2. Une relance récente : la loi du 12 juillet 1999
a) Les principaux objectifs
La loi
du 12 juillet 1999, à laquelle le Sénat a apporté sa
pleine contribution et dont le texte résulte des travaux de la
commission mixte paritaire, réunie sous la présidence de M.
Jacques Larché, a repris en bonne partie les conclusions de ces travaux
antérieurs, notamment quant à l'objectif de simplification du
régime juridique de la coopération intercommunale.
•
Une rationalisation des structures intercommunales
La loi du 12 juillet 1999 a cherché à rationaliser le
" paysage " de la coopération intercommunale.
Au 1er janvier 2002, il n'existera plus que trois structures à
fiscalité propre : les communautés urbaines, les
communautés d'agglomération et les communautés de
communes. La loi favorise, en outre, la transformation des syndicats
d'agglomération nouvelle.
L'esprit de la réforme est donc d'aboutir à une meilleure
spécialisation des structures. La communauté urbaine constitue la
forme la plus intégrée destinée aux grandes
agglomérations. La communauté d'agglomération doit
s'adresser davantage aux communes de taille moyenne. La communauté de
communes, dont la création n'est subordonnée à aucun seuil
démographique, a vocation à concerner le milieu rural.
A côté de ces structures à fiscalité propre, les
syndicats de communes (à vocation unique ou multiple) et les syndicats
mixtes doivent continuer à prendre en charge une intercommunalité
de services.
•
L'harmonisation des règles de fonctionnement
Conformément aux suggestions qui avaient été retenues par
le groupe de travail de votre commission des Lois sur la
décentralisation, la loi définit
un "
tronc
commun
" de règles applicables à l'ensemble des
catégories d'établissements publics de coopération
intercommunale
(
chapitre V du titre 1er
).
On notera, parmi ces règles communes, le
rôle reconnu au
représentant de l'Etat
tant pour prendre l'initiative que pour
apprécier l'opportunité de créer une structure
intercommunale (
article 35
). Conformément aux travaux du
Sénat, le pouvoir d'initiative du représentant de l'Etat a
néanmoins été subordonné à l'avis
préalable de la commission départementale de la
coopération intercommunale. Cet avis est réputé
négatif s'il n'est pas rendu dans un délai de deux mois.
Par ailleurs, les conditions de
désignation des
délégués intercommunaux
sont désormais plus
rigoureuses, seule la désignation de délégués
choisis
parmi les conseillers municipaux
étant autorisée,
une dérogation étant admise pour les syndicats de communes
(
article 36
). Cependant, l'idée de
faire désigner
les délégués intercommunaux au suffrage universel
direct
n'a pas été retenue par la législateur.
•
La promotion de l'intercommunalité en milieu urbain
Afin de répondre aux besoins du milieu urbain, la loi du 12 juillet 1999
crée une nouvelle catégorie, la
communauté
d'agglomération
, destinée aux ensembles
d'au moins 50
000
habitants organisés autour d'une commune centre de
15 000
habitants ou d'une commune chef lieu de département.
La communauté d'agglomération est dotée de
compétences obligatoires considérées comme
stratégiques pour le développement urbain (développement
économique, aménagement de l'espace) et la cohésion
urbaine (équilibre social de l'habitat, politique de la ville). Elle
exerce des compétences étendues en matière d'urbanisme
(création et réalisation de zones d'aménagement
concerté lorsque celles-ci sont d'intérêt communautaire).
Elle doit en outre opter pour des compétences qui concernent la mise en
place de réseaux techniques (voirie, assainissement et eau), les
équipements (culturels et sportifs), les services urbains (ordures
ménagères) et l'environnement. Elle est obligatoirement soumise
au régime fiscal de la
taxe professionnelle unique
. Elle
bénéficie d'un forte incitation financière puisque lui est
attribuée, pendant cinq ans et dès la première
année de création, une dotation par habitant au titre de la
dotation globale de fonctionnement d'un montant de
250 francs en moyenne.
Afin de mieux hiérarchiser les différentes formules de
coopération, la loi prévoit de relever le seuil
démographique pour la création des communautés urbaines
qui est désormais fixé à 5600 000 habitants (contre
20.000 habitants auparavant).
Les communautés urbaines existantes -au nombre de douze dont quatre
créées d'office par la loi du 31 décembre 1996- sont
maintenues dans le cadre juridique en vigueur, la possibilité leur
étant néanmoins ouverte de passer dans le nouveau régime
prévu par la loi.
La loi du 12 juillet 1999 a prévu que les nouvelles
communautés urbaines devront exercer l'ensemble des compétences
obligatoires et optionnelles des communautés d'agglomération.
Les communautés urbaines qui se créeront ou qui seront issues de
la transformation d'un établissement public de coopération
intercommunale préexistant à compter de la date de publication de
la loi (le 13 juillet 1999) seront obligatoirement soumises au
régime fiscal de la
taxe professionnelle unique.
Celles qui ont été constituées avant cette date
bénéficieront d'un délai allongé, comme l'avait
souhaité le Sénat, jusqu'au 1
er
janvier 2002,
pour opter pour la taxe professionnelle unique à la majorité
simple de leurs membres.
Cependant, la perception de la taxe professionnelle unique n'interdira pas aux
communautés urbaines de percevoir un complément de ressources
sous la forme d'une fiscalité additionnelle.
•
Un aménagement du régime des communautés de
communes
Etendant aux communautés de communes la règle qu'elle applique,
par ailleurs, aux communautés d'agglomération et aux
communautés urbaines, la loi précise qu'elles devront
désormais être d' "
un seul tenant et sans
enclave ".
Les communautés de communes ayant opté pour la taxe
professionnelle unique doivent désormais obligatoirement prendre en
charge l'aménagement, la gestion et l'entretien des zones
d'activité industrielle, commerciale, tertiaire, artisanale,
touristique, portuaire ou aéroportuaire d'intérêt
communautaire.
Sous certaines conditions, les communautés de communes ayant opté
pour la taxe professionnelle unique, peuvent bénéficier d'une
dotation globale de fonctionnement majorée (175 francs par habitant).
Les
conditions requises pour le versement d'une DGF
majorée à une
communauté de communes
Outre
l'obligation d'avoir opté pour la
taxe professionnelle unique
,
les conditions portent à la fois sur les
seuils de population
et
sur les
compétences
exercées.
Ne peuvent bénéficier de cette DGF majorée que les seules
communautés de communes dont la population est supérieure
à 3.500 habitants.
En outre, lorsque la population de la communauté de communes est
supérieure à 50.000 habitants, elle ne doit pas inclure de
communes centre de plus de 15.000 habitants. Sur la proposition du
Sénat, la loi vise également la commune chef-lieu de
département.
Outre ces critères de population, les communautés de communes
concernées, doivent exercer au moins
quatre
des cinq groupes de
compétences traduisant un fort niveau d'ntégration.
Un
premier groupe
concerne le
développement
économique
avec l'aménagement, l'entretien et la gestion de
zones d'activité industrielle, commerciale, tertiaire, artisanale ou
touristique qui sont d'intérêt communautaire ainsi que des actions
de dévelopement économique.
Dans un
deuxième groupe
relatif à
l'aménagement
de l'espace
communautaire, figurent l'élaboration de schémas
directeur et de secteur, l'aménagement rural et les zones
d'aménagement concerté d'intérêt communautaire.
Un
troisième groupe
de compétences porte sur la
création ou l'aménagement et l'entretien de la voirie
d'intérêt communautaire.
Un
quatrième groupe
concerne le
logement social
d'intérêt communautaire et l'action, par des opération
d'intérêt communautaire, en faveur du logement des personnes
défavorisées. A la demande du Sénat, ce groupe de
compétences a été substitué à l'eau et
l'assainissement.
Enfin, un
cinquième et dernier groupe
de compétences est
relatif à l'élimination et à la valorisation des
déchets ménagers
.
L'éligibilité à la DGF majorée est constatée
par arrêté préfectoral à la date à laquelle
la communauté de communes remplir l'ensemble des conditions
énoncées ci-dessus.
Un arrêté préfectoral devrait établir, avant le
31 décembre de l'année de publication de la loi, la liste
des communautés de communes existantes qui remplissaient d'ores et
déjà ces conditions.
Les nouvelles communautés de communes auront le choix entre deux
régimes fiscaux : la fiscalité additionnelle avec ou sans
taxe professionnelle de zone (le recours à cette dernière formule
étant néanmoins soumis à une condition de seuil de
population calquée sur celle applicable aux communautés
d'agglomération) ; la
taxe professionnelle unique
.
Les communautés de communes soumises au régime de la taxe
professionnelle unique pourront opter pour une
fiscalité mixte
et
percevoir, en conséquence, le produit d'une fiscalité
additionnelle à la fiscalité sur les ménages.
b) Un premier bilan encourageant
Le
premier bilan de mise en oeuvre de la loi du 12 juillet 1999 est
encourageant.
Au 31 décembre 1999,
51 communautés d'agglomération
ont été constituées. Elles regroupent plus de 6 millions
d'habitants et 763 communes.
Sept grandes métropoles régionales
ont constitué
des communautés d'agglomération avec d'autres communes (Amiens,
Chalons-en-Champagne, Clermont-Ferrand, Dijon, Poitiers, Rennes, Rouen).
Vingt et un chefs lieux de département
ont effectué la
même démarche (Agen, Angoulême, Aurillac, Belfort,
Chambéry, Chartres, Châteauroux, Evreux, La Rochelle, Le Puy,
Périgueux, Rodez, Saint-Brieuc, Grenoble, Montauban, Niort, Pau,
Quimper, Tarbes, Tours et Troyes).
Sept
communautés d'agglomération sont des créations
ex nihilo
. Elles rassemblent
829 921
habitants qui
n'étaient pas regroupés dans des structures à
fiscalité propre. Les autres communautés d'agglomération
résultent de la transformation d'établissements publics de
coopération intercommunale préexistants :
25
sont
issues d'un district,
15
d'une communauté de communes,
4
d'une communauté de villes.
L'analyse des compétences transférées aux
communautés d'agglomération met en évidence qu'outre les
compétences qui leur sont confiées à titre obligatoire,
elles exercent également des compétences significatives dans la
gestion de services, notamment dans le domaine de l'environnement et des
déchets ménagers.
Compétences optionnelles des communautés d'agglomération
Compétence transférée |
Nombre de communautés d'agglomération exerçant cette compétence à titre optionnel |
Voirie |
39 |
Eau |
16 |
Assainissement |
35 |
Environnement et ordures ménagères |
44 |
Equipements culturels et sportifs |
40 |
On
dénombre par ailleurs
130 communautés de communes
à
taxe professionnelle unique réunissant les conditions pour
bénéficier d'une
DGF bonifiée. Deux communautés
urbaines
(Arras et Dunkerque) ont opté pour la taxe professionnelle
unique.
Au total, l'intercommunalité à fiscalité propre a
sensiblement progressé d'une année sur l'autre comme en
témoignent les tableaux ci-dessous.
Les groupements à fiscalité propre au 1 er janvier 1999
|
Communautés urbaines |
syndicats d'agglomération nouvelle |
districts, communautés de villes et
communautés de
communes
|
Total |
|
population
|
4,5 |
0,7 |
3,4 |
24,4 |
33,137 |
nombre de groupements |
12 |
9 |
98 |
1 562 |
1 681 |
nombre de communes |
309 |
51 |
980 |
17 787 |
19 127 |
taille moyenne des groupements
|
379,1 |
80,7 |
34,6 |
15,7 |
19,7 |
Source : Direction générale des collectivités locales.
Les groupements à fiscalité propre au 1 er janvier 2000
|
communautés d'agglomération |
communautés urbaines |
syndicats d'agglomération nouvelle |
districts, communautés de villes et
communautés de
communes
|
Total |
|
population
|
6,1 |
4,6 |
0,7 |
5,2 |
20,3 |
37 |
nombre de groupements |
51 |
12 |
9 |
236 |
1 541 |
1 849 |
nombre de communes |
763 |
309 |
51 |
2 363 |
17 870 |
21 356 |
taille moyenne des communes (en milliers d'habitants) |
119,3 |
385,9 |
79,4 |
22,1 |
13,2 |
20 |
Source : Direction générale des
collectivités locales.
Le rôle croisant des établissements publics de coopération
intercommunale à fiscalité propre s'est traduit dans leurs
budgets qui s'élevaient à quelque
55 milliards de francs
en 1997.
Ce réel développement de l'intercommunalité de projet peut
être un facteur important d'évolution de l'organisation
territoriale. D'une part, la question du mode de désignation des
délégués intercommunaux déjà soulevée
lors des travaux préparatoires de la loi du 12 juillet 1999, ne manquera
pas d'être de nouveau posée dans les prochaines années, au
fur et à mesure que le poids des structures intercommunales dans le
paysage local s'accroîtra.
D'autre part, se posera la question de leurs relations avec les communes et
avec les collectivités départementales et régionales, le
renforcement de l'intercommunalité devant être un facteur de
plus grande efficacité
de l'action publique.
Il s'agira donc d'avoir une vision claire des missions confiées aux
différents niveaux d'administration locale, afin que
l'intercommunalité soit un
facteur de clarification
et non pas
source d'une nouvelle complexité dans notre organisation territoriale.