C. POUR DES IMPÔTS LOCAUX ADAPTÉS ET GARANTIS CONSTITUTIONNELLEMENT
La
préservation de l'acquis de la fiscalité directe locale se heurte
à une double difficulté. D'une part, le " flou " de la
rédaction actuelle de la Constitution n'a pas permis au Conseil
constitutionnel de considérer que les atteintes successives au pouvoir
fiscal local avaient été de nature à entraver la libre
administration des collectivités locales.
D'autre part, l'archaïsme et le caractère injuste des impôts
directs locaux affaiblit le plaidoyer en faveur de l'autonomie fiscale des
collectivités locales.
1. Vers une réforme de la Constitution ?
Le
Conseil constitutionnel a considéré à plusieurs reprises
que la suppression d'un impôt local ne devait pas avoir pour effet de
réduire les ressources globales des collectivités, et que
l'existence d'impôt locaux était une condition nécessaire
du principe de libre administration.
Cette jurisprudence prétorienne n'a jamais abouti à censurer une
disposition législative. La position du Conseil constitutionnel peut se
comprendre puisque la rédaction actuelle de la Constitution n'offre
aucune piste qui pourrait lui permettre de définir le seuil en
deçà duquel une suppression d'impôt local remettrait en
cause la libre administration des collectivités locales.
La définition d'un tel seuil serait d'ailleurs un exercice
compliqué, puisque les différents niveaux de collectivités
locales n'ont pas tous la même proportion de recettes fiscales dans leurs
recettes totales. Par exemple, à la différence des communes, les
régions et les départements bénéficient des
impôts transférés au moment des lois de
décentralisation. Certaines collectivités
bénéficient de produits domaniaux très importants qui
réduisent la part de la fiscalité dans leurs recettes totales.
Le Président du Sénat, M. Christian Poncelet, le président
du comité des finances locales, notre collègue Jean-Pierre
Fourcade, le président de l'association des maires de France, notre
collègue Jean-Paul Delevoye, le président de l'association des
départements de France, notre collègue Jean Puech, et le
président de l'association des régions de France, notre
collègue Jean-Pierre Raffarin, ont considéré qu'il
était temps de
faciliter la tâche du Conseil constitutionnel en
instaurant une protection constitutionnelle de l'autonomie fiscale des
collectivités locales
.
Dans l'exposé des motifs de la proposition de loi constitutionnelle
déposée sur le bureau du Sénat le 22 juin 2000, ils
affirment que "
la protection constitutionnelle de l'autonomie fiscale
des collectivités locales est, plus que jamais, indispensable en raison
des menaces qui plânent sur l'existence même de l'impôt
local.
"
Par ailleurs, l'autonomie fiscale des collectivités locales
est, en France, bien plus nécessaire que dans d'autres Etats, notamment
fédéraux,
pour que nos collectivités puissent
asseoir définitivement leur autonomie politique, dans un pays
marqué par une tradition multiséculaire de centralisation.
"
Le législateur de 1982 ne s'y était d'ailleurs pas
trompé en prévoyant qu'une partie des transferts de charge serait
compensée par des ressources fiscales nouvelles
transférées par l'Etat
".
Le dispositif proposé pour le nouvel article 72-1 de la Constitution du
4 octobre 1958 repose sur quatre principes :
- l'autonomie fiscale est consubstantielle du principe de libre
administration : "
la libre administration des
collectivités territoriales est garantie par la perception de ressources
fiscales dont elles votent les taux dans les conditions prévues par la
loi
" ;
- une meilleure définition du seuil en deçà duquel la
suppression d'impôt locaux serait de nature à remettre en cause la
libre administration : "
les ressources fiscales
représentent la part prépondérante des ressources des
collectivités territoriales
" ;
- une invitation à une réforme en profondeur de la
fiscalité directe locale dépassant les traditionnelles
" quatre taxes ", en rappelant que "
les collectivités
territoriales peuvent percevoir le produit des impositions de toute
nature
" ;
- l'interruption du mouvement de remplacement des impôts locaux par des
dotations : "
toute suppression d'une ressource fiscale
perçue par les collectivités territoriales donne lieu à
l'attribution de ressources fiscales équivalentes
".