuse et qui est loin de rassurer les Français.
Et ce ne sont pas les statistiques du ministre de l'intérieur - avec tout ce qu'elles ont d'aléatoire pour ne pas dire plus - qui vont les rassurer ! Je connais, dans mon département, des brigades de gendarmerie organisées en communautés dont la mission conduit les hommes - une dizaine, pas plus, huit en réalité - à couvrir une zone géographique s'étendant sur plus de 70, voire 80 kilomètres de longueur. Ajoutez à cela que, dans la montagne morvandelle, les parcours n'ont rien de commun avec ceux de la forêt landaise, et vous aurez compris qu'il faut un certain temps pour aller des limites de la Côte-d'Or ou de l'Yonne au nord-est, jusqu'aux confins de l'Allier au sud. Ce n'est pas sérieux, et déjà nos habitants manifestent leur inquiétude et leur mécontentement auprès des élus dits de proximité. Qu'envisagez-vous, madame la ministre, pour restaurer la quiétude des campagnes les plus isolées ?
Je pose cette question, je dois le dire, un peu par habitude au ministre de la défense, mais je ne suis pas certain que vous soyez désormais en situation d'y répondre, ou alors peut-être par procuration de votre collègue le ministre de l'intérieur, tant il est maintenant évident que l'activité opérationnelle de la gendarmerie sur le terrain a d'ores et déjà échappé à votre tutelle. La réalité, vous la connaissez sans doute aussi bien que moi : les gendarmes sont désormais, au même titre que la police nationale, placés sous la responsabilité opérationnelle directe des préfets et, par voie de conséquence, du ministre de l'intérieur. Que reste-t-il comme lien avec votre propre ministère, une fois réglées les soldes et actés les avancements dans les diverses commissions ad hoc ?
En d'autres termes, comment se pose le problème des liens entre la sécurité intérieure, tout entière accaparée par la boulimie sécuritaire et médiatique de la Place Beauvau, et la sécurité extérieure confrontée à des menaces protéiformes qui, elles, ne respectent pas les frontières ? Pouvez-vous nous garantir, madame la ministre, vous qui avez encore au moins formellement la tutelle sur la gendarmerie, que cette politique ultra-sécuritaire du Gouvernement ne risque pas à terme de mettre en péril le statut militaire de la gendarmerie. Quelles garanties êtes-vous susceptible de nous apporter en la matière ?
Je conclurai mon intervention en confirmant, comme l'a fait mon ami Jean-Pierre Masseret, qu'il m'est impossible de voter cette loi de programmation militaire, quand bien même elle aurait la couleur, l'aspect et l'odeur d'une vraie loi de programmation militaire !
Je n'aurai pas l'outrecuidance de la ranger dans le même rayon que la ligne Maginot - à cet égard, j'ai découvert avec amusement que mon collègue Paul Quilès, ancien ministre de la défense, utilisait cette comparaison dans un article paru récemment - et je suis profondément désolé de vous dire que je ne voterai pas cette loi, alors que cela fait plus de dix ans que je m'intéresse avec assiduité aux questions de défense et de sécurité tant au Parlement que dans les assemblées parlementaires de l'OTAN ou de l'OSCE, car j'ai le sentiment que vous nous placez devant un projet obsolète et déjà inadapté au temps futur, y compris au futur le plus proche. C'est la loi de l'occasion manquée. Certes, les industriels et les militaires sont contents, mais viendra peut-être le jour où la définition de la politique de défense sera enfin confiée aux représentants élus pour cela par le peuple ; aux politiques, tout simplement.
Nous connaissons tous la célèbre formule : « la guerre est une affaire trop sérieuse pour la confier... ». Elle me semble pouvoir également s'appliquer à la défense nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je sens bien qu'il y a quelque outrecuidance pour un non-spécialiste à intervenir sur un sujet aussi sérieux, aussi déterminant qu'une loi de programmation militaire. Je me risquerai quand même dans l'exercice, brièvement, monsieur le président, comme je m'y suis engagé.
C'est sans hésitation, madame la ministre, que je voterai le texte que vous nous proposez, mais, si vous me le permettez, je souhaiterais formuler deux ou trois réflexions.
Je le voterai d'abord parce que c'est un texte de clarification et que je suis de ceux qui se réjouissent de voir le budget de notre armée s'alléger des deux poids majeurs que sont les recapitalisations périodiques de la DCN et de GIAT Industries. On me dit - j'ignore si c'est vrai - que le total des prélèvements effectués sur le budget militaire, ces dernières années, avoisine le prix d'un porte-avions. Je crains que cela ne soit partiellement exact. En tout cas, je considère que cela pèse trop lourd sur le budget de la défense pour que cette situation perdure. Je me réjouis donc de cette mesure qui s'inscrit dans une démarche de clarification.
J'ajouterai, madame la ministre, deux observations d'ordre sémantique.
J'appellerai cette loi, non pas une loi « de programmation militaire », mais une loi « de réparation militaire », compte tenu de ce qui s'est passé ces dernières années, des retards que nous avons pris et de l'illusion, dans laquelle nous baignons depuis la chute du mur de Berlin, de la paix éternelle. Je me souviens en effet d'autres périodes où l'opinion publique française était contre la guerre, comme elle l'est aujourd'hui, et se berçait d'illusions dont nous avons ensuite payé très cher les conséquences. Je crois que rappeler à notre population que la défense est une nécessité impérative, qu'elle ne peut pas faire l'objet d'économies « de bouts de chandelle », fait partie de la pédagogie dont notre pays a besoin.
Par ailleurs, madame la ministre, je répéterai devant vous ce que j'ai déjà dit, à cette tribune, devant certains de vos collègues : je déplore un peu l'intitulé de votre ministère. Vous êtes ministre de la défense. Je m'en réjouis pour nous tous vous connaissant, mais la défense, ce n'est pas que les forces armées, et l'intitulé de votre ministère conforte un certain alibi moral dont se servent nos concitoyens qui considèrent que, la défense étant assurée par les militaires, ils n'ont pas à s'y engager en tant que civils.
A l'heure où les menaces ont tellement changé de nature et concernent si directement notre vie de tous les jours, l'infrastructure même de notre société, la morale de nos enfants, je crois que nous avons besoin de faire passer ce message : la défense s'étend au-delà de nos forces armées.
Madame la ministre, si vous m'y autorisez, je voudrais, en tant que président du Haut comité français de défense civile - c'est surtout à ce titre-là que je me permets d'intervenir dans ce débat -, vous solliciter pour que, dans l'application de cette loi de programmation militaire, soient créés encore plus de ponts que vous ne le prévoyez entre la défense réelle de l'ensemble de notre société et la partie militaire de cette défense.
Cela vaut pour le splendide isolement dans lequel trop souvent se complaisent nos chercheurs militaires, les programmes de défense militaire laissant de côté les nécessités de l'équipement de nos forces de sécurité civile. Nous avons là toute une série de problèmes qu'il vous est difficile de résoudre faute de pouvoir procéder, ne serait-ce qu'à cause des retards qui ont été pris, aux très grands arbitrages que certains d'entre nous auraient souhaités.
On a cité tout à l'heure l'exemple des Américains qui n'avaient pas hésité une seule seconde à tailler dans les programmes tels qu'ils avaient été conçus du temps de la guerre froide pour réorienter leur défense. S'ils ont pu le faire, c'est parce qu'ils sont à la tête du système. L'une des raisons pour lesquelles vous ne pouvez pas faire ce genre d'arbitrage, ni renoncer à un certain nombre de programmes pour les réorienter en direction de la défense civile vient en grande partie, me semble-t-il, des retards qui ont été pris ces dernières années, ce qui, bien entendu, n'est pas sans conséquence pour l'avenir.
Madame la ministre, ma prière est simple : que cette incapacité dans laquelle vous êtes, parce qu'il vous faut assumer une requalification complète de nos armées, n'empêche pas ceux qui travaillent avec vous de mettre en place ces ponts entre la défense militaire et la défense civile dont notre société a besoin.
La défense civile, c'est une mobilisation générale et je sais que vous y participerez. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION
M. le président. J'ai reçu de Mme Sylvie Desmarescaux un rapport d'information, fait au nom de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la bioéthique (n° 189, 2001-2002).
Le rapport d'information sera imprimé sour le n° 125 et distribué.
DÉPÔTS RATTACHÉS POUR ORDRE
AU PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE
DU 19 DÉCEMBRE 2002
DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI
M. le président. M. le président du Sénat a reçu le 3 janvier 2003 de M. le Premier ministre un projet de loi relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages.
Ce projet de loi sera imprimé sous le n° 116, distribué et renvoyé à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI
M. le président. M. le président du Sénat a reçu le 20 décembre 2002 de M. Jacques Oudin, une proposition de loi modifiant le mode d'élection des sénateurs.
Cette proposition de loi sera imprimée sous le n° 115, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu le 10 janvier 2003 de MM. Jean-Marc Pastor, Gilbert Chabroux, Mme Michèle André, MM. Bertrand Auban, Robert Badinter, Jean-Pierre Bel, Jean Besson, Mme Marie-Christine Blandin, M. Didier Boulaud, Mme Yolande Boyer, MM. Jean-Louis Carrère, Michel Charasse, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Raymond Courrière, Roland Courteau, Marcel Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Claude Domeizel, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut, Claude Estier, Jean-Claude Frécon, Bernard Frimat, Jean-Pierre Godefroy, Jean-Noël Guérini, Claude Haut, Mme Odette Herviaux, MM. Alain Journet, Serge Lagauche, Roger Lagorsse, André Lejeune, Louis Le Pensec, M. Philippe Madrelle, Jacques Mahéas, Jean-Yves Mano, François Marc, Jean-Pierre Masseret, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Daniel Percheron, Jean-Claude Peyronnet, Jean-François Picheral, Bernard Piras, Jean-Pierre Plancade, Mme Gisèle Printz, MM. Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Roger Rinchet, Gérard Roujas, Mme Michèle San Vicente, MM. Claude Saunier, René-Pierre Signé, Jean-Pierre Sueur, Simon Sutour, Jean-Marc Todeschini, Pierre-Yvon Trémel, André Vantomme et Marcel Vidal et les membres du groupe socialiste et apparenté une proposition de loi tendant à assurer la présence de médecins généralistes dans les zones médicalement dépeuplées.
Cette proposition de loi sera imprimée sous le n° 124, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
TEXTES SOUMIS EN APPLICATION DE
L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président. M. le président du Sénat a reçu le 21 décembre 2002 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne et Malte, ajoutant un protocole relatif à l'assistance administrative mutuelle dans le domaine douanier à l'accord créant une association entre la communauté économique européenne et Malte.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2162 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 23 décembre 2002 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 2037/2000 relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone, en ce qui concerne les utilisations critiques et les exportations de halons, les exportations de produits et d'équipements contenant des chlorofluorocarbures et la réglementation du bromochlorométhane.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2163 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 24 décembre 2002 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un protocole d'adaptation des aspects commerciaux de l'accord européen établissant une association entre les communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République tchèque, d'autre part, pour tenir compte des résultats des négociations entre les parties concernant l'établissement de nouvelles concessions agricoles réciproques.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2164 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 24 décembre 2002 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 77/388/CEE en ce qui concerne les règles relatives au lieu de livraison du gaz et de l'électricité.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2165 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 24 décembre 2002 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un protocole d'adaptation des aspects commerciaux de l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Lituanie, d'autre part, pour tenir compte des résultats des négociations entre les parties concernant l'établissement de nouvelles concessions agricoles réciproques.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2166 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 24 décembre 2002 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil arrêtant des mesures autonomes et transitoires concernant l'importation de certains produits agricoles transformés originaires de Pologne.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2167 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 24 décembre 2002 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un protocole d'adaptation des aspects commerciaux de l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Hongrie, d'autre part, pour tenir compte des résultats des négociations entre les parties concernant l'établissement de nouvelles concesssions agricoles réciproques.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2168 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 24 décembre 2002 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un protocole d'adaptation des aspects commerciaux de l'accord européen établissant une association entre les communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République slovaque, d'autre part, pour tenir compte des résultats des négociations entre les parties concernant l'établissement de nouvelles concesssions agricoles réciproques.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2169 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 10 janvier 2003 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil à la gestion de l'effort de pêche concernant certaines zones et ressources de pêche communautaires et portant modification du règlement (CEE) n° 2847/93.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2170 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 10 janvier 2003 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil imposant certaines mesures restrictives à l'égard de la Somalie.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2171 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 10 janvier 2003 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un protocole d'adaptation des aspects commerciaux de l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Bulgarie, d'autre part, pour tenir compte des résultats des négociations entre les parties concernant l'établissement de nouvelles concesssions agricoles réciproques.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2172 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 10 janvier 2003 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil abrogeant le règlement (CE) n° 1705/98 du conseil concernant l'interruption de certaines relations économiques avec l'Angola en rapport avec l'« Uniao nacional para a independência total de Angola » (UNITA).
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2173 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 13 janvier 2003 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution : Communication de la commission au Conseil et au Parlement européen : renforcer la coordination des politiques budgétaires.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2174 et distribué.
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président. M. le président du Sénat a reçu le 8 janvier 2003 de M. Serge Vinçon un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008 (n° 84, 2002-2003).
Ce rapport sera imprimé sous le n° 117 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 8 janvier 2003 de Mme Maryse Bergé-Lavigne un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sur la conservation des cétacés de la mer Noire, de la Méditerranée et de la zone altantique adjacente (n° 63, 2001-2002).
Ce rapport sera imprimé sous le n° 118 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 8 janvier 2003 de M. Louis Moinard un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République fédérative du Brésil relatif à l'emploi salarié des membres des familles des agents des missions officielles de chaque Etat dans l'autre (ensemble un échange de lettres) (n° 294, 2001-2002).
Ce rapport sera imprimé sous le n° 119 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 8 janvier 2003 de M. Hubert Durand-Chastel un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbathion de l'amendement au protocole de Montréal du 16 septembre 1987 relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone, adopté à Montréal le 17 septembre 1997 (n° 316, 2001-2002) et sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'amendement au protocole de Montréal du 16 septembre 1987 relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone, adopté à Pékin le 3 décembre 1999 (n° 317, 2001-2002).
Ce rapport sera imprimé sous le n° 120 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 9 janvier 2003 de M. Jacques Chaumont un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République d'Ouzbékistan en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune (ensemble un protocole et un échange de lettres) (n° 364, 2001-2002).
Ce rapport sera imprimé sous le n° 121 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 9 janvier 2003 de M. Jacques Chaumont un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le gouvernement français et le gouvernement macédonien en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (n° 397, 2001-2002).
Ce rapport sera imprimé sous le n° 122 et distribué.
DÉPÔT D'UN AVIS
M. le président. M. le président du Sénat a reçu le 9 janvier 2003 de MM. Maurice Blin et François Trucy un avis présenté au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008 (n° 84, 2002-2003).
Cet avis sera imprimé sous le n° 123 et distribué.
ORDRE DU JOUR
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 15 janvier 2003, à quinze heures :
1. Nomination des membres :
- de la commission d'enquête sur la maltraitance envers les personnes handicapées accueillies en institution et les moyens de la prévenir ;
- de la commission d'enquête sur la politique nationale de lutte contre les drogues illicites.
2. Suite de la discussion du projet de loi (n° 84, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008 ;
Rapport de M. Serge Vinçon (n° 117, 2002-2003), fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Avis de MM. François Trucy et Maurice Blin (n° 123, 2002-2003), fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Projet de loi relatif à la création d'une zone de protection écologique au large des côtes du territoire de la République (n° 261, 2001-2002).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 20 janvier 2003, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 20 janvier 2003, à dix-sept heures.
Projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, relatif au mandat d'arrêt européen (n° 102, 2002-2003).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 21 janvier 2003, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 21 janvier 2003, à dix-sept heures.
Deuxième lecture du projet de loi organique, modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux juges de proximité (n° 103, 2002-2003).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 21 janvier 2003, à dix-sept heures.
Question orale avec débat (n° 5) de M. Jacques Pelletier à M. le ministre des affaires étrangères sur le respect des engagements internationaux en matière de droits de l'homme.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 22 janvier 2003, à dix-sept heures.
Question orale avec débat (n° 6) de M. Jean-Paul Amoudry à M. le Premier ministre sur les conclusions et propositions formulées par la mission d'information du Sénat sur la politique de la montagne.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 22 janvier 2003, à dix-sept heures.
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à aggraver les peines punissant les infractions à caractère raciste, antisémite ou xénophobe (n° 90, 2002-2003).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 22 janvier 2003, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi de M. Gérard Le Cam et de plusieurs de ses collègues tendant à préserver les services de proximité en zone rurale (n° 292, 2001-2002).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 22 janvier 2003, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 22 janvier 2003, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD
Errata
Au compte rendu intégral de la séance du 27 novembre 2002
LOI DE FINANCES POUR 2003
Page 4679, 2e colonne, 3e alinéa, 8e ligne :
Après : « location des immeubles »,
Ajouter : « et des plus-values sur la cession à des personnes ».
Page 4680, 1re colonne, 4e alinéa (D), 1re ligne :
Au lieu de : « 235 ter AZ »,
Lire : « 235 ter ZA ».
Page 4680, 1re colonne, avant-dernier alinéa, 1re ligne :
Au lieu de : « L »,
Lire : « J ».
Page 4680, 1re colonne, dernier alinéa, 1re ligne :
Au lieu de : « au d et c »,
Lire : « aux d et e ».
Au compte rendu intégral de la séance du 9 décembre 2002
LOI DE FINANCES POUR 2003
Page 5562, 2e colonne, 14e alinéa, 2e ligne :
Après : « municipaux »,
Supprimer : « , généraux et régionaux ».
Au compte rendu intégral de la séance du 16 décembre 2002
LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2002
Page 5849, 1re colonne, au D du I de l'article 20, 3e alinéa, 1re ligne :
Avant : « Après le deuxième alinéa »,
Ajouter : « 2° ».
Page 5849, 1re colonne, au D du I de l'article 20, 4e alinéa,
2e ligne :
Après : « déclaration »,
Ajouter : « susvisée » ;
3e ligne :
Au lieu de : « date »,
Lire : « taxe ».
Page 5849, 1re colonne, au D du I de l'article 20, 5e alinéa, dernière ligne :
Avant : « première réquisition »,
Ajouter : « à ».
Page 5849, 2e colonne, 1er alinéa, 7e à 9e lignes :
Supprimer la phrase : « A l'expiration du délai de trente jours et à défaut de déclaration, la taxe est établie d'office par le comptable des douanes. »
ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES DU SÉNAT
établi par le Sénat dans sa séance du mardi 14 janvier 2003
à la suite des conclusions de la conférence des présidents
Mercredi 15 janvier 2003, à 15 heures :
1. Nomination des membres :
- de la commission d'enquête sur la maltraitance envers les personnes handicapées accueillies en institution et les moyens de la prévenir ;
- de la commission d'enquête sur la politique nationale de lutte contre les drogues illicites.
(Les candidatures à ces deux commissions d'enquête devront être déposées au secrétariat central du service des commissions au plus tard le mardi 14 janvier 2003, à 17 heures.)
Ordre du jour prioritaire
2. Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008.
Jeudi 16 janvier 2003 :
Ordre du jour prioritaire
A 9 h 30 :
1° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Ouzbékistan en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune (ensemble un protocole et un échange de lettres) (n° 364, 2001-2002) ;
2° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement français et le Gouvernement macédonien en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (n° 397, 2001-2002) ;
3° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sur la conservation des cétacés de la mer Noire, de la Méditerranée et de la zone atlantique adjacente (n° 63, 2001-2002) ;
4° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil relatif à l'emploi salarié des membres des familles des agents des missions officielles de chaque Etat dans l'autre (ensemble un échange de lettres) (n° 294, 2001-2002) ;
5° Projet de loi autorisant l'approbation de l'amendement au protocole de Montréal du 16 septembre 1987 relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone, adopté à Montréal le 17 septembre 1997 (n° 316, 2001-2002).
6° Projet de loi autorisant l'approbation de l'amendement au protocole de Montréal du 16 septembre 1987 relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone, adopté à Pékin le 3 décembre 1999 (n° 317, 2001-2002).
(La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune) ;
7° Projet de loi autorisant la ratification de la convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international (n° 387, 2001-2002) ;
8° Projet de loi autorisant la ratification du protocole coordonnant la convention internationale de coopération pour la sécurité de la navigation aérienne « Eurocontrol » du 13 décembre 1960 suite aux différentes modifications intervenues (n° 388, 2001-2002) ;
A 15 heures :
9° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance, avant 11 heures.)
Mardi 21 janvier 2003 :
A 16 heures et le soir :
Ordre du jour prioritaire
1° Projet de loi relatif à la création d'une zone de protection écologique au large des côtes du territoire de la République (n° 261, 2001-2002).
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 20 janvier 2003, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 20 janvier 2003.)
En outre, à 17 heures :
2° Désignation des dix membres, autres que les deux membres de droit, de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé (application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003).
(Les candidatures devront être remises par les groupes politiques au service de la séance au plus tard le mardi 21 janvier 2003, à 16 heures.)
Mercredi 22 janvier 2003 :
A 15 heures :
Réception solennelle, dans la salle des séances, de M. Wolfgang Böhmer, président du Bundesrat de la République fédérale d'Allemagne.
Ordre du jour prioritaire
A 17 heures et le soir :
1° Projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, relatif au mandat d'arrêt européen (n° 102, 2002-2003).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 21 janvier 2003, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à dix minutes le temps d'intervention pour le président de la délégation pour l'Union européenne ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 21 janvier 2003.)
(En application de l'article 59 du règlement du Sénat, il sera procédé à un scrutin public ordinaire lors du vote sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle.)
2° Deuxième lecture du projet de loi organique, modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux juges de proximité (n° 103, 2002-2003).
(La conférence des présidents a décidé de fixer au mardi 21 janvier 2003, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
Jeudi 23 janvier 2003 :
Ordre du jour réservé
A 9 h 30, à 15 heures et, éventuellement, le soir :
1° Question orale avec débat (n° 5) de M. Jacques Pelletier à M. le ministre des affaires étrangères sur le respect des engagements internationaux en matière de droits de l'homme.
(En application des premier et deuxième alinéas de l'article 82 du règlement, la conférence des présidents a fixé à deux heures trente la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 22 janvier 2003.)
2° Question orale avec débat (n° 6) de M. Jean-Paul Amoudry à M. le Premier ministre sur les conclusions et propositions formulées par la mission d'information du Sénat sur la politique de la montagne.
(En application des premier et deuxième alinéas de l'article 82 du règlement, la conférence des présidents a fixé à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 22 janvier 2003.)
3° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à aggraver les peines punissant les infractions à caractère raciste, antisémite ou xénophobe (n° 90, 2002-2003).
(La conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 22 janvier 2003, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
4° Conclusions de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi de M. Gérard Le Cam et de plusieurs de ses collègues tendant à préserver les services de proximité en zone rurale (n° 292, 2001-2002).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mercredi 22 janvier 2003, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 22 janvier 2003.)
Mardi 28 janvier 2003 :
Ordre du jour prioritaire
A 9 h 30 :
1° Projet de loi portant ratification de l'ordonnance n° 2000-549 du 15 juin 2000 relative à la partie Législative du code de l'éducation (n° 470, 1999-2000) ;
(La conférence des présidents a décidé de fixer au lundi 27 janvier 2003, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
A 16 heures et, éventuellement, le soir :
2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la bioéthique (n° 189, 2001-2002).
(La conférence des présidents a :
- fixé au lundi 27 janvier 2003, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- attribué un temps de parole spécifique de quinze minutes à la délégation parlementaire aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes ;
- fixé à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 27 janvier 2003.)
Mercredi 29 janvier 2003 :
Ordre du jour prioritaire
A 15 heures et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la bioéthique.
Jeudi 30 janvier 2003 :
A 9 h 30 :
Ordre du jour prioritaire
1° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la bioéthique.
A 15 heures :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)
Ordre du jour prioritaire
3° Projet de loi relatif à la répression de l'activité de mercenaire (n° 287, 2001-2002).
(La conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 29 janvier 2003, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
Mardi 4 février 2003 :
A 10 h 30 :
1° Quatorze questions orales :
L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 104 de M. François Fortassin à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer (Procédure de réorganisation. - Partage des services de la DDE des Hautes-Pyrénées) ;
- n° 111 de M. Claude Biwer à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Calcul de l'impôt sur le revenu) ;
- n° 112 de M. Philippe Richert à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales (Conditions de représentation des communes associées) ;
- n° 116 de M. Serge Lagauche à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable (Prévention et protection contre les inondations dans le bassin hydrographique de la Seine) ;
- n° 119 de M. Gérard Roujas à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer (Réalisation du contrat de plan Etat-région 2002-2006 en Haute-Garonne) ;
- n° 121 de Mme Nicole Borvo à Mme la ministre déléguée à l'industrie (Fermeture des foyers de La Poste en Ile-de-France et à Paris) ;
- n° 122 de Mme Danièle Pourtaud à Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle (Avenir des délégations et des centres d'information aux droits des femmes) ;
- n° 124 de M. Gérard Larcher à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer (Travaux sur la RN 10 entre Rambouillet-pont de la Droue et Ablis) ;
- n° 125 de M. Dominique Leclerc à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer (Application de l'article 55 de la loi SRU dans les communes inondables) ;
- n° 126 de M. Louis Souvet à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées (Evolution des effectifs infirmiers) ;
- n° 127 de Mme Valérie Létard à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire (Réforme de la fiscalité locale) ;
- n° 128 de M. Nicolas About à M. le garde des sceaux, ministre de la justice (Réglementation applicable aux administrateurs de sociétés) ;
- n° 129 de Mme Sylvie Desmarescaux à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité (Application de la législation sur la réduction du temps de travail dans les petites entreprises) ;
- n° 133 de M. Jean-François Picheral à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Implantation des succursales de la Banque de France).
Ordre du jour prioritaire
A 16 heures et, éventuellement, le soir :
2° Projet de loi relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages (n° 116, 2002-2003).
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 3 février 2003, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à trois heures trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 3 février 2003.)
Mercredi 5 février 2003, à 15 heures et le soir :
et jeudi 6 février 2003, à 9 h 30, à 15 heures et le soir :
Ordre du jour prioritaire
Suite du projet de loi relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages.
Mardi 11 février 2003 :
Ordre du jour réservé
L'ordre du jour de cette séance sera réglé ultérieurement par la conférence des présidents.
Mercredi 12 février 2003 :
Ordre du jour prioritaire
A 15 heures :
Projet de loi relatif aux entreprises de transport aérien, et notamment à la société Air France (n° 108, 2002-2003).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 11 février 2003, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 11 février 2003.)
Jeudi 13 février 2003 :
A 9 h 30 :
Ordre du jour prioritaire
1° Suite du projet de loi relatif aux entreprises de transport aérien, et notamment à la société Air France.
A 15 heures :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance, avant 11 heures.)
Ordre du jour prioritaire
3° Suite de l'ordre du jour du matin.
Le Sénat suspendra ses travaux en séance plénière du dimanche 16 au dimanche 23 février 2003.
A N N E X E 1
Questions orales avec débat inscrites à l'ordre du jour
de la séance du jeudi 23 janvier 2003
I. - M. Jacques Pelletier attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la situation particulièrement difficile dans un grand nombre d'Etats du monde où des centaines de milliers de personnes sont persécutées en raison de leurs opinions politiques, de leurs croyances ou de leur appartenance à un groupe ethnique. En dépit de l'engagement répété de nombreux Etats en faveur de la Déclaration universelle des droits de l'homme, nous dénombrons toujours des violations graves et systématiques de ces droits, de façon ouverte ou camouflée. Il lui demande comment le Gouvernement français peut, en liaison avec nos partenaires européens, user de son influence pour faire cesser ces pratiques et promouvoir un respect effectif des engagements internationaux pris par les Etats en matière de droit de l'homme (n° 5).
II. - M. Jean-Paul Amoudry appelle l'attention de M. le Premier ministre sur les conclusions et propositions formulées par la mission d'information du Sénat sur la politique de la montagne, dans son rapport rendu public le 16 octobre 2002. En effet, si les travaux conduits par la mission depuis le mois de février dernier ont souligné l'infinie diversité des territoires des montagnes de France, qui couvrent 28 % du territoire et regroupent 13,5 % de la population de notre pays, ils ont également mis en évidence de très nombreuses caractéristiques communes aux terres d'altitude. Ces points communs et les préoccupations qui en découlent apparaissent comme autant de questions urgentes posées aux responsables politiques dans des domaines déterminants pour l'avenir des zones de montagne françaises : le niveau des soutiens publics à l'agriculture, inférieur à la moyenne nationale, et donc en totale contradiction avec les principes de légitime compensation du « handicap montagne » affirmés depuis plusieurs décennies par le législateur ; la préservation d'une activité industrielle, souvent fortement enracinée, qui aspire à continuer à vivre dans des territoires incapables de surmonter sans aide extérieure le handicap de l'enclavement et qui ressentent un fort déficit de solidarité nationale ; la poursuite du développement touristique, freiné par l'absence de politiques fiscales et sociales adaptées à la saisonnalité et d'un véritable régime de la pluriactivité ; la quasi-inexistence de politiques nationales et européennes pour régler la question de la traversée des massifs frontaliers, ce qui inflige aux populations sédentaires les nuisances induites par la croissance du trafic routier sans perspective d'amélioration ; l'absence de concertation avec les responsables locaux, constatée dans certaines initiatives environnementalistes, telle la réintroduction du loup, au mépris d'activités ancestrales, comme le pastoralisme, entretenant ainsi le sentiment que les « grandes » décisions concernant la montagne relèvent d'un processus centralisé ; la lente, mais apparemment inéluctable, disparition de services : publics, médicaux et privés, qui, dans beaucoup de massifs, entraîne puis accroît la dévitalisation démographique ; l'excès de rigueur, enfin, dans l'application des dispositions d'urbanisme de la loi « montagne », devenue la pomme de discorde permanente entre élus locaux et représentants de l'Etat. Aussi, il lui demande de bien vouloir lui faire connaître les initiatives et mesures que le Gouvernement qu'il dirige entend engager pour répondre aux interrogations et légitimes inquiétudes des élus, responsables et populations des départements de montagne, et leur apporter l'aide et le soutien qu'ils attendent pour relever les défis auxquels sont confrontés ces territoires (n° 6).
A N N E X E 2
Questions orales inscrites à l'ordre du jour
de la séance du mardi 4 février 2003
N° 104. - M. François Fortassin attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur des questions soulevées par la mise en place d'une procédure de réorganisation-partage des services de la direction départementale de l'équipement (DDE) du département des Hautes-Pyrénées dont il assure la présidence du conseil général. L'avenant 2002 à la convention relative à la mise à disposition du département des services déconcentrés du ministère de l'équipement détermine l'effectif des personnels chargés exclusivement de l'exercice des compétences départementales. Celui-ci est de 273 agents. Dans le cadre de la réorganisation, l'Etat demande au département des Hautes-Pyrénées de lui attribuer 11 postes supplémentaires et souhaite 11 cadres B technique sur 19 considérant que les services départementaux seront des services d'exécution et non de conception. Trois de ces postes sont justifiés par M. le préfet des Hautes-Pyrénées par le foisonnement qui résultera du partage des services, ce qu'il ne conteste pas. En revanche, les raisons conduisant à exiger huit postes de plus sont moins évidentes ; d'autant que cette demande aboutit à doter certaines subdivisions, dans lesquelles il n'existe pas un kilomètre de route nationale, d'effectifs supérieurs à ceux constatés antérieurement alors que ces entités exerçaient les tâches Etat et les tâches départementales. Aussi, dans le contexte actuel de relance de la décentralisation, il lui demande si les processus de réorganisation-partage engagés ont encore une raison d'être ou bien si les projets de loi en préparation ne vont pas les rendre caducs ? Aussi, l'affectation aux collectivités territoriales de tout ou partie des routes nationales s'accompagnera-t-elle du transfert du personnel et de la possibilité de droit d'option comme cela s'est déjà fait pour la quasi-totalité des autres domaines transférés en 1982.
N° 111. - M. Claude Biwer demande à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de bien vouloir préciser la suite que le Gouvernement envisage de réserver à l'une des recommandations formulées par le conseil des impôts dans son rapport pour l'année 2002 remis au Président de la République visant, dans l'attente d'un passage à terme à la retenue à la source pour la perception de l'impôt sur le revenu, à « supprimer à court terme le décalage d'un an entre la perception des revenus et leur imposition », ce qui permettrait l'établissement de l'impôt sur le revenu sur les revenus de l'année en cours et non, comme c'est le cas à l'heure actuelle, sur ceux de l'année précédente.
N° 112. - M. Philippe Richert attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur les problèmes posés par l'application du code électoral aux communes associées. Conformément à l'article L. 228 du code électoral, sont éligibles au conseil municipal tous les électeurs de la commune et les citoyens inscrits au rôle des contributions directes ou justifiant qu'ils devaient l'être. En toute logique, les électeurs domiciliés dans les communes associées et remplissant les conditions posées par l'article sus-indiqué du code électoral sont éligibles au conseil municipal. De son côté, la commune associée est représentée au conseil municipal par les conseillers municipaux élus à partir de cette section électorale par un maire délégué élu. A l'heure actuelle, rien ne s'oppose à ce qu'une personne remplissant les conditions de cet article, mais domiciliée dans la ville centre et sans attache directe avec la commune associée, se fasse élire par la section électorale de la commune associée, voire devienne maire délégué. Aussi, ne serait-il pas envisageable dans l'intérêt des communes associées, de prévoir une disposition législative qui restreigne la possibilité de candidatures pour les élus des communes associées aux électeurs effectivement domiciliés dans la commune associée ou les citoyens inscrits au rôle des contributions directes ou justifiant qu'ils devraient y être inscrits au 1er janvier de l'année de l'élection au titre d'une propriété sur le territoire de la commune associée ? Une telle disposition semble plus cohérente et permettrait de sauvegarder l'identité et la spécificité des communes associées, qui seraient ainsi représentées par des élus qui justifient d'un lien direct avec elles. Il remercie le ministre de bien vouloir lui donner son avis sur le problème qu'il vient de soulever.
N° 116. - M. Serge Lagauche attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable sur la prévention et la protection contre les inondations sur le bassin hydrographique de la Seine. Actuellement, les collectivités territoriales mènent chacune sur leur secteur des actions afin de limiter les dommages qu'occasionneraient pour leurs administrés d'éventuelles crues. Concernant l'Ile-de-France en particulier, les quatre barrages-réservoirs situés en amont et le projet d'une zone d'expansion à La Bassée, en Seine-et-Marne, dont l'étude avance très lentement, sont certes de bons outils mais ils n'auraient qu'un effet limité face à une crue exceptionnelle du type de celle de 1910, qui peut survenir dans quelques mois comme dans plusieurs années et dont les conséquences seraient particulièrement graves tant pour les personnes que pour les biens, et paralyseraient pour plusieurs semaines de nombreux secteurs de l'économie. Afin de réduire davantage le risque et la vulnérabilité des zones habitées sur l'ensemble du bassin de la Seine, il faut envisager de nouvelles actions de prévention et de protection, d'une part, sur les moyens et longs termes et, d'autre part, de façon globale, en prenant en compte tant l'amont que l'aval. Ce qui implique de pouvoir mettre en oeuvre une concertation régulière et efficace entre tous les acteurs : l'Etat, via le préfet coordonnateur et la direction de l'environnement du bassin, l'Agence de l'eau Seine-Normandie, et les collectivités regroupées au sein d'une même structure de dialogue. Or, si ce type de structure existe déjà sur une très grande majorité des bassins hydrographiques sous la forme d'établissements publics, le bassin de la Seine en est lui dépourvu. Leur utilité pourtant n'est plus à démontrer, et l'exemple de l'établissement public Loire montre bien que la dimension du bassin ne peut être un obstacle. Il lui demande donc si la création d'un établissement public Seine rencontre son assentiment, et si, dans l'affirmative, elle compte favoriser ce projet, voire même, compte tenu des enjeux et des difficultés qu'il pourrait rencontrer, de le rendre obligatoire.
N° 119. - M. Gérard Roujas tient à attirer l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur la réalisation, en Haute-Garonne, du volet routier du contrat de plan Etat-région 2000/2006. Ce volet concerne notamment les opérations sous maîtrise d'ouvrage de l'Etat sur la RN 124 (déviation de Colomiers, déviation de Léguevin), la RN 125 (déviation de Saint-Béat), la RN 20 (aménagement entre l'A 64 et Auterive), enfin la mise à 2 fois 3 voies du périphérique de Toulouse. Il lui demande de bien vouloir lui confirmer, compte tenu de l'urgence de ces opérations, les conditions de la poursuite de l'engagement financier de l'Etat en la matière.
N° 121. - Mme Nicole Borvo attire l'attention de Mme la ministre déléguée à l'industrie sur la fermeture des foyers de La Poste en Ile-de-France, et à Paris en particulier. Le projet de fermeture sur trois ans du tiers du parc actuel des places en foyer d'hébergement s'est heurté à une forte résistance des personnels. En effet, La Poste prévoit de liquider la quasi-totalité des foyers en seconde couronne d'Ile-de-France et de diminuer des deux tiers le nombre de places en première couronne. Quant à Paris, le nombre de places passerait de 1206 à 670. Pourtant, les provinciaux montent toujours aussi nombreux pour passer les concours à Paris. C'est si vrai que 70 % des reçus au concours des facteurs le 9 décembre 2001 à Paris sont issus de province. D'autre part, les milliers d'agents contractuels ou fonctionnaires originaires d'Ile-de-France n'ont pas forcément vocation à rester dans le cadre familial et ne trouveront plus de foyer en attendant un logement définitif. Le projet de fermeture supprime de fait le droit à l'hébergement pour les agents venant en formation en Ile-de-France, ou les agents en déplacement professionnel pour d'autres raisons, ou encore pour les enfants des postiers poursuivant des études en Ile-de-France. Enfin, ces fermetures ne feraient qu'accroître la détresse des agents en difficulté temporaire (séparation, divorce, problèmes sociaux...) qui pouvaient faire face momentanément à des problèmes de logement, en ayant accès aux foyers d'hébergement. Par ailleurs, ce projet aurait pour conséquence de supprimer pour certains postiers la possibilité de rester au-delà du délai d'un an. Pourtant, il y a un réel besoin de recrutement de postiers en Ile-de-France. Or, un des problèmes des postiers et notamment de ceux avec les plus bas salaires, est de pouvoir se loger à proximité de leur travail. Il serait donc souhaitable de proposer aux agents embauchés par La Poste soit une place en foyer, soit une place en logement social. Face à la mobilisation unitaire des personnels, la direction des ressources humaines en Ile-de-France annonçait le 11 juin aux organisations syndicales que La Poste entendait suspendre la fermeture des foyers parisiens prévue fin juin et annonçait des tables rondes sur la problématique foyer/hébergement/logements, débutants/logements postiers. Pourtant, des menaces de fermeture planent (foyers de Turgot et de Trévise à Paris) et la mise en place d'une table ronde n'a pas avancé d'un pouce. N'est-ce pas préjudiciable à la réinstauration du dialogue social que la direction de La Poste dit vouloir réaliser ? En tout état de cause, il serait contraire à la mission publique de La Poste de brader le patrimoine public et d'en arriver à Paris comme ailleurs à des hébergements en hôtel comme les ont connus les postiers il y a trente ou quarante ans avant la création des foyers. Même s'il devait exister des structures qui ne servent plus à l'hébergement temporaire, elles devraient être reconverties et faire l'objet de partenariats publics voire transformées en logement social. Pour toutes ces raisons, elle lui demande ce qu'elle compte faire pour que soient suspendues les fermetures de foyers et mise en place une table ronde autour de la problématique des foyers et du logement social mis à la disposition des postiers. Il serait souhaitable que tous ces efforts soient tournés vers le maintien d'un nombre de foyers de La Poste en nombre suffisant par rapport aux besoins.
N° 122. - Mme Danièle Pourtaud attire l'attention de Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle sur l'avenir des délégations régionales aux droits des femmes et des centres d'information des droits des femmes. De nombreux centres d'information des droits des femmes et des délégations régionales connaissent des difficultés financières chroniques, voire insurmontables pour certains centres et délégations. Pourtant, le samedi 30 novembre dernier, lors de la session budgétaire, le Gouvernement a avalisé l'amendement de la commission des finances visant à amputer de 7 %, soit 1,25 million d'euros, les crédits destinés à financer « des interventions en faveur des droits des femmes ». Ces structures ont par ailleurs des incertitudes quant à l'avenir même des délégations et centres d'information dans le cadre de la loi sur la décentralisation. Elle souhaiterait savoir ce que Mme la ministre est en mesure de proposer pour préserver la politique d'information et de prévention que mènent ces centres et délégations.
N° 124. - M. Gérard Larcher attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur l'échéancier et le financement de la mise à 2 × 2 voies de la RN 10 entre Rambouillet - Pont de la Droue et Ablis. Alors que le remembrement foncier est en cours d'achèvement, que les concessionnaires de réseaux ont engagé leurs travaux, qu'un calendrier a été présenté aux maires concernés par le directeur départemental de l'équipement en septembre dernier, il subsiste des interrogations sur la date de l'engagement du chantier et sur les moyens financiers affectés à l'ensemble du projet et notamment aux voies de désenclavement nécessaires. Tout retard, outre le fait qu'il s'inscrirait comme un contrepoint face à la grande cause nationale qu'est la sécurité routière, sur cette section qui a été le théâtre de tant de drames de l'insécurité, serait un manquement de l'Etat à sa signature dans le cadre du contrat de plan. En conséquence, il lui demande dans quels délais il compte prendre les mesures nécessaires pour mener à terme l'ensemble du projet.
N° 125. - M. Dominique Leclerc souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur l'impossibilité, pour certaines communes, et plus particulièrement les communes inondables comme La Ville-aux-Dames dont il est maire, de respecter les obligations fixées par l'article 55 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains. Ces communes sont classées en raison de ce risque en aléa fort ou moyen pour une grande partie de leur territoire. Elles doivent, de ce fait, non seulement respecter les plans de préventions de risques mis en place par les préfectures, mais voient aussi les périmètres Seveso étendus avec une interdiction de construire sur ces zones. Face à ces contraintes et alors que ces communes voient déjà leur dotation globale de fonctionnement (DGF) amputée à titre de pénalités, il lui demande s'il ne pourrait pas envisager d'apporter des aménagements à cette loi afin de prendre en considération ces situations particulières.
N° 126. - M. Louis Souvet attire l'attention de M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur l'évolution des effectifs infirmiers. La situation devient ingérable tant le manque de personnel est important, et à cela s'ajoute pour les départements frontaliers l'attrait des salaires plus élevés, notamment en Suisse. Il demande quel dispositif le Gouvernement entend mettre en place afin d'augmenter les effectifs infirmiers de façon conséquente.
N° 127. - Mme Valérie Létard attire l'attention de M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire sur la réflexion actuellement en cours sur une réforme de la fiscalité locale, et notamment une remise à plat des dotations de l'Etat aux collectivités locales. Dans ce contexte, elle souhaite mettre l'accent sur la nécessité de revoir le mécanisme d'attribution de la dotation de solidarité urbaine. Créée initialement pour « contribuer à l'amélioration des conditions de vie dans les communes urbaines confrontées à une insuffisance de leurs ressources et supportant des charges élevées », cette dotation est aujourd'hui assez largement répartie, puisque 70 % des communes de plus de 10 000 habitants et le premier dixième des communes entre 5 000 et 10 000 habitants en bénéficient. Dans le même temps, dans certaines communautés d'agglomération ou communautés urbaines, des communes de moins de 5 000 habitants peuvent connaître des problématiques urbaines tout à fait voisines de celles de villes un peu plus grandes et ne pas pouvoir, en raison de leur taille, bénéficier du régime prévu pour les communes éligibles à la DSU, alors même que leur potentiel fiscal est extrêmement faible. Elle a, à maintes reprises, cité la commune de Maing, 3 800 habitants, 198 euros de potentiel fiscal par habitant, 60 % des foyers fiscaux de la commune non imposables, chiffres qui lui paraissent emblématiques de ce problème. A l'occasion de la réflexion qui a été annoncée sur ce sujet, elle lui demande s'il sera envisagé de prendre en compte de manière plus spécifique la situation des communes urbaines les plus pauvres et si un groupe de travail ne pourrait pas se constituer sur cette question.
N° 128. - M. Nicolas About attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les difficultés que rencontrent les élus locaux pour obtenir d'une société la modification de son K bis. Dans la vie d'une société, de nombreux changements peuvent intervenir, comme le décès ou la démission de certains administrateurs. En théorie, la société est tenue de remettre à jour son K bis, mais rien, dans la réalité, ne l'y oblige vraiment. Les conséquences de cette carence sont loin d'être négligeables, au plan juridique. Ainsi, dans la ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines, des élus (dont il fait lui-même partie) ont été nommés, il y a dix ans, administrateurs d'une société d'économie mixte (SEM), appelée SLECANSQCA et destinée à donner naissance à une chaîne de télévision locale, plus connue sous le nom de TVFIL 78. Or, ces élus éprouvent aujourd'hui de grandes difficultés pour obtenir de cette société la modification de son K bis, alors même qu'ils n'en sont plus membres depuis de nombreuses années. Certains n'ont même jamais participé à aucune assemblée générale. D'autres sont morts et ils continuent à figurer au K bis de cette société. Mais il y a pire. Certains élus, ayant prêté leur nom pour représenter leur commune, découvrent qu'ils figurent en réalité en nom propre. Leur responsabilité personnelle risque donc, à tout moment, d'être engagée, en cas de difficultés financières rencontrées par la société. Bien entendu, il leur est toujours possible de faire un référé devant le tribunal de commerce. Mais, même s'ils devaient obtenir gain de cause au tribunal, rien ne leur garantirait que la société effectue ces modifications. En effet, cette société n'est plus en mesure de reconstituer l'historique complet de ses administrateurs, faute d'avoir tenu des archives ou un simple registre de mouvement de titre. Enfin, la situation devient ubuesque, si l'on songe aux risques encourus par les nouveaux administrateurs qui, eux, ne figurent pas à ce fameux K bis. Certains touchent, pour leur participation effective au conseil d'administration, des jetons de présence. Or, rien ne les empêche d'être un jour poursuivis pour prise illégale d'intérêts, dans la mesure où ils ne figurent pas légalement dans le K bis. Les élus n'ont donc, à ce jour, aucun moyen légal de contraindre une société à effectuer une mise à jour de son K bis, ce qui les place dans une situation juridique et financière délicate. C'est pourquoi il lui demande les mesures qu'il entend prendre pour imposer aux sociétés la mise à jour régulière de leur K bis. Il lui demande également si l'on ne pourrait pas envisager des mesures exceptionnelles pour permettre à des sociétés, comme TVFIL 78, qui ont négligé leurs archives depuis de longues années, d'effectuer cette mise à jour, sans avoir à retracer l'historique complet de leurs administrateurs.
N° 129. - Mme Sylvie Desmarescaux appelle l'attention de M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité sur les difficultés que rencontrent, en pratique, les entreprises de vingt salariés et moins pour appréhender la complexité de l'articulation entre la législation en vigueur sur la réduction et l'aménagement du temps de travail et l'assouplissement statutaire introduit par la loi récemment votée sur les salaires, le temps de travail et le développement de l'emploi. Elle émet le souhait que des mesures d'information et d'accompagnement soient mises en oeuvre à l'endroit de ces entreprises, qui se heurtent souvent à des difficultés d'interprétation sans nécessairement disposer de moyens suffisants pour les surmonter.
N° 133. - M. Jean-François Picheral souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur le projet de plan de restructuration des missions et de l'implantation territoriale des succursales de la Banque de France. Outre les conséquences désastreuses d'un tel projet au niveau local, ce plan, annoncé il y a peu par son gouverneur, s'il venait à se concrétiser, mettrait à mal les missions fondamentales de proximité de ce prestigieux établissement. Ainsi, la mission, confiée par le législateur d'assurer l'entretien et de gérer la bonne qualité de la circulation fiduciaire sur l'ensemble du territoire, serait assurément remise en cause, ce projet prévoyant de confier, sans aucune garantie de qualité et de sécurité, le recyclage des billets au secteur privé. De même, les missions de proximité au service du développement économique, telle l'expertise financière mise à la disposition des entreprises, mais également au service de la cohésion sociale, tels l'accueil des surendettés ou l'exercice du droit de compte, seraient elles aussi mises à mal. C'est pourquoi, au moment où la décentralisation est au coeur des débats de notre société, il lui demande de lui indiquer si ce plan n'apparaît pas comme une solution paradoxale, incomprise et dangereuse pour la présence des services publics au niveau local. Il souhaiterait donc vivement connaître son opinion sur cette préoccupante question.
Décision n° 2002-2809 du 19 décembre 2002
Le Conseil constitutionnel,
Vu la requête présentée par M. Yves Krattinger, demeurant à Chaux-la-Lotière (Haute-Saône), enregistrée à la préfecture du département de la Haute-Saône le 9 octobre 2002 et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé le 29 septembre 2002 dans le département de la Haute-Saône pour la désignation d'un sénateur ;
Vu le mémoire en défense présenté par M. Christian Bergelin, sénateur, enregistré au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 31 octobre 2002 ;
Vu les observations du ministre de l'intérieur, enregistrées comme ci-dessus le 25 novembre 2002 ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu la Constitution, notamment son article 59 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code électoral ;
Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et sénateurs ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs de la requête :
Considérant que M. Krattinger soutient, sans être contredit, que plusieurs délégués suppléants qui n'étaient pas inscrits sur la liste d'émargement ont été admis à voter en remplacement des délégués de conseils municipaux sans présenter de justificatifs attestant l'empêchement de ceux-ci ; qu'en l'absence d'annexion au procès-verbal de documents permettant au juge de l'élection d'exercer son contrôle, et compte tenu de l'écart d'une seule voix séparant, au second tour de scrutin, le nombre de suffrages recueillis par M. Krattinger de ceux recueillis par le candidat déclaré élu, il y a lieu d'annuler les opérations électorales contestées,
Décide :
Art. 1er. _ Les opérations électorales qui se sont déroulées le 29 septembre 2002 dans le département de la Haute-Saône pour la désignation d'un sénateur sont annulées.
Art. 2. _ La présente décision sera notifiée au président du Sénat et publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 décembre 2002, où siégeaient : MM. Yves Guéna, président, Michel Ameller, Jean-Claude Colliard, Olivier Dutheillet de Lamothe, Pierre Joxe et Pierre Mazeaud, Mmes Monique Pelletier, Dominique Schnapper et Simone Veil.
Le président,
Yves Guéna
MODIFICATION AUX LISTES DES MEMBRES
DES GROUPES
GROUPE UNION
POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE
(155 membres au lieu de 156)
Supprimer le nom de M. Christian Bergelin.
VACANCE D'UN SIÈGE DE SÉNATEUR
M. le président du Sénat a été informé par lettre du 23 décembre 2002, de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, qu'à la suite de l'annulation, le 19 décembre 2002, de l'élection de M. Christian Bergelin, sénateur de la Haute-Saône, le siège devenu vacant sera pourvu, selon les termes de l'article L.O. 322 du code électoral, par une élection partielle organisée à cet effet dans les délais légaux.
NOMINATION DES RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, DE LA DÉFENSE
ET DES FORCES ARMÉES
M. André Boyer a été nommé rapporteur du projet de loi n° 109 (2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lettonie relatif au statut de l'immeuble de la légation de la République de Lettonie à Paris ;
M. André Boyer a été nommé rapporteur du projet de loi n° 110 (2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lituanie relatif au statut de l'immeuble de la légation de la République de Lituanie à Paris ;
M. André Boyer a été nommé rapporteur du projet de loi n° 111 (2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Estonie relatif à l'indemnisation de la République d'Estonie pour l'immeuble de son ancienne légation à Paris ;
M. Louis Moinard a été nommé rapporteur du projet de loi n° 112 (2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif à la construction et l'entretien de ponts frontières sur le Rhin dont les parties contractantes n'assurent pas la maîtrise de l'ouvrage ;
M. Robert Del Picchia a été nommé rapporteur du projet de loi n° 113 (2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement et Son Altesse Sérénissime le prince de Monaco relatif à l'attribution et à l'utilisation par la société Télé Monte-Carlo de fréquences hertziennes terrestres pour la diffusion de son programme à partir d'installations d'émissions implantées en territoire français.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON
QUESTIONS ORALES
REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT
(Application des articles 76 à 78 du réglement)
Régime indemnitaire applicable aux agents d'entretien
des collectivités territoriales
123. - 13 décembre 2002. - M. Jean-Claude Peyronnet attire l'attention de M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire sur le régime indemnitaire applicable aux agents d'entretien des collectivités territoriales. En effet, suite à la modification des régimes indemnitaires des fonctionnaires de l'Etat par quatre décrets en date du 14 janvier 2002, les collectivités territoriales ont procédé par application du principe de parité à la refonte de leurs régimes indemnitaires. Or il semble qu'une difficulté ait surgi en ce qui concerne les agents d'entretien. En effet, suite à l'abrogation du décret du 6 octobre 1950, ces agents ne peuvent plus bénéficier du régime des indemnités horaires pour travaux supplémentaires (décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002). Aussi, certaines collectivités ont décidé d'appliquer à ces agents l'indemnité d'administration et de technicité (IAT) instituée par le décret n° 2002-61 du 14 janvier 2002. Or la circulaire du 11 octobre 2002 (ministère de l'intérieur/DGCL-NOR LBL BO2 10023C) indique l'inapplicabilité de l'IAT aux agents d'entretien en raison de l'équivalence avec les agents de travaux de l'équipement pour lesquels une prime spécifique existe (prime de l'article 4 du décret n° 91-875 du 6 septembre 1991). Cette interprétation est cependant discutable dans la mesure où la majorité des agents d'entretien des collectivités ne peut pas bénéficier des dispositions de l'article 4 du décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 car « ne participant [pas] aux travaux effectués par la collectivité ou l'établissement ». Par ailleurs, la circulaire du 11 octobre 2002 réaffirme dans le même temps que l'IAT consolide les IHTS versées forfaitairement, dispositif auquel étaient éligibles les agents d'entretien. Dans ces conditions, les services du contrôle de légalité ont relevé un risque d'illégalité des dispositifs mis en oeuvre par les collectivités. En conséquence, il souhaiterait, en vue d'éviter toute insécurité juridique, qu'il lui confirme la légalité de l'attribution de l'IAT aux agents d'entretien des collectivités territoriales en application des arguments ici développés.
Travaux sur la RN 10
entre Rambouillet - Pont de la Droue et Ablis
124. - 13 décembre 2002. - M. Gérard Larcher attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur l'échéancier et le financement de la mise à 2 × 2 voies de la RN 10 entre Rambouillet - Pont de la Droue et Ablis. Alors que le remembrement foncier est en cours d'achèvement, que les concessionnaires de réseaux ont engagé leurs travaux, qu'un calendrier a été présenté aux maires concernés par le directeur départemental de l'équipement en septembre dernier, il subsiste des interrogations sur la date de l'engagement du chantier et sur les moyens financiers affectés à l'ensemble du projet et notamment aux voies de désenclavement nécessaires. Tout retard, outre le fait qu'il s'inscrirait comme un contrepoint face à la grande cause nationale qu'est la sécurité routière, sur cette section qui a été le théâtre de tant de drames de l'insécurité, serait un manquement de l'Etat à sa signature dans le cadre du contrat de plan. En conséquence, il lui demande dans quels délais il compte prendre les mesures nécessaires pour mener à terme l'ensemble du projet.
Classification des communes et calcul de l'indemnité
de résidence des fonctionnaires
130. - 19 décembre 2002. - M. Jacques Peyrat souhaite appeler l'attention de M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire sur le caractère injuste et inadapté des critères d'attribution de l'indemnité de résidence versée aux fonctionnaires comme complément de rémunération afin de compenser les différences du coût de la vie d'une zone géographique à une autre. Le taux de cette indemnité varie en effet en fonction de trois zones, avec une taux de 3 % du traitement brut pour la zone 0, un taux de 1 % pour la zone 2 et 0 % pour la zone 3. Or le classement actuel des communes du territoire métropolitain dans ces différentes zones résulte pour l'essentiel d'une répartition opérée en 1945. Certaines communes ont depuis connu un développement démographique, économique et social, comme le département des Alpes-Maritimes. En effet, ce département, et notamment la ville de Nice, sont actuellement classés en zone 2 alors que le coût de la vie est connu pour y être très élevé dans bien des domaines, dont celui de l'immobilier. La faiblesse de l'indemnité allouée apparaît dès lors comme un obstacle certain à la mutation des fonctionnaires. Pour La Poste, le taux de refus atteint cette année le record de 80 %. Dans la police, le refus de mutation est également très important. Par ailleurs, cette situation apparaît d'autant plus injuste que le département du Var et le département des Bouches-du-Rhône voient le nombre de leurs communes en zone 0 augmenter au fil des années sans que le coût de la vie y soit plus élevé qu'à Nice. En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui faire connaîre s'il envisage une éventuelle révision du classement actuel des communes du territoire métropolitain afin de prendre en compte les réalités économiques locales et d'assurer l'égalité de traitement des fonctionnaires.
Situation de La Poste
131. - 2 janvier 2003. - M. Gérard Delfau attire l'attention de Mme la ministre déléguée à l'industrie sur la situation préoccupante que connaîtra La Poste avec l'ouverture progressive du secteur protégé du courrier à la concurrence. Il souhaite connaître les orientations du Gouvernement dans la négociation en cours sur le contrat de plan entre l'Etat et l'entreprise publique. D'une part, il voudrait savoir, notamment, si celui-ci envisage l'expérimentation d'un service public postal décentralisé, appuyé sur le réseau des agences et des bureaux, et organisé au niveau du département et des structures intercommunales. D'autre part, constatant l'accélération du désengagement du secteur bancaire par rapport aux territoires peu peuplés, aux quartiers sensibles et aux catégories sociales ayant de faibles revenus, il voudrait connaître son opinion sur la possibilité de confier à La Poste la mission d'assurer un service bancaire de base, incluant des prêts aux particuliers autres qu'immobiliers.
Suivi du sommet de la Terre de Johannesburg
132. - 2 janvier 2003. - M. Daniel Goulet, s'étant rendu à Johannesburg pendant toute la durée du sommet de la Terre, a pu prendre connaissance des études faites notamment sur la déforestation et ses effets au regard des changements climatiques. Lors d'un débat sur l'avenir de la sylviculture devant l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe en janvier 2002, il avait fait adopter un amendement visant à solliciter des Etats membres afin qu'ils interviennent auprès de leurs administrations pour tenter de limiter les consommations de papier. En effet, chaque parlementaire est bien conscient et s'indigne parfois de l'abondance, voire de l'excès de documents reçus chaque jour en particulier de certains ministères de certaines administrations. Ces derniers devraient montrer l'exemple par une réduction substantielle des publications sur papier d'autant plus inutile que la diffusion par voie électronique est désormais très répandue. Il interroge donc M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire pour savoir quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour engager son administration et ses services dans la voie des économies dans l'utilisation du papier. Economies qui seront profitables non seulement aux contribuables et au ministère du budget mais aussi qui iront dans le sens d'un plus grand respect des ressources naturelles de la planète qui constitue notre patrimoine commun.
Implantation des succursales de la Banque de France
133. - 6 janvier 2003. - M. Jean-François Picheral souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur le projet de plan de restructuration des missions et de l'implantation territoriale des succursales de la Banque de France. Outre les conséquences désastreuses d'un tel projet au niveau local, ce plan, annoncé il y a peu par son gouverneur, s'il venait à se concrétiser, mettrait à mal les missions fondamentales de proximité de ce prestigieux établissement. Ainsi, la mission, confiée par le législateur, d'assurer l'entretien et de gérer la bonne qualité de la circulation fiduciaire sur l'ensemble du territoire, serait assurément remise en cause, ce projet prévoyant de confier, sans aucune garantie de qualité et de sécurité, le recyclage des billets au secteur privé. De même, les missions de proximité au service du développement économique, telle l'expertise financière mise à la disposition des entreprises, mais également au service de la cohésion sociale, tels l'accueil des surendettés ou l'exercice du droit de compte, seraient elles aussi mises à mal. C'est pourquoi, au moment où la décentralisation est au coeur des débats de notre société, il lui demande de lui indiquer si ce plan n'apparaît pas comme une solution paradoxale, incomprise et dangereuse pour la présence des services publics au niveau local. Il souhaiterait donc vivement connaître son opinion sur cette préoccupante question.
Professionnalisation des métiers du domicile
134. - 9 janvier 2003. - M. Francis Grignon appelle l'attention de M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité sur le renforcement de la professionnalisation des métiers du domicile. Le 29 mars 2002, les partenaires sociaux ont signé un accord de branche relatif aux emplois, aux classifications et aux rémunérations afin de renforcer la professionnalisation des métiers du domicile. Les associations d'aide aux mères et aux familles à domicile participent à la mise en oeuvre des politiques d'action sociale et familiale. Elles interviennent auprès de familles, de personnes handicapées ou de personnes âgées qui rencontrent des difficultés de santé, d'autonomie ou d'insertion. Les efforts de professionnalisation du secteur de l'aide à domicile et de reconnaissance de ces métiers ont besoin d'être valorisés par de réelles définitions d'emploi, par une classification cohérente et par des grilles de rémunération attractives. Il le prie donc de bien vouloir lui indiquer les initiatives qu'il envisage de prendre afin que cet accord puisse être agréé et que son financement puisse être assuré de façon à pouvoir rémunérer comme il se doit les professionnels de ce secteur.
Situation des artisans du bâtiment
135. - 9 janvier 2003. - M. Claude Biwer demande à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation de bien vouloir préciser les mesures que le Gouvernement envisage de prendre visant à faciliter l'accès aux marchés privés et publics des artisans du bâtiment.
Statut de l'élu local
136. - 9 janvier 2003. - Mme Brigitte Luypaert demande à M. le ministre délégué aux libertés locales de bien vouloir préciser les mesures que le Gouvernement envisage de proposer visant à améliorer le statut de l'élu local notamment en ce qui concerne la formation, la retraite et l'aide au reclassement professionnel.
Prise en charge des personnes handicapées âgées
137. - 9 janvier 2003. - Mme Brigitte Luypaert demande à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées de bien vouloir préciser la suite que le Gouvernement envisage de réserver aux recommandations formulées par le Haut Conseil de la population et de la famille concernant le vieillissement des personnes handicapées et visant, notamment, à faciliter leur prise en charge au-delà de l'âge de soixante ans.
Conditions d'accueil des personnes handicapées
dans le département de l'Hérault
138. - 10 janvier 2003. - M. Gérard Delfau attire l'attention de Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées sur le sous-équipement alarmant du département de l'Hérault en matière d'accueil de personnes handicapées dans une structure spécialisée. Il n'existe aucun établissement pour les enfants gravement autistes, jusqu'à l'âge de douze ans. Ils sont pris en charge dans des IME qui n'ont ni les moyens financiers ni l'encadrement nécessaire. Au-delà de douze ans, un seul établissement est habilité à les accueillir dont la liste d'attente décourage les familles. Cette situation est ancienne et la forte croissance démographique du département vient l'aggraver. En tant que président de l'association L'Ensoleillade, qui gère un institut médico-éducatif (IME), une maison d'accueil spécialisée (MAS) et un service d'éducation spécialisé et de soins à domicile (SESSAD) sur sa commune, à Saint-André-de-Sangonis, il tire le signal d'alarme. En effet, il constate un malaise chez le personnel salarié : la mise en place des « 35 heures » et la faiblesse des moyens alloués ne lui permettent plus de s'occuper aussi bien que par le passé des résidents. C'est humainement insupportable pour le personnel d'encadrement, pour les patients et leur famille ainsi que pour les élus ! Par ailleurs, en tant que gestionnaire, il s'inquiète de l'arrivée prochaine du « budget global ». Sur la base actuelle, la MAS, sous-dotée au départ, serait promise à des difficultés quasi insurmontables. Or, pour tous ces points, il ne trouve aucun interlocuteur qui lui apporte, au niveau local, de solution. Il lui signale que les services déconcentrés du ministère, à Montpellier, sont tellement sous-équipés en personnel que, lors du conseil d'administration de L'Ensoleillade, le 25 octobre dernier, le budget « prévisionnel » de 2002 n'avait toujours pas été reçu ! Aussi, au nom des élus de cette instance, il lui demande quelles mesures elle compte prendre pour que cela ne se reproduise pas et qu'une mise à plat soit décidée et effectuée pour l'année 2003. Sans oublier de rendre hommage aux nombreux bénévoles qui oeuvrent dans ce secteur sensible.
Bases de calcul du FCTVA 2002
pour les communes de Saône-et-Loire
140. - 13 janvier 2003. - M. Jean-Patrick Courtois appelle l'attention de M. le ministre délégué aux libertés locales sur le problème que rencontrent un grand nombre de communes du département de Saône-et-Loire pour l'établissement des bases de calcul du fonds de compensation de la TVA (FCTVA) 2002. En effet, France Télécom ne participant plus à l'enfouissement des lignes, certaines communes ont pris les travaux à leur compte en effectuant cet enfouissement au cours de l'année 2000. Or l'administration refuse de prendre en compte ces travaux dans l'assiette du FCTVA 2002, en application d'une directive du ministère du budget datant de 2001. Il est certain que, si les communes avaient su en 2000, lorsqu'elles ont effectué les travaux, que ceux-ci ne seraient pas éligibles au FCTVA 2002, beaucoup d'entre elles auraient hésité à engager de telles dépenses. En effet, le département de Saône-et-Loire est essentiellement peuplé de petites communes rurales qui disposent de moyens financiers très limités. La charge financière liée au fait que les travaux d'enfouissement des lignes ne soient pas éligibles au FCTVA 2002 constitue une dépense beaucoup trop importante pour elles. En outre, cette charge financière, qui grève lourdement le budget des communes, les empêche de financer des dépenses d'investissement, ce qui est contraire à une politique d'aménagement du territoire de qualité et ne fait qu'accentuer la désertification des zones rurales. En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui indiquer s'il entend prendre promptement des mesures afin de rendre éligibles au FCTVA 2002 les travaux d'enfouissement des lignes effectués au cours de l'année 2000, et éviter ainsi aux communes une perte de ressources parfois importante.
Avenir du transport scolaire
141. - 13 janvier 2003. - M. René-Pierre Signé souhaiterait attirer l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur l'inquiétude des acteurs du transport par autocar, notamment scolaire. Le protocole d'accord de 1992 relatif au contrat de travail des conducteurs scolaires intermittents a été dénoncé. A compter d'avril 2003, les entreprises du secteur ne pourront plus recourir à des conducteurs intermittents qui devront être rémunérés à temps complet sur cinquante-deux semaines et non sur les trente-cinq de la période scolaire. La dénonciation de ce protocole d'accord par les syndicats entraînera de tels surcoûts que l'avenir des transports scolaires devient incertain. Cependant, un accord social a été signé le 18 avril dernier qui permettrait la continuation du service avec un accompagnateur économique des organisateurs du transport dans un cadre juridique que l'Etat devrait définir. Il souhaiterait connaître la position du Gouvernement sur ce problème très important en zone rurale.
Accidents du travail dans le secteur agroalimentaire
142. - 13 janvier 2003. - M. François Marc attire l'attention de M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité sur les conditions de travail des métiers de l'agroalimentaire et plus particulièrement sur les risques d'accidents du travail encourus par les employés de la profession. Particulièrement déterminants en Bretagne, les métiers de l'agroalimentaire, notamment ceux de l'abattage et de la conservation, révèlent un taux d'accidents du travail bien supérieur à ceux du régime général ainsi qu'un indice de fréquence (rapport du nombre d'accidents sur le nombre de salariés) plus élevé que pour l'ensemble de la France. Selon les statistiques de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) et de la direction des risques professionnels de la chambre d'agriculture de Bretagne, un salarié de l'abattage de bétail et de découpe de viande sur cinq est aujourd'hui susceptible de connaître un accident du travail par an (soit 225 pour 1 000 contre 46 pour 1 000 dans le régime général). Au-delà du coût financier causé par le coût direct des arrêts de travail représentant l'équivalent de huit cents emplois à temps plein, le coût humain de cet état de fait (maladies professionnelles, troubles musculo-squelettiques engendrés par le travail à la chaîne...) s'illustre à travers une pénibilité de ces métiers bien supérieure à celle de l'ensemble des autres secteurs professionnels. Il lui demande en conséquence quelles dispositions le Gouvernement compte mettre en oeuvre pour remédier à cette situation d'injustice vis-à-vis du risque encouru dans ce secteur et quelles évolutions il est envisagé de faire suivre au niveau de la réglementation du travail dans le but d'atténuer les risques personnels des salariés les plus exposés.
Indemnisation des victimes de l'amiante
143. - 13 janvier 2003. - M. Philippe Madrelle appelle l'attention de M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité sur le caractère nécessaire et indispensable d'une réparation juste et équitable en faveur des victimes de l'amiante. Il lui rappelle que, lors du dernier conseil d'administration du FIVA (Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante), une proposition commune émanant des associations de défense des victimes de l'amiante et des organisations syndicales avait été élaborée ; cette proposition concernant le barème médical et le principe du barème d'indemnisation va dans le sens d'une équitable réparation, mais les représentants des pouvoirs publics se sont abstenus. Les résultats de ce vote ne devant pas être entérinés et deux nouveaux membres venant d'être nommés au conseil d'administration du FIVA, il lui fait part de l'inquiétude légitime des membres des associations de défense des victimes de l'amiante qui attendent toujours réparation. Il lui rappelle que l'amiante cause le décès de trois mille personnes par an et que de nombreux départements sont cruellement touchés par ce fléau, en particulier celui de la Gironde. En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui préciser les mesures qu'il compte prendre afin que les familles des victimes de l'amiante obtiennent dans les plus brefs délais une indemnisation juste et équitable.
Porte-monnaie électronique « Monéo »
144. - 13 janvier 2003. - Mme Nicole Borvo attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation sur la mise en oeuvre problématique du porte-monnaie électronique « Monéo ». Actuellement, c'est un produit commercial conçu pour le seul bénéfice des banques qui ne rend que peu de services au consommateur. Les problèmes se posent à trois niveaux : les banques facturent « Monéo » au consommateur alors qu'elles disposent avec ce nouveau mode de paiement de nouvelles sources de revenus qui leur échappaient jusqu'alors ; le niveau de sécurisation de la puce est inconnu à l'heure actuelle ; de plus, en cas d'utilisation frauduleuse de « Monéo », des frais disproportionnés sont imputés au seul consommateur ; dans l'état actuel des choses, le terminal « Monéo » informe la banque via ses intermédiaires privés sur toutes les habitudes de consommation de la vie quotidienne ; se constituent ainsi des fichiers non protégés qui peuvent donner lieu à toutes les dérives. Elle lui demande quelles mesures compte prendre le Gouvernement vis-à-vis des banques afin que « Monéo », à l'instar de ce qui se passe dans d'autres pays de l'Union européenne, soit gratuit, sécurisé et respectueux de la vie privée des consommateurs.
Prise en charge du traitement
et des charges sociales des agents communaux
exerçant un mandat syndical
145. - 14 janvier 2003. - M. Jean-Pierre Demerliat attire l'attention de M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire sur la prise en charge des traitements et charges sociales des agents qui exercent un mandat syndical dans les petites collectivités locales. Dans les collectivités de plus de cinquante agents, les centres de gestion remboursent le traitement et les charges sociales des agents désignés par les organisations syndicales pour bénéficier des décharges d'activités de service ou d'autorisations spéciales d'absence. Dans les collectivités de moins de cinquante agents, où les autorisations spéciales d'absence font l'objet d'une répartition entre différentes organisations syndicales qui désignent parmi les agents de ces collectivités ceux qui les représentent, aucun remboursement n'est obligatoire. Ainsi donc, toute désignation d'agent par une organisation syndicale induit une charge extrêmement lourde pour les petites communes : elles doivent non seulement supporter le paiement du traitement et des charges du fonctionnaire en question mais également financer son remplacement. Il demande donc quelles mesures pourraient être envisagées afin que la prise en charge de l'exercice du droit syndical n'obère pas les finances des petites collectivités.