4. Les opérations de fin de gestion
a) Les " avantages de la période complémentaire "
La
période complémentaire est la période postérieure
à la gestion durant laquelle peuvent être comptabilisées,
sous certaines conditions, des opérations qui sont imputées sur
l'exercice budgétaire précédent.
La période complémentaire s'étend actuellement du
1
er
au 31 janvier
35(
*
)
, date à laquelle est connu,
sous forme provisoire, le résultat budgétaire, le résultat
définitif étant publié en avril, au terme de la passation
de l'ensemble des écritures comptables
36(
*
)
. L'existence d'une telle
période complémentaire constitue une dérogation au
système dit de la comptabilité de caisse, prévu par
l'article 16 de l'ordonnance organique de 1959, qui prévoit le
rattachement des dépenses à l'année civile du visa par le
comptable, et le rattachement des recettes à l'année civile de
leur encaissement. Sa principale justification réside en ce qu'elle
permet de favoriser la concordance entre l'autorisation parlementaire,
donnée d'abord en engagements, et le suivi comptable,
réalisé en paiements.
Or, le principe même de la période complémentaire est
contestable.
Il convient, en premier lieu, de rappeler que l'entrée dans la phase 3
de l'Union économique et monétaire implique une harmonisation de
la présentation en comptabilité nationale des comptes publics des
Etats membres. Le nouveau système comptable européen, dit SEC 95,
prévoit pour tous les Etats-membres la référence, dans les
comptes nationaux, à un système de comptabilité en droits
constatés - référence à la date du fait
générateur - plutôt qu'à une comptabilité de
caisse - référence à la date du flux de trésorerie.
Surtout, la période complémentaire pose le problème de la
sincérité des comptes de l'Etat, comme le relève
régulièrement, pour le déplorer, la Cour des comptes. Elle
constitue un moyen de piloter le solde budgétaire afin de permettre au
gouvernement d'atteindre un objectif fixé à l'avance.
L'avenir de la période complémentaire est donc en jeu, du fait de
la nécessité de prendre en considération
l'hypothèse d'une transition du budget de l'Etat vers un système
en droits constatés. La direction du budget et la direction
générale de la comptabilité publique ont constitué
un groupe de travail sur les conditions d'une suppression éventuelle de
la période complémentaire, qui a rendu un rapport daté du
1
er
juin 1999, dont votre commission a obtenu une copie. Ce rapport
analyse les modalités possibles d'une telle suppression.
Les dépenses au cours de la période complémentaire
Les
opérations réalisées au cours de la période
complémentaire - dites opérations de fin de gestion - peuvent
être regroupées, s'agissant des dépenses, en quatre
catégories :
- le paiement, ou le rejet, d'ordonnances transmises au visa du comptable au
31 décembre de l'année n ;
- la réalisation d'opérations dites
" réciproques " entre l'Etat, les comptes spéciaux du
trésor, les établissements publics, les entreprises publiques, la
sécurité sociale... : opérations se rapportant
à des dettes et à des créances nées au plus tard le
31 décembre de l'année mais qui peuvent être
engagées comptablement et ordonnancées jusqu'à la fin de
la période complémentaire ;
- l'engagement, l'ordonnancement et le paiement de crédits ouverts en
collectif de fin d'année ;
- des opérations de régularisation : correction d'erreurs,
imputation définitive de recettes et dépenses.
Comme le souligne la note que le directeur du budget et le directeur
général de la comptabilité publique ont adressée au
ministre, le 9 juin 1999, en guise de commentaire du rapport
précité, l'intérêt de la période
complémentaire réside dans la marge de manoeuvre qu'elle accorde
au gouvernement : "
la marge de manoeuvre permettant
d'infléchir le solde budgétaire tendanciel, dans le strict
respect de la réglementation, va être fortement amoindrie par la
disparition de la possibilité d'ordonnancer des opérations ou
d'émettre des titres de perception après la connaissance du
niveau final des recettes fiscales, voire de la totalité des recettes.
Dès lors, le pilotage à la marge du solde va être rendu
difficile
".
b) Le nécessaire contrôle des opérations de fin de gestion
Les
dates d'exécution des opérations de fin de gestion sont
fixées par les directions du budget et de la comptabilité
publique. M. Alain LAMASSOURE a considéré, devant votre
commission, que les pratiques budgétaires de fin de gestion
"
donnent lieu à des décisions qui sont fatalement
forfaitaires, pour ne pas dire arbitraires
". Il a donc appelé
de ses voeux un encadrement de ces pratiques, passant, par exemple, par
l'élaboration d'un code de bonne conduite applicable aux
opérations de fin de gestion.
En effet, M. François LOGEROT a indiqué, au cours de son audition
devant votre commission, que la Cour des comptes avait
"
constaté depuis toutes ces années récentes que
les gouvernements quels qu'ils soient ont le souci de piloter le
résultat final d'exécution de la loi de finances dans des
proportions importantes. Evidemment, ce souci a coïncidé avec la
question de la qualification de la France pour l'accès à la
monnaie unique et a coïncidé aussi avec une situation difficile
[...]
des finances publiques en général dans la période
1993-97
".
La situation est en réalité très contrastée selon
les années. Jusqu'en 1997, il s'agissait de peser au maximum sur le
déficit final en procédant à des reports de charges
importants. C'est ainsi qu'en 1995, la Cour des comptes a estimé que ces
reports de charges ont représenté environ 28 milliards de francs,
prenant essentiellement la forme d'une régulation budgétaire de
grande ampleur. A l'inverse, depuis 1997, l'amélioration relative des
finances publiques s'est traduite par des reports de recettes sur l'exercice
suivant.
Dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 1999, la Cour
des comptes note que le niveau des dépenses enregistrées en
période complémentaire au titre du budget général
est passé de 46,27 milliards de francs en 1998 à 50,99 milliards
de francs en 1999, soit une progression de 10,2 % d'un exercice sur l'autre.
Elle précise que "
l'Agence comptable centrale du trésor
a payé plus de 13 milliards de francs de dépenses sur le budget
général dans les trois derniers jours de la période
complémentaire de l'exercice 1999, dont 10,2 milliards de francs
pour la seule journée du 28 janvier 2000
". La Cour estime que
ces charges, qui ont fait l'objet d' "
arbitrages opérés
en toute fin de gestion, auraient pu être rattachées à
l'exercice suivant
".