2. ...et des informations non partagées sur les recettes
Informée du cadrage macro-économique, chaque direction du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie établit ses propres prévisions de recettes.
a) Une complémentarité souhaitable
Lors de
son audition, M. Jean BASSERES a insisté sur la
complémentarité des approches entre les directions :
" (
concernant) l'impôt sur le revenu, la direction de la
prévision fait des prévisions essentiellement fondées sur
des hypothèses macro-économiques : évolution des
salaires et du PIB. Elles sont prises en compte par la DGI qui travaille en
termes d'émission et, à partir de là, nous calculons les
taux de recouvrement. Ce sont des exercices successifs et nous n'avons pas de
divergences d'appréciation puisque nous n'appliquons pas des
méthodes qui s'appliquent aux mêmes données. En
matière d'impôt sur les sociétés, avec la direction
de la prévision, nous tâtonnons ensemble. C'est un impôt
extrêmement difficile à prévoir et nous tentons de nous
rapprocher les uns des autres en fonction de leurs hypothèses macro et
des nôtres, liées à l'expérience du terrain, pour
confronter nos éléments.
Il ne s'agit pas de méthodes
scientifiques et les approches sont différentes, car elles se placent
pour eux de manière macro-économique et pour nous-mêmes, du
point de vue micro-économique
".
Le directeur général des impôts, M. François
VILLEROY DE GALHAU, a également mis en avant cette
nécessité de la complémentarité : l'ensemble
des directions travaillent deux fois par an à partir des mêmes
hypothèses économiques, largement issues des travaux de la
direction de la prévision ; s'agissant de l'impôt sur le
revenu, la DGI établit une prévision sur les émissions de
rôles à laquelle la DGCP applique un taux de conversion. Le
directeur général des impôt admet que "
pour le
reste, il y a largement concurrence
" avant d'indiquer que cette
concurrence lui paraît souhaitable pour diversifier le spectre des
hypothèses économiques.
Enfin, lors de son audition, M. Jean-Philippe COTIS a fait état de
collaborations avec les autres directions : "
nous nous appuyons
largement sur la direction du budget qui nous fournit les dépenses de
l'Etat, les prévisions de comptes spéciaux du trésor et
les recettes non fiscales et, dans tous ces travaux, nous nous appuyons sur nos
collègues de l'INSEE dont le diagnostic conjoncturel constitue un
" input " très important du cadrage
économique
".
Seule la direction du trésor "
n'a aucune responsabilité
et ne participe pas aux réunions de recettes
" selon les termes
de M. Jean LEMIERRE. La direction du trésor participe toutefois à
des réunions avec la direction du budget "
en ce qui concerne
quelques prélèvements non fiscaux (la Caisse des
dépôts, la COFACE, la CADES), en particulier toute une
série d'opérations financières avec des pays
étrangers ou des organisations financières
internationales
".
Malgré les collaborations entre les directions du ministère de
l'économie, des finances et de l'industrie, certains aléas de
prévisions existent, qui sont apparus essentiellement sur l'impôt
sur les sociétés.
La difficulté de la prévision fiscale : l'exemple de l'impôt sur les sociétés
Lors de
son audition, le directeur de la prévision a indiqué :
"
Nous avons commis des erreurs de prévision significatives
en matière de recettes fiscales, notamment pour l'année 1999, ce
qui reflète dans une très large mesure la difficulté et la
complexité de la prévision fiscale qui est plus difficile que la
prévision macro-économique
".
Selon lui, la prévision de l'impôt sur les sociétés
serait "
le cauchemar des prévisionnistes de très longue
date
". La difficulté serait de passer d'un indicateur
macro-économique (l'excédent brut d'exploitation) à un
indicateur pertinent fiscalement, qui suppose de prévoir quels seront
les reports de déficit et les stratégies de versement des
entreprises.
Le 16 août 1999, dans le cadre de ses budgets économiques
d'été, le bureau des études fiscales de la direction de la
prévision a rédigé une note sur la prévision
d'impôt sur les sociétés, note accompagnée de quatre
fiches.
Elle rappelle que la prévision d'impôt sur les
sociétés a été revue à la hausse de
30 milliards de francs entre les budgets économiques d'hiver
(février) et ceux d'été (août). "
Cette
révision s'appuie sur les plus-values constatées depuis le
début de l'année sur cet impôt
". L'écart
de prévision tient essentiellement à une évolution
spontanée du bénéfice fiscal des entreprises en 1998 (+
12 %) pour une prévision de + 5 % dans les budgets d'hiver et
à une progression " très vive " des plus-values nettes
à long terme (cessions de titres de participation).
La direction de la prévision indique que "
aucune explication
macro-économique de ces résultats ne s'impose
clairement
".
Elle admet même que les données de la
comptabilité nationale peuvent être inexactes
:
"
il n'est pas exclu que la croissance de l'excédent brut
d'exploitation ait été plus forte que ne le suggèrent les
chiffres actuels de la comptabilité nationale
". La direction
de la prévision relève également les insuffisances des
moyens de prévisions. "
Ce constat met en lumière les
limites des outils de prévision d'IS actuellement
disponibles
".
Trois voies d'amélioration sont envisagées :
1. Une meilleure prise en compte des déficits reportables ;
2. Une meilleure prise en compte du résultat financier par l'utilisation
du revenu d'entreprise comme indicateur macro-économique ;
3. Evaluer ce qu'a représenté, dans le passé,
l'aléa que constitue le résultat exceptionnel, à
défaut d'avoir les moyens de le réduire.
b) Une insuffisante mise en commun de l'information
Si la
complémentarité est source d'enrichissement, le fait de ne pas
partager l'information relève plutôt de la défense des
positions acquises.
C'est ce qu'a sous-entendu le directeur de la
prévision lors de son audition en parlant de dysfonctionnements :
"
Le ministère de l'économie, des finances et de
l'industrie a pris la mesure d'un certain nombre de dysfonctionnements qui ont
pu nuire à l'efficacité des travaux au sein des directions dites
d'état-major, et nous essayons de travailler de manière plus
collégiale et plus transversale que ce n'était le cas dans le
passé. Du travail est encore à faire, mais l'effort est bien
engagé
".
Les arbitrages en recettes sur la base des propositions des différentes
directions du ministère de l'économie, des finances et de
l'industrie interviennent deux fois par an et ne donnent pas lieu à un
compte rendu officiel : il s'agit des réunions d'arbitrage de
février et de juillet.
Cependant la réunion d'arbitrage du 6 juillet 1999 a fait l'objet d'une
fiche d'information interne de la direction générale des
impôts (fiche du 12 juillet 1999).
On observe que les sources d'informations sont diverses selon les directions et
ne sont pas mises en commun. Ainsi, s'agissant de l'impôt sur les
sociétés, la direction générale des impôts
appuie son analyse sur l'impact des mesures nouvelles telles qu'elles sont
évaluées par la direction de la législation
fiscale
23(
*
)
. La direction de
la prévision "
tient compte d'un agrégat qu'elle
détient sur les revenus des entreprises
" et la direction
générale de la comptabilité publique fait des propositions
"
à partir de fichiers de recouvrements en matière
d'impôt sur les sociétés dont elle est la seule à
disposer
".
L'information semble " jalousement " gardée par chaque
direction et la fiche de la DGI note ainsi : "
il est
rappelé que le bureau CS4 ne peut pas prévoir rigoureusement cet
impôt (l'impôt sur les sociétés) en raison du
défaut d'information concernant le détail des paiement d'IS
(notamment répartition solde/acompte) détenus uniquement par la
direction de la comptabilité publique. Une demande visant à
obtenir le fichier des recouvrements d'IS avait été
formulée en 1996 mais celle-ci est demeurée
sans
suite
". Les difficultés semblent particulièrement
aiguës en matière d'impôt sur les sociétés.
Les défaillances de l'information fiscale sur l'impôt sur les sociétés
Parmi
les quatre fiches associées à la note de la direction de la
prévision concernant l'impôt sur les sociétés (note
précitée du 16 août 1999), la fiche n°3 fait
état de difficultés dans la prévision d'impôt sur
les sociétés que le directeur de la prévision n'a pas
mentionnées.
Il s'agit des défaillances de l'information
fournie par la direction générale de la comptabilité
publique.
La fiche indique que la direction générale de la
comptabilité publique n'indique pas le partage des recettes entre les
montants des soldes et les montants des acomptes, ni les montants
d'impôts sur les plus-values nettes à long terme versés
avec les soldes, ni les avoirs fiscaux ou crédits d'impôt
imputés sur les mêmes soldes. La fiche déplore
également que les remboursements d'excédents de versements ne
soient pas ventilés entre l'impôt sur les sociétés
proprement dit, les contributions complémentaires, les remboursements de
" carry-back " et les transferts d'impôt sur les
sociétés.
En matière de TVA, une même méthode est utilisée par
les trois directions concernées (il s'agit d'appliquer le taux de
croissance des emplois taxables à une base 1998 corrigée de
certains éléments exceptionnels pour obtenir une cible
intermédiaire. La prévision pour 1999 résulte ensuite de
l'intégration de nouveaux facteurs correctifs).
D'une manière générale, il apparaît que chaque
direction conserve une primauté sur certaines prévisions. En
réponse au questionnaire qui lui a été adressé, la
direction de la prévision explique une forme de répartition des
rôles : "
les recettes fiscales dépendent aussi de
l'évaluation du coût des mesures nouvelles dont le chiffrage est
généralement fait par la DLF mais peut parfois faire l'objet
d'une expertise propre à la direction de la prévision. Les
prévisions concernant les recettes non fiscales reprennent
généralement une information transmise par la direction du
budget. Enfin, les prévisions relatives aux fonds de concours, faute
d'expertise avérée, correspondent généralement
à la reprise d'évolutions tendancielles
".