SEANCE DU 7 JUIN 2001
M. le président.
Par amendement n° 98, M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le premier alinéa (1)
du I du texte présenté par le 2 du I de l'article 6 pour l'article L. 312-1-2
du code monétaire et financier, après le mot : « individuellement », d'insérer
les mots : « , sous peine des prescriptions de l'article L. 122-1 du code de la
consommation, ».
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Dans sa rédaction actuelle, le texte proposé pour l'article L. 312-1-2 du code
monétaire et financier tend à interdire la pratique de la vente de services
bancaires liés. Une telle précaution n'est évidemment pas inutile. Demeure
cependant la question du périmètre réel de cette interdiction. Le texte proposé
laisse en effet toute liberté à l'imagination des établissements de crédit
quant au contenu de l'indissociabilité des prestations.
Nous considérons qu'il faut interdire la vente liée en précisant que
l'infraction à cette interdiction exposerait le vendeur de services bancaires à
l'application de certaines dispositions du code de la consommation. L'article
L. 122-1 du code de la consommation est, à mon sens, suffisamment explicite
pour qu'il mérite d'être mentionné dans cet article.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cet amendement vise à interdire le refus de vente par
le banquier de services qu'il est tenu d'offrir individuellement, en raison de
la nouvelle interdiction des ventes liées. C'est du moins ainsi que nous avons
compris votre texte, chère collègue.
Du point de vue de la commission, il n'est pas besoin d'adopter cette
disposition. Nous estimons, compte tenu du texte que nous examinons et de
l'ensemble du droit existant, que le banquier ne peut proposer de ventes
groupées que si les produits peuvent être achetés individuellement ou sont
indissociables.
Dès lors, considérant que le droit existant et le texte du Gouvernement vous
donnent satisfaction - M. le secrétaire d'Etat nous le confirmera sans doute -
la commission est défavorable à cet amendement et, pour éviter son rejet, vous
invite à le retirer.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Patriat,
secrétaire d'Etat.
Madame le sénateur, je tiens à vous donner quelques
explications qui, je le souhaite, vous inciteront à retirer cet amendement.
En effet, l'amendement n° 98 pourrait se révéler contre-productif.
Or, le Gouvernement - comme vous-même, je le sais - est très attentif à la
prévention du surendettement.
Je rappelle que l'un des objets de l'article 6 du projet de loi est de
transposer aux établissements de crédit l'article L. 122-1 du code de la
consommation, qui encadre fortement les ventes liées et interdit les refus de
vente tout en tenant compte des spécificités de ce secteur. Il s'agit en
l'occurrence d'éviter à un consommateur de se voir imposer, par le biais d'une
offre groupée, un service dont il n'a pas besoin.
L'article 6 prévoit en outre un dispositif de contrôle du respect de cette
nouvelle obligation incombant aux banques ainsi qu'une sanction en cas
d'infraction à ces dispositions, sanction qui n'est pas négligeable puisque
l'amende s'élève à 15 000 euros.
En revanche, le Gouvernement n'a pas souhaité transposer la disposition de
l'article L. 122-1 du code de la consommation relative au refus de vente. Il
paraît difficile, au regard de la responsabilité contractuelle et
extracontractuelle d'un établissement de crédit sur les fonds qui lui sont
remis, de l'appliquer au service bancaire, car cela priverait les banques de la
possibilité de refuser une autorisation de découvert, alors que les pouvoirs
publics sont attentifs à prévenir le surendettement et désirent impliquer
davantage les banques en la matière par une meilleure évaluation de la capacité
de remboursement des emprunteurs.
Le Gouvernement n'est donc pas favorable à l'amendement n° 98, surtout pour
cette dernière raison. Je lance un appel à la responsabilité. Nous demandons à
chacun de prévenir le surendettement, d'aider les ménages, et non de les «
enfoncer » davantage.
C'est pourquoi je souhaite que vous retiriez votre amendement, faute de quoi
j'émettrais un avis défavorable.
M. le président.
L'amendement n° 98 est-il maintenu, madame Beaudeau ?
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Oui, monsieur le président.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 98, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 99, M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent, à la fin du premier alinéa
(1) du I du texte présenté par le 2 du I de l'article 6 pour l'article L.
312-1-2 du code monétaire et financier, de supprimer les mots : « ou lorsqu'ils
sont indissociables ».
Par amendement n° 33, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose
de compléter le premier alinéa (1) du I du texte présenté par le 2 du I de
l'article 6 pour l'article L. 312-1-2 du code monétaire et financier par les
mots : « notamment lorsqu'ils constituent une garantie du risque d'un prêt.
».
La parole est à Mme Beaudeau, pour présenter l'amendement n° 99.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
La rédaction actuelle de l'article L. 312-1-2 du code monétaire et financier
illustre les limites posées par le projet de loi à l'évolution du droit en
matière de conventions commerciales entre banque et usager du service
bancaire.
Tel qu'il est issu des travaux de l'Assemblée nationale, cet article proscrit
en effet le principe des ventes liées de services bancaires, mais l'autorise
lorsque les prestations ou bien sont proposées de manière individuelle, ou bien
sont indissociables.
Poser le principe de l'indissociabilité de certaines prestations conduit à
valider la pratique du « paquet de services » à géométrie variable qui a
procuré aux établissements de crédit ces dernières années plus de 40 milliards
de francs de produits de gestion divers, contribuant ainsi à assurer leur
rentabilité et à leur permettre de faire face sans trop de douleur, vous en
conviendrez, à leurs charges de fonctionnement.
Parce que nous refusons que la loi valide ces pratiques, au demeurant
discutables, des établissements de crédit, nous vous proposons d'adopter notre
amendement n° 99.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n° 33 et
donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 99.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
L'amendement n° 33 vise à préciser que les contrats
d'assurance de groupe liés à des prêts bancaires sont indissociables desdits
prêts, dont ils sont souvent la condition d'octroi. Sur ce point, madame le
secrétaire d'Etat au budget, nous souhaiterions obtenir quelques explications
supplémentaires.
Lorsque nous avons entendu, à l'instant, Mme Beaudeau exposer l'amendement n°
99, nous n'avons pu que souscrire à son argumentation : il est vrai que l'on
s'en remet au juge pour apprécier le caractère d'indissociabilité.
Toutefois, il nous semble que des consensus commencent à se dessiner sur la
définition de ce qui est indissociable et de ce qui ne l'est pas. Par exemple,
une assurance de groupe liée à l'octroi d'un prêt est logiquement considérée
comme indissociable de celui-ci.
Il serait sans doute utile, pour enrichir nos travaux préparatoires et
éclairer notre décision, que vous nous précisiez, madame le secrétaire d'Etat,
quels sont dans votre esprit ceux des produits que vous considérez comme
indissociables.
L'amendement n° 33 est donc un amendement d'appel.
Quant à l'amendement n° 99, la commission souhaite entendre l'avis du
Gouvernement avant de se prononcer.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 99 et 33 ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat au budget.
A propos de l'amendement n° 99, je
rappellerai que l'un des objectifs de l'article 6 est précisément de transposer
aux établissements de crédit l'article L. 122-1 du code de la consommation, qui
encadre les ventes liées, mais en tenant compte des spécificités du secteur
bancaire.
Cet article vise donc, comme l'article L. 122-1 du code de la consommation, à
réglementer les ventes liées pour éviter à un consommateur de se voir imposer
par le biais d'une offre groupée un service dont il n'a pas besoin.
Toutefois, il a également pour objet de prendre en compte les spécificités du
secteur bancaire et de ne pas interdire les ventes liées lorsque les services
faisant l'objet de l'offre groupée ne peuvent pas être dissociés, pour des
raisons indépendantes de la volonté des banques.
Le Gouvernement a ainsi souhaité apporter une réponse aux problèmes que les
banques ne manqueraient pas de rencontrer si le terme « indissociables » était
supprimé, notamment dans le cas de la vente des cartes de paiement, dont chacun
sait qu'elles contiennent des services, notamment d'assurances, autres que ceux
qui relèvent du paiement d'achats et du retrait d'espèces.
Les cartes de paiement sont certes commercialisées par les établissements de
crédit, mais, en réalité, elles sont émises par des réseaux internationaux qui
prédéterminent le contenu des cartes et empêchent ainsi les banques de
commercialiser séparément les différents services offerts dans une carte.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement souhaite le retrait de cet
amendement.
M. le président.
Madame Beaudeau, maintenez-vous l'amendement n° 99 ?
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Oui, monsieur le président.
M. le président.
Quel est maintenant l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 33 ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
S'agissant de l'amendement n° 33, notre sentiment est
qu'il est inutile, car, en l'état actuel des textes, l'article L. 312-9 du code
de la consommation autorise les établissements de crédit à subordonner l'octroi
d'un prêt immobilier à la souscription d'une assurance de groupe.
Le Gouvernement souhaite indiquer que les dispositions de l'article 6
relatives à l'interdiction des ventes liées dans le secteur bancaire n'ont pas
vocation à remettre en cause les articles du code de la consommation existants
en matière de crédit immobilier, notamment l'article L. 312-9 que je viens
d'évoquer.
Ces dispositions portent sur les produits et les services relevant de la
convention de compte visée au premier alinéa de l'article 6, et non pas sur les
opérations d'épargne et de crédit qui n'y sont pas directement liées.
La précision apportée par l'amendement n° 33 ne me paraît donc pas nécessaire,
et le Gouvernement demande le retrait de ce dernier.
M. le président.
L'amendement est-il maintenu, monsieur le rapporteur général ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Compte tenu des explications très claires et précises
de Mme le secrétaire d'Etat, qui a bien voulu répondre à l'appel de la
commission, l'amendement n° 33 ne se justifie plus, et je le retire.
Pour ce qui est de l'amendement n° 99, après avoir entendu les explications
fournies par Mme le secrétaire d'Etat, la commission y est défavorable.
M. le président.
L'amendement n° 33 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 99, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 100, M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent, à la fin du second alinéa
(2) du I du texte présenté par le 2 du I de l'article 6 pour l'article L.
312-1-2 du code monétaire et financier, de remplacer les mots : « par un
règlement du Comité de la réglementation bancaire et financière pris après avis
du comité consultatif institué à l'article L. 614-6. » par les mots : « par un
règlement pris par décret du ministère de l'économie et des finances, après
avis du comité consultatif institué à l'article L. 614-6. »
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Cet amendement relève dans les faits et dans son principe des positions que
nous avons déjà eu l'occasion de faire valoir lors du débat portant sur le
projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques.
Même si nous ne doutons pas un seul instant de la compétence et de
l'objectivité des membres du Comité de régulation bancaire et financière, le
CRBF, il nous paraît indispensable que la primauté de toute décision en matière
de relations commerciales entre une banque et ses usagers soit laissée à
l'autorité publique que constitue le ministère des finances lui-même.
On peut d'ailleurs s'étonner qu'un arrêté ministériel, si l'on suit la
rédaction proposée pour l'article L. 312-1-1, fixe les stipulations principales
de la convention entre l'établissement de crédit et le client, et que ce soit
un simple règlement du CRBF qui arrête les éventuelles interdictions de
pratique commerciale.
C'est la raison pour laquelle nous vous invitons à adopter l'amendement n°
100.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission n'est pas favorable à cet amendement,
car le Comité de la réglementation bancaire et financière est une autorité
publique de régulation dont la composition est très équilibrée et dont les
décisions se prennent à la majorité des voix. Les différentes sensibilités
utiles en la matière y sont représentées, et le ministre de l'économie et des
finances y a un poids non négligeable puisqu'il préside le comité et en nomme
deux membres de façon presque discrétionnaire. En outre, les aspirations des
salariés sont certainement bien prises en compte.
Au total, il n'y a absolument pas lieu de se priver de la richesse que
représentent les échanges au sein d'un tel comité pour s'en remettre à une
décision purement régalienne qui relèverait du seul ministre.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Cet amendement anticipe d'une certaine façon sur un
autre projet de loi, portant réforme des autorités financières, dans lequel le
pouvoir de réglementation en matière bancaire sera effectivement confié au
ministre chargé de l'économie, tandis que le comité de la réglementation
bancaire et financière aura une compétence consultative élargie.
Cet amendement va donc dans la bonne direction, et nous y sommes
favorables.
Toutefois, j'aurai une recommandation à exprimer à Mme Beaudeau. En effet, le
texte de l'amendement prévoit que le règlement sera pris « par décret du
ministère de l'économie et des finances », ce qui n'est pas tout à fait juste
sur le plan juridique. Je lui propose donc - mais c'est une simple suggestion -
de se référer plutôt à un « arrêté du ministre ».
M. le président.
Monsieur Foucaud, que pensez-vous de la suggestion de Mme le secrétaire d'Etat
?
M. Thierry Foucaud.
Je l'accepte, monsieur le président, et je rectifie donc ainsi cet
amendement.
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 100 rectifié, présenté par M. Foucaud,
Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et
citoyen et tendant, à la fin du second alinéa (2) du I du texte proposé par le
2 du I de l'article 6 pour l'article L. 312-1-2 du code monétaire et financier,
à remplacer les mots : « par un règlement du Comité de la réglementation
bancaire et financière pris après avis du comité consultatif institué à
l'article L. 614-6. » par les mots : « par un règlement pris par arrêté du
ministre de l'économie et des finances, après avis du comité consultatif
institué à l'article L. 614-6. »
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
L'avis de la commission n'en est pas modifié. En
effet, passer du dispositif actuel qui apporte des garanties de pluralisme dans
l'expression des points de vue à une décision solitaire du ministre, c'est une
régression. J'avoue ne pas comprendre très bien pour quelle raison on semble
envisager une telle évolution.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 100 rectifié, repoussé par la commission et
accepté par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
(M. Paul Girod remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président
M. le président.
Par amendement n° 101, M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le deuxième alinéa du
II du texte présenté par le 2 du I de l'article 6 pour l'article L. 312-1-2 du
code monétaire et financier, après les mots : « Ces agents peuvent », d'insérer
les mots : « , même par un contrôle inopiné, ».
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Cet amendement porte sur les conditions du contrôle des établissements de
crédit par les agents assermentés de la Banque de France.
Dans sa rédaction actuelle, le paragraphe 2 du I de l'article L. 312-1-2 du
code monétaire et financier est relativement équilibré ; il précise notamment
les conditions dans lesquelles ces contrôles peuvent être effectués. Selon
nous, il manque toutefois à cet article une précision indispensable concernant
une visite de contrôle rendue possible sans convocation ou avertissement,
visite pouvant, par exemple, découler de la saisine des agents habilités par un
usager ou par une association de consommateurs agréée. Tel est l'objet de la
précision rédactionnelle que notre amendement vise à introduire dans le texte
de l'article.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission estime
a priori
que cet
amendement est superfétatoire. Il lui semble qu'il n'ajoute rien aux
possibilités dont bénéficient aujourd'hui les agents de contrôle de la Banque
de France et de la DGCCRF, la direction générale de la concurrence, de la
consommation et de la répression des fraudes. Néanmoins, la commission
souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Cet amendement est en effet superfétatoire, dans la
mesure où tout agent public investi de pouvoirs d'enquête peut exercer un
contrôle inopiné. Nous craignons même qu'il ne se révèle contre-productif
s'agissant des autres contrôles qu'exerce la DGCCRF. Pour cette raison, nous en
souhaitons le retrait.
M. le président.
Monsieur Foucaud, l'amendement n° 101 est-il maintenu ?
M. Thierry Foucaud.
Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président.
L'amendement n° 101 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le texte proposé pour l'article L. 312-1-2 du code monétaire
et financier.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE L. 312-1-3 DU CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER