B. REVOIR LE MODE D'INDEXATION DES CONCOURS FINANCIERS DE L'ETAT
A
l'exception des dégrèvements, dont le montant évolue de
manière automatique, et des subventions, dont le montant dépend
de la volonté de l'Etat, les concours de l'Etat aux collectivités
locales évoluent en fonction d'indexations fixées par la loi.
Les taux d'indexation des dotations de l'Etat aux collectivités locales
sont donc au coeur des relations financières entre l'Etat et les
collectivités locales. Ils jouent un rôle de plus en plus grand
depuis que les impôts locaux sont progressivement transformés en
dotations.
1. Associer les collectivités locales à la croissance
Depuis
la création de l'enveloppe normée des concours de l'Etat aux
collectivités locales, les débats sur la pertinence du mode
d'indexation de chaque dotation a été éclipsé par
celui sur le taux d'évolution de l'"
ensemble
" qui
regroupe toutes les dotations de fonctionnement et d'équipement. En
effet, si l'indexation de l'une des composantes de l'enveloppe normée
est revalorisée, cela se traduit par une réduction du montant de
la variable d'ajustement, la dotation de compensation de la taxe
professionnelle, (DCTP).
Pourtant, les deux débats doivent être menés de
front :
a) Quelle progression pour l'enveloppe normée ?
Le
débat sur le taux d'indexation de l'enveloppe normée est en
réalité un débat sur le taux de progression de la
DCTP
, puisque toutes les autres dotations qui composent l'enveloppe
évoluent en fonction de mécanismes qui n'ont pas
été modifiés depuis 1996. Par conséquent, la
véritable question dans le cadre d'une réflexion sur le
fonctionnement d'une enveloppe normée est : dans quelles conditions
peut-il être acceptable pour les collectivités locales de
consentir à une baisse de la DCTP ?
Le rôle de la variable d'ajustement est de permettre un plafonnement de
la contribution de l'Etat. Dès lors, il faut admettre que la dotation
qui joue ce rôle puisse baisser. En revanche, organiser une baisse
annuelle du montant de la variable d'ajustement comme c'est le cas depuis 1996
n'est pas acceptable.
Il s'agit donc de déterminer quel est le " bon plafond " pour
l'enveloppe normée. Votre rapporteur considère que l'enveloppe
normée devrait augmenter
au même rythme que sa principale
composante, la DGF
. Dans ce cas de figure, la DCTP ne baisserait que si les
autres dotations qui composent l'enveloppe normée augmentaient plus vite
que la DGF. Si les autres dotations évoluaient moins vite que la DGF, la
DCTP continuerait à progresser, ce qui serait légitime puisque,
à l'origine, la DCTP est une compensation d'exonérations de bases
de taxe professionnelle qui, elles, continuent à augmenter.
Dans l'état actuel du mode de calcul de l'enveloppe
normée
380(
*
)
, le bon
taux de progression à retenir pour l'enveloppe serait " l'indice de
la DGF ", qui prend en compte l'évolution des prix et la
moitié du taux de croissance en volume du produit intérieur brut.
Cette suggestion reste une proposition
a minima
puisqu'elle revient
à considérer que l'Etat, malgré la contribution positive
des collectivités locales aux finances publiques et au dynamisme de
l'économie nationale, n'accorderait aux collectivités locales que
la moitié de la croissance du PIB en valeur.
b) Quelle progression pour les dotations de fonctionnement et d'équipement ?
Pour
permettre un plafonnement des concours de l'Etat sans réduire
arbitrairement le montant de la DCTP, il conviendrait que l'enveloppe
normée évolue au même rythme que sa principale composante,
la DGF. Une fois posé ce préalable, il n'en reste pas moins que
les modalités d'indexation des dotations qui composent l'enveloppe
normée doivent elles aussi faire l'objet d'un nouvel examen.
Ces dotations évoluent selon
trois modes d'indexation
différents :
- le
taux d'évolution de la formation brute de capital fixe des
administrations publiques
s'applique aux trois dotations
d'équipement, la dotation globale d'équipement et les deux
dotations de compensation des charges transférées, la dotation
départementale d'équipement des collèges (DDEC) et la
dotation régionale d'équipement scolaire (DRES).
Ce taux paraît le plus approprié, même si les crédits
de la DRES et de la DDEC n'ont pas permis de couvrir l'ensemble des
dépenses résultant du transfert des compétences
correspondantes. S'il fallait remédier à cette difficulté,
une revalorisation périodique de l'assiette des dotations serait
préférable à une modification de leur indexation, qui a le
mérite d'être lisible et adaptée au type de dépense
financé par ces dotations ;
- le
taux d'évolution des recettes fiscales nettes de l'Etat
s'applique aux dotations de l'Etat au fonds national de
péréquation de la taxe professionnelle et au fonds national de
péréquation. Ce mode d'indexation est également pertinent
s'agissant de dotations qui, historiquement, ont été mises en
place pour remplacer l'affectation à ces fonds de compensations
d'exonérations fiscales. Toutefois, il conviendrait de préciser
que ce taux est calculé indépendamment des modifications du
périmètre du budget de l'Etat
381(
*
)
;
- le
taux d'évolution de la dotation globale de fonctionnement
concerne évidemment la DGF, mais également plusieurs dotations
qui évoluent comme elle, au premier rang desquelles la DGD et ses
" satellites " (la DGD Corse et la DGD Formation professionnelle).
Le taux d'évolution de la DGF est différent de l'indice de la DGF
prévu à
l'article L.1613-1
du code général
des collectivités territoriales puisqu'il tient compte du recalage de la
base de la DGF et de la régularisation de son montant. Ce taux peut donc
être supérieur à celui de l'indice de la DGF. Il lui a le
plus souvent été inférieur.
Sachant que les dépenses obligatoires des collectivités
locales augmentent à un rythme soutenu, leur principale dotation de
fonctionnement doit-elle continuer à évoluer en fonction d'un
indice qui ne tient compte que de la moitié du taux de croissance du PIB
en valeur ?
Ne devrait-elle pas plutôt dépendre d'un
indicateur d'évolution des charges des collectivités
locales ? Une telle démarche serait cohérente avec la
jurisprudence du Conseil constitutionnel selon laquelle "
le
législateur peut définir des catégories de dépenses
qui revêtent pour une collectivité territoriale un
caractère obligatoire ; que toutefois les obligations ainsi mises
à la charge d'une collectivité territoriale doivent être
définies avec précision quant à leur objet et à
leur portée et ne sauraient méconnaître la
compétence propre des collectivités territoriales ni entraver
leur libre administration
"
382(
*
)
.
La loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du
territoire du 4 février 1995 avait prévu la création d'un
indicateur de charges, qui n'a jamais été mis en oeuvre. Lors de
son audition par la mission le 8 mars 2000, M. Alain Guengant, professeur
à l'université de Rennes, a souligné que les pays qui
utilisaient de tels mécanismes tendaient à les faire
disparaître en raison des difficultés pratiques qu'ils posaient.
Une solution alternative pourrait consister à mettre en place des
planchers d'évolution
pour les dotations de fonctionnement, en
fonction du taux d'évolution de certaines dépenses obligatoires.
Par exemple, jusqu'au début des années 90, la DGF ne pouvait pas
augmenter moins vite que les rémunérations des agents de la
fonction publique territoriale.
Au cours de leur audition par la mission le 8 mars 2000, notre collègue
Jean-Pierre Fourcade, président du comité des finances locales,
et M. Alain Guengant, ont évoqué la possibilité d'une
indexation de la DGF, voire de toutes les dotations de fonctionnement, sur le
taux d'évolution des
recettes fiscales
nettes de l'Etat (à
périmètre du budget de l'Etat constant). De cette manière,
les collectivités locales bénéficieraient dans les
mêmes proportions que l'Etat des recettes fiscales engendrées par
la croissance économique et, en cas de ralentissement de
l'activité économique, supporteraient le même contrecoup
que l'Etat. Dans une telle hypothèse, il conviendrait cependant de
neutraliser l'effet des éventuelles baisses d'impôt
décidées par l'Etat sur le taux de progression de ses recettes
fiscales au titre d'une année.
Le maintien d'un lien entre l'évolution des concours de l'Etat et le
taux de croissance du PIB en valeur pourrait également être
envisagé, en soulignant que, compte tenu du rôle important de
soutien à la croissance joué par les collectivités
locales, la part du taux d'évolution du PIB qui leur serait
consacrée devrait au moins être supérieure à
50 %.