SEANCE DU 23 OCTOBRE 2001
M. le président.
La parole est à Mme Luc, auteur de la question n° 1142, adressée à M. le
ministre de l'éducation nationale.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le président, permettez-moi de vous féliciter à l'occasion de votre
nomination à ce poste.
Madame la ministre, il y a tout juste dix ans, étaient créés les instituts
universitaire de formation des maîtres. Avec l'ensemble de la communauté
éducative, je peux témoigner, pour m'être impliquée comme parlementaire dans
l'élaboration de la loi d'orientation de 1989 et comme actrice « sur le terrain
» avec la création de l'IUFM de Bonneuil, dans le Val-de-Marne, des progrès
importants que cette réforme a générés pour la formation des enseignants des
premier et deuxième degrés.
Aujourd'hui, des adaptations et des transformations sont indispensables au
regard des besoins nouveaux et très importants de recrutement et en termes
qualitatifs dans la préparation à un métier délicat soumis à des changements, à
des attentes, à des environnements en mutation incessante.
Dans le temps de parole qui m'est impartie, je dois me limiter à vous
interroger sur deux points, madame la ministre : l'urgence de réactiver les
prérecrutements et les incitations pour y parvenir, ainsi que la situation du
site de l'IUFM de Créteil à Bonneuil-sur-Marne, dont les locaux ne sont pas
achevés et qui manque de moyens humains.
En raison des départs en retraite, la moitié du corps enseignant devra être
renouvelé dans les dix ans à venir. En effet, 165 000 postes seront inscrits
aux concours des cinq prochaines années.
En décidant un plan pluriannuel de recrutement, comme nous l'avions inscrit
dans la loi d'orientation de 1989, le Gouvernement garantit, enfin, une
programmation intéressante, même si des inquiétudes subsistent quant au nombre
de postes ouverts au concours.
Sans vouloir faire preuve d'un pessimisme particulier - mais l'angélisme ne me
paraît pas non plus être de mise tant les situations sont inégales et
évolutives ! - « le spectre d'une crise des vocations », selon la formule
appuyée d'un journal du soir, pourrait cependant compromettre la réalisation du
programme pluriannuel.
Les dispositions que M. le ministre de l'éducation nationale a annoncées,
notamment sur la formation et les calendriers des concours, sur
l'accompagnement des stagiaires et la réforme des IUFM, sont porteuses
d'améliorations. Mais, n'y a-t-il pas lieu, madame la ministre, pour stimuler
de manière significative et dans la durée, les vocations, de rétablir les
prérecrutements, en prévoyant une allocation, à l'instar de ce qui se passait
dans les anciens instituts de préparation aux enseignements de second degré ?
Une telle mesure, que je suggère vivement et que j'avais déjà évoquée à
l'occasion de la discussion du budget pour 2000, permettrait à la fois
d'assurer un vivier suffisant de nouveaux enseignants et de diversifier, plus
et mieux, les origines et les profils de ceux-ci, ce qui, à terme, aurait des
conséquences positives sur l'ensemble du système éducatif.
Concernant l'IUFM de l'académie de Créteil, qui s'est installé dans l'ancienne
école normale, la question des locaux est cruciale, car ils sont inadaptés. Or
il faudra accueillir un nombre croissant de stagiaires du fait des besoins
nouveaux de cette académie.
C'est le cas pour la formation des professeurs des écoles, dont certains
d'entre eux devraient être hébergés à Saint-Maur, ce qui serait une solution de
fortune.
Quant aux professeurs du secondaire, ils ne disposent toujours pas d'un site
spécifique. L'éparpillement et la dispersion sont la règle depuis le début.
Il faut achever les locaux nécessaires pour cet IUFM. Je vous demande donc,
madame la ministre, de bien vouloir me faire part des engagements du ministre
de l'éducation nationale s'agissant de cet établissement.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées.
Vous avez évoqué, madame la sénatrice, un manque de moyens dans les IUFM. M.
Jack Lang me prie de vous préciser que, dès cette année, il a demandé aux
recteurs de mettre à la disposition des IUFM quatre-vingt-deux postes de
professeur des écoles et une centaine de postes de professeur du second degré.
A la rentrée 2002, cent postes supplémentaires seront affectés aux IUFM.
Parallèlement, une réflexion est menée sur le système actuel des allocations
d'études : une enquête sera réalisée pour mesurer l'efficacité d'un tel
dispositif.
Par ailleurs, que le nombre des candidats aux concours de recrutement soit un
peu moins élevé ne signifie pas pour autant qu'il y ait une crise de
recrutement. Le nombre d'inscrits aux concours par poste à pourvoir a très
légèrement baissé, mais tous les postes du premier degré et du second degré
sont pourvus, alors qu'il n'y avait que 89 % de postes pourvus les années
précédentes.
Néanmoins, il ne faut pas oublier que le nombre de candidats aux concours
reste encore important, puisqu'il est, dans certaines disciplines, de dix
inscrits pour un poste. Cette proportion constitue sans doute un gage de
qualité, mais elle est coûteuse sur le plan humain, car neuf candidats sur dix
voulant devenir enseignants sont « recalés ».
Compte tenu de l'augmentation des besoins dans les années à venir, on peut
considérer que l'on se dirige vers une situation où l'on compte de quatre à
cinq candidats par poste, toutes disciplines confondues, ce qui est tout à fait
convenable. Pour les académies déficitaires en candidatures pour les concours
de professeur des écoles, M. le ministre de l'éducation nationale a souhaité
que l'on organise désormais les concours à des dates différentes, afin de
donner plus de chances aux étudiants qui veulent vraiment devenir enseignants.
Ainsi, par exemple, les candidats de Grenoble ou de Bordeaux pourront se
présenter dans l'académie de Créteil.
On dit souvent que le métier d'enseignant est de moins en moins attractif. Or
les enquêtes prouvent au contraire qu'il y a toujours autant de jeunes
souhaitant devenir enseignants. En outre, une enquête récente montre que, au
bout d'un an, 80 % des enseignants expriment leur satisfaction d'avoir choisi
ce métier.
La réforme des IUFM qui a été entreprise est d'ailleurs destinée à rendre le
métier d'enseignant plus attractif, grâce à une rénovation de leur formation et
au dispositif d'accompagnement des nouveaux professeurs, qui bénéficient de
temps de formation complémentaire. Ces derniers se trouvent ainsi mieux
accompagnés dès leurs premiers contacts avec une classe. Dès cette année, ce
dispositif est expérimenté dans les académies de Créteil et de Versailles : il
sera étendu progressivement à toutes les académies. Vous savez également,
madame la sénatrice, que dans les zones d'éducation prioritaires un nouveau
dispositif permet à des équipes structurées de demander une affectation
collective dans un même établissement scolaire.
Mme Hélène Luc.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole et à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Je voudrais réagir brièvement à vos propos, madame la ministre.
Je vous remercie de votre réponse, mais je constate que vous ne dites rien sur
les problèmes de l'agrandissement de l'IUFM de Créteil. Je pense que nous
saisirons à nouveau le ministre de l'éducation nationale sur ce sujet.
Vous me confirmez un certain nombre d'engagements pris en faveur des IUFM en
vue de palier d'éventuels déséquilibres entre l'offre de recrutement dans les
années à venir et l'afflux nécessaire de candidats.
Je partage pleinement votre préoccupation de maintenir une qualité affirmée
dans le recrutement et la nécessité de toujours mieux préparer les futurs
enseignants à leur mission, dans des conditions qui peuvent parfois être
périlleuses ; la région parisienne en est hélas ! trop souvent
l'illustration.
Je ne veux pas, moi non plus, céder au catastrophisme. C'est pourquoi j'ai à
coeur que soit relevé ce défi du renouvellement et de la formation des
enseignants. Il y a des foyers d'incertitude et d'inquiétude ; il y a des
secteurs où, manifestement, il faudra faire preuve de volontarisme et prendre
des mesures encore plus spécifiques.
C'est pourquoi je réitère fortement ma proposition d'étudier la mise en oeuvre
d'une politique de prérecrutement, avec le rétablissement de bourses ou
d'allocations destinées aux étudiants motivés, j'y insiste, et ayant besoin de
soutien financier. Mais nous pourrons en rediscuter lors de l'examen du projet
budget pour 2002.
Quant à l'IUFM de Créteil et à la nécessité de parachever ses implantations,
je demande à M. le ministre de l'éducation nationale d'engager avec tous les
intéressés une concertation permettant de définir les solutions et de les
programmer dans le temps.
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
Madame la sénatrice, je transmettrai, bien sûr, votre
réponse au ministre de l'éducation nationale. Mais je dois dire, à titre
personnel, que l'idée de présélection des élèves pour soutenir leur engagement
dans le métier d'enseignant est tout à fait excellente.
D'ailleurs, lorsque j'étais ministre en charge de l'enseignement scolaire,
j'ai créé, vous le savez, des bourses du mérite pour les bons élèves en classe
de troisième...
Mme Hélène Luc.
Absolument !
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
... afin de leur permettre ensuite d'accéder à un
encadrement éducatif, à des internats et de se projeter dans ce métier
d'enseignant.
Mme Hélène Luc.
Cela se pratique d'ailleurs dans l'enseignement professionnel !
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
Tout à fait ! En effet, ces élèves n'ont pas forcément
nourri cette ambition ou n'ont pas eu la chance d'avoir des parents qui
pouvaient les projeter vers ce métier d'enseignant. Je pense qu'il y a là un
blocage psychologique à surmonter pour que d'excellents élèves, issus, de
surcroît, de familles modestes, puissent s'orienter vers ce métier d'enseignant
et bénéficier de dispositifs d'accompagnement et de présélection dès la sortie
du collège.
ASSOUPLISSEMENT DES RÈGLES
RELATIVES AU CONTRÔLE
DES BATEAUX À PASSAGERS