DÉPÔT D'UNE QUESTION ORALE AVEC DÉBAT
M. le président.
J'informe le Sénat que j'ai été saisi de la question orale avec débat suivante
:
M. Franck Sérusclat souhaite interroger M. le ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie sur l'Accord multilatéral sur l'investissement,
l'AMI.
L'AMI est un accord visant à déréguler les investissements mondiaux, après le
GATT, qui a dérégulé le commerce mondial. Cet accord de près de 190 pages est
élaboré depuis deux ans, dans un grand secret, non pas par les gouvernements
des pays du monde entier, mais par des experts du commerce international des
vingt-neuf pays les plus riches de la planète, uniquement dans le cadre de
l'OCDE. Il devait être signé les 27 et 28 avril 1998 par les ministres des
vingt-neuf pays membres de l'OCDE, mais la mobilisation a, semble-t-il, permis
de repousser cette date.
M. Renato Ruggiero, directeur général de l'OMC, a décrit ainsi la nature de
l'accord : « Nous écrivons la constitution d'une économie mondiale unifiée
».
Au niveau communautaire également, le secret l'entoure. Le Royaume-Uni, qui
préside actuellement l'Union européenne, est chargé de représenter une position
commune, mais il ne semble pas en exister.
Le but de l'AMI serait de parvenir à une délocalisation généralisée des
investissements. Cet accord ne donnerait que des droits aux investisseurs et
que des devoirs aux Etats, transférant à des personnes privées la souveraineté
de la puissance publique. Les entreprises se trouveraient dans la position
d'imposer leur volonté aux Etats.
Tous les domaines dans lesquels une quelconque politique étatique existe
seraient menacés par cet accord : emploi de main-d'oeuvre, préservation de
l'environnement, plafonnement de participation dans des secteurs vitaux de
l'économie,... Seraient menacés le salaire minimum, les subventions à l'emploi,
aux régions...
Cette menace viendrait du droit qu'auraient les investisseurs s'estimant lésés
de saisir un tribunal
ad hoc
et d'exiger des compensations ou
l'abrogation de la législation nationale ou communautaire gênante : le principe
du traitement national, la clause de la nation la plus favorisée, le principe
d'intégration économique régionale fondant l'Union européenne seraient rendus
inapplicables, le principe de l'exception culturelle serait balayé, ainsi que
tous les systèmes d'aides, de quotas du secteur audiovisuel.
M. Franck Sérusclat aimerait connaître la position du Gouvernement français,
savoir à quelles conditions il serait prêt à signer cet accord, ou s'il ne
faudrait pas rejeter l'ensemble de l'AMI puisqu'il menacerait toute législation
étatique et remettrait en cause la notion même de souveraineté nationale. (N°
14).
Conformément aux articles 79 et 80 du règlement, cette question orale avec débat a été communiquée au Gouvernement et la fixation de la date de la discussion aura lieu ultérieurement.11