B. LA DIFFICILE MISE EN PLACE DE LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE
La
construction statutaire de la fonction publique territoriale devait être
effective en quatre années, mais ne s'est achevée qu'en
août 1994 avec la publication par voie réglementaire des derniers
statuts particuliers prévus par le législateur.
Le retard pris dans l'achèvement des statuts particuliers
tient
en grande partie aux difficultés politiques inhérentes à
la gestion de la fonction publique, chaque majorité gouvernementale
ayant à coeur de rendre les règles relatives à la fonction
publique territoriale conformes à sa conception de la
décentralisation et de la plus ou moins grande liberté qu'elle
souhaite reconnaître aux collectivités locales.
En effet, le Conseil constitutionnel a admis dès le
20 janvier 1984 que
la gestion des personnels constituait un
élément de l'application du principe constitutionnel de la libre
administration des collectivités territoriales
. En
conséquence, le droit de la fonction publique territoriale ne peut
être édicté que par le législateur. C'est pourquoi
plus de vingt lois sont venues modifier profondément ou partiellement la
loi statutaire du 26 janvier 1984.
Toutefois, les mesures réglementaires très nombreuses sont elles
aussi à l'origine de l'allongement considérable du délai
de la construction statutaire.
La loi n° 87-529 du 13 juillet 1987, dite " loi
Galland ", modifiant les dispositions relatives à la fonction
publique territoriale, a permis de mieux adapter certaines des solutions
retenues par la loi du 26 janvier 1984. Elle a donné l'occasion au
Sénat d'affirmer sa conception de la fonction publique territoriale :
- il n'y a pas de contradiction entre l'adaptation de la fonction publique
territoriale à la grande diversité des collectivités
locales, et son rattachement pour l'essentiel aux principes
généraux de la fonction publique ;
- l'unicité du statut de la fonction publique territoriale est elle
aussi compatible avec les adaptations nécessaires à la
diversité des collectivités ;
- la distinction du grade et de l'emploi, fondement du système de la
carrière, est confirmée ; le retour au système de
l'emploi n'est donc pas envisagé ;
- les obligations des fonctionnaires territoriaux en terme de secret et de
discrétion professionnels ou de discipline doivent être
affirmées ;
- un recrutement direct pour certains emplois doit être possible ;
- il faut renforcer le principe de mobilité des fonctionnaires entre les
différentes collectivités locales.
S'agissant de la mobilité entre les deux fonctions publiques de l'Etat
et des collectivités territoriales, la comparabilité entre les
corps, fortement contestable, a été abandonnée à
l'initiative du Sénat, qui a substitué au système rigide
et inadapté des " corps comparables " celui des
"
cadres d'emplois
", plus souple et plus conforme au principe
de spécialité des collectivités territoriales ;
- enfin, l'existence de statuts particuliers nationaux, regroupant les
fonctionnaires titulaires de grades donnant vocation à occuper les
mêmes emplois, n'est pas remise en cause.
Ces positions ont été réaffirmées lors du
débat préparatoire à la loi n° 94-1134 du
27 décembre 1994 modifiant certaines dispositions relatives
à la fonction publique territoriale, adoptée à
l'initiative de notre collègue M. Daniel Hoeffel, alors ministre
délégué à l'aménagement du territoire et aux
collectivités locales. Il s'agit de la dernière loi à
avoir modifié en profondeur le statut des agents territoriaux.