3. Maîtriser la dépense publique ?
Lorsque
la France transmet chaque année à la commission européenne
son programme pluriannuel des finances publiques, tous les comptes des
administrations publiques sont agrégés. Au niveau
européen, l'appréciation portée sur les performance de la
France en matière de finances publiques ne distingue pas entre les
comptes de l'Etat, de la sécurité sociale ou des
collectivités locales.
Cette nouvelle donne conduit l'Etat à s'intéresser d'encore
plus près à l'évolution du solde des administrations
publiques locales, qui est aujourd'hui positif alors que celui de l'Etat est
négatif.
La logique de la consolidation des comptes a par exemple conduit le ministre de
l'économie et des finances, lors de son audition par la mission le 8
mars dernier, à juger légitime de faire financer par les
collectivités locales des dépenses qui relèvent pourtant
de l'Etat, puisque la situation budgétaire des collectivités
locales est meilleure que celle de l'Etat. Ainsi, il a justifié le choix
du Gouvernement de ne compenser aux collectivités locales que la
moitié des pertes de DCTP dues au succès des communautés
d'agglomération (250 millions de francs sur 497 millions de francs) en
expliquant que "
le déficit de l'Etat s'élevait encore
à 206 milliards de francs, tandis que les collectivités locales
dégageaient, pour leur part, un excédent
budgétaire
".
Poussée à son terme, cette logique constitue une
désincitation à la bonne gestion financière puisqu'elle
revient à considérer que, compte tenu des bons résultats
financiers des collectivités locales, l'Etat serait fondé
à réduire les recettes ou accroître les dépenses
locales.
Cette logique pourrait également expliquer la volonté de l'Etat
de contrôler l'évolution des ressources locales. L'obligation de
rendre des comptes au niveau européen conduit l'Etat à souhaiter
maîtriser l'ensemble des facteurs qui ont un impact sur le solde global
des administrations publiques. En contrôlant l'évolution des
ressources locales, il devient possible pour l'Etat d'influer indirectement sur
le niveau de leurs dépenses et donc, le cas échéant, de
" fermer le robinet des recettes " afin d'éviter un
dérapage des dépenses.
Un tel raisonnement, d'inspiration jacobine, repose sur l'idée que les
exécutifs locaux seraient d'irréductibles dépensiers alors
que l'Etat serait vertueux. Rien n'est moins sûr. Les dépenses des
collectivités locales augmentent surtout en raison des charges nouvelles
qui résultent de décisions prises par l'Etat et qui s'imposent
à elles, ainsi que, dans une moindre mesure, de la reprise de
l'investissement. L'Etat pour sa part décide de l'ensemble de ses
charges, à l'exception des intérêts de la dette, et
pourtant ne parvient pas à maîtriser l'évolution de ses
dépenses, comme le relève la Cour des comptes dans son rapport
préliminaire sur l'exécution des lois de finances pour 1999, dans
lequel elle souligne que "
si l'augmentation en volume des
dépenses devait se poursuivre à ce rythme, le succès des
efforts de maîtrise des dépenses affichés dans le programme
pluriannuel des finances publiques se trouverait compromis
".
*
Il
ressort de l'analyse des différents aspects des finances locales depuis
les lois de décentralisation les éléments suivants :
- les transferts de compétences opérés par les lois de
décentralisation ne se sont pas accompagnés du transfert des
ressources correspondantes ;
- l'Etat préfère supprimer peu à peu les impôts
directs locaux plutôt que de les moderniser ;
- l'Etat détermine de manière unilatérale
l'évolution de ses concours financiers aux collectivités locales,
en fonction d'une logique budgétaire qui ne tient pas compte de
l'évolution des charges des collectivités locales ;
- les dispositifs de péréquation manquent d'ambition ;
- l'ensemble de ces éléments conduit à rendre les budgets
locaux de plus en plus tributaires des décisions de l'Etat.