II. DES DISPOSITIONS STATUTAIRES ET RÉGLEMENTAIRES INADAPTÉES ET RIGIDES
La
parité entre les fonctions publiques ne devrait s'entendre que s'il
existe une comparabilité entre les missions exercées par les
fonctionnaires de l'État et par ceux des collectivités
territoriales. Or, la spécificité du pouvoir local implique que
ces tâches ne soient pas identiques.
Le rapport remis en octobre 1992 par M. Jacques Rigaudiat, conseiller
référendaire à la Cour des comptes, pour une modernisation
de la fonction publique territoriale, en arrive au même constat :
"
il convient de respecter la spécificité des
collectivités locales afin de leur donner la souplesse nécessaire
à la mise en place de politiques modernes de personnel, adaptées
aux réponses que les élus locaux doivent apporter aux attentes de
nos concitoyens
".
Pourtant, les atteintes portées à l'autonomie des
autorités locales ont été multiples ; elles ont
été dénoncées par le Sénat dès
1984
199(
*
)
. En effet, la
contradiction possible entre le principe de parité entre les fonctions
publiques et le principe de spécificité des collectivités
territoriales a été " résolue " par une nette
prédominance du premier sur le second.
La transposition du modèle de la fonction publique de l'Etat, en
particulier la gestion collective qu'elle implique, entraîne des
contraintes et des rigidités inutiles dans la gestion des personnels
territoriaux.
L'inadaptation des règles de la fonction publique territoriale se
traduit par a lourdeur des procédures (A) et les limites des
institutions (B), mais aussi les contraintes pesant sur les
rémunérations au nom du principe de parité (C),
l'encadrement du recrutement contractuel (D), l'inadéquation des statuts
particuliers aux nouveaux besoins des collectivités locales (E), ces
problèmes étant parfois exacerbés dans les
départements d'outre-mer (F).
A. DES PROCÉDURES TRÈS LOURDES
Les élus locaux sont souvent confrontés aux rigidités du statut 200( * ) , alors que la diversité des statuts et des métiers constitue une richesse de la fonction publique territoriale qui devrait être préservée.
1. Le recrutement et le système du concours
Le
recrutement de personnes compétentes en nombre suffisant est essentiel
pour les collectivités locales, dans la mesure où l'Etat a
tendance à leur transférer sans cesse de nouvelles
responsabilités.
L'entrée dans la fonction publique territoriale s'effectue
en
principe par concours,
afin de respecter les principes
d'égalité d'accès aux emplois publics et de transparence.
Toutefois, les exceptions
201(
*
)
se multiplient à la base et
au sommet de la hiérarchie. La spécificité de la fonction
publique territoriale a conduit à développer les
concours sur
titres
, plutôt que de systématiser les concours sur
épreuves, et au système des "
concours de
réserve
". S'il permet de donner toute liberté de choix
à l'autorité chargée de recruter, ce système a
abouti à la multiplication des
"
reçus-collés
" : tous les lauréats
des concours ne sont pas nommés et ils perdent ainsi le
bénéfice du concours.
Le rapport sur le recrutement, la formation et le déroulement de
carrière des agents territoriaux, remis en mai 1998 par
M. Rémy Schwartz, maître des requêtes au Conseil
d'Etat, met en évidence le caractère
" déconcertant " de l'organisation des concours, lié
à l'enchevêtrement des compétences entre le Centre national
de la fonction publique territoriale et les centres de gestion, à la
multiplicité des mesures de publicité des concours, voire aux
illégalités parfois constatées dans les nominations aux
emplois supérieurs.
Les principales critiques émises par ce rapport à l'encontre du
recrutement par concours sont les suivantes :
- la procédure de recrutement est excessivement longue, il
s'écoule entre trop de temps entre la déclaration de vacance d'un
poste par une collectivité territoriale et le moment où le
recrutement devient possible. Ce délai a été
institué afin de favoriser la promotion interne.
- il existe une contradiction entre l'existence d'un statut national et le
caractère local du recrutement. La
centralisation
excessive de
l'organisation des concours génère un coût financier
important ;
- le
manque de transparence
et de coordination dans l'organisation
des concours, souvent dénoncé, est préjudiciable autant
aux candidats qu'aux collectivités employeurs ;
- de nombreux agents territoriaux confirmés ne peuvent
accéder au grade supérieur en raison de l'
inadaptation de
certaines épreuves
du concours au contexte professionnel.