M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Seillier pour explication de vote.
M. Bernard Seillier. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, au terme de l'examen de ce projet de loi sur l'information et la consultation des salariés dans les entreprises et les groupes d'entreprises de dimension communautaire ainsi qu'au développement de la négociation collective, je pense ne pas être le seul à avoir apprécié la qualité et la sérénité du travail du Sénat. Le mérite en revient, bien sûr, à chaque intervenant, en tout premier lieu à M. le rapporteur, qui a accompli un travail remarquable.
Toutefois, je crois nécessaire aussi de souligner que la nature particulière du projet de loi étudié explique en partie la prudence de chacun devant des dispositions qui trouvent leur inspiration dans des initiatives extérieures au Gouvernement et au Parlement : une directive européenne, d'une part, un accord interprofessionnel, d'autre part.
Ces deux sources peuvent, il est vrai, légitimement provoquer une interrogation quant au le rôle du Parlement. Cela a été souvent évoqué, mais je voudrais revenir sur cette question et distinguer les deux situations.
Dans le cas de la transposition d'une directive européenne, il conviendra de rappeler aux organes compétents de l'Union européenne qu'ils doivent s'attacher, d'une manière générale, à restaurer l'esprit originaire des directives, qui est de ne fournir qu'un cadre obligeant les Etats membres quant au résultat à atteindre, en leur laissant le choix de la forme et des moyens, donc une certaine faculté d'adaptation.
Mais, dans le cas d'espèce, s'agissant d'entreprises de dimension communautaire, nous sommes en présence de dispositions qui, par nature, ne peuvent être qu'homogènes à l'échelon de l'Union européenne. La directive en question ne pouvait donc pas laisser de véritable marge d'adaptation nationale.
Quant à l'autre source du projet de loi - l'accord interprofessionnel de 1995 sur le développement de la négociation collective - nous nous sommes toujours attachés, ici, à ne pas démanteler le contenu des accords longuement négociés entre partenaires sociaux. Il est clair cependant - M. le ministre l'a rappelé hier - que la question méritera d'être approfondie. Faut-il en effet qu'il y ait systématiquement transposition législative de toute construction en droit social ?
Ce débat est celui des sources du droit. On enseigne traditionnellement que la jurisprudence constitue une source du droit et l'on ne scelle pas, dans des textes législatifs, les positions jurisprudentielles. Tout à l'heure, vous avez bien voulu, a fortiori, confirmer, madame le ministre, à mon collègue Jean-Claude Carle, que la loi que nous allons voter ne rendait pas obsolète une construction jurisprudentielle de la Cour de cassation.
De la même manière, le droit social dépend très largement des constructions contractuelles librement négociées entre partenaires sociaux.
C'est bien parce que, aujourd'hui, en vertu d'un accord intervenu en 1995, on souhaite développer cette autonomie du droit social fondée sur la négociation collective à l'échelon des petites entreprises, qui ne disposent pas des institutions et des instruments habituels de la négociation collective, c'est bien parce que cet accord de 1995 a besoin, aujourd'hui, de la loi pour autoriser l'instauration d'une forme de négociation dans un champ qui en est largement dépourvu, que nous ne pouvons répondre à cette sollicitation que par oui ou par non.
Les précautions dont est entouré notre oui offrent des garanties suffisantes pour que nous puissions attendre avec sérénité que soit établi, dans trois ans, le bilan de cette expérience innovante. Pendant ces trois ans, nous aurons en outre l'espoir de voir progressivement, dans notre pays, le souci de la pérennité des entreprises, et donc des emplois, devenir le véritable fondement du droit social.
C'est pourquoi le groupe des Républicains et Indépendants, attaché à la confiance dans la construction contractuelle dès lors que les principes de notre Constitution républicaine sont respectés - et, en l'occurrence, ils le sont - votera à l'unanimité ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le groupe de l'Union centriste votera ce projet de loi, qui marque un progrès, qui est une étape importante de cette marche vers l'Europe sociale à laquelle nous tenons tant.
Nous ne sommes pas intervenus dans la discussion générale, mais les membres de notre groupe qui siègent à la commission des affaires sociales ont suivi de près le travail que celle-ci a accompli sur ce texte, et je veux rendre ici un hommage particulier à mon ami Jean Madelain, qui ne pouvait malheureusement être présent aujourd'hui.
Nous considérons, en effet, que ce projet de loi, en favorisant le dialogue au sein des entreprises multinationales et des groupes de dimension communautaire, contribuera au développement de l'Europe sociale - une oeuvre de grande importance ! - et permettra aux entreprises européennes de mieux aborder les conditions de concurrence qu'impose une économie sans cesse plus ouverte sur le monde.
La transposition de la directive du 22 septembre 1994 traduit un progrès de l'Europe et il faut la prendre comme tel.
Le Parlement vient d'effectuer un travail législatif utile. Nous tenons à soutenir les initiatives courageuses et novatrices qui viennent d'être prises.
Je voudrais conclure en remerciant les principaux acteurs de cette discussion, au premier chef M. le président de la commission des affaires sociales, qui, en commission comme en séance publique, a bien mis en valeur la mission fondamentale de cette commission et montré que le mot « social » ne devait pas être galvaudé.
Au passage, je me permettrai de faire observer à nos collègues de l'opposition que, même s'il nous est arrivé d'éprouver quelque impatience - ce serait mentir de ne pas l'admettre - nous avons accepté de les écouter. En tout cas, je regrette que leurs interventions soient systématiquement enpreintes de suspicion.
Mme Michelle Demessine. Oui !
M. Jacques Machet. Elles ne témoignent ni de confiance ni de respect envers les personnes qui travaillent sur ces question, et cela me fait souffrir.
Je voudrais maintenant remercier notre rapporteur, mon collègue Louis Souvet, qui a rempli sa mission avec une gentillesse et un sens de l'écoute qui, en vérité, ne m'ont pas surpris chez lui, car je le connais bien.
Enfin, madame le ministre, je tiens à vous dire que vous avez parfaitement complété M. Barrot, à qui j'adresse toute mon amitié. Soyez tous deux remerciés de nous avoir si excellemment présenté ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Le groupe socialiste, vous vous en doutez, mes chers collègues, votera contre ce projet de loi, pour des raisons qui tiennent à la fois à la forme et au fond.
L'exercice auquel nous nous sommes livrés au cours de cette discussion est tout à fait déconcertant et dévalorisant, au point d'en devenir intolérable.
C'est une première, nous dit-on, au moins en ce qui concerne la transcription de la directive communautaire. Mais ce n'est probablement pas une dernière, hélas ! Dès lors, je me demande quels parlementaires accepteront de débattre de tels textes dans les conditions de docilité que l'on nous impose depuis hier. En effet, notre unique rôle est celui d'une chambre d'enregistrement.
Lors de la discussion générale, j'avais déjà fait une mise en garde contre ce dévoiement, mais je n'imaginais pas à quel point, article après article, cela deviendrait intolérable.
A toutes les suggestions que vous ont faites les deux groupes de l'opposition, vous avez répondu, madame le ministre, en parfaite harmonie avec M. le rapporteur, que les textes étaient figés et que nous n'avions aucune latitude pour les modifier en quoi que ce soit.
J'ai pourtant quelques doutes à ce sujet puisque, dans la première partie du texte, vous avez introduit une notion de droit français des sociétés qui ne figurait pas dans la directive communautaire. Modifier le texte communautaire par cette référence au droit français n'a pas, alors, semblé vous poser de problèmes particuliers.
En revanche, quand il s'agit de préserver le droit français du travail, vous nous dites que cela n'est pas possible, qu'il y a un accord et que, dans ces conditions, nous ne pouvons pas intervenir.
Cela pose, comme plusieurs orateurs l'ont souligné, un problème de fond : celui du rapport entre le contrat et la loi. Sur ce problème, vous venez, madame le ministre, de nous imposer une solution qui est tout à fait inacceptable pour le législateur.
J'en viens aux raisons de fond qui nous conduisent à voter contre ce projet de loi.
Certes, la création d'un comité d'entreprise européen aurait pu représenter un « plus » pour les salariés travaillant dans des entreprises européennes.
Nous avons vu toutefois que les attributions de ce nouveau comité sont pour le moins floues et qu'elles se situent en deçà de la législation du travail.
Nous avons souhaité que cette création ne se traduise pas par la suppression des comités de groupe, mais vous n'avez pas accepté notre amendement.
Comme je le disais au cours du débat, il semble que, à l'heure actuelle, les comités d'entreprise européens soient surtout des lieux de discussions convenues, polies, sur la vie de l'entreprise ; ils le resteront compte tenu de ce que prévoit ce texte.
Cela dit, je suis convaincue que le dispositif de l'article 6 que vous nous demandez d'approuver constituera à très court terme une régression pour les droits des salariés.
Sous couvert de relancer la politique contractuelle, notamment dans le champ de l'aménagement et de la réduction du temps de travail, vous élargissez la brèche, déjà ouverte, de la déréglementation de notre droit social.
Nous rejetons le raccourci qui consiste à laisser entendre que les opposants à ce texte se figent sur des fondements archaïques - et pourquoi pas mythiques ? - des relations contractuelles dans le monde du travail, les partisans du texte s'attribuant le rôle de pionniers d'un nouveau type de relations au sein de l'entreprise. Eh bien, gardez-le, ce rôle, nous n'en voulons pas !
En fait, de quoi s'agit-il ?
Vous acceptez la revendication de ceux qui entendent inverser la hiérarchie des normes régissant l'organisation du travail en invoquant une meilleure adéquation des accords d'entreprise aux réalités du terrain. Dans la période délicate que nous traversons, vous encouragez la conclusion d'accords pouvant déroger aux normes plus favorables définies dans le cadre des lois, sans qu'un véritable contrôle intervienne. Vous contournez ce qui fonde la représentativité des salariés au travers du syndicalisme et, par là même, la légitimité d'un accord. Avec ce texte, vous sollicitez le législateur afin qu'il fasse sauter les verrous qui permettent de contenir les tentatives de déréglementation de notre droit social, à l'élaboration duquel nous participons au quotidien. Je ne vois dans ce dispositif aucun réel garde-fou nous préservant de dérapages.
Nous avons, tout au long de ce débat, démontré les garanties qu'offre la présence syndicale dans des négociations aussi délicates et complexes que celles qui ont trait à l'aménagement du temps de travail.
La représentation syndicale au sein des entreprises ne sera pas améliorée du fait de ce dispositif, bien au contraire.
Le rapporteur et le Gouvernement se sont systématiquement « réfugiés », disons-le, derrière l'intangibilité de l'accord interprofessionnel du 31 octobre 1995 afin de rejeter les amendements qui auraient rééquilibré ce dispositif.
Nous touchons là du doigt - je le disais tout à l'heure - l'ambiguïté de cette démarche nominative. En fait, quelle est l'assise de ces dispositions ? Un accord interprofessionnel partiellement approuvé et lacunaire.
Devant un enjeu aussi important que la représentation des salariés dans les entreprises, plus précisément dans les PME, on était en droit d'attendre des mesures plus ambitieuses et surtout plus équitables.
M. le président. La parole est à M. Blanc.
M. Paul Blanc. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je voudrais saluer tout d'abord le travail remarquable - le mot paraît presque faible - effectué par le rapporteur et le président de la commission des affaires sociales sur ce projet de loi, qui regroupe en réalité deux textes distincts.
Ce projet marque en effet un double progrès.
D'une part, il va permettre la mise en place d'un véritable dialogue social à l'échelle européenne pour les groupes implantés dans plusieurs Etats membres. Ces nouvelles structures ou procédures devraient notamment améliorer la prévention et le traitement social des opérations de restructuration ou de délocalisation à l'intérieur de l'espace économique européen, facteurs d'aggravation du chômage.
D'autre part, ce texte vise à pallier les carences existant dans les petites entreprises qui ne disposent pas de représentation syndicale et où, en conséquence, il n'y a pas de dialogue social. En adoptant l'article 6 de ce projet de loi, le Sénat soutient donc l'esprit de l'accord interprofessionnel de 1995 et encourage la négociation collective au sein des entreprises qui ne l'ont jusqu'à présent pas connue.
Ces deux dispositifs constituent une avancée importante du droit social et notre groupe soutiendra, à chaque fois que cela sera possible, les initiatives novatrices et courageuses proposées par les partenaires sociaux, à l'échelon communautaire comme à l'échelon national.
Pour toutes ces raisons, le groupe du RPR votera ce projet de loi.
Je regrette, pour ma part, que presque tous les amendements déposés par le groupe communiste n'aient été que des prétextes pour jeter la suspicion sur les chefs d'entreprise. Bien souvent, ils ont été soutenus également par le groupe socialiste, ce qui prouve que rien n'a changé. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Notre sentiment à l'égard des chefs d'entreprise n'est pas si caricatural, monsieur Blanc. Et, croyez-le bien, je sais de quoi je parle !
Au terme de cette discussion, je dois dire que celle-ci n'a fait que nous confirmer dans nos craintes. Le groupe communiste républicain et citoyen votera donc contre l'ensemble du projet de loi.
Si la première partie du texte, concernant la mise en place du comité d'entreprise européen, constitue, en dépit des insuffisances que mon groupe a eu l'occasion de relever, un progrès par rapport à la situation actuelle, je regrette qu'aucun de nos amendements n'ait été adopté, pas plus d'ailleurs que ne l'ont été ceux du groupe socialiste.
Néanmoins, si nous nous opposons finalement au texte que vous nous proposez, c'est essentiellement à cause du maintien de l'article 6 du projet de loi, qui valide l'accord du 31 octobre 1995 relatif aux négociations collectives.
Ainsi que je l'ai démontré au cours du débat, cet article constitue un pas important - et je crains que cette date du 3 octobre 1996 ne reste de triste mémoire pour notre législation du travail - dans la marche vers plus de déréglementation et de flexibilité.
Le représentant du CNPF a déclaré devant la commission des affaires sociales que ce texte préfigurait l'évolution du droit du travail dans les cinq à dix prochaines années.
Je suis d'une nature très optimiste mais, aujourd'hui, j'ai l'intime conviction que, malheureusement, il s'agira d'un retour en arrière, de la remise en cause d'acquis sociaux.
C'est pour rester cohérents avec nous-mêmes que nous nous sommes efforcés, vous l'avez constaté tout au long de ce débat, de reconstruire un droit du travail qui prenne en compte la réalité des situations dans les petites et moyennes entreprises. Hélas ! avec l'adoption de l'article 6, on s'engage maintenant dans la voie de la mise à bas des principes selon lesquels se construisait depuis 1936 le droit du travail !
Nous sommes pour notre part attachés à certaines valeurs, par exemple à celle du travail, mais nous le sommes aussi à l'oeuvre élaborée par nos prédécesseurs. Ce n'est pas ce pas de plus vers le démantèlement du droit du travail, ce n'est pas cette législation a minima qui se crée aujourd'hui, ce n'est pas cette nouvelle norme en matière de droit social qui feront avancer les choses ! De surcroît, contrairement à ce qu'affirment M. Barrot, Mme Couderc, MM. Fourcade ou Souvet, cela ne permettra pas non plus de lutter efficacement pour l'emploi !
Nous considérons comme une véritable provocation envers le monde du travail que le premier texte que notre assemblée examine à l'ouverture de la session soit ce projet de loi conduisant à une remise en cause profonde des garanties sociales des salariés, du droit à la négociation et de la liberté syndicale. On s'aligne sur le code anglo-saxon, on se dirige peu à peu vers plus d'américanisation.
En outre, ce texte a maintenant vocation à s'appliquer à tous les secteurs alors qu'à l'origine il visait un secteur bien délimité par les signataires de l'accord du 31 octobre 1995.
Nous avons essayé de nous opposer par tous les moyens à son adoption.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. On ne vous le fait pas dire !
M. Guy Fischer. Vous reconnaîtrez que nous avons beaucoup travaillé !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission, et M. Alain Gournac. C'est vrai !
M. Guy Fischer. Après ce débat, après les interventions du groupe communiste républicain et citoyen, vous ne pourrez pas dire, lorsque les dégâts causés par ce texte seront devenus évidents : « Nous ne pouvions pas prévoir ». Je reprends les mots de ma collègue Michelle Demessine.
Mon groupe votera quant à lui contre l'ensemble du présent projet de loi, et il prend date !
M. le président. La parole est à M. Bimbenet.
M. Jacques Bimbenet. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de m'associer pleinement aux propos de notre collègue M. Machet à l'égard de M. le rapporteur, de M. le président de la commission et de vous-même, madame le ministre.
Le projet de loi qui vient d'être soumis à notre discussion a pour objet de transposer la directive européenne n° 94-45 du 22 septembre 1994, relative à l'institution d'un comité d'entreprise européenne ou d'une procédure dans les entreprises de dimension communautaire, de nature à permettre l'information et la consultation de leurs salariés.
Par ailleurs, ce projet de loi - plus particulièrement son article 6 - fait suite à des orientations définies par les partenaires sociaux et offre, à titre expérimental, la possibilité de négocier des accords d'entreprise selon des modalités qui, actuellement, ne sont pas prévues par le code du travail.
Considérant qu'il apporte, entre autres choses, des améliorations pour lutter contre un immobilisme paralysant, la majorité du groupe du Rassemblement démocratique et social européen votera ce projet de loi.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Demessine.
Mme Michelle Demessine. Parce que nos collègues s'interrogent beaucoup sur nos propos quant à la qualité des relations entre salariés et employeurs dans les entreprises, je vais faire une proposition.
Je propose que Mme le ministre organise une grande enquête sur lesdites relations, avec, bien sûr, la collaboration des organisations syndicales. On demanderait aux employeurs ce qu'ils pensent des salariés et aux salariés ce qu'ils pensent de leurs employeurs.
On verrait bien alors quelle est la nature exacte des ralations au sein de l'entreprise dans le contexte de crise profonde et de chômage que nous connaissons aujourd'hui !
M. Jean Chérioux. Cela ne veut rien dire !
M. Alain Gournac. On ne comprend rien !
M. Louis Souvet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Au terme de ce long débat durant lequel le rapporteur que je suis a été abondamment cité, par certains pour le féliciter, par d'autres pour le critiquer - c'est là le triste privilège de la fonction - je formulerai quelques réflexions de base.
D'abord, dans nos assemblées, chacun a son rôle à jouer. Le Gouvernement joue le sien, les parlementaires jouent le leur, majorité d'un côté ; opposition, bien sûr, de l'autre. Puis il y a le rapporteur.
Vous avez dit tout à l'heure, madame Dieulangard, que ce débat vous avait été insupportable. Un parlementaire, madame, doit savoir supporter tous les débats...
M. Jean Chérioux. Nous en avons connu de plus insupportables !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. C'est la forme du débat qui était insupportable.
M. Louis Souvet, rapporteur. Je tiens à vous dire qu'il n'est pas plus facile d'être rapporteur que parlementaire de l'opposition : le rapporteur se heurte aussi parfois à des difficultés.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Ah ?
M. Louis Souvet, rapporteur. J'ai été, pour ce qui me concerne - et je l'ai dit - surpris par des adverbes comme « considérablement » ou des expressions comme « avoir le droit de », qui ne sont pas de celles que nous avons l'habitude d'employer dans nos assemblées. Elles font cependant partie du langage communautaire et nous devons les accepter si nous voulons communiquer avec les dix-sept, ou les trente pays qui signeront cet accord.
Je voudrais aussi, madame, que vous vous rappeliez - il faut tout de même mettre une part de vérité dans cette affaire - qu'il s'agit ici de la transposition d'une directive européenne et d'un accord national interprofessionnel, celui du 31 octobre 1995, relatif à la politique contractuelle.
Modifier ces textes à l'occasion de leur transposition, c'était modifier ce que dix-sept pays avaient déjà signé. Ce n'était pas possible, vous le concevez bien. Moi aussi, de temps en temps, j'aurais souhaité pouvoir apporter quelques changements. Cela ne m'a pas davantage été possible, par soutien, certes, de la politique gouvernementale, mais bien plus encore par respect pour les accords déjà signés et par souci de progresser dans la voie que nous avons choisie.
Vous avez déclaré que ce projet de loi manquait d'ambition. Il y en a pour tous les goûts puisque j'ai entendu dire aussi qu'il contenait des dispositions innovantes et courageuses. On ne peut pas considérer que tout y est mauvais.
Il faut peut-être aussi se tourner à cette occasion vers les partenaires sociaux, qui, compte tenu du climat que certains d'entre nous ont créé, ont dû faire preuve d'un extrême courage pour arriver à un tel accord.
Je termine en remerciant tous ceux qui ont bien voulu considérer que le rapporteur avait accompli sa mission à peu près normalement ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE)
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est Mme le ministre.
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi, au nom de M. Jacques Barrot et en mon nom propre, de remercier vivement la Haute Assemblée bien sûr, mais plus particulièrement sa commission des affaires sociales, son président, son rapporteur et ses membres, de leur participation au débat très ouvert qui s'achève. Le travail effectué en amont par la commission a en effet permis d'apporter nombre d'éclaircissements, ce qui a certainement contribué à simplifier notre discussion.
Je regrette cependant que certains membres de la Haute Assemblée aient tenté de caricaturer nos travaux. Ces derniers font pourtant la démonstration que la démocratie conserve tout son intérêt, y compris lorsque sont soumis aux débats des sujets sur lesquels des partenaires extérieurs au Parlement interviennent et contribuent à l'évolution des données sociales et donc de la législation de notre pays.
Contrairement à M. Fischer, contrairement à Mmes Dieulangard et Demessine, mais en accord avec MM. Blanc, Seillier, Machet et Bimbenet, je considère que le projet de loi vise véritablement à développer le dialogue social à deux échelons dont il est encore trop souvent absent : à l'échelon européen et, bien souvent, à l'échelon de certaines entreprises, en particulier les plus petites d'entre elles. Par conséquent, ce texte constitue une réelle avancée.
Nous sommes attachés à l'Europe sociale ; nous ne pouvons nous contenter de vivre à l'intérieur de nos frontières, nous le savons. Aussi devons-nous faire en sorte que notre expérience du dialogue social aille au-delà des frontières afin que d'autres pays puissent profiter de notre expérience, comme nous pourrons, nous, profiter de la leur.
De plus, l'élaboration de cette directive ayant été menée sur la base des dispositifs constitutionnels français, le Parlement français y a été très largement associé. La transcription de la directive européenne est également intéressante, en ce qu'elle démontre que le Parlement peut être associé à des négociations menées entre les partenaires sociaux.
Je souligne à ce propos, après M. Barrot, la nécessité d'une réflexion sur la question des écarts de transcription entre un texte législatif et des accords interprofessionnels existants. L'élaboration de la directive européenne ouvre peut-être une piste de réflexion ; il appartient au Parlement, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, de trouver une méthode qui permette de progresser en la matière.
Ce texte est donc à l'évidence une étape importante dans la modernisation des instruments du dialogue social, dialogue qui doit être un point fort dans la vie de notre société.
J'ajoute qu'il démontre le sens des responsabilités des partenaires sociaux. Il nous appartient de leur apporter, au sein du Parlement comme au sein du Gouvernement, les soutiens nécessaires pour fortifier cette nouvelle dimension du dialogue social.
Je fais confiance à tous les interlocuteurs responsables dans l'entreprise, qu'il s'agisse de ses salariés ou de ses dirigeants, pour donner vie à ce dialogue grâce auquel il est possible, nous le constatons aujourd'hui, de faire face à certaines des difficultés auxquelles sont confrontées les entreprises, et donc toute la communauté nationale. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
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