SEANCE DU 28 NOVEMBRE 2000
M. le président.
Nous allons maintenant examiner les articles 5, 26, 26
bis
, 26
ter
et 27 du projet de loi de finances ainsi que les amendements tendant
à insérer les articles additionnels relatifs aux recettes des collectivités
locales.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Monsieur le président, madame la secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, j'observe avec plaisir que nous sommes nombreux à
siéger cet après-midi dans cet hémicycle. Voilà qui prouve, si besoin était,
que l'avenir de nos collectivités territoriales nous préoccupe beaucoup. Nous
devons d'ailleurs nous réjouir que la conférence des présidents ait choisi,
cette année, d'introduire dans notre débat budgétaire une discussion plus
spécialement consacrée aux collectivités territoriales.
Au-delà des dispositifs fiscaux contenus dans ce projet de budget pour les
collectivités locales, je souhaite, en quelques mots, souligner les raisons
pour lesquelles ce débat est important et la nécessité de nous situer dans une
perspective de consolidation des finances publiques.
L'idée maîtresse est de permettre au Sénat, dont c'est la vocation
constitutionnelle, de débattre dans la plus grande clarté de l'évolution des
recettes et des concours financiers de l'Etat aux collectivités locales.
Comment, aujourd'hui, appréhender cet ensemble de manière globale ?
Dans les articles de la première partie du projet de loi de finances, dont
nous débattons actuellement, nous nous prononçons sur les modifications
apportées au régime des impôts locaux et nous décidons des modifications, à la
marge, de certaines dotations.
En deuxième partie, nous examinons les crédits du ministère de l'intérieur,
qui s'élèvent à environ 50 milliards de francs. Mais, lors de la discussion des
charges communes, peut-être n'observons-nous pas avec suffisamment d'attention
l'évolution du montant des dégrèvements d'impôts locaux, alors que nous votons
pourtant plus de 60 milliards de francs de dépenses en faveur des collectivités
locales.
Pour trouver les concours de l'Etat aux collectivités locales, il faut partir
à leur recherche dans les documents budgétaires ; ce sont les prélèvements sur
les recettes de l'Etat à leur profit : 207 milliards de francs dans ce budget
pour 2001, dont 115 milliards de francs pour la seule dotation globale de
fonctionnement, la DGF.
Sans toujours nous en rendre suffisamment compte, nous nous prononçons sur ces
crédits par l'article d'équilibre. Faisons en sorte désormais que notre vote
devienne plus explicite afin que les enjeux apparaissent avec plus de force, et
je parle sous le contrôle de M. Fourcade, président du comité des finances
locales.
Nous tenons chaque année un débat sur le prélèvement au profit de l'Union
européenne. Un débat de même type s'impose désormais pour les concours de
l'Etat aux collectivités locales. C'est pourquoi j'ai souhaité, lors de la
conférence des présidents, que ce débat se tienne aujourd'hui.
Ne continuons plus à aborder les concours de l'Etat de manière aussi
fractionnée. L'heure de la consolidation des comptes a sonné !
Seule une approche globale permet, par exemple, de constater qu'en 2001 l'Etat
consacrera plus d'argent au financement de la fiscalité locale qu'aux dotations
de fonctionnement et d'équipement allouées auxdites collectivités. En d'autres
termes, les dépenses « passives » ont désormais pris le pas sur les dépenses «
actives ».
Sans entrer dans le domaine réservé du rapporteur général, je souhaite vous
faire part, madame la secrétaire d'Etat, des deux remarques que m'inspire ce
constat.
Première remarque : la transformation des impôts locaux en dotations
budgétaires s'apparente au fond à une fuite en avant. Supprimer les impôts
locaux, c'est comme recruter des fonctionnaires supplémentaires : l'Etat se lie
les mains pour des dizaines et des dizaines d'années, en créant des dépenses de
fonctionnement incompressibles qui poseront d'insurmontables problèmes lorsque
la conjoncture se retournera et qu'il deviendra impératif de réduire les
dépenses publiques pour éviter une dégradation du déficit.
Seconde remarque : l'archaïsme des impôts locaux se résoudra non pas en
supprimant des morceaux d'impôts, mais en les réformant ! Vos initiatives en
matière de fiscalité locale ont déjà coûté cher au budget de l'Etat. Or cet
argent aurait été mieux employé au financement de vrais transferts de
ressources, dans le cadre d'une vraie réforme en profondeur de la fiscalité
locale.
Je voudrais conclure mon propos en insistant sur un point, technique, j'en
conviens, mais très important dans la perspective du dialogue que nous aurons,
dans les mois à venir, avec l'Assemblée nationale.
Je me réjouis que ce débat « panoramique » sur les concours de l'Etat aux
collectivités locales se tienne à l'occasion du volet « recettes » du budget,
dans cette première partie de la loi de finances. Je considère en effet que les
prélèvements sur recettes doivent être le mode normal de financement par l'Etat
des collectivités locales, et ce pour deux raisons.
Tout d'abord, s'agissant de la prise en charge par l'Etat de la fiscalité
locale, le prélèvement sur recettes permet de mettre en évidence que les
allégements d'impôts locaux décidés par l'Etat constituent en réalité des
transferts de charge du contribuable local vers le contribuable national.
Par ailleurs - c'est la seconde raison - les dotations de fonctionnement et
d'équipement sont des ressources destinées à financer des compétences qui ne
sont pas celles de l'Etat. Il est donc logique qu'elles n'apparaissent pas dans
les dépenses de l'Etat, mais qu'elles viennent en minoration de ses
recettes.
Mais nous en reparlerons, puisque, comme vous le savez, je serai conduit
vraisemblablement à proposer, au nom du Sénat, de consacrer les prélèvements
sur recettes dans la loi organique relative aux lois de finances dont le
Parlement, je l'espère, débattra bientôt.
Tels sont, en ouverture de ce débat sur les collectivités territoriales, les
points sur lesquels je me devais, dans ma fonction, d'insister auprès de vous,
madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues.
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, madame le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, c'est une excellente chose que ce
débat, qui nous permet d'avoir une vision d'ensemble de l'évolution des
concours de l'Etat aux collectivités territoriales. Nous voudrions que ce soit
aussi l'occasion pour le Gouvernement de donner des réponses claires et
précises à nos préoccupations.
Je commencerai ce bref propos par deux remarques.
En premier lieu, nous constatons dans ce budget que les crédits dont nous
allons débattre sont en forte augmentation : ils progressent en effet de 44
milliards de francs. Compte tenu de l'attachement que la commission des
finances éprouve, bien sûr, pour la maîtrise des dépenses publiques, nous
accordons une attention soutenue à cette progression, qui représente une fois
et demie le budget de la justice. Pourquoi ces crédits augmentent-ils autant ?
Quel est l'intérêt pour l'Etat de consentir à une telle dépense ? Nous nous
efforcerons, bien sûr, de répondre à ces questions.
En second lieu, la Haute Assemblée doit exercer sa prérogative
constitutionnelle de représentation des collectivités territoriales.
Nous l'avons constaté à de nombreuses reprises, mes chers collègues, du point
de vue des collectivités locales, les concours financiers que l'Etat leur verse
augmentent moins vite que les charges qu'il leur impose. Nous voyons donc, dès
le départ, se manifester une contradiction entre ce que l'on éprouve en tant
que gestionnaire local et ce que l'on ressent en observant dans le budget de
l'Etat la progression de 44 milliards de francs des crédits.
Pour avancer dans l'analyse, je voudrais à présent vous donner deux
exemples.
Premier exemple : entre la loi de finances pour 1998 et la loi de finances
pour 2000, la dotation globale de fonctionnement n'a augmenté que de 5,7
milliards de francs. J'ouvre à présent le « jaune » budgétaire sur les
rémunérations dans la fonction publique annexé au présent projet de loi de
finances et je découvre que l'accord salarial dans la fonction publique du 10
février 1998 a représenté, à lui tout seul, 10 milliards de francs en trois ans
à la charge des collectivités locales.
Ainsi, la totalité de l'augmentation de la DGF entre 1998 et 2000 n'a même pas
permis de financer le coût de cet accord salarial.
Je prendrai un second exemple, toujours pour planter le décor : celui des
services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS.
Un sénateur du RPR.
Très bon exemple !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Le ministre de l'intérieur nous a annoncé récemment
qu'un projet de loi relatif à l'organisation et au financement de ces services
serait examiné en 2001.
C'est évidemment indispensable, car nous savons bien que la situation actuelle
n'est pas tenable. La multiplication des circulaires administratives fait
exploser, en ce domaine, les contributions demandées à nos collectivités.
De plus, les pompiers - et c'est aussi un point important - sont souvent
obligés de pallier l'insuffisance des moyens de transport sanitaire. Ces
interventions, outre qu'elles détournent les pompiers de leurs missions, sont à
la charge des budgets des SDIS, donc des collectivités territoriales qui les
financent. Ce financement est réalisé au détriment des dépenses
d'équipement.
Il est donc urgent, mes chers collègues, de revoir les modalités de
financement des SDIS et, à tout le moins, de prévoir des dispositifs leur
permettant de bénéficier d'une compensation financière pour les opérations
qu'ils effectuent en dehors des missions qui leur sont confiées par la loi.
En commission des finances, le ministre de l'intérieur, M. Vaillant, a indiqué
que l'Etat n'avait pas l'intention de se désengager en matière de financement
des SDIS. Madame le secrétaire d'Etat, confirmez-vous cet engagement ? Votre
collègue ministre de l'intérieur a également déclaré que l'autorité qui paie
devait avoir un rôle accru en matière de prise de décision. En êtes-vous
d'accord ?
Par ailleurs, le rapport de notre collègue député M. Fleury évoque des pistes
pour la diversification des moyens de financement des SDIS, notamment des
contributions des agences régionales de l'hospitalisation. Madame le secrétaire
d'Etat, partagez-vous cette orientation ?
Après avoir exposé ces deux exemples, j'en reviens à mon propos initial.
Comment expliquer le décalage qui existe entre la forte progression des
dépenses de l'Etat en faveur des collectivités locales, d'un côté, et
l'insuffisante progression des dotations reçues par nos collectivités, de
l'autre ?
A la vérité, l'explication est simple, mes chers collègues : le Gouvernement
utilise la quasi-totalité des crédits dégagés par les collectivités locales au
remplacement des impôts locaux par des compensations budgétaires. Entre 2000 et
2001, 85 % de l'augmentation de l'effort de l'Etat - dont je vous ai dit qu'il
représentait 44 milliards de francs - sont absorbés par le remplacement des
impôts locaux ; la progression des dotations n'est plus que de 6,4 milliards de
francs sur ce total de 44 milliards de francs.
Le montant des compensations d'exonérations fiscales a triplé en trois ans,
passant de 30 milliards de francs à 92 milliards de francs.
Abordons à présent les choses du point de vue des gestionnaires des budgets
locaux.
Vous le savez, madame le secrétaire d'Etat, le Sénat est attaché à trois
principes dans ce domaine des finances locales : l'association de nos
collectivités au fruit de la croissance, la péréquation pour plus d'équité, la
libre administration des collectivités territoriales.
Sur le premier point - et je pense que tous peuvent souscrire à ce principe -
que nous propose le présent projet loi de finances ? Rien de nouveau, madame le
secrétaire d'Etat ! Ce projet applique les décisions prises antérieurement et,
comme le prévoit la loi de finances de 1999, l'enveloppe normée des concours de
l'Etat aux collectivités locales évoluera en fonction d'un indice complexe qui
prend en compte 33 % du taux de croissance du produit intérieur brut de l'année
2000.
Pour nous, il faudrait que ce soit 50 % et non pas 33 %, car 50 %, cela
permettrait de « plafonner » l'augmentation du montant de la dotation de
compensation de la taxe professionnelle si les autres composantes de
l'enveloppe normée évoluaient de manière vraiment dynamique, tout en ne privant
pas les collectivités locales d'une évolution du montant de leurs dotations
reflétant leur participation réelle à la croissance globale de l'économie
nationale.
Rien de nouveau, ai-je dit ? Pas tout à fait ! Le ministre de l'intérieur a
annoncé le report d'un an de l'entrée en vigueur du nouveau contrat - ou
prétendu tel - de croissance et de solidarité.
Nous prenons acte avec regret de cette rupture avec la règle des contrats
triennaux. Ainsi, madame le secrétaire d'Etat,
quid
de l'année de
transition, l'année 2002 ? Quel sera le taux d'indexation de l'enveloppe normée
en 2002 ?
M. René-Pierre Signé.
En 2002, vous aurez encore perdu les élections !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je parle des budgets des collectivités territoriales
en 2002, mais peut être cela ne vous intéresse-t-il pas, mes chers collègues !
Je pose une question très précise à Mme le secrétaire d'Etat, et je crois que
je suis dans le rôle qui m'a été confié par la commission des finances.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Tout à fait !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Madame le secrétaire d'Etat, pouvez-vous nous dire
dès aujourd'hui quel sera ce taux d'indexation en 2002, puisque le principe
d'un contrat pluriannuel consiste précisément à annoncer à l'avance ce que l'on
va faire ?
Sur le deuxième point - la péréquation - que nous propose le projet de loi de
finances pour 2001 ?
Rien, mes chers collègues ! Je constate que le Gouvernement consent en 2001 un
effort financier « hors DGF » en faveur de la DSU et de la DSR inférieur à
celui de 2000. Au mieux, la dotation de solidarité urbaine devrait augmenter de
0,18 %.
Comme en 2000, le financement de l'intercommunalité nécessitera une ponction
sur la DCTP car, malgré l'augmentation de 700 millions de francs du financement
hors DGF des communautés d'agglomération, les sommes prévues sont encore
nettement insuffisantes.
Tout à l'heure, la commission vous présentera des amendements qui sont pour la
plupart destinés à éviter que les mesures en faveur des collectivités
défavorisées soient financées par transfert au détriment d'autres
collectivités.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Merci !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
J'observe également que les contrats de plan
Etat-région qui ont été signés récemment ne prennent pas en compte la logique
péréquatrice. On n'a pas réservé un sort particulier aux régions les plus en
difficulté, à celles qui ont les ressources les plus limitées.
Le Gouvernement invoque généralement les effets péréquateurs des suppressions
d'impôts locaux, mais, lorsqu'il s'agit de ses propres deniers, il hésite, il
répugne à péréquer, et nous le regrettons vivement.
Le troisième point, mes chers collègues - et peut-être le plus essentiel -
concerne la libre administration des collectivités locales. Il n'y a pas, selon
nous, de libre administration sans autonomie fiscale !
M. Louis de Broissia.
Bravo !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous avons adopté, le 26 octobre dernier, une
proposition de loi constitutionnelle, sur l'initiative de M. Christian
Poncelet, qui réaffirme ce principe et cette conviction. Nous en tirerons, bien
entendu, les conséquences, dans les amendements de la commission des finances
que nous allons examiner tout à l'heure, en refusant en particulier que la
vignette soit compensée par une dotation budgétaire.
M. Louis de Broissia.
Tout à fait !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous préférons transférer aux départements trois
impôts aujourd'hui perçus par l'Etat. Ces nouvelles ressources dont
bénéficieraient les départements sont la taxe sur les véhicules de société, les
droits d'enregistrement sur les cessions de fonds de commerce et les droits de
mutation à titre gratuit entre vifs, c'est-à-dire sur les donations.
Ces trois impôts nous paraissent correspondre à l'esprit de la fiscalité
transférée, puisque leurs assiettes ne sont pas sans lien avec celle des impôts
transférés en 1984.
Je ne vous cache pas, madame le secrétaire d'Etat, que nous aurions préféré
transférer aux départements un grand impôt moderne. Malheureusement, les
quelques impôts de ce type qui existent sont difficilement « transférables ».
C'est dire s'il est urgent de moderniser, de réexaminer de manière globale
notre système fiscal et de faire preuve dans ce domaine d'imagination, de cette
imagination qui, hélas ! fait vraiment défaut dans le projet de loi de finances
pour 2001.
M. René-Pierre Signé.
Oh !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La pérennité de l'autonomie fiscale des collectivités
locales, à laquelle même la commission présidée par notre collègue Pierre
Mauroy s'est déclarée attachée, est à ce prix.
Madame le secrétaire d'Etat, la libre administration des collectivités
locales, c'est l'autonomie fiscale, mais ce n'est pas que l'autonomie fiscale :
c'est également plus de souplesse dans la réglementation et nous savons bien
que, de ce point de vue, beaucoup de progrès sont à faire. Par exemple,
aujourd'hui, l'utilisation par les élus locaux de la dotation globale
d'équipement n'est pas encore soumise aux dispositions du décret du 16 décembre
1999, qui permet de commencer les travaux avant la date à laquelle le dossier
est complet. Comment s'explique ce retard ? Quand sera-t-il comblé ?
Enfin, mes chers collègues, la libre administration des collectivités locales,
c'est permettre aux élus locaux d'exercer leur mandat dans de bonnes
conditions. Faute d'un véritable statut de l'élu, nous savons tous, par nos
contacts locaux sur le terrain, que la crise des vocations s'accentuera. A cet
égard, le Sénat doit continuer ses efforts pour offrir aux conseils municipaux
la faculté de réduire les distorsions de traitement entre les maires, dont les
indemnités ont été revalorisées, et leurs adjoints, qui ont été exclus de la
revalorisation.
M. Jacques Chaumont.
Très bien !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il est également temps de clarifier la nature
juridique des indemnités de fonction perçues par les élus locaux.
La prise en compte de ces indemnités de fonction dans le calcul des revenus
déterminant le bénéfice de certaines prestations sociales a pu placer certains
de nos collègues élus locaux dans des situations financières ou juridiques
délicates. Il ne faudrait plus que le dévouement de certains à la chose
publique puisse ainsi les pénaliser financièrement.
Les règles applicables en matière de recevabilité financière des amendements
parlementaires, selon l'ordonnance de 1959, nous interdisent de prendre toutes
les initiatives que nous souhaiterions en ce domaine, mais n'entament pas notre
vigilance et notre détermination sur tous ces points.
Il y a encore beaucoup à faire, mes chers collègues, pour pavernir à la
République territoriale que nous appelons de nos voeux et que les élus locaux
sont prêts à construire si on leur en donne les moyens. L'Etat y est-il prêt
pour ce qui le concerne ?
Au vu des dispositions du présent projet de loi de finances pour 2001, dont
nous allons débattre, j'en doute beaucoup ! C'est dommage, car la
décentralisation ne peut fonctionner que dans le cadre d'un dialogue confiant
entre l'Etat et nos collectivités locales.
M. René-Pierre Signé.
Vous avez voté contre !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Mais ne doutons pas, mes chers collègues - en tout
cas, nous l'espérons - que les rapports annoncés par le Gouvernement pour 2001
iront dans le bon sens.
En tout cas, madame le secrétaire d'Etat, nous serons particulièrement
attentifs aux réponses que vous voudrez bien apporter à l'ensemble de ces
préoccupations.
(Très bien ! et applaudissement sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 25 minutes ;
Groupe socialiste, 22 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 18 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 17 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 13 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des
présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix
minutes.
La parole est à M. de Broissia.
M. René-Pierre Signé.
Dix minutes pour la Bourgogne !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Vive la Bourgogne !
M. Louis de Broissia.
Merci pour la Bourgogne !
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
aujourd'hui est un jour inédit dans notre vie parlementaire puisque, pour la
première fois dans le cadre de la discussion budgétaire, des recettes des
collectivités locales seront abordées globalement. Je tiens à saluer cette
heureuse initiative après celle qu'ont rappelée le président de la commission
des finances, Alain Lambert, et son rapporteur général, Philippe Marini, avec
la proposition de loi défendue ici même par notre président, Christian
Poncelet.
Madame le secrétaire d'Etat, nous sommes à l'heure où les transferts de
compétences sont appréciés par les collectivités locales parallèlement au
désengagement de l'Etat qui les frappe. Les congrès des maires de France, des
départements de France, des régions de France ont pu mettre en valeur que le
coût des compétences transférées avait augmenté de 111 %, alors que les
recettes transférées n'avaient augmenté que de 39,6 % en dix ans, de 1987 à
1996.
Nous sommes donc dans une situation absurde - que ni le Gouvernement ni le
Parlement ne doivent encourager - d'un Etat qui encourage les collectivités
locales à assumer de plus en plus de compétences sans les accompagner d'un
tranfert de ressources équivalent.
J'ajoute que proposer, comme le fait le Gouvernement, des mesures et des
réformes législatives s'empilant les unes sur les autres est très difficile à
gérer.
Pourtant, nous le savons bien, communes, départements et régions sont les
véritables acteurs de la vie quotidienne des Français. Education, action
sociale, aide entre les générations, transports urbains, sécurité,
environnement, culture, sport sont autant de domaines d'intervention dans
lesquels nos collectivités locales effectuent un travail de qualité reconnu et
apprécié.
Or nous constatons aujourd'hui que, si les concours de l'Etat progressent, ils
se trouvent éclatés entre différentes dotations particulièrement fluctuantes.
Nous connaissons tous la DGF, la dotation globale de fonctionnement, la DGD, la
dotation générale de décentralisation, et la DGE, la dotation globale
d'équipement.
D'un côté, nous avons des compensations de l'Etat qui répondent de moins en
moins aux besoins des collectivités locales, de l'autre, des suppressions
d'impôts directs locaux qui pénalisent sans conteste l'action des
collectivités.
Dois-je rappeler la suppression des parts régionale et départementale de la
taxe foncière sur les propriétés non bâties, la suppression de la taxe
additionnelle régionale aux droits de mutation à titre onéreux, la réforme de
la taxe professionnelle ou encore la suppression de la part régionale de la
taxe d'habitation ?
Nous assistons donc à une défiscalisation des budgets locaux et, aujourd'hui,
la part des recettes fiscales dans les budgets de fonctionnement des
départements, par exemple, est passée de 70 % à 54 %. En d'autres termes, les
contribuables locaux paient de plus en plus souvent selon non pas une volonté
locale, mais une volonté nationale.
Où est l'encouragement à l'initiative locale ? Nous le savons, madame le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les collectivités locales ne disposent
que sur les seuls impôts d'une réelle marge de manoeuvre.
Le rapport de notre collègue Pierre Mauroy a constaté une contradiction - et
tous les commissaires, quelle que soit leur appartenance politique, l'ont
soulignée - entre la pratique gouvernementale et « l'incantation » - le mot est
de Pierre Mauroy - à la décentralisation. Les chiffres parlent d'eux-mêmes :
depuis 1997, mes chers collègues, les collectivités locales ont perdu près de
80 milliards de francs de produit fiscal. C'est une somme considérable !
A cet égard, nous devons avouer que, pour le moment, l'affirmation du principe
de la compensation concomitante et intégrale des charges de l'Etat et la
reconduite d'un pacte de confiance ne nous rassurent pas outre mesure. Je vais
vous donner un exemple, madame le secrétaire d'Etat : la dotation d'équipement
des collèges représente, pour mon département, 12 millions de francs, alors que
nous consacrerons parallèlement aux mêmes collèges 100 millions de francs au
titre des investissements. C'est vous dire l'écart qui existe avec les
compensations prévues !
Il faut le reconnaître, si les signes alarmants de la recentralisation de la
fiscalité locale sont connus, nous avons atteint aujourd'hui, avec la
suppression unilatérale et brutale de la vignette, des sommets qui vous
permettront incontestablement, madame le secrétaire d'Etat, de figurer au livre
des records ubuesques !
La suppression de la vignette - et cela a été souligné par M. le rapporteur
général - a été décidée par un gouvernement qui, au plus chaud de l'été,
craignait les réactions virulentes et légitimes des Français devant la montée
des prix des carburants.
Il fallait lâcher la pression, madame le secrétaire d'Etat, or le Gouvernement
a lâché les départements, et de quelle façon !
M. René-Pierre Signé.
Il y a compensation !
M. Louis de Broissia.
Attendez, nous allons revenir sur la compensation !
M. Claude Estier.
Cela avait été envisagé avant !
M. le président.
Ne vous laissez pas distraire, monsieur de Broissia.
M. Louis de Broissia.
Monsieur le président, j'essaie d'entendre les propositions intelligentes qui
seraient émises dans l'hémicycle, d'où qu'elles viennent !
Le Gouvernement a donc lâché les départements, et de quelle façon ! En effet,
les départements étaient les seuls bénéficiaires du produit de cette taxe,
transféré à leur profit par la loi du 7 janvier 1983. Nous l'avons souligné :
la méthode est détestable. J'ai eu l'occasion de le dire vingt fois, nous
espérions le répéter devant M. Laurent Fabius lors de nos congrès divers et
variés, mais nous ne l'avons pas vu. Certes, il n'aurait pas entendu des choses
agréables !
La suppression des recettes départementales est décidée en cours d'exercice
budgétaire. Le conseil général que je préside avait hier, madame le secrétaire
d'Etat, ...
M. René-Pierre Signé.
Les présidents de conseil général ne sont pas contents, mais les habitants
sont contents !
M. Louis de Broissia.
Si vous m'écoutiez, monsieur Signé, peut-être pourriez-vous entendre la fin de
ma phrase !
... un débat d'orientation budgétaire. Pour la première fois de ma vie, je
n'ai pu dire à mes collègues - alors que la loi nous l'impose - si nous
bénéficierions ou non d'une compensation et quelle vignette sera encaissée.
Le degré d'improvision est tel, mes chers collègues - mais nous le savons bien
! - que les planches de vignettes du millésime 2001 sont déjà imprimées et
mises en vente.
Pour couronner le tout, cette disposition aura un effet rétroactif, compte
tenu du calendrier spécifique applicable à la taxe différentielle sur les
véhicules à moteur, comme l'explique très bien le rapport de M. Marini. En
effet, la période d'imposition de la vignette débute le 1er décembre, date à
laquelle la loi de finances ne sera pas encore promulguée.
M. Jacques Chaumont.
Tout à fait !
M. Louis de Broissia.
Que devront donc faire les propriétaires de véhicules à compter de vendredi
prochain ? C'est une question précise, madame le secrétaire d'Etat !
Devront-ils s'acquitter d'une taxe qui ne sera, finalement, que virtuellement
supprimée ?
La méthode est donc inacceptable, et la suppression de la vignette et les
conséquences qu'elle entraîne sont désastreuses sur le plan du principe
budgétaire.
M. Claude Estier.
Vous voulez rétablir la vignette ?
M. Louis de Broissia.
Je crois que M. Estier ne veut pas m'écouter !
En Côte-d'Or, département dont j'ai l'honneur de présider le conseil général,
le manque à gagner s'élève aujourd'hui à 126 millions de francs ! J'ai demandé
à mes collègues conseillers généraux la tenue d'un débat d'orientations
budgétaires, comme le veut la loi, en dépit de ces imprécisions.
Si, en tant que contribuable, je ne peux que me réjouir de la disparition d'un
impôt - en l'occurrence, il faut cependant avoir à l'esprit que si le
contribuable local ne paiera plus de vignette, le contribuable national la
paiera, puisqu'il y a compensation -, je redoute la suppression d'une recette
fiscale essentielle pour la vie de mon département.
M. Serge Vinçon.
Tout à fait !
M. René-Pierre Signé.
Cela ne mécontente que les présidents de conseil général ! C'est n'importe
quoi !
M. Louis de Broissia.
Bien entendu, le Gouvernement et la majorité qui le soutient - qui forme ici
la minorité - nous promettent que cette perte de revenu sera compensée à due
concurrence, et même - je l'ai lu - que les départements seront remboursés au
franc le franc. Or, madame le secrétaire d'Etat, nous avons déjà entendu un tel
discours. Puis-je vous rappeler à nouveau que, aujourd'hui, en Côte-d'Or, la
dotation d'équipement des collèges s'élève à 12 millions de francs, alors que
le département investit 100 millions de francs ? Est-ce la compensation que
vous nous proposez pour les années à venir ? Madame le secrétaire d'Etat,
pensez-vous avoir affaire à des dupes ou à de sottes gens ? Nous le savons tous
ici, les départements ne s'y retrouveront pas.
D'ailleurs, comment le pourraient-ils ? Comment ces compensations
pourraient-elles être intéressantes, alors qu'il faudrait pouvoir disposer de
recettes dont l'évolution ne peut être déterminée qu'en fonction des
investissements que nous aurons à financer ? Comment anticiper dès aujourd'hui
une telle évolution ? Pour la vignette automobile, nous savons que la
compensation se fera sur la base des immatriculations de 2000 et des taux votés
par les conseils généraux pour 2001.
Cette situation m'inspire plusieurs remarques de bon sens.
Quid
du remboursement si le parc de véhicules du département connaît,
dans les mois et les années à venir, une forte augmentation ? Je conçois,
madame le secrétaire d'Etat, qu'il vous soit difficile de répondre à cette
question : comment, en effet, compenser une recette fiscale qui est susceptible
d'évoluer ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Eh oui ! Excellente question !
M. Louis de Broissia.
Par ailleurs, comment prévoir dorénavant le financement de futurs
investissements ? Les collectivités françaises réalisent les trois quarts des
investissements publics de notre pays. Cela est dû pour partie à leur capacité
d'investissement, donc à leur capacité de lever l'impôt.
Enfin, les élèves vertueux seront pénalisés, puisque les départements qui
fixaient le prix de la vignette au niveau le plus bas seront remboursés au
tarif le plus bas. Nous le savons, la suppression de la vignette a été décidée
pour des raisons politiques, et je suggérerai, par voie d'amendements
symboliques et peu coûteux, que Bercy soit prochainement doté de deux postes
budgétaires.
Le premier serait consacré au financement d'une ligne téléphonique « verte »
branchée en permanence sur l'Association des maires de France, l'Assemblée des
départements de France et celle des régions, puisque Bercy semble ignorer nos
coordonnées téléphoniques.
(M. Signé proteste.)
Nous n'avons en effet reçu aucune lettre !
Le second poste budgétaire permettrait de financer les services d'un coursier
affecté à la distribution du courrier que vous souhaiteriez, le cas échéant,
adresser aux trois associations que j'ai évoquées.
En attendant, mes chers collègues, dois-je appeler officiellement tous les
Français à refuser aujourd'hui de payer la vignette ? En Côte-d'Or, madame le
secrétaire d'Etat, elle a été commandée pour les seuls dix-sept véhicules de la
préfecture. Que dois-je dire aux autres possesseurs de véhicules ?
J'espère - et ce sera ma conclusion - que vous pourrez apporter des réponses
convaincantes aux questions que nous vous posons légitimement aujourd'hui. Vous
l'aurez compris, les collectivités locales, acteurs économiques essentiels de
notre pays, sont préoccupées par la légèreté dont l'Etat fait preuve en matière
de compensation financière.
(Protestations sur les travées socialistes.)
M. Paul Loridant.
Vous avez la mémoire courte !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
« Légèreté » est un mot faible, d'ailleurs !
M. Louis de Broissia.
Les principes mêmes de la décentralisation sont remis en cause par la
politique de « lâchage » du Gouvernement laissant les collectivités locales
dans un état de dépendance de plus en plus dangeureux.
Je remercie de leur attention tous mes collègues, quelles que soient les
travées sur lesquelles ils siègent.
(Applaudissement sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
quelle occasion perdue ! Or, monsieur le président de la commission des
finances, je ne pense pas à l'organisation de ce débat, qui est bienvenu. Cette
discussion préfigure en effet, à mon sens, l'un des grands débats que devrait
permettre une ordonnance organique rénovée, celui qui est relatif au partage
des ressources fiscales entre l'Etat, les collectivités locales et la sécurité
sociale.
En effet, au-delà des catégories juridiques, l'ensemble des prélèvements,
dotations globales, dégrèvements d'impôts locaux affectés à nos collectivités
atteindra, dans le projet de loi de finances que nous examinons, 338 milliards
de francs, et absorbera 22 % des recettes de l'Etat. Ce chiffre se rapproche
dangereusement du montant des impôts locaux, qui devrait, si j'en crois le
rapport économique et financier présenté par le Gouvernement, avoisiner les 400
milliards de francs.
Mais c'est une occasion perdue pour le Gouvernement d'entamer cette année la
nécessaire réforme d'un système financier local devenu incompréhensible et qui
se trouve même presque, sous certains de ses aspects, en voie de décomposition
: des impôts locaux dont les bases n'ont pas été révisées pour certaines
d'entre elles depuis trente ans, des dotations qui sont réparties en fonction
d'un potentiel fiscal qui n'a plus grand-chose à voir avec la réalité, des
dégrèvements qui servent plutôt de « rustines » à un système fiscal à bout de
souffle, et des compensations d'exonérations qui s'étiolent, à l'image de la
dotation de compensation de la taxe professionnelle.
Or, madame le secrétaire d'Etat, vous disposiez des moyens financiers et du
calendrier politique adéquats pour mener à bien cette réforme, ou tout au moins
pour l'engager.
S'agissant des moyens financiers - car une réforme ne peut pas être réalisée
sans moyens, ne serait-ce que pour compenser les transferts inéluctables de
charges -, si la vignette n'avait pas été supprimée au dernier moment, vous
auriez pu, grâce à la croissance, disposer de 12 milliards de francs pour
procéder à la réforme des bases des impôts locaux, y compris celle des
logements HLM. Mais vous avez préféré à cette réforme à long terme une solution
de facilité, qui fait évidemment plaisir aux automobilistes...
Vous disposiez également des moyens politiques nécessaires, car la réforme
proposée ne pourrait s'appliquer de façon progressive qu'après les municipales,
et donc sans risques politiques. Or nous savons tous que cette réforme se fera
sur le fondement des propositions de consensus formulées voilà quelques années
par le comité des finances locales.
J'ajouterai que vous auriez bénéficié d'un environnement conjoncturel
favorable, dont profitent d'ailleurs les collectivités locales, puisque leurs
dotations sous enveloppe croîtront de 2,3 % et la DGF de 2,9 %, beaucoup plus
en raison, il est vrai, de la hausse des prix - les collectivités locales
bénéficient davantage de la hausse du prix du pétrole, pour une fois ! - que
d'une intégration insuffisante, comme le disait excellemment M. le rapporteur
général, du taux de croissance dans le mécanisme d'indexation.
En l'absence d'une vision globale, vos choix, madame le secrétaire d'Etat, ne
résolvent finalement que des problèmes ponctuels, et ce imparfaitement, et
s'apparentent parfois, sous certains aspects, à un bricolage fiscal qui ébranle
plus qu'il ne consolide l'édifice d'ensemble.
Il en est ainsi, tout d'abord, des mesures concernant la taxe foncière sur les
propriétés bâties, qui, jusqu'à présent, à la différence de la taxe
d'habitation et de la taxe professionnelle, avait échappé au « grignotage »
infernal des abattements et des dégrèvements.
Bien sûr, l'effet d'annonce d'un dégrèvement de 500 francs pour les personnes
âgées n'étant pas assujetties à l'impôt sur le revenu ou d'un abattement de 30
% pour les HLM situées en zone urbaine sensible ne laisse personne insensible,
et ce pour un coût relativement modeste. Mais je pose la question suivante :
n'aurait-il pas mieux valu porter le fer dans la plaie en réformant les bases,
en particulier celles des HLM ? Beaucoup d'injustices cachées auraient alors pu
être réduites.
De plus, mes chers collègues, on ne peut pas vouloir à la fois l'autonomie
fiscale et son contraire, à savoir la substitution de l'Etat au contribuable
local. Il faut choisir, c'est une question de cohérence.
Il en est ainsi de tous ces abondements exceptionnels - on les qualifie
d'abondements extérieurs à la DGF - qui permettront, il est vrai, de stabiliser
la dotation de solidarité urbaine et d'éviter que la dotation de compensation
de la taxe professionnelle ne soit une nouvelle fois victime du succès justifié
des communautés d'agglomération. Comme l'a dit de façon imagée M. le rapporteur
général, il ne faut pas que la péréquation mange la péréquation !
Mais, à mon avis, là n'est pas l'essentiel. Tous les élus le savent bien : le
socle des dotations est non pas la DSU ou la DCTP, mais la dotation forfaitaire
qui représente 90 % du montant de la DGF. Or elle ne progresse qu'à hauteur de
la moitié du taux moyen de la DGF, et sa répartition aujourd'hui est pour
beaucoup le fruit de l'histoire. Permettez-moi de citer un exemple à cet égard
: les deux villes qui bénéficient de la plus forte DGF par habitant - je n'ai
rien contre elles ! - sont Vichy et Lourdes, avec environ 3 500 francs par
habitant. Comme chacun sait, cet avantage provient du fait que, avant 1968, ces
villes bénéficiaient d'une taxe locale sur certaines prestations de services au
taux de 8,50 %. Cela a-t-il encore quelque chose à voir avec les besoins
actuels des collectivités locales ? Naturellement, je ne me permettrai pas de
trancher !
De façon très générale, la DGF ne reflète plus les besoins actuels des
communes. Parler de péréquation, comme on le fait à juste titre, ne veut pas
dire que l'on doive se taire sur l'évolution des besoins.
Nous savons tous, madame le secrétaire d'Etat, que les communes qui ont connu
la plus forte croissance démographique sont parmi celles qui ont la plus faible
DGF par habitant. C'est mécanique ! Pour elles, l'Etat n'a pas fait son
devoir.
Ainsi en est-il finalement de la suppression de la vignette. Il faut tendre,
nous dit-on, vers une certaine spécialisation des impôts locaux. C'était le cas
de la vignette affectée aux conseils généraux, tout le monde connaissait les
responsables. Il faut, nous dit-on aussi, que l'autonomie fiscale permette
l'envoi de bons signaux aux contribuables électeurs ; que les taux baissent
lorsque les dépenses des départements diminuent ; que les taux augmentent si
une politique inverse de dépense est choisie. C'était le cas avec la vignette.
Cette situation permettait effectivement de mettre en cause la responsabilité
politique d'élus clairement désignés. N'oublions pas malgré tout - cela semble
l'avoir été complètement - que la vignette finançait d'abord la voirie
départementale, un des grands postes du budget des départements.
Avant de la condamner définitivement et aussi rapidement, il aurait fallu au
moins savoir par quoi la remplacer. La commission des finances, mise au pied du
mur, fidèle à sa logique - et elle a sans doute raison - nous propose de
nouveaux impôts locaux.
Mais nous savons très bien que le remplacement d'un impôt local, aussi
imparfait soit-il, par un ou deux impôts nationaux est un travail ingrat et
difficile. Vous le savez aussi, mes chers collèges socialistes : vous avez
rencontré le même problème en 1983-1984 !
La remplacer par la DGD, nous propose le Gouvernement. Mais alors, c'est un
pas de plus dans le processus infernal des compensations forfaitaires, qui
pénalise les bons gestionnaires et avantage définitivement les dépensiers. A
tout prendre, il aurait peut-être mieux valu conserver l'invention de Paul
Ramadier, en attendant que d'autres définissent un meilleur impôt pour les
départements et les régions.
(M. René-Pierre Signé s'exclame.)
Mes chers collègues, ce budget n'est peut-être pas calamiteux, mais c'est un
budget de résignation et non un budget de réforme.
Nous devons reconstruire un système financier devenu incohérent et injuste. Je
vois, madame le secrétaire d'Etat, que vous n'avez pas pris ce chemin. Je le
regrette, car c'est une occasion perdue qui ne se représentera pas.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Très bien !
M. René-Pierre Signé.
Négatif !
M. le président.
La parole est à M. Bourdin.
M. Joël Bourdin.
M. le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pour la
première fois cette année, nous discutons de façon groupée les articles de la
première partie de la loi de finances relatifs aux recettes des collectivités
locales. Nous ne pouvons que nous féliciter, d'autres l'ont dit avant moi, de
cette initiative qui permet au Sénat, représentant des collectivités locales,
de continuer de traiter avec précision des finances locales.
Il s'agit de cinq articles concernant la suppression de la vignette
automobile, le financement des communautés d'agglomération, la compensation de
la taxe professionnelle et divers allégements de taxes.
Je ne parlerai pas ici de chacun de ces articles, puisque nous le ferons dans
la suite de la discussion. Je me contenterai de développer trois orientations
qui me paraissent être un préalable indispensable pour une fiscalité locale
juste et stable.
Il s'agit d'abord de redonner une base saine aux relations financières entre
l'Etat et les collectivités ; ensuite, il convient d'équilibrer les dotations
entre les différentes collectivités locales ; enfin, il faut engager au plus
vite la réforme de la DGF.
Après trois ans et demi, la politique financière du Gouvernement à l'égard des
collectivités locales est timorée et dangereuse. D'abord, le Premier ministre a
tardivement découvert la décentralisation, et il a attendu l'automne 1999 pour
mettre en place la commission Mauroy. Quant aux suites que le Gouvernement
entend donner aux propositions de cette commission, le discours du Premier
ministre au quatre-vingt-troisième congrès des maires de France nous laisse
dubitatifs.
M. René-Pierre Signé.
Oh !
M. Joël Bourdin.
Certes, il déclare vouloir rénover l'ensemble des finances locales, mais il
reste flou, alors que c'est là l'un des principaux enjeux pour une nouvelle
étape de la décentralisation. Plus grave, le Gouvernement se fixe une échéance
peu précise. Laquelle ? On ne sait pas, mais un rapport - encore un rapport ! -
devrait être déposé au Parlement avant la fin de l'année prochaine... En somme,
nous pourrions résumer ainsi la position du Gouvernement : des réformes,
peut-être, mais plus tard, toujours plus tard.
Il va sans dire que nous n'approuvons pas cette façon de faire, ou, plutôt, de
ne pas faire.
Nous souhaitons d'abord que les relations financières entre l'Etat et les
collectivités locales s'inscrivent dans un cadre clair. Cela signifie que
l'Etat doit laisser les collectivités prendre les initiatives qui leur
permettent d'exercer pleinement leurs compétences. Pour ce faire, l'Etat ne
doit pas prendre des décisions susceptibles de perturber ou de brider leur
action. Concrètement, il doit renoncer aux mesures recentralisatrices et mieux
associer les collectivités à la prise de décision, par exemple, en matière
fiscale mais aussi en matière de normes.
Plus particulièrement, l'Etat ne doit pas continuer à être le principal
financeur des collectivités locales, car c'est au détriment de leurs ressources
propres et de leur autonomie financière.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Tout à fait !
M. Joël Bourdin.
Telle est pourtant bien la logique du Gouvernement, comme en témoignent
plusieurs réformes, déjà rappelées par les orateurs précédents, menées depuis
trois ans.
Les conséquences sont évidentes et bien connues : la part des recettes
fiscales propres des collectivités dans l'ensemble de leurs recettes réelles de
fonctionnement diminue pour les départements, les régions et les communes.
Corrélativement, que ce soit au titre des compensations et des dégrèvements
législatifs, l'Etat assume une part de plus en plus importante des recettes
fiscales directes des collectivités locales. Ainsi, le pourcentage des recettes
procurées par les quatre taxes pris en charges par l'Etat est passé brutalement
de 21,2 % en 1993 à plus de 24 % en 1999. Pour la seule taxe professionnelle,
l'Etat assure désormais 37 % de la ressource perçue à ce titre par les
collectivités locales !
Au total, quand les collectivités territoriales enregistrent, en 1998, 640
milliards de francs de recettes de fonctionnement, l'Etat contribue par ses
différentes dotations à plus du tiers. C'est un seuil qu'il ne faut surtout pas
dépasser, sauf à faire dépendre le sort des collectivités locales des caprices
de l'Etat.
Gardons-nous de ne pas écorner le principe sur lequel sont fondées nos
collectivités locales et qui repose sur l'autonomie des communes, des
départements et des régions, fort justement rappelé par la loi de 1982 sur la
décentralisation.
Gardons-nous de faire dépendre l'évolution de nos collectivités locales du bon
vouloir des représentants de l'Etat dans nos régions.
Gardons-nous, alors que nous avons supprimé la tutelle juridique des
collectivités locales, de les soumettre désormais à une tutelle financière. En
ce domaine, nous ne sommes pas loin d'avoir retrouvé la situation qui prévalait
dans nos régions avant 1982.
Le Gouvernement doit changer d'attitude et ne plus considérer les maires, les
conseillers généraux et les conseillers régionaux comme les artisans de sa
politique. Alors qu'il prône la concertation et le dialogue dans tous les
domaines, il impose, sans discussion préalable, successivement la suppression
de la part salariale de la taxe professionnelle, ainsi que la suppression de la
part régionale de la taxe d'habitation, avant de supprimer, pour partie, la
vignette. Ce ne sont peut-être pas de mauvaises mesures en elles-mêmes, mais
c'est une mauvaise manière à l'égard des collectivités locales ; d'autant que,
comme à son habitude, le Gouvernement ne se prive pas d'adopter des mesures
compensatoires à caractère récessif.
Alors que l'on avait dépassé le débat sur l'autonomie des collectivités
locales, le Gouvernement nous rappelle qu'une liberté n'est jamais acquise et
que l'Etat est le plus inconstant des partenaires, en nous obligeant à
recomposer un système de décentralisation. Il n'aura fallu qu'à peine quinze
ans pour que Gaston Defferre soit contré par ceux-là mêmes qui devraient
cultiver la fidélité à son oeuvre !
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. Joël Bourdin.
Si l'esprit de la décentralisation est en péril, parallèlement, nous observons
une dérive du système de l'intercommunalité. Là encore, il ne s'agit pas de
prendre partie contre l'intercommunalité à fiscalité propre : elle s'imposait
et ses orientations en 1992 allaient dans la bonne direction.
Mais comment pourra-t-on supporter durablement les entorses flagrantes au
principe d'égalité des citoyens que l'aide à l'intercommunalité nous impose ?
Est-il raisonnable et supportable que la DGF par habitant attribuée avoisine
les 500 francs par habitant dans une communauté urbaine, 250 francs dans une
communauté d'agglomération, 175 francs dans une communauté de communes à taxe
professionnelle unique, et quelque 105 francs en moyenne pour la plupart des
communautés de communes ?
Qu'il y ait des écarts entre les attributions en fonction des compétences et
charges mutualisées, soit ; c'est le bon sens. Mais que les attributions
différenciées soient fondées sur une préférence affirmée pour les villes est
une monstruosité !
La vérité, c'est que le Gouvernement a fait le choix de liquider le monde
rural et de le mettre sous la coupe des grandes villes. En limitant à 15 000
habitants la taille de la commune autour de laquelle peut se constituer une
communauté d'agglomération, il a fait un choix contre la ruralité et non un
choix rationnel. En effet, dans certains territoires, il va de soi qu'une
intégration de type communauté d'agglomération serait tout à fait possible pour
une population inférieur à 15 000 habitants du bourg-centre. Alors, pourquoi
l'interdire, si ce n'est que le Gouvernement a fait le choix de favoriser
uniquement les villes ?
Madame le secrétaire d'Etat, vous ne pouvez pas durablement organiser la
pénurie dans une partie des communes pour le seul plaisir d'organiser
l'hégémonie des villes !
Vous ne pouvez pas durablement continuer à organiser la nécrose de maints
territoires, car le principe de la République est fondé sur l'égalité et non
sur la discrimination financière !
Je viens de parler des inégalités au regard de la répartition de la DGF entre
les EPCI à fiscalité propre, mais je tiens aussi à souligner le caractère
incohérent qui marque le mode de répartition de la DGF entre ses différents
bénéficiaires, communes et EPCI.
Comme vous le savez, la répartition de la dotation d'aménagement est devenue
un non-sens qui défie les lois les plus élémentaires de la mathématique. En
effet, quand on partage un élément fixe, à savoir la dotation d'aménagement,
dans un système où le préciput est soumis à une loi de croissance aléatoire, on
risque tout bonnement, passé le stade de l'attribution préciputaire, de ne plus
avoir rien à répartir. C'est ce qui arrive naturellement avec la dotation
d'aménagement. Alors que la dotation de l'intercommunalité est prélevée de
manière préciputaire sur la dotation d'aménagement en pleine conjoncture de
croissance des formes diverses d'EPCI à fiscalité propre, le risque, depuis des
années, est que la DSU et la DSR ne soient plus approvisionnées. Si la loi de
décembre 1993 était appliquée strictement, cela ferait ainsi des années que nos
communes seraient toutes à la portion congrue de la dotation forfaitaire.
Bien sûr, chaque année, la loi de finances corrige cette anomalie. Mais il
n'en reste pas moins que DSU et DSR continuent à être traitées comme des
résidus ! Ce n'est ni normal ni sain ! Il est temps de revoir la loi de
décembre 1993 sur la DGF, en prévoyant un financement autonome pour
l'intercommunalité et en traitant de manière tout aussi autonome la DSU et la
DSR. Cela fait des années que, sous l'autorité de son président, Jean-Pierre
Fourcade, le comité des finances locales le demande. Il est réellement temps
d'écouter la voix de la sagesse et de remettre en chantier la loi sur la
DGF.
M. le président.
Veuillez conclure, monsieur Bourdin !
M. Joël Bourdin.
Madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les finances des
collectivités locales sont maintenant devenues un maquis de dispositions
diverses, complexes, prévoyant le recours à des fonds dont le mode de
fonctionnement a perdu de sa logique initiale, qu'il s'agisse du FNPTP ou du
FDPTP. Il est temps que nous revenions à des principes simples et clairs,
compréhensibles et que nous corrigions un certain nombre de dérives afin de
retrouver la voie d'une véritable égalité entre les communes et que nous
redécouvrions les libertés qui nous avaient été attribuées avec la loi
Defferre, mais que ses successeurs sont en train de fouler au pied afin
d'imposer un modèle de structuration par les villes de notre territoire
national.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
permettez-moi d'abord de saluer l'excellente initiative du président de la
commission des finances et du rapporteur général avec l'organisation d'un débat
sur l'ensemble des problèmes intéressant les collectivités locales. Madame la
secrétaire d'Etat, permettez-moi, par ailleurs, de me réjouir de vous retrouver
à ce banc, vous avec qui j'ai déjà rompu quelques lances dans d'autres
enceintes. Nous allons continuer, toujours avec beaucoup de sérieux et une
grande courtoisie.
Mes chers collègues, nous sommes à la croisée des chemins. Eu égard à
l'évolution que certains de nos collègues viennent de décrire, et que M.
Lambert a bien située, nous sommes devant un choix difficile : soit la
fiscalité locale doit être réformée et consolidée pour donner un substratum
sérieux à la libre administration des collectivités locales, soit nous entrons,
comme certains de nos voisins européens, dans une ère de partage avec l'Etat
des produits des grands impôts, ceux qui sont liés à l'activité, au revenu et
il nous faut des garanties constitutionnelles et pluriannuelles pour que ce
partage ne se traduise pas par une spoliation.
Dans tous les cénacles, lors de tous les colloques, de tous les débats
auxquels j'ai pu participer depuis un certain nombre d'années, madame la
secrétaire d'Etat, les deux thèses sont défendues. Chacune présente des
avantages et des inconvénients, mais aucune ne repose sur l'immobilisme, ne
suit le fil de l'eau.
Le Sénat, sur l'initiative du président Poncelet, a tranché en faveur de la
première branche de l'alternative, qui consiste à consolider la fiscalité
spécifique des collectivités locales en la réformant.
La commission Mauroy, à laquelle j'ai participé presque jusqu'au bout - j'ai
été obligé de m'en retirer, parce que le Gouvernement n'avait aucune espèce de
considération pour ses membres et se moquait d'eux - a tranché elle aussi pour
cette branche de l'alternative : la consolidation d'une fiscalité autonome
assortie de garanties, avec la possibilité d'arrêter cette évolution vers des
dotations toujours plus importantes que MM. Lambert, Marini et plusieurs de mes
collègues viennent de rappeler.
Sachant que aussi bien le Sénat que la commission Mauroy ont tranché en faveur
du premier terme de l'alternative, je ne compte pas débattre du second. Je le
réserve pour des jours meilleurs... ou pour d'autres discussions !
(M. le
président de la commission des finances sourit.)
Peut-être qu'un jour, monsieur le président de la commission, accorderez-vous
au président du comité des finances locales un temps « spécial » pour exposer
un peu plus longuement les principaux problèmes financiers des collectivités
territoriales.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
On arrangera tout cela !
M. Jean-Pierre Fourcade.
... qu'il peut, bien sûr, exposer dans d'autres enceintes. Quoi qu'il en soit,
aujourd'hui, je me bornerai à poser quatre questions au Gouvernement.
Première question : qu'en est-il de la révision des valeurs cadastrales ?
Mes chers collègues, vous savez bien que les valeurs cadastrales servent de
base à la fois aux impôts locaux des collectivités territoriales et à la
répartition des subventions et des dotations de l'Etat. Le système est
complètement faussé. On ne connaît pas les bases réelles et il est des écarts
historiques !
M. Philippe Richert.
Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Tout à l'heure, notre ami Yves Fréville a signalé les cas de Vichy et de
Lourdes. Peut-être peut-on ajouter celui de Biarritz. Nous verrons bien.
Il est clair, disais-je, que tous les mécanismes actuels sont faussés. Il
faut, par conséquent, rapidement modifier les bases cadastrales.
Devant la commission Mauroy, j'avais moi-même proposé d'octroyer davantage de
possibilités aux maires à l'occasion de cette révision. Mais j'avais posé
quatre conditions, dont je souhaite faire part, madame la secrétaire d'Etat.
Premièrent, il faut un étalement sur deux, trois, quatre ou cinq ans, cet
étalement devant être au gré de la collectivité locale et non au gré de
l'Etat.
Deuxièmement, il faut déverrouiller les taux des quatre impôts locaux si l'on
veut mettre en oeuvre la réforme des bases dans de bonnes conditions.
Troisièmement, il faut un fonds de lissage financé par l'Etat. On pourrait
sans doute, madame la secrétaire d'Etat, se servir à cet égard du prélèvement
que vous opérez chaque année depuis dix ans sur les contribuables pour financer
la révision des valeurs locatives. Il y a là 1,5 milliard de francs qui
seraient tout à fait utiles.
(Marques d'approbation sur les travées des Républicains et
Indépendants.)
Quatrièmement, il faut augmenter les possibilités de jeu qui sont données aux
collectivités locales sur les abattements, pour les abattements à la base ou
pour charge de famille.
En respectant ces conditions, nous réformerions la taxe d'habitation et la
taxe foncière en donnant plus de liberté aux collectivités locales, en tendant
vers l'objectif de décentralisation qui doit être le nôtre.
Deuxième question : acceptez-vous, madame la secrétaire d'Etat, de dissocier
la péréquation des recettes fiscales que subissent certaines collectivités et
les dotations budgétaires ?
Actuellement, le système est complètement aberrant : d'un côté, on limite les
compensations, selon des échelles variables et, de l'autre, on prélève de
l'argent sur les recettes ; ensuite, on rectifie les dotations.
Ayant la chance d'administrer une commune dont je n'ai pas à cacher le
caractère relativement aisé, je constate que nous percevons trois fois et demie
moins de DGF par habitant que Vichy ou Lourdes, parce que l'histoire a fait que
cette ville de banlieue percevait très peu de taxe locale quand on a entrepris
l'ensemble des réformes.
Ma troisième interrogation est plus prospective. Les collectivités locales,
dans un système de décentralisation, ne doivent pas être condamnées à lever les
impôts du siècle précédent. La fiscalité locale est fondée sur des valeurs
foncières et sur des bases industrielles dépassées. Je souhaiterais donc vous
demander si vous acceptez l'idée que les impôts nouveaux à proposer aux
collectivités locales doivent s'écarter de ces bases foncières et industrielles
périmées. On pourrait ainsi essayer de fonder la fiscalité sur les nouvelles
technologies, notamment sur les fameuses licences UMTS, sur la répartition des
fréquences VHF, sur le développement de l'Internet.
Voilà des ressources « normales » sur lesquelles on peut appuyer une fiscalité
au bénéfice des régions, qui sont chargées de l'aménagement du territoire et
qui doivent être les collectivités entraînantes dans l'ensemble d'un système
nouveau.
Plutôt que de rapiécer tel ou tel impôt obsolète, il faut clairement s'engager
dans la voie d'un partage entre l'Etat et les collectivités territoriales,
notamment les plus grandes, pour les nouvelles technologies et les nouvelles
bases fiscales. Sinon il y aura, d'un côté, une fiscalité avec la TVA, l'impôt
sur les sociétés et l'impôt sur le revenu, très rapidement évolutive, et, de
l'autre, la fiscalité locale fondée sur les taxes d'habitation et sur les taxes
foncières.
Avec ma quatrième question, je reprends, mais avec inquiétude, la question
qu'a posée M. le président Lambert.
L'Etat, compte tenu des réformes qui ont été faites depuis que ce gouvernement
est en place, concernant les impôts locaux, notamment la taxe professionnelle
et la taxe d'habitation, va avoir aujourd'hui comme première charge budgétaire
ce qu'il appelle « les concours aux collectivités territoriales », soit 338
milliards de francs. C'est plus que pour bien d'autres budgets.
Madame la secrétaire d'Etat, nous avons pris des engagements dans le cadre du
pacte de stabilité européen et au titre de la défense de l'euro. Nous n'y
pensons jamais, à l'euro ! Nous nous plaignons qu'il baisse, mais nous ne
faisons rien pour le raffermir, pour lui donner une base financière solide.
Au moindre retournement de conjoncture, nous risquons immédiatement de
connaître un rétrécissement des concours de l'Etat aux collectivités
territoriales. C'est ce qui nous inquiète.
L'addition des réformes que vous avez faites depuis quelques années est très
préoccupante. Elle nous fait courir le risque d'une réduction des moyens de nos
collectivités et d'un recours accru à la fiscalité si la conjoncture se
retourne. Nous devons financer les trois quarts des investissements collectifs
de ce pays et une grande masse d'actions de solidarité et d'aide sociale,
notamment dans les départements.
Voilà les quatre questions essentielles que je voulais poser, j'aurais pu en
formuler d'autres.
Je terminerai en disant que, dans l'Europe qui se construit, chacune des
structures nationales a un mécanisme propre de répartition entre l'Etat et les
collectivités territoriales. Je sais bien que notre faiblesse, c'est d'avoir
trop de collectivités territoriales et trop de niveaux de responsabilité. J'en
suis conscient, comme beaucoup de mes collègues. C'est pour cela que, du fait
de mon expérience, j'estime que l'avenir réside en une théorie des couples : il
faut instituer un système de fiscalité partagée entre les communes et les
communautés d'agglomérations, un système homogène entre les régions et les
départements, et un système homogène et moderne entre l'Etat et la Commission
européenne.
Mes chers collègues, quand nous aurons traité les problèmes à ces trois
niveaux de responsabilité, nous aurons fait accomplir un grand pas à la
décentralisation.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union
centriste et du RPR, ainsi que sur celles des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
débat concernant les collectivités locales n'a, en apparence, pas la même
nature que les autres années.
Nous sommes en effet, avec ce projet de loi de finances pour 2001, dans un cas
de figure marqué par la poursuite du processus de disparition de la base
taxable des salaires en terme de taxe professionnelle, dans le droit-fil de
l'exécution du pacte de croissance et de solidarité et de la mise en oeuvre de
la loi sur le renforcement et le développement de la coopération
intercommunale.
Les caractéristiques des quelques articles portant sur les finances locales
que compte le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale, nous ne
manquerons pas de les souligner lors de la discussion même des articles. La
présente intervention, qui sera complétée par celle que prononcera tout à
l'heure mon collègue Paul Loridant, portera donc essentiellement sur un seul
grand thème : la réforme de la taxe professionnelle, notamment la défense et
l'illustration de la proposition de loi que vient de déposer notre groupe et
qui est relative à la prise en compte des actifs financiers dans l'assiette
taxable.
Tout d'abord, pourquoi proposons-nous de procéder à une réforme de la taxe
professionnelle de cette ampleur ?
Nous avons, en cette matière, d'ores et déjà indiqué que notre souci était
double. Il s'agit pour nous, d'une part, d'accompagner la réforme de la taxe
professionnelle qui est liée à la suppression de la part taxable des salaires,
et, d'autre part, de rétablir entre les entreprises une relative égalité de
traitement que le mode actuel de taxation ne permet pas de faciliter.
Beaucoup de choses ont été dites depuis 1976, date de la création de la taxe
professionnelle, sur ses qualités comme sur ses défauts.
Trois évolutions essentielles se sont produites depuis cette date.
Il s'agit, d'une part, de l'adoption du principe de plafonnement du montant de
la taxe à proportion de la valeur ajoutée.
Cette règle de calcul, qui est sans effet sur les comptes des collectivités
locales, pèse néanmoins plus ou moins 40 milliards de francs bruts en terme de
fiscalité pour l'Etat.
La seconde évolution résulte de l'allégement transitoire de la taxe et de son
corollaire, la dotation de compensation, dont la portée pour les entreprises
est de plus de 30 milliards de francs, compensés à concurrence d'un peu plus de
11 milliards de francs aux collectivités locales par l'Etat, ce qui génère, du
fait de nos règles fiscales, un produit fiscal équivalent au titre de l'impôt
sur les sociétés.
Compte tenu de la baisse tendancielle de la dotation de compensation de la
taxe professionnelle, l'opération n'est véritablement coûteuse que pour les
collectivités locales, à hauteur d'environ 20 milliards de francs.
La troisième grande évolution est celle qui est liée à la disparition de la
part taxable des salaires qui a allégé sensiblement la contribution des
entreprises et donc participé à majorer le produit de l'impôt sur les sociétés
par l'effet traditionnel des vases communicants. Elle a aussi transformé une
part importante des recettes des collectivités locales, hier fiscales, en
dotation.
Mais toutes ces mesures ont un défaut essentiel que notre proposition de loi
vise à corriger quant au fond : celui de s'appliquer à une imposition qui ne
reflète qu'imparfaitement la réalité de ce que sont aujourd'hui les
entreprises, de ce qu'est en particulier leur bilan.
La France de 1976 est aujourd'hui bien loin, et les entreprises en l'an 2000
ont désormais une autre structure, d'autres relations économiques, et ont
professé d'autres choix d'investissement.
La considérable modification de la structure des bilans des entreprises non
financières comme l'élévation du patrimoine par les entreprises financières ont
comme particularité d'être aujourd'hui sans influence fondamentale sur le
montant de la taxe professionnelle du fait de l'exemption dont jouissent les
actifs financiers à ce titre.
Les chiffres que nous citons dans l'exposé des motifs de notre proposition de
loi sont éloquents.
De 1970 à aujourd'hui, nous sommes passés de 270 milliards de francs à 26 000
milliards de francs d'actifs financiers détenus par les entreprises.
Où sont ces actifs ? Ils sont tout simplement au moins dans les bilans publiés
au titre tant des immobilisations financières que des valeurs mobilières de
placement.
De fait, chaque entreprise concernée serait naturellement redevable de la taxe
dans la localité de son siège social. En pratique, compte tenu de l'importance
de la matière fiscale, il ne peut évidemment en être ainsi. C'est d'ailleurs le
sens de l'amendement que nous avons déposé sur le sujet et que nous examinerons
par la suite.
Vouloir taxer les actifs financiers est une mesure de justice fiscale entre
assujettis à la taxe professionnelle ; elle pose évidemment des questions de
modalités techniques.
La justice du prélèvement, c'est de pénaliser effectivement et concrètement la
dérive financière qui affecte nombre de nos entreprises et qui permet notamment
à celles qui disposent d'une surface financière non négligeable de jouer de la
diversité de leurs placements pour s'autofinancer au détriment de toutes celles
qui paient encore aujourd'hui la taxe professionnelle « plein pot », les
petites et moyennes entreprises notamment.
C'est aussi pour nous la volonté de faire effectivement de la taxe
professionnelle un bon impôt, un impôt sur le capital qui, comme le dit Michel
Pebereau, soit « un impôt intelligent dans son principe puisqu'il pousse à
l'utilisation efficace des facteurs de production ».
Quand on est gérant d'un commerce de proximité ou d'une PME du bâtiment, nul
doute que les problèmes de placement du fonds de roulement n'ont que peu de
place dans les décisions de gestion. En revanche, quand on est dirigeant de
Carrefour ou de Bouygues, on se trouve évidemment dans un autre cas de figure,
parce qu'on a de la marge, une marge qui provient quelquefois des profits que
l'on a obtenus au détriment des deux premiers.
Proposer la taxation des actifs financiers est donc un impératif d'égalité de
traitement entre entreprises, égalité que l'on ne peut obtenir que par cet
élargissement d'assiette.
Quant aux modalités techniques de la mise en oeuvre de la taxation des actifs
financiers, nous avons indiqué notre souci de faire de celle-ci un outil
indispensable de péréquation des recettes des collectivités locales.
Il convient donc aujourd'hui, avec la taxation des actifs financiers, d'entrer
dans une autre phase, une phase dans laquelle l'autonomie financière des
collectivités locales serait confortée par l'attribution, via un fonds de
péréquation, de sommes autrement plus importantes que celles qui sont
actuellement réparties au travers du fonds existant.
Une taxation, même minime, des actifs financiers à 0,3 %, susceptible de
rapporter plus de 70 milliards de francs, représente tout de même dix fois plus
que l'actuel montant engagé dans les circuits de péréquation de la taxe
professionnelle !
Un tel prélèvement sur les actifs financiers des entreprises au titre de la
taxe professionnelle alimenterait en ressources l'ensemble des collectivités,
qui sont aujourd'hui confrontées à un triple défi.
Le premier est un défi de réparation sociale, avec l'explosion des dépenses
d'action sociale et d'insertion, y compris dans le contexte actuel de
reprise.
Le deuxième est un défi d'impulsion économique, dans la mesure où les dépenses
non seulement de fonctionnement, mais aussi d'investissement des collectivités
ont un incontestable effet d'entraînement sur l'activité économique. Chacun
sait que l'argent des communes ne dort pas ; il est remis la plupart du temps
en circulation - et cela à 100 % -, au moyen de l'investissement direct ou de
la distribution de pouvoir d'achat.
Le troisième défi est celui de la stimulation de l'emploi car, à l'évidence,
si les collectivités locales n'administrent pas l'économie et encore moins les
entreprises, le droit constitutionnel à l'emploi leur confère une
responsabilité particulière. Les collectivités locales n'administrent-elles
pas, en effet, les dégâts sociaux qui résultent de la gestion des groupes ? Je
pense, par exemple, aux dégâts causés par les plans, dits sociaux, de
licenciements.
Telles sont les observations que nous nous devions de formuler à l'occasion de
cette discussion. Nous aurons l'occasion de revenir sur tous ces points lors de
l'examen de nos amendements.
(Applaudissements sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen.)
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Miquel.
M. Gérard Miquel.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
budget pour 2001, qui marque un progrès constant de l'équilibre des finances
publiques, est caractérisé par une augmentation des recettes fiscales des
collectivités locales et par une évolution particulièrement favorable des
concours financiers de l'Etat, lesquels passeront de 293,5 milliards de francs
en 2000 à 337 milliards de francs en 2001, soit une progression de 14,8 %.
Par ailleurs, au titre du contrat de croissance et de solidarité passé entre
l'Etat et les collectivités locales, un tiers de la croissance du produit
intérieur brut sera pris en compte, en 2001, dans le calcul de l'évolution des
dotations de l'Etat. C'est que les collectivités locales, comme les citoyens,
profitent, elles aussi, de la croissance.
Jusqu'en 1997, les collectivités locales avaient dû restreindre leur effort
d'équipement tout en se trouvant contraintes d'augmenter fortement la fiscalité
locale pour faire face à l'accroissement de leurs dépenses de fonctionnement et
pour pallier l'insuffisance des dotations de l'Etat. Depuis cette date, c'est
avec constance qu'elles s'efforcent de limiter la pression fiscale qui s'exerce
sur les contribuables locaux. Ce phénomène de limitation de la croissance des
taux d'imposition, voire de stabilisation, touche aussi bien les communes que
les groupements, les départements ou les régions.
Par ailleurs, les collectivités locales profitent, dans leur ensemble, d'une
croissance très soutenue des bases de la taxe professionnelle du fait de
l'amélioration de la situation économique du pays.
L'évolution satisfaisante de la fiscalité directe des collectivités locales
devrait donc se poursuivre, une part plus importante que par le passé du
produit de cette fiscalité devant toutefois être perçue sous la forme de
compensations qui s'élèveront, en 2001, à 128 milliards de francs.
En 2001, la suppression de la vignette perçue par les départements, dont nous
allons discuter tout à l'heure, confirmera cette tendance.
Mes chers collègues, en ma qualité de vice-président du conseil général du
Lot, où la vignette était la plus chère de France, je me réjouis d'autant plus
d'une telle suppression,...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Vous pouvez, parce que la compensation sera plus
importante !
M. Gérard Miquel.
... que cet impôt était devenu totalement injuste et que le déséquilibre qui
existait entre les départements était parfaitement insupportable. Cette
suppression est particulièrement appréciée par nos concitoyens, qui n'auront
pas, en cette période de l'année, à effectuer l'achat qu'ils appréhendaient de
faire !
M. Bernard Murat.
Ils paieront autrement !
M. Gérard Miquel.
Heureusement, la compensation de la suppression de la vignette sera intégrale
et indexée sur la DGD, soit une progression de 3,4 %. Cela étant, je tiens à
souligner que cette suppression est le résultat non pas d'un effet de mode,
mais de choix clairs visant à augmenter le pouvoir d'achat des Français, afin
que celui-ci induise plus de croissance et plus d'emplois, c'est-à-dire moins
d'inégalité et moins d'exclusion.
La proposition adoptée par nos collègues de l'Assemblée nationale et visant à
faire bénéficier les organismes d'HLM des zones urbaines sensibles d'un
abattement de 30 % sur la taxe sur le foncier bâti va dans le même sens : moins
d'inégalités, moins d'exclusions.
En 2001, le total des dotations au titre du contrat de croissance et de
solidarité sera donc de 167 milliards de francs. Au sein de l'enveloppe normée,
la dotation globale de fonctionnement occupe une place prépondérante : avec
près de 114 milliards de francs, elle augmente de 3,42 % par rapport à la loi
de finances pour 2000, soit une progression de 3,8 milliards de francs en
volume. C'est la plus importante augmentation octroyée ces dernières années, et
nous avons tout lieu de nous en féliciter.
La DGF de l'année 2001 est par ailleurs abondée de trois majorations
exceptionnelles inscrites au projet de loi de finances pour un montant de 1,850
milliard de francs : 500 millions de francs pour la DSU au titre de la loi de
finances pour 1999, 350 millions de francs pour cette même DSU au titre de la
loi de finances pour 2001 et 1 milliard de francs pour la dotation
d'intercommunalité, soit un doublement par rapport au budget 2000.
Je me félicite que cette majoration destinée à renforcer et à simplifier la
coopération intercommunale soit la conséquence du succès croissant des
nouvelles communautés d'agglomération et j'en profite pour saluer ce succès.
Près d'un an après leur création, les communautés d'agglomération commencent en
effet à peser lourd dans le paysage institutionnel local. Au nombre de
cinquante, pour celles qui ont été créées avant le 31 décembre 1999, elles
regroupent près de six millions d'habitants répartis sur 756 communes. Le
volume de dépenses de ces nouveaux groupements à fiscalité propre atteindra
cette année plus de 20 milliards de francs dans le cadre de leur premier
budget.
Les crédits alloués à la ville, quant à eux, augmentent de 70 %. La dotation
de solidarité rurale a été abondée de 150 millions de francs dans sa fraction
bourg-centre, après avoir augmenté de 25 % en 2000.
Par ailleurs, plusieurs autres dotations évoluent comme la DGF : c'est le cas
de la dotation « instituteurs » et la dotation « élu local ».
S'agissant de la dotation générale de décentralisation, elle s'élève à 37,3
milliards de francs et intègre, outre la progression de 3,42 %, la compensation
de la suppression de la vignette aux départements, dont le montant, de 12,5
milliards de francs cette année, progressera comme la DGD dans laquelle il est
intégré.
Ainsi donc, en masse, les concours de l'Etat s'élèveront - et je m'en félicite
- à 337 milliards de francs, soit une augmentation de 15 %, alors que le budget
de l'Etat ne progresse que de 1,5 %. Les concours de l'Etat progresseront donc
dix fois plus que son budget, ce qui représente un important accompagnement de
la croissance.
J'ajoute cependant que ces sommess seront les bienvenues, tant les charges de
toutes sortes qui pèsent sur nos collectivités sont croissantes.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les
relations financières entre l'Etat et les collectivités locales se sont donc
beaucoup améliorées depuis 1997 : plus de concertation et plus de coopération
ont ainsi apporté davantage d'équilibre.
Au nom du groupe socialiste, je me permets de souhaiter que de nouveaux
progrès soient réalisés dans ce sens, en particulier en ce qui concerne la
péréquation, laquelle doit corriger les déséquilibres des ressources qui se
sont fortement accrues au cours des années passées.
J'espère que nous parviendrons aussi à réviser nos bases d'imposition, car
elles sont devenues un facteur d'inégalité fiscale, notamment au regard de
l'impôt régional, de l'impôt départemental et de l'impôt de communautés de
communes, en particulier les communautés de communes à fiscalité
additionnelle.
Le fait que la fiscalité soit calculée sur des bases établies en 1970 est une
entrave à l'intercommunalité dans les zones rurales. Entre une ville centre et
les petites communes situées à la périphérie, on constate des écarts de un à
trois.
Cette analyse est aussi valable pour la taxe d'enlèvement des ordures
ménagères, dont le montant est en progression depuis quelques années.
Notre collègue Joël Bourdin disait que le Gouvernement avait fait le choix de
soutenir les villes contre les campagnes. Je ne partage pas cette analyse ; et
je suis pourtant maire d'une commune de 270 habitants et président d'une
communauté de communes de dix-sept communes rassemblant 4 800 habitants.
Il est normal que la DGF allouée aux communautés de communes soit aussi
fonction des compétences que celles-ci exercent : les communautés de communes
qui n'ont que très peu de compétences ne peuvent pas recevoir le même soutien
que les communautés de communes qui exercent des compétences beaucoup plus
larges. Pour la communauté de communes que j'ai l'honneur de présider, la DGF
est de 720 francs par habitant. Je crois que cette explication suffit à
démontrer que les propos et l'analyse de M. Bourdin étaient quelque peu
caricaturaux.
Je sais que nous pouvons compter sur le Gouvernement pour faire ce qu'il faut
afin que les collectivités locales puissent non seulement assumer les tâches
qui sont actuellement les leurs, mais aussi assurer les fonctions et les rôles
qu'elles ne manqueront pas de remplir, avec un sens croissant de leurs
responsabilités.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nul
ne conteste la nécessité de réformer notre système fiscal. En effet, il ne
remplit plus ses objectifs traditionnels en matière de rendement fiscal,
d'efficacité économique, de justice sociale ; il porte en outre un rude coup
d'arrêt à la décentralisation.
Pourtant, plutôt que d'engager une véritable réforme de la fiscalité locale,
le gouvernement de Lionel Jospin se borne à la démanteler pour la remplacer par
des dotations budgétaires.
Hier, il supprimait la part salaire de la taxe professionnelle, la part
régionale de la taxe d'habitation et il réformait les droits de mutation, ainsi
que les dégrèvements de la taxe d'habitation.
Aujourd'hui, par ce projet de loi de finances, le Gouvernement nous propose de
supprimer partiellement le produit de la vignette perçu par les
départements.
Pour chacune de ces cinq mesures, le Gouvernement a recours à une compensation
par dotation budgétaire.
Ce n'est pas ainsi que notre fiscalité locale deviendra plus juste, plus
efficace pour aider les maires à réaliser les investissements nécessaires à
l'amélioration de la vie quotidienne des Français, plus particulièrement dans
les villes petites et moyennes.
Cette considération me conduit à formuler cinq remarques.
Premièrement, cette politique de démantèlement menée par le Gouvernement
conduit à détériorer progressivement le lien fiscal existant entre le
contribuable local et les collectivités territoriales.
En effet, les recettes fiscales payées par les contribuables locaux passent de
376 milliards de francs avant les réformes à 291 milliards de francs après les
réformes. Au total, la part des recettes fiscales payées effectivement par les
contribuables locaux dans les recettes de fonctionnement des collectivités
locales passe de 53 % avant les réformes à 41 % après les réformes !
Deuxièmement, cette substitution de dotations forfaitaires aux ressources
fiscales a pour conséquence de soumettre l'évolution des ressources
anciennement fiscales aux règles de calcul complexes qui gouvernent les
dotations de l'Etat.
Nul n'ignore que ces dotations budgétaires ne permettent pas d'assurer la
pérennité des ressources locales. L'évolution, en 2000, de la dotation de
compensation des pertes liées à la réforme de la taxe professionnelle en est un
exemple criant.
La loi de finances de 1999 dispose que cette compensation est indexée sur
l'évolution réelle de la dotation globale de fonctionnement. Or la progression
de la DGF pour 2000 a fait l'objet d'une régularisation négative.
En effet, l'indice de progression de la DGF en 1998 s'élevait à 1,7 %, alors
que le projet de loi de finances pour 1998 l'évaluait à 2,4 %. Ainsi, le
Gouvernement, en appliquant le taux réel de progression de la DGF à cette
dotation de compensation, lui a fait supporter, en 2000, les effets d'un trop
perçu dont elle n'a pas bénéficié.
Troisièmement, ces cinq réformes remettent en cause l'autonomie fiscale des
collectivités locales. En effet, à la suite de ces réformes, la part des
recettes fiscales dans les recettes totales, hors emprunt des collectivités,
passe de 55 % à 48 % pour les communes, de 59 % à 43 % pour les départements et
de 58 % à 36 % pour les régions.
Madame le secrétaire d'Etat, n'oubliez pas que l'aube du xxie siècle, les
collectivités locales restent un interlocuteur essentiel pour prévenir les
risques de fractures civique, sociale ou territoriale.
La décentralisation se mesure à la liberté dont disposent les collectivités
territoriales au sein d'un Etat unitaire. Cette liberté exige que les organes
locaux bénéficient d'une réelle autonomie dans l'exercice de leurs fonctions.
La libre administration doit être à la fois juridique, technique et financière.
Et l'autonomie financière ne se résume pas à la liberté de dépenser !
Brider la liberté fiscale des collectivités emporte donc de nombreuses
conséquences dommageables. Tout d'abord, se pose le problème de leur
effectivité ; ensuite, leurs efforts de gestion se trouvent annihilés. Ainsi,
la baisse de 25 % opérée en 2000 par le conseil général de la Corrèze sur la
vignette automobile devient lettre morte.
Quatrièmement, j'en viens à la marge de manoeuvre des collectivités sur la
fiscalité directe locale.
Avant ces réformes, pour augmenter leurs recettes de 5 %, les communes
devaient augmenter les taux de leur fiscalité directe de 10,2 %. Depuis ces
réformes, pour augmenter leurs recettes de 5 %, les communes devront augmenter
leurs taux de 12 %. En effet, la contraction des assiettes fiscales opérée par
ces réformes implique un effort fiscal supplémentaire. En d'autres termes, pour
les communes, ces réformes entraînent une augmentation de l'effort fiscal de 18
%.
Enfin, cinquièmement, j'évoquerai la situation des contribuables.
Les contribuables français souhaitent, à juste titre, pouvoir bénéficier du
partage des fruits de la croissance. Pour eux, la distinction entre
contribuable local et contribuable national n'a aucun intérêt : c'est toujours
leur portefeuille qui est concerné. Pour eux, ces réformes de la fiscalité
locale sont au mieux une opération blanche. En effet, ce qu'ils ne payeront
plus en tant que contribuable local, ils devront l'acquitter en leur qualité de
contribuable national. Et croyez-le bien, madame, les médias se chargeront de
le dévoiler !
Pour certains d'entre eux, ces réformes vont même augmenter la pression
fiscale. En effet, nombre de nos concitoyens sont exclus de ces réformes alors
qu'ils participent au financement des dotations de compensation versées par
l'Etat aux collectivités. Je prendrai deux exemples pour illustrer mon
propos.
Ainsi, au sein des professions libérales, ceux qui emploient moins de cinq
salariés ont été injustement exclus de la réforme de la taxe
professionnelle.
Par ailleurs, le Gouvernement et sa majorité plurielle veulent maintenir la
vignette pour certaines entreprises, certains artisans, certaines exploitations
agricoles et pour l'ensemble des professions libérales. Une telle inégalité de
traitement est, pour moi, insoutenable !
C'est la raison pour laquelle je souscris pleinement aux propositions
formulées par notre collègue et ami Philippe Marini concernant la suppression
de la vignette automobile. En effet, à mes yeux, la vignette doit être
complètement supprimée et cette suppression doit s'accompagner d'un transfert
aux conseils généraux de recettes fiscales actuellement perçues par l'Etat. Une
telle proposition renforcera l'autonomie fiscale des conseils généraux tout en
faisant bénéficier les contribuables d'une diminution de la pression
fiscale.
Au demeurant, madame le secrétaire d'Etat, compte tenu des remarques que je
viens de formuler, il me semble que le Gouvernement doit revoir totalement sa
copie concernant la rénovation de la fiscalité locale. Je rappellerai qu'en
juin dernier le Sénat a énoncé plusieurs pistes de réflexions à ce sujet :
rénovation de l'assiette des impôts existants, transfert du produit de certains
impôts, vote de taux additionnels aux impôts perçus par l'Etat.
En tout état de cause, madame le secrétaire d'Etat, si vous émettez un avis
défavorable sur les propositions de la commission des finances sur la
suppression de la vignette automobile, vous nous prouverez trois choses :
d'abord, que le Gouvernement a l'intention de transformer la décentralisation
française en une forme hybride de déconcentration ; ensuite, que le
Gouvernement n'a pas l'intention de réduire la pression fiscale pesant sur nos
concitoyens ; enfin, et son objectif est clair - qu'il veut transformer les
maires en obligés de l'Etat, au mépris de ses effets d'annonce sur la
décentralisation.
Defferre, réveille-toi, ils sont devenus fous !
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les
parlementaires - pas seulement eux d'ailleurs, nos concitoyens également - ont
très souvent le sentiment que l'Assemblée nationale et le Sénat ne jouent plus
complètement leur rôle.
Certes, ils discutent et votent les lois, mais cela ressemble plus à une
consultation, les décisions étant prises et annoncées ailleurs. L'épisode de la
vignette illustre de façon édifiante et irréfutable cette dérive.
La période d'imposition à la vignette courant du 1er décembre au 30 novembre
de l'année suivante, le Gouvernement a anticipé le vote du projet de loi de
finances en décidant de ne pas demander aux particuliers l'acquittement de
cette taxe pourtant exigible dès le 1er décembre.
Les effets d'annonce, l'attrait du journal télévisé sont tels que le
Gouvernement n'a pas hésité à empiéter allègrement sur les prérogatives du
Parlement puisque, au mieux, celui-ci ne pourra que confirmer
a
posteriori
les décisions du Gouvernement de ne pas percevoir la vignette
pour le compte du département. C'est surprenant !
Dans ces conditions, comment croire le Premier ministre lorsqu'il évoque la
restauration de la politique ou le renforcement du rôle du Parlement ?
Devant l'accroissement des rentrées fiscales du fait de la croissance, d'une
part, la demande sociale de partage de cette richesse, d'autre part, le
Gouvernement a souhaité faire plaisir en annonçant toute une série de mesures
d'allégements et d'exonérations.
Je ne reviendrai pas sur les difficultés de lisibilité de ces décisions ni sur
le problème de leur cohérence globale. Plusieurs semaines de débat, très public
puisqu'il s'est tenu dans la rue, les ont suffisamment mises en lumière.
Mais une question subsiste : pourquoi dans le panel de possibilités
d'allégements des charges a-t-on privilégié la suppression de la vignette, de
préférence, par exemple, à celle de la redevance sur l'audiovisuel ?
J'avoue que, lorsque j'aborde ce sujet, je n'obtiens aucune réponse claire.
Une approche très politicienne consisterait à faire remarquer que c'est une
taxe impopulaire et que sa suppression devait profiter à celui qui en aurait
fait l'annonce. Ce serait prêter aux auteurs de cette démarche une certaine
démagogie !
J'élimine donc d'office cette hypothèse, qui ne pourrait pas convenir.
Etait-ce donc un impôt injuste ? Au contraire, il taxait fortement les
voitures puissantes et ne touchait que très peu les voitures de faible
cylindrée.
Cette taxe pesait-elle beaucoup sur les foyers fiscaux ? Sa suppression
est-elle de nature à procurer un peu de confort matériel aux plus démunis ? Les
calculs ont démontré que la vignette ne représente pas 1 % de la dépense
annuelle consentie pour la voiture.
Chacun aura fait la comparaison entre ce que représente le prix de la vignette
et un plein d'essence par exemple !
Cette vignette nuisait-elle à la lisibilité des impôts ?
Au contraire, c'était l'une des seules taxes à être affectée à une
collectivité unique !
En réalité, le dispositif du Gouvernement s'illustre principalement par ses
effets négatifs sur le département puisqu'il va priver le conseil général de la
liberté de décider d'une partie de ses recettes budgétaires.
Cette mesure s'ajoutant à d'autres, l'autonomie financière des départements,
c'est-à-dire la part de leurs recettes fiscales rapportée à leurs recettes
réelles de fonctionnement, passe de 70 % en 1998 à 54 % en 2001. Or, il est
essentiel que les collectivités aient la possibilité de définir leurs moyens
pour faire aboutir leurs projets. Vous savez bien que, si l'on n'a pas les
recettes, les moyens financiers adéquats, on ne peut pas mettre en oeuvre une
politique.
Amputer les collectivités de leurs compétences en matière de recettes
fiscales, nous le savons, c'est les corseter dans leurs projets de dépenses. A
ce rythme, madame le secrétaire d'Etat, à quand le remplacement du président du
conseil général par le préfet,...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Bonne question !
M. Philippe Richert...
qui redeviendrait l'exécutif d'une assemblée départementale dont la seule
vocation serait d'organiser un débat autour de dépenses, dans le cadre de
recettes et de moyens qui seraient fixés par l'Etat ?
Bien entendu, le Gouvernement se défend de nourrir de telles arrières-pensées
et prend à témoin la commission Mauroy. Mais alors, madame le secrétaire
d'Etat, que répondez-vous si l'on vous demande non pas d'indexer l'évolution de
la compensation de la vignette sur la DGF mais simplement de la calculer
annuellement en fonction de l'évolution réelle du nombre de voitures en
circulation dans chaque département ? A l'évolution virtuelle je préfère, quant
à moi, un ancrage concret sur les immatriculations, car il serait injuste que
l'Etat profite seul de l'embellie économique et se réserve les marges nouvelles
ainsi dégagées.
Pour mieux appréhender l'évolution des rentrées pour 2001, j'ai saisi le
préfet de mon département afin qu'il m'indique les chiffres des
immatriculations, mois par mois, année par année, en fonction de la puissance
des voitures. La réponse à ces questions simples - et l'on peut s'attendre
qu'un ordinateur de puissance moyenne soit susceptible de la fournir - est pour
moi un préalable à l'établissement de relations claires et sereines entre
l'Etat et le département. Malheureusement, il m'a été répondu que ces
renseignements n'étaient pas disponibles.
Autrement dit, on va établir de nouvelles bases pour les dotations des
départements sans avoir une connaissance préalable des éléments en fonction
desquels seront calculées ces dotations.
Madame la secrétaire d'Etat, êtes-vous prête à nous fournir ces éléments de
manière que nous puissions mesurer ce que signifie réellement ce transfert,
pour que les départements ne soient pas simplement obligés d'accepter ce que
l'on veut bien leur donner mais qu'ils aient la possibilité de discuter d'égal
à égal avec le Gouvernement.
Je souhaite formuler une dernière remarque, dont l'importance n'est cependant
pas moindre.
Les exonérations prévues par le Gouvernement entraînent une nouvelle injustice
entre les catégories de bénéficiaires. Il faut être conséquent et aller
jusqu'au bout de la logique en exonérant tous les véhicules : cela évitera la
confusion qui naîtrait d'une situation où seules quelques voitures porteraient
encore le macaron, rendant les contrôles extrêmement difficiles. C'est la
demande que formule la commission des finances, et je m'y associe.
Il faut bien avouer que après l'encadrement des droits de mutation, la
suppression des parts régionales et départementales de la taxe foncière sur les
propriétés non bâties, la suppression de la part salariale de la taxe
professionnelle, l'Etat reste cohérent en proposant la suppression de la
vignette. Cela revient à encadrer encore davantage les collectivités, à les
corseter, à les mettre sous tutelle financière.
En outre, tout cela a été décidé sans aucune concertation, sans débat, y
compris au Parlement.
Madame le secrétaire d'Etat, je ne connais pas un pays d'Europe où les
collectivités sont traitées avec autant de désinvolture de la part du
Gouvernement.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du
RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
Je réitère ici la demande formelle de l'Assemblée des départements de France,
qui souhaite que les conseils généraux soient associés en amont aux débats et
qu'ils puissent disposer de la liberté fiscale indispensable à l'exercice des
prérogatives, responsabilités et compétences importantes qui sont les leurs.
Hier, dans mon département, un point d'augmentation de la fiscalité rapportait
17 à 18 millions de francs ; demain, la même augmentation ne dégagera plus
qu'un produit d'environ 12 millions de francs.
Ces marges qui nous sont rognées sont autant de contraintes
supplémentaires.
Je souhaite du fond du coeur qu'une conférence annuelle rassemblant l'Etat et
les représentants des différentes collectivités territoriales puisse se tenir
pour définir un vrai partenariat, de manière que nous ne découvrions plus,
chaque année, des mauvais coups portés aux collectivités et à la
décentralisation.
J'attends du Gouvernement, non pas des apaisements verbaux, mais des réponses
claires aux questions légitimes que le Sénat, représentant des collectivités
territoriales, lui adresse.
(Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous
sentons bien, au ton des interventions qui se succèdent à cette tribune depuis
quelques instants, que nous sommes pratiquement arrivés à une heure de vérité,
à un tournant. Le révélateur, c'est l'affaire de la vignette ; c'est aussi
l'affaire de la taxe d'habitation dans les régions.
Tout cela pose des questions de fond par rapport aux doctrines officielles,
aux conclusions proclamées de la commission Mauroy en faveur d'un
approfondissement de la liberté des collectivités locales et de la
décentralisation, grande oeuvre, paraît-il, de la majorité actuelle, accomplie
à partir de 1981.
On sent bien que l'unicité du discours est faible et la lisibilité de
l'ensemble rien moins qu'évidente.
Aussi, madame le secrétaire d'Etat, je souhaite vous poser quelques
questions.
Quelle est, en réalité, la doctrine ? Vers quoi allons-nous ?
Tout à l'heure, Jean-Pierre Fourcade a exploré les problèmes que posait le
retour à une autonomie fiscale des collectivités territoriales, qui est le
choix officiel. Moi, je vais vous poser une autre question : quelles sont les
perspectives de la suppression de la fiscalité territoriale ?
En effet, on a beau dire que les collectivités vont s'administrer avec une
marge de manoeuvre de plus en plus grande, on s'aperçoit que leurs capacités
d'arbitrage, d'action, d'innovation, d'initiative se réduisent et que les
retombées de l'activité économique qu'elles peuvent recevoir pour les mettre à
la disposition de leur population sont de plus en plus rognées.
Il s'agit de savoir, au-delà du discours officiel, vers quoi nous allons si ce
mouvement doit se poursuivre.
Il me semble avoir lu encore récemment dans la Constitution que « les
collectivités territoriales s'administrent librement par des conseils élus et
dans les conditions fixées par la loi », et non « dans le cadre de leur
obéissance aux oukases du Gouvernement quant à leurs grandes lignes d'action
».
Que penser, pourtant, de toutes ces dotations de l'Etat qui, depuis quelques
années, tendent à se substituer à la libre décision des collectivités locales ?
Et je ne parle pas des compensations des suppressions : on a fait justice tout
à l'heure du système d'indexation qui les fait évoluer.
Au passage, on peut remarquer que la mise en place de la suppression de la
part salaires de la taxe professionnelle aboutit à ce scandale magnifique qui
fait qu'on est en plein dans la conservation des avantages acquis. Je sais bien
que c'est une doctrine chère à certains de nos collègues, mais que se
passe-t-il pour les collectivités qui font l'effort d'attirer de nouvelles
entreprises sur leur territoire, d'en aider à se créer, ou pour les communautés
de communes qui ont mis en place des zones industrielles sur lesquelles elles
permettent à de nouvelles entreprises de s'implanter, alors qu'elles n'auront
pas les références de compensation de la part salaires de la taxe
professionnelle puisque, par définition, la première imposition de ces
entreprises se fera après la fin du repérage ?
Mais je reviens aux dotations propres de l'Etat et, par là même, à un clou que
j'enfonce assez souvent.
La décentralisation est peut-être née de la loi Defferre, mais elle n'a été
possible que parce que, avant, il y a eu, certes, la loi Bonnet, mais aussi et
surtout l'instauration de la liberté d'emprunt des collectivités locales...
M. Yves Fréville.
Absolument !
M. Paul Girod.
... et d'une DGF qui était un espace de liberté parce qu'elle était distribuée
selon des critères objectifs, non selon des critères d'obéissance à des
politiques nationales. Maintenant, la DGF est fonction de l'obéissance des
collectivités territoriales, en particulier des communes, aux oukases édictés
par l'Etat en matière d'intercommunalité, de politique de la ville, etc.
Autrement dit, elle n'est plus une dotation neutre, elle est devenue un
instrument de « guidance » de ces enfants - autrefois on parlait de « guidance
infantile » - que sont désormais les responsables des collectivités
territoriales, à qui il faut, par le biais de l'argent, dicter leur devoir.
Si c'est vers cela que l'on tend, je vous le dis tout de suite, madame le
secrétaire d'Etat, le débat d'aujourd'hui, qui est révélateur d'une évolution
dans les conceptions et la réalité de l'action du Gouvernement, va s'amplifier
et prendre probablement une gravité que vous ne soupçonnez pas.
Je crains que le Sénat ne soit, une fois de plus, amené à se singulariser, à
redevenir une « anomalie », en tout cas à se dresser comme un obstacle sur la
route de certains théoriciens, et ce sera son honneur que de défendre les
collectivités territoriales. Le Conseil constitutionnel n'a-t-il pas rappelé
récemment que notre assemblée avait notamment pour rôle d'être l'interprète de
l'expérience de ces mêmes collectivités dans la gestion quotidienne du
territoire ?
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cette
seconde intervention du groupe communiste républicain et citoyen portera sur le
problème de l'évolution des dotations en faveur des collectivités locales.
L'examen des dispositions du projet de loi de finances pour 2001 laisse
clairement apparaître que nous nous trouvons dans une phase intermédiaire,
entre un pacte de croissance et de solidarité en fin de vie et des réformes
plus fondamentales, souhaitables et à venir.
Que constatons-nous, en effet ? Une fois de plus, comme cela s'est déjà
produit l'an dernier, c'est au travers de majorations de caractère exceptionnel
que l'on a réussi à répondre aux besoins de financement des collectivités
locales.
Cette situation n'est pas satisfaisante et soulève la question récurrente de
l'équilibre de l'ensemble des dotations d'Etat aux collectivités locales.
Chers collègues de la majorité sénatoriale, vous avez déposé des amendements
sur l'ensemble des articles de ce volet du projet de loi de finances. C'est
bien, mais je vous rappelle que, sous un autre gouvernement, dans un passé
assez récent, vous avez voté également des dispositions remettant sensiblement
en cause cet équilibre.
N'oubliez pas non plus que vous avez voté contre les lois de décentralisation.
Je dis cela à ceux qui invoquaient Gaston Defferre voilà quelques minutes.
M. Louis de Broissia.
C'est vieux !
M. Hilaire Flandre.
Vous n'étiez pas né !
(Sourires.)
M. Paul Loridant.
Eh bien si, mon cher collègue, mais je n'étais pas encore sénateur !
(Nouveaux sourires.)
Cependant, j'étais déjà élu local.
C'est en effet pendant la période 1993-1997 qu'a été réformée la dotation
globale de fonctionnement - dont il est évident qu'elle est aujourd'hui
totalement bloquée, ce qui contraint à utiliser l'artifice des majorations
exceptionnelles -, que l'on a réduit la compensation de la TVA au titre du
FCTVA, que l'on a supprimé la DGE pour les communes de plus de 20 000
habitants, que l'on a formalisé un pacte de stabilité qui s'attaquait encore
aux dotations et aux ressources des collectivités locales.
M. Josselin de Rohan.
C'est le contraire !
M. Paul Loridant.
Aujourd'hui, alors que nous sommes dans une phase de reprise de la croissance
économique, vous semblez, chers collègues de la majorité sénatoriale, pris d'un
vif désir de majorer les dotations en faveur des collectivités locales.
M. Josselin de Rohan.
Vous, vous les minorez !
M. Paul Loridant.
N'ayez pas la mémoire courte !
M. Josselin de Rohan.
Nous sommes réalistes !
M. Paul Loridant.
Certes, le calendrier s'y prête puisque 2001 sera l'année du renouvellement
des conseils municipaux, du renouvellement des conseils généraux et même du
renouvellement d'une partie du Sénat.
Bref, madame la secrétaire d'Etat, une stratégie de séduction est en oeuvre...
(Rires)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
N'est-ce pas normal que nous cherchions à séduire
?
M. Paul Loridant...
en direction des élus locaux.
Certes, c'est le rôle du Sénat de représenter les collectivités territoriales
mais, mes chers collègues, les élus locaux n'ont pas la mémoire courte : ils
sauront se souvenir de toute l'histoire du financement des collectivités
locales.
M. Josselin de Rohan.
Absolument !
M. Paul Loridant.
Pour notre part, au-delà de cette controverse sur le caractère variable de
l'attitude de la commission des finances et de la majorité sénatoriale, nous
estimons plus que jamais indispensable une remise à plat des règles et une
remise à niveau des dotations budgétaires allouées par l'Etat aux collectivités
territoriales.
Ainsi, nous nous interrogeons sur le devenir de la dotation globale de
fonctionnement, dont l'économie générale, si elle a pu être satisfaisante un
moment, ne l'est plus aujourd'hui.
Nous pensons en particulier que, si l'on doit renforcer le caractère
péréquateur de la dotation, et notamment de la dotation d'aménagement, il
convient aussi de créer les conditions d'une alimentation plus importante de
l'enveloppe globale de la dotation, en la liant plus fermement et plus
durablement à la croissance économique.
Nous ne pouvons oublier que, au-delà des recettes fiscales autonomes des
collectivités locales, la dotation forfaitaire constitue la principale
ressource de la grande majorité des communes de notre pays.
De surcroît, nous ne sommes pas convaincus que la dotation globale de
fonctionnement soit nécessairement l'outil de péréquation le plus adapté.
D'ailleurs, nous constatons la nécessité de créer une dotation sociale urbaine,
une dotation rurale, une dotation aux communes touristiques, et je pourrais
continuer l'énumération.
Enfin, nous nous inquiétons de voir régulièrement les ressources de nature
fiscale qui sont au libre choix des collectivités territoriales remplacées par
des dotations budgétaires de l'Etat.
(Très bien ! et applaudissements sur
les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Mais oui, mes
chers collègues, c'est une évolution qui porte en germe une atteinte au
principe de la libre administration des collectivités territoriales
(Bravo !
et nouveaux applaudissements sur les mêmes travées)
, principe
constitutionnel qui s'impose à tous. Souvenez-vous de vos conflits avec le
Gouvernement Juppé au moment du vote du budget du ministère de l'intérieur.
(M. Hilaire Flandre s'exclame.)
Vous avez la mémoire courte !
Il est également crucial que la compensation des charges d'investissement des
collectivités locales soit plus importante. Cela passe par le fait de revenir
sur le taux de compensation du FCTVA et sur le niveau de la dotation globale
d'équipement.
Madame la secrétaire d'Etat, ce sont là des dotations utiles pour le
financement des investissements des collectivité locales, utiles pour le
développement des infrastructures, utiles pour l'activité économique et pour
l'emploi.
Une dotation aux collectivités locales, ce n'est jamais de l'argent qui dort,
c'est un vecteur d'activité, de croissance et d'emploi. Je rappelle que le
volume des investissements des collectivités locales est bien supérieur à celui
de l'Etat.
M. Serge Vinçon.
Tout à fait !
M. Paul Loridant.
C'est dans cette perspective qu'il faut appréhender l'investissement et
l'avenir des collectivités locales. Telles sont, madame la secrétaire d'Etat,
les quelques pistes que je voulais évoquer devant vous.
(Applaudissements
sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur
certaines travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union
centriste, et certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Jarlier.
M. Pierre Jarlier.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce
débat sur les recettes des collectivités locales est parfaitement d'actualité
car, en dehors de toute interprétation, l'affaiblissement de leur autonomie
financière est une réalité.
Progressivement, nos collectivités sont confrontées à une double difficulté
budgétaire : les transferts de charges et les pertes de ressources fiscales qui
réduisent fortement le potentiel des initiatives locales.
Pourtant, aujourd'hui, les collectivités locales rapprochent quotidiennement
l'action publique du citoyen, en constituant le socle d'une démocratie de
proximité.
Malheureusement - et c'est un paradoxe - la gestion des ressources financières
locales échappe de plus en plus aux acteurs locaux. C'est donc le fondement
même de la décentralisation qui est en cause.
La suppression de la part régionale de la taxe d'habitation et de la vignette
automobile, même si elles constituent de bonnes nouvelles pour les
contribuables, en sont les exemples frappants.
Plus généralement, en trois ans, l'autonomie des ressources propres des
collectivités territoriales a diminué de 20 %, soit 80 milliards de francs.
Mais ce constat suscite une autre inquiétude.
La part croissante des compensations au sein des concours de l'Etat aux
collectivités locales, qui représentait 65 % de l'effort total de l'Etat en
leur faveur en 1998, n'est plus que de 52 % actuellement. Et, à l'issue de la
réforme de la taxe professionnelle, il est probable que les dotations « actives
» de l'Etat, reflet d'une politique concertée, représenteront moins de la
moitié de ses concours.
La perte d'autonomie fiscale et financière de nos collectivités est donc bien
une réalité aujourd'hui dans un processus de recentralisation insidieuse.
J'en viens au deuxième point de mon propos : les transferts et les
augmentations de charges qui s'accumulent au fil des années. Je ne retiendrai
qu'un exemple, celui de la mise en place des 35 heures au sein de nos
collectivités.
Sans remettre en cause l'opportunité de cette mesure, il faut souligner son
effet brutal prévisible sur l'équilibre de nos budgets, en l'absence de toute
compensation financière par l'Etat. Ainsi, pour une ville de dix mille
habitants, on peut évaluer le coût de cette nouvelle organisation du travail à
environ 1,8 million de francs, ce qui peut représenter une amputation de près
de 50 % de sa capacité d'autofinancement nette.
L'appui financier de l'Etat est donc indispensable, et il est regrettable
qu'aucune disposition incitative ne soit prévue dès cette année pour assurer
une mise en oeuvre progressive de cette nouvelle organisation du travail.
A tout cela s'ajoute une évolution importante dans la répartition des
ressources affectées à nos collectivités, notamment en raison du développement
des structures intercommunales à fiscalité propre. Je citerai à cet égard deux
exemples : les moyens affectés au développement rural et la DGF des EPCI.
En ce qui concerne la dotation de développement rural, la DDR, les communes ne
peuvent plus y prétendre, ce qui provoque des besoins nouveaux en DGE, laquelle
est déjà très insuffisante pour les communes de moins de 2 000 habitants.
Pourtant, la DDR, qui conditionne en grande partie la capacité
d'investissement des EPCI en milieu rural, a baissé de près de 3 % en masse
globale en 2000, alors que le nombre de collectivités intercommunales a
augmenté de 12 % dans le même temps.
La nouvelle dynamique territoriale impulsée par la loi Chevènement de juillet
1999 risque donc d'être fortement freinée si les investissements structurants,
de plus en plus nombreux, ne peuvent être soutenus par manque de moyens.
C'est pourquoi je me permets d'attirer sur ce point l'attention de notre
assemblée et celle du comité des finances locales, qui aura à décider de
l'abondement de la DDR en 2001.
J'en viens, enfin, à la DGF des EPCI.
Le succès de la nouvelle formule des communautés d'agglomération est
incontestable. L'objectif fixé pour 2004 - une cinquantaine de créations - a
ainsi été atteint dès cette année et, d'après la direction générale des
collectivités locales, la DGCL, en 2001, c'est le financement d'environ
quatre-vingts communautés d'agglomération qu'il convient d'envisager.
Dans ces conditions, le montant prévu de DGF des groupements ainsi que celui
du prélèvement sur recettes destiné à financer les communautés d'agglomération
seront insuffisants, malgré l'abondement de 200 millions de francs voté par
l'Assemblée nationale.
C'est pourquoi, en accord avec la commission des finances, le groupe de
l'Union centriste propose de porter de 1,2 à 1,6 milliard de francs le
prélèvement sur recettes de l'Etat. En effet, si la dotation de compensation de
la taxe professionnelle, la DCTP, variable d'ajustement du contrat de
croissance, est à nouveau amputée, les collectivités locales seront
confrontées, il faut le dire, à une diminution de leur autofinancement.
Dans le même esprit, le bénéfice du prélèvement sur recettes pourrait être
élargi aux communautés de communes ayant opté pour la taxe professionnelle
unique, la TPU, leur nombre augmentant tout aussi rapidement.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
au-delà de cette loi de finances, c'est une réforme de notre fiscalité locale
qui s'impose dans le nouveau paysage institutionnel.
Alain Lambert, président de la commission des finances, que je voudrais
remercier au nom de mes collègues de l'Union centriste d'avoir suscité ce
débat, l'a dit tout à l'heure : « Nous devons rompre avec l'archaïsme de nos
impôts locaux et consolider fortement les finances de nos collectivités locales
».
C'est en effet la gestion de proximité qui constitue le foyer de notre
démocratie locale et le support privilégié d'un nouveau contrat de confiance
entre l'élu et la population qu'il représente.
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Je rappelle que la conférence des présidents a fixé à trente-cinq minutes le
temps dont dispose le Gouvernement pour répondre.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
En premier lieu, je tiens à remercier tout
particulièrement le président du Sénat, M. Christian Poncelet, le président de
la commission des finances, M. Alain Lambert, et le rapporteur général, M.
Philippe Marini, d'avoir permis l'organisation de ce débat.
Les collectivités territoriales constituent le cadre de la vie quotidienne de
tous les Français et elles méritaient un tel débat. Il est donc tout à la fois
naturel et remarquable que votre Haute Assemblée en ait pris l'initiative.
Le Premier ministre Lionel Jospin n'a pas dit en vain, à Lille, que la
décentralisation devait progresser vers une démocratie encore plus proche et je
crois que le débat que nous avons ensemble cet après-midi y participe
directement.
Le Gouvernement veut se prêter à ce débat, débat qui commence mais qui ne
finit pas aujourd'hui, et c'est pour moi un honneur que d'y participer, au nom
du Gouvernement, dans ce cadre rénové - ce sont peut-être les prémices d'autres
modifications dont nous devrions débattre prochainement - et au sein d'une
assemblée qui a toujours marqué une sensibilité particulière à l'égard des
collectivités locales. Le Gouvernement attache la plus grande importance à ce
sujet, comme l'a à nouveau montré le Premier ministre dans le discours qu'il a
prononcé au congrès de l'Association des maires de France le 21 novembre
dernier.
Les 338 milliards de francs de concours de l'Etat aux collectivités locales
et, au-delà, une partie de l'assiette des impôts locaux sont décidés en
plusieurs séquences dans le cadre de l'examen tant de la première partie que de
la deuxième partie du projet de loi de finances. Cette répartition répond à une
certaine logique, celle de la distinction entre les recettes et les dépenses de
l'Etat et, au sein de ces dernières, entre les crédits correspondant à tel ou
tel budget ministériel.
Toutefois, il me paraît effectvement très utile que la représentation
nationale puisse à un moment quelconque - en l'occurrence cet après-midi -
évoquer l'ensemble des aspects ayant trait aux concours financiers de l'Etat
aux collectivités locales.
J'essaierai de répondre à un maximum d'interrogations qui m'ont été posées à
l'occasion de ce débat. Je vous demande par avance de m'excuser si je ne
réponds pas à toutes. En tout cas, je remercie l'ensemble des orateurs, en
soulignant notamment la qualité d'un certain nombre d'interventions qui se sont
distinguées par leur sérieux et leur absence d'esprit de caricature.
Monsieur le rapporteur général, vous avez fait part de votre inquiétude sur un
certain nombre de sujets. Vous vous êtes tout d'abord exprimé sur les SDIS. Le
Gouvernement a montré tout l'intérêt qu'il attachait à la situation des SDIS
puisqu'il a débloqué des crédits d'aide à leur fonctionnement eu égard
notamment aux intempéries qui sont intervenues à la fin de l'année 1999. Mais,
surtout, il a été dégagé en faveur de l'équipement des SDIS, à partir de la
DGE, 600 millions de francs sur une période de trois ans, et ce à compter de
l'année 2000.
Un rapport a été confié à M. Fleury. Bien entendu, le Gouvernement l'examinera
très attentivement. Ce rapport est centré sur la clarification et
l'organisation du financement des SDIS. Il pourrait faire l'objet de
propositions dans le courant de l'année 2001.
Vous m'avez par ailleurs interrogée sur le contrat de solidarité et de
croissance. Tout d'abord, permettez-moi de dire combien je suis flattée de
l'intérêt que vous portez à ce contrat. Celui qui avait été conclu par le
précédent gouvernement - du reste, il s'appelait non pas contrat, mais pacte -
préconisait une simple indexation sur les prix. Pour notre part, nous avons mis
en place un dispositif tenant compte non seulement des prix, mais également de
la croissance.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
A l'époque, il n'y avait pas de croissance !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Justement, à l'époque, la croissance économique
n'était pas très forte. Mais le fait d'avoir intégré la croissance économique a
permis aux collectivités locales, dans la période où celle-ci s'est révélée
très dynamique, d'engranger, par rapport à ce qu'aurait été la reconduction du
pacte Juppé, sur trois années, près de 7 milliards de francs supplémentaires
tenant compte d'un certain nombre d'abondements exceptionnels, sur lesquels je
reviendrai dans quelques instants.
Par conséquent, je vous remercie de l'intérêt que vous marquez pour ce contrat
et de me permettre, de ce fait, d'en saluer tous les effets. Dans son discours
du 27 octobre dernier à Lille, le Premier ministre a effectivement indiqué que
ce contrat serait prorogé en 2002. Je pense que cette indication est
suffisamment claire.
S'agissant maintenant de l'importance que vous avez marquée pour la
péréquation, là aussi, je ne puis qu'être d'accord avec vous. Simplement, les
chiffres que vous avez cités me paraissent inexacts, ou alors nous nous sommes
mal compris. Vous avez dit que les dotations en faveur de la péréquation
progressaient de 0,8 %. D'où sort ce taux ? La réalité, mesdames, messieurs les
sénateurs, c'est que les dotations en faveur de la péréquation progressent, sur
les trois années du contrat de croissance et de solidarité, de 36 %.
M. Michel Sergent.
Ce n'est pas tout à fait la même chose !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
C'est ainsi que, depuis 1998, la DSU aura augmenté de
65 % et que la DSR aura, dans le même temps, progressé de 32 %.
Au total, donc, si l'on tient compte de l'ensemble de ces concours ainsi que
des moyens affectés au fonds national de péréquation de la taxe professionnelle
et au fonds national de péréquation, le niveau de ces dotations atteint 13,2
milliards de francs pour 2001, soit une progression, sur trois ans, de 36 %.
Vous le voyez, le Gouvernement attache une grande importance à la péréquation,
les chiffres que je viens de citer en témoignent.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est le passé !
M. Michel Sergent.
Ah ! Toujours le même argument !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Il souscrit largement au diagnostic qui a été dressé
par la commission Mauroy et il fera des propositions en la matière dans le
cadre de la réforme d'ensemble des finances locales, qui fera l'objet d'une
large concertation. A cet égard, à l'occasion du débat qui a eu lieu à
l'Assemblée nationale sur le projet de loi de finances pour 2001, il a été
indiqué que le Gouvernement adresserait un rapport au Parlement avant le mois
de mai 2000.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Réjouissons-nous !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
J'en viens à la libre administration des collectivités
locales. Il est vrai que c'est un principe tout à fait essentiel. Pour le
Gouvernement, il est tout aussi essentiel que les collectivités locales
disposent de ressources suffisantes pour financer leurs priorités dans le cadre
des compétences qui sont les leurs. C'est, au demeurant, ainsi que le Conseil
constitutionnel en a jugé dans la décision qu'il a rendue sur la taxe
d'habitation.
M. de Broissia a fortement insisté sur la suppression de la vignette
automobile. Je me suis même demandée un moment s'il avait bien compris l'objet
des mesures décidées par le Gouvernement...
M. Louis de Broissia.
Hélas, oui !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
... ou si c'était moi qui ne comprenais pas le sens de
son intervention.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cela ira mieux quand vous aurez pris l'habitude
d'entendre les élus locaux !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Elle m'a paru, en effet, tellement caricaturale que
j'ai eu peine à croire ce que j'entendais. Mais sans doute était-ce une façon
de donner un peu de punch à ce premier débat d'un nouveau type sur les
collectivités locales. C'est une manière provocante, mais intéressante, je
l'admets, d'aborder ces questions.
M. Paul Masson.
C'est une bonne note !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est une mauvaise note !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ces questions sont
sérieuses. La suppression de la vignette n'aura, bien entendu, aucun impact sur
le budget des départements en 2000,...
M. Henri de Raincourt.
Mais bien sûr !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
... point que vous semblez ignorer. Nous nous y sommes
pourtant attardés lors de la présentation que j'ai eu l'honneur de faire devant
le comité des finances locales, voilà quelques semaines.
Je vous rappelle donc que, pour 2000, les départements continueront à
percevoir les avances en provenance du compte d'avances de la vignette que leur
verse l'Etat depuis le début de l'année, sur la base du produit qui a été
encaissé l'année dernière.
Le montant de la dernière avance, qui interviendra au début 2001, sera calculé
sur la base du produit qu'aurait dû encaisser définitivement l'Etat pour le
compte des départements, mais qu'il n'encaissera pas, puisque, comme vous
feignez de l'ignorer également, les Français qui n'ont plus à acquitter la
vignette ne se précipiteront plus dans les bureaux de tabac. Cela constituera
un manque à gagner pour le budget de l'Etat, que vous pourrez examiner de près
lorsque vous serez saisis du projet de loi de finances rectificative.
Par conséquent, cette régularisation tiendra compte de l'état du parc
automobile, tel qu'il sera constaté définitivement au 31 décembre 2000 sur la
base des immatriculations réelles.
Donc, lorsque le Gouvernement déclare que le remboursement aura lieu au franc
le franc, c'est exact.
M. Josselin de Rohan.
La première année !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
J'en viens à 2001.
(Exclamations sur les travées du
RPR et des Républicains et Indépendants. - M. Fourcade sourit)
.
M. Henri de Raincourt.
Les départements seront les dindons de la farce !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Pour 2000, c'est le produit de la vignette en 2000
établi de la manière que je viens d'indiquer à l'instant qui sera indexé sur la
dotation globale de fonctionnement.
Je dois dire que j'ai eu un peu de mal à comprendre le sens des critiques de
M. de Broissia, parce qu'il me semble qu'il reproche au Gouvernement un petit
peu tout et son contraire.
M. Louis de Broissia.
C'est normal !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Il nous reproche d'abord d'avoir supprimé la vignette.
Je dirai même qu'il semble regretter cette suppression. Qu'à cela ne tienne !
Si vous la regrettez, monsieur le sénateur, proposez de la rétablir !
Vous semblez également nous reprocher d'avoir compensé cette perte de recettes
pour les départements. J'ai encore plus de mal à vous comprendre car, après
tout, rêvons un peu, en tout cas rêvons comme si nous étions tous des
écologistes convaincus.
M. Marcel Deneux.
C'est le cas !
M. Louis de Broissia.
Oh non !
M. Hilaire Flandre.
« Comme si » !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Si tous les automobilistes de Côte-d'Or décidaient, en
2001, de remiser leur automobile dans leur garage et d'utiliser des
bicyclettes, M. de Broissia reprocherait-il encore à l'Etat de continuer à
verser à ce département de la Côte-d'Or le produit de la compensation
correspondant au produit 2000 de la vignette ?
(Exclamations sur les mêmes
travées.)
M. Louis de Broissia.
Allez dire cela aux ménages modestes qui vont à l'usine ! Ce n'est pas sérieux
!
M. Paul Loridant.
C'est la faute à Voynet !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
A cette question, je crois véritablement que la
réponse est non.
M. Louis de Broissia.
C'est une Parisienne qui s'exprime !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Ce débat est très sérieux. Les explications ont été
données, il convient de s'y tenir.
M. Fréville s'est inquiété de l'évolution de la taxe sur le foncier bâti. La
révision des valeurs locatives, vous le savez, ne serait pas systématiquement
favorable notamment aux HLM.
Si le Gouvernement a jugé bon de répondre à l'appel des auteurs des
amendements qui ont été présentés au sujet de la taxe foncière sur les
propriétés bâties, en particulier à l'Assemblée nationale, c'est dans deux buts
précis et bien ciblés.
D'abord, il s'agissait d'alléger les charges des organismes d'HLM qui, dans
les zones urbaines sensibles, s'engagent à stabiliser les loyers en 2001 et à
développer des aménagements et des accompagnements sociaux.
Ensuite, il s'agissait de tenir compte, malgré le caractère réel de la taxe
foncière, de la situation très particulière des personnes âgées ayant de
faibles revenus, qui sont souvent désemparées face à la crainte de devoir
quitter un logement si elles ne peuvent en assumer toutes les charges.
M. Bourdin m'a fait sourire en considérant que ce gouvernement avait «
découvert la décentralisation » en demandant soudainement à une commission d'en
préparer une nouvelle étape. Dois-je vous rappeler que ce gouvernement est
l'héritier de celui de 1982 ? Dois-je vous rappeler ici, après d'autres,
l'oeuvre de Gaston Defferre qui, à l'époque, n'avait pas forcément la faveur de
vos groupes ?
Vous reprochez au discours du Premier ministre un certain flou. J'escomptais,
je l'avoue, que vous souligniez le choix du Gouvernement en faveur d'une large
concertation. Le rapport de la commission Mauroy compte cent cinquante-quatre
propositions ; un débat sera organisé au Parlement en janvier prochain et le
Gouvernement prépare, en liaison avec les associations d'élus locaux, les
modalités d'une réforme, notamment des finances locales.
S'agissant du calendrier, le Premier ministre a annoncé un texte sur la
démocratie locale et un autre sur les interventions économiques dès 2001. Je
pense que cela devrait être de nature à vous rassurer.
M. le président Fourcade a soulevé la question difficile de l'autonomie
fiscale. Comme le soulignait le Premier ministre, on ne peut pas s'empêcher de
penser que ce débat n'aurait peut-être pas surgi si nous n'avions pas
effectivement baissé les impôts. En effet, cette question est posée avec une
acuité nouvelle. Durant cette année 2000, elle l'a été à deux reprises, au
printemps, lorsqu'il a été décidé de supprimer la part régionale de la taxe
d'habitation et, de nouveau, cet automne, lorsque le Gouvernement a décidé de
supprimer la vignette.
La suppression de la vignette représente un « manque à gagner » pour les
départements de l'ordre de 5 % de leurs recettes totale.
Globalement, si l'on tient compte de l'ensemble des modifications qui ont été
apportées depuis 1998 à la fiscalité locale, donc si l'on intègre la réforme de
la part salaire de la taxe professionnelle, celle que je viens de citer de la
taxe d'habitation et la suppression de la vignette, au terme de la réforme de
la taxe professionnelle, c'est-à-dire en 2003, les recettes fiscales des
régions représenteront 37 % de leurs ressources totales, hors emprunts, et les
recettes fiscales des départements représenteront 43 % de leurs ressources
totales, hors emprunts.
Je ne veux pas me livrer à une exégèse constitutionnelle, ce serait bien
imprudent de ma part. Je peux simplement constater que, lors de l'examen par le
Conseil constitutionnel de la loi de finances rectificative qui mettait en
oeuvre cette réforme de la taxe d'habitation, ce seuil de 37 % n'a pas été jugé
de nature à compromettre l'autonomie financière des régions.
Je ne sais pas si, dans son raisonnement, le Conseil constitutionnel a intégré
les pourcentages que je viens de citer, ou bien s'il s'est référé à ce qui se
constate dans d'autres pays européens où la part des recettes fiscales locales
dont bénéficient les collectivités est souvent inférieure à celle dont
bénéficient encore les nôtres. Toujours est-il que, au-delà de ce débat à
caractère constitutionnel, se pose une véritable question politique. Qu'est-ce
que l'autonomie fiscale des collectivités locales ? Est-ce- une fiscalité sans
limite ? Est-ce une fiscalité sans péréquation ? Est-ce une fiscalité sans
compensation ? Je le reconnais, ces questions sont difficiles. Le rapport
Mauroy, auquel vous avez bien voulu, malgré tout, contribuer, a bien mesuré les
obstacles qui se dressent lorsque l'on veut avancer sur ces questions.
La première de vos questions porte sur la révision des bases cadastrales.
Comme le sait le président du comité des finances locales
(sourires),
avec lequel nous avons beaucoup travaillé, notamment sur des simulations, on
constate des transferts extrêmement significatifs entre les contribuables,
transferts qui ne vont pas toujours dans le sens d'une meilleure justice
fiscale, malgré tous les mécanismes de lissage que nous avons pu tenter
d'imaginer. Peut-être notre imagination n'est-elle pas allée assez loin ? En
tout état de cause, c'est la raison pour laquelle, à ce stade de notre
réflexion, le Gouvernement n'a pas, à ce jour, pris la décision d'intégrer la
révision des bases dans les rôles des impôts locaux.
Monsieur Fourcade, vous vous êtes également interrogé sur la possibilité
d'instiller plus de péréquation dans l'attribution des dotations budgétaires.
Cette piste est bonne. Elle est recommandée par la commission Mauroy. Il faudra
vraisemblablement la prendre en compte dans le cadre de la réforme d'ensemble
de la DGF, que vous appelez, vous aussi, de vos voeux.
Vous avez fait référence à la question : les impôts de demain doivent-ils être
ceux du siècle précédent ? Vaste sujet ! Pour ma part, je serais prête à
explorer l'idée d'une modernisation des bases. D'ailleurs, quand le groupe
communiste républicain et citoyen propose d'inclure les actifs financiers dans
l'assiette de la taxe professionnelle, il contribue à cette réflexion
d'ensemble, même si cela peut poser d'autres questions sur lesquelles nous
travaillons en étroite liaison avec ses représentants.
Toutefois, il faut aussi que chacun d'entre nous ait une attitude responsable
devant les bouleversements qui résultent de tout cela. En effet, nous sommes
tous des contribuables et nous devons, dans les responsabilités qui sont les
nôtres, penser à ces questions de redistribution.
M. Foucaud a appelé, à juste titre, l'attention sur la taxe professionnelle.
Je crois, pour ma part, que la suppression de la part « salaire » est une bonne
réforme. Cette réforme a été bonne pour l'emploi. La proposition, à laquelle je
viens de faire allusion et dont nous débattrons à nouveau, tendant à inclure
les actifs financiers dans l'assiette de cette taxe doit être examinée
sérieusement. Nous savons, l'un et l'autre, que cet examen est en cours. Il ne
faut pas en négliger les difficultés ni éluder la question de savoir s'il
s'agit d'une imposition de substitution ou d'une imposition supplémentaire. En
tout cas, je souhaite poursuivre avec vous cette réflexion délicate mais
stimulante.
Je remercie M. Miquel d'avoir souligné l'effort engagé par l'Etat en 2001 en
faveur des collectivités locales. Il est des moments où il est bon de rappeler,
voire de répéter, certains chiffres. Il a souligné, à juste titre, le lien qui
existe entre le contrat qui a été passé par l'Etat avec les collectivités
locales et l'effort d'investissement consenti pas celles-ci au cours des deux
dernières années. Ce sont des vérités qui doivent être redites dans le débat de
cet après-midi. Monsieur Miquel, vous avez tenu, en particulier sur la
vignette, des propos exacts. Ils reflètent assez bien l'avis de la majorité des
automobilistes qui acquittaient cet impôt.
Vous avez également souligné l'importance des majorations exceptionnelles
opérées dans ce budget à savoir 850 millions de francs supplémentaires pour la
DSU et 1,2 milliard de francs pour les communautés d'agglomération. Au total,
si l'on tient compte des abondements au titre du fonds national de péréquation,
ce sont 2 350 millions de francs d'abondements supplémentaires qui ont été
opérés. Ce montant est supérieur à celui de la loi de finances pour 2000, alors
que, par ailleurs, comme vous l'avez fort bien dit, la dotation globale de
fonctionnement progresse cette année de 3,4 %, grâce, certes, à une bonne
croissance, et l'enveloppe du contrat de croissance et de solidarité croît de
2,3 %, ce qui est également une évolution très favorable.
M. Murat s'est interrogé, comme d'autres intervenants, sur le démantèlement
que le Gouvernement opérerait en matière de fiscalité locale.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Hélas !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Le contribuable national doit-il payer pour le
contribuable local ? Le contribuable local doit-il payer entièrement pour
lui-même ? De toute façon, mesdames, messieurs les sénateurs, finalement, c'est
la collectivité qui paie et qui opère la redistribution, car c'est
effectivement une fonction qui relève de la nation.
M. Murat semble oublier que les grandes avancées de la décentralisation depuis
vingt ans ont été voulues et mises en oeuvre par les gouvernements de gauche.
C'est une critique que je pourrais également adresser à M. Richert, qui oublie
que, lorsqu'il s'est agi de modifier les pouvoirs des préfets pour donner aux
exécutifs locaux les compétences qui sont les leurs depuis les lois de
décentralisation, la majorité sénatoriale s'est bien gardée de soutenir ce
projet. Alors, il ne faut pas nous faire le procès de vouloir remettre en cause
ce que nous avons fait et ce que nous souhaitons poursuivre, cette fois-ci avec
vous.
M. Murat s'est également inquiété de l'évolution des dotations budgétaires qui
viennent en compensation des suppressions d'impôts locaux. Comme il le sait,
ces dotations sont indexées sur la DGF. Il a fait remarquer qu'en 2000 une
régularisation négative était intervenue sur la DGF. C'est vrai, mais, à
l'inverse, reconnaissons qu'en 2001, au titre de la DGF de 2000, une
régularisation positive interviendra. Par conséquent, ce mécanisme ne joue pas
en sens unique, il fonctionne dans les deux sens, positivement ou négativement
selon les cas, ce qui est, je crois, l'illustration du fait que c'est un
mécanisme d'indexation juste et équitable.
M. le président Paul Girod est revenu, lui aussi, longuement sur la
décentralisation. Je ne voudrais pas me répéter, mais c'est cette majorité qui
a voté les lois de décentralisation ; c'est cette majorité qui a expérimenté de
nouveaux transferts de compétences, par exemple, récemment, le transport
ferroviaire régional de voyageurs ; c'est cette majorité, comme je l'indiquais,
qui a indexé le contrat sur la croissance, contrairement au pacte précédent ;
c'est cette majorité, enfin, qui a donné un nouveau souffle au développement de
l'intercommunalité,...
M. René-Pierre Signé.
Eh oui !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
... en apportant, comme je l'ai rappelé voilà quelques
instants, 1,2 milliard de francs supplémentaires pour permettre de faire face
au succès grandissant de ce qu'il est convenu d'appeler désormais la « loi
Chevènement ».
Je remercierai, enfin, M. Paul Loridant de la clarté et de la franchise de son
discours.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
MM. Josselin de Rohan et Jacques Chaumont.
Bravo !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
J'avoue, après lui, mon étonnement de voir ceux qui,
entre 1993 et 1997, ont prétendu réformer la DGF...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Vous parlez toujours du passé !
M. Gérard Braun.
Parlons de l'avenir !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
...ont réduit la compensation au titre du FCTVA, ont
supprimé la DGE des communes de plus de 20 000 habitants, ont indexé les
dotations sur l'inflation,...
M. Josselin de Rohan.
Parlons du présent !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
... monter à cette tribune pour réclamer une
augmentation tous azimuts des dotations consacrées aux collectivités locales.
Je reconnais, comme l'a rappelé M. Loridant, que le calendrier électoral
pourrait sans doute éclairer ma compréhension.
Pour conclure, le Premier ministre a appelé, à Lille, à une nouvelle étape de
la décentralisation.
M. Hilaire Flandre.
Pour demain !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Il s'est engagé à proposer, avant la fin de la
législature,...
M. Louis de Broissia.
Eh oui, 2002 !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
... des mesures relatives à l'approfondissement de la
démocratie locale. Il a appelé au renforcement de la coopération entre les
collectivités, après les progrès récents de l'intercommunalité que j'évoquais à
l'instant. Il a appelé à une réforme des modes d'intervention économique des
collectivités locales. Il a appelé à certains transferts de compétences. Il a
apporté son soutien à la nécessaire réforme des finances des collectivités
locales, qui est, je crois, au coeur de notre débat cet après-midi. C'est une
tâche qui, comme vous le savez tous, dépasse forcément de très loin le terme de
cette législature.
Pour cela, il a appelé à un grand débat national, et vos interventions, cet
après-midi, montrent que cet appel a été entendu, que le débat est lancé et que
le Sénat est décidé à y jouer tout son rôle,...
M. Hilaire Flandre.
Comptez sur nous !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
... et le Gouvernement s'en félicite.
Je terminerai sur la question de l'autonomie financière.
C'est une réalité nécessairement évolutive ; je crois que nous sommes tous
prêts à partager ce point de vue. Le rôle des représentants du peuple que vous
êtes, c'est aussi, avec le Gouvernement, de veiller à la solidarité, cette
solidarité à laquelle aspirent tous nos concitoyens et, je crois, les
collectivités locales elles-mêmes. Et la liberté, ce n'est ni l'égoïsme, ni la
dislocation des solidarités territoriales, ni une autonomisation de façade, car
s'administrer librement, ce ne peut pas être s'administrer égoïstement.
MM. Paul Loridant et René-Pierre Signé.
Très bien !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Ce débat, le Gouvernement souhaite le poursuivre, et
il le poursuivra avec vous.
(Applaudissements sur les travées socialistes et
sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
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