SEANCE DU 7 JUIN 2001
M. le président.
Par amendement n° 248 rectifié, MM. Fréville, Arthuis, et Badré proposent
d'insérer, après l'article 1er, une division additionnelle ainsi rédigée :
« Chapitre Ier A. - Des ressources partagées. »
Je pense, monsieur Fréville, qu'il serait souhaitable de réserver cet
amendement jusqu'après l'examen de l'amendement n° 249 rectifié.
M. Yves Fréville.
Tout à fait, monsieur le président.
M. le président.
Il n'y a pas d'opposition ?...
La réserve est ordonnée.
M. le président.
Par amendement n° 249 rectifié, MM. Fréville, Arthuis et Badré proposent
d'insérer, après l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les impositions de toute nature, au sens de l'article 34 de la Constitution,
sont des ressources de l'Etat à l'exception de celles affectées aux
collectivités locales et aux Communautés européennes.
« Ces ressources peuvent être réduites du montant de prélèvements effectués au
bénéfice des collectivités locales et des Communautés européennes. Les
dotations globales attribuées aux collectivités locales, les contributions de
la France au budget des Communautés européennes prennent la forme de
prélèvements sur les ressources de l'Etat.
« Elles peuvent être affectées à des personnes morales à raison des missions
de service public à elles confiées et sous les réserves prévues par les
articles 31, 33 et l'article additionnel après l'article 48.
« Les prélèvements sur recettes effectués au bénéfice des collectivités
locales et des Communautés européennes et les impositions de toute nature
affectées aux organismes de sécurité sociale et aux autres agents constituent
les ressources partagées de l'Etat.
« Un état des ressources partagées retrace l'ensemble des prélèvements. Il
recense et estime le rendement des impositions de toute nature affectées aux
organismes de sécurité sociale et aux autres agents. Il détermine, après
déduction des ressources partagées, le produit des impositions de toute nature
attribué au budget de l'Etat. »
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville.
Avec l'amendement n° 3, que nous venons de voter, les « impositions de toutes
natures » sont des ressources de l'Etat, à l'exception de celles qui sont
affectées aux collectivités locales. J'avais ajouté dans l'amendement n° 249
rectifié une mention relative aux Communautés européennes que, le cas échéant,
je suis prêt à suprimer : je souhaitais simplement ménager le futur au cas où
de tels impôts seraient ultérieurement créés.
Nous sommes dans le domaine des lois de finances, puisque ces dernières
déterminent les ressources de l'Etat. Les « impositions de toutes natures » qui
viennent d'être définies font bien partie de ces ressources de l'Etat - à
l'exception des impôts locaux, qui sont contrôlés par les élus locaux - et sont
automatiquement sous le contrôle du Parlement, puisqu'elles ne sont pas
contrôlées par d'autres élus, locaux ou européens.
Nous proposons que cet ensemble de ressources, contrôlées par le seul
Parlement et constituant les impositions de toutes natures de l'Etat, fasse
l'objet d'un partage préalable à la discussion du budget proprement dit et que
nous décidions quelle part doit être affectée aux collectivités locales, quelle
part à la sécurité sociale et quelle part au budget européen. Naturellement, il
faut préciser de quelle manière ce partage se fera.
Pour les collectivités locales, il ne peut bien sûr s'agir que des dotations
que l'Etat leur versera, et je précise : des dotations globales, par opposition
aux subventions spécifiques qui, elles, font normalement l'objet de crédits
budgétaires.
Par conséquent, avec l'article de partage, nous généralisons la notion de
prélèvement à l'ensemble des dotations globales de l'Etat. Vous savez, mes
chers collègues, qu'actuellement l'imputation budgétaire de ces dotations se
fait, si vous me permettez l'expression, « à la bonne franquette » : nous
trouvons des dotations globales qui sont des prélèvements sur recettes, la
principale d'entre elles étant la DGF, la dotation globale de fonctionnement ;
mais nous en trouvons d'autres, très substantielles, dans le budget du
ministère de l'intérieur !
Pour avoir une vision globale de l'apport de l'Etat aux collectivités locales
sous forme de dotations, nous disons que les dotations globales constituent des
prélèvements dont nous arrêtons le montant dans l'article de partage.
Un autre cas de figure est celui de l'Union européenne. L'Assemblée nationale,
vous le savez, avait supprimé la notion de prélèvement pour l'Union européenne,
considérant qu'il s'agissait d'une dépense comme les autres. Elle reprenait
ainsi un des avis du Conseil d'Etat. La commission des finances, très
justement, a repris cette notion, si bien que les contributions de l'Etat au
budget des Communautés européennes constituent le deuxième élément de l'article
de partage.
Le troisième élément, et c'est sur ce point que les difficultés les plus
substantielles peuvent apparaître, concerne les « impositions de toutes natures
» affectées à la sécurité sociale et elles seules, la principale étant la
CSG.
Du fait de l'adoption de l'amendement n° 3 de la commission, l'affectation en
sera bien décidée par le Parlement. Il est donc tout à fait légitime qu'en
contrepartie l'article de partage que je propose d'insérer dans la proposition
de loi en recense et en estime le rendement. Disant cela, je ne fais que
reprendre les termes employés par la commission dans le document annexe : «
recenser » et « estimer ». Je tiens à vous faire remarquer, mes chers
collègues, que ce n'est pas « fixer ».
Cette proposition est en parfaite harmonie avec la loi de financement de la
sécurité sociale, qui, aux termes de la Constitution, fixe des objectifs de
dépenses compte tenu de prévisions de recette. Ces prévisions de recettes
devront donc être cohérentes. Je ne dis pas qu'elles seront identiques, puisque
en matière de sécurité sociale on compte en « droits constatés », alors qu'en
loi de finances, on raisonne en situation de caisse.
Par conséquent, nous avons une estimation et un recensement des impositions de
toutes natures que nous affectons à la sécurité sociale. Bien entendu, la
compétence en matière fiscale n'est pas un domaine exclusif des lois de
finances ni un domaine partagé avec les lois de financement de la sécurité
sociale. N'importe quelle loi peut modifier les taux, le rendement et les
modalités de recouvrement des impositions de toutes natures. Cette procédure ne
limite donc en rien la liberté du Parlement d'adopter, dans un autre cadre que
la loi de finances, des modifications à la loi fiscale. Cependant il me paraît
souhaitable, indépendamment des problèmes constitutionnels, que nous puissions
examiner, dans la première partie de la loi de finances, si des mesures
modificatives devaient intervenir, les modifications apportées à la fois à
l'impôt sur le revenu et à la CSG. Il existe une forte interdépendance entre
ces deux composantes de l'imposition sur les revenus dans notre pays.
Enfin, la quatrième composante, ce sont les impositions de toutes natures
affectées à tous les organismes divers d'administration centrale dont nous
connaissons la floraison. Certains sont bien connus. Nous avons vécu tous les
avatars des fonds qui sont apparus, notamment le FOREC, fonds de financement de
la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le FSV, fonds de
solidarité vieillesse, la CADES, caisse d'amortissement de la dette sociale.
Il me semble tout à fait normal que, là aussi, le Parlement, en même temps
qu'il affecte en fonction de l'amendement n° 3 de la commission, recense et
estime le montant de ces impositions, ce qui nous permettrait, par une vote
global, de voter le partage de toutes ces impositions de toutes natures entre
la sécurité sociale, les organismes divers d'administration centrale, les
Communautés européennes et les collectivités locales, et d'en déduire, bien
entendu, le montant qui resterait et qui serait une recette du budget de
l'Etat.
En d'autres termes, ce système de partage n'a rien de révolutionnaire. Il
reprend exactement des éléments qui ont été proposés à l'Assemblée nationale ou
qui le seront dans le cadre de ce débat par la commission des finances. Mais il
y a une différence fondamentale : un vote sanctionnera ce partage des
ressources. Tel est l'esprit de cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Nous poussons devant nous le problème, article après article,
sans trancher.
M. Jean Arthuis.
Non, on va le trancher !
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Le moment est en effet venu de le trancher, monsieur Arthuis.
La CSG doit-elle figurer dans l'article d'équilibre ? Cette question permet de
poser clairement le problème. Après tout, il vaut mieux que je pose la question
aussi nettement, afin que nous ne continuions pas à repousser le problème.
Je dirai simplement à M. Fréville que la commission a le sentiment d'être
allée jusqu'à la ligne au-delà de laquelle, si j'ose dire, sont ticket n'était
plus valable, en tout cas au-delà de laquelle la constitutionnalité de ses
propositions devenait très contestable.
Je rappelle que la rédaction que nous proposons vous donne vraiment
satisfaction, sauf sur le point que j'ai évoqué voilà un instant. L'amendement
de la commission à l'article 17 prévoit les prélèvements sur recettes pour les
collectivités locales et l'Union européenne. Les dispositions aux articles 1er
et 33 règlent le cas des impositions de toutes natures affectées directement.
Une annexe récapitulant le produit de chacune des impositions de toutes natures
doit enfin être jointe au projet de loi de finances de l'année.
Donc nous avons essayé de faire le maximum, mais nous n'avons pas résolu la
question que j'ai citée tout à l'heure et que vous souhaitez voir réglée
ultérieurement. Selon moi, il faut la trancher maintenant.
Aussi, je demande le retrait de cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je ne saurais exprimer ce qui vient d'être dit en de
meilleurs termes que ceux qui ont été employés par M. le rapporteur. Beaucoup a
été fait. J'ai rappelé tout à l'heure que toutes les informations souhaitées
par MM. Fréville et Arthuis seraient présentées au Parlement, sous une forme
qui peut sans doute être améliorée encore, mais il est possible d'en discuter
au-delà de l'adoption du texte organique : ce sont les éléments figurant dans
l'actuel article 38-4, qui deviendrait l'article 48
quinquies.
Quant à la question posée à l'instant par M. Lambert, sauf à vouloir faire du
budget de l'Etat une machine à redistribuer les impositions de toutes natures,
au risque de voir se gonfler les masses en dépenses et en recettes, je crois
que, compte tenu de l'existence d'une autre loi organique qui pose les règles
applicables aux lois de financement de la sécurité sociale, la réponse est
évidente.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 249 rectifié.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Bien que j'aie fini par comprendre, à travers la présentation de l'amendement
n° 249 rectifié, ce que souhaitaient nos collègues, alors que j'avais du mal
sur le précédent amendement, je ne peux pas approuver le présent amendement,
parce qu'il est, à mon avis, bancal dès le départ, dans le premier alinéa, en
raison d'une mauvaise référence à l'article 34.
Mes chers collègues, vous le savez tous : dans l'article 34 figurent deux
dispositions auxquelles nous pouvons, tout au long de ce débat, faire
référence. Il y a, d'une part, l'alinéa qui concerne les impositions de toutes
natures et qui définit le domaine de la loi, c'est-à-dire la compétence du
législateur parlementaire, et, d'autre part, l'alinéa qui renvoie à une loi
organique pour les lois de finances. Or, en précisant dans le premier alinéa
que les « impositions de toutes natures au sens de l'article 34 », c'est-à-dire
celles pour lesquelles le législateur a compétence et dont il fixe les règles,
sont celles qui vont à l'Etat...
M. Yves Fréville.
... à l'exception de celles qui sont affectées aux collectivités locales et
aux Communautés européennes !
M. Michel Charasse.
Cher ami, les impositions de toutes natures visées à l'article 34, dans la
définition du domaine de la loi, concernent toutes les catégories d'imposition.
A partir du moment où vous indiquez que celles-ci vont à l'Etat, vous réduisez
la portée de l'article 34 puisque vous dites, en fait, que seule une loi de
finances pourra désormais créer un impôt, alors que la pratique inverse
prévalait jusqu'à présent, celle-ci étant toujours admise par le Conseil
constitutionnel, et que toutes les ressources provenant de recettes fiscales
devront obligatoirement transiter par le budget de l'Etat, même s'il doit les
reverser à des tiers.
Il est beaucoup question de la sécurité sociale. M. Delaneau a d'ailleurs
évoqué ce sujet tout à l'heure. Prenons l'exemple des taxes locales laissées à
l'initiative des collectivités locales et figurant dans le code général des
collectivités territoriales. Désormais, les collectivités locales ne pourront
plus les établir. Seul l'Etat pourra le faire et les encaisser, quitte à les
reverser. Il existe également toute une série d'impôts locaux - je ne pense pas
seulement aux impôts directs -, pour lesquels les collectivités fixent les
taux. Ainsi, un bout de vignette subsiste pour ceux qui n'en sont pas
exonérés.
Il résulte que votre amendement - je suis certain que ce n'est pas votre
intention, mais sa rédaction aboutit à cela - que, désormais, vous réduisez les
possibilités du Parlement, en matière de création ou de modification d'un
impôt, puisqu'il faudra attendre une loi de finances pour le faire. Par
ailleurs, vous donnez à la loi organique, cher ami, une portée et une ampleur
que la Constitution ne lui a pas accordées.
Pour ces divers motifs, et tout découlant dans la suite de votre amendement n°
249 rectifié du premier alinéa qui n'est pas fondé sur la bonne disposition de
l'article 34 de la Constitution, je ne peux approuver une disposition qui vise,
en réalité, à donner un pouvoir dictatorial à la loi organique, au-delà de
l'habilitation constitutionnelle, et à faire en sorte que, désormais, il ne
puisse plus y avoir un centime prélevé par la voie fiscale qui ne transite par
le budget général, obligeant ainsi - je ne sais plus si c'est M. Lambert ou Mme
le secrétaire d'Etat qui le disait, peut-être les deux - l'Etat à devenir une
sorte d'énorme caisse par laquelle tout passe et tout ressort, ce qui ne
donnerait pas une très grande signification à la présentation des comptes et ne
répondrait pas parfaitement, me semble-t-il, au souci de clarification que vous
manifestez.
Par conséquent, les membres du groupe socialiste et moi-même nous ne voterons
pas l'amendement n° 249 rectifié, qui, de surcroît, est inconstitutionnel.
M. Jean Arthuis.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis.
Je salue l'autorité constitutionnelle de M. Charasse. Je voudrais lui rappeler
que nous n'avons pas l'intention de modifier l'alinéa de l'article 34 de la
Constitution aux termes duquel la loi fixe les règles concernant l'assiette, le
taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures. Cher
collègue, que cela soit bien clair !
Je me suis permis de transmettre un document à Mme le secrétaire d'Etat
représentant le tableau en trois rubriques que j'ai présenté dans la discussion
générale. D'abord, s'agissant des ressources, de toutes les ressources, de quoi
nous plaignons-nous ? Nous déplorons une dispersion des ressources qui fait que
l'on ne sait plus très bien où l'on peut récapituler le montant des impôts mis
en recouvrement. C'est tout de même extravagant ! Or chacun a bien voulu
reconnaître la nécessité d'une telle récapitulation, puisque le Gouvernement
comme la commission nous proposent des annexes. Mais quelle est cette
architecture d'annexes qui partent dans tous les sens ? Autrement dit, il y a
une nécessité de vision claire, de transparence, mais la loi s'y opposerait !
Demain, j'irai expliquer à mes concitoyens, en Mayenne, que nous faisons ici un
travail considérable, que nous voulons contribuer à la visibilité, à une
pédagogie budgétaire, mais que la loi ne nous le permet pas.
Enfin, monsieur Charasse, est-il des principes plus forts que ceux qui sont
énoncés dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, dans laquelle
il est écrit sans ambiguïté que « les citoyens ont le droit de constater par
eux-mêmes ou par leurs représentants la nécessité de la contribution publique,
de la consentir librement, d'en suivre l'emploi » ?
M. Michel Charasse.
Mais pas seulement au moment du budget !
M. Jean Arthuis.
Je ne vois pas en quoi cela pourrait être contrarié par les dispositions que
nous proposons dans l'amendement n° 249 rectifié.
Peut-être aurions-nous pu nous y prendre autrement et effectuer la réforme de
l'ordonnance organique en incluant dans l'exercice l'ordonnance de 1959 et la
loi organique de 1996 sur le financement de la sécurité sociale. L'exercice
était sans doute quelque peu compliqué.
Cela étant dit, je souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement sur cette
présentation. Sommes-nous d'accord sur l'objectif consistant à faire apparaître
de façon claire le produit de tous les impôts qui sont ceux qui ont été votés
par la représentation nationale, et non pas par des collectivités territoriales
ou par une autorité européenne qui lèverait et contrôlerait l'impôt au sens des
dispositions de l'article XIV de la Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen ? Nous voulons la clarté. Alors, quel est l'avis du Gouvernement sur le
plan du respect de la Constitution ? J'aimerais bien le connaître. Certes, il
nous a dit qu'il rejoignait la commission des finances, ce qui est un hommage
mérité à son président et rapporteur, mais je voudrais que le Gouvernement nous
dise son point de vue à ce sujet. Voulons-nous oui ou non la clarté ? Quel est
l'exercice auquel nous nous livrons en cet instant ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je voudrais simplement redire, de manière peut-être
plus claire, à M. Arthuis, que nous avons collectivement - M. Didier Migaud, M.
Alain Lambert et le Gouvernement - fait le choix de nous atteler à la réforme
d'un texte organique qui concerne l'Etat.
Si nous voulons aller au-delà, c'est-à-dire nous attaquer à un autre texte
organique qui est la loi organique réglant les modalités de préparation et de
discussion des lois de financement de la sécurité sociale, c'est un autre
travail. J'ai tendance à penser que, en la matière, le mieux est l'ennemi du
bien, et que nous pourrions nous atteler à cette première tâche que constitue
la réforme de l'ordonnance organique relative aux lois de finances.
Tout à l'heure, j'ai eu l'occasion de dire que votre souci de voir apparaître
quelque part, dans un document qui sera fourni chaque année au Parlement et qui
les récapitulera, les impositions de toutes natures en les identifiant et en
les évaluant, me semblait satisfait, puisqu'un tel document figurera dans le
cadre d'une annexe.
La question que vous posez est la suivante : faut-il, au-delà de l'information
ainsi apportée, franchir le stade de l'autorisation parlementaire qui
couvrirait ainsi l'ensemble de ces impositions de toutes natures ?
Cette question ne me paraît pas pouvoir être résolue dans le cadre des règles
organiques applicables aux lois de financement de la sécurité sociale, que ce
texte ne modifie pas. C'est un parti pris, me direz-vous. Pour ce qui me
concerne, je l'assume pleinement. Je crois - mais je ne voudrais pas me
prononcer en lieu et place de M. le président Lambert et des députés qui, à
l'Assemblée nationale, ont travaillé sur ce texte - que c'est un parti pris
collectivement assumé par tous ceux qui souhaitent que nous progressions dans
le sens de la réforme et de la modernisation de la gestion publique.
Je comprends toutefois le point de vue que vous exprimez. Collectivement, nous
avançons, me semble-t-il, vers l'objectif que vous fixez. Mais il est
difficile, compte tenu de ce que sont les règles organiques et les règles
constitutionnelles, de satisfaire pleinement, sous forme d'autorisation
parlementaire, le souci que vous exprimez.
J'espère avoir répondu à votre objection, monsieur le sénateur.
M. Jean Arthuis.
C'est donc un parti pris !
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 249 rectifié prévoit
les dispositions suivantes : « Les impositions de toute nature, au sens de
l'article 34 de la Constitution, sont des ressources de l'Etat, à l'exception
de celles affectées... » Cela veut dire qu'il ne peut pas y en avoir d'autres
dans d'autres textes que les lois de finances.
Qu'il y ait un problème de rédaction, en dehors du problème de fond, je veux
bien l'admettre. Il n'empêche que, dans sa rédaction actuelle, l'amendement n°
249 rectifié aboutit à méconnaître les dispositions de l'article 34 de la
Constitution.
M. Yves Fréville.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fréville.
M. Jean-Yves Fréville.
J'entends bien ce que dit M. Charasse, mais je ne suis pas convaincu, pour une
double raison.
Tout d'abord, nous venons d'adopter un amendement n° 3 - vous l'avez voté, mon
cher collègue ! - qui prévoit très clairement que : « les impositions de toute
nature autres que celles des collectivités territoriales ne peuvent être
directement affectées à un tiers qu'à raison des missions de service public...
»
Tout à l'heure, nous examinerons un article 33, voté par l'Assemblée
nationale, qui reprend exactement le même problème et qui dispose clairement :
« L'affectation, totale ou partielle, à une autre personne morale... », c'est
le complément.
M. Michel Charasse.
Mais non !
M. Yves Fréville.
Si !
Cet article, dis-je, dispose clairement : « L'affectation, totale ou
partielle, à une autre personne morale d'une ressource établie au profit de
l'Etat ne peut résulter que d'une disposition de loi de finances ». On dit bien
- je peux me tromper ! - que l'affectation d'une ressource à un tiers, donc à
la sécurité sociale, donc à des organismes divers d'administration centrale,
les ODAC, relève de la loi de finances.
En réunissant ces deux éléments, à savoir, d'une part, que l'affectation
résulte d'une disposition de la loi de finances et, d'autre part, que les
impositions de toute nature autres que celles des collectivités locales sont
des impositions de l'Etat, je ne fais que tirer la dernière conclusion :
faisons remonter l'estimation et le recensement dans l'article de partage des
ressources que je propose.
M. Michel Charasse.
Non !
M. Yves Fréville.
En tout état de cause, ce qui compte pour moi, ce n'est pas l'argumentation
juridique, il s'agit de savoir si oui ou non il est intéressant d'avoir une
vision claire du partage de tous les impôts qui sont payés par les
contribuables : quelle est la part de l'Etat, quelle est celle des
collectivités locales, quelle est celle de la sécurité sociale, quelle est
celle du reste ?
Pour ma part, j'estime que c'est compatible avec la Constitution et que, de
toute façon, c'est nécessaire pour être en conformité avec l'article XIV de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
M. Jean Delaneau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Delaneau.
M. Jean Delaneau.
Je ne reprendrai pas ce que j'ai dit tout à l'heure sur le sous-amendement n°
245 rectifié mais c'est aussi valable pour l'amendement en discussion. En
écoutant ce qui vient d'être dit, je relisais quelques passages de la
proposition de loi organique que Charles Descours, les membres de la majorité
sénatoriale de la commission des affaires sociales et moi-même avons déposée.
Nous insistions sur la spécificité des lois de financements de la sécurité
sociale et nous indiquions ceci : « Les dépenses sociales obéissent à une
logique qui n'est pas celle des dépenses budgétaires.
« Toute recette de la sécurité sociale est nécessairement affectée à une
branche de la sécurité sociale, à l'inverse du principe budgétaire de
non-affectation d'une recette à une dépense. »
Tant que l'on n'aura pas abordé ces questions - du reste, ces points sur
lesquels nous discutons n'ont pas été définis clairement en 1996 - chacun
restera sur sa position.
Nous interrogeant sur la notion d'équilibre des lois de financement de la
sécurité sociale, nous indiquions d'ailleurs dans l'exposé des motifs de cette
proposition de loi organique : « Le législateur s'est arrêté en 1996 à un
indicateur imparfait, consistant à rapprocher des recettes par catégorie et des
dépenses par branche. »
Madame la secrétaire d'Etat, pour éviter que de tels débats ne reprennent avec
les mêmes incompréhensions, je suggère qu'à une prochaine occasion - pas
immédiatement, parce que l'ordre du jour des assemblées est particulièrement
chargé - vous inscriviez cette proposition de loi organique sur les lois de
financement de la sécurité sociale à l'ordre du jour du Parlement. Ainsi, on
pourra sans doute arriver à construire quelque chose de cohérent et qui
satisfasse tout le monde.
M. Jean Arthuis.
Je demande la parole.
M. le président.
Je ne peux vous redonner la parole que pour rectifier votre amendement,
monsieur Arthuis !
M. Jean Arthuis.
Je souhaite juste apporter une clarification.
M. le président.
Par tolérance, je vous donne la parole, mais je vous demande d'être bref.
M. Jean Arthuis.
Je n'abuserai pas du temps de parole que vous voulez bien me consentir,
monsieur le président.
Je souhaite simplement dire que, d'après la lecture que je fais de la loi
organique de financement de la sécurité sociale, qui, j'en conviens avec Jean
Delaneau, reste perfectible, je ne suis pas sûr qu'au moment de son vote on ait
bien posé le problème. Nous voyons aujourd'hui dans quelles difficultés nous
nous trouvons et combien cela doit être dur pour le Gouvernement d'imaginer
tous ces fonds, notamment le FOREC, ces trucs, ces bidules, ces machins, qui
vont dans tous les sens et font que l'on n'y comprend plus rien.
(M. Michel
Charasse s'exclame.)
Veut-on sortir de cet imbroglio, oui ou non ? Le pacte républicain, est-ce la
clarté, la transparence et la pédagogie républicaine ?
M. le président.
Soyez bref, je vous prie, monsieur Arthuis.
M. Jean Arthuis.
Le deuxième alinéa dispose, que, chaque année, la loi de financement de la
sécurité sociale prévoit, par catégories, les recettes de l'ensemble des
régimes obligatoires de base et des organismes créés pour concourir à leur
financement. Ayant rédigé cet amendement avec Yves Fréville, je n'ai pas le
sentiment d'avoir contrevenu à cette disposition.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 249 rectifié, repoussé par la commission et
par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'amendement n° 248 rectifié n'a plus d'objet.
Chapitre Ier