SEANCE DU 7 JUIN 2001


M. le président. « Art. 9. - Les crédits ouverts sur chaque programme sont limitatifs, sous réserve des dispositions prévues aux articles 10 et 24.
« Sauf dispositions spéciales d'une loi de finances prévoyant un engagement par anticipation sur les crédits de l'année suivante et sans préjudice des autres exceptions au principe de l'annualité qui pourront être apportées par le décret prévu à l'article 6, les dépenses ne peuvent être engagées et ordonnancées que dans la limite des crédits ouverts.
« Les plafonds des autorisations d'emplois sont limitatifs. »
Par amendement n° 29 rectifié, M. Lambert, au nom de la commission, propose de rédiger ainsi cet article :
« Sauf dispositions spéciales d'une loi de finances prévoyant les conditions dans lesquelles des dépenses budgétaires peuvent être engagées par anticipation sur les crédits de l'année suivante, nulle dépense ne peut être engagée sur les crédits d'une année ultérieure.
« Les crédits ouverts au titre d'une année ne créent aucun droit au titre de l'année suivante. Toutefois, et sous réserve des dispositions de l'article 20 bis :
« les autorisations d'engagement disponibles à la fin de l'année, sauf celles ouvertes sur le titre des dépenses de personnel, peuvent être reportées par arrêté conjoint du ministre chargé des finances et du ministre intéressé, sur le même programme ou, à défaut, sur un programme poursuivant les mêmes objectifs ;
« les crédits de paiement disponibles à la fin de l'année, au sein d'un programme, correspondant à des dépenses effectivement engagées, peuvent être reportés par arrêté conjoint du ministre chargé des finances et du ministre intéressé, dans la limite, pour les crédits pour dépenses de personnel, de 3 % des crédits initiaux de ce titre, et, pour les autres crédits, de 3 % des crédits initiaux de l'ensemble des autres titres ; ces plafonds peuvent être relevés par arrêté conjoint du ministre chargé des finances et du ministre intéressé ; les reports de crédits effectués en application du cinquième alinéa du présent article ne sont pas pris en compte pour apprécier la limite fixée au présent alinéa ;
« les crédits ouverts en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 18, disponibles à la fin de l'année, sont reportés par arrêté du ministre chargé des finances dans des conditions assurant le respect de l'intention de la partie versante.
« Les arrêtés de reports de crédits sont publiés au plus tard le 15 mars de l'année sur laquelle les crédits sont reportés. Avant le 31 mars, le Gouvernement dépose sur le bureau de l'Assemblée nationale et du Sénat un rapport présentant, par programme ou par dotation, l'impact sur les crédits disponibles des reports et engagements prévus au présent article, ainsi que la justification des relèvements du plafond mentionné au quatrième alinéa. »
Cet amendement est assorti de trois sous-amendements.
Les deux premiers sont présentés par M. Charasse.
Le sous-amendement n° 179 tend, dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 29 rectifié pour l'article 9, après les mots : « engagées par anticipation », à insérer les mots : « et à titre exceptionnel ».
Le sous-amendement n° 180 vise, au début du deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 29 rectifié pour l'article 9, à ajouter les mots : « Sous réserve de l'alinéa ci-dessus et de l'article 18 ci-après, ».
Le sous-amendement n° 181 rectifié est déposé par MM. Charasse, Angels et les membres du groupe socialiste et apparentés. Il a pour objet :
I. De rédiger comme suit le troisième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 29 rectifié pour cet article 9 :
« - les autorisations d'engagement disponibles à la fin de l'année sont reportées sur le même programme par arrêté du ministre chargé des finances ; la disponibilité s'entend déduction faite des crédits reçus par virement ; ».
II. - De rédiger comme suit le début du quatrième alinéa du même texte :
« - les crédits de paiement disponibles, à la fin de l'année, au sein d'un programme sont reportés, par arrêtés conjoint du ministre chargé des finances et du ministre intéressé, dans la limite,... ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 29 rectifié.
M. Alain Lambert, rapporteur. Par cet amendement, la commission propose une nouvelle rédaction de l'article 9 relatif au caractère limitatif des autorisations budgétaires, en modifiant largement son contenu, afin d'y inscrire les dispositions relatives aux reports de crédits et aux engagements par anticipation, qui constituent des dérogations au principe de l'annualité budgétaire qu'évoquait M. Charasse à l'instant.
Le premier et le dernier alinéa de l'article 9 du texte adopté par l'Assemblée nationale, qui mentionnent le principe de limitativité des crédits et des plafonds des autorisations d'emplois, sont repris au II et au III de l'article 7. Il s'agit d'une coordination.
Le deuxième alinéa de l'article 9 du texte adopté par l'Assemblée nationale trouve, en revanche, toute sa place dans cet article, puisqu'il mentionne les exceptions au principe de l'annualité, notamment les engagements par anticipation.
Les autres dispositions que je vous propose d'inscrite à l'article 9 figurent à l'article 16 du texte adopté par l'Assemblée nationale, dont la suppression vous sera proposée. Il s'agit, là encore, de coordination.
Je suis désolé de vous donner toutes ces explications, mais elles sont indispensables à la bonne compréhension de nos travaux.
Les questions des engagements par anticipation et des reports de crédits, sur lesquelles porte le présent amendement, sont des sujets essentiels, car ils touchent à la fois à la gestion des crédits et à l'information du Parlement.
Plusieurs solutions étaient envisageables, notamment celle d'une interdiction totale des reports de crédits et des engagements par anticipation, solution qui a le mérite de la simplicité et du respect strict du principe de l'annualité des crédits, mais qui ne contribue pas à une gestion saine et efficace des crédits pour les gestionnaires.
Votre commission a considéré qu'il était conforme à la logique de la réforme de permettre une grande souplesse de gestion en contrepartie - il est très important de le souligner - d'une information précise du Parlement.
C'est dans cet esprit que je vous propose de modifier les dispositions du texte adopté par l'Assemblée nationale.
S'agissant des engagements par anticipation, l'article 11 de l'ordonnance portant loi organique prévoit qu'une disposition spéciale de loi de finances peut prévoir un engagement par anticipation sur les crédits de l'année suivante. Cette possibilité, reprise à l'article 9 du texte adopté par l'Assemblée nationale, est pratiquement tombée en désuétude ; je parle sous le contrôle du Gouvernement. Les engagements de crédits par anticipation s'effectuent en effet sur la base de l'article 8 du décret du 14 mars 1986.
L'Assemblée nationale, en prévoyant également à l'article 6 que des engagements de crédits par anticipation peuvent être autorisés dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, ne semble pas remettre en cause l'existence de ce décret. Elle prévoit donc deux possibilités d'engager des crédits par anticipation : l'une par une disposition de loi de finances, l'autre par décret.
Votre rapporteur a considéré que, d'une part, il était préférable de conserver une seule procédure pour autoriser l'engagement de crédits par anticipation et, d'autre part, qu'une loi de finances devait être le support juridique d'une telle autorisation, qui constitue une dérogation importante au principe de l'annualité des crédits.
Le présent amendement prévoit donc que la loi de finances seule puisse déterminer les conditions dans lesquelles des dépenses budgétaires peuvent être engagées par anticipation sur les crédits de l'année suivante, ce qui n'empêche pas par ailleurs de reprendre un dispositif similaire, par sa portée générale, à celui du décret du 14 mars 1986.
S'agissant des reports de crédits, il vous est proposé que les autorisations d'engagement disponibles à la fin de l'année puissent être reportées par arrêté conjoint du ministre chargé des finances et du ministre intéressé, sans limite de montant, sauf les autorisations d'engagement disponibles sur le titre des dépenses de personnel, dont le report serait interdit.
Pour les crédits de paiement correspondant à des dépenses effectivement engagées, les conditions de report seront identiques, dans la limite d'un plafond de 3 % des crédits initiaux.
Enfin, les crédits des fonds de concours seront reportés par arrêté du ministre chargé des finances.
Le fait que les arrêtés de report de crédits devront être pris conjointement par le ministre chargé des finances et par le ministre intéressé permettra de faire dépendre les reports de crédits d'une véritable discussion entre le ministre chargé des finances et les ministres « dépensiers ».
Ce dispositif limitera, certes, la capacité du ministre des finances de décider de manière unilatérale des reports de crédits, mais il n'empêchera pas ce dernier d'exercer, en quelque sorte, un droit de veto sur les reports si la situation économique et budgétaire l'exigeait.
Ce dispositif devrait offrir la souplesse de gestion nécessaire, tout en assurant une bonne information du Parlement, ce qui est le souhait de la commission.
M. le président. La parole est à M. Charasse, pour défendre les sous-amendements n°s 179, 180 et 181 rectifié.
M. Michel Charasse. Pour ce qui est du sous-amendement n° 179, je reviens à la règle de l'annualité budgétaire, qui découle de la notion d'exercice visée à l'article 47 de la Constitution pour rappeler que, normalement, les crédits ne peuvent être utilisés que pendant l'année qui correspond à celle du budget voté.
Pour des raisons de commodité, l'ordonnance de 1959 a permis de déroger à cette règle, avec l'autorisation du Parlement, pour certaines dépenses qui figurent dans la loi de finances dans un état annexe spécialisé.
Mais l'ordonnance n'a jamais été examinée par le Conseil constitutionnel ni déclarée conforme. Je pense que le Conseil constitutionnel sera particulièrement vigilant sur cette question de l'annualité budgétaire.
Par précaution, j'avais alors suggéré que l'amendement n° 29 rectifié de la commission précise que les dépenses engagées par anticipation le sont « à titre exceptionnel », de façon à essayer de ne pas faire apparaître que cela risque de devenir la règle habituelle, ce qui porterait atteinte au principe de l'annualité budgétaire.
Le sous-amendement n° 180 est un sous-amendement rédactionnel de précision.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 181 rectifié, c'est un peu plus compliqué. Les reports ne peuvent être effectués qu'à partir des arrêtés comptables précis qui sont établis par le ministre chargé des finances. Je suggère que celui-ci soit seul habilité à signer les arrêtés de report des autorisations d'engagement et des fonds de concours. Mais, bien entendu, le ministre intéressé peut, à mon avis, sans aucun inconvénient, être associé à la signature des reports de crédits de paiement.
J'ai d'ailleurs le sentiment que, depuis que j'ai rédigé ce sous-amendement, M. le rapporteur a accepté de modifier une partie au moins de son dispositif (M. le rapporteur fait un signe d'approbation) pour tenir compte des observations gentilles qui lui avaient été adressées en commission.
Par ailleurs, il est généralement impossible, pour des raisons techniques, de distinguer, au sein des crédits disponibles, la part des crédits engagés et non engagés.
Il est donc préférable de faire référence aux crédits disponibles plutôt qu'aux crédits correspondant à des dépenses effectivement engagées.
Ce point est technique et ce n'est pas parce qu'on vote un texte que les difficultés administratrives de son application seront résolues par miracle.
En outre, il semble difficile de retenir la notion de programme poursuivant les mêmes objectifs. Le terme « objectifs » fait en effet référence à la fois à des indicateurs et à la mesure de performances. J'ai dit tout à l'heure ce que j'en pensais ; je ne m'étendrai donc pas afin de ne pas alourdir le débat.
En outre, dans le système de budgétisation par destination, deux programmes ne peuvent pas poursuivre le même objectif parce que, dans ce cas, si je m'en tiens au texte que nous sommes en train de voter, les deux programmes ne pourront en former qu'un seul.
Enfin, le report des crédits de paiement de personnel n'est pas interdit dans le texte, alors que celui des autorisations d'engagement des dotations en espèces est exclu.
Par conséquent, s'il faut reporter les crédits de personnel, il faudra trouver un moyen pour ouvrir des autorisations d'engagement correspondantes et, si l'on est en fin d'année, aucune rectification ne sera possible. Je ne sais pas comment on pourra reporter un crédit qui existe, mais qui correspond à une autorisation d'engagement qui n'existe pas.
Pour éviter ce genre de complication, je suggère d'autoriser en ce cas - ce n'est pas que j'approuve le système, mais j'essaye de proposer une rédaction satisfaisante - qu'en matière de dépenses de personnel il y ait un report possible à la fois des engagements et des paiements.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements n°s 179, 180 et 181 rectifié ?
M. Alain Lambert, rapporteur. S'agissant du sous-amendement n° 179, l'engagement de dépenses par anticipation constitue une atteinte au principe de l'annualité des crédits, qui est rendue nécessaire par des contraintes de gestion. Il ne paraît donc pas déplacé d'indiquer que cette exception est autorisée dans des conditions prévues par une loi de finances « à titre exceptionnel », cette précision ne changeant rien au dispositif proposé.
Comme je l'ai indiqué en commission à Michel Charasse, il est vrai que nous avons essayé d'écrire ces textes dans la meilleure langue possible et que nous avons chassé les adverbes comme « notamment » ou les expressions telles que « à titre exceptionnel », que nous avons tendance à ajouter à chaque détour de phrase.
Je fais une proposition de sagesse : si Michel Charasse y tient, le Sénat peut voter ce sous-amendement. Mais le fait que nous en ayons parlé permet d'interpréter le texte en considérant que l'expression « à titre exceptionnel » est induite dans notre dispositif.
La précision rédactionnelle qu'apporte le sous-amendement n° 180 ne nous paraît pas indispensable à la bonne compréhension du dispositif et les références mentionnées ne nous paraissent pas correspondre parfaitement au fait que les crédits ouverts au titre d'une année ne créent aucun droit au titre de l'année suivante.
C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
S'agissant, enfin, du sous-amendement n° 181 rectifié, je remercie M. Charasse d'avoir souligné que j'avais rectifié l'amendement de la commission parce qu'il avait très opportunément attiré mon attention sur l'imperfection initiale dont il souffrait. Son sous-amendement se trouve donc en partie satisfait.
Cependant, la commission reste attachée au fait que les ministres dépensiers - c'est ainsi qu'on les appelle, bien que le mot ne soit pas très sympathique pour eux - soient associés à la signature des arrêtés de report de crédits et des autorisations d'engagement. Elle souhaite également que les crédits de paiement ne puissent être reportés que dans la limite des dépenses effectivement engagées, comme cela est prévu dans le texte transmis par l'Assemblée nationale.
Par ailleurs, la limite posée en matière de dépenses de personnels vise à garantir le respect très strict de l'autorisation annuelle de dépenser donnée par le Parlement en la matière, le report des seuls crédits de paiement correspondant à des dépenses effectivement engagées mais qui n'auraient pu être payées au cours de l'année étant permis.
Enfin, la possibilité de reporter des crédits sur un programme poursuivant les mêmes objectifs vise seulement à prévoir le cas ou l'intitulé d'un programme serait modifié d'une année sur l'autre.
Pour toutes ces raisons, la commission des finances a émis un avis défavorable sur le sous-amendement n° 181 rectifié.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 29 rectifié et sur les sous-amendements n°s 179, 180 et 181 rectifié ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Je commencerai par m'exprimer sur le sous-amendement n° 179.
En cet instant du débat, il me semble utile de revenir sur ce qui m'apparaît d'ores et déjà comme une souplesse qui avait été consentie aux gestionnaires. En effet, le sous-amendement n° 179 vise à limiter l'utilisation de l'engagement par anticipation. Or, aujourd'hui même, les gestionnaires, pour pouvoir réaliser des opérations urgentes dès le début de l'exercice ou pour pouvoir mettre à disposition des services déconcentrés des dotations dès le début de l'année, utilisent cette procédure de l'engagement par anticipation.
Si l'on allait dans le sens du sous-amendement, c'est-à-dire si on limitait cet usage à des cas exceptionnels, cela conduirait, de fait, à revenir en arrière par rapport à ce qu'est la pratique actuelle, et donc à priver les services d'une certaine souplesse de gestion. Je ne crois pas que ce soit là le sens de la démarche.
En revanche, le Gouvernement est tout à fait favorable aux sous-amendements n°s 180 et 181 rectifié, car il s'agit notamment de rétablir la compétence du ministère chargé des finances sur les opérations de report de crédits. Cela est souhaitable, pour les raisons de sécurité comptable qui ont été mentionnées, tant pour les autorisations d'engagement que pour les crédits de paiement.
Cela dit, je serais plus favorable, s'agissant des crédits de paiement, à l'établissement d'arrêtés de report qui seraient signés du seul ministre des finances. Cela permettrait de regrouper les textes et d'accélérer le traitement des reports, plutôt que de recourir, comme il est proposé, à des arrêtés interministériels, ce qui conduit à établir un texte par ministère, et donc à ralentir inévitablement la préparation de ces actes qui sont toujours très attendus par les gestionnaires.
Le sous-amendement n° 181 rectifié vise aussi à faire référence aux crédits disponibles plutôt qu'aux crédits qui correspondent à des dépenses effectivement engagées. Je crois en effet que cette rectification est souhaitable, car la notion de crédit correspondant à des dépenses effectivement engagées est, il est vrai, assez difficilement praticable dans les faits.
Enfin, je partage totalement le souci de M. Charasse d'harmoniser le traitement des autorisations d'engagement et des crédits de paiement qui sont affectés aux dépenses de personnel.
L'amendement n° 29 rectifié est important, car il modifie de manière assez sensible le dispositif des reports de crédits tel qu'il a été voté en première lecture par l'Assemblée nationale. En gros, vous proposez, monsieur le président, d'apporter trois grandes modifications à ce dispositif.
La première concerne le mode de mise en oeuvre des reports, qui prendrait la forme d'un arrêté du seul ministre gestionnaire, sauf décision contraire prise par arrêté conjoint du ministre des finances et du ministre intéressé.
Cette procédure, permettez-moi de vous le dire, apparaît très complexe.
M. Alain Lambert, rapporteur. L'amendement a été rectifié !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Elle risque de multiplier les niveaux de discussion et elle ne contribuera pas au respect des délais serrés dans lesquels vous proposez par ailleurs de placer ces opérations.
J'ajoute que la proposition priverait le ministre des finances d'une prérogative qui lui est traditionnellement accordée dans un domaine, celui de l'exécution budgétaire et du respect de l'équilibre, qui est fixé par la loi de finances et qui relève directement de sa responsabilité.
Je note également que vous rigidifiez encore le mécanisme des reports en proposant de ne reporter que des crédits de paiement sur les titres des dépenses de personnels, ce qui n'est pas opérationnel. En effet, on ne saurait plus engager les crédits correspondants à ces crédits de paiement reportés, puisqu'il n'y aurait plus d'autorisations d'engagement disponibles.
Enfin, vous ajoutez une rigidité en cloisonnant les possibilités de report entre, d'un côté, le titre des personnels et, de l'autre, les autres titres.
De ce point de vue, je préférerais que l'on en revienne à une rédaction plus proche de celle de l'Assemblée nationale, rédaction qui reprendrait cependant l'ouverture que vous prévoyez dans votre amendement, notamment à partir de son cinquième alinéa, pour les cas où les crédits reportés devraient dépasser les 3 % fixés par l'Assemblée nationale.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 179.
M. Yves Fréville. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. En fait, je ne comprends plus grand-chose.
M. Michel Charasse. C'est à cause de l'heure tardive !
M. Yves Fréville. Non, n'ayez aucune crainte à ce sujet, mon cher collègue !
Je ne parviens pas à comprendre comment on peut spécialiser les engagements de dépenses par anticipation dans le cadre de programmes. Si mes souvenirs sont exacts, les engagements de dépenses par anticipation concernaient, par exemple, certaines dépenses de personnels des unités de la flotte ; ils pouvaient concerner également des paiements de retraite, et bien d'autres choses.
Maintenant que tous les crédits seront cogérés dans des programmes, comment pourra-t-on autoriser des engagements par anticipation sur une fraction de ces crédits ?
J'aimerais avoir une réponse à cette question, car cela conditionnera mon vote.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 179, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 180.
M. Michel Charasse. Je le retire, monsieur le président M. le président. Le sous-amendement n° 180 est retiré.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 181 rectifié.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je dois dire que, malgré la rectification plus que rédactionnelle, de fond, à laquelle il a été procédé dans l'amendement de la commission, rectification heureuse que j'approuve, je ne suis toujours pas persuadé du caractère heureux du système qui nous est proposé.
Mes chers collègues, la gestion budgétaire, ce n'est pas seulement un rêve ; c'est une action au jour le jour qui repose sur un certain nombre de réalités. Or les opérations qui sont visées ici sont la plupart du temps - Mme le secrétaire d'Etat vient de le dire - des opérations de fin d'année, qui doivent être prises dans des délais exceptionnellement brefs. Il faut donc éviter que l'on n'ait à se prendre la tête pendant des heures pour savoir si c'est disponible ou non, si c'est engagé ou pas... Tout cela se passe quelquefois entre Noël et le 1er janvier, et il faut aussi penser à celles et à ceux qui, le Parlement une fois parti en vacances, sont toujours au travail, après avoir suivi la discussion budgétaire avec nous, pour poursuivre l'exécution normale des opérations à bon délai.
Même si l'on a parfois envie d'embêter le ministère des finances - je ne dirai pas de se venger, en tout cas pas dans cette assemblée ! - d'être quelque peu hargneux à son égard, il faut tout de même, dans un souci de réalisme, éviter d'imposer des contraintes qui, d'ailleurs - je le dis tout de suite - ne seront pas respectées parce qu'elle ne pourront pas l'être.
J'appelle donc l'attention sur le fait que, dans cette affaire, il y aura des actes irréguliers. Mais, pour les porter en contentieux, il faut avoir un intérêt pour agir, et je ne vois pas très bien qui aura intérêt pour ce faire. Cela étant, on peut toujours se faire plaisir et voter des grands principes, grands principes qu'on ne respectera pas !
Je remercie le Gouvernement d'avoir accepté mon sous-amendement n° 181 rectifié, dont la rédaction, monsieur le rapporteur, peut d'ailleurs être améliorée au cours de la navette. Il faut, dans cette affaire, abandonner toute vanité d'auteur, sinon on n'en sortira pas. Je suis donc ouvert à toutes les propositions qui permettraient éventuellement d'améliorer mon texte. Moi, j'essaie de coller à la réalité, et elle n'est pas si simple !
Dans les collectivités locales, nous sommes dispensés de ces reports de fin d'année, et les gestionnaires que nous sommes tous ici, en tout cas ceux qui restent à cette heure tardive, puisque nous ne sommes plus que trois ou quatre et que, tout à l'heure, M. le rapporteur finira tout seul - ce sera parfait, il pourra dialoguer avec lui-même ! - ne peuvent que se féliciter que les collectivités locales ne soient pas soumises à ce genre de formalités ; sinon nous passerions vraiment des fins d'année épouvantables !
Pour tous ces motifs, je voterai, bien entendu, mon sous-amendement n° 181 rectifié.
M. Alain Lambert, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert, rapporteur. M. Charasse sait que j'ai trop d'amitié, et même d'affection, pour lui pour le laisser dire des choses qui ne sont pas justes.
M. Michel Charasse. Chacun voit minuit à sa porte ! (Sourires.)
M. Alain Lambert, rapporteur. Si nous pouvions choisir chacun l'heure de levée de notre séance, il n'y aurait plus de vie possible dans cette assemblée.
M. Michel Charasse. Elle va être levée à titre individuel !
M. Alain Lambert, rapporteur. C'est pourquoi je suis les décisions prises par la communauté de ceux qui veulent travailler.
Cela étant dit, pour ce qui me concerne, je suis totalement incapable de régler des comptes avec tel ou tel ministère.
M. Michel Charasse. Je n'ai pas dit cela !
M. Alain Lambert, rapporteur. Je n'ai pas, comme vous, la chance, ou l'inconvénient - je ne sais ! - d'avoir été membre de l'exécutif. Donc, personnellement, je ne connais que le Gouvernement, et je ne crois pas qu'il soit bon pour l'équilibre de nos institutions, ni du meilleur goût, que le Parlement arbitre entre les différents ministères. Par conséquent, personnellement, je n'entrerai pas dans cette démarche, et je ne souhaite pas être accusé d'y entrer.
M. Michel Charasse. Ce n'est pas ce que j'ai dit !
M. Alain Lambert, rapporteur. Eh bien, je vous en donne acte !
M. Michel Charasse. J'ai dit que c'était plutôt le fait d'une autre assemblée ! (Sourires.)
M. le président. Laissez parler M. le rapporteur, non leur collègue.
M. Alain Lambert, rapporteur. Ces échanges sont utiles, monsieur le président. (Sourires.)
Madame la secrétaire d'Etat, pour nos collègues, qui trouvent peut-être nos échanges un peu abscons, il faut préciser que les reports des crédits de paiement sur les dépenses de personnel visent seulement à payer des dépenses qui auraient été engagées à la fin de l'année. La commission des finances n'a pas de tentations dépensières et je ne voudrais pas qu'on lui donne la réputation contraire dans la maison. Aucun sénateur ici présent - et ils sont bien nombreux, monsieur Charasse, bien plus nombreux que ceux que vous avez décomptés - ne doit craindre que je n'incite le Sénat à engager des dépenses nouvelles. Cela étant précisé, les explications qui nous ont été données ne sont pas, pour la commission, convaincantes et je ne peux pas changer l'avis défavorable qu'elle m'a demandé d'exprimer.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 181 rectifié, repoussé par la commission et accepté par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 29 rectifié, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous avons entamé la discussion des articles voilà quatre heures déjà et nous n'avons examiné que soixante amendements, soit quinze amendements par heure ; il en reste deux cent vingt-cinq. A ce rythme, il nous faudra encore quinze heures de débat. J'en suis à me demander s'il est opportun de continuer nos travaux. Quel est votre sentiment, monsieur le rapporteur ?
M. Alain Lambert, rapporteur. Monsieur le président, nous devons être responsables.
M. Michel Charasse. Responsables ? Nous sommes - permettez-moi de compter - un, deux, trois, quatre, cinq,...
M. Alain Lambert, rapporteur. Je croyais que les deux assemblées souhaitaient, avec le Gouvernement, mais, sur ce point, c'est à lui de le dire, que ce texte soit, si possible, adopté avant la fin de la présente session. C'est un exercice très difficile, compte tenu du calendrier qui est le nôtre.
A votre question, monsieur le président, j'apporte la réponse suivante. Il ne nous reste que mardi prochain. Pour espérer raisonnablement terminer ce jour-là, il aurait fallu que nous ayons aujourd'hui avancé suffisamment, selon le « braquet » que vous connaissez mieux que moi. Si nous arrêtons nos travaux maintenant tout en sachant qu'il est impossible de finir l'examen de ce texte mardi, cela veut dire, en quelque sorte, que nous souscrivons à l'idée que cette réforme ne sera pas adoptée avant le 30 juin prochain.
M. le président. Monsieur le rapporteur, je me permets de vous faire remarquer que, au rythme de quinze amendements par heure, il nous faut encore quinze heures de débat alors que, mardi, nous n'en disposerons que de huit.
Je ne demande pas mieux que de continuer. Je suis à la disposition du Sénat. Cependant, compte tenu de la manière dont nous délibérons, je crains que nous n'ayons quelque difficulté.
Cela étant, nous allons poursuivre la discussion.
M. Alain Lambert, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert, rapporteur. Monsieur le président, attendu le rejet imprévisible, en tout cas du point de vue de la commission, de l'amendement n° 29 rectifié, je suis condamné, sauf si le Gouvernement proposait une seconde délibération, à proposer au Sénat de rejeter l'article 9. Ainsi, nous serions toujours en navette et nous aurions le temps nécessaire pour élaborer la meilleure norme possible.
M. Yves Fréville. Tout à fait !
M. Alain Lambert, rapporteur. J'indique, pour revenir au sujet précédent, qu'il n'est pas question de poursuivre la discussion si nous n'avons pas envie de le faire, tous ensemble, dans le même esprit.
Monsieur le président, je suis vraiment très attaché à ce que nous élaborions la meilleure norme possible, le texte l'exige plus que tout autre encore. Ne nous laissons pas accabler par la fatigue, et prenons la bonne décision. Si la majorité de cette assemblée souhaite s'arrêter, il faut nous arrêter.
Mais, sur le texte actuellement en discussion, car telle est votre question, nous devons être responsables. Nous avons émis tout à l'heure un vote qui a pour effet l'adoption quasi conforme de l'article 3, article qui n'était pas encore parvenu à l'état ultime de la perfection, même l'Assemblée nationale en convient.
Donc, soit nous rejetons l'article, et j'espère que l'Assemblée nationale prendra en compte les échanges que nous avons déjà depuis quelques minutes, soit le Gouvernement demande une nouvelle délibération sur l'amendement qui vient d'être rejeté.
M. le président. Le tout est de savoir si le Gouvernement envisage d'ores et déjà une seconde délibération, notamment sur l'article 9, mais il ne pourra en formuler la demande qu'à la fin de la discussion du texte.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, il me semble qu'une seconde délibération n'est pas nécessaire et qu'il faut repousser cet article de sorte que ses dispositions puissent être réexaminées ultérieurement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 9.

(L'article 9 n'est pas adopté.)
M. Michel Charasse. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, la question se pose de savoir si nous devons ou non poursuivre le débat. L'un après l'autre nos collègues quittent l'hémicycle ; nous sommes sept, donc huit avec M. le rapporteur. Pour un texte aussi fondamental, ce n'est pas très sérieux et, en ce qui me concerne, je vais me coucher. Bonne nuit ! (MM. Michel Charasse et Bernard Angels quittent l'hémicycle.)

Article 10