SEANCE DU 28 NOVEMBRE 2000
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° I-166, MM. Ostermann, Besse, Braun, Cazalet, Chaumont,
Gaillard, Joyandet, Trégouët, Cornu, Martin, Vasselle, Murat, Rispat,
Neuwirth,Darcos, Fournier, Ginésy, de Broissia, Vial, Leclerc, Marest,
Schosteck, Lanier et Mme Olin proposent d'insérer, après l'article 12
quinquies,
un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le premier alinéa du IV de l'article 271 du code général des impôts,
sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Les assujettis facturant la TVA au taux réduit au titre de l'article 279-0
bis
peuvent demander mensuellement le remboursement du crédit de taxe
déductible lorsque le montant de celui-ci est au moins égal à 5 000 francs.
« Les assujettis facturant la TVA aux taux réduit au titre de l'article 279-0
bis
peuvent opter à tout moment pour le régime normal d'imposition et
demander immédiatement le remboursement du crédit de taxe déductible lorsque le
montant de celui-ci est au moins égal à 5 000 francs. »
Par amendement n° I-268, MM. Joly et Othilly proposent d'insérer, après
l'article 12
quinquies
, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le premier alinéa du IV de l'article 271 du code général des
impôts, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Les assujettis soumis de plein droit ou sur option au régime normal
d'imposition peuvent demander un remboursement mensuel lorsque la déclaration
du mois précédent fait apparaître un crédit de taxe déductible d'un montant au
moins égal à 5 000 francs.
« Les assujettis placés sous le régime d'acomptes prévu au 3 de l'article 287
peuvent demander un remboursement mensuel du crédit de la taxe déductible
lorsque son montant est au moins égal à 5 000 francs.
« II. - Les pertes de recettes résultant du I sont compensées à due
concurrence par un relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du
code général des impôts. »
La parole est à M. Murat, pour défendre l'amendement n° I-166.
M. Bernard Murat.
Depuis que la TVA au taux de 5,5 % sur les travaux d'amélioration, de
transformation, d'aménagement et d'entretien des locaux à usage d'habitation
achevés depuis plus de deux ans a été instaurée, les entrepreneurs paient la
TVA au taux de 19,6 % sur leurs achats de matériels et de fournitures et
facturent la TVA au taux de 5,5 %. Pour certains corps de métiers, ces achats
représentent tous les mois un montant important.
Pour eux, le montant de la TVA déductible est désormais beaucoup plus
important que celui de la TVA récoltée.
Ils disposent donc d'un important crédit de TVA dont ils ne peuvent demander
le remboursement que trimestriellement lorsqu'ils sont soumis au régime normal
d'imposition et qu'annuellement lorsqu'ils sont soumis au régime simplifié.
Pour ces derniers, la réduction autorisée du montant des acomptes versés ne
sert à rien. La trésorerie de ces entreprises est par conséquent totalement
asséchée. Elles subissent de ce fait un préjudice important.
M. le président.
La parole est à M. Joly, pour défendre l'amendement n° I-268.
M. Bernard Joly.
Il me semble également nécessaire de permettre aux entreprises d'obtenir des
remboursements mensuels des crédits de TVA afin de leur permettre de bénéficier
de l'ensemble des effets de la mesure.
Pour une fois, nous avons la possibilité, d'une part, d'alléger la lourdeur
administrative et, d'autre part, de diminuer, sans doute, le taux de mortalité
des entreprises récentes.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n° I-166 et I-268 ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il convient de noter en effet, comme le font les
auteurs de ces deux amendements, que les procédures administratives de
remboursement de la TVA pourraient être améliorées. Certes, les outils
informatiques pourraient être plus performants, mais il faut également
s'interroger sur l'examen des demandes de remboursement, assimilées aujourd'hui
à des demandes contentieuses et qui font l'objet d'instructions qui
alourdissent la procédure.
La commission émet un avis favorable sur les deux amendements. Elle serait
intéressée de connaître la position du Gouvernement sur les mesures qu'il
compte prendre pour accélérer le remboursement de la TVA. Elle serait également
intéressée de savoir quelles peuvent être les réflexions menées au sein du
Gouvernement et de ses services en vue d'alléger l'ensemble de ce
dispositif.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Le différentiel de taux entre la TVA collectée et la
TVA déductible peut effectivement rendre créditrices un certain nombre
d'entreprises, du secteur du bâtiment notamment.
Consciente de l'importance qu'elles revêtent pour la trésorerie des
entreprises, la direction générale des impôts s'attache à instruire les
demandes de remboursement de crédits de TVA dans les meilleurs délais. De ce
point de vue, la modernisation en cours des outils informatiques devrait lui
permettre de les améliorer encore davantage.
Cela étant, s'agissant des redevables soumis au régime simplifié d'imposition,
il convient de rappeler qu'ils peuvent obtenir, au titre de chacun des
trimestres de l'année, le remboursement du crédit de TVA résultant de la taxe
déductible relative à leurs immobilisations, lorsque ce crédit est au moins
égal à 5 000 francs.
En outre, les redevables titulaires de bénéfices industriels et commerciaux
relevant du régime simplifié d'imposition peuvent opter, dans les conditions de
droit commun, pour une liquidation de leur TVA selon les modalités du régime
réel normal, tout en restant placés sous le régime simplifié d'imposition de
leur bénéfice, régime dit du « mini-réel ». Dans ce cas, ils peuvent formuler,
au titre de chaque trimestre civil, une demande de remboursement de crédit de
TVA résultant de la taxe déductible afférente à l'ensemble de leurs
dépenses.
L'ensemble de ces dispositions me paraît de nature à répondre aux
préoccupations des auteurs des deux amendements, à qui je demande, par
conséquent, de bien vouloir les retirer.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-166, accepté par la commission et repoussé
par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 12
quinquies,
et l'amendement n°
I-268 n'a plus d'objet.
Par amendement n° I-197, MM. Ostermann, Besse, Braun, Cazalet, Chaumont,
Joyandet, Trégouët, Cornu, Martin, Vasselle, Murat, Rispat, Neuwirth, Ginésy,
Darcos, de Broissia, Fournier, Leclerc, Marest, Schosteck, Lanier et Mme Olin
proposent d'insérer, après l'article 12
quinquies,
un article
additionnel ainsi rédigé :
« I. - Au premier alinéa du 2 de l'article 273 du code général des impôts,
après les mots : "ou certains services,", sont insérés les mots : "à
l'exception des dépenses de logement, de restaurant, de réception et de
spectacle,".
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I
ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création de taxes
additionnelles aux droits prévus aux articles 403, 575 et 575 A du code général
des impôts. »
La parole est à M. Joyandet.
M. Alain Joyandet.
Le Conseil des Communautés européennes avait, en 1989, autorisé la France à
exclure du droit à déduction visé à l'article 271 du code général des impôts la
TVA ayant grevé les dépenses de logement, réception et spectacle, cette
exclusion étant codifié à l'article 236 de l'annexe II du code général des
impôts.
Cette décision de 1989 a été invalidée par la Cour de justice des Communautés
européennes le 19 septembre dernier. Ouvrent donc droit à déduction de la TVA
les dépenses de logement, à l'exception de celles qui sont engagées pour le
logement des dirigeants et du personnel de l'entreprise, les dépenses de
réception, de restaurant et de spectacle, à l'exception de celles qui sont
engagées par les dirigeants ou le personnel de l'entreprise pour la
satisfaction de leurs besoins individuels.
Avec le dépôt de cet amendement, nous nous proposons d'amorcer un débat et de
donner l'occasion au Gouvernement de présenter au Sénat les mesures qu seront
mises en oeuvre pour tirer toutes les conséquences de cet arrêt de la Cour de
Luxembourg, ainsi que les modalités de remboursement offertes aux entreprises
concernées, en indiquant le coût estimé de ces remboursements pour les finances
publiques.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission estime qu'il est tout à fait opportun
d'interroger le Gouvernement sur les mesures qu'il compte prendre afin que soit
respectée la décision de la Cour de justice des Communautés européennes, qui a
récemment condamné la France parce qu'elle excluait du droit à déduction les
dépenses de logement, de restaurant, de réception et de spectacle.
Il convient de rappeler que cette décision de la Cour de justice suppose que
des instructions soient données aux services fiscaux sur les modalités selon
lesquelles les entreprises doivent dorénavant être en mesure de déduire la TVA
de leurs dépenses de représentation.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Quelle est la situation à la suite de cet arrêt du 19
septembre 2000, qui a donc invalidé la décision du 28 juillet 1989 du Conseil
des Communautés européennes ? Les dépenses de logement, de restaurant, de
réception et de spectacle que les entreprises supportent au bénéfice de tiers
depuis le 19 septembre 2000 ouvrent droit à déduction dans les conditions
habituelles. Les entreprises sont également autorisées à récupérer la taxe sur
la valeur ajoutée qui a grevé les dépenses de cette nature qu'elles ont
supportées depuis le 1er janvier 1996.
Ce dispositif est exposé dans une instruction administrative du 13 novembre
2000, publiée au
Bulletin officiel des impôts
du 17 novembre.
D'ores et déjà, les entreprises peuvent donc bénéficier pleinement de
l'ensemble des effets de l'arrêt de la Cour de justice du 19 septembre 2000.
Je crois, monsieur Joyandet, avoir ainsi répondu à votre voeu de voir le
Gouvernement présenter les mesures prises pour tirer les conséquences de cet
arrêt de la Cour de justice européenne. Je vous demande, en conséquence, de
bien vouloir retirer votre amendement.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je pense que nos collègues ont effectivement
satisfaction avec la réponse qui vient d'être apportée par Mme le secrétaire
d'Etat.
J'ajoute que, sur le plan juridique, la disposition qu'ils présentent est
plutôt de nature réglementaire.
Je crois donc pouvoir les inviter à mon tour à retirer leur amendement.
M. le président.
L'amendement n° I-197 est-il maintenu, monsieur Joyandet ?
M. Alain Joyandet.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° I-197 est retiré.
Par amendement n° I-210, MM. Adnot, Darniche, Donnay, Durand-Chastel, Foy,
Seillier et Türk proposent d'insérer, après l'article 12
quinquies,
un
article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 273
septies
A est complétée par un alinéa ainsi rédigé :
« Il en est de même pour les engins 4 x 4 classés "camionnette" acquis par les
entreprises employant des salariés afin de conduire ceux-ci sur leur lieu de
travail et qui comportent, outre les sièges conducteur et passager avant, deux
strapontins ou bien une petite banquette escamotable. »
La parole est à M. Donnay.
M. Jacques Donnay.
Nous demandons que les véhicules 4 x 4 classés « camionettes » utilisés par
les entreprises pour conduire les salariés sur leur lieu de travail bénéficient
du même régime fiscal que les autres véhicules classés « camionnettes ».
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission souhaite entendre l'avis du
Gouvernement.
M. le président.
Quel est, donc, l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Par cet amendement, il est proposé que les entreprises
soient autorisées à déduire la TVA afférente à certains véhicules de type 4 x 4
classés dans la catégorie « camionnette » par le service des mines lorsque ces
entreprises les utilisent pour transporter des salariés sur leur lieu de
travail.
Permettez-moi de rappeler d'abord que la mesure d'exclusion prévue par le code
général des impôts est d'ores et déjà assortie d'une dérogation majeure dans ce
domaine puisque les véhicules affectés au transport des salariés et qui
comportent plus de neuf places assises ouvrent droit à déduction.
Au demeurant, lorsqu'il s'agit de véhicules ne comprenant pas plus de neuf
places assises, il est difficile de distinguer de manière indubitable les 4 x 4
« camionnettes » des 4 x 4 de tourisme ; les caractéristiques intrinsèques des
véhicules visés par l'amendement ne permettent pas de considérer qu'ils sont
par nature destinés au transport de salariés sur leur lieu de travail ni, par
conséquent, d'éviter des fraudes éventuelles.
La mesure d'exclusion visant les véhicules de tourisme, dont la validité a été
confirmée en 1998 par la Cour de justice des Communautés européennes, est
notamment justifiée par la difficulté que comporte le contrôle de l'usage
effectif de ces véhicules.
J'ajoute que l'ouverture d'un droit à déduction pour la catégorie de véhicules
visée devrait, pour des raisons d'équité, s'appliquer également à d'autres
catégories de véhicules.
J'observe enfin que l'amendement n'est pas gagé.
Pour toutes ces raisons, j'en souhaiterais le retrait.
M. le président.
Quel est, maintenant, l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Le problème est effectivement de distinguer les
véhicules d'usage professionnel des véhicules qui relèvent plutôt d'un usage
privé.
Je constate que, jusqu'ici, selon la doctrine de l'administration fiscale, les
véhicules 4 x 4 étant considérés comme des véhicules transportant des
personnes, ils ne peuvent pas bénéficier de la déduction de la TVA.
Outre l'absence de gage, la rédaction de l'amendement me paraît techniquement
perfectible.
Nos collègues pourraient envisager de présenter, dans la seconde partie du
projet de loi de finances, une disposition visant un objectif de même nature,
mais techniquement plus affinée.
Dans l'immédiat, il me semble que cet amendement doit être retiré.
M. le président.
Monsieur Donnay, maintenez-vous l'amendement n° I-210 ?
M. Jacques Donnay.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° I-210 est retiré.
Par amendement n° I-124 rectifié, Mme Beaudeau, MM. Foucaud, Loridant et les
membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après
l'article 12
quinquies,
un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans l'article 278 du code général des impôts, le taux : "19,6 %" est
remplacé par le taux : "18,6 %".
« II. - Le taux prévu à l'article 150 OA du code général des impôts est relevé
à due concurrence.
« III. - Le taux prévu au 1 du I de l'article 39
quindecies
du code
général des impôts est relevé à due concurrence. »
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Par cet amendement, nous souhaitons ouvrir le débat sur l'évolution de la taxe
sur la valeur ajoutée.
Nous sommes tout à fait conscients du coût de cet amendement, compte tenu de
ce que représente un point de taux normal de TVA en termes de recettes
fiscales.
Mais enfin, au moment où l'on réduit l'impôt sur le revenu, où l'on voit
disparaître la majoration exceptionnelle de l'impôt sur les sociétés, où l'on
réduit la contribution sociale généralisée, on peut s'étonner qu'aucun effort
particulier ne soit accompli en ce qui concerne le taux normal de TVA et que
l'on ne mette pas enfin un terme à la majoration de ce taux, en vigueur depuis
1995.
La taxe sur la valeur ajoutée est peut-être un impôt moderne, efficace et
rentable, même si son recouvrement est coûteux du fait de sa nature déductible,
mais il est éminemment discriminatoire, régressif et porte donc atteinte au
principe constitutionnel d'égalité devant l'impôt.
Vouloir le réduire, notamment quand la situation des comptes publics offre
l'occasion de réfléchir aux grands équilibres de notre système de prélèvements,
apparaît par conséquent comme tout à fait légitime.
Je crois même me souvenir que le retour sur les dispositions votées en 1995 en
matière de TVA par la majorité qui soutenait MM. Juppé et Arthuis faisait
partie des engagements de la déclaration de politique générale de juin 1997.
Nous devons donc effectivement mettre un terme à cette majoration, d'autant
que nous ne sommes pas convaincus que le problème soit parfaitement réglé à
travers le cortège des baisses de TVA ciblées, proposées de-ci de-là par des
parlementaires de divers groupes.
Sur ce point, je ferai trois brèves remarques.
Premièrement, j'observe que les groupes de la majorité sénatoriale, qui
avaient voté des deux mains la hausse de la TVA, ne manquent pas d'imagination
dès lors qu'il s'agit de réduire le champ d'application de ce taux.
Deuxièmement, notre rapporteur général et la majorité de la commission des
finances n'ont, sur ces questions, proposé aucun amendement, un peu comme s'ils
se disaient que l'exercice du droit fondamental d'amendement doit se cantonner
à des aspects marginaux, l'essentiel étant laissé à d'autres.
Troisièmement, une part non négligeable des baisses proposées est au coeur de
la négociation européenne en matière fiscale, et cela soulève une question
quant au sens que l'on donne aujourd'hui au débat budgétaire national.
Pour autant, notre position de principe quant à la baisse du taux normal garde
toute sa portée.
Il s'agit d'aller dans le sens d'une plus grande justice sociale, d'un
rééquilibrage de notre fiscalité et d'une plus grande efficacité économique.
Si la baisse de la TVA peut pallier pour partie les risques d'une relance
inflationniste, pourquoi pas ?
S'agissant enfin des gages, dont chacun, notamment du côté du rapporteur
général, aura perçu la pertinence du point de vue des objectifs de
rééquilibrage entre la taxation du capital et la taxation du travail ou de la
consommation qui sont les nôtres, nous ne pouvons que les présenter comme
faisant partie du débat.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission pense que ce débat est tout à fait
opportun. Il souligne utilement les allées et venues étranges du Gouvernement
en ce qui concerne la TVA : tantôt il s'agit de baisses ciblées, tantôt il
s'agit - ce fut le cas au début de l'année - d'une baisse indifférenciée d'un
point pour toutes les catégories de services et de produits. On ne peut pas,
madame le secrétaire d'Etat, faire une chose et son contraire ! Il faut choisir
!
Nous nous souvenons que, dans les exposés doctrinaux des formations qui vous
soutiennent, figure le principe selon lequel la fiscalité indirecte serait
excessivement lourde et devrait être globalement diminuée. Si une telle baisse
vous paraît souhaitable, si elle est conforme à vos valeurs et à votre
engagement politique, tenez vos promesses, faites-le, ne vous arrêtez pas en
chemin !
Au début de l'année, le taux de TVA a été baissé de 20,6 % à 19,6 %, ce qui
représente un coût net de l'ordre de 20 milliards de francs. Nous nous
demandons tous à quoi cela a servi : quel a été l'effet de cette mesure en
termes d'activité économique et d'emploi ? Vous avez fait trop ou trop peu. Je
le répète, il vous faut choisir !
Un débat va s'engager dans quelques instants en ce qui concerne le secteur de
la restauration, que vous excluez obstinément d'une mesure de réduction ciblée
de la TVA. Il convient de rappeler que les enjeux financiers sont à peu près
identiques, c'est-à-dire une vingtaine de milliards de francs. Soit vous
poursuivez une politique de baisse ciblée, en particulier, comme vous l'avez
dit, sur les services à forte intensité de main-d'oeuvre, soit vous faites ce à
quoi vous vous êtes engagés à l'égard de votre base électorale et vous abaissez
le taux global de la TVA. Mais vous ne pouvez pas, à l'automne de 1999,
promouvoir la baisse ciblée s'agissant des professions du bâtiment et, à
l'automne 2000, la refuser en ce qui concerne la restauration. Vous ne pouvez
pas davantage prendre quelques mesures de baisse ciblée par clientélisme
électoral et quelques mesures de baisse globale, qui sont très coûteuses et
qui, dans la réalité, ne se traduisent par rien de concret.
Notre collègue Mme Beaudeau a donc raison de vous rappeler vos engagements
initiaux et de faire ressortir l'incohérence de la politique du Gouvernement en
ce qui concerne la TVA.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Que vous aviez, vous, augmentée !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Madame Beaudeau, d'aucuns ont été bien contents de
trouver les recettes qui étaient dans la caisse ! Lorsque cette augmentation du
taux est intervenue, vous savez comme moi que le contexte économique était bien
différent de celui d'aujourd'hui !
(Applaudissements sur les travées du RPR
et des Républicains et Indépendants.)
M. Gérard Braun.
Tout à fait !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
J'aurais beaucoup de choses à dire !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je me permettrai de répondre à M. le rapporteur
général, qui met en cause la cohérence de la politique que le Gouvernement a
engagée depuis 1997.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
Effectivement, nous avons fait des choix. Ces choix sont clairs : nous avons
opté pour les baisses d'impôts et la croissance.
M. Hilaire Flandre.
Il n'y a que vous pour le croire !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Pour votre part, vous aviez choisi les hausses
d'impôts et l'absence de croissance.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est un peu facile, vous le savez vous-même !
Un sénateur du RPR.
La croissance, ce n'est pas vous !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Nous avons donc d'abord choisi les baisses de TVA et
nous avons commencé par retenir celles qui étaient favorables à l'emploi. Ce
sont les mesures ciblées que vous avez tous en tête, notamment l'application du
taux réduit de la TVA aux travaux réalisés dans les logements. Ce sont aussi
les mesures qui favorisent les ménages modestes ; je rappellerai, car ce n'est
pas aussi ancien que cela, la baisse du taux de TVA sur les abonnements
d'EDF-GDF.
Nous avons également pris une mesure tendant à redistribuer les fruits de la
croissance en 2000 avec la baisse d'un point du taux normal de la TVA, et ce
sans tension sur les entreprises.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cela n'a servi à rien !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat,
Les emplois créés au cours de l'année 2000 sont aussi
une réponse à la question que vous posiez tout à l'heure : où sont passées ces
baisses de TVA ?
L'ensemble de ces mesures s'élèvent à 60 milliards de francs, soit
effectivement l'équivalent, voire un peu plus, des deux points de TVA majorés
en 1995 par un autre gouvernement. Mme Beaudeau a rappelé que le Premier
ministre, dans sa déclaration de politique générale, avait indiqué qu'il en
souhaitait la restitution. C'est chose faite !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Non !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
S'agissant de la baisse des impôts, nous ne nous en
tenons pas là puisque le plan annoncé à l'automne s'élève à 120 milliards de
francs sur trois ans. Il concerne, d'abord, la fiscalité directe, avec des
mesures importantes de redistribution des fruits de la croissance en faveur des
plus modestes au travers des allégements d'impôts sur le revenu et de la mesure
dont nous avons longuement débattu au début de l'examen des articles de la
première partie de la loi de finances, à savoir la ristourne de contribution
sociale généralisée. Mais ce plan s'est aussi accompagné de mesures de baisse
de la fiscalité indirecte. Je ne citerai que la baisse de la TIPP dans le cadre
du mécanisme de la TIPP flottante que vous connaissez et la suppression de la
vignette.
Par conséquent, les choix sont clairs depuis le début et le Gouvernement
poursuit dans cette voie. La mesure proposée, qui consiste à poursuivre
l'abaissement du taux normal de la TVA en ramenant celui-ci à 18,6 %, a été
satisfaite d'une autre manière, dans le cadre des baisses ciblées que je
rappelais à l'instant.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Inlassablement, madame la
secrétaire d'Etat, je vous rappellerai que le Gouvernement est imprudent de
prétendre décider de la croissance.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Elle est là !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Certes, mais est-ce parce que
vous l'avez décidée ?
(Non ! sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
Pouvez-vous nous la promettre et, dans l'affirmative, pour
combien de temps ? Si vous pouvez nous la promettre, expliquez-nous pourquoi
vous avez oublié de la convoquer en 1992 !
(Applaudissements sur les travées
du RPR.)
Vous auriez rendu un service éminent à la France si, en 1992, vous
aviez songé à convoquer la croissance. Aujourd'hui, dans le projet de budget
que vous nous proposez, vous n'êtes même pas revenue au déficit budgétaire que
vous aviez prévu en 1992. Vous rendez-vous compte de tout le chemin parcouru
?
Si vous décidiez de la croissance, il fallait absolument éviter à la France ce
retournement conjoncturel tragique qu'elle a connu, ces pertes massives
d'emplois.
Franchement, je n'ai vraiment rien contre votre personne ni même contre le
Gouvernement. Si, au fond, vous utilisiez simplement une figure de dialectique,
cela appartient tellement à l'art politique que je n'en serais pas davantage
ému. Mais je crains que vous ne commenciez à croire que vous pouvez décider de
la croissance.
Madame la secrétaire d'Etat, si le Gouvernement en est là, il sera incapable
de faire face au premier retournement conjoncturel et il renverra la France
dans le mur, comme il l'a fait en 1992 et en 1993.
(Vifs applaudissements
sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du
RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
M. Lambert est un homme trop sérieux pour penser que
la croissance se convoque. La croissance se nourrit, s'entretient, se préserve
grâce à des décisions de politique économique et budgétaire.
M. Hilaire Flandre.
Vous n'en prenez pas le chemin !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Il se trouve que ce gouvernement n'a pas pris de trop
mauvaises décisions lorsqu'il est arrivé au pouvoir en 1997, à un moment où
certains désespéraient de continuer de l'exercer.
Sur quoi repose cette politique budgétaire ? Sur des fondements extrêmement
simples. Il s'agit, d'abord, de maîtriser la dépense...
(Protestations sur
les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Alors là ! Il vaut mieux entendre cela que d'être
sourd !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
... ensuite, de réduire les déficits et, enfin, de
baisser les impôts. Qu'avons-nous fait ? Nous avons maîtrisé la dépense de
l'Etat. Nous avons diminué les déficits, et croyez bien que ce petit jeu qui
consiste à opposer les déficits de 1992 à ceux de 1997 n'a pas grand
intérêt.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
A petit jeu, petit jeu et demi !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Ce qui compte, c'est que la France ait pu se qualifier
pour l'euro et elle y est parvenue au début de 1998 grâce aux efforts de
tous.
Plusieurs sénateurs du RPR.
Grâce à nous !
M. Jean Chérioux.
Grâce aux efforts précédents !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Par conséquent, la baisse des déficits est là, elle
se poursuit, et le présent projet de loi de finances le confirme. Nous aurons
l'occasion d'avoir à nouveau ce débat lors de la discussion du collectif
budgétaire de fin d'année qui prendra en compte la réalité de la situation en
2000.
Les baisses d'impôt sont également là, le présent projet de loi de finances en
atteste.
Par conséquent, ne me faites pas dire ce que je ne pense pas. D'ailleurs,
vous-même ne le pensez pas. La croissance ne se convoque pas, mais elle
s'entretient comme un bien extrêmement précieux. Nous sommes très heureux de
pouvoir contribuer à ce que notre pays bénéficie de la croissance, car cette
croissance est bonne pour l'emploi, donc pour les Français.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je n'ai pas encore donné l'avis de la commission sur
l'amendement n° I-124 rectifié parce que l'échange entre Mme Parly et Mme
Beaudeau me paraissait très intéressant.
La commission estime, madame le secrétaire d'Etat, que les baisses d'impôt
sont bonnes. D'ailleurs, vous ne nous en donnerez jamais assez... Nous sommes
pour la baisse globale des prélèvements obligatoires et pour les baisses
d'impôt les plus efficaces du point de vue de la croissance et de l'emploi dans
notre pays.
A cet égard, après avoir entendu vos explications, qui nous ont semblé un peu
complexes, voire un peu embarrassées, nous sommes tentés de vous dire que, quel
que soit l'argent mis au pot, et qui est considérable, il est mal utilisé. En
effet, si je me limite à la TVA, qui est le principal impôt indirect, tantôt la
baisse est ciblée, tantôt la baisse d'un point est indifférenciée. S'agit-il
d'une optimisation de ressources publiques rares ? N'est-ce pas plutôt une
tentative un peu dérisoire de contenter les uns, puis les autres ? Ce n'est pas
ce que l'on peut appeler une politique fiscale. En tout cas, ce n'est pas une
politique de réforme fiscale.
S'agissant de l'amendement présenté par Mme Beaudeau, la commission des
finances émet un avis défavorable, parce qu'elle considère qu'il vaut mieux
consacrer les quelques marges dont on peut disposer à poursuivre une politique
qui exerce un réel effet de levier, mesurable, sur l'emploi. Et cet effet de
levier sera beaucoup plus manifeste si l'on choisit le secteur de la
restauration, pour lequel d'excellents amendements seront présentés tout à
l'heure. Il s'agit d'un secteur qui emploie beaucoup de main-d'oeuvre et qui
pourrait en employer davantage encore si ses prix de revient baissaient.
Cela nous semble être une bonne utilisation des marges engendrées par la
croissance et susceptibles d'êtres restituées à l'activité économique.
La baisse d'un point du taux de TVA au début de cette année a été un
gaspillage de l'argent public, car il n'en est rien résulté de clair et de
compréhensible, ni pour l'emploi ni pour l'activité économique dans notre
pays.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-124 rectifié.
M. Bernard Angels.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels.
Ce débat, qui s'est déjà instauré à plusieurs reprises, est très intéressant,
mais je pense que je ne pourrai convaincre ni les uns ni les autres. Néanmoins,
je voudrais revenir sur les propos du président de la commission des
finances.
Monsieur le président de la commission, cela m'étonne de vous : vous avez
raison sur un point mais tort sur un autre. En effet, il est vrai que la
croissance ne se décrète pas. Ce n'est pas moi qui vous dirai qu'il suffit de
taper dans les mains pour que la croissance revienne.
Néanmoins, monsieur le président de la commission, pour avoir un jugement
serein, nous constatons qu'au sein de la Communauté européenne des pays suivent
des politiques soit semblables, soit différentes. Si ce gouvernement avait mal
géré notre pays, croyez-vous que nous bénéficierions d'une telle croissance
comparée à celle des pays qui nous entourent ?
Par conséquent, cette simple remarque, et je n'en dirai pas plus, vous montre
qu'à l'évidence nous avons la chance d'avoir un gouvernement qui gère bien
notre pays.
M. Hilaire Flandre.
La croissance, ça se prépare !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-124 rectifié, repoussé par la commission et
par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je suis maintenant saisi de sept amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Monsieur le président, la commission souhaiterait
que, dans cette discussion commune, la priorité soit donnée à l'amendement n°
I-89, car il est plus synthétique, de son point de vue.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Favorable, monsieur le président.
M. le président.
La priorité est de droit.
Par amendement n° I-89, MM. Badré, Amoudry, Arnaud, Ballayer, Barraux, Baudot,
Bécot, Bernadaux, Bernardet, Mme Bocandé, MM. Borotra, Deneux, Diligent,
Dulait, Franchis, Fréville, Grignon, Hérisson, Herment, Hoeffel, Huchon,
Huriet, Hyest, Jarlier, Lesbros, Lorrain, Machet, Malécot, Maman, Marquès,
Louis Mercier, Michel Mercier et Monory proposent d'insérer, après l'article
12
quinquies,
un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les deuxième (a), troisième (b) et quatrième (c) alinéas du 2° de
l'article 278
bis
du code général des impôts sont supprimés.
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I
ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création de la taxe
additionnelle aux droits sur les tabacs mentionnée aux articles 575 et 575 A du
code général des impôts. »
Par amendement n° I-125, Mme Beaudeau, MM. Foucaud, Loridant et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article
12
quinquies,
un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le 2° de l'article 278
bis
du code général des impôts est ainsi
rédigé :
«
2°
Sur l'ensemble des produits destinés à l'alimentation. »
« II. - Les taux fixés au III
bis
de l'article 125 A du code général
des impôts sont relevés à due concurrence. »
Par amendement n° I-269, MM. Joly et Othily proposent d'insérer, après
l'article 12
quinquies,
un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le 2° de l'article 278
bis
du code général des impôts est ainsi
rédigé :
« 2° Produits destinés à l'alimentation humaine à l'exception du caviar. »
« II. - La perte de recettes résultant du I est compensée, à due concurrence,
par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général
des impôts. »
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° I-66 rectifié
ter
est présenté par M. Pelchat et les
membres du groupe des Républicains et Indépendants et MM. Mouly, Joly, Oudin et
Legendre.
L'amendement n° I-198 est déposé par MM. Ostermann, Besse, Braun, Cazalet,
Chaumont, Gaillard, Joyandet, Trégouët, Cornu, Martin, Vasselle, Murat, Rispat,
Neuwirth, Ginisy, Darcos, Fournier, Leclerc, de Broissia, Marest, Schosteck,
Lanier et Mme Olin.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 12
quinquies,
un article
additionnel ainsi rédigé :
« Le troisième alinéa (2°) de l'article 278
bis
du code général des
impôts est complété par les mots : ", et sous réserve que les dispositions
suivantes ne soient pas contraires au principe d'égalité devant les charges
publiques". »
Par amendement n° I-199, MM. Ostermann, Besse, Braun, Cazalet, Chaumont,
Gaillard, Joyandet, Cornu, Martin, Vasselle, Murat, Rispat, Neuwirth, Darcos,
Fournier, Ginésy, de Broissia, Vial, Leclerc, Marest, Schosteck, Lanier et Mme
Olin proposent d'insérer, après l'article 12
quinquies,
un article
additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le b du 2° de l'article 278
bis
du code général des impôts est
complété par les mots : "quel que soit leur mode de présentation". »
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I
ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création de taxes
additionnelles aux droits prévus aux articles 403, 575 et 575 A du code général
des impôts. »
Par amendement n° I-83, M. du Luart et les membres du groupe des Républicains
et Indépendants proposent d'insérer, après l'article 12
quinquies,
un
article ainsi rédigé :
« I. - Le
c
du 2° de l'article 278
bis
du code général des
impôts est supprimé.
« II. - La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par
le relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
La parole est à M. Badré, pour défendre l'amendement n° I-89.
M. Denis Badré.
L'appréciation
a priori
du rapporteur général me flatte, me touche
même, mais elle représente une grande exigence aussi. Je vais essayer d'en être
digne.
Afin que nos débats gagnent en clarté, donc en efficacité, sur un sujet aussi
complexe et foisonnant que celui du passage au taux réduit de la TVA de telle
ou telle catégorie de biens ou services, la commission des finances m'avait
demandé, il y a quelques mois, de présenter un rapport d'ensemble, afin que
nous sachions à tout moment si tel ou tel projet était eurocompatible ou non
et, s'il l'était, s'il pouvait recevoir notre agrément sur le plan
franco-français.
Tel était l'objet du rapport n° 474 intitulé :
Comment baisser le taux de
TVA ?
Ce sujet étant appelé à nous occuper longuement, je me propose de
donner à nos débats des bases claires.
Tout d'abord, nos débats s'inscrivent, Marché unique oblige, dans un cadre
communautaire synthétisé dans ce que l'on appelle la sixième directive de TVA,
qui date de 1977 et a été modifiée en 1991.
Cette sixième directive prévoit que la TVA est exécutée au taux normal, ce
taux normal étant supérieur à 15 % : c'est ce qu'elle prévoit, et rien d'autre,
au départ.
Par ailleurs, cette même directive prévoit qu'un ou deux taux réduits peuvent
être mis en oeuvre, à la discrétion des Etats, et qu'ils doivent être fixés
entre 5 % et 15 %. Une première difficulté, en France, c'est que notre taux
normal est dans le haut de la fourchette des taux normaux, tandis que notre
taux réduit est dans le bas de la fourchette des taux réduits ; si bien que la
différence entre les taux français est beaucoup plus importante que la
différence moyenne entre les taux en vigueur dans les autres pays membres de
l'Union européenne. Les distorsions de concurrence entre taux normal et taux
réduit sont donc particulièrement criantes en France.
Pour mettre en oeuvre le taux réduit, la sixième directive s'appuie sur une
annexe - la fameuse annexe H - qui définit de manière limitative, stricte, et
précise, la liste des biens et services susceptibles de donner lieu à taux
réduit. Les Etats, là encore, ne sont pas obligés de les mettre en oeuvre, mais
ils ne peuvent pas en décider d'autres que ceux qui sont prévus par l'annexe
H.
La Commission campe sur cette annexe H : elle ne veut pas la modifier tant que
l'on ne sera pas parvenu à un système commun de TVA, parce que la préparation
d'un tel système commun serait lourdement handicapée par de nouvelles
modifications qui seraient apportées à cette annexe H. Du point de vue de la
Commission, le terrain doit donc rester net, propre : elle ne veut pas que l'on
touche à l'annexe H !
Une seule entorse a été faite au principe de l'intangibilité de l'annexe H,
l'année dernière, en 1999, vous vous en souvenez, avec la directive sur les
services à haute intensité de main-d'oeuvre, les Etats étant appelés à proposer
chacun trois services susceptibles de donner lieu à une expérimentation de
trois ans pour qu'au terme de ces trois ans on puisse apprécier le coût et
l'impact de l'abaissement du taux normal de la TVA, notamment en termes de
réduction de l'économie souterraine et de création d'emplois.
Il s'agit donc d'une opération expérimentale pour voir si, en effet, de
manière tout à fait exceptionnelle, l'annexe H pourrait être modifiée. C'est le
seul coup de canif à l'annexe H. Toutes les autres modifications qui ont été
apportées au système du taux réduit l'ont été par le biais de l'article 28 de
la sixième directive.
Cet article 28 prévoit des dérogations transitoires pour tel ou tel bien, tel
ou tel service, qui, pour un temps donné et dans des conditions bien définies,
pourraient bénéficier du taux réduit.
C'est la disposition qui a été utilisée, par exemple, pour la floriculture, il
y a quelques années, et sur laquelle s'est appuyée la Commission, voilà un an,
pour accrocher sa directive sur les services à haute intensité de
main-d'oeuvre. Il fallait bien s'accrocher à quelque chose !
C'est dont, dans le cadre de cet article 28, et de lui seul, que nous devons
travailler.
Dans ces conditions, les questions que nous avons à nous poser sont bien de
savoir ce qui est eurocompatible et ce qui ne l'est pas.
Pour ce qui est eurocompatible, le débat devient franco-français. A nous,
alors, d'apprécier la faisabilité, l'efficacité, l'intérêt, le coût de la
mesure et à nous de la décider. Je rejoins alors ici le débat précédent, celui
de savoir s'il est plus intéressant de retenir des baisses ciblées, dont
l'intérêt et le coût sont à ce moment bien connus, ou de préférer une baisse
générale du taux normal, qui coûte en général plus cher et qui, lorsqu'elle se
traduit par un saupoudrage homéopathique de points, se perd et est assez peu
payante.
Si, à l'inverse, un projet n'est pas eurocompatible, nous avons le choix entre
plusieurs solutions.
D'abord, certains estimeront que, en l'état, juridiquement, nous ne pouvons
rien faire. Mais si, mes chers collègues, l'Europe, c'est nous ! Et ce que nous
pouvons faire, c'est demander à l'Europe que l'euroincompatibilité soit levée.
Il y faudra un certain temps, plus ou moins long selon le sujet.
Dans la suite du débat, vous le verrez, un certain nombre d'amendements
reposent sur l'idée que la dérogation est possible et qu'elle doit pouvoir être
obtenue très rapidement. C'est ce que nous plaiderons pour la restauration. Le
Portugal, sur ce sujet, a ainsi obtenu une dérogation il y a quelques mois, et
en quelques semaines.
Pour certains sujets donc, la dérogation est possible. Pour d'autres, ce sera
plus difficile. Pour ceux-là, nous inviterons le Gouvernement à engager le
débat à Bruxelles et, si possible, à réunir la majorité de ses partenaires afin
qu'effectivement la porte puisse être enfoncée. On pourrait, à ce titre, citer
l'exemple des prestations des avocats.
Sur ce sujet, si tous les représentants au Conseil demandaient une dérogation,
je pense qu'on pourrait l'obtenir. Mme Guigou, alors garde des sceaux, s'y
était déclarée favorable. Il faut que l'actuel garde des sceaux et ses
collègues de l'Union fassent la même démarche et, à cette condition, on peut
réussir.
Il y a donc trois niveaux. Ce qui est eurocompatible relève de notre choix ;
ce qui n'est pas eurocompatible, nous le demandons et, si nous avons des
chances de l'obtenir à court terme, nous faisons pression pour l'obtenir dès
aujourd'hui ; si nous n'avons pas l'espoir de l'obtenir à court terme, nous le
demandons pour la suite.
J'en viens à l'amendement n° I-89, donc au chocolat !
(Sourires.)
Permettez-moi une courte citation pour resituer l'enjeu. « Le cacao n'est pas
une marchandise de luxe ; ce n'est point une gourmandise ; ses propriétés
hygiéniques et nutritives sont incontestables et incontestées et, parce qu'il
est doué d'un arôme et d'une saveur qui flattent l'odorat et le palais, il
entre dans les denrées de grande consommation dont je proclame le dégrèvement
fiscal, car il est physiquement et moralement salutaire. » Cette citation est
de Napoléon III et date du 5 janvier 1860 !
(Sourires.)
Depuis, que de débats sur le chocolat, notamment dans cette assemblée !
Précisément, je souhaiterais qu'ils puissent se conclure. C'est pourquoi j'ai
pris l'initiative, il y a quelques semaines, de déposer une proposition de loi
- elle a été signée par plus de cent sénateurs - prévoyant une fois pour toutes
que le chocolat et les produits à base de chocolat ainsi que la margarine, qui,
avec le caviar, sont les seuls produits alimentaires encore assujettis au taux
normal, puissent passer au taux réduit.
Mon amendement est, de même, très simple : je demande que passent au taux
réduit les produits à base de chocolat et la margarine.
Mme Danièle Pourtaud.
Et le caviar ?
(Sourires.)
M. Denis Badré.
De cette manière, nous réduirons bien des disparités et nous mettrons un terme
aux nombreuses difficultés qui assaillent un secteur qui ne le mérite pas !
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre l'amendement n° I-125.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
L'amendement n° I-125 porte sur une questions maintes fois évoquée dans nos
précédents débats budgétaires et qui revient d'ailleurs encore cette année.
Nous souhaitons, en effet, expressément, avec cet amendement, résoudre le
douloureux et incompréhensible problème posé par la nomenclature des produits
alimentaires au regard de la taxe sur la valeur ajoutée.
Pour quels motifs, en effet, les produits de confiserie comme le chocolat ou
les bonbons ou encore la margarine, graisse végétale poly-insaturée, dont les
effets bénéfiques sur la santé sont pourtant reconnus, continuent-ils d'être
taxés au taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée ?
Que faut-il comprendre quand les prestations assurées par les hôtels de luxe
bénéficient, elles, du taux réduit, les assimilant à des produits de première
nécessité ?
C'est cette étonnante dichotomie de la taxe sur la valeur ajoutée que nous
voulons résoudre en vous proposant cet amendement.
Il est évidemment une autre motivation plus fondamentale.
Les produits alimentaires continuent de participer, pour nombre de familles
aux revenus modestes, de l'essentiel de leur budget et de leurs dépenses.
La TVA, je l'ai dit tout à l'heure, est un impôt éminemment régressif et
inégalitaire. Il les frappe donc d'autant plus que des produits alimentaires
sont encore taxés au taux normal.
C'est pour cette raison que nous vous invitons à adopter cet amendement n°
I-125.
M. le président.
La parole est à M. Joly, pour présenter l'amendement n° I-269.
M. Bernard Joly.
Cet amendement vise à appliquer au chocolat, aux produits de confiserie ainsi
qu'aux margarines et graisses végétales le taux de TVA réduit applicable aux
autres produits alimentaires. Il s'agit, en effet, de produits de consommation
courante et non de produits de luxe. Il serait regrettable que la France
pénalise ses entreprises.
J'en profite pour exprimer tous mes regrets de constater qu'il est aujourd'hui
possible d'ajouter des margarines et des graisses végétales au cacao pur. Où va
la qualité gastronomique de nos produits ? J'espère que cette anomalie
disparaîtra au plus vite.
M. le président.
La parole est à M. Pelchat, pour défendre l'amendement n° I-66 rectifié
ter.
M. Michel Pelchat.
Cet amendement a le même objet que les amendements précédents, notamment en ce
qui concerne le chocolat et les margarines. Il est toutefois de nature un peu
différente. Il est moins précis dans sa détermination mais, me semble-t-il,
tout aussi efficace.
Il se contente, dans l'article 278
bis
du code général des impôts,
après les mots : « Produits destinés à l'alimentation humaine à l'exception »
d'ajouter les mots : « et sous réserve que les dispositions suivantes ne soient
pas contraires au principe d'égalité devant les charges publiques. » Pourquoi
une telle rédaction ? Cela permettrait au Conseil constitutionnel de se pencher
sur cette question.
En effet, dans ses décisions n° 85-187 de 1985 et n° 99-410 de 1999, le
Conseil constitutionnel a affirmé la faculté d'examiner la conformité à la
Constitution d'une disposition déjà promulguée, dès lors qu'un nouvel
amendement modifie ou complète la loi antérieure.
Alors que, depuis de nombreuses années, le Parlement soulève le problème des
discriminations fiscales dans le secteur alimentaire, le traitement de cette
question est systématiquement repoussé.
Dès lors, le présent amendement tend à permettre l'examen de la
constitutionnalité des dispositions prévues par l'article 278
bis
du
code général des impôts, en subordonnant leur application à leur conformité au
principe d'égalité devant les charges publiques.
Je pense qu'on ne saurait s'opposer à son adoption, sauf à souhaiter que le
Conseil constitutionnel ne puisse disposer des moyens de se prononcer sur la
conformité de ces dispositions aux principes généraux du droit, c'est-à-dire à
entraver le contrôle de constitutionnalité d'une disposition effectivement
controversée.
Cet amendement, qui vient tout à fait heureusement compléter les autres
amendements, notamment celui de notre collègue Denis Badré, n° I-89, concernant
spécifiquement le chocolat et les margarines, a une portée générale qui devrait
normalement rendre plus difficile pour le Gouvernement, comme il en a pris
l'habitude depuis plusieurs années, de changer d'avis. En effet, ce n'est pas
la première fois qu'ici, en cette enceinte, nous adoptons des amendements en
vue de réduire le taux de TVA, notamment sur le chocolat. Je me souviens de
batailles menées, y compris il y a fort longtemps, par mon collègue Bernard
Barbier, dont je me plais à rappeler la mémoire ici, et, chaque fois, le
Gouvernement, à l'Assemblée nationale, est revenu sur une disposition adoptée
ici, au prétexte que, fiscalement, elle coûtait trop cher.
Or, en l'occurrence, il s'agit d'établir un nouveau principe général de droit
permettant au Conseil constitutionnel d'examiner la constitutionnalité des
dispositions visées, en subordonnant leur application à leur conformité au
principe d'égalité devant les charges publiques.
Si nous ne prévoyons pas un tel dispositif, mes chers collègues, il y a fort à
parier que l'arbitrage sera rendu par Bruxelles. A cet égard, nous devrions
nous montrer vigilants. Cela nous impose d'adopter cet amendement.
(M. Joël Bourdin applaudit.)
M. le président.
La parole est à M. Murat, pour défendre les amendements n°s I-198 et I-199.
M. Bernard Murat.
L'amendement n° I-198 présente l'avantage d'être la synthèse de tout ce que
nous venons d'apprendre. Cependant, à la demande de M. le rapporteur général,
nous le retirons.
M. le président.
L'amendement n° I-198 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur Murat.
M. Bernard Murat.
L'amendement n° I-199 a pour objet de préciser le problème de la TVA sur le
chocolat noir de couverture. Nous restons donc dans le domaine du chocolat.
Aujourd'hui, non seulement la plupart des produits de chocolaterie sont
toujours assujettis à un taux de TVA de 19,6 %, contrairement à la
quasi-totalité des produits alimentaires, mais, en outre, l'administration
fiscale tente d'imposer ce taux au chocolat noir jusqu'à présent taxé à 5,5 %.
Le présent amendement vise, par conséquent, à remédier à cette distorsion en
prévoyant de fixer à 5,5 % le taux de TVA applicable au chocolat noir de
couverture.
M. le président.
L'amendement n° I-83 est-il soutenu ?...
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-89, I-125, I-269,
I-66 rectifié
ter
et I-199 ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il s'agit d'un moment important de notre débat. Le
Sénat aura à coeur, j'en suis convaincu, de confirmer ses votes précédents sur
le sujet.
Je ne reviendrai pas sur l'excellent exposé de M. Denis Badré, qui avait été
chargé par la commission des finances d'une mission d'information sur
l'évolution des taux de la TVA dans le cadre de l'Union européenne et qui, au
sein de notre commission, s'est beaucoup investi dans l'ensemble de ce domaine.
Il a présenté de façon très claire l'état de la question. La commission émet,
bien sûr, un avis très favorable sur l'amendement n° I-89, qui vise à étendre
le taux réduit de TVA à la margarine, au chocolat et à la confiserie, et qui
est compatible, comme il nous l'a prouvé de façon argumentée, avec le droit
communautaire.
S'agissant de l'amendement n° I-125, je dirai en souriant à Mme Beaudeau qu'il
se distingue de l'amendement n° I-269 présenté par M. Joly, car l'amendement de
gauche contient le caviar
(Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur les travées socialistes)
alors que l'amendement du centre
gauche ne contient pas le caviar.
M. Paul Loridant.
C'est normal !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Vous savez ce que l'on dit...
M. Paul Loridant.
Caviar pour tous ! Nous sommes pour le partage !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... puisque l'on s'y réfère souvent. Je ne sais pas
si c'est la proximité entre Mme Beaudeau et Mme Pourtaud. En tout cas, c'est la
gauche caviar que l'on évoque de temps à autre.
(Sourires sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et
Indépendants.- Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
Mme Danièle Pourtaud.
Là, vous y allez un peu fort !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Pardonnez-moi de le faire, même si c'est sans doute
un peu facile.
Un sénateur du RPR.
C'est la vérité !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il faut bien de temps en temps sourire dans cette
assemblée.
L'amendement n° I-125 serait excellent, d'ailleurs sans qu'il soit nécessaire
de se prononcer sur le fait d'inclure cet excellent produit qu'est le caviar et
qui est généralement un produit importé, si le gage était acceptable. Dès lors
que le gage n'est pas acceptable, ...
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Tout est dans le gage !
(Sourires.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
En effet, madame Beaudeau, nous avons souvent des
débats sur ce sujet. Ce sont d'ailleurs des débats très codés.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Si vous le souhaitez, on peut les décoder !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Certes, nous pouvons les décoder, y passer tout le
temps nécessaire si c'est utile. Dans l'immédiat, la commission ne peut émettre
un avis favorable.
En ce qui concerne l'amendement n° I-269, présenté par notre collègue Bernard
Joly, la commission s'en remet à la sagesse très favorable du Sénat. Cependant,
elle a une préférence pour l'amendement n° I-89, le premier de ceux que nous
examinons.
J'en viens aux amendements identiques n°s I-66 rectifié
ter
et I-198,
présentés respectivement par M. Michel Pelchat et par M. Bernard Murat. Je me
plais à saluer le caractère imaginatif, sur le plan du droit, de cette
disposition. Leur réflexion est assurément utile et méritera sans doute d'être
reprise le moment venu. Toutefois, pour que la méthode soit utile, encore
faudrait-il que la formulation proposée, et qui est un appel au Conseil
constitutionnel, figure bien dans le texte définitif de la loi adoptée,
c'est-à-dire après un vote favorable à l'Assemblée nationale. Il s'agit d'une
disposition intéressante sur laquelle il serait utile d'entendre le
Gouvernement, puisque l'on se situe sur le plan des principes généraux de notre
droit.
Enfin, mes chers collègues, l'amendement n° I-199 est, si j'ose dire, un «
classique », que nous avons déjà voté à plusieurs reprises et qui se concentre
sur le chocolat. Il est d'ailleurs dans la droite ligne des recommandations que
formulait, voilà plusieurs années, notre excellent et regretté collègue Bernard
Barbier. Bien entendu, la commission émet un avis favorable sur cet amendement,
mais il sera satisfait par l'amendement n° I-89 qui a une portée plus large, si
celui-ci est adopté.
Quant à l'amendement n° I-83 relatif à la margarine, qui a été retiré, il
serait rétrospectivement satisfait, lui aussi, par l'amendement n° I-89.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Nous avons, de fait, ouvert une sorte de discussion
générale sur les question de TVA. Il est vrai que cela donne souvent lieu à une
litanie - Mme Beaudeau utilisait ce terme - un peu hétéroclite. Aussi, je
remercie M. Badré d'avoir bien voulu, par son exposé extrêmement clair, tenter
de synthétiser un peu les questions qui se posent. Comme il l'a fort bien
rappelé, ce qu'il convient de distinguer avant tout, c'est ce qui est
eurocompatible et ce qui ne l'est pas.
Dans le registre de l'eurocompatibilité, il s'agit de savoir comment nous
hiérarchisons nos priorités politiques entre les différentes possibilités qui
nous sont offertes. Des choix sont à faire. Les questions d'efficacité
économique, d'emploi, de coût budgétaire qui y sont attachées sont évidemment
très importantes. Nous y reviendrons dans un instant.
Quant au second registre, c'est-à-dire ce qui n'est pas eurocompatible, il
n'est pas interdit d'en débattre, bien sûr, mais la difficulté est à l'évidence
plus grande, même si, de temps à autre, il arrive que nous puissions trouver
des ouvertures avec la Commission européenne. La décision récente, que M. Badré
rappelait, consistant à expérimenter un taux réduit de TVA dans des domaines à
forte intensité de main-d'oeuvre pour trois services et que nous avons choisi
de faire porter principalement sur les travaux dans les logements, résulte
d'une initiative du Gouvernement qui a été fortement relayée par le parlement
français. Ce débat me permet d'aborder les amendements n°s I-89, I-125 et
I-269, qui portent, dans la catégorie des sujets eurocompatibles, sur
l'application du taux réduit de TVA à certains produits alimentaires.
Comme je l'ai rappelé tout à l'heure, des choix ont été faits précédemment,
qui ont mobilisé des ressources budgétaires importantes, puisque 30 milliards
de francs ont été investis dans des baisses ciblées de TVA.
M. Hilaire Flandre.
Moins les déductions fiscales !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
S'agissant de la question récurrente du chocolat noir,
que vous avez, les uns et les autres, soulevée,...
M. Denis Badré.
Des produits à base de chocolat !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
J'y viendrai dans un instant.
Aujourd'hui, le code général des impôts soumet au taux réduit de TVA les
produits chocolatés qui relèvent de catégories intitulées « chocolat », «
chocolat de ménage », chocolat de ménage au lait » et qui figurent dans une
annexe d'un décret de 1976 relatif aux produits de cacao et de chocolat
destinés à l'alimentation humaine. Un différend important a opposé
l'administration fiscale et les professionnels du chocolat sur le taux
réellement applicable au chocolat noir. Nous avons donc mené une concertation
approfondie avec les professionnels. Il est vrai que la situation était, si
vous me permettez d'employer ce mot, quelque peu abracadabrante.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Abracadabrantesque !
(Sourires.)
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Cette conception a abouti dans la mesure où il nous a
paru possible d'admettre que les produits de chocolat noir présentés en
tablette ou en bâton et qui respectaient des teneurs minimales de chocolat
conformes à l'annexe du décret du 1976 que j'évoquerais tout à l'heure
pouvaient relever du taux réduit de TVA, même s'ils contenaient plus de 31 % de
beurre de cacao. Il s'agit d'une avancée importante et, bien entendu, aux
termes de cette discussion avec la profession, il va de soi que les
redressements notifiés par l'administration fiscale sur ce point seront
abandonnés.
L'amendement n° I-199 pose de manière plus générale la question du taux de TVA
applicable en fonction du mode de présentation des produits chocolatés.
L'extension du taux réduit aux produits chocolatés présentés sous d'autres
formes que les tablettes ou les bâtons n'est pas envisageable dans la mesure où
le mode de présentation est non pas un critère d'éligibilité au taux réduit,
mais un mode de distinction entre les produits de consommation courante que
sont les tablettes et les bâtons et les produits de confiserie qui relèvent de
manière homogène du taux normal de TVA. Par conséquent, il est difficile
d'aller au-delà de l'avancée que j'évoquais à l'instant.
Je ne peux pas partager l'objectif des auteurs des amendements identiques n°s
I-66 rectifié
ter
et I-198.
La rédaction proposée me paraît un peu compliquée, pour ne pas dire
contournée. Outre le fait que je ne suis pas sûre de comprendre la totalité de
l'exposé des motifs des amendements, il me semble qu'à tout le moins une
explication complémentaire, qui n'a peut-être pas vocation à avoir lieu dans
cet hémicycle, serait utile. Dans l'attente, il serait sans doute préférable de
retirer ces amendements.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-89.
M. Denis Badré.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré.
Oui, comme Mme le secrétaire d'Etat a bien voulu le reconnaître, la
disposition présentée dans l'amendement n° I-89 est eurocompatible. Je précise
d'ailleurs, en écho à son propos, que seuls 3 milliards de francs nous séparent
d'une situation où tous les produits alimentaires, sauf le caviar, seraient
soumis au taux réduit de TVA.
Par comparaison, la réduction d'un point de TVA retenue par le Gouvernement
voilà un an coûtait 31 milliards de francs par an. Nous sommes donc tout près
de parvenir à une situation complètement saine et de voir disparaître toutes
les difficultés - les injustices ou, à tout le moins, les contentieux - qui
apparaissent immanquablement dès lors qu'une limite est fixée. Et, en
l'occurrence, elles sont nombreuses. Faisons donc sauter cette limite. Je pense
que l'enjeu en vaut la peine !
M. Michel Pelchat.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat.
Après l'explication de Mme le secrétaire d'Etat, la confusion entre les
produits soumis au taux de TVA de 5,5 % et les autres sera encore plus grande
chez les professionnels du chocolat ! On pourra d'ailleurs se reporter au
compte rendu des débats pour le constater !
J'espère, madame le secrétaire d'Etat, que l'entretien que vous avez eu avec
les professionnels du chocolat a été long et fructueux, que vous avez donné à
ces derniers un cours et que vous leur avez présenté un cahier des charges pour
que chaque producteur amené à commercialiser ses chocolats soit bien informé
des produits qui peuvent ou non relever du taux réduit de TVA.
Seule une partie du chocolat ou des produits chocolatés peut donc bénéficier
du taux de TVA à 5,5 %, et la limite, telle que vous l'avez définie, reste très
imprécise, malgré tous vos efforts. Jusqu'à présent, l'administration fiscale a
demandé d'importants redressements liés à l'imprécision des textes existants.
Aujourd'hui, madame le secrétaire d'Etat, vous essayez de corriger ce défaut
sans pour autant apporter la clarification nécessaire. La seule clarification
qui vaudrait serait de généraliser à l'ensemble du chocolat le taux réduit de
TVA, ce qui mettrait d'ailleurs la France en conformité avec de nombreux pays
européens qui ont adopté cette disposition tout à fait eurocompatible, comme
l'a rappelé tout à l'heure notre ami M. Denis Badré.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-89, accepté par la commission et repoussé
par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 12
quinquies,
et les amendements n°s
I-125, I-269, I-66 rectifié
ter
et I-199 n'ont plus d'objet.
DÉBAT SUR LES RECETTES DES COLLECTIVITÉS LOCALES