Séance du 21 octobre 1999
M. le président. Par amendement n° 51, Mme Derycke, M. Charasse et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 1er bis , un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 2-16 du code de procédure pénale, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... . - Toute association départementale des maires régulièrement déclarée, dont les statuts ont été déposés depuis au moins cinq ans et qui est affiliée à l'Association des maires de France, reconnue d'utilité publique, peut exercer les droits reconnus à la partie civile dans toutes les instances introduites par les élus municipaux à la suite d'injures, d'outrages, de menaces ou d'agressions à raison de leurs fonctions. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je présente cet amendement, mais il aurait pu tout aussi bien être défendu par Mme Derycke ou par M. Dreyfus-Schmidt, puisque nous sommes en parfaite harmonie sur ce texte.
Comme chacun le sait, un très grand nombre d'associations - entre vingt et vingt-cinq - régies par la loi de 1901 sont actuellement autorisées à exercer les droits de la partie civile et sont visées dans le code pénal ou dans le code de procédure pénale.
M. Patrice Gélard. Elle ne sont pas aussi nombreuses !
M. Michel Charasse. Or, au nombre de ces associations ne figurent pas les associations de maires, alors que de plus en plus de collègues maires sont aujourd'hui conduits à saisir les tribunaux, parce qu'ils sont mis en cause, parce qu'ils sont injuriés, parce qu'ils sont insultés, parce qu'ils sont menacés, etc.
Je prendrai l'exemple de mon propre département : l'association des maires prend en charge l'ensemble des frais de procédure, notamment le cautionnement qu'il faut déposer, car, hélas ! si les maires vont en justice - je le signale à Mme le garde des sceaux ; cela pourrait faire l'objet d'une instruction - et ne se constituent pas partie civile, généralement les procureurs classent l'affaire, ce qui est tout à fait fâcheux. Nous prenons en charge l'ensemble des frais, mais nous ne pouvons pas exercer les droits de la partie civile, comme on peut le faire pour toute une série de catégories : pour les anciens combattants, pour les femmes battues, pour les enfants en difficulté et même pour les chiens et les chats.
Je dis tous de suite au Sénat que je souhaite modifier légèrement cet amendement. En effet, la mention « reconnue d'utilité publique » ne me semble pas indispensable puisque l'Association des maires de France est elle-même une association reconnue d'utilité publique.
Nous proposons donc que les associations départementales de maires affiliées à l'Association des maires de France et dont les statuts sont déposés depuis plus de cinq ans - associations qui ont donc pignon sur rue - puissent exercer les droits reconnus à la partie civile.
Cela étant dit, l'énumération que je fais à la fin de cet amendement soulève un problème, notamment au regard de la loi de 1881, comme l'a dit Mme le garde des sceaux voilà un instant. En effet, si les injures, les outrages et les menaces sont visés dans la loi, tel n'est pas le cas des agressions. Aussi, je suis prêt à remplacer le mot « agressions » par le terme que Mme le garde des sceaux voudra bien me souffler, si elle est d'accord sur le fond et sur la forme.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 51 rectifié, présenté par Mme Derycke, M. Charasse et les membres du groupe socialiste et apparentés, et tendant à insérer, après l'article 1er bis , un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 2-16 du code de procédure pénale, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... . - Toute association départementale des maires régulièrement déclarée, affiliée à l'Association des maires de France et dont les statuts ont été déposés depuis au moins cinq ans, peut exercer les droits reconnus à la partie civile dans toutes les instances introduites par les élus municipaux à la suite d'injures, d'outrages, de menaces ou d'agressions à raison de leurs fonctions. »
Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. La commission est tout à fait favorable à cette disposition.
D'une manière générale, elle s'inquiète de la multiplication des associations qui peuvent intervenir. En effet, on en dénombre déjà beaucoup. Au point où nous en sommes, on ne peut pas refuser d'octroyer cette protection à des personnes que nous entendons et qui méritent spécialement d'être protégées, à savoir les maires.
Cela me donne l'occasion de dire, à la suite du propros tenu par Mme le garde des sceaux tout à l'heure, que nous sommes bien entendu attentifs aux difficultés que rencontrent les maires dans leur mission, soit du fait de la mise en cause de leur reponsabilité pénale, soit - je le signale au passage - du fait de la multiplication de contrôles administratifs ou de problèmes de régularité qui font - je le vis personnellement chaque fin de semaine en tant que président d'une communauté de communes - que la vie administrative devient véritablement impossible.
En effet, il faut constamment faire et refaire les actes et les délibérations, parce que ce n'est pas le bon mot, parce que ce n'est pas la bonne formule, parce que cela interfère avec tel ou tel dispositif, et l'on n'en finit pas ! Les services départementaux qui essaient de nous aider sont eux-mêmes assez embarrassés pour savoir ce qu'il faut faire et ce qu'il ne faut pas faire.
Je crois véritablement, madame le garde des sceaux, que nous avons un réel problème avec la décentralisation. Nous avons mis en place la décentralisation qui résulte de belles lois de Gaston Defferre. C'est très bien. Mais nous sommes maintenant enferrés dans un système réglementaire tel qu'il en devient absolument kafkaïen, même si, naturellement, tout le monde y est de bonne volonté. Pour ma part, j'admire les secrétaires de mairie, qui n'arrivent d'ailleurs plus à assumer leurs tâches. Le découragement des maires auquel nous assistons actuellement tient aussi à cette raison-là.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Quel rapport avec l'action publique ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Mon cher collègue, je peux peut-être faire un commentaire !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande quel est le rapport avec l'action publique !
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, veuillez laisser M. le rapporteur s'exprimer tranquillement !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Le rapport, monsieur Dreyfus-Schmidt, c'est que nous parlons de la protection des maires, et j'explique pourquoi ceux-ci ont besoin d'être protégés !
Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous exercez un contrôle permanent sur tous mes propos, avec une vigilance à laquelle je tiens à rendre hommage, bien qu'elle soit quelquefois un peu intempestive ! (Sourires.)
M. Emmanuel Hamel. Quelle élégance !
M. Michel Charasse. Qui aime bien châtie bien !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Ce n'est pas pour rien que vous êtes de Belfort, et le zèle est votre point le plus fort ! (Exclamations admiratrices sur plusieurs travées.) D'ailleurs, comme les Belfortains, il vous arrive de continuer le combat, alors que l'armistice a été signé depuis un certain temps déjà ! (Sourires.)
M. Michel Charasse. Il y a eu Bazaine, aussi !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Tout cela est sympathique, même si c'est quelquefois un peu agaçant, j'ose le confesser ! (Nouveaux sourires.)
J'en reviens à mon sujet : nous sommes très soucieux de la situation des maires - là, je me réfère directement aux propos qu'a tenus tout à l'heure Mme le garde des sceaux, et j'ai donc là une bonne raison d'aborder ce point puisqu'elle l'a évoqué - et nous avons, nous aussi, travaillé sur le problème de la responsabilité pénale des maires pour les faits d'imprudence et de négligence. Je me sentais personnellement concerné puisque, comme vous vous en souvenez peut-être, j'avais eu l'honneur, en 1996, de proposer la modification que nous avons apportée à ce moment-là au texte sur la responsabilité pénale des maires, modification dont on nous dit qu'elle n'est pas suffisante.
A la vérité, il faudrait attendre que la jurisprudence joue complètement, c'est-à-dire qu'il y ait des appels, des pourvois en cassation et des retours devant les juridictions. Tout cela prendra probablement dix ans. Malheureusement, nous sommes dans une société où les maires ne peuvent pas attendre dix ans.
J'ai été ainsi conduit à penser qu'il fallait remettre sur le métier ce texte sur la responsabilité pour imprudence ou négligence, comme vous avez demandé à cette commission de le faire. Mais un homme seul est peut-être un peu plus rapide qu'une commission, même si sa démarche est moins scientifique. Cela m'a tout de même permis d'aboutir à une proposition de loi qui vient d'être déposée sur le bureau de notre assemblée. J'espère qu'elle bénéficiera d'une inscription à l'ordre du jour de nos travaux. Madame la ministre, je vous fais l'hommage de vous remettre personnellement ce texte, qui vise précisément à redéfinir les délits d'imprudence et de négligence. (M. le rapporteur remet le document à Mme le garde des sceaux.)
En conclusion, la commission est favorable à cet amendement, surtout tel qu'il a été rectifié. M. Charasse est un acrobate de la rectification ! Il est imbattable sur ce terrain-là !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 51 rectifié ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. J'y suis favorable, même si cette question, qui déborde le cadre du présent projet de loi et concerne la responsabilité pénale des décideurs publics actuellement examinée par la commission présidée par M. Massot, devrait être traitée davantage en relation avec le projet de loi sur la présomption d'innocence.
Je pense, d'une manière générale, qu'il convient d'être prudent avant d'instituer de nouvelles exceptions à l'article 2 du code de procédure pénale et d'étendre les droits de la partie civile à des associations. Mais, en l'espèce, l'objectif est évidemment légitime puisqu'il s'agit de permettre aux associations départementales des maires de soutenir les élus victimes d'infractions. Par ailleurs, il ne s'agit que de constitution de partie civile incidente.
Il me semble pourtant que la rédaction du texte pourrait être améliorée.
J'ai pris note du fait que M. Charasse a d'ores et déjà modifié son amendement puisque, en effet, le terme « agressions » était, d'un point de vue juridique, trop imprécis. Il faudra vérifier si les infractions concernées sont bien celles-là.
Je pense aussi que nous pourrons nous interroger, au cours de la navette, sur le champ d'application de cet amendement, qui se limite, pour l'instant, à la seule question des maires.
M. Michel Charasse. Il vise les élus municipaux !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Mais ce n'est pas une raison pour moi, à ce stade, de m'opposer à cet amendement. J'émets un avis favorable.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Nous verrons donc au cours de la navette s'il est opportun d'améliorer cette rédaction.
M. le président. J'attire votre attention, madame le garde des sceaux, sur le fait que M. Charasse n'a pas modifié le mot « agressions ». Il a simplement rectifié l'ordre des facteurs en ce qui concerne le dépôt des statuts et l'affiliation à l'Association des maires de France.
M. Michel Charasse. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je souhaite rectifier de nouveau mon amendement afin de remplacer le mot « agressions » par les mots « coups et blessures », qui figurent dans le code pénal ou dans le code de procédure pénale. Si cela correspond aux souhaits de Mme le garde des sceaux, nous pourrions nous mettre d'accord sur ces termes.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 51 rectifié bis, présenté par Mme Derycke, M. Charasse et les membres du groupe socialiste et apparentés, et tendant, à l'article 1er bis, à insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 2-16 du code de procédure pénale, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art... Toute association départementale des maires régulièrement déclarée, affiliée à l'association des maires de France et dont les statuts ont été déposés depuis au moins cinq ans, peut exercer les droits reconnus à la partie civile dans toutes les instances introduites par les élus municipaux à la suite d'injures, d'outrages, de menaces ou de coups et blessures à raison de leurs fonctions. »
Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 51 rectifié bis .
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le cas d'homicide devrait, à mon avis, être visé parce que c'est surtout dans ce cas que l'on aurait besoin de l'aide de l'association départementale des maires.
On me dira que les instances doivent être introduites par les élus municipaux et que, dans le cas que j'évoque, l'élu municipal ne serait plus là. C'est pourquoi je propose à M. Michel Charasse de prévoir que les instances sont « introduites par les élus municipaux ou leurs ayants droit à la suite d'injures, d'outrages, de menaces, de coups, blessures et homicides ».
M. Michel Charasse. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Si Mme le garde des sceaux et M. le rapporteur sont d'accord, nous pourrions, après avoir supprimé les mots « reconnue d'utilité publique », rédiger ainsi la fin de l'amendement : « peut exercer les droits reconnus à la partie civile » - c'est l'association des maires - « dans toutes les instances introduites par les élus municipaux ou leurs ayants droit à la suite d'injures, d'outrages, de menaces, de coups et blessures ou d'homicide à raison de leurs fonctions. »
M. le président. Que pense la commission de cette proposition ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Nous sommes d'accord sur le fond et sur l'idée, mais nous voyons bien qu'une mise au point technique est nécessaire et qu'elle ne peut être faite que par un travail de cabinet qui revient très naturellement à la Chancellerie. Je propose donc d'en rester à ce qui a été dit tout à l'heure, le mot « homicide » ouvrant des perspectives auxquelles nous n'avons pas eu le temps de réfléchir. Nous sommes d'accord sur le fond. Mais, si M. Dreyfus-Schmidt n'y voit pas trop d'inconvénients, votons sur l'amendement n° 51 rectifié bis, qui ne fait pas référence à l'homicide. Le texte fera ensuite l'objet de mises au point au cours de la navette.
M. Michel Charasse. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Compte tenu des observations faites par M. le rapporteur et par Mme la garde des sceaux et sans écarter définitivement la proposition de M. Dreyfus-Schmidt - une mise au point technique du texte va avoir lieu - je m'en tiens finalement à la rédaction que j'ai proposée pour l'amendement n° 51 rectifié bis : « introduites par les élus municipaux à la suite d'injures, d'outrages, de menaces ou de coups et blessures à raison de leurs fonctions ». Ensuite, vous verrez pendant la navette.
M. le président. Nous en restons donc à l'amendement n° 51 rectifié bis. Vous en êtes d'accord, madame le garde des sceaux ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Tout à fait ! Nous verrons au cours de la navette s'il est opportun d'améliorer encore le texte.
M. le président. En tout cas, il n'est pas opportun de faire du travail de commission ici !
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 51 rectifié bis , accepté par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er bis.
Article 1er ter