2. l'État, acteur de la vie locale
Incarné au niveau local par le préfet et les
services
déconcentrés, l'État exerce des fonctions de
gestion de
la vie locale
, que ce soit dans les domaines où la loi lui a reconnu
une compétence, ou dans les matières censées avoir
été transférées aux collectivités locales
selon la logique des blocs de compétences : malgré la
volonté initiale du législateur, la décentralisation n'a
pas privé l'État de son rôle d'acteur local. Des pans
entiers de l'action publique sont aujourd'hui
" cogérés " : l'aide et l'action sociales,
l'éducation, la culture, la sécurité...
De plus, l'État a été tenté de
récupérer des compétences de gestion, notamment par la
technique contractuelle
64(
*
)
,
qui lui permet, bien que n'étant qu'un financeur parmi d'autres, de
conserver de fait la maîtrise du pilotage du système.
Interrogé par votre rapporteur, qui considérait que
les fonds
structurels avaient été le moyen pour le préfet de
région de reprendre du pouvoir et de recentraliser
,
M. Anastassios Bougas, chef d'unité adjoint à la direction
de la coordination et de l'évaluation (DGXVI) à la Commission
européenne, a confirmé cette analyse et reconnu que cette gestion
des fonds structurels était une spécificité
française.
Comme l'indique la loi d'orientation du 6 février 1992
relative à l'administration territoriale de la République,
les
services déconcentrés de l'État peuvent concourir par leur
appui technique aux projets
de développement économique,
social et culturel
des collectivités territoriales
et de leurs
établissements publics de coopération qui en font la
demande ; une convention définit les conditions de cet appui.
Or, dans certains cas, cette fonction d'appui est assurée par les
mêmes services qui seront chargés, plus tard, au titre du
contrôle de légalité, d'en évaluer la
conformité à la loi. L'
équipement
est sans doute
emblématique des multiples facettes de l'État : la gestion
des routes nationales et l'intervention au bénéfice des communes
relèvent en effet de logiques concurrentes voire contradictoires. Ainsi,
dans les directions départementales de l'équipement (DDE),
certains agents ou services sont partagés entre une fonction de conseil
aux collectivités locales et leur appartenance à une structure
chargée par ailleurs du contrôle de légalité.
Il existe un
conflit d'intérêt potentiel entre le
contrôle et le conseil.
Toutefois, l'ambivalence n'est pas
forcément négative, s'il s'agit d'un organisme collégial
et s'il est possible d'assurer l'étanchéité des fonctions
de conseil et de contrôle exercées par l'État à
l'égard des collectivités locales.
A l'échelon territorial, le préfet incarne cette ambivalence de
l'État. En particulier, il négocie et signe les contrats de plan
et dirige les services déconcentrés chargés de mettre en
oeuvre les politiques nationales correspondant aux attributions reconnues
à l'État par la loi du 7 janvier 1983 relatives
à la répartition des compétences entre les communes, les
départements, les régions et l'État.
L'institution préfectorale
Le 17
février 2000, date anniversaire de la loi du 28 pluviose an VIII, le
corps préfectoral fêtait son
bicentenaire
. Le préfet
est le seul haut fonctionnaire dont les compétences ont une base
constitutionnelle (article 72 de la Constitution). Sa particularité est
de représenter l'État
65(
*
)
tout en étant le
délégué du Gouvernement
66(
*
)
. Il agit et décide, au nom de
l'autorité de l'État, aux lieu et place et pour le compte du
Gouvernement, en toute validité juridique.
Les préfectures remplissent cinq missions essentielles
67(
*
)
:
- la permanence de l'État et la sécurité : maintien
de l'ordre, protection des personnes et des biens, prévention et
traitement des risques naturels, gestion des crises, mesures non militaires de
défense...
- la réglementation et la garantie des libertés
publiques : nationalité, police administrative, environnement et
urbanisme, notion d'utilité publique, opérations
électorales, entrée et séjour des étrangers,
circulation et sécurité routières, procédures
d'autorisation, coordination interministérielle des politiques
publiques...
- le contrôle administratif des collectivités locales et des
organismes publics : contrôle de légalité,
contrôle budgétaire...
- la conduite et la cohérence des actions de l'État :
direction des services de l'État dans le département ou la
région, mise en cohérence à l'échelon territorial
des politiques des politiques interministérielles, connaissance du
contexte local...
- la rationalisation de la gestion des ressources et des moyens de
l'État : gérer les enveloppes financières
réparties à l'échelon régional ou à
l'échelon départemental, organiser les actions communes à
l'ensemble des services déconcentrés de l'État (patrimoine
immobilier, recrutement, formation, action sociale).
Le préfet est l'unique ordonnateur secondaire des services
déconcentrés des administrations civiles de l'État.
*
Pour ces raisons, l'État ne saurait être un partenaire parmi d'autres pour les collectivités locales . Il est ainsi d'autant plus regrettable que, faute d'une politique affirmée de déconcentration, l'État n'ait pas la capacité d'être, au niveau local, l'interlocuteur fiable que cherchent en lui les collectivités décentralisées 68( * ) .