SEANCE DU 7 JUIN 2001
M. le président.
« Art. 10. - Les crédits relatifs à la charge de la dette de l'Etat, aux
remboursements, restitutions et dégrèvements, aux dépenses de pensions et
d'avantages accessoires, aux appels en garantie et à la contribution de la
France au budget des Communautés européennes ont un caractère évaluatif. Ils
sont ouverts sur des programmes spécifiques.
« Les dépenses y afférentes peuvent s'imputer, si nécessaire, au-delà des
crédits ouverts sur le programme concerné. Dans cette hypothèse, le ministre
chargé des finances informe les commissions de l'Assemblée nationale et du
Sénat chargées des finances des motifs du dépassement et des perspectives
d'exécution du programme jusqu'à la fin de l'année.
« Les dépassements de crédits évaluatifs font l'objet de propositions
d'ouverture de crédits dans le plus prochain projet de loi de finances afférent
à l'année concernée.
« Les crédits des programmes prévus au premier alinéa ne peuvent faire l'objet
des annulations constitutives des mouvements prévus aux articles 13 à 15, ni
des mouvements prévus à l'article 16. »
Par amendement n° 30, M. Lambert, au nom de la commission, propose de rédiger
ainsi le premier alinéa de cet article :
« Les crédits relatifs aux dépenses de rémunération de la dette de l'Etat, aux
dépenses en atténuation de recettes et à la mise en jeu des garanties accordées
par l'Etat ont un caractère évaluatif. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 253 rectifié, présenté par
MM. Fréville, Arthuis et Badré, et tendant, dans le texte proposé par
l'amendement n° 30 pour le premier alinéa de l'article 10, après les mots : «
dette de l'Etat », à insérer les mots : « et de la dette viagère ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 30.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Cet article traite des crédits évaluatifs. L'amendement
modifie la liste des crédits évaluatifs établie par l'Assemblée nationale. Ces
crédits ont le caractère particulier de pouvoir, dans certaines conditions,
s'imputer au-delà de l'autorisation parlementaire. Il a semblé naturel d'en
restreindre le nombre au strict minimum.
S'agissant des crédits de rémunération de la dette, des dépenses en
atténuation de recettes et des appels en garantie de l'Etat, le caractère
évaluatif est nécessaire pour assurer le respect des engagements judiciaires ou
contractuels de l'Etat.
Cependant, je propose de supprimer le caractère évaluatif des dépenses de
pensions et d'avantages accessoires.
Il y a, d'abord, un paradoxe à voir que ces crédits sont aujourd'hui
évaluatifs, alors que les rémunérations des personnels en activité sont des
crédits limitatifs : les deux dépenses n'ont-elles pas un caractère similaire
?
Par ailleurs, la connaissance en matière de départs à la retraite, d'évolution
des charges de pensions et de mortalité a considérablement progressé par
rapport à ce qu'elle était en 1959. Il convient d'en tirer les conséquences en
matière d'autorisations budgétaires.
Enfin, je propose de retracer ces dépenses dans un compte particulier, ce qui
permettra d'avoir une bonne connaissance de la situation. Je proposerai, par le
biais d'un amendement à l'article 17, de maintenir la technique existante du
financement par prélèvement sur recettes pour la contribution de l'Etat au
budget de l'Union européenne.
M. le président.
La parole est à M. Fréville, pour présenter le sous-amendement n° 253
rectifié.
M. Yves Fréville.
Je poursuis ma défense et illustration des dispositions de l'ancienne
ordonnance organique qui peuvent être conservées et, parmi elles, le fait que
les crédits de pensions aient un caractère évaluatif.
La différence fondamentale entre les crédits de pensions et les traitements
des personnels en activité tient à ce que le nombre des personnes pensionnées
est aléatoire : nous ne pouvons pas prévoir le nombre de décès. Il me semblait
donc tout à fait logique que les crédits de pensions conservent un caractère
évaluatif.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 253 rectifié ?
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Je demande à M. Fréville de ne pas m'en vouloir, mais nous
sommes vraiment dans deux logiques opposées, quasiment à front renversé. Je
suis donc condamné à émettre un avis défavorable sur le sous-amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 253 rectifié et sur
l'amendement n° 30 ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
S'agissant du sous-amendement n° 253 rectifié, je
partage l'avis de M. le rapporteur.
Quant à l'amendement n° 30, il a pour conséquence principale de retirer de la
liste des dépenses évaluatives les dépenses de pensions et la contribution de
la France au budget des Communautés européennes.
Sur le premier point, prévoir les dépenses de pensions ne me semble pas poser
de réelles difficultés techniques. Je vous rejoins donc sur cette question.
Sur le second point, il n'est possible, compte tenu de nos engagements
internationaux, de supprimer le caractère évaluatif de la contribution de la
France au budget des Communautés européennes que si nous sommes absolument
certains que cette contribution peut être traitée en prélèvement sur recettes,
comme le propose par ailleurs M. le rapporteur dans un amendement que nous
examinerons ultérieurement.
Permettez-moi, même si ce point sera traité plus avant à l'article 21
bis
, d'en dire un mot dès l'article 10.
Un problème de cohérence se pose, car l'article 10 dispose que les crédits
relatifs aux dépenses de rémunération de la dette de l'Etat ont un caractère
évaluatif. Cette disposition, qui est déjà prévue par l'ordonnance organique du
2 janvier 1959, est en effet indispensable à une gestion efficace de la dette.
La rémunération de la dette n'est pas prévisible
ex ante
, mais dépend de
l'évaluation des taux d'intérêt ainsi que de la situation générale des marchés
financiers.
Le caractère évaluatif des crédits de rémunération de la dette permet, dans
une situation de hausse des taux, de continuer à assurer le service de la dette
et, à l'Etat, d'assurer à tout moment le respect de ses engagements. Il y va
donc du crédit de l'Etat et de la qualité de sa signature.
Or, le dispositif que nous examinons maintenant à l'article 10, puis que nous
verrons à l'article 21
bis
, prévoit d'inscrire l'ensemble des crédits
relatifs à la dette de l'Etat dans un compte de commerce particulier.
Le Gouvernement, comme vous le savez, est favorable à cette disposition, qui
renforce la transparence des opérations de dettes en les regroupant. Cependant,
le premier paragraphe de l'article 21
bis
dispose que le découvert fixé
pour chacun des comptes de commerce a un caractère limitatif. Cette disposition
est donc en contradiction avec l'article 10 qui précise, lui, qu'il s'agit de
crédits à caractère évaluatif.
Je souhaiterais donc, monsieur le rapporteur, que vous puissiez me confirmer
qu'en ce qui concerne les crédits de rémunération de la dette, c'est bien
l'article 10 qui prévaut et que, par dérogation aux dispositions générales sur
les comptes de commerce, le compte de la dette et de la trésorerie est bien
doté d'un plafond évaluatif.
Cette interprétation, ainsi que, si besoin est, une modification de l'article
21
bis
, permettra d'assurer en toute circonstance le service de la dette
et le maintien de la confiance qu'ont les investisseurs dans la qualité de la
signature de l'Etat, tout en préservant, naturellement, la pleine information
du Parlement.
Je me suis permis de faire cette intervention au stade de l'article 10 dans la
mesure où il y a un vrai problème de cohérence entre l'article 10 et l'article
21
bis
.
En ce qui concerne l'amendement n° 30, pour les dépenses de pension, je suis
tout à fait d'accord avec la rédaction proposée. En revanche, s'agissant de la
contribution de la France au budget des Communautés européennes, je peux être
favorable à la rédaction de l'amendement n° 30 mais sous réserve que l'on
précise bien que cela pourra être traité en prélèvement sur recettes.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Mme la secrétaire d'Etat, je vous donnerai toutes les
explications qui seront de nature à apaiser vos inquiétudes à l'occasion de
l'examen de l'article 21
bis
.
M. le président.
Quel est désormais l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 30 ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Favorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 253 rectifié.
M. Yves Fréville.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville.
Mme le secrétaire d'Etat nous dit qu'il n'y a pas de difficulté à considérer
comme limitatifs sur le plan technique les crédits de pension. Dès lors, je ne
vois pas pourquoi je serai plus royaliste que le roi et je retire mon
sous-amendement.
M. le président.
Le sous-amendement n° 253 rectifié est retiré.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 30, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 31, M. Lambert, au nom de la commission, propose de rédiger
ainsi la première phrase du deuxième alinéa de l'article 10 : « Les dépenses
auxquelles s'appliquent les crédits évaluatifs s'imputent, si nécessaire,
au-delà des crédits ouverts. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
D'une part, c'est un amendement rédactionnel. D'autre part,
il tend à supprimer la précision de l'imputation des crédits évaluatifs sur un
programme spécifique.
A part les dépenses des rémunération de la dette de l'Etat, les crédits
évaluatifs constituent une dotation, donc une sorte de programme spécifique qui
ne dénature pas la notion de programme.
Pour la dette, il est prévu de constituer un compte particulier pour
l'ensemble des opérations. Le caractère évaluatif des crédits s'appliquera donc
au versement du budget général vers ce compte destiné à en constituer la très
grande partie des recettes.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 31, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 32, présenté par M. Lambert, au nom de la commission,
propose, dans la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 10, de
supprimer les mots : « du programme ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
C'est un amendement de conséquence.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 32, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 33, M. Lambert, au nom de la commission, propose de rédiger
ainsi la fin du dernier alinéa de l'article 10 : « ... ne peuvent faire l'objet
ni des annulations liées aux mouvements prévus aux articles 13 et 14, ni des
mouvements de crédits prévus à l'article 9. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Cet amendement vise à revenir sur l'exclusion par l'Assemblée
nationale de la possibilité d'annuler des crédits évaluatifs dans le dispositif
d'annulation de l'article 15, qui concerne la préservation de l'équilibre
financier.
En effet, d'une part, des crédits évaluatifs demeurent des crédits et leur
objet peut avoir disparu, par exemple si une garantie prévue n'est finalement
pas appelée. D'autre part, on conçoit mal comment l'on pourrait annuler des
crédits évaluatifs pour préserver l'équilibre financier.
Ce verrou logique devrait suffire à apaiser les craintes qui résulteraient du
fait qu'un gouvernement ne procède à des annulations fictives.
Enfin, il faut préciser que ces annulations de l'article 15 ne permettent
aucune ouverture de crédits et donc que l'annulation éventuelle des crédits
évaluatifs n'aurait pas de conséquence sur les autres crédits.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 33, accepté par le Gouvernement.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 10, modifié.
(L'article 10 est adopté.)
Article 11