II. L'ÉLABORATION DU BUDGET : L'INSUFFISANTE REMISE EN CAUSE DE L'EXISTANT POUSSE LES DÉPENSES À LA HAUSSE
L'élaboration du volet dépenses des projets de
loi de
finances revêt
a priori
un caractère politique très
affirmé puisque les crédits supplémentaires
accordés à tel ou tel département ministériel
déterminent les priorités d'un gouvernement. L'envoi aux
ministres de la lettre de cadrage du Premier ministre constitue ainsi une
étape essentielle d'un processus budgétaire long puisqu'il couvre
la quasi-totalité de l'année, mais n'occasionnant guère de
surprises, puisqu'il présente un caractère essentiellement
administratif.
Pourtant, et en dépit du nombre important d'informations transmises par
les services au ministre ou à son cabinet sur l'analyse de
l'évolution des dépenses, il convient de relever la
médiocrité de ces informations liée, non à la
qualité des services, mais à l'inadéquation du
système d'informations budgétaires et financières
lui-même.
Dès lors, l'élaboration du projet de loi de finances ne peut
susciter qu'une certaine
routine, caractérisée, s'agissant
des dépenses, par la reconduction, d'une année sur l'autre, des
services votés.
La maîtrise des dépenses de l'Etat
ne peut ainsi que pâtir d'une logique qui privilégie la
reconduction des services votés à l'appréciation
qualitative de la dépense et cela en raison d'un système
d'informations archaïque.
A. UNE PROCÉDURE BUDGÉTAIRE DE NATURE PRESQUE EXCLUSIVEMENT ADMINISTRATIVE
La
procédure budgétaire
37(
*
)
obéit, pour l'essentiel, aux
règles posées par l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959
portant loi organique relative aux lois de finances
38(
*
)
.
Il convient toutefois de noter que ce processus, une fois
arrêtées les décisions du Premier ministre, accorde une
place prépondérante aux services du ministère de
l'économie, des finances et de l'industrie : son caractère
administratif étant accentué par le rôle finalement
marginal qu'y tient le Parlement.
1. Le rôle éminent de la direction du budget dans l'élaboration du volet dépenses du projet de loi de finances
La
quasi-totalité des directions du ministère de l'économie,
des finances et de l'industrie participe à l'élaboration du
projet de loi de finances en ce qui concerne les dépenses de l'Etat.
Toutefois, elles interviennent de façon très inégale, et
à des moments différents.
C'est la direction du budget qui est le maître d'oeuvre du volet
dépenses des projets de loi de finances, les autres directions lui
fournissant la " matière première " ou sous-traitant
certaines opérations pour son compte.
Au cours de son audition devant votre commission, M. Christophe
BLANCHARD-DIGNAC, a parfaitement résumé les missions de sa
direction : la préparation de la loi de finances "
nous
occupe tout au long de l'année, dès le début de
l'année avec la phase des perspectives, quand nous proposons aux
ministres les orientations pour l'année suivante, dans les phases de
confrontation avec les ministères, les conférences
budgétaires, l'arbitrage et la confection matérielle des
documents
".
La première sous-direction de la direction du budget, qui en compte au
total sept, assure la coordination de la préparation des lois de
finances.
Son bureau 1A, en particulier, joue un rôle essentiel dans la mise en
oeuvre de la procédure budgétaire, qu'il s'agisse de sa
composante annuelle - le projet de loi de finances -, ou pluriannuelle - le
programme pluriannuel de finances publiques.
• Il rédige les notes de synthèse qui ponctuent chaque
étape du processus d'élaboration du projet de loi de finances, et
met au point celui-ci, qui est ensuite transmis au Conseil d'Etat avant son
adoption en Conseil des ministres. Il suit enfin l'ensemble du processus
parlementaire d'adoption du projet de budget, ainsi que le contentieux
constitutionnel en matière budgétaire.
• Il joue également un rôle essentiel, conjointement avec
la direction de la prévision, dans l'élaboration du programme
pluriannuel de finances publiques que la France, en application du Pacte de
stabilité et de croissance, est tenue de déposer chaque
année auprès des institutions communautaires.
L'intervention décisive du Premier ministre
dans l'élaboration du volet dépenses du projet de loi de
finances
Le
rôle de Matignon est déterminant, puisque c'est le chef du
gouvernement qui, sur la base de l'esquisse budgétaire, adresse aux
ministres les lettres de cadrage et les lettres-plafonds qui déterminent
le niveau des dépenses du projet de loi de finances.
En premier lieu, le Premier ministre arrête la stratégie
macro-budgétaire, en deux temps :
1. fin décembre, le programme pluriannuel de finances publiques est
formalisé avant d'être transmis aux institutions
communautaires ;
2. en avril-mai, généralement après un séminaire
gouvernemental, le Premier ministre arrête ses orientations pour la
préparation du projet de loi de finances à travers les lettres de
cadrage, qui fixent notamment le pourcentage de progression des dépenses
de l'Etat et identifient les priorités gouvernementales ; elles
donnent également une date-limite pour la remise des propositions des
ministères à la direction du budget, souvent dans le courant du
mois de mai.
Ensuite, le montant des enveloppes ministérielles est
déterminé à l'issue des conférences
budgétaires et des réunions d'arbitrage, d'abord au niveau des
cabinets puis à celui des ministres. Ces enveloppes, après
l'arbitrage ultime du Premier ministre, sont notifiées aux membres du
gouvernement par les lettres-plafonds, envoyées désormais au
début du mois de juillet, au lieu de fin juillet ou même du
début août.
L'équilibre du projet de loi de finances et le choix des articles
législatifs à caractère budgétaire sont, enfin,
arrêtés au cours de l'été par le cabinet du Premier
ministre.