M. le président. Par amendement n° 130, M. Fischer, Mmes Demessine et Fraysse-Cazalis, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, à la fin de l'intitulé du projet de loi, de supprimer les mots : « ainsi qu'au développement de la négociation collective ».
La parole est à Mme Demessine.
Mme Michelle Demessine. Alors que nous parvenons au terme de ce débat, je souhaiterais, en évoquant cet amendement relatif à l'intitulé du projet de loi, revenir sur deux éléments mis en évidence par la discussion, l'un de fond, l'autre de forme.
La majorité de droite du Sénat n'a pas voulu débattre. La commission des affaires sociales a déposé quatre amendements, un orateur des groupes de la majorité s'est inscrit dans la discussion générale.
Notre groupe, qui considère que le Parlement doit être un lieu de débat pluraliste, source de propositions, n'accepte pas la transformation progressive de nos assemblées en chambres d'enregistrement, en véritable « parlement godillot ».
Comment, en effet, ne pas évoquer cette dernière expression alors que chacun sait ici l'importance de ce projet de loi, notamment de son article 6, sur l'avenir de la négociation collective, sur les rapports entre salariés et patronat ?
La majorité sénatoriale reculait tant devant ce débat que M. Fourcade lui-même a évoqué l'hypothèse, un instant envisagée par lui, de déposer un amendement de suppression de l'article 6 qui aurait été adopté d'entrée, interdisant ainsi toute discussion.
Cette conception de la vie parlementaire n'est pas conforme à une vision démocratique du fonctionnement des institutions.
Est-il vraiment inacceptable d'avoir débattu une dizaine d'heures sur un texte de cette importance ? Nous ne le pensons pas !
Cette information, que le président de la commission des affaires sociales a livrée hier soir, confirme cette volonté générale du Gouvernement et de sa majorité de brider l'initiative parlementaire.
Quoi d'étonnant dans votre proposition, alors qu'en décembre dernier vous avez fait adopter une question préalable contre le texte, que vous souteniez totalement, autorisant le Gouvernement à légiférer par ordonnances sur la sécurité sociale ?
Nous alertons solennellement le Sénat sur cette volonté d'utiliser la procédure et le fait majoritaire pour faire taire l'opposition.
Cette remarque rejoint notre critique de fond sur le texte.
Vous ne voulez pas de débat, car vous attaquez de front les droits des salariés, acquis de 1936, de l'élan progressiste de la Résistance.
Vous ne voulez pas de débat, car vous savez que, dans le pays, la colère gronde, que l'exigence du respect des droits, du respect de l'homme, face à la loi d'airain de l'argent, monte.
Vous préférez les manoeuvres en catimini, tout en conservant l'alibi démocratique.
Sachez que les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen s'opposeront fondamentalement à une telle dérive autoritaire de nos institutions, qui fait le lit de l'antiparlementarisme. (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
L'intitulé du projet de loi constitue, selon nous, une véritable provocation à l'égard des partisans du développement de la négociation collective, puisque ce texte, justement, prévoit son éclatement.
Nous proposons donc à la majorité sénatoriale, par notre amendement n° 130, de mettre en accord l'intitulé du projet de loi avec son contenu réel.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Je voudrais simplement rappeler à Mme Demessine les propos qu'a tenus M. Barrot hier sur le problème que peut poser l'articulation entre un accord interprofessionnel et un texte pris en la forme législative. M. Barrot a souhaité que la Haute Assemblée réfléchisse sur ce problème et participe, peut-être, à un groupe de travail sur le sujet.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 130.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Mme Demessine veut nous donner une leçon de démocratie, à nous qui aurions été, dit-elle, sur le point de supprimer l'article 6 pour éviter d'avoir à examiner les cinquante amendements déposés sur cet article par le groupe communiste républicain et citoyen.
Or, ces cinquante amendements déposés, je le rappelle, sur un seul des articles du projet de loi, nous les avons examinés un à un, hier soir et ce matin, tranquillement et sereinement, pour bien démontrer à Mme Demessine que nous ne partageons pas sa conception de la démocratie.
Que nous disent en effet les orateurs du groupe communiste républicain et citoyen depuis le début de la discussion de ce texte, c'est-à-dire depuis avant-hier, sinon qu'un accord signé par deux organisations patronales et trois organisations syndicales n'a aucune valeur parce que la CGT ne l'a pas signé ? (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.) Voilà ce qu'ils nous disent !
M. Guy Fischer. Non ! Non !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Ils manifestent ainsi un mépris total de la démocratie. Voilà pourquoi je ne voulais pas laisser passer sans les relever les propos tenus à l'instant par Mme Demessine. (Très bien ! sur les mêmes travées.)
Le Sénat, par scrutin public, vient d'adopter l'article 6. Il serait totalement illogique que, par un amendement subséquent, nous décidions de modifier le titre du texte du projet de loi dont nous débattons.
Par conséquent, il ne faut évidemment pas adopter l'amendement déposé par nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?..
Je mets aux voix l'amendement n° 130, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Vote sur l'ensemble